Accueil Site Page 2809

La baby-boum

31

Et si le monde n’avait pas été créé entre mars et mai 1968 ? Hypothèse sacrilège quand l’objet mémoriel « mai 68” est devenu tellement mythique qu’on ne l’évoque plus que par son petit nom. On dit « 68” comme on dit « 89” ou « 93” (1793, enfin, pas le 9-3).

On l’aura compris, c’est à ce « 68” bardé de guillemets que l’on va s’intéresser ici et non pas à l’événement – si tant est que l’on puisse parler d’événement.

Il s’agit d’interroger cette mythification – ou cette mystification. Peut-on réduire « 68” à quelques slogans et l’interpréter seulement à l’aune de leurs supposées répercussions? Pourquoi tant d’émotions positives ou négatives ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à tourner la page de « 68” ainsi que ne cesse de le réclamer Daniel Cohn-Bendit (sans doute contraint par quelque puissance terrible de participer aux innombrables émissions consacrées au joli mois de mai) ?

C’est peut-être dans un étrange silence qu’il faut chercher la signification profonde de ce tintamarre décennal. En effet, alors que la France aime tant les commémorations à chiffres ronds, le quarantième anniversaire de mai 1968 semble avoir totalement effacé le cinquantième anniversaire du 13 mai 1958. La Ve République ne s’intéresse ni à ses origines, ni à son fondateur. L’hôte de l’Elysée se proclame gaulliste et anti-soixante-huitard ; en vérité, il est soixante-huitard et anti-gaulliste.

Derrière cet anniversaire qui en cache un autre, il y a peut-être l’un de ces secrets de famille que l’on s’efforce d’oublier sans jamais y arriver. Avançons l’hypothèse que cette névrose nationale reflète un violent conflit intérieur entre la pesanteur de l’Histoire vécue et la légèreté d’un universel rêvé. D’un côté, la guerre d’Algérie, l’appel au Père, le Général au caractère trempé dans le sang des guerres du passé – en somme, l’histoire concrète du « cher et vieux pays » ; de l’autre, l’amour sans contrainte, le désir au pouvoir, la liberté sans limite (l’un des plus beaux oxymores de l’époque), bref le rêve d’un monde sans frontières, d’une humanité réconciliée judicieusement dépeinte par Philippe Muray sous les espèces de la post-Histoire.

« 68”, c’est la victoire du made in America sur fond de Us go home.

Dans l’imaginaire de la génération baby boom, tout, jusqu’au nom, est importé d’Amérique. Elle grandit dans un monde où la vulgate du travail du pédiatre américain Benjamin Spock fait partie de ces évidences qui constituent le « sens commun ». Les idées de Spock n’étaient pas nécessairement dénuées de pertinence au départ ; remâchées par l’industrie du divertissement, elles engendrent l’enfant-roi des années 50[1. Comment soigner et éduquer son enfant a été publié en France en 1952 par les éditions Marabout et fut un bestseller.]. Lequel deviendra, dans les décennies suivantes, un adulte impérieux et capricieux, peu soucieux d’offrir à ses descendants une place dans le monde.

Entre-temps, les rejetons de la Génération lyrique (titre d’un formidable essai du Canadien François Ricard) se sont adonnés aux joies de la pop music. Ils auront légué au monde l’audacieux concept de « culture jeune », durable eldorado pour marchands de tout. La musique est au cœur de cette identité collective scellée par l’âge. Un phénomène structurant, comme disent les marketeurs. Exemple paradigmatique du phénomène en question, le grand concert gratuit du 22 juin 1963 organisé par Europe n°1 pour le première anniversaire du mensuel Salut les copains, scelle les noces du marché, des médias ; et de l’Amérique[2. Pour une analyse fine et intéressante de ce phénomène, voir Les baby-boomers de Jean-François Sirinelli.]. Les vedettes de la soirée sont Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, respectivement Claude Moine et Jean-Philippe Smet. Quelques jours plus tard, Edgar Morin qualifie cette musique de « yé-yé » (francisation de yeah, yeah, le yes américain). Il ne sait peut-être pas à quel point il fait mouche.

Les idées qui forment ce qu’on appelle depuis lors « l’esprit 68” sont également made in USA. Pour l’essentiel, il s’agit d’une compilation hâtive de notions tirées d’Herbert Marcuse, universitaire américain d’origine allemande et prophète du mouvement étudiant sur les campus. Dans la tradition de l’Ecole de Francfort, son analyse critique de la société américaine, donc de toutes les sociétés occidentales de l’époque, conjugue marxisme et psychanalyse pour faire du conflit entre réalité et désir le moteur de l’histoire et de la politique. D’où la place conférée à l’érotisme et à l’imagination. Bien entendu, très peu d’étudiants ont pris la peine de lire Eros et civilisation ou L’homme unidimensionnel, mais les slogans les plus identifiés à « 68” sont bien l’écho dégradé de ces ouvrages.

Logiquement, la Guerre du Vietnam (et non pas la guerre française d’Indochine qui fleure le vieux monde) apporte ce piment indispensable qu’est la contestation. On peut difficilement communier dans la consommation, un peu plus dans la libération sexuelle, mais ce qui légitime l’ensemble, c’est le refus d’un ordre structurellement injuste. Les années 60 laissent sur le ressac le modèle, inoxydable depuis lors, de la « jeunesse en lutte ». Elles inventent par la même occasion les débuts de la subversion en rangs serrés.

Même la figure du mal, donc, vient des campus américains. Le mai 68 français commence le 22 mars, deux jours après l’arrestation d’un étudiant de Nanterre coupable d’avoir brûlé publiquement un drapeau américain au cours d’une manifestation contre la guerre au Vietnam. Cohn-Bendit et ses collègues de Nanterre rebaptisent « Che Guevara » l’amphi de Nanterre dans lequel ils fondent le « mouvement de 22 mars » (rappel volontaire ou non du mouvement du 26 juillet 1954 fondé par Fidel Castro). La référence américaine est souvent agrémentée de couleur locale. Même lorsqu’ils prennent le nom d’Enragés, les étudiants qui battent le pavé parisien voudraient que Nanterre soit Berkeley et Paris San Francisco. Ils ne le savent pas. Leur rêve est américain, c’est-à-dire, croient-ils, universaliste. Il se révèlera platement mondialiste[3. Si les mêmes détestent aujourd’hui l’Amérique, c’est autant parce qu’elle prétend avoir son identité propre qu’à cause du contenu même de cette identité.].

Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi 58 a perdu la guerre des mémoires. Car 58, c’est l’incarnation parfaite du particulier, du Français, de tout ce qui fait de ce pays un phénomène singulier – son histoire. L’agonie de la IVe République est 100% française, tout autant que son dénouement sous les traits de de Gaulle. Français, l’homme de Colombey, la guerre d’Algérie, les ombres du passé, les formidables réussites d’un régime décrié (la reconstruction du pays et les dix premières des Trente Glorieuses). Beaucoup trop français.

La génération lyrique a réussi à escamoter ce qui ne venait pas d’elle, à commencer par la grande victoire républicaine et démocratique que fut 1958. Fait sans précédent en France, une République malade cédait la place à une autre sans passage par un régime autoritaire. Ce ne fut pas seulement l’œuvre d’un homme qui, à 67 ans, n’avait pas l’intention de commencer une « carrière de dictateur », mais aussi celle d’une société et d’une culture politique (celles des « pères ») qui surent éviter une guerre civile et assurer seize années supplémentaires de croissance. Or, sans confort matériel et sans sécurité des biens et des personnes, point de Johnny, ni de SLC, ni de piscine à la fac de Nanterre.

Encouragé par la prétendue « croisade » anti-soixante-huitarde lancée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle (croisade qui pour l’essentiel tient en un discours démenti par une foultitude d’actes présidentiels), le cru 2008 du festival 68 est un remake de plus de l’autocélébration d’une génération encensée depuis le berceau. Avant même de venir au monde, les rejetons du baby boom sont porteurs d’un immense espoir. Ne sont-ils pas ces « douze millions de beaux bébés en dix ans » que le Général, en 1945, appelait de ses vœux ? Les bébés de l’espoir deviendront les enfants de la prospérité. Nés trop tard pour 1958, beaucoup connaîtront en leurs premiers émois historiques (et autres) en 1968. Et puisque de ces événements-là, ils auront été non seulement les contemporains, mais les acteurs, ils leur donneront le nom de Révolution. On connaît la suite. Puisqu’ils prétendaient avoir changé le monde, il était bien normal que celui-ci leur appartînt.

Les OGM : dangereux pour la santé ?

55

Pas un débat, pas une discussion, en privé ou en direct, sans que les pourfendeurs des Organismes Génétiquement Modifiés ne vous sautent au cou. Interroger leurs arguments, les discuter simplement, c’est déjà basculer dans le camp du Mal. Sur le fond, ont-ils raison, ont-ils tort ? C’est bien là le problème: leur agressivité quasi-mystique contribue à brouiller le débat, à la plus grande joie des multinationales de la chimie comme Monsanto.

C’est que les Croisés de l’altermondialisme ne cherchent pas à éclairer les citoyens, mais édifier le peuple des internautes. Et cela donne tantôt le comique Michaël Moore, tantôt le sinistre Cauchemar de Darwin ; tantôt une salubre Vérité qui dérange, tantôt le délire conspirationniste d’un Thierry Meyssan. Où en sommes-nous en matière d’OGM ? Puis-je, moi, en servir à mes deux charmants bambins ou bien dois-je observer la plus grande vigilance à leur égard, voire même militer en faveur de leur bannissement ?

En recevant dans l’émission « Parlons Net », la journaliste Marie-Monique Robin auteur d’un documentaire aussi saisissant que manichéen (Le Monde selon Monsanto), nous pensions, David Abiker (France Info), Philippe Cohen (Marianne2.fr) et votre serviteur, être enfin éclairés. Las ! Notre invitée aura passée une heure à vomir la cohorte (dont nous faisions partie…) des imbéciles, des feignants, des corrompus, des manipulés, des jaloux et des médiocres osant questionner son enquête. Oui, nous a-t-il fallu admettre, nous ne sommes pas des spécialistes du soja W/3,1416 – si toutefois cette semence frankensteinienne existe. Et non, nous ne comprenons pas que dans un débat, quels qu’en soient les enjeux, on confonde vulgarisation et vulgarité. Les « citoyens-consommateurs » méritent mieux.
David Martin-Castelnau

[daily]x54f2u[/daily]

Agression textuelle à Libé

233

Les privilégiés qui ont la chance de me connaître le savent : peu de choses m’agacent autant que le pathos dans la presse. Du JT de Claire Chazal aux éditos des Inrocks, qu’il s’agisse du Darfour ou de l’anorexie, c’est à sa capacité de s’indigner et de nous indigner qu’on distingue aujourd’hui le professionnel de talent. Et si je me laissais aller, en réaction au flux incessant des citations à compatir, j’en finirais par trouver les famines anodines, les Boulogne Boys spirituels et les dirigeants chinois sévères mais justes (quoique sur ce dernier point, je pense grosso modo la même chose quand je ne me laisse pas aller, mais personne n’est parfait…)

Eh bien, pour une fois, mes idées en la matière progressent ! Voilà comment Libération du mercredi 23 avril rend compte du meurtre d’une étudiante suédoise : « Vendredi soir, Susanna est rentrée seule en taxi d’une boîte de nuit parisienne « La Scala ». Mais elle n’est jamais arrivée à destination. Son corps a été retrouvé samedi, en partie brûlé, les mains menottées dans le dos dans la forêt de Chantilly. »

Jusque-là, rien d’anormal – si ce n’est en matière de ponctuation et de syntaxe. Mais l’affaire rebondit dans la suite de l’article : « En février dernier, il était arrivé une mésaventure similaire à une autre Suédoise. Elle avait emprunté un taxi en région parisienne puis avait été violée. »

Vous avez bien lu : mésaventure. Le viol, une mésaventure ? Cette approche semble novatrice dans un quotidien d’ordinaire plus sensible aux « droits des femmes » et aux arguments de leurs « défenseures ». A preuve, voici les titres et les chapeaux des premiers articles obtenus en cherchant « viol » dans les archives de Liberation.fr :

Mésaventure 1 : « La religion du silence fissurée par les plaintes des élèves : Procès. Jugé pour viol, un enseignant de Saint-Germain-en-Laye a écopé de huit ans de prison. Au collège de St-Erembert, tenu par les oratoriens, on pétrit des principes. On aime la discrétion et on abhorre le scandale. On éduque aussi des enfants[1. Libération, 24 novembre 2007.]. »

Mésaventure 2 : « Congo : le viol, arme de guerre. Les violences faites en toute impunité aux femmes par les milices et les armées régulières détruisent les familles et, au-delà, la société[2. Libération, 8 mars 2007.]. »

Mésaventure 3 : « A Tawilah, les femmes entre viol et silence. Les réfugiées sont des proies faciles pour les mercenaires du pouvoir de Khartoum[3. Libération, 20 mars 2007.]. »

Mésaventure 4 : « Anita, expulsable, accuse un policier de tentative de viol. Une Serbe de 20 ans dit avoir été agressée au centre de rétention de Bobigny à l’été 2005[4. Libération, 9 août 2006.]. »

De fait, dans les colonnes du journal, tous les articles traitant d’agressions sexuelles se situent dans les mêmes registres linguistique et éthique, et pour cause : à Libé, on ne badine pas avec ces choses-là. Le viol y est toujours évoqué pour ce qu’il est : un acte de barbarie. A ma connaissance, il semble que jusque-là, cette règle n’avait souffert aucune exception.

Alors on est obligé de se poser quelques questions. Pour quelles raisons un crime est-il soudainement déclassé en mésaventure ? Ou pour quelle déraison ?

Est-ce parce que le violeur n’était ni enseignant dans une école catholique, ni mercenaire soudanais, ni policier à Bobigny ? Ou bien parce que la victime ne vient ni de Serbie, ni du Congo, ni du Darfour ? Et la nationalité suédoise de la victime est-elle une circonstance atténuante au point de transmuter la barbarie en fantaisie ?

En ce qui me concerne, je ne crois pas que cette banalisation d’un crime soit intentionnelle. Je plaide la bavure. Un journaliste un peu plus ignare que la moyenne, un chef de service un peu plus bourré que d’habitude, et hop, le coup est parti !

Et honnêtement, je crois qu’il n’y aurait pas eu cette bavure si le bourreau avait appartenu au camp des salauds habituels ou si la victime était issue d’une « minorité sensible » ; auquel cas, il se serait forcément trouvé quelqu’un, dans la longue chaîne qui va de la dépêche AFP à l’article imprimé, pour tirer le signal d’alarme. Manque de bol, une étudiante suédoise, ça ne suscite pas immédiatement la vigilance citoyenne et les flots d’adjectifs indignés qui vont de pair. Une étudiante suédoise, c’est tout juste si ça réveille quelques souvenirs de films polissons des années 60.

En cas de viol, mieux vaut ne pas appartenir à une minorité insensible.

Un nouveau 21 avril

71

Aucun front républicain en vue, aucune manifestation Nation-République ni sit-in à l’heure du thé devant Colette, aucune collégienne en fleur menaçant de se cuiter au Champomy ni de lycéenne menaçant de renoncer à écouter Tokio Hôtel si cela advenait, pas la moindre starlette, pas un seul comique-troupier pour crier des no pasaran gros comme des monocles : décidément, la vie politique française n’est plus ce qu’elle était.

Et pourtant, qui peut oublier qu’il y a six ans exactement le monde politique français était agité d’un séisme sans pareil – sans toutefois que l’on ait encore pu en mesurer toute l’onde de choc. Seuls les Taïnos avaient éprouvé les répercussions directes de ce drame interplanétaire lorsque, fondant le musée Branly afin de répondre à cette grave crise politique que traversait votre pays, Jacques Chirac déclara : « Nous sommes tous des Taïnos allemands. » Ou quelque chose comme ça.

Or, selon toute vraisemblance, un nouveau 21 avril est en train de se produire. J’entends d’ici les ricanements des sceptiques : avez-vous une preuve ? Je l’affirme : depuis 0 h 00 (GMT), la France se rejoue un 21 avril, et cela ans que personne ne proteste. Indifférence ? Lassitude ? Exaspéritude ? Indifférentisme ? Nul ne le sait. Ce dont on est certain c’est que Lionel Jospin n’envisage pas de faire de déclaration annonçant qu’il renonçait à tout jamais à la politique.

Hier encore à deux doigts de sombrer dans le fascisme (comme nous l’expliquait l’ensemble des politologues français, de Gérard Miller à Emmanuelle Béart), la France ne semble plus être agitée par les vieux démons et l’hydre à un œil de la Trinité-sur-Mer, mais par ses sordides problèmes de fins de mois : on ne diabolise donc plus personne quand les temps sont venus de s’occuper à tirer le diable par la queue. On jette aux orties la très nietzschéenne volonté de puissance, quand le pouvoir d’achat vide les bourses et préempte les esprits. Et puisqu’il a la forme d’une tirelire, on est tout prêt à croire, au-delà de ses croyances religieuses, que dans le cochon tout est bon.

Le problème, nous le connaissons depuis Aaron (le frère de Moïse), c’est qu’en politique le cochon ne suffit pas : nous voulons des veaux d’or. Le pire, c’est que nous en aurons.

Traduit de l’allemand par l’auteur.

Mai 1968 ou le vide en héritage

294

Nous sommes les héritiers de Mai 1968. C’est indubitable. Mais nous ne nous sommes plus que cela. Ceux qui, comme moi, sont nés après 1970, n’ont reçu en héritage que ce que leur a légué la génération précédente, celle qui avait une vingtaine d’années lors des réjouissances printanières où tant de gens ont cru voir une révolution. Et cet héritage est bien pauvre : il consiste en une propension juvénile à la déploration et à la dénonciation publique, en une confiance illimitée et aveugle en la jeunesse et en soi, en une détestation de principe de l’autorité et en un rejet haineux du passé.

« Du passé faisons table rase », disait l’Internationale, Mai 1968 et ses petits soldats lyriques l’ont fait, en braillant : « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est assez réussi : plus un élève qui ne sache qui est Danton ou Marat, plus un élève qui sache distinguer une église romane d’un lavoir, plus un élève qui sache même qui furent Lénine et Mao. Les élèves font désormais le même usage de l’histoire que celui de leurs ainés : l’histoire n’est bonne qu’à proposer les ébauches imparfaites de notre modernité

Il était frappant, lors du mouvement anti-CPE, d’observer le mimétisme des enfants et voire des petits enfants des « révolutionnaires » de Mai, qui n’avaient qu’une idée en tête, répéter Mai.

Il serait intéressant, en ces temps de commémoration lyrique, de soumettre les jeunes générations à une petite épreuve. Elle consisterait à leur faire lire les slogans inscrits sur les murs des rues et des universités en 1968 et à leur demander ce qu’ils en comprennent. On se rendrait alors compte qu’ils n’y comprennent rien, ni le sens, ni, plus grave, l’humour souvent référentiel (notamment des citations de Saint-Augustin, Napoléon, Ambrose Bierce, Alphonse Allais, etc.)

Enfants gâtés de l’histoire, ils furent la première génération depuis la nuit des temps qui ne connut pas la guerre, ni même sa menace – tandis que la génération précédente avait encore connu la guerre d’Algérie –, ils furent la dernière génération à connaître une telle prospérité et ce qui l’accompagnait, à savoir des carrières nombreuses et brillantes possibles à une époque où tout se développait et s’élargissait : les entreprises, les universités, les Grandes Ecoles, etc. Ajoutons qu’ils ne connurent pas, dans leur jeunesse, la psychose sexuelle induite par l’apparition du SIDA.

Gâtés par l’histoire, ils le furent aussi par l’instruction. Les premiers, ils reçurent si nombreux une excellente formation classique (latin, grec, littérature classique, une belle langue française, etc.) et les derniers, ils reçurent l’héritage populaire de nos provinces, ses langues (dialectes français, occitan, breton, basque, alsacien, gascon, etc.) et ses traditions.

Comme tous les enfants gâtés, ils ont détruit ce qu’ils avaient reçu, ce que l’histoire avait conservé si longtemps, ces langues, ces traditions et cet enseignement hérité des jésuites et généralisé par la République. Ils remplacèrent tout cela par leurs caprices, par leurs fantasmes et par la seule mémoire de leur jeunesse.

Ma génération est la première à n’avoir rien reçu : ni langue régionale (le fameux patois dont le patrimoine est parfois éminent, si on parvient à se souvenir des troubadours – ce que font les Italiens et les Catalans, mais pas nous) ; ni formation classique (les classes de latin et grec ont fermé presque partout, en dépit de la défense menée par leurs ainés, telle Mme Jacqueline Worms de Romilly) ; ni même, et c’est plus grave, culture nationale : nos élèves ignorent presque tout de l’histoire de France, de sa littérature classique et leur maîtrise du français est confuse et laxiste, conforme au fond aux seules exigences qu’on a fait peser sur eux et qui se résument à l’expression de soi (à la place de l’expression tout cours).

Bartabas rappelait récemment le péché de la génération 1968 par ces mots : « Ce que la génération qui m’a précédé – celle de 68 – a oublié d’assumer : la transmission du savoir. »

Nous n’avons reçu que le narcissisme des enfants gâtés de l’histoire et leurs bons sentiments ; nous n’avons reçu aucun savoir, ni aucun savoir-faire. N’est-ce pas dès lors à notre génération de dresser le bilan de Mai 1968 et de l’œuvre de ses acteurs, plutôt qu’à celle qui déjà a suffisamment fait pour rendre abruties et incultes celles qui viendraient après ? Or, on n’entend qu’eux ! Depuis quarante ans, on n’entend qu’eux, comme si la France avait commencé avec leurs cris et leurs slogans ; ils pavanent tous ces jours-ci, comme des anciens combattants alors que ce sont de nouveaux rentiers. Les vrais résistants, qui devaient leur carrière à leur engagement, avaient de la pudeur et du courage, EUX.

La crise de l’identité française n’est pas difficile à expliquer. Depuis Mai 1968 et conformément au crédo de ses acteurs, la France est considérée comme le pays des droits de l’homme et n’est que cela.

Oubliées les mémoires provinciales qui permettent de comprendre que la France s’est constituée au gré d’une histoire diverse et complexe, une histoire dont la République n’est que le dernier chapitre ; oubliés les siècles sans démocratie où l’Europe admirait pourtant nos écrivains et nos savants et nos soldats ; oubliées ses racines chrétiennes, latines, grecques, germaines ; oubliés ses patois ; oubliée la langue scolaire qui, pourtant, souda la nation d’abord son élite, puis, l’école se développant (et la guerre mélangeant les gens de toutes les provinces), toutes les autres couches de la société.

Ce qui fait une nation, c’est une commune mémoire. Nous n’en avons plus. Rien n’est plus écœurant pour ceux de ma génération que d’entendre à longueur de journée le diagnostic de tous ces irresponsables qui, passées les journées de Mai, une fois arrivés aux affaires (ils y sont toujours), n’ont eu de cesse que de réaliser leurs fantasmes : l’enfant au centre (de tout), les vieilles lunes aux oubliettes (les souvenirs inutilisables symboliquement, les langues régionales (inutiles pour l’ascension sociale et trop liées au passé et à la campagne), les humanités (latin, grec et culture religieuse), toutes les formes (vestimentaires, linguistiques, la politesse, etc.) et la sélection).

Les fossoyeurs de la mémoire et des langues s’érigent, depuis quarante ans, en médecins de celles-ci, qui prennent leurs modèles là où la mémoire survit moins encore.

Les pays scandinaves, sans cesse donnés en exemple, sont malades plus encore que nous : leurs enfants n’y apprennent presque rien (l’anglais qu’ils parlent si bien, ils l’apprennent à la télévision où rien n’est doublé), ils se désintéressent de leur histoire – les départements de scandinave ancien sont désertés par les Danois et les Suédois (où d’ailleurs ils ont même tendance à fermer).
Mais ils ne sont pas nombreux et les sociétés sont assez homogènes et prospères, aussi l’identité nationale est-elle préservée – mais pour combien de temps et dans quelles conditions ?

Les acteurs de Mai détestent la France, ils n’en aiment que les quelques symboles utilisables : la Révolution française, la Résistance (et encore) et une partie de son patrimoine artistique et culinaire. Ceux-là (et certains de leurs disciples dociles des générations suivantes) invoquent dès qu’ils peuvent les autres périodes de notre histoire comme des repoussoirs dont les gens ne savent plus rien désormais de toute manière : l’Ancien Régime (dont on confond tous les rois et toutes époques), le Moyen Âge (dont on ignore tout et qu’on caricature sous les traits de l’Enfer de Dante, auteur aujourd’hui ignoré universellement), l’Empire (Napoléon est de plus en plus décrit comme un Hitler – selon une lecture anglo-saxonne), le Second Empire (dont on ne retient rien alors qu’il permit de moderniser le pays et de développer un grand nombre de nos régions, dont le Sud-Ouest), Vichy (la référence et le résumé de la France selon BHL, dans L’idéologie française qui fut la Bible de nombreux acteurs de Mai)…

Comment s’étonner que le résultat de leurs travaux politiques, sociaux et idéologiques soit une générale détestation de la France, de son passé, de son présent et de tout ce qui y est associé, qu’une partie de notre jeunesse aille au stade pour siffler son hymne national, qu’elle n’hésite pas à quitter le pays ou la langue française ?

Le sentiment national est nécessairement un sentiment particulier : c’est le sentiment d’appartenir à une histoire particulière, de participer à une aventure particulière, de parler une langue particulière et de vivre sous des lois particulières.
Tout à leur lyrisme, les acteurs de Mai, ont décidé de renoncer au particulier pour embrasser l’universel : la France n’est plus que la patrie des droits de l’homme, l’expérience française, libérée de son lourd héritage historique, n’est qu’une promesse de justice sans cesse trahie – une bonne raison de redescendre sans cesse dans la rue commémorer Mai.
Aucune nation ne peut se nourrir que d’universel et chaque fois qu’une nation s’est pensée comme universelle, encore que cette pensée ne fut alors jamais qu’un horizon, cela se traduisit par des guerres et de l’expansion. La colonisation en fut un symptôme : si la France est universelle, pourquoi devait-on en priver les peuples ?

Il est évident qu’on ne restaurera pas l’identité nationale en se contentant d’expulser sans grand discernement un maximum d’étrangers et qu’on n’enseignera pas l’amour de la France et de sa langue (voire de ses langues) par un catéchisme scolaire vidé de toute mémoire et des coupes du monde.

La France est un pays fort de traditions savantes, linguistiques, historiques et universitaires riches et nombreuses. C’est un pays au patrimoine inépuisable mais menacé, par l’indifférence (on détruit de plus en plus d’églises et les châteaux sont massacrés les uns après les autres par de funestes transformations ou, tout simplement, la ruine).

Les acteurs de Mai détestent tant l’héritage qu’ils considèrent qu’on ne le taxe jamais suffisamment, qu’on ne l’entrave jamais suffisamment, car rien n’est plus inique que l’héritage. Je m’étonne souvent qu’ils n’aient pas encore envisagé d’égaliser les patrimoines génétiques (les héritages biologiques)… mais soyons patients : leur passion de l’égalité et leur haine de l’héritage les y conduiront un jour.

Les acteurs de Mai ont oublié une chose importante : tout héritage s’accompagne de dettes ; les premiers, ils ont joui de l’héritage en ignorant les dettes, à commencer par celle qu’on contracte en recevant tout héritage : celui de le transmettre à la génération suivante. Cette dette est une dette laissée non seulement par ceux qui nous ont précédés, mais aussi et surtout qui nous lie à ceux qui viennent et à qui nous devons confier mémoire et savoir car ils sont l’avenir.

Que transmettront ceux de ma génération et ceux de la génération suivante ? On ne fait pas une nation et une histoire avec de la bonne conscience et quelques symboles réconfortants. La nation se bâtit dans les mémoires et dans la langue, pas sur le pavé à hurler des slogans ineptes – les mêmes depuis trente ans (les seules chansons que les plus jeunes partagent avec les plus vieux sont ces chants fort laids des manifestations…).

Ceux qui ont acquis leur rente en jetant des pavés voudraient qu’on les admire d’avoir joui sans partage de leurs privilèges pendant tant de temps en cherchant à nous faire verser une larme émue sur leurs faits d’arme. Ce n’est plus odieux, c’est obscène.

Mohamed Al Doura et le Parti des Médias

« A quoi bon ressortir cette vieille histoire ? » « De toute façon, le mal est fait ». Telle a été la première réaction de ceux à qui nous avons confié notre intention de revenir sur « l’affaire Al Doura ».

Mohamed Al Doura, pour ceux qui l’auraient oublié, est ce petit garçon palestinien dont France 2 a présenté, le 30 septembre 2000, la mort dans les bras de son père, dans des affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens au carrefour de Netzarim à Gaza. Monté et commenté par Charles Enderlin, le correspondant de France 2 à Jérusalem à partir d’images tournées par son cameraman palestinien Talal Abu Rahma, ce reportage a fait le tour du monde. L’enfant est devenu une icône dans le monde arabe et au-delà[1. Rappelons que Catherine Nay a cru bon d’affirmer que l’image de Mohamed effaçait celle de l’enfant juif du ghetto tenu en joue par des SS]. On a donné son nom à des rues, à des écoles, des timbres à son effigie ont été édités, des chansons et poèmes ont célébré sa mémoire. Bref, le petit Mohamed est, pour des millions de personnes à travers le monde, un symbole, un symbole de la barbarie israélienne, voire, pour certains, de la bestialité juive.

C’est vrai, le mal est fait. L’impact de cette image ne sera pas effacé. La « Place de l’Enfant martyr palestinien » à Bamako ne sera pas débaptisée. Du point de vue du conflit israélo-palestinien, l’épisode est clos. D’autres visages, d’autres morts, d’autres souffrances sont venues, depuis huit ans, peupler les vies et les imaginaires.

Restent les questions posées au journalisme télévisé et au journalisme tout court. Questions d’autant plus pressantes que voilà presque huit ans qu’elles demeurent sans réponse. Aux doutes et interrogations suscités par son reportage, France 2 a répondu par le silence ou le mépris – en fonction de la surface sociale de ceux qui l’interrogeaient[2. Denis Jeambar qui était alors patron de L’Express et Daniel Lecomte, producteur de télévision, ont eu droit à un traitement de faveur lorsqu’ils ont enquêté sur l’affaire en octobre 2004. En effet ils ont été invités par la direction de France 2 à visionner les vingt-sept minutes de rushes réalisées par Talal Abu Rahma, ce qui a été refusé à beaucoup d’autres, notamment Elisabeth Lévy pour l’édition du Premier Pouvoir sur France Culture consacrée à l’affaire le 26 février 2005.]. Et quand ces doutes se sont transformés en polémiques, la profession a fait corps autour de l’un des siens, odieusement attaqué, contribuant au passage à transformer l’affaire Al Doura en affaire Enderlin.

Morale de l’histoire : un journaliste ne peut pas se tromper. Le critiquer revient nécessairement à attenter à son honneur, et donc, à celui de toute la profession. Circulez, rien à voir. Comme la terre autrefois, la télé ne ment pas. S’interroger sur la réalité de ce qui nous est montré, c’est céder aux sirènes du complotisme. A l’ère de l’incrédulité érigée en principe, le Parti des Médias exige une foi aveugle. Telle est en effet la conclusion qui s’impose : il existe un Parti des Médias qui évoque furieusement les Partis communistes d’antan. Les intérêts supérieurs du Parti passent avant tout. Ceux qui se posent des questions sont des irresponsables, des salauds ou des traitres.

Afin de résumer un dossier qui, en huit ans, s’est considérablement alourdi, il n’est pas inutile de revenir sur les différentes interprétations de ce qui s’est passé, ce jour-là, au carrefour de Netzarim à Gaza.

1. Mohamed est mort, tué volontairement par des soldats israéliens. C’est ce qui ressort du commentaire de Charles Enderlin au soir du 30 septembre. « Les Palestiniens ont tiré à balles réelles, les Israéliens ripostent. Les cameramen, les passants les ambulanciers sont pris entre deux feux. Djamal et son fils Mohammed sont la cible de tirs venus de la position israélienne. (…) Mohamed est mort. Son père gravement blessé. » La déclaration sous serment faite le 3 octobre 2000 par Talal Abu Rahma au Centre palestinien des Droits de l’homme est encore plus nette : « Je peux confirmer que l’armée israélienne a tué l’enfant et blessé le père intentionnellement et de sang-froid. » Consciemment ou pas, la plupart des observateurs (y compris en Israël) ont à l’époque intégré l’idée que l’enfant avait été assassiné. Le surlendemain de la diffusion du reportage, le chargé d’affaires israélien à Paris, invité de France Inter, est cueilli à froid par une question sans équivoque : « Sincèrement, la mort de ce gosse est injustifiable, quelque soient les raisons pour lesquelles il a été tué. On ne peut pas tuer les enfants comme ça. » Le 7 octobre, au cours de l’émission du médiateur de France 2, Jean-Claude Allanic, celui-ci affirme : « L’horreur absolue, c’est l’assassinat d’un enfant. »

2. Mohamed est mort, victime de balles israéliennes dans des circonstances non élucidées. C’est la version de Charles Enderlin quelques jours après les faits. Interrogé par le médiateur de France 2, il répète que, selon son caméraman en qui il a pleinement confiance, les balles étaient israéliennes. En revanche, il admet n’avoir pas de certitude sur les circonstances du drame, c’est-à-dire sur ce que les soldats pouvaient voir de leur fortin. Cette version est proche de celle qui, dans un premier temps, a été validée par l’armée israélienne.

3. Mohamed est mort, tué par des balles dont il est impossible de connaître l’origine. C’est finalement ce que soutient Arlette Chabot dans un entretien accordé à Radio J en novembre 2004. « Est-ce que Mohamed, le petit Mohamed (et) son père ont été blessés et tués par des israéliens ou les Palestiniens. Je ne suis pas sûre que l’on ait un jour la réponse exacte à cette interrogation (…). Mais ce jour là l’idée la plus évidente, c’était que les tirs venant de la position israélienne, c’étaient des Israéliens ; bon voilà. Y a polémique, y a discussion, d’ailleurs je constate qu’aujourd’hui personne n’a de vérité absolue sur ce sujet et qu’y a toujours un doute. » Cette version prudente est confirmée par Talal Abu Rahma dans une déclaration faxée à France 2 le 30 septembre 2002 (deux ans après les événements). « Je n’ai jamais dit à l’Organisation Palestinienne des Droits de l’Homme à Gaza que les soldats israéliens avaient tué intentionnellement et en connaissance de cause Mohamed Al Doura et blessé son père, écrit-il. Tout ce que j’ai toujours dit dans les interviews que j’ai données est que d’où j’étais, j’ai vu que les tirs venaient de la position israélienne[3. Au moment où nous écrivons, cette déclaration se trouve toujours sur le site du Centre.]. » En quatre ans, France 2 est donc passé de la certitude au doute. Sans en tirer d’autres conclusions.

4. Mohamed n’est pas mort, et le reportage est une mise en scène. Cette thèse apparemment radicale est d’abord soutenue par la Mena (Metula News Agency, agence de presse francophone israélienne). Luc Rozensweig, ancien journaliste au Monde, qui a enquêté en Israël, a également la conviction qu’il s’agit d’une manipulation. De son côté, Philippe Karsenty, qui a fondé en France un site de « surveillance des médias », Média-Ratings, pense que France 2 a couvert après coup une « imposture médiatique ». Ce qui lui vaut d’être poursuivi pour diffamation devant la XVIIe Chambre du Tribunal de Paris[4. En revanche, France 2 n’a pas poursuivi Gérard Huber, ancien collaborateur de la Mena et auteur d’un livre sur l’affaire. Condamné en première instance en octobre 2006, Karsenty fait appel. En octobre 2007, la présidente de la XIe Chambre de la Cour d’Appel de Paris somme France 2 de produire les rushes. Ceux-ci, ainsi que la présentation de Karsenty sont visionnés en février 2008 par la Cour. Le jugement (qui portera sur le caractère diffamatoire ou non d’un article et non pas sur la véracité des faits) est mis en délibéré au 21 mai 2008.].

Le meilleur des sites

0

Les invités de Parlonsnet présentent l’actualité de leur site respectif. Emission du vendredi 11 avril, avec David Abiker (France Info), Chloé Leprince (rue89.com), Anna Borel (Marianne2.fr) et David Martin-Castelnau (Causeur.fr).

[daily]x51dxx[/daily]

Règlements de comptes à gauche

0

A la question des ses interviewers (Où en est la gauche ?), Patrick Weil répond avec sarcasme : « Où est la gauche ? » « Feignante », « myope » et « couarde », elle en prend pour son grade presque autant que le Président. Une suggestion pour la refonder, et réunifier autour d’elle le peuple, y compris immigré : s’inspirer et célébrer Clemenceau, l’homme du « J’accuse », de l’anticolonialisme et de la laïcité. Après Guy Moquet, Jaurès et Mendés, Sarkozy sait donc ce qu’il lui reste à faire…

[daily]x51dv4[/daily]

Patrick Weil

0

Patrick Weil, spécialiste de l’immigration (CNRS), a usé son quota de patience vis-à-vis de Nicolas Sarkozy: il juge sa politique en matière d’immigration à la fois « réactionnaire » et « brouillonne ». Démissionnaire, l’année dernière, du conseil de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration pour marquer son refus du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, il revient à la charge avec un ouvrage de combat : « Liberté, Egalité, Discriminations » (Grasset, 2008). Il répondait ce vendredi 11 avril à David Abiker (France Info), Chloé Leprince (rue89.com), Anna Borel (Marianne2.fr) et David Martin-Castelnau (Causeur.fr).

[daily]x51dnx[/daily]

Sarkozy : l’agité législatif

0

La voix a beau être posée, le propos argumenté, c’est à une exécution en règle que se livre Patrick Weil : « l’agitation » législative de Sarkozy, à l’Intérieur puis à l’Elysée, témoigne d’un retour « aux pires périodes de notre histoire ». Mieux (enfin, pire…) : les résultats lui semblent désastreux, puisqu’il avance le chiffre de « 25 % de dangereux criminels non expulsés alors que la justice les a sous la main ». Une concession, cependant : contrairement à ses prédécesseurs, Sarkozy « affronte les problèmes ».

[daily]x51dq8[/daily]

La baby-boum

31

Et si le monde n’avait pas été créé entre mars et mai 1968 ? Hypothèse sacrilège quand l’objet mémoriel « mai 68” est devenu tellement mythique qu’on ne l’évoque plus que par son petit nom. On dit « 68” comme on dit « 89” ou « 93” (1793, enfin, pas le 9-3).

On l’aura compris, c’est à ce « 68” bardé de guillemets que l’on va s’intéresser ici et non pas à l’événement – si tant est que l’on puisse parler d’événement.

Il s’agit d’interroger cette mythification – ou cette mystification. Peut-on réduire « 68” à quelques slogans et l’interpréter seulement à l’aune de leurs supposées répercussions? Pourquoi tant d’émotions positives ou négatives ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à tourner la page de « 68” ainsi que ne cesse de le réclamer Daniel Cohn-Bendit (sans doute contraint par quelque puissance terrible de participer aux innombrables émissions consacrées au joli mois de mai) ?

C’est peut-être dans un étrange silence qu’il faut chercher la signification profonde de ce tintamarre décennal. En effet, alors que la France aime tant les commémorations à chiffres ronds, le quarantième anniversaire de mai 1968 semble avoir totalement effacé le cinquantième anniversaire du 13 mai 1958. La Ve République ne s’intéresse ni à ses origines, ni à son fondateur. L’hôte de l’Elysée se proclame gaulliste et anti-soixante-huitard ; en vérité, il est soixante-huitard et anti-gaulliste.

Derrière cet anniversaire qui en cache un autre, il y a peut-être l’un de ces secrets de famille que l’on s’efforce d’oublier sans jamais y arriver. Avançons l’hypothèse que cette névrose nationale reflète un violent conflit intérieur entre la pesanteur de l’Histoire vécue et la légèreté d’un universel rêvé. D’un côté, la guerre d’Algérie, l’appel au Père, le Général au caractère trempé dans le sang des guerres du passé – en somme, l’histoire concrète du « cher et vieux pays » ; de l’autre, l’amour sans contrainte, le désir au pouvoir, la liberté sans limite (l’un des plus beaux oxymores de l’époque), bref le rêve d’un monde sans frontières, d’une humanité réconciliée judicieusement dépeinte par Philippe Muray sous les espèces de la post-Histoire.

« 68”, c’est la victoire du made in America sur fond de Us go home.

Dans l’imaginaire de la génération baby boom, tout, jusqu’au nom, est importé d’Amérique. Elle grandit dans un monde où la vulgate du travail du pédiatre américain Benjamin Spock fait partie de ces évidences qui constituent le « sens commun ». Les idées de Spock n’étaient pas nécessairement dénuées de pertinence au départ ; remâchées par l’industrie du divertissement, elles engendrent l’enfant-roi des années 50[1. Comment soigner et éduquer son enfant a été publié en France en 1952 par les éditions Marabout et fut un bestseller.]. Lequel deviendra, dans les décennies suivantes, un adulte impérieux et capricieux, peu soucieux d’offrir à ses descendants une place dans le monde.

Entre-temps, les rejetons de la Génération lyrique (titre d’un formidable essai du Canadien François Ricard) se sont adonnés aux joies de la pop music. Ils auront légué au monde l’audacieux concept de « culture jeune », durable eldorado pour marchands de tout. La musique est au cœur de cette identité collective scellée par l’âge. Un phénomène structurant, comme disent les marketeurs. Exemple paradigmatique du phénomène en question, le grand concert gratuit du 22 juin 1963 organisé par Europe n°1 pour le première anniversaire du mensuel Salut les copains, scelle les noces du marché, des médias ; et de l’Amérique[2. Pour une analyse fine et intéressante de ce phénomène, voir Les baby-boomers de Jean-François Sirinelli.]. Les vedettes de la soirée sont Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, respectivement Claude Moine et Jean-Philippe Smet. Quelques jours plus tard, Edgar Morin qualifie cette musique de « yé-yé » (francisation de yeah, yeah, le yes américain). Il ne sait peut-être pas à quel point il fait mouche.

Les idées qui forment ce qu’on appelle depuis lors « l’esprit 68” sont également made in USA. Pour l’essentiel, il s’agit d’une compilation hâtive de notions tirées d’Herbert Marcuse, universitaire américain d’origine allemande et prophète du mouvement étudiant sur les campus. Dans la tradition de l’Ecole de Francfort, son analyse critique de la société américaine, donc de toutes les sociétés occidentales de l’époque, conjugue marxisme et psychanalyse pour faire du conflit entre réalité et désir le moteur de l’histoire et de la politique. D’où la place conférée à l’érotisme et à l’imagination. Bien entendu, très peu d’étudiants ont pris la peine de lire Eros et civilisation ou L’homme unidimensionnel, mais les slogans les plus identifiés à « 68” sont bien l’écho dégradé de ces ouvrages.

Logiquement, la Guerre du Vietnam (et non pas la guerre française d’Indochine qui fleure le vieux monde) apporte ce piment indispensable qu’est la contestation. On peut difficilement communier dans la consommation, un peu plus dans la libération sexuelle, mais ce qui légitime l’ensemble, c’est le refus d’un ordre structurellement injuste. Les années 60 laissent sur le ressac le modèle, inoxydable depuis lors, de la « jeunesse en lutte ». Elles inventent par la même occasion les débuts de la subversion en rangs serrés.

Même la figure du mal, donc, vient des campus américains. Le mai 68 français commence le 22 mars, deux jours après l’arrestation d’un étudiant de Nanterre coupable d’avoir brûlé publiquement un drapeau américain au cours d’une manifestation contre la guerre au Vietnam. Cohn-Bendit et ses collègues de Nanterre rebaptisent « Che Guevara » l’amphi de Nanterre dans lequel ils fondent le « mouvement de 22 mars » (rappel volontaire ou non du mouvement du 26 juillet 1954 fondé par Fidel Castro). La référence américaine est souvent agrémentée de couleur locale. Même lorsqu’ils prennent le nom d’Enragés, les étudiants qui battent le pavé parisien voudraient que Nanterre soit Berkeley et Paris San Francisco. Ils ne le savent pas. Leur rêve est américain, c’est-à-dire, croient-ils, universaliste. Il se révèlera platement mondialiste[3. Si les mêmes détestent aujourd’hui l’Amérique, c’est autant parce qu’elle prétend avoir son identité propre qu’à cause du contenu même de cette identité.].

Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi 58 a perdu la guerre des mémoires. Car 58, c’est l’incarnation parfaite du particulier, du Français, de tout ce qui fait de ce pays un phénomène singulier – son histoire. L’agonie de la IVe République est 100% française, tout autant que son dénouement sous les traits de de Gaulle. Français, l’homme de Colombey, la guerre d’Algérie, les ombres du passé, les formidables réussites d’un régime décrié (la reconstruction du pays et les dix premières des Trente Glorieuses). Beaucoup trop français.

La génération lyrique a réussi à escamoter ce qui ne venait pas d’elle, à commencer par la grande victoire républicaine et démocratique que fut 1958. Fait sans précédent en France, une République malade cédait la place à une autre sans passage par un régime autoritaire. Ce ne fut pas seulement l’œuvre d’un homme qui, à 67 ans, n’avait pas l’intention de commencer une « carrière de dictateur », mais aussi celle d’une société et d’une culture politique (celles des « pères ») qui surent éviter une guerre civile et assurer seize années supplémentaires de croissance. Or, sans confort matériel et sans sécurité des biens et des personnes, point de Johnny, ni de SLC, ni de piscine à la fac de Nanterre.

Encouragé par la prétendue « croisade » anti-soixante-huitarde lancée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle (croisade qui pour l’essentiel tient en un discours démenti par une foultitude d’actes présidentiels), le cru 2008 du festival 68 est un remake de plus de l’autocélébration d’une génération encensée depuis le berceau. Avant même de venir au monde, les rejetons du baby boom sont porteurs d’un immense espoir. Ne sont-ils pas ces « douze millions de beaux bébés en dix ans » que le Général, en 1945, appelait de ses vœux ? Les bébés de l’espoir deviendront les enfants de la prospérité. Nés trop tard pour 1958, beaucoup connaîtront en leurs premiers émois historiques (et autres) en 1968. Et puisque de ces événements-là, ils auront été non seulement les contemporains, mais les acteurs, ils leur donneront le nom de Révolution. On connaît la suite. Puisqu’ils prétendaient avoir changé le monde, il était bien normal que celui-ci leur appartînt.

Les OGM : dangereux pour la santé ?

55

Pas un débat, pas une discussion, en privé ou en direct, sans que les pourfendeurs des Organismes Génétiquement Modifiés ne vous sautent au cou. Interroger leurs arguments, les discuter simplement, c’est déjà basculer dans le camp du Mal. Sur le fond, ont-ils raison, ont-ils tort ? C’est bien là le problème: leur agressivité quasi-mystique contribue à brouiller le débat, à la plus grande joie des multinationales de la chimie comme Monsanto.

C’est que les Croisés de l’altermondialisme ne cherchent pas à éclairer les citoyens, mais édifier le peuple des internautes. Et cela donne tantôt le comique Michaël Moore, tantôt le sinistre Cauchemar de Darwin ; tantôt une salubre Vérité qui dérange, tantôt le délire conspirationniste d’un Thierry Meyssan. Où en sommes-nous en matière d’OGM ? Puis-je, moi, en servir à mes deux charmants bambins ou bien dois-je observer la plus grande vigilance à leur égard, voire même militer en faveur de leur bannissement ?

En recevant dans l’émission « Parlons Net », la journaliste Marie-Monique Robin auteur d’un documentaire aussi saisissant que manichéen (Le Monde selon Monsanto), nous pensions, David Abiker (France Info), Philippe Cohen (Marianne2.fr) et votre serviteur, être enfin éclairés. Las ! Notre invitée aura passée une heure à vomir la cohorte (dont nous faisions partie…) des imbéciles, des feignants, des corrompus, des manipulés, des jaloux et des médiocres osant questionner son enquête. Oui, nous a-t-il fallu admettre, nous ne sommes pas des spécialistes du soja W/3,1416 – si toutefois cette semence frankensteinienne existe. Et non, nous ne comprenons pas que dans un débat, quels qu’en soient les enjeux, on confonde vulgarisation et vulgarité. Les « citoyens-consommateurs » méritent mieux.
David Martin-Castelnau

[daily]x54f2u[/daily]

Agression textuelle à Libé

233

Les privilégiés qui ont la chance de me connaître le savent : peu de choses m’agacent autant que le pathos dans la presse. Du JT de Claire Chazal aux éditos des Inrocks, qu’il s’agisse du Darfour ou de l’anorexie, c’est à sa capacité de s’indigner et de nous indigner qu’on distingue aujourd’hui le professionnel de talent. Et si je me laissais aller, en réaction au flux incessant des citations à compatir, j’en finirais par trouver les famines anodines, les Boulogne Boys spirituels et les dirigeants chinois sévères mais justes (quoique sur ce dernier point, je pense grosso modo la même chose quand je ne me laisse pas aller, mais personne n’est parfait…)

Eh bien, pour une fois, mes idées en la matière progressent ! Voilà comment Libération du mercredi 23 avril rend compte du meurtre d’une étudiante suédoise : « Vendredi soir, Susanna est rentrée seule en taxi d’une boîte de nuit parisienne « La Scala ». Mais elle n’est jamais arrivée à destination. Son corps a été retrouvé samedi, en partie brûlé, les mains menottées dans le dos dans la forêt de Chantilly. »

Jusque-là, rien d’anormal – si ce n’est en matière de ponctuation et de syntaxe. Mais l’affaire rebondit dans la suite de l’article : « En février dernier, il était arrivé une mésaventure similaire à une autre Suédoise. Elle avait emprunté un taxi en région parisienne puis avait été violée. »

Vous avez bien lu : mésaventure. Le viol, une mésaventure ? Cette approche semble novatrice dans un quotidien d’ordinaire plus sensible aux « droits des femmes » et aux arguments de leurs « défenseures ». A preuve, voici les titres et les chapeaux des premiers articles obtenus en cherchant « viol » dans les archives de Liberation.fr :

Mésaventure 1 : « La religion du silence fissurée par les plaintes des élèves : Procès. Jugé pour viol, un enseignant de Saint-Germain-en-Laye a écopé de huit ans de prison. Au collège de St-Erembert, tenu par les oratoriens, on pétrit des principes. On aime la discrétion et on abhorre le scandale. On éduque aussi des enfants[1. Libération, 24 novembre 2007.]. »

Mésaventure 2 : « Congo : le viol, arme de guerre. Les violences faites en toute impunité aux femmes par les milices et les armées régulières détruisent les familles et, au-delà, la société[2. Libération, 8 mars 2007.]. »

Mésaventure 3 : « A Tawilah, les femmes entre viol et silence. Les réfugiées sont des proies faciles pour les mercenaires du pouvoir de Khartoum[3. Libération, 20 mars 2007.]. »

Mésaventure 4 : « Anita, expulsable, accuse un policier de tentative de viol. Une Serbe de 20 ans dit avoir été agressée au centre de rétention de Bobigny à l’été 2005[4. Libération, 9 août 2006.]. »

De fait, dans les colonnes du journal, tous les articles traitant d’agressions sexuelles se situent dans les mêmes registres linguistique et éthique, et pour cause : à Libé, on ne badine pas avec ces choses-là. Le viol y est toujours évoqué pour ce qu’il est : un acte de barbarie. A ma connaissance, il semble que jusque-là, cette règle n’avait souffert aucune exception.

Alors on est obligé de se poser quelques questions. Pour quelles raisons un crime est-il soudainement déclassé en mésaventure ? Ou pour quelle déraison ?

Est-ce parce que le violeur n’était ni enseignant dans une école catholique, ni mercenaire soudanais, ni policier à Bobigny ? Ou bien parce que la victime ne vient ni de Serbie, ni du Congo, ni du Darfour ? Et la nationalité suédoise de la victime est-elle une circonstance atténuante au point de transmuter la barbarie en fantaisie ?

En ce qui me concerne, je ne crois pas que cette banalisation d’un crime soit intentionnelle. Je plaide la bavure. Un journaliste un peu plus ignare que la moyenne, un chef de service un peu plus bourré que d’habitude, et hop, le coup est parti !

Et honnêtement, je crois qu’il n’y aurait pas eu cette bavure si le bourreau avait appartenu au camp des salauds habituels ou si la victime était issue d’une « minorité sensible » ; auquel cas, il se serait forcément trouvé quelqu’un, dans la longue chaîne qui va de la dépêche AFP à l’article imprimé, pour tirer le signal d’alarme. Manque de bol, une étudiante suédoise, ça ne suscite pas immédiatement la vigilance citoyenne et les flots d’adjectifs indignés qui vont de pair. Une étudiante suédoise, c’est tout juste si ça réveille quelques souvenirs de films polissons des années 60.

En cas de viol, mieux vaut ne pas appartenir à une minorité insensible.

Un nouveau 21 avril

71

Aucun front républicain en vue, aucune manifestation Nation-République ni sit-in à l’heure du thé devant Colette, aucune collégienne en fleur menaçant de se cuiter au Champomy ni de lycéenne menaçant de renoncer à écouter Tokio Hôtel si cela advenait, pas la moindre starlette, pas un seul comique-troupier pour crier des no pasaran gros comme des monocles : décidément, la vie politique française n’est plus ce qu’elle était.

Et pourtant, qui peut oublier qu’il y a six ans exactement le monde politique français était agité d’un séisme sans pareil – sans toutefois que l’on ait encore pu en mesurer toute l’onde de choc. Seuls les Taïnos avaient éprouvé les répercussions directes de ce drame interplanétaire lorsque, fondant le musée Branly afin de répondre à cette grave crise politique que traversait votre pays, Jacques Chirac déclara : « Nous sommes tous des Taïnos allemands. » Ou quelque chose comme ça.

Or, selon toute vraisemblance, un nouveau 21 avril est en train de se produire. J’entends d’ici les ricanements des sceptiques : avez-vous une preuve ? Je l’affirme : depuis 0 h 00 (GMT), la France se rejoue un 21 avril, et cela ans que personne ne proteste. Indifférence ? Lassitude ? Exaspéritude ? Indifférentisme ? Nul ne le sait. Ce dont on est certain c’est que Lionel Jospin n’envisage pas de faire de déclaration annonçant qu’il renonçait à tout jamais à la politique.

Hier encore à deux doigts de sombrer dans le fascisme (comme nous l’expliquait l’ensemble des politologues français, de Gérard Miller à Emmanuelle Béart), la France ne semble plus être agitée par les vieux démons et l’hydre à un œil de la Trinité-sur-Mer, mais par ses sordides problèmes de fins de mois : on ne diabolise donc plus personne quand les temps sont venus de s’occuper à tirer le diable par la queue. On jette aux orties la très nietzschéenne volonté de puissance, quand le pouvoir d’achat vide les bourses et préempte les esprits. Et puisqu’il a la forme d’une tirelire, on est tout prêt à croire, au-delà de ses croyances religieuses, que dans le cochon tout est bon.

Le problème, nous le connaissons depuis Aaron (le frère de Moïse), c’est qu’en politique le cochon ne suffit pas : nous voulons des veaux d’or. Le pire, c’est que nous en aurons.

Traduit de l’allemand par l’auteur.

Mai 1968 ou le vide en héritage

294

Nous sommes les héritiers de Mai 1968. C’est indubitable. Mais nous ne nous sommes plus que cela. Ceux qui, comme moi, sont nés après 1970, n’ont reçu en héritage que ce que leur a légué la génération précédente, celle qui avait une vingtaine d’années lors des réjouissances printanières où tant de gens ont cru voir une révolution. Et cet héritage est bien pauvre : il consiste en une propension juvénile à la déploration et à la dénonciation publique, en une confiance illimitée et aveugle en la jeunesse et en soi, en une détestation de principe de l’autorité et en un rejet haineux du passé.

« Du passé faisons table rase », disait l’Internationale, Mai 1968 et ses petits soldats lyriques l’ont fait, en braillant : « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est assez réussi : plus un élève qui ne sache qui est Danton ou Marat, plus un élève qui sache distinguer une église romane d’un lavoir, plus un élève qui sache même qui furent Lénine et Mao. Les élèves font désormais le même usage de l’histoire que celui de leurs ainés : l’histoire n’est bonne qu’à proposer les ébauches imparfaites de notre modernité

Il était frappant, lors du mouvement anti-CPE, d’observer le mimétisme des enfants et voire des petits enfants des « révolutionnaires » de Mai, qui n’avaient qu’une idée en tête, répéter Mai.

Il serait intéressant, en ces temps de commémoration lyrique, de soumettre les jeunes générations à une petite épreuve. Elle consisterait à leur faire lire les slogans inscrits sur les murs des rues et des universités en 1968 et à leur demander ce qu’ils en comprennent. On se rendrait alors compte qu’ils n’y comprennent rien, ni le sens, ni, plus grave, l’humour souvent référentiel (notamment des citations de Saint-Augustin, Napoléon, Ambrose Bierce, Alphonse Allais, etc.)

Enfants gâtés de l’histoire, ils furent la première génération depuis la nuit des temps qui ne connut pas la guerre, ni même sa menace – tandis que la génération précédente avait encore connu la guerre d’Algérie –, ils furent la dernière génération à connaître une telle prospérité et ce qui l’accompagnait, à savoir des carrières nombreuses et brillantes possibles à une époque où tout se développait et s’élargissait : les entreprises, les universités, les Grandes Ecoles, etc. Ajoutons qu’ils ne connurent pas, dans leur jeunesse, la psychose sexuelle induite par l’apparition du SIDA.

Gâtés par l’histoire, ils le furent aussi par l’instruction. Les premiers, ils reçurent si nombreux une excellente formation classique (latin, grec, littérature classique, une belle langue française, etc.) et les derniers, ils reçurent l’héritage populaire de nos provinces, ses langues (dialectes français, occitan, breton, basque, alsacien, gascon, etc.) et ses traditions.

Comme tous les enfants gâtés, ils ont détruit ce qu’ils avaient reçu, ce que l’histoire avait conservé si longtemps, ces langues, ces traditions et cet enseignement hérité des jésuites et généralisé par la République. Ils remplacèrent tout cela par leurs caprices, par leurs fantasmes et par la seule mémoire de leur jeunesse.

Ma génération est la première à n’avoir rien reçu : ni langue régionale (le fameux patois dont le patrimoine est parfois éminent, si on parvient à se souvenir des troubadours – ce que font les Italiens et les Catalans, mais pas nous) ; ni formation classique (les classes de latin et grec ont fermé presque partout, en dépit de la défense menée par leurs ainés, telle Mme Jacqueline Worms de Romilly) ; ni même, et c’est plus grave, culture nationale : nos élèves ignorent presque tout de l’histoire de France, de sa littérature classique et leur maîtrise du français est confuse et laxiste, conforme au fond aux seules exigences qu’on a fait peser sur eux et qui se résument à l’expression de soi (à la place de l’expression tout cours).

Bartabas rappelait récemment le péché de la génération 1968 par ces mots : « Ce que la génération qui m’a précédé – celle de 68 – a oublié d’assumer : la transmission du savoir. »

Nous n’avons reçu que le narcissisme des enfants gâtés de l’histoire et leurs bons sentiments ; nous n’avons reçu aucun savoir, ni aucun savoir-faire. N’est-ce pas dès lors à notre génération de dresser le bilan de Mai 1968 et de l’œuvre de ses acteurs, plutôt qu’à celle qui déjà a suffisamment fait pour rendre abruties et incultes celles qui viendraient après ? Or, on n’entend qu’eux ! Depuis quarante ans, on n’entend qu’eux, comme si la France avait commencé avec leurs cris et leurs slogans ; ils pavanent tous ces jours-ci, comme des anciens combattants alors que ce sont de nouveaux rentiers. Les vrais résistants, qui devaient leur carrière à leur engagement, avaient de la pudeur et du courage, EUX.

La crise de l’identité française n’est pas difficile à expliquer. Depuis Mai 1968 et conformément au crédo de ses acteurs, la France est considérée comme le pays des droits de l’homme et n’est que cela.

Oubliées les mémoires provinciales qui permettent de comprendre que la France s’est constituée au gré d’une histoire diverse et complexe, une histoire dont la République n’est que le dernier chapitre ; oubliés les siècles sans démocratie où l’Europe admirait pourtant nos écrivains et nos savants et nos soldats ; oubliées ses racines chrétiennes, latines, grecques, germaines ; oubliés ses patois ; oubliée la langue scolaire qui, pourtant, souda la nation d’abord son élite, puis, l’école se développant (et la guerre mélangeant les gens de toutes les provinces), toutes les autres couches de la société.

Ce qui fait une nation, c’est une commune mémoire. Nous n’en avons plus. Rien n’est plus écœurant pour ceux de ma génération que d’entendre à longueur de journée le diagnostic de tous ces irresponsables qui, passées les journées de Mai, une fois arrivés aux affaires (ils y sont toujours), n’ont eu de cesse que de réaliser leurs fantasmes : l’enfant au centre (de tout), les vieilles lunes aux oubliettes (les souvenirs inutilisables symboliquement, les langues régionales (inutiles pour l’ascension sociale et trop liées au passé et à la campagne), les humanités (latin, grec et culture religieuse), toutes les formes (vestimentaires, linguistiques, la politesse, etc.) et la sélection).

Les fossoyeurs de la mémoire et des langues s’érigent, depuis quarante ans, en médecins de celles-ci, qui prennent leurs modèles là où la mémoire survit moins encore.

Les pays scandinaves, sans cesse donnés en exemple, sont malades plus encore que nous : leurs enfants n’y apprennent presque rien (l’anglais qu’ils parlent si bien, ils l’apprennent à la télévision où rien n’est doublé), ils se désintéressent de leur histoire – les départements de scandinave ancien sont désertés par les Danois et les Suédois (où d’ailleurs ils ont même tendance à fermer).
Mais ils ne sont pas nombreux et les sociétés sont assez homogènes et prospères, aussi l’identité nationale est-elle préservée – mais pour combien de temps et dans quelles conditions ?

Les acteurs de Mai détestent la France, ils n’en aiment que les quelques symboles utilisables : la Révolution française, la Résistance (et encore) et une partie de son patrimoine artistique et culinaire. Ceux-là (et certains de leurs disciples dociles des générations suivantes) invoquent dès qu’ils peuvent les autres périodes de notre histoire comme des repoussoirs dont les gens ne savent plus rien désormais de toute manière : l’Ancien Régime (dont on confond tous les rois et toutes époques), le Moyen Âge (dont on ignore tout et qu’on caricature sous les traits de l’Enfer de Dante, auteur aujourd’hui ignoré universellement), l’Empire (Napoléon est de plus en plus décrit comme un Hitler – selon une lecture anglo-saxonne), le Second Empire (dont on ne retient rien alors qu’il permit de moderniser le pays et de développer un grand nombre de nos régions, dont le Sud-Ouest), Vichy (la référence et le résumé de la France selon BHL, dans L’idéologie française qui fut la Bible de nombreux acteurs de Mai)…

Comment s’étonner que le résultat de leurs travaux politiques, sociaux et idéologiques soit une générale détestation de la France, de son passé, de son présent et de tout ce qui y est associé, qu’une partie de notre jeunesse aille au stade pour siffler son hymne national, qu’elle n’hésite pas à quitter le pays ou la langue française ?

Le sentiment national est nécessairement un sentiment particulier : c’est le sentiment d’appartenir à une histoire particulière, de participer à une aventure particulière, de parler une langue particulière et de vivre sous des lois particulières.
Tout à leur lyrisme, les acteurs de Mai, ont décidé de renoncer au particulier pour embrasser l’universel : la France n’est plus que la patrie des droits de l’homme, l’expérience française, libérée de son lourd héritage historique, n’est qu’une promesse de justice sans cesse trahie – une bonne raison de redescendre sans cesse dans la rue commémorer Mai.
Aucune nation ne peut se nourrir que d’universel et chaque fois qu’une nation s’est pensée comme universelle, encore que cette pensée ne fut alors jamais qu’un horizon, cela se traduisit par des guerres et de l’expansion. La colonisation en fut un symptôme : si la France est universelle, pourquoi devait-on en priver les peuples ?

Il est évident qu’on ne restaurera pas l’identité nationale en se contentant d’expulser sans grand discernement un maximum d’étrangers et qu’on n’enseignera pas l’amour de la France et de sa langue (voire de ses langues) par un catéchisme scolaire vidé de toute mémoire et des coupes du monde.

La France est un pays fort de traditions savantes, linguistiques, historiques et universitaires riches et nombreuses. C’est un pays au patrimoine inépuisable mais menacé, par l’indifférence (on détruit de plus en plus d’églises et les châteaux sont massacrés les uns après les autres par de funestes transformations ou, tout simplement, la ruine).

Les acteurs de Mai détestent tant l’héritage qu’ils considèrent qu’on ne le taxe jamais suffisamment, qu’on ne l’entrave jamais suffisamment, car rien n’est plus inique que l’héritage. Je m’étonne souvent qu’ils n’aient pas encore envisagé d’égaliser les patrimoines génétiques (les héritages biologiques)… mais soyons patients : leur passion de l’égalité et leur haine de l’héritage les y conduiront un jour.

Les acteurs de Mai ont oublié une chose importante : tout héritage s’accompagne de dettes ; les premiers, ils ont joui de l’héritage en ignorant les dettes, à commencer par celle qu’on contracte en recevant tout héritage : celui de le transmettre à la génération suivante. Cette dette est une dette laissée non seulement par ceux qui nous ont précédés, mais aussi et surtout qui nous lie à ceux qui viennent et à qui nous devons confier mémoire et savoir car ils sont l’avenir.

Que transmettront ceux de ma génération et ceux de la génération suivante ? On ne fait pas une nation et une histoire avec de la bonne conscience et quelques symboles réconfortants. La nation se bâtit dans les mémoires et dans la langue, pas sur le pavé à hurler des slogans ineptes – les mêmes depuis trente ans (les seules chansons que les plus jeunes partagent avec les plus vieux sont ces chants fort laids des manifestations…).

Ceux qui ont acquis leur rente en jetant des pavés voudraient qu’on les admire d’avoir joui sans partage de leurs privilèges pendant tant de temps en cherchant à nous faire verser une larme émue sur leurs faits d’arme. Ce n’est plus odieux, c’est obscène.

Mohamed Al Doura et le Parti des Médias

171

« A quoi bon ressortir cette vieille histoire ? » « De toute façon, le mal est fait ». Telle a été la première réaction de ceux à qui nous avons confié notre intention de revenir sur « l’affaire Al Doura ».

Mohamed Al Doura, pour ceux qui l’auraient oublié, est ce petit garçon palestinien dont France 2 a présenté, le 30 septembre 2000, la mort dans les bras de son père, dans des affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens au carrefour de Netzarim à Gaza. Monté et commenté par Charles Enderlin, le correspondant de France 2 à Jérusalem à partir d’images tournées par son cameraman palestinien Talal Abu Rahma, ce reportage a fait le tour du monde. L’enfant est devenu une icône dans le monde arabe et au-delà[1. Rappelons que Catherine Nay a cru bon d’affirmer que l’image de Mohamed effaçait celle de l’enfant juif du ghetto tenu en joue par des SS]. On a donné son nom à des rues, à des écoles, des timbres à son effigie ont été édités, des chansons et poèmes ont célébré sa mémoire. Bref, le petit Mohamed est, pour des millions de personnes à travers le monde, un symbole, un symbole de la barbarie israélienne, voire, pour certains, de la bestialité juive.

C’est vrai, le mal est fait. L’impact de cette image ne sera pas effacé. La « Place de l’Enfant martyr palestinien » à Bamako ne sera pas débaptisée. Du point de vue du conflit israélo-palestinien, l’épisode est clos. D’autres visages, d’autres morts, d’autres souffrances sont venues, depuis huit ans, peupler les vies et les imaginaires.

Restent les questions posées au journalisme télévisé et au journalisme tout court. Questions d’autant plus pressantes que voilà presque huit ans qu’elles demeurent sans réponse. Aux doutes et interrogations suscités par son reportage, France 2 a répondu par le silence ou le mépris – en fonction de la surface sociale de ceux qui l’interrogeaient[2. Denis Jeambar qui était alors patron de L’Express et Daniel Lecomte, producteur de télévision, ont eu droit à un traitement de faveur lorsqu’ils ont enquêté sur l’affaire en octobre 2004. En effet ils ont été invités par la direction de France 2 à visionner les vingt-sept minutes de rushes réalisées par Talal Abu Rahma, ce qui a été refusé à beaucoup d’autres, notamment Elisabeth Lévy pour l’édition du Premier Pouvoir sur France Culture consacrée à l’affaire le 26 février 2005.]. Et quand ces doutes se sont transformés en polémiques, la profession a fait corps autour de l’un des siens, odieusement attaqué, contribuant au passage à transformer l’affaire Al Doura en affaire Enderlin.

Morale de l’histoire : un journaliste ne peut pas se tromper. Le critiquer revient nécessairement à attenter à son honneur, et donc, à celui de toute la profession. Circulez, rien à voir. Comme la terre autrefois, la télé ne ment pas. S’interroger sur la réalité de ce qui nous est montré, c’est céder aux sirènes du complotisme. A l’ère de l’incrédulité érigée en principe, le Parti des Médias exige une foi aveugle. Telle est en effet la conclusion qui s’impose : il existe un Parti des Médias qui évoque furieusement les Partis communistes d’antan. Les intérêts supérieurs du Parti passent avant tout. Ceux qui se posent des questions sont des irresponsables, des salauds ou des traitres.

Afin de résumer un dossier qui, en huit ans, s’est considérablement alourdi, il n’est pas inutile de revenir sur les différentes interprétations de ce qui s’est passé, ce jour-là, au carrefour de Netzarim à Gaza.

1. Mohamed est mort, tué volontairement par des soldats israéliens. C’est ce qui ressort du commentaire de Charles Enderlin au soir du 30 septembre. « Les Palestiniens ont tiré à balles réelles, les Israéliens ripostent. Les cameramen, les passants les ambulanciers sont pris entre deux feux. Djamal et son fils Mohammed sont la cible de tirs venus de la position israélienne. (…) Mohamed est mort. Son père gravement blessé. » La déclaration sous serment faite le 3 octobre 2000 par Talal Abu Rahma au Centre palestinien des Droits de l’homme est encore plus nette : « Je peux confirmer que l’armée israélienne a tué l’enfant et blessé le père intentionnellement et de sang-froid. » Consciemment ou pas, la plupart des observateurs (y compris en Israël) ont à l’époque intégré l’idée que l’enfant avait été assassiné. Le surlendemain de la diffusion du reportage, le chargé d’affaires israélien à Paris, invité de France Inter, est cueilli à froid par une question sans équivoque : « Sincèrement, la mort de ce gosse est injustifiable, quelque soient les raisons pour lesquelles il a été tué. On ne peut pas tuer les enfants comme ça. » Le 7 octobre, au cours de l’émission du médiateur de France 2, Jean-Claude Allanic, celui-ci affirme : « L’horreur absolue, c’est l’assassinat d’un enfant. »

2. Mohamed est mort, victime de balles israéliennes dans des circonstances non élucidées. C’est la version de Charles Enderlin quelques jours après les faits. Interrogé par le médiateur de France 2, il répète que, selon son caméraman en qui il a pleinement confiance, les balles étaient israéliennes. En revanche, il admet n’avoir pas de certitude sur les circonstances du drame, c’est-à-dire sur ce que les soldats pouvaient voir de leur fortin. Cette version est proche de celle qui, dans un premier temps, a été validée par l’armée israélienne.

3. Mohamed est mort, tué par des balles dont il est impossible de connaître l’origine. C’est finalement ce que soutient Arlette Chabot dans un entretien accordé à Radio J en novembre 2004. « Est-ce que Mohamed, le petit Mohamed (et) son père ont été blessés et tués par des israéliens ou les Palestiniens. Je ne suis pas sûre que l’on ait un jour la réponse exacte à cette interrogation (…). Mais ce jour là l’idée la plus évidente, c’était que les tirs venant de la position israélienne, c’étaient des Israéliens ; bon voilà. Y a polémique, y a discussion, d’ailleurs je constate qu’aujourd’hui personne n’a de vérité absolue sur ce sujet et qu’y a toujours un doute. » Cette version prudente est confirmée par Talal Abu Rahma dans une déclaration faxée à France 2 le 30 septembre 2002 (deux ans après les événements). « Je n’ai jamais dit à l’Organisation Palestinienne des Droits de l’Homme à Gaza que les soldats israéliens avaient tué intentionnellement et en connaissance de cause Mohamed Al Doura et blessé son père, écrit-il. Tout ce que j’ai toujours dit dans les interviews que j’ai données est que d’où j’étais, j’ai vu que les tirs venaient de la position israélienne[3. Au moment où nous écrivons, cette déclaration se trouve toujours sur le site du Centre.]. » En quatre ans, France 2 est donc passé de la certitude au doute. Sans en tirer d’autres conclusions.

4. Mohamed n’est pas mort, et le reportage est une mise en scène. Cette thèse apparemment radicale est d’abord soutenue par la Mena (Metula News Agency, agence de presse francophone israélienne). Luc Rozensweig, ancien journaliste au Monde, qui a enquêté en Israël, a également la conviction qu’il s’agit d’une manipulation. De son côté, Philippe Karsenty, qui a fondé en France un site de « surveillance des médias », Média-Ratings, pense que France 2 a couvert après coup une « imposture médiatique ». Ce qui lui vaut d’être poursuivi pour diffamation devant la XVIIe Chambre du Tribunal de Paris[4. En revanche, France 2 n’a pas poursuivi Gérard Huber, ancien collaborateur de la Mena et auteur d’un livre sur l’affaire. Condamné en première instance en octobre 2006, Karsenty fait appel. En octobre 2007, la présidente de la XIe Chambre de la Cour d’Appel de Paris somme France 2 de produire les rushes. Ceux-ci, ainsi que la présentation de Karsenty sont visionnés en février 2008 par la Cour. Le jugement (qui portera sur le caractère diffamatoire ou non d’un article et non pas sur la véracité des faits) est mis en délibéré au 21 mai 2008.].

Le meilleur des sites

0

Les invités de Parlonsnet présentent l’actualité de leur site respectif. Emission du vendredi 11 avril, avec David Abiker (France Info), Chloé Leprince (rue89.com), Anna Borel (Marianne2.fr) et David Martin-Castelnau (Causeur.fr).

[daily]x51dxx[/daily]

Règlements de comptes à gauche

0

A la question des ses interviewers (Où en est la gauche ?), Patrick Weil répond avec sarcasme : « Où est la gauche ? » « Feignante », « myope » et « couarde », elle en prend pour son grade presque autant que le Président. Une suggestion pour la refonder, et réunifier autour d’elle le peuple, y compris immigré : s’inspirer et célébrer Clemenceau, l’homme du « J’accuse », de l’anticolonialisme et de la laïcité. Après Guy Moquet, Jaurès et Mendés, Sarkozy sait donc ce qu’il lui reste à faire…

[daily]x51dv4[/daily]

Patrick Weil

0

Patrick Weil, spécialiste de l’immigration (CNRS), a usé son quota de patience vis-à-vis de Nicolas Sarkozy: il juge sa politique en matière d’immigration à la fois « réactionnaire » et « brouillonne ». Démissionnaire, l’année dernière, du conseil de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration pour marquer son refus du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, il revient à la charge avec un ouvrage de combat : « Liberté, Egalité, Discriminations » (Grasset, 2008). Il répondait ce vendredi 11 avril à David Abiker (France Info), Chloé Leprince (rue89.com), Anna Borel (Marianne2.fr) et David Martin-Castelnau (Causeur.fr).

[daily]x51dnx[/daily]

Sarkozy : l’agité législatif

0

La voix a beau être posée, le propos argumenté, c’est à une exécution en règle que se livre Patrick Weil : « l’agitation » législative de Sarkozy, à l’Intérieur puis à l’Elysée, témoigne d’un retour « aux pires périodes de notre histoire ». Mieux (enfin, pire…) : les résultats lui semblent désastreux, puisqu’il avance le chiffre de « 25 % de dangereux criminels non expulsés alors que la justice les a sous la main ». Une concession, cependant : contrairement à ses prédécesseurs, Sarkozy « affronte les problèmes ».

[daily]x51dq8[/daily]