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Politically corrected

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On devrait lire plus souvent les blogs québécois consacrés au cyberespace. Ainsi apprend-on grâce à Tristan Péloquin que des internautes pro-Mc Cain espionnent en permanence les moindres faits et gestes de son concurrent démocrate. Le plus amusant est qu’il n’y a là rien d’illégal. Grâce à un nouveau logiciel de veille informatique, Versionista, on peut déceler toutes les modifications opérées en loucedé sur un site web. Et la comparaison s’avère parfois cruelle comme, par exemple lorsqu’il s’agit du bilan opérationnel des troupes US en Irak qu’on analyse très différemment à quelques jours d’intervalle sur barackobama.com.

Que nous dit le site officiel du candidat en date du 11 juillet ? Que des milliers de p’tits gars sont un peu morts pour pas grand-chose : « En échange d’un coût énorme, nos troupes ont aidé à réduire la violence dans certaines régions d’Irak, mais ces réductions ne nous ont pas ramené en dessous du niveau insoutenable enregistré à la mi-2006. »

Mais Washington D.C. vaut bien une messe et, en moins de temps qu’il ne faut pour en rire, Barack a jugé plus opportun de se convertir à la religion vernaculaire du « Support our troops ». Dans la version de la même page datée du 14 juillet, le bilan devient globalement positif : « Nos troupes ont héroïquement aidé à ramener le nombre de décès civils au niveau enregistré au début 2006. Il s’agit d’une démonstration du bon travail de nos militaires, de nos meilleures tactiques de contre-insurrection, et des énormes sacrifices dont font preuve nos troupes et leurs familles. »

Right or wrong, Mc Cain n’aurait pas dit autre chose, et d’ailleurs, depuis le début de l’intervention américaine, il n’a pas dit autre chose, lui. Et ce n’est qu’un début ; au fil de la campagne, on sera de moins en moins surpris de voir l’ex-trublion lisser sa copie sur tout ce qui fâche : en vérité, qu’il s’agisse des questions afférentes au travail, à la famille, à la patrie, sans oublier la peine de mort, rien ne semble devoir entraver la McCainisation des esprits. Ce n’est pas avec un argumentaire altermondialiste qu’on gagnera le coeur des ménagères de moins de cinquante ans ou l’électorat flottant des banlieues middle class. Pour avoir une petite chance de gagner, il faut désespérer Berkeley.

C’est d’ailleurs cet alignement progressif qui a motivé une nouvelle candidature de Ralph Nader. Comme Libé ne l’a pas rappelé à ses lecteurs, le vétéran de la gauche verte américaine n’hésite pas, textes à l’appui, à renvoyer les deux principaux candidats dos à dos sur des sujets aussi bobodiscriminants que le mariage gay, la dépénalisation de la marijuana, la lutte contre l’effet de serre ou les écoutes téléphoniques « anti-terroristes ».

Si ça se trouve, il n’y a pas que les GI’s de Bagdad et de Nassiriyah, désormais si chers à Barack Obama, qui devront être héroïques. De Hollywood à Oberkampf, ses supporters de la gauche morale auront eux aussi à consentir d’ »énormes sacrifices ».

Le Monde manque d’électeurs

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Qu’il est loin, le temps où le quotidien de référence donnait le ton à une social-démocratie au garde à vous. La conclusion de l’édito du Monde, publié juste avant le scrutin de Versailles était sans équivoque : « La gauche a eu tort de transformer le vote de lundi en scrutin pour ou contre Nicolas Sarkozy, au lieu de se prononcer pour la Constitution – pour sa modernisation, si imparfait que fût le projet qui lui était soumis. » Mais cet appel de dernière minute en faveur du oui est resté sans écho chez les parlementaires PS, qui ont tous voté non comme un seul homme, à l’exception d’un homme seul.

Info ségocompatible

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Le journal espagnol La Vanguardia a publié sur son site internet une information selon laquelle le Mossad, les services secrets américains et français ont travaillé depuis plus qu’une année avec les Colombiens pour élaborer le plan qui a permis la libération d’Ingrid Bétancourt. Sauf s’il s’agit d’une initiative privée des services français, le président actuel devait être vaguement au courant de cette initiative, sinon à son origine. En même temps, on ne peut écarter d’un revers de main la possibilité que ces révélations soient un écran de fumée dont le véritable but est de détourner l’attention d’une autre opération secrète : celle visant à voler, au moyen d’une série de cambriolages sophistiqués, les secrets de la campagne électorale « victorieuse » menée par la candidate socialiste en 2007 et dans le même coup s’emparer de premières versions du projet qu’elle élabore pour le congrès du PS.

Siné a bien le droit d’être antisémite

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Que Sitbon[1. Je connais Sitbon depuis quelques millénaires et, c’est comme ça, je l’appelle Sitbon.] me pardonne : je ne tiens nullement à ce qu’on me rende Siné. Je me fous de Siné et de l’obsession judéo-israélienne qui, chez lui, a remplacé l’anti-impérialisme. Mais commencer en se la jouant porteur de valises ou fedayin et finir soutenu par Guy Bedos, à sa place, ça ne me ferait pas marrer. « Anti-militariste, anti-clérical, antibourgeois, anti-tout », en bref « anar universel », selon la formule d’Askolovitch, Siné a claironné qu’il préfèrerait se « couper les roubignoles » que grommeler de vagues excuses à l’intention de ceux que ses propos auraient pu chafouiner. Maintenant qu’il est soutenu par le spécialiste incontesté de la bonne conscience, « le barde du politiquement correct de gauche », comme l’écrit Philippe Cohen dans un texte subtil et désolé, il n’a plus qu’à se les mettre sur l’oreille.

Dans la catégorie « vive le terrorisme », au moins Jacques Vergès, qui fut un proche ami du dessinateur, ne manque-t-il ni de culture, ni de panache. Mais Bedos, ce brave type indigné qui sautille de bonne cause en bonne cause, ce prophète souffrant du « plus-jamais-ça » qui cumule avec aplomb les doux privilèges de l’appartenance à l’establishment et les bénéfices symboliques de la résistance à un fantasmatique oppresseur ! Dans un texte publié par bakchich, l’antifasciste éternel s’adresse à Philippe Val sur le mode du tutoiement accusateur : « Tu es à Charlie Hebdo ce que Sarkozy est à la France. » Mazette ! Veut-il dire que Val est le « patron » de Charlie ? Son corrupteur ? Son fossoyeur ? On eût aimé qu’il éclairât notre lanterne. Puis l’ex-mari de Sophie Daumier abat sa carte maîtresse : si Siné est antisémite, « David Grossman et Amos Oz, écrivains israéliens qui, sans relâche, luttent, en Israël, contre l’actuel pouvoir israélien » le sont aussi. On ne sait si Amos Oz et David Grossman eussent trouvé bien convenable la liste Euro-Palestine sur laquelle figurait Siné, ni s’ils eussent apprécié le meeting parisien au cours duquel les orateurs firent huer des noms juifs, mais ce sont des détails. Bedos est une grande conscience. Il ne fait pas dans le détail.

Un tel renfort aurait dû mettre hors de lui le roi de la provoc. (Soit dit en passant, quelle provocation, en effet, que cet entêtement de vieux con à toujours penser qu’il a raison d’avoir tort.) Ou alors, c’est que ses imprécations douteuses ne relèvent plus de la catégorie « bris de tabous », mais de la bienpensance radical-chic. On savait déjà que cogner sur Sarkozy, les curés et les militaires n’exigeait pas un courage excessif. Peut-être faut-il s’habituer à ce que les Juifs, figure renouvelée de la puissance, fassent partie des têtes de Turcs légitimes de tout discours contestataire.

Il y a quelques années, il aurait suffi d’une mauvaise blague, bien plus innocente encore que celles de Siné, pour que Guy Bedos s’époumone entre Bastille et République contre le retour de la bête immonde – et sans doute Philippe Val aurait-il fait partie du cortège, ça lui apprendra à défiler avec n’importe qui. « Avec certaines choses, on ne plaisante pas », aurait déclaré Bedos, la voix grave et l’œil mouillé. Aujourd’hui, il mouille sa chemise pour qu’on ait le droit de déconner sur tout. Fort bien. Tant qu’on n’est pas forcés de rire. Encore qu’il est assez poilant, le Bedos, dans son adresse à Val. « Moi, qui ai dit sur la scène de l’Olympia « je ne confondrai jamais Ariel Sharon et Bibi Netanyahu avec Anne Franck et Primo Levi », suis-je pour autant un néonazi qui s’ignore ? » interroge-t-il. (Confondre Ariel Sharon et Anne Frank, fallait y penser.) Puisqu’on a le droit de se marrer, disons que Bedos préfère les Juifs morts que vivants. Elle est bonne, non ?

Tout cela n’est pas très neuf. D’ailleurs, cela fait des années que Siné pourrit la vie de Val avec ses chroniques. Moi qui suis une multi-limogée, je peux vous affirmer que dans la plupart des cas, il n’existait pas d’autres motifs à mon éviction que les humeurs du taulier. Quoi qu’on pense des siennes, Val avait d’excellentes raisons de vouloir se séparer d’un emmerdeur avec qui il est en désaccord frontal sur un sujet qui lui tient à cœur. La seule chose que l’on puisse lui reprocher au patron de Charlie Hebdo est son manque de clairvoyance. Bien sûr, il n’a échappé à personne que, sous sa houlette, le journal avait renoncé à l’antisionisme militant de certains de ses fondateurs. Reste qu’à trop tirer sur la corde de l’antifascisme et plus encore sur celle de l’anti-sarkozysme, à brandir comme un talisman protecteur son appartenance à la Gauche, il a fini par se prendre les pieds dans le tapis.

Et pourtant, il y a bien quelque chose de nouveau sous le soleil. D’abord, parce que cette affaire de famille éclate au grand jour, mais encore parce qu’elle révèle que ce discours autrefois cantonné à l’extrême droite et à une certaine extrême gauche est aujourd’hui sinon majoritaire, du moins fort répandu – en un mot mainstream. Ce que nous apprennent Bedos et d’autres, comme l’excellente Gisèle Halimi et les centaines de commentateurs anonymes qui se lâchent sur Internet, c’est que beaucoup de gens en ont plus que marre du « privilège juif ». Après tout, au nom de quoi et pendant combien de temps les Juifs seraient-ils « les chouchous du malheur », selon l’heureuse formule de Finkielkraut ? Qu’ils arrêtent de nous chanter le grand air d’Anne Frank alors qu’ils serrent les coudes autour d’Ariel Sharon. Oppresseurs comme tout le monde, comme les flics, les curés, les militaires et Sarkozy. Sans oublier les hommes. D’ailleurs, elle est bien embêtée, Gisèle Halimi. Car jusque-là, « la misogynie volontairement primaire » de Siné les avait tenus éloignés l’un de l’autre. La voilà placée face au dilemme anticipé par Muray – Moderne contre moderne. Comment choisir entre deux versions du Bien, entre moderne et moderne ? Gisèle Halimi applique la théorie de l’ennemi principal : l’empêcheur de libérer en rond n’est plus le mâle qui a renoncé il y a bien longtemps à être dominant mais le Juif-Israélien arrogant qui assoit son pouvoir en faisant la chasse à des antisémites imaginaires. « Cette opération, écrit-elle, participe donc des procès en sorcellerie qui se multiplient aujourd’hui pour maintenir une psychose du juif persécuté. » Et au nom de mon droit de rigoler de ce que je veux avec qui je veux, j’ajoute qu’il est plus facile d’être femme qu’antisémite. D’ailleurs, on ne naît pas antisémite, on le devient. (Il est vrai qu’on peut aussi cesser de l’être – femme et antisémite.)

Il importe cependant de rappeler qu’antisémite ici est une « qualité » (c’est-à-dire un défaut), pas une essence. Se demander si Siné ou Trucmuche est antisémite n’a pas grand sens. Il peut arriver à n’importe qui d’avoir une pensée antisémite, raciste, haineuse, dégueulasse. Même à vous. Désolée, mais cela ne fait pas de vous un salaud. Juste un être humain.

Siné écrit des choses antisémites, soit. Il préfère « une musulmane en tchador à une juive rasée » ? Grand bien lui fasse. Comme aime à le dire Elie Barnavi, « l’antisémitisme, c’est le problème des antisémites, pas celui des Juifs ». A mon sens, Siné devrait avoir le droit de dire et d’écrire ce qui lui chante. J’ai quant à moi celui de penser qu’il est un vieil atrabilaire pas très marrant. Et Philippe Val a parfaitement le droit de le virer du journal qu’il dirige – et possède (ce qui semble être aux yeux de certains une circonstance aggravante). Que l’on sache, personne ne s’émeut que l’on ne puisse pas célébrer le Grand soir dans les colonnes du Figaro. De plus, puisque des milliers d’internautes anonymes sont prêts à défendre le droit inaliénable de chaque individu de proférer des conneries et que plusieurs sites se sont portés à la pointe du combat, Siné n’aura aucun mal à trouver un endroit où sévir.

Quoi qu’il en soit, la question posée n’a rien à faire avec l’existence de sentiments moralement condamnables mais avec les éventuelles limites qu’il conviendrait de poser à leur expression. Au risque de surprendre, voire de décevoir, Siné, Halimi, Bedos et Dieudonné ont raison. Enfin presque. En tout cas, nous arrivons à la même conclusion pratique. Par principe autant que par souci tactique, décrétons une fois pour toutes que la liberté doit bénéficier aux ennemis de la liberté et la tolérance aux « prêcheurs de haine ». Ce n’est pas en rappelant les souffrances juives ni en interdisant à qui que ce soit de dires des horreurs qu’on empêchera un plus grand nombre d’en penser, c’est même tout le contraire : en conférant à certaines idées le charme de l’interdit, on les encourage. Car l’antisémitisme est une opinion, déplorable, certes, mais une opinion quand même. Il serait bien plus efficace de la tourner en dérision que de l’assiéger par l’indignation. Si les Juifs ont du talent pour l’argent, ils sont supposés en avoir encore plus pour l’humour. Ces jours-ci, ce n’est pas flagrant.

D’une pierre deux coups

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En Iran, la parité progresse lentement, mais sûrement : on trouve un homme parmi les neuf accusés récemment condamnés à la peine de mort par lapidation. D’après l’Associated Press, le monsieur en question, professeur de musique, aurait commis l’adultère avec une de ses élèves. Comme quoi à Téhéran, on sait unir la tradition et la modernité, le respect du Coran et la nécessaire protection des mineurs…

Fils punique

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En Suisse où il vit, Hannibal Khadafi (le fils de…) est poursuivi pour coups et blessures sur son personnel de maison, nous apprend la Tribune de Genève. L’honneur est sauf : tant que ce fils présidentiel n’a pas d’accident de scooter…

Valse avec Bachar

Finalement, la surprise du défilé du 14 juillet, c’est qu’il n’y en eut point. De surprise. Vous, je ne sais pas, mais pour ma part, je m’étais laissé convaincre que les cérémonies réserveraient quelque chose de fâcheux. Un drame, qui sait ? Pensez : des militaires à cran, paupérisés, humiliés d’avoir été traités d’ »amateurs »… La troupe gronde, nous disait-on ! Un coup de folie, sous le soleil exactement, et Sarkozy en sa tribune officielle allait finir comme Sadate. D’autant que la dernière promotion de l’Ecole Militaire Interarmes, qui défilait ce jour-là, avait pris pour nom de baptême celui d’un jeune officier tué en 1983 au Liban, dans l’attentat du Drakkar, et qu’elle ne goûtait guère l’invitation du dictateur syrien Bachar al-Assad. Kouchner allait-il faire un esclandre ? Rama Yade lui mettre une droite (de l’Homme) ? Si les cérémonies s’achevaient sans camouflet ni ridicule pour le Président, il devrait tout de même rendre compte de cette « incompréhensible invitation » (Libération).

Encore sonnée par l’avertissement d’Edwy Plenel dans le Nouvel Obs (« Le sarkozysme est l’adversaire de la liberté de la presse »), notre presse souligna la gravité de ladite invitation en annonçant le boycott des cérémonies par… Jacques Chirac. Oui, Chirac, l’homme dont l’éthique comme les succès internationaux sont bien connus. L’ancien Président avait un sérieux titre à bouder la présence de Bachar, puisqu’il soupçonne la Syrie d’avoir commandité l’assassinat de son ami Rafic Hariri, homme fort du Liban, dont la famille prête aux Chirac et à titre gracieux un appartement somptueux. On ne s’y attarda guère : l’essentiel était d’étayer l’évidence, à savoir que Sarkozy, tout comme avec Khadafi, s’était encore planté. Quelques rappels auraient été pourtant judicieux : l’attentat du Drakkar, c’était le Hezbollah allié de l’Iran, et à l’époque ce n’était pas Bachar, mais son père Hafez, qui dirigeait la Syrie – pas de quoi agacer les dents du fils, je vous prie. De même sait-on aujourd’hui que l’assassinat de Hariri causa un embarras immense au nouveau et jeune maître de Damas, qui avait irrévocablement décidé l’évacuation du Liban. La vieille garde de son père avait-elle fait assassiner Hariri pour le déstabiliser ? Mystère. On passa également sous silence l’exécution en plein Damas d’Imad Mughniyeh, relais local du Hezbollah – assassinat tout aussi énigmatique. La Syrie en proie à une lutte sans merci entre les vieux cadres du parti Baas, pro-iraniens et opposés à toute forme de paix avec Israël, et l’entourage de Bachar ? Voilà qui était secondaire. Sarkozy devait avoir tort. Or l’impensable est advenu ce 14 juillet : Bachar a reconnu et accepté l’indépendance du Liban, considéré par la Syrie comme une province à part entière depuis la décolonisation, et promis l’ouverture prochaine d’ambassades. Imagine-t-on la Chine renonçant au Tibet ? C’est exactement ce que Bachar semble avoir fait.

Restait le lancement de l’Union Pour la Méditerranée. Projet chimérique, dont Sarkozy s’était trop vite entiché : on allait voir ce qu’on allait voir. La déconvenue était inévitable pour le mari de Carla Bruni. Eh bien, l’invitation si dérangeante de Bachar porta une nouvelle fois ses fruits. Non seulement les leaders musulmans acceptèrent la présence du Premier ministre israélien, mais la Syrie évoqua à cette occasion la perspective de « négociations directes avec Israël » Oui, avec Israël, pas avec « l’occupant sioniste » ni même l’ »entité ». Changement inouï, là encore, qualifié par The Economist « d’avancée majeure ». Et ce n’était pas Le Figaro, mais El Mundo qui concluait : « La diplomatie française peut être fière. Comme au plus beau temps de la  » grandeur française », Paris aura été ces jours-ci la capitale de la haute politique mondiale. » L’opposition, elle, restait interdite quand Michel Vauzelle, patron socialiste de la région PACA, saluait « un grand succès pour le président et pour la France ».

Et ce succès – surprise sur le gâteau… – fut accompagné d’une forme de repentance de la part de Bachar al-Assad : « Nous ne disons pas que nous sommes un pays démocratique par excellence, expliquait-il au Figaro. Nous disons que nous empruntons ce chemin et c’est un long chemin… » C’est peu, certes, pour les Syriens, mais c’est énorme quand on songe aux discours relativistes qui sont à l’accoutumée tenus par nos hôtes non démocrates, qualifiant cette question de luxe ou de lubie occidentale. Or donc, au final, l’ »incompréhensible invitation » de Bachar Al-Assad et ses conséquences pourraient se révéler avoir été un coup de maître. Leçon à méditer, sans doute, pour tous ceux qui, de son physique à ses amours, ont décrété qu’au contraire du cochon, dans le Sarkozy tout est mauvais. Les jeunes vieux Guignols comme les amis de Villepin au Quai d’Orsay auront certes du mal à en convenir mais pour l’heure, Sarkozy les a comme jamais n… Comment dit-on déjà en arabe ?

Humanitaire, trop humanitaire

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On ne plaisante pas avec le règlement. En tout cas, pas chez les Suisses. Le Comité international de la Croix Rouge s’est vivement ému que l’un des officiers colombiens qui participait à la libération d’Ingrid Bétancourt ait porté un brassard de l’organisation humanitaire – sans doute destiné à berner les valeureux guérilléros des FARC. Et le plus intéressant de l’affaire est que le président Uribe, plutôt penaud, a présenté des excuses.

Outre qu’il offre au public la dose de polémique sans laquelle la fête des otages libérés n’en aurait pas vraiment été une, cet incident reflète l’absurdité de ce qu’on n’appelle plus le droit de la guerre, dans un monde où les conflits armés impliquent de plus en plus souvent des groupes dont tout laisse penser qu’ils ne sont guère obsédés par les conventions de Genève – ou des Etats tout aussi peu scrupuleux, comme l’observe Rony Brauman ici même. Dans ces conditions, l’idée que, même dans la guerre, des règles humanitaires minimales doivent être respectées, est certes généreuse, mais incantatoire.

L’argument du CICR est légitime en pratique et en droit. Pour accomplir sa mission de « gardien des Conventions de Genève », il a besoin de la confiance de tous, d’où une scrupuleuse neutralité qui lui impose de traiter identiquement des tueurs fanatiques et des armées (malgré tout) démocratiques. Si son emblème devient une arme de guerre utilisée par les « parties », comme le dit élégamment le jargon du droit international, il perdra ce statut de l’interlocuteur de tous qui ne se mêle des affaires de personne.

Seulement, ces beaux principes se révèlent d’un usage politique difficile, en particulier quand la marche du monde et de la guerre produit de fâcheuses collisions. Au moment même où il gourmandait le président Uribe pour avoir utilisé (illégalement, répétons-le) son sigle dans une opération destinée à libérer des otages détenus dans des conditions inhumaines depuis des années, le CICR était en charge de l’échange organisé entre Israël et le Liban : et là, il n’a rien trouvé à redire au fait que le Hezbollah joue de façon minable avec les nerfs de familles qui, jusqu’au bout, ont conservé l’espoir de revoir leurs fils vivants.

On me dira qu’il n’entre pas dans les attributions du CICR de se prononcer sur les agissements des « parties » ni sur les accords dont il est seulement chargé d’assurer la mise en œuvre, et on aura raison. Reste qu’il est le gardien du droit dit « humanitaire » et qu’on a le droit de trouver fort peu « humanitaire » le sadisme du Hezbollah – sachant que le gouvernement israélien n’avait nullement posé comme condition à l’échange le fait que ses soldats soient vivants et qu’il avait l’intention de rendre au peuple libanais son héroïque tueur moustachu. Soit. Peut-être que la neutralité impose de ménager les tueurs et d’engueuler les libérateurs. Le règlement, c’est le règlement.

Fronts baptismaux

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En acceptant de devenir parrain du troisième enfant de l’humoriste Dieudonné, le président du Front national a dû se plier au rituel catholique : lorsque le catéchumène n’est pas en âge de répondre ni de parler, le parrain est appelé par le prêtre à « renoncer à Satan qui est l’auteur du péché ». Si ce n’est pas de la dédiabolisation, ça !

Les racines et la haine

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Le 20 juillet 1808, le baron de Lis, directeur de La Gazette de la Grande Armée, eut le malheur de dire son fait à l’Empereur qui trouvait qu’il y avait du relâchement dans le média préféré des grognards et vivandières réunis. « Stupide Corse », aurait lancé le baron aux impériales oreilles… Napoléon, qui ne supportait pas que l’on exprimât de la haine pour ses racines, ne limogea pas le baron de Lis, mais fit plastiquer son hôtel particulier par Jérôme-Marie Colombani (canal historique).

E. Hoog, Le Baron de Lis, 1805. Huile sur toile conservée au musée de la Grande Armée..

Politically corrected

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On devrait lire plus souvent les blogs québécois consacrés au cyberespace. Ainsi apprend-on grâce à Tristan Péloquin que des internautes pro-Mc Cain espionnent en permanence les moindres faits et gestes de son concurrent démocrate. Le plus amusant est qu’il n’y a là rien d’illégal. Grâce à un nouveau logiciel de veille informatique, Versionista, on peut déceler toutes les modifications opérées en loucedé sur un site web. Et la comparaison s’avère parfois cruelle comme, par exemple lorsqu’il s’agit du bilan opérationnel des troupes US en Irak qu’on analyse très différemment à quelques jours d’intervalle sur barackobama.com.

Que nous dit le site officiel du candidat en date du 11 juillet ? Que des milliers de p’tits gars sont un peu morts pour pas grand-chose : « En échange d’un coût énorme, nos troupes ont aidé à réduire la violence dans certaines régions d’Irak, mais ces réductions ne nous ont pas ramené en dessous du niveau insoutenable enregistré à la mi-2006. »

Mais Washington D.C. vaut bien une messe et, en moins de temps qu’il ne faut pour en rire, Barack a jugé plus opportun de se convertir à la religion vernaculaire du « Support our troops ». Dans la version de la même page datée du 14 juillet, le bilan devient globalement positif : « Nos troupes ont héroïquement aidé à ramener le nombre de décès civils au niveau enregistré au début 2006. Il s’agit d’une démonstration du bon travail de nos militaires, de nos meilleures tactiques de contre-insurrection, et des énormes sacrifices dont font preuve nos troupes et leurs familles. »

Right or wrong, Mc Cain n’aurait pas dit autre chose, et d’ailleurs, depuis le début de l’intervention américaine, il n’a pas dit autre chose, lui. Et ce n’est qu’un début ; au fil de la campagne, on sera de moins en moins surpris de voir l’ex-trublion lisser sa copie sur tout ce qui fâche : en vérité, qu’il s’agisse des questions afférentes au travail, à la famille, à la patrie, sans oublier la peine de mort, rien ne semble devoir entraver la McCainisation des esprits. Ce n’est pas avec un argumentaire altermondialiste qu’on gagnera le coeur des ménagères de moins de cinquante ans ou l’électorat flottant des banlieues middle class. Pour avoir une petite chance de gagner, il faut désespérer Berkeley.

C’est d’ailleurs cet alignement progressif qui a motivé une nouvelle candidature de Ralph Nader. Comme Libé ne l’a pas rappelé à ses lecteurs, le vétéran de la gauche verte américaine n’hésite pas, textes à l’appui, à renvoyer les deux principaux candidats dos à dos sur des sujets aussi bobodiscriminants que le mariage gay, la dépénalisation de la marijuana, la lutte contre l’effet de serre ou les écoutes téléphoniques « anti-terroristes ».

Si ça se trouve, il n’y a pas que les GI’s de Bagdad et de Nassiriyah, désormais si chers à Barack Obama, qui devront être héroïques. De Hollywood à Oberkampf, ses supporters de la gauche morale auront eux aussi à consentir d’ »énormes sacrifices ».

Le Monde manque d’électeurs

1

Qu’il est loin, le temps où le quotidien de référence donnait le ton à une social-démocratie au garde à vous. La conclusion de l’édito du Monde, publié juste avant le scrutin de Versailles était sans équivoque : « La gauche a eu tort de transformer le vote de lundi en scrutin pour ou contre Nicolas Sarkozy, au lieu de se prononcer pour la Constitution – pour sa modernisation, si imparfait que fût le projet qui lui était soumis. » Mais cet appel de dernière minute en faveur du oui est resté sans écho chez les parlementaires PS, qui ont tous voté non comme un seul homme, à l’exception d’un homme seul.

Info ségocompatible

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Le journal espagnol La Vanguardia a publié sur son site internet une information selon laquelle le Mossad, les services secrets américains et français ont travaillé depuis plus qu’une année avec les Colombiens pour élaborer le plan qui a permis la libération d’Ingrid Bétancourt. Sauf s’il s’agit d’une initiative privée des services français, le président actuel devait être vaguement au courant de cette initiative, sinon à son origine. En même temps, on ne peut écarter d’un revers de main la possibilité que ces révélations soient un écran de fumée dont le véritable but est de détourner l’attention d’une autre opération secrète : celle visant à voler, au moyen d’une série de cambriolages sophistiqués, les secrets de la campagne électorale « victorieuse » menée par la candidate socialiste en 2007 et dans le même coup s’emparer de premières versions du projet qu’elle élabore pour le congrès du PS.

Siné a bien le droit d’être antisémite

530

Que Sitbon[1. Je connais Sitbon depuis quelques millénaires et, c’est comme ça, je l’appelle Sitbon.] me pardonne : je ne tiens nullement à ce qu’on me rende Siné. Je me fous de Siné et de l’obsession judéo-israélienne qui, chez lui, a remplacé l’anti-impérialisme. Mais commencer en se la jouant porteur de valises ou fedayin et finir soutenu par Guy Bedos, à sa place, ça ne me ferait pas marrer. « Anti-militariste, anti-clérical, antibourgeois, anti-tout », en bref « anar universel », selon la formule d’Askolovitch, Siné a claironné qu’il préfèrerait se « couper les roubignoles » que grommeler de vagues excuses à l’intention de ceux que ses propos auraient pu chafouiner. Maintenant qu’il est soutenu par le spécialiste incontesté de la bonne conscience, « le barde du politiquement correct de gauche », comme l’écrit Philippe Cohen dans un texte subtil et désolé, il n’a plus qu’à se les mettre sur l’oreille.

Dans la catégorie « vive le terrorisme », au moins Jacques Vergès, qui fut un proche ami du dessinateur, ne manque-t-il ni de culture, ni de panache. Mais Bedos, ce brave type indigné qui sautille de bonne cause en bonne cause, ce prophète souffrant du « plus-jamais-ça » qui cumule avec aplomb les doux privilèges de l’appartenance à l’establishment et les bénéfices symboliques de la résistance à un fantasmatique oppresseur ! Dans un texte publié par bakchich, l’antifasciste éternel s’adresse à Philippe Val sur le mode du tutoiement accusateur : « Tu es à Charlie Hebdo ce que Sarkozy est à la France. » Mazette ! Veut-il dire que Val est le « patron » de Charlie ? Son corrupteur ? Son fossoyeur ? On eût aimé qu’il éclairât notre lanterne. Puis l’ex-mari de Sophie Daumier abat sa carte maîtresse : si Siné est antisémite, « David Grossman et Amos Oz, écrivains israéliens qui, sans relâche, luttent, en Israël, contre l’actuel pouvoir israélien » le sont aussi. On ne sait si Amos Oz et David Grossman eussent trouvé bien convenable la liste Euro-Palestine sur laquelle figurait Siné, ni s’ils eussent apprécié le meeting parisien au cours duquel les orateurs firent huer des noms juifs, mais ce sont des détails. Bedos est une grande conscience. Il ne fait pas dans le détail.

Un tel renfort aurait dû mettre hors de lui le roi de la provoc. (Soit dit en passant, quelle provocation, en effet, que cet entêtement de vieux con à toujours penser qu’il a raison d’avoir tort.) Ou alors, c’est que ses imprécations douteuses ne relèvent plus de la catégorie « bris de tabous », mais de la bienpensance radical-chic. On savait déjà que cogner sur Sarkozy, les curés et les militaires n’exigeait pas un courage excessif. Peut-être faut-il s’habituer à ce que les Juifs, figure renouvelée de la puissance, fassent partie des têtes de Turcs légitimes de tout discours contestataire.

Il y a quelques années, il aurait suffi d’une mauvaise blague, bien plus innocente encore que celles de Siné, pour que Guy Bedos s’époumone entre Bastille et République contre le retour de la bête immonde – et sans doute Philippe Val aurait-il fait partie du cortège, ça lui apprendra à défiler avec n’importe qui. « Avec certaines choses, on ne plaisante pas », aurait déclaré Bedos, la voix grave et l’œil mouillé. Aujourd’hui, il mouille sa chemise pour qu’on ait le droit de déconner sur tout. Fort bien. Tant qu’on n’est pas forcés de rire. Encore qu’il est assez poilant, le Bedos, dans son adresse à Val. « Moi, qui ai dit sur la scène de l’Olympia « je ne confondrai jamais Ariel Sharon et Bibi Netanyahu avec Anne Franck et Primo Levi », suis-je pour autant un néonazi qui s’ignore ? » interroge-t-il. (Confondre Ariel Sharon et Anne Frank, fallait y penser.) Puisqu’on a le droit de se marrer, disons que Bedos préfère les Juifs morts que vivants. Elle est bonne, non ?

Tout cela n’est pas très neuf. D’ailleurs, cela fait des années que Siné pourrit la vie de Val avec ses chroniques. Moi qui suis une multi-limogée, je peux vous affirmer que dans la plupart des cas, il n’existait pas d’autres motifs à mon éviction que les humeurs du taulier. Quoi qu’on pense des siennes, Val avait d’excellentes raisons de vouloir se séparer d’un emmerdeur avec qui il est en désaccord frontal sur un sujet qui lui tient à cœur. La seule chose que l’on puisse lui reprocher au patron de Charlie Hebdo est son manque de clairvoyance. Bien sûr, il n’a échappé à personne que, sous sa houlette, le journal avait renoncé à l’antisionisme militant de certains de ses fondateurs. Reste qu’à trop tirer sur la corde de l’antifascisme et plus encore sur celle de l’anti-sarkozysme, à brandir comme un talisman protecteur son appartenance à la Gauche, il a fini par se prendre les pieds dans le tapis.

Et pourtant, il y a bien quelque chose de nouveau sous le soleil. D’abord, parce que cette affaire de famille éclate au grand jour, mais encore parce qu’elle révèle que ce discours autrefois cantonné à l’extrême droite et à une certaine extrême gauche est aujourd’hui sinon majoritaire, du moins fort répandu – en un mot mainstream. Ce que nous apprennent Bedos et d’autres, comme l’excellente Gisèle Halimi et les centaines de commentateurs anonymes qui se lâchent sur Internet, c’est que beaucoup de gens en ont plus que marre du « privilège juif ». Après tout, au nom de quoi et pendant combien de temps les Juifs seraient-ils « les chouchous du malheur », selon l’heureuse formule de Finkielkraut ? Qu’ils arrêtent de nous chanter le grand air d’Anne Frank alors qu’ils serrent les coudes autour d’Ariel Sharon. Oppresseurs comme tout le monde, comme les flics, les curés, les militaires et Sarkozy. Sans oublier les hommes. D’ailleurs, elle est bien embêtée, Gisèle Halimi. Car jusque-là, « la misogynie volontairement primaire » de Siné les avait tenus éloignés l’un de l’autre. La voilà placée face au dilemme anticipé par Muray – Moderne contre moderne. Comment choisir entre deux versions du Bien, entre moderne et moderne ? Gisèle Halimi applique la théorie de l’ennemi principal : l’empêcheur de libérer en rond n’est plus le mâle qui a renoncé il y a bien longtemps à être dominant mais le Juif-Israélien arrogant qui assoit son pouvoir en faisant la chasse à des antisémites imaginaires. « Cette opération, écrit-elle, participe donc des procès en sorcellerie qui se multiplient aujourd’hui pour maintenir une psychose du juif persécuté. » Et au nom de mon droit de rigoler de ce que je veux avec qui je veux, j’ajoute qu’il est plus facile d’être femme qu’antisémite. D’ailleurs, on ne naît pas antisémite, on le devient. (Il est vrai qu’on peut aussi cesser de l’être – femme et antisémite.)

Il importe cependant de rappeler qu’antisémite ici est une « qualité » (c’est-à-dire un défaut), pas une essence. Se demander si Siné ou Trucmuche est antisémite n’a pas grand sens. Il peut arriver à n’importe qui d’avoir une pensée antisémite, raciste, haineuse, dégueulasse. Même à vous. Désolée, mais cela ne fait pas de vous un salaud. Juste un être humain.

Siné écrit des choses antisémites, soit. Il préfère « une musulmane en tchador à une juive rasée » ? Grand bien lui fasse. Comme aime à le dire Elie Barnavi, « l’antisémitisme, c’est le problème des antisémites, pas celui des Juifs ». A mon sens, Siné devrait avoir le droit de dire et d’écrire ce qui lui chante. J’ai quant à moi celui de penser qu’il est un vieil atrabilaire pas très marrant. Et Philippe Val a parfaitement le droit de le virer du journal qu’il dirige – et possède (ce qui semble être aux yeux de certains une circonstance aggravante). Que l’on sache, personne ne s’émeut que l’on ne puisse pas célébrer le Grand soir dans les colonnes du Figaro. De plus, puisque des milliers d’internautes anonymes sont prêts à défendre le droit inaliénable de chaque individu de proférer des conneries et que plusieurs sites se sont portés à la pointe du combat, Siné n’aura aucun mal à trouver un endroit où sévir.

Quoi qu’il en soit, la question posée n’a rien à faire avec l’existence de sentiments moralement condamnables mais avec les éventuelles limites qu’il conviendrait de poser à leur expression. Au risque de surprendre, voire de décevoir, Siné, Halimi, Bedos et Dieudonné ont raison. Enfin presque. En tout cas, nous arrivons à la même conclusion pratique. Par principe autant que par souci tactique, décrétons une fois pour toutes que la liberté doit bénéficier aux ennemis de la liberté et la tolérance aux « prêcheurs de haine ». Ce n’est pas en rappelant les souffrances juives ni en interdisant à qui que ce soit de dires des horreurs qu’on empêchera un plus grand nombre d’en penser, c’est même tout le contraire : en conférant à certaines idées le charme de l’interdit, on les encourage. Car l’antisémitisme est une opinion, déplorable, certes, mais une opinion quand même. Il serait bien plus efficace de la tourner en dérision que de l’assiéger par l’indignation. Si les Juifs ont du talent pour l’argent, ils sont supposés en avoir encore plus pour l’humour. Ces jours-ci, ce n’est pas flagrant.

D’une pierre deux coups

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En Iran, la parité progresse lentement, mais sûrement : on trouve un homme parmi les neuf accusés récemment condamnés à la peine de mort par lapidation. D’après l’Associated Press, le monsieur en question, professeur de musique, aurait commis l’adultère avec une de ses élèves. Comme quoi à Téhéran, on sait unir la tradition et la modernité, le respect du Coran et la nécessaire protection des mineurs…

Fils punique

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En Suisse où il vit, Hannibal Khadafi (le fils de…) est poursuivi pour coups et blessures sur son personnel de maison, nous apprend la Tribune de Genève. L’honneur est sauf : tant que ce fils présidentiel n’a pas d’accident de scooter…

Valse avec Bachar

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Finalement, la surprise du défilé du 14 juillet, c’est qu’il n’y en eut point. De surprise. Vous, je ne sais pas, mais pour ma part, je m’étais laissé convaincre que les cérémonies réserveraient quelque chose de fâcheux. Un drame, qui sait ? Pensez : des militaires à cran, paupérisés, humiliés d’avoir été traités d’ »amateurs »… La troupe gronde, nous disait-on ! Un coup de folie, sous le soleil exactement, et Sarkozy en sa tribune officielle allait finir comme Sadate. D’autant que la dernière promotion de l’Ecole Militaire Interarmes, qui défilait ce jour-là, avait pris pour nom de baptême celui d’un jeune officier tué en 1983 au Liban, dans l’attentat du Drakkar, et qu’elle ne goûtait guère l’invitation du dictateur syrien Bachar al-Assad. Kouchner allait-il faire un esclandre ? Rama Yade lui mettre une droite (de l’Homme) ? Si les cérémonies s’achevaient sans camouflet ni ridicule pour le Président, il devrait tout de même rendre compte de cette « incompréhensible invitation » (Libération).

Encore sonnée par l’avertissement d’Edwy Plenel dans le Nouvel Obs (« Le sarkozysme est l’adversaire de la liberté de la presse »), notre presse souligna la gravité de ladite invitation en annonçant le boycott des cérémonies par… Jacques Chirac. Oui, Chirac, l’homme dont l’éthique comme les succès internationaux sont bien connus. L’ancien Président avait un sérieux titre à bouder la présence de Bachar, puisqu’il soupçonne la Syrie d’avoir commandité l’assassinat de son ami Rafic Hariri, homme fort du Liban, dont la famille prête aux Chirac et à titre gracieux un appartement somptueux. On ne s’y attarda guère : l’essentiel était d’étayer l’évidence, à savoir que Sarkozy, tout comme avec Khadafi, s’était encore planté. Quelques rappels auraient été pourtant judicieux : l’attentat du Drakkar, c’était le Hezbollah allié de l’Iran, et à l’époque ce n’était pas Bachar, mais son père Hafez, qui dirigeait la Syrie – pas de quoi agacer les dents du fils, je vous prie. De même sait-on aujourd’hui que l’assassinat de Hariri causa un embarras immense au nouveau et jeune maître de Damas, qui avait irrévocablement décidé l’évacuation du Liban. La vieille garde de son père avait-elle fait assassiner Hariri pour le déstabiliser ? Mystère. On passa également sous silence l’exécution en plein Damas d’Imad Mughniyeh, relais local du Hezbollah – assassinat tout aussi énigmatique. La Syrie en proie à une lutte sans merci entre les vieux cadres du parti Baas, pro-iraniens et opposés à toute forme de paix avec Israël, et l’entourage de Bachar ? Voilà qui était secondaire. Sarkozy devait avoir tort. Or l’impensable est advenu ce 14 juillet : Bachar a reconnu et accepté l’indépendance du Liban, considéré par la Syrie comme une province à part entière depuis la décolonisation, et promis l’ouverture prochaine d’ambassades. Imagine-t-on la Chine renonçant au Tibet ? C’est exactement ce que Bachar semble avoir fait.

Restait le lancement de l’Union Pour la Méditerranée. Projet chimérique, dont Sarkozy s’était trop vite entiché : on allait voir ce qu’on allait voir. La déconvenue était inévitable pour le mari de Carla Bruni. Eh bien, l’invitation si dérangeante de Bachar porta une nouvelle fois ses fruits. Non seulement les leaders musulmans acceptèrent la présence du Premier ministre israélien, mais la Syrie évoqua à cette occasion la perspective de « négociations directes avec Israël » Oui, avec Israël, pas avec « l’occupant sioniste » ni même l’ »entité ». Changement inouï, là encore, qualifié par The Economist « d’avancée majeure ». Et ce n’était pas Le Figaro, mais El Mundo qui concluait : « La diplomatie française peut être fière. Comme au plus beau temps de la  » grandeur française », Paris aura été ces jours-ci la capitale de la haute politique mondiale. » L’opposition, elle, restait interdite quand Michel Vauzelle, patron socialiste de la région PACA, saluait « un grand succès pour le président et pour la France ».

Et ce succès – surprise sur le gâteau… – fut accompagné d’une forme de repentance de la part de Bachar al-Assad : « Nous ne disons pas que nous sommes un pays démocratique par excellence, expliquait-il au Figaro. Nous disons que nous empruntons ce chemin et c’est un long chemin… » C’est peu, certes, pour les Syriens, mais c’est énorme quand on songe aux discours relativistes qui sont à l’accoutumée tenus par nos hôtes non démocrates, qualifiant cette question de luxe ou de lubie occidentale. Or donc, au final, l’ »incompréhensible invitation » de Bachar Al-Assad et ses conséquences pourraient se révéler avoir été un coup de maître. Leçon à méditer, sans doute, pour tous ceux qui, de son physique à ses amours, ont décrété qu’au contraire du cochon, dans le Sarkozy tout est mauvais. Les jeunes vieux Guignols comme les amis de Villepin au Quai d’Orsay auront certes du mal à en convenir mais pour l’heure, Sarkozy les a comme jamais n… Comment dit-on déjà en arabe ?

Humanitaire, trop humanitaire

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On ne plaisante pas avec le règlement. En tout cas, pas chez les Suisses. Le Comité international de la Croix Rouge s’est vivement ému que l’un des officiers colombiens qui participait à la libération d’Ingrid Bétancourt ait porté un brassard de l’organisation humanitaire – sans doute destiné à berner les valeureux guérilléros des FARC. Et le plus intéressant de l’affaire est que le président Uribe, plutôt penaud, a présenté des excuses.

Outre qu’il offre au public la dose de polémique sans laquelle la fête des otages libérés n’en aurait pas vraiment été une, cet incident reflète l’absurdité de ce qu’on n’appelle plus le droit de la guerre, dans un monde où les conflits armés impliquent de plus en plus souvent des groupes dont tout laisse penser qu’ils ne sont guère obsédés par les conventions de Genève – ou des Etats tout aussi peu scrupuleux, comme l’observe Rony Brauman ici même. Dans ces conditions, l’idée que, même dans la guerre, des règles humanitaires minimales doivent être respectées, est certes généreuse, mais incantatoire.

L’argument du CICR est légitime en pratique et en droit. Pour accomplir sa mission de « gardien des Conventions de Genève », il a besoin de la confiance de tous, d’où une scrupuleuse neutralité qui lui impose de traiter identiquement des tueurs fanatiques et des armées (malgré tout) démocratiques. Si son emblème devient une arme de guerre utilisée par les « parties », comme le dit élégamment le jargon du droit international, il perdra ce statut de l’interlocuteur de tous qui ne se mêle des affaires de personne.

Seulement, ces beaux principes se révèlent d’un usage politique difficile, en particulier quand la marche du monde et de la guerre produit de fâcheuses collisions. Au moment même où il gourmandait le président Uribe pour avoir utilisé (illégalement, répétons-le) son sigle dans une opération destinée à libérer des otages détenus dans des conditions inhumaines depuis des années, le CICR était en charge de l’échange organisé entre Israël et le Liban : et là, il n’a rien trouvé à redire au fait que le Hezbollah joue de façon minable avec les nerfs de familles qui, jusqu’au bout, ont conservé l’espoir de revoir leurs fils vivants.

On me dira qu’il n’entre pas dans les attributions du CICR de se prononcer sur les agissements des « parties » ni sur les accords dont il est seulement chargé d’assurer la mise en œuvre, et on aura raison. Reste qu’il est le gardien du droit dit « humanitaire » et qu’on a le droit de trouver fort peu « humanitaire » le sadisme du Hezbollah – sachant que le gouvernement israélien n’avait nullement posé comme condition à l’échange le fait que ses soldats soient vivants et qu’il avait l’intention de rendre au peuple libanais son héroïque tueur moustachu. Soit. Peut-être que la neutralité impose de ménager les tueurs et d’engueuler les libérateurs. Le règlement, c’est le règlement.

Fronts baptismaux

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En acceptant de devenir parrain du troisième enfant de l’humoriste Dieudonné, le président du Front national a dû se plier au rituel catholique : lorsque le catéchumène n’est pas en âge de répondre ni de parler, le parrain est appelé par le prêtre à « renoncer à Satan qui est l’auteur du péché ». Si ce n’est pas de la dédiabolisation, ça !

Les racines et la haine

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Le 20 juillet 1808, le baron de Lis, directeur de La Gazette de la Grande Armée, eut le malheur de dire son fait à l’Empereur qui trouvait qu’il y avait du relâchement dans le média préféré des grognards et vivandières réunis. « Stupide Corse », aurait lancé le baron aux impériales oreilles… Napoléon, qui ne supportait pas que l’on exprimât de la haine pour ses racines, ne limogea pas le baron de Lis, mais fit plastiquer son hôtel particulier par Jérôme-Marie Colombani (canal historique).

E. Hoog, Le Baron de Lis, 1805. Huile sur toile conservée au musée de la Grande Armée..