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Encore un petit vieux agressé à Paris

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Né le 31 décembre 1928, l’excellent dessinateur de presse Siné fêtera son centième anniversaire l’hiver prochain (si mes calculs sont bons). Malgré les lois scélérates de Nicolas Sarkozy, qui ont repoussé à pépé diem le jour de la retraite, il pourra alors faire valoir ses droits à une pension bien méritée.

Les bons, le brut et le truand

7

Il faut prendre Kadhafi au sérieux, croyez moi, je connais bien le zèbre pour l’avoir dans le temps pas mal fréquenté. Il agite le spectre d’un embargo du pétrole sur la Suisse aujourd’hui, demain sur l’Europe, d’un retrait de ses fonds des banques zurichoises, il embastille dans un cul de basse fosse deux ressortissants helvétiques, tout ça pourquoi ? Parce que son fils Hannibal (32 ans) s’est fait prendre en flagrant délit d’esclavagisme à l’Hôtel Wilson de Genève.

Deux de ses domestiques (un Tunisien, un Marocain) étaient retenus de force par des sbires à l’étage entièrement réservé après avoir été maltraités et rossés au sang. Les malheureux réussissent à s’évader, se présentent à la police, exhibent leurs blessures, les flics ont la certitude que leurs déclarations sont exactes et filent s’assurer de la personne des malfaiteurs : Kadhafi junior et sa femme enceinte jusqu’aux yeux.

A Tripoli, Kadhafi reçoit la nouvelle comme une déclaration de guerre de la Confédération Helvétique. Premières représailles : la Libye prend en otages tous les Suisses qui lui tombent sous la main. On n’en trouve que deux. Se saisir du corps des innocents a toujours été la règle de la république des Pirates. Second temps : il rappelle le chargé d’affaires pour faire sérieux, met sous scellés les entreprises suisses, prohibe l’accès du pavillon suisse sur les eaux libyennes et menace d’opérations punitives « internationales », comprenez terrorisme. D’un seul coup, toutes les cartes ont été abattues sauf à sous-traiter à la Corée du Nord l’envoi d’un missile nucléaire. Alors qu’Hannibal est resté moins de quarante huit heures au gnouf (il méritait vingt ans) et qu’il a décampé illico de la Confédération avec femmes et bagages, deux esclaves en moins il est vrai. En prenant la tangente comme un péteux, Hannibal aura un peu ignoré les conditions de sa libération sous caution, péché de jeunesse. L’important c’est le père. Il ne renverse pas la table de jeu pour un simple affront lèse fiston. L’enjeu est infiniment plus lourd de conséquences.

La police helvétique, consciente des risques qu’elle prenait, a dû, à son grand déplaisir, opérer selon les règles. La loi c’est la loi, elle est égale pour tous. C’est exactement ce qui met Kadhafi en fureur. L’Etat de droit, c’est la fin de son régime, c’est la mort de ce Kadhafi et de tous les Kadhafi. Une véritable prohibition de l’esclavage et de l’arbitraire mettrait toutes les Libye hors la loi. Autant inviter la frappe de Tripoli à prendre docilement le chemin de l’échafaud. En lui objectant qu’il s’agit de la Suisse et non de son pays qu’on le laisse asservir à son bon plaisir, vous ne le réconforterez pas. Ces maudits droits de l’homme se prétendent universels, tous les peuples captifs, et d’abord le sien, en rêvent. Le but suprême des Kadhafi est d’abolir le principe même des libertés dans l’univers entier. Tant qu’il restera une Suisse bâti sur le socle de l’Etat de droit, tous les tyrans nous feront de l’insomnie et ils n’ont pas tort de se faire du souci. Bush mènent bien des guerres pour étendre l’aire de la démocratie. Qui s’autoriserait à empêcher Kadhafi de conduire le combat contre la démocratie. Pour faire reculer la frontière des libertés, nous contraindre à enterrer Rousseau et à vénérer le Petit Livre Vert. Ce n’est pas chez lui une lubie, c’est une question existentielle, de vie ou de mort. Le plus impardonnable péché d’Israël ce n’est pas la spoliation des terres (tout à fait réelle), c’est les élections et la presse libres. Ne riez pas si vite. Kadhafi et ses pareils possèdent des leviers, ils peuvent appuyer sur tout un clavier, personne ne peut prévoir qui d’eux ou de nous l’emportera.

Car enfin, avez-vous vraiment hâte d’assister à la ruine de la France, la Suisse et l’Europe ? De vous contenter de trois heures d’électricité par jour et d’une voiture pour dix ménages ? Si on vous fait comprendre qu’en fermant légèrement les yeux sur les foucades un peu homicides d’altesses pétrolières il vous sera beaucoup pardonné, protesterez vous si fort ? Une injustice ne vaut elle pas toujours mieux qu’un krach ? La raison d’Etat n’a-t-elle pas raison par moment ? On détourne le regard d’Hannibal de Libye puis on passera l’éponge sur les méfaits des enfants de nos oligarques de peur de voir leurs fortunes se délocaliser, puis sur ceux d’un rejeton de président pour finir à la souveraineté du flic ripoux et la boucle sera bouclée. Les hommes ne naîtront plus libres et égaux et les satrapes ronfleront sur leurs deux oreilles. Ce sont là mathématiquement les termes de l’équation Kadhafi. Les regrettés Saddam et Pinochet obéissaient à la même logique systémique. Les droits de la personne sont dits inaliénables. Quelle erreur ! Nos libertés, nos droits sont à vendre à un tarif fixé par le marché, le prix d’un baril de pétrole.

Pour Hannibal, l’affaire est réglée. Il méritait les Assises, on l’a laissé s’envoler. Berne lui déroulera un de ces jours le tapis rouge. Mais ne croyez pas que le clan des tyrans nous en tienne quittes à si bon marché. Il va falloir se couvrir la tête de cendre et revêtir le cilice du pénitent. L’exercice du droit est une faute qui doit être proclamée en grandes pompes, inculquée au bon peuple pour que chacun se mette bien dans la tête que notre horizon indépassable porte un nom : la démocratie libyenne. De même que nous cherchons avec quelque candeur et beaucoup de connerie à faire avancer la démocratie sans frontières, ils mettront tous leurs moyens et leur énergie à étendre le despotisme sans frontière. Le chacun chez soi est une vision d’avant pétrole. Désormais ce sera : ou toi ou moi, ou Tripoli ou Berne. Il n’y a pas de place pour les deux dans ce monde.

Le chat et la souris

1

Venu assister au Journées mondiales de la Jeunesse à Sydney, le pape Benoît XVI va de surprise en surprise. A son arrivée en Australie, nous apprend l’AFP, des fidèles se sont empressés de lui offrir une petite chatte de onze mois appelée Bella. Puis, le Saint Père s’est vu remettre, par des fans californiens, une calotte pourvue d’oreilles de Mickey : il ne l’a pas mise au grand dam des photographes présents. Nous ne savons pas, en revanche, ce qu’il a fait de la chatte.

Billion dollars baby

4

Le Zimbabwe vient de mettre en circulation un billet de cent milliards de dollars, nous apprend l’AFP. Nous rappelons à nos amis du Zimbabwe (et aux autres) que les abonnements à la version papier de causeur sont toujours ouverts.

Portrait du cardinal Lampa

6

Préfet à la congrégation, Son Excellence le cardinal Lampa s’illustra par ses remarquables apports culturels à la chrétienté : il fit notamment redessiner la tenue des gardes suisses, introduisit le col romain à la Curie et l’électricité dans la basilique Saint-Pierre qui passa aussitôt de l’ombre à la lumière. En ralliant à la dernière minute la cause ultramontaine, le cardinal Ettore Lampa permit l’adoption à l’unanimité du dogme de l’infaillibilité pontificale, lors du Concile Vatican I, en 1870. Les partisans du cardinal – les lampistes – eurent alors bien du mal à défendre la position de leur leader : c’est la raison pour laquelle ils commandèrent à Gonzague Buren ce tableau représentant le cardinal tout vêtu de rouge, couleur symbolique des forces de progrès.

Gonzague Buren, Portrait du cardinal Lampa, 1872. Huile sur toile, réhaussée de strass et paillettes, conservée dans les caves du Vatican.

Marina Petrella, pas sainte mais martyre

0

La France compassionnelle a horreur du vide. A peine Ingrid Bétancourt revenue dans ses foyers, voici que les coeurs saignent et les larmes coulent en faveur de Marina Petrella, ci-devant brigadiste rouge en instance d’extradition vers l’Italie.

Ingrid Bétancourt avait bien tenté de passer le relais en brandissant le portrait de Gilad Shalit, soldat franco-israélien séquestré depuis deux ans par le Hamas, devant ses fans rassemblés sur l’esplanade des Droits de l’Homme au Trocadéro. Mais, comme je l’avais prédit en ces même lieux (sans grand risque, je le reconnais), la machine à mettre en branle les foules sentimentales n’a pas embrayé pour ce pauvre Gilad : trop soldat, juif certes, mais pas de l’espèce que l’on s’honore de plaindre, plutôt de celle dont on se plait à dénoncer la brutalité sans limite.

C’est donc tout naturellement que Marina Petrella s’est imposée comme une icône de l’injustice infligée au nom de la justice, comme celle qu’il faut soutenir si l’on ne veut pas passer, aux yeux des belles âmes de la gauche morale, pour le plus immonde des salauds.

Certes, cette Marina-là n’a pas la blancheur démocratique immaculée d’Ingrid : à la différence d’autres protagonistes des années de plomb italiennes extradés de France depuis l’abandon de la « doctrine Mitterrand » au début des années 2000, elle ne conteste pas les accusations qui lui ont valu, en 1992 une peine de réclusion à perpétuité : participation, comme membre de la direction des Brigades Rouges, à l’assassinat d’un commissaire de police, à la séquestration d’un magistrat, à divers attentats et attaques de banques.

Elle doit sa liberté, et le répit de quinze ans qui lui a permis de « refaire sa vie », à une négligence de la justice italienne, qui n’a pas émis de mandat d’arrêt à l’audience après sa condamnation, et à cette fameuse « doctrine Mitterrand » en vertu de laquelle les anciens terroristes italiens réfugiés en France n’étaient pas extradés en Italie pour peu qu’ils aient renoncé à la violence et se tiennent tranquilles dans l’Hexagone.

Dans les faits, la France décrétait ainsi de son propre chef une amnistie pour des gens condamnés dans un pays voisin et ami. Une attitude qui n’eut pas l’heur de plaire au-delà des Alpes, où l’opinion publique quasi-unanime, à l’exception de l’extrême gauche, estimait que c’était aux Italiens, et à eux seuls, de tourner la page de ces années sanglantes, de la manière qui leur paraîtrait la plus convenable.

En France même, Gilles Martinet, aujourd’hui décédé, grande figure de la gauche et ancien ambassadeur en Italie s’en prenait vivement, en « une » du Monde du 8 janvier 2004, aux intellectuels et hommes politiques français mobilisés pour Cesare Battisti, autre « terroriste à la retraite » menacé d’extradition, et remettait en cause la protection systématique accordée par la France à des terroristes jugés et condamnés.

Il n’est guère étonnant, alors, que les médias préfèrent évoquer le drame humain d’une femme anéantie psychiquement par ce qui lui arrive, « en abandon de vie » selon un psychiatre mobilisé par son comité de soutien, que se demander s’il est juste ou non que Marina Petrella accomplisse la peine que ses crimes lui ont valu. Son avocate, Irène Terrel, développe une explication psychologique de l’attitude de sa cliente: « Elle souhaite mourir pour que ses filles puissent faire leur deuil au lieu de disparaître pendant des années au fond d’une geôle italienne. » Qui ne se sentirait interpellé par une telle détresse ? Il faudrait vraiment avoir un coeur de pierre pour détourner le regard pendant que la justice passe, même si l’on soupçonne ses avocats et sa famille d’en rajouter pour émouvoir les foules.

Quant aux femmes et enfants dont la vie a été brisée par les actes de Marina Petrella et de ses camarades, ils sont tragiquement absents de la mobilisation. Que les crimes des Brigades Rouges italiennes ne fassent pas partie de notre martyrologie nationale ne justifie pas que l’on s’arroge le droit d’empêcher un peuple voisin, régi de surcroît par l’état de droit, d’appliquer sa loi et de gérer comme il l’entend les cicatrices de sa mémoire collective.

Le mythe de Jean Valjean, le criminel qui se rachète moralement par ses actes de bonté, sert de vademecum éthique aux braves gens de France pour juger des cas qui sont proposés à leur compassion. On oublie trop souvent qu’avant de devenir bon, Jean Valjean avait purgé sa peine, intégralement.

L le Maudit

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En parcourant le Monde (le journal, pas l’infect cloaque grouillant autour du périphérique parisien), je suis tombée sur une nouvelle surprenante : le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale a trouvé le moyen de régler définitivement le cas « Lang ». Il ne lui enverra plus d’invitation aux réunions de groupe. Face à la perfidie languienne, Jean-Marc Ayrault invente la grève postale – mieux que la dépêche d’Ems. C’est ingénieux, bricolé et, pour tout dire, tellement français.

Etant de gauche – la gauche allemande, c’est vrai, mais la gauche quand même –, je me sens instinctivement emplie de compassion pour Jean-Marc Ayrault, François Hollande et l’ensemble des socialistes d’outre-Vosges[1. Que les ligues patriotiques veuillent bien patienter quelques instants avant de me tondre le crâne : si pour vous Français l’Allemagne c’est « l’outre-Rhin », pour nous autres Allemands, la France c’est « l’outre-Vosges » : allez savoir pourquoi.]. Leur parti est confronté à l’un des plus délicats problèmes politiques depuis le congrès de Tours et je me permets, d’une façon très amicale et désintéressée, de leur adresser quelques conseils.

Se débarrasser d’un Jack Lang n’est pas une chose aisée. Durant près de vingt ans, François Mitterrand a essayé. Il avait beau l’inviter à gravir chaque année la roche de Solutré, à l’entraîner au bord du précipice en lui glissant un anodin : « C’est pas Pascal Sevran là-bas ? », mais jamais il ne parvint à le pousser dans le vide.

Jaurès, lui-même, n’y était pas parvenu. Son idée de convier Jack Lang un soir de juillet 1914 à déguster des zakouskis frelatés au café du Croissant s’est révélée calamiteuse.

Le revolver, le fusil, le canon sont à proscrire formellement lorsque l’on veut se débarrasser d’un Lang. Je déconseillerais même à Ségolène Royal de tenter de le faire couler par l’un des 79 sous-marins nucléaires que compte la France. On se gardera d’utiliser des méthodes expéditives : le Jack Lang est une anguille qu’aucune nasse grossière ne peut contenir. On préférera, pour s’en débarrasser, des manières plus élégantes.

L’homme est avide d’honneurs. Il suffit, par exemple, de lui demander d’aller inaugurer la permanence du Parti socialiste à Loudun, rue Marie Besnard, avec grand discours et dégustation de soupe traditionnelle à l’issue.

Le convoquer rue de Solferino afin de lui apprendre que le bureau politique du Parti socialiste a décidé de le nommer Premier secrétaire et que la seule formalité à accomplir est de passer une visite médicale rue Lesueur, au cabinet du docteur Petiot, est un procédé assez détestable – et pour le moins inefficace tant que la solubilité du Jack Lang dans l’acide chlorhydrique n’aura pas été démontrée par la Faculté.

On évitera soigneusement les traitements inhumains, qui consisteraient par exemple à contraindre Jack Lang à assister à une pièce d’Olivier Py, mise en scène par Olivier Py, jouée par Olivier Py, dans le théâtre de l’Odéon d’Olivier Py. De même, on s’abstiendra de le forcer à assister à une représentation où nulle part il ne serait question d’Olivier Py. Même Radovan Karadzic serait mieux traité.

Dans le même ordre d’idée, lui faire dessiner des caricatures de Mahomet dans un journal danois ou lui faire tenir des propos désobligeants sur la prochaine brit milah[2. Brit milah n’est pas la cousine germaine de Brit Hortefeux.] de Jean Sarkozy n’est assurément pas la meilleure chose qui soit. Cela ne provoquerait jamais que son licenciement de Charlie Hebdo et, vu qu’il n’y travaille pas, cela ne présente aucun intérêt.

En revanche, lui rappeler qu’un jour il succéda rue de Valois à François Léotard avant d’être remplacé par Jacques Toubon est une méthode efficace, mais absolument crade. Si néanmoins il y survit, lui glisser à l’oreille qu’on le retrouva un jour échoué rue Descartes entre Claude Allègre et Luc Ferry.

Quelques camarades avisés pourraient lui promettre le Panthéon à titre posthume, obsèques nationales et défilé chorégraphié par Jean-Paul Goude rue Soufflot : l’homme serait capable de passer illico l’arme à gauche.

Pendant ce temps, les Ségolénistes auront à cœur d’aller brûler des cierges à Lourdes afin que Nicolas Sarkozy le nomme très vite au Quai d’Orsay. Toutefois, il se poserait alors une question de transhumance – énorme lorsqu’il s’agit de mammouths –, puisque la rue de Solferino devrait assumer le retour de Bernard Kouchner en son sein. Et la coriacité de l’un égale celle de l’autre.

Il se peut très bien qu’aucun de ces conseils avisés ne porte ses fruits. Il conviendra alors de redoubler d’efforts et d’utiliser du gros (que Patrick Menucci et Daniel Vaillant ne se sentent pas visés) : informer Jack Lang que Petrossian a déposé le bilan et qu’il n’y a plus de caviar à Paris, même pour la gauche, serait la meilleure façon de débarrasser le Parti socialiste de l’importun. Malheureusement, cette solution risque de faire des dommages collatéraux. Mise en œuvre, elle entrainerait la disparition des trois quarts du bureau politique du parti. Mais il faut savoir ce que l’on veut et parfois adopter le code d’honneur des Heimatklänge[3. Les Heimatklänge étaient des gangs mafieux dans le Berlin des années 1920, qui dissimulaient leurs activités illicites en se présentant comme des clubs sportifs. Fritz Lang s’en est inspiré pour réaliser M le Maudit.] pour en finir avec L le Maudit.

Faits d’hiver austral

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Une femme australienne d’un certain âge a été sauvagement attaquée par un kangourou géant. Heureusement pour elle, le chien du voisin l’a entendu hurler et, se lançant à son secours, est arrivé à chasser le féroce marsupial. Après vérification, j’ai mis à la porte mon petit lapin. Aucun de mes voisins ne possédant de chien, le risque est trop important.

La grande muette et le petit bavard

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Le 18 juin dernier, pour honorer le retour de la France dans le giron américain, quelques officiers à la plume élégante, sous l’anonymat d’un nom de corsaire, lancèrent un appel assez remarqué. On y lisait cette charge contre le « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale », rendu public quelques semaines plus tôt : « Le modèle d’analyse présenté par le livre blanc est à notre sens déficient et, davantage, marqué par un certain amateurisme. »

Ni plus ni moins : ceux qui nous gouvernent sont des amateurs qui n’ont rien compris aux nouveaux défis de sécurité et tentent de camoufler leur incompétence, leur aveuglement et leur pingrerie derrière une apparence de réforme. Pour une fois, il semblerait que nos officiers – en tout cas certains d’entre eux – pensent, faisant mentir le général de Gaulle qui remarquait que « les officiers, habitués à se méfier du prestige de l’intelligence, répugnent à s’en servir ».

Quelques jours après la parution du brûlot, et suite au drame de Carcassonne, notre président répond aux officiers (non encore identifiés) sur le registre de la cour de récré : « C’est celui qui dit qui l’est. » Et de qualifier les militaires d’amateurs. D’autant plus dur à avaler qu’ils sont tous professionnels. Leur chef s’en émeut et s’en va.

Mais la période « je vous cause plus » est de courte durée. A l’issue d’un défilé dont Trudi Kohl nous a permis de saisir tous les enjeux, le président se dit fier de notre armée : ça ne mange pas de pain.
Et si « les Surcouf » n’avaient rien compris ? A les entendre déplorer la fin de notre réseau de bases africaines, qui permettait de désamorcer de nombreux conflits et, au besoin, d’évacuer à moindre coût nos ressortissants et ceux de nos partenaires, on se dit en effet qu’il faut de toute urgence leur offrir des postes de télévision. Ils apprendront que le « Livre blanc », le vrai pas celui qui est en vente dans toutes les librairies, c’est le Président lui-même. Plus besoin de bases en Afrique : le Président se déplace en personne pour régler les problèmes, envoie son grand avion chercher les victimes. Ingrid Bétancourt, les infirmières bulgares, les journalistes retenus au Tchad ont bénéficié du nouveau service présidentiel personnalisé.

Résultat, nos officiers, décidément très négatifs, ont le sentiment de ne plus servir à rien, sinon à impressionner les amis (notamment africains) du président et à le remplir de fierté quand ils défilent les Champs-Elysées.

Peut-être est-ce l’essence de la vraie réforme annoncée par le « Livre blanc » : au Président la défense et la sécurité (depuis les émeutes, il connaît), aux officiers et à la troupe les défilés, les opérations portes ouvertes, le pouponnage et la figuration à côté de nos alliés. Si l’on ajoute la promesse de beaux uniformes (dont la confection est désormais « externalisée »), on ne voit pas de quoi ils se plaignent. Qu’importent quelques officiers mécontents qui parlent du monde et de sa complexité. Peut-être même faudrait-il sanctionner ces militaires qui osent penser tout haut alors qu’on les aime quand ils obéissent en silence. Qu’ils laissent le Président parler, sans l’interrompre ni le contredire : il a horreur de ça !

On ne coupera pas au jeu de mots

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Le Monde titre dans son édition du 22 juillet : « Barack Obama suscite la circonspection en Israël ». Franchement, y a des lapsus qui se perdent !

Encore un petit vieux agressé à Paris

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Né le 31 décembre 1928, l’excellent dessinateur de presse Siné fêtera son centième anniversaire l’hiver prochain (si mes calculs sont bons). Malgré les lois scélérates de Nicolas Sarkozy, qui ont repoussé à pépé diem le jour de la retraite, il pourra alors faire valoir ses droits à une pension bien méritée.

Les bons, le brut et le truand

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Il faut prendre Kadhafi au sérieux, croyez moi, je connais bien le zèbre pour l’avoir dans le temps pas mal fréquenté. Il agite le spectre d’un embargo du pétrole sur la Suisse aujourd’hui, demain sur l’Europe, d’un retrait de ses fonds des banques zurichoises, il embastille dans un cul de basse fosse deux ressortissants helvétiques, tout ça pourquoi ? Parce que son fils Hannibal (32 ans) s’est fait prendre en flagrant délit d’esclavagisme à l’Hôtel Wilson de Genève.

Deux de ses domestiques (un Tunisien, un Marocain) étaient retenus de force par des sbires à l’étage entièrement réservé après avoir été maltraités et rossés au sang. Les malheureux réussissent à s’évader, se présentent à la police, exhibent leurs blessures, les flics ont la certitude que leurs déclarations sont exactes et filent s’assurer de la personne des malfaiteurs : Kadhafi junior et sa femme enceinte jusqu’aux yeux.

A Tripoli, Kadhafi reçoit la nouvelle comme une déclaration de guerre de la Confédération Helvétique. Premières représailles : la Libye prend en otages tous les Suisses qui lui tombent sous la main. On n’en trouve que deux. Se saisir du corps des innocents a toujours été la règle de la république des Pirates. Second temps : il rappelle le chargé d’affaires pour faire sérieux, met sous scellés les entreprises suisses, prohibe l’accès du pavillon suisse sur les eaux libyennes et menace d’opérations punitives « internationales », comprenez terrorisme. D’un seul coup, toutes les cartes ont été abattues sauf à sous-traiter à la Corée du Nord l’envoi d’un missile nucléaire. Alors qu’Hannibal est resté moins de quarante huit heures au gnouf (il méritait vingt ans) et qu’il a décampé illico de la Confédération avec femmes et bagages, deux esclaves en moins il est vrai. En prenant la tangente comme un péteux, Hannibal aura un peu ignoré les conditions de sa libération sous caution, péché de jeunesse. L’important c’est le père. Il ne renverse pas la table de jeu pour un simple affront lèse fiston. L’enjeu est infiniment plus lourd de conséquences.

La police helvétique, consciente des risques qu’elle prenait, a dû, à son grand déplaisir, opérer selon les règles. La loi c’est la loi, elle est égale pour tous. C’est exactement ce qui met Kadhafi en fureur. L’Etat de droit, c’est la fin de son régime, c’est la mort de ce Kadhafi et de tous les Kadhafi. Une véritable prohibition de l’esclavage et de l’arbitraire mettrait toutes les Libye hors la loi. Autant inviter la frappe de Tripoli à prendre docilement le chemin de l’échafaud. En lui objectant qu’il s’agit de la Suisse et non de son pays qu’on le laisse asservir à son bon plaisir, vous ne le réconforterez pas. Ces maudits droits de l’homme se prétendent universels, tous les peuples captifs, et d’abord le sien, en rêvent. Le but suprême des Kadhafi est d’abolir le principe même des libertés dans l’univers entier. Tant qu’il restera une Suisse bâti sur le socle de l’Etat de droit, tous les tyrans nous feront de l’insomnie et ils n’ont pas tort de se faire du souci. Bush mènent bien des guerres pour étendre l’aire de la démocratie. Qui s’autoriserait à empêcher Kadhafi de conduire le combat contre la démocratie. Pour faire reculer la frontière des libertés, nous contraindre à enterrer Rousseau et à vénérer le Petit Livre Vert. Ce n’est pas chez lui une lubie, c’est une question existentielle, de vie ou de mort. Le plus impardonnable péché d’Israël ce n’est pas la spoliation des terres (tout à fait réelle), c’est les élections et la presse libres. Ne riez pas si vite. Kadhafi et ses pareils possèdent des leviers, ils peuvent appuyer sur tout un clavier, personne ne peut prévoir qui d’eux ou de nous l’emportera.

Car enfin, avez-vous vraiment hâte d’assister à la ruine de la France, la Suisse et l’Europe ? De vous contenter de trois heures d’électricité par jour et d’une voiture pour dix ménages ? Si on vous fait comprendre qu’en fermant légèrement les yeux sur les foucades un peu homicides d’altesses pétrolières il vous sera beaucoup pardonné, protesterez vous si fort ? Une injustice ne vaut elle pas toujours mieux qu’un krach ? La raison d’Etat n’a-t-elle pas raison par moment ? On détourne le regard d’Hannibal de Libye puis on passera l’éponge sur les méfaits des enfants de nos oligarques de peur de voir leurs fortunes se délocaliser, puis sur ceux d’un rejeton de président pour finir à la souveraineté du flic ripoux et la boucle sera bouclée. Les hommes ne naîtront plus libres et égaux et les satrapes ronfleront sur leurs deux oreilles. Ce sont là mathématiquement les termes de l’équation Kadhafi. Les regrettés Saddam et Pinochet obéissaient à la même logique systémique. Les droits de la personne sont dits inaliénables. Quelle erreur ! Nos libertés, nos droits sont à vendre à un tarif fixé par le marché, le prix d’un baril de pétrole.

Pour Hannibal, l’affaire est réglée. Il méritait les Assises, on l’a laissé s’envoler. Berne lui déroulera un de ces jours le tapis rouge. Mais ne croyez pas que le clan des tyrans nous en tienne quittes à si bon marché. Il va falloir se couvrir la tête de cendre et revêtir le cilice du pénitent. L’exercice du droit est une faute qui doit être proclamée en grandes pompes, inculquée au bon peuple pour que chacun se mette bien dans la tête que notre horizon indépassable porte un nom : la démocratie libyenne. De même que nous cherchons avec quelque candeur et beaucoup de connerie à faire avancer la démocratie sans frontières, ils mettront tous leurs moyens et leur énergie à étendre le despotisme sans frontière. Le chacun chez soi est une vision d’avant pétrole. Désormais ce sera : ou toi ou moi, ou Tripoli ou Berne. Il n’y a pas de place pour les deux dans ce monde.

Le chat et la souris

1

Venu assister au Journées mondiales de la Jeunesse à Sydney, le pape Benoît XVI va de surprise en surprise. A son arrivée en Australie, nous apprend l’AFP, des fidèles se sont empressés de lui offrir une petite chatte de onze mois appelée Bella. Puis, le Saint Père s’est vu remettre, par des fans californiens, une calotte pourvue d’oreilles de Mickey : il ne l’a pas mise au grand dam des photographes présents. Nous ne savons pas, en revanche, ce qu’il a fait de la chatte.

Billion dollars baby

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Le Zimbabwe vient de mettre en circulation un billet de cent milliards de dollars, nous apprend l’AFP. Nous rappelons à nos amis du Zimbabwe (et aux autres) que les abonnements à la version papier de causeur sont toujours ouverts.

Portrait du cardinal Lampa

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Préfet à la congrégation, Son Excellence le cardinal Lampa s’illustra par ses remarquables apports culturels à la chrétienté : il fit notamment redessiner la tenue des gardes suisses, introduisit le col romain à la Curie et l’électricité dans la basilique Saint-Pierre qui passa aussitôt de l’ombre à la lumière. En ralliant à la dernière minute la cause ultramontaine, le cardinal Ettore Lampa permit l’adoption à l’unanimité du dogme de l’infaillibilité pontificale, lors du Concile Vatican I, en 1870. Les partisans du cardinal – les lampistes – eurent alors bien du mal à défendre la position de leur leader : c’est la raison pour laquelle ils commandèrent à Gonzague Buren ce tableau représentant le cardinal tout vêtu de rouge, couleur symbolique des forces de progrès.

Gonzague Buren, Portrait du cardinal Lampa, 1872. Huile sur toile, réhaussée de strass et paillettes, conservée dans les caves du Vatican.

Marina Petrella, pas sainte mais martyre

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La France compassionnelle a horreur du vide. A peine Ingrid Bétancourt revenue dans ses foyers, voici que les coeurs saignent et les larmes coulent en faveur de Marina Petrella, ci-devant brigadiste rouge en instance d’extradition vers l’Italie.

Ingrid Bétancourt avait bien tenté de passer le relais en brandissant le portrait de Gilad Shalit, soldat franco-israélien séquestré depuis deux ans par le Hamas, devant ses fans rassemblés sur l’esplanade des Droits de l’Homme au Trocadéro. Mais, comme je l’avais prédit en ces même lieux (sans grand risque, je le reconnais), la machine à mettre en branle les foules sentimentales n’a pas embrayé pour ce pauvre Gilad : trop soldat, juif certes, mais pas de l’espèce que l’on s’honore de plaindre, plutôt de celle dont on se plait à dénoncer la brutalité sans limite.

C’est donc tout naturellement que Marina Petrella s’est imposée comme une icône de l’injustice infligée au nom de la justice, comme celle qu’il faut soutenir si l’on ne veut pas passer, aux yeux des belles âmes de la gauche morale, pour le plus immonde des salauds.

Certes, cette Marina-là n’a pas la blancheur démocratique immaculée d’Ingrid : à la différence d’autres protagonistes des années de plomb italiennes extradés de France depuis l’abandon de la « doctrine Mitterrand » au début des années 2000, elle ne conteste pas les accusations qui lui ont valu, en 1992 une peine de réclusion à perpétuité : participation, comme membre de la direction des Brigades Rouges, à l’assassinat d’un commissaire de police, à la séquestration d’un magistrat, à divers attentats et attaques de banques.

Elle doit sa liberté, et le répit de quinze ans qui lui a permis de « refaire sa vie », à une négligence de la justice italienne, qui n’a pas émis de mandat d’arrêt à l’audience après sa condamnation, et à cette fameuse « doctrine Mitterrand » en vertu de laquelle les anciens terroristes italiens réfugiés en France n’étaient pas extradés en Italie pour peu qu’ils aient renoncé à la violence et se tiennent tranquilles dans l’Hexagone.

Dans les faits, la France décrétait ainsi de son propre chef une amnistie pour des gens condamnés dans un pays voisin et ami. Une attitude qui n’eut pas l’heur de plaire au-delà des Alpes, où l’opinion publique quasi-unanime, à l’exception de l’extrême gauche, estimait que c’était aux Italiens, et à eux seuls, de tourner la page de ces années sanglantes, de la manière qui leur paraîtrait la plus convenable.

En France même, Gilles Martinet, aujourd’hui décédé, grande figure de la gauche et ancien ambassadeur en Italie s’en prenait vivement, en « une » du Monde du 8 janvier 2004, aux intellectuels et hommes politiques français mobilisés pour Cesare Battisti, autre « terroriste à la retraite » menacé d’extradition, et remettait en cause la protection systématique accordée par la France à des terroristes jugés et condamnés.

Il n’est guère étonnant, alors, que les médias préfèrent évoquer le drame humain d’une femme anéantie psychiquement par ce qui lui arrive, « en abandon de vie » selon un psychiatre mobilisé par son comité de soutien, que se demander s’il est juste ou non que Marina Petrella accomplisse la peine que ses crimes lui ont valu. Son avocate, Irène Terrel, développe une explication psychologique de l’attitude de sa cliente: « Elle souhaite mourir pour que ses filles puissent faire leur deuil au lieu de disparaître pendant des années au fond d’une geôle italienne. » Qui ne se sentirait interpellé par une telle détresse ? Il faudrait vraiment avoir un coeur de pierre pour détourner le regard pendant que la justice passe, même si l’on soupçonne ses avocats et sa famille d’en rajouter pour émouvoir les foules.

Quant aux femmes et enfants dont la vie a été brisée par les actes de Marina Petrella et de ses camarades, ils sont tragiquement absents de la mobilisation. Que les crimes des Brigades Rouges italiennes ne fassent pas partie de notre martyrologie nationale ne justifie pas que l’on s’arroge le droit d’empêcher un peuple voisin, régi de surcroît par l’état de droit, d’appliquer sa loi et de gérer comme il l’entend les cicatrices de sa mémoire collective.

Le mythe de Jean Valjean, le criminel qui se rachète moralement par ses actes de bonté, sert de vademecum éthique aux braves gens de France pour juger des cas qui sont proposés à leur compassion. On oublie trop souvent qu’avant de devenir bon, Jean Valjean avait purgé sa peine, intégralement.

L le Maudit

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En parcourant le Monde (le journal, pas l’infect cloaque grouillant autour du périphérique parisien), je suis tombée sur une nouvelle surprenante : le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale a trouvé le moyen de régler définitivement le cas « Lang ». Il ne lui enverra plus d’invitation aux réunions de groupe. Face à la perfidie languienne, Jean-Marc Ayrault invente la grève postale – mieux que la dépêche d’Ems. C’est ingénieux, bricolé et, pour tout dire, tellement français.

Etant de gauche – la gauche allemande, c’est vrai, mais la gauche quand même –, je me sens instinctivement emplie de compassion pour Jean-Marc Ayrault, François Hollande et l’ensemble des socialistes d’outre-Vosges[1. Que les ligues patriotiques veuillent bien patienter quelques instants avant de me tondre le crâne : si pour vous Français l’Allemagne c’est « l’outre-Rhin », pour nous autres Allemands, la France c’est « l’outre-Vosges » : allez savoir pourquoi.]. Leur parti est confronté à l’un des plus délicats problèmes politiques depuis le congrès de Tours et je me permets, d’une façon très amicale et désintéressée, de leur adresser quelques conseils.

Se débarrasser d’un Jack Lang n’est pas une chose aisée. Durant près de vingt ans, François Mitterrand a essayé. Il avait beau l’inviter à gravir chaque année la roche de Solutré, à l’entraîner au bord du précipice en lui glissant un anodin : « C’est pas Pascal Sevran là-bas ? », mais jamais il ne parvint à le pousser dans le vide.

Jaurès, lui-même, n’y était pas parvenu. Son idée de convier Jack Lang un soir de juillet 1914 à déguster des zakouskis frelatés au café du Croissant s’est révélée calamiteuse.

Le revolver, le fusil, le canon sont à proscrire formellement lorsque l’on veut se débarrasser d’un Lang. Je déconseillerais même à Ségolène Royal de tenter de le faire couler par l’un des 79 sous-marins nucléaires que compte la France. On se gardera d’utiliser des méthodes expéditives : le Jack Lang est une anguille qu’aucune nasse grossière ne peut contenir. On préférera, pour s’en débarrasser, des manières plus élégantes.

L’homme est avide d’honneurs. Il suffit, par exemple, de lui demander d’aller inaugurer la permanence du Parti socialiste à Loudun, rue Marie Besnard, avec grand discours et dégustation de soupe traditionnelle à l’issue.

Le convoquer rue de Solferino afin de lui apprendre que le bureau politique du Parti socialiste a décidé de le nommer Premier secrétaire et que la seule formalité à accomplir est de passer une visite médicale rue Lesueur, au cabinet du docteur Petiot, est un procédé assez détestable – et pour le moins inefficace tant que la solubilité du Jack Lang dans l’acide chlorhydrique n’aura pas été démontrée par la Faculté.

On évitera soigneusement les traitements inhumains, qui consisteraient par exemple à contraindre Jack Lang à assister à une pièce d’Olivier Py, mise en scène par Olivier Py, jouée par Olivier Py, dans le théâtre de l’Odéon d’Olivier Py. De même, on s’abstiendra de le forcer à assister à une représentation où nulle part il ne serait question d’Olivier Py. Même Radovan Karadzic serait mieux traité.

Dans le même ordre d’idée, lui faire dessiner des caricatures de Mahomet dans un journal danois ou lui faire tenir des propos désobligeants sur la prochaine brit milah[2. Brit milah n’est pas la cousine germaine de Brit Hortefeux.] de Jean Sarkozy n’est assurément pas la meilleure chose qui soit. Cela ne provoquerait jamais que son licenciement de Charlie Hebdo et, vu qu’il n’y travaille pas, cela ne présente aucun intérêt.

En revanche, lui rappeler qu’un jour il succéda rue de Valois à François Léotard avant d’être remplacé par Jacques Toubon est une méthode efficace, mais absolument crade. Si néanmoins il y survit, lui glisser à l’oreille qu’on le retrouva un jour échoué rue Descartes entre Claude Allègre et Luc Ferry.

Quelques camarades avisés pourraient lui promettre le Panthéon à titre posthume, obsèques nationales et défilé chorégraphié par Jean-Paul Goude rue Soufflot : l’homme serait capable de passer illico l’arme à gauche.

Pendant ce temps, les Ségolénistes auront à cœur d’aller brûler des cierges à Lourdes afin que Nicolas Sarkozy le nomme très vite au Quai d’Orsay. Toutefois, il se poserait alors une question de transhumance – énorme lorsqu’il s’agit de mammouths –, puisque la rue de Solferino devrait assumer le retour de Bernard Kouchner en son sein. Et la coriacité de l’un égale celle de l’autre.

Il se peut très bien qu’aucun de ces conseils avisés ne porte ses fruits. Il conviendra alors de redoubler d’efforts et d’utiliser du gros (que Patrick Menucci et Daniel Vaillant ne se sentent pas visés) : informer Jack Lang que Petrossian a déposé le bilan et qu’il n’y a plus de caviar à Paris, même pour la gauche, serait la meilleure façon de débarrasser le Parti socialiste de l’importun. Malheureusement, cette solution risque de faire des dommages collatéraux. Mise en œuvre, elle entrainerait la disparition des trois quarts du bureau politique du parti. Mais il faut savoir ce que l’on veut et parfois adopter le code d’honneur des Heimatklänge[3. Les Heimatklänge étaient des gangs mafieux dans le Berlin des années 1920, qui dissimulaient leurs activités illicites en se présentant comme des clubs sportifs. Fritz Lang s’en est inspiré pour réaliser M le Maudit.] pour en finir avec L le Maudit.

Faits d’hiver austral

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Une femme australienne d’un certain âge a été sauvagement attaquée par un kangourou géant. Heureusement pour elle, le chien du voisin l’a entendu hurler et, se lançant à son secours, est arrivé à chasser le féroce marsupial. Après vérification, j’ai mis à la porte mon petit lapin. Aucun de mes voisins ne possédant de chien, le risque est trop important.

La grande muette et le petit bavard

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Le 18 juin dernier, pour honorer le retour de la France dans le giron américain, quelques officiers à la plume élégante, sous l’anonymat d’un nom de corsaire, lancèrent un appel assez remarqué. On y lisait cette charge contre le « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale », rendu public quelques semaines plus tôt : « Le modèle d’analyse présenté par le livre blanc est à notre sens déficient et, davantage, marqué par un certain amateurisme. »

Ni plus ni moins : ceux qui nous gouvernent sont des amateurs qui n’ont rien compris aux nouveaux défis de sécurité et tentent de camoufler leur incompétence, leur aveuglement et leur pingrerie derrière une apparence de réforme. Pour une fois, il semblerait que nos officiers – en tout cas certains d’entre eux – pensent, faisant mentir le général de Gaulle qui remarquait que « les officiers, habitués à se méfier du prestige de l’intelligence, répugnent à s’en servir ».

Quelques jours après la parution du brûlot, et suite au drame de Carcassonne, notre président répond aux officiers (non encore identifiés) sur le registre de la cour de récré : « C’est celui qui dit qui l’est. » Et de qualifier les militaires d’amateurs. D’autant plus dur à avaler qu’ils sont tous professionnels. Leur chef s’en émeut et s’en va.

Mais la période « je vous cause plus » est de courte durée. A l’issue d’un défilé dont Trudi Kohl nous a permis de saisir tous les enjeux, le président se dit fier de notre armée : ça ne mange pas de pain.
Et si « les Surcouf » n’avaient rien compris ? A les entendre déplorer la fin de notre réseau de bases africaines, qui permettait de désamorcer de nombreux conflits et, au besoin, d’évacuer à moindre coût nos ressortissants et ceux de nos partenaires, on se dit en effet qu’il faut de toute urgence leur offrir des postes de télévision. Ils apprendront que le « Livre blanc », le vrai pas celui qui est en vente dans toutes les librairies, c’est le Président lui-même. Plus besoin de bases en Afrique : le Président se déplace en personne pour régler les problèmes, envoie son grand avion chercher les victimes. Ingrid Bétancourt, les infirmières bulgares, les journalistes retenus au Tchad ont bénéficié du nouveau service présidentiel personnalisé.

Résultat, nos officiers, décidément très négatifs, ont le sentiment de ne plus servir à rien, sinon à impressionner les amis (notamment africains) du président et à le remplir de fierté quand ils défilent les Champs-Elysées.

Peut-être est-ce l’essence de la vraie réforme annoncée par le « Livre blanc » : au Président la défense et la sécurité (depuis les émeutes, il connaît), aux officiers et à la troupe les défilés, les opérations portes ouvertes, le pouponnage et la figuration à côté de nos alliés. Si l’on ajoute la promesse de beaux uniformes (dont la confection est désormais « externalisée »), on ne voit pas de quoi ils se plaignent. Qu’importent quelques officiers mécontents qui parlent du monde et de sa complexité. Peut-être même faudrait-il sanctionner ces militaires qui osent penser tout haut alors qu’on les aime quand ils obéissent en silence. Qu’ils laissent le Président parler, sans l’interrompre ni le contredire : il a horreur de ça !

On ne coupera pas au jeu de mots

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Le Monde titre dans son édition du 22 juillet : « Barack Obama suscite la circonspection en Israël ». Franchement, y a des lapsus qui se perdent !