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Il faut sauver la soldate Tuaillon

Notre contributeur revient sur l’émission d’Alain Finkielkraut Répliques du 24 février consacrée à l’amour, avec Noémie Halioua et Victoire Tuaillon. Et sur les réactions ultra-gauchisantes qu’elle a suscitées.


Résumons.

Le 24 février 2024, Noémie Halioua, auteur de La Terreur jusque sous les draps – sauver l’amour des nouvelles morales, un essai qui commence à faire parler de lui et pour cause[1], était invitée à Répliques par Alain Finkielkraut pour débattre avec Victoire Tuaillon, animatrice du fameux podcast Les couilles sur la table, sur le thème Faut-il réinventer l’amour ?  Le débat (qu’on pourra réécouter ici), fut explosif, tendu, quoique très intéressant, palpitant et significatif du fait même de son caractère aporétique. Par bien des aspects, il rappela celui du plateau d’Apostrophes en 1978 [archive INA ci-dessous] entre Annie Le Brun et Gisèle Halimi.

Même mépris néo-féministe envers celles qui osent ne pas se reconnaitre dans leur combat communautariste, même négation de l’individualité au nom de la lutte collective, même misandrie décomplexée, même haine de la littérature – et il fallait bien une surréaliste aussi classe que l’autrice des Châteaux de la subversion pour oser s’attaquer toute seule à la meute progressiste. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard (ou si c’en est un, alors il est objectif !) si Noémie Halioua termine son propre essai sur le mot d’André Breton à sa fille : « je vous souhaite d’être follement aimée. »

Amour fou contre Big Bang theorie

Alors sans doute suis-je partie prenante dans cette affaire et donc forcément partial mais il me semble que la surprise (et non l’emprise !), la verve et l’élan vital furent du côté de Noémie bien plus que de celui de la podcasteuse qui s’enlisa très vite dans ses chiffres, ses stats, ses « études », sa perception toute scientiste des choses, idéologiquement imparable mais existentiellement très pauvre – et typique de cette « prétention du présent », comme le fit remarquer d’emblée la première, qui tend à tout régenter au nom du bien et à déshumaniser à force de dénaturaliser.

Dès lors, la bataille pouvait commencer.

L’une, du côté de l’homme et de la femme éternels, de l’amour tel qu’il est vécu depuis la nuit des temps, forcément imparfait, dissymétrique, associé au tragique ; l’autre, du côté de la réparation permanente, de l’obsession qu’il faut révolutionner le réel dans une optique banalement anticapitaliste quoique sans comprendre que c’est justement le capitalisme et la révolution industrielle qui ont permis l’émancipation des femmes bien plus que le blabla moralisateur des féministes (que n’a-t-elle lu Féminicène de Véra Nikolski, le seul essai sociologique du moment qui renouvelle le logiciel progressiste) – et préférant comme il se doit s’en prendre à la culture immémoriale, réduisant l’amour au féminicide, l’œuvre d’art à la culture du viol et la littérature à Matzneff. Tant pis pour Madame de Mortsauf et son bouleversant « J’ai parfois désiré quelque violence de vous » à Félix de Vandenesse dans Le Lys dans la vallée, cité par Finkielkraut, qui impressionna fort peu Victoire, certaine de l’emporter grâce aux chiffres de l’INSEE.

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Le plus drôle est qu’en défendant son monde parfait où tout le monde s’aimerait de la même façon et d’un amour qui ne serait en fait qu’une forme d’amitié sublime plus ou moins zadiste, c’est elle qui se révéla ultra-romantique, idéelle, irréelle – alors que Noémie, toute à sa défense des contes de fées, était paradoxalement dans le réel le plus âpre, vécu comme tel avec ses défauts et ses risques. Et c’est pourquoi, plutôt que le féminisme révolutionnaire, toujours un brin totalitaire, promue par la première (« le féminisme n’est pas une opinion », asséna celle-ci – énormité de l’émission s’il en fut), l’on préférera toujours celui de réconciliation proposée par Noémie[2].

Mais le plus beau était à venir…

Le même jour, ces dames mirent sur leur profil respectif, et avec une fierté fort compréhensible, la photo faite après l’émission avec Alain Finkielkraut et (entre !) elles. Tout le monde fut heureux pour Noémie alors que cela se passa fort différemment pour Victoire. Très vite, celle-ci fut taclée sur son X (ex-Twitter) avec une incroyable violence par sa communauté l’accusant d’être allée se compromettre dans une émission « crypto-fasciste » d’un « vieux mâle blanc cisgenre », osant, qui plus est, poser avec un grand sourire à côté de lui – acte de collaboration impardonnable.


Pire, on l’attaqua sur sa blanchité, son orientation sexuelle (car on a beau être féministe pratiquante, on n’en reste pas moins une caucasienne hétéro), tout ce qui constituait à son corps défendant une trahison éhontée de la cause – et qui lui fit perdre sur le champ près de cinq mille followers ! La malheureuse fut alors obligée de rétropédaler, tentant d’expliquer pourquoi elle avait accepté cette invitation, qu’il était de son devoir de combattre les « idées moisies » sur leur terrain et que son sourire n’était en rien de déférence mais au contraire d’insolence. Explications qui ne convainquirent pas du tout la bande d’enragés qui la suivait, certains allant jusqu’à dire qu’ « elle aussi faisait partie du problème », démontrant, si besoin en était, que le campisme se termine toujours très mal – et comme l’expliqua très bien Peggy Sastre : « on surestime grandement à la fois l’homogénéité de son exogroupe (pas de ma bande) que celle de son endogroupe (de ma bande) – une double illusion, susceptible de faire de grosses étincelles ».  

La pauvre Victoire n’était pourtant pas au bout de ses peines. Malgré un premier compte-rendu honnête de l’émission par Télérama (« Au micro de Finkielkraut, deux visions opposées du féminisme… mais qui s’écoutent »), Libération, sous la plume hautement toxique d’une certaine Johanna Luyssen (« Pourquoi c’est compliqué de débattre avec Alain Finkielkraut quand on est féministe »), argua contre Victoire qu’il y avait en effet d’autres combats à mener pour une féministe que d’aller perdre son temps à débattre avec des réacs et que le faire, c’était surtout permettre à Finkielkraut, « édifice sexiste et raciste » à lui tout seul, de se « déghettoïser ».

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À ce texte crispant et surtout peu solidaire avec une personne qu’ils auraient dû soutenir, Noémie réagit avec beaucoup d’honneur par une élégante vidéo dans laquelle elle s’étonnait du peu de goût de cette journaliste de gauche pour la liberté d’expression et le débat démocratique et qui lui donnait pour le coup envie de défendre la Tuaillon. Cette dernière n’apprécia pas non plus beaucoup cette leçon de morale que Libé lui faisait et eut des mots plutôt rudes avec son émissaire. Il est vrai qu’entre camarades d’ultra-gauche on n’oublie jamais de se taper dessus en cas de manquement idéologique avant de s’exclure en bonne et due forme, la Révolution finissant toujours par dévorer ses enfants. Et entre des fanatiques l’accusant d’aller faire du gringue à l’ennemi et une « stalinienne en jupon » la semonçant publiquement, Victoire a dû se sentir bien seule.

La gauche black mirror

Au-delà de sa mésaventure personnelle, ce qui importe dans cette affaire picrocholine est de constater le tournant que prend aujourd’hui la gauche culturelle.

Non qu’on ne la savait pas intolérante, sectaire et rép(g)ressive depuis longtemps – mais pas de manière si officielle. De ce point de vue, ce sont Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis qui ont gagné. Quand on est de gauche, on ne discute plus avec Marcel Gauchet ni avec Alain Finkielkraut, ni avec personne. On agit – c’est-à-dire on boycotte, on censure, on interdit (regardez ce qui se passe avec CNews). Le problème n’est plus le désaccord mais bien le débat en soi – pour ne pas dire l’Autre qu’il faut désormais annuler ou invisibiliser comme dans un épisode de Black Mirror. Pour ces gens-là, le « fascisme » ne commence pas à l’extrême droite, à droite ou même au centre mais bien avec la gauche libérale dont fait malgré tout partie Victoire Tuaillon – à qui il arrive la même chose qu’à l’écolo Hugo Clément après que celui-ci a accepté d’aller débattre avec Valeurs actuelles et s’être fait traité par ses propres troupes d’« écofasciste ». Pour l’anti-fa comme pour le fa, seule importe la pureté – c’est-à-dire la mort. Et c’est pour cela qu’on a envie de sauver la soldate Tuaillon de son engeance et peut-être même de la réconcilier avec Noémie Halioua – la sororité étant plus une affaire d’individus que de meute.

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[1] Lire la recension de Frédéric Magellan dans nos colonnes

[2] Et même si nous n’avons rien contre l’idée d’une autre version du conte de Perrault dans laquelle ce serait Aurore qui embrasse le prince pour le réveiller de son sommeil de cent ans – et comme du reste Trinity embrasse Néo dans Matrix et lui rend la vie. Là-dessus, nous sommes en accord érogène avec Victoire. Oui au Beau au bois dormant ! Oui au female gaze !

Immigration clandestine: il serait plus efficace de dissuader d’entrer que d’obliger à partir

Nos querelles d’idéologues et les batailles d’opinions empêchent le moindre débat rationnel sur la réalité de l’immigration, question pourtant toujours plus décisive. Le Petit traité sur l’immigration irrégulière de Maxime Guimard promet d’y voir plus clair. La démographe Michèle Tribalat a lu le premier essai de ce haut fonctionnaire de la place Beauvau, préfacé par Dominique Reynié.


L’intérêt du livre de Maxime Guimard1 est de porter l’attention sur la présence d’étrangers en situation irrégulière, soit parce qu’ils sont entrés sans en avoir le droit, soit parce qu’ils ont prolongé leur séjour au-delà de la durée de leur visa, et de dévoiler l’envers du décor : astuces, contournements, fraudes, chantages, fausses bonnes idées et aveuglements politiques. Je suis d’ailleurs étonnée qu’il n’ait pas reçu un écho médiatique plus important. Son auteur étant lui-même un cadre du ministère de l’Intérieur, il dispose d’informations de première main qui auraient dû retenir l’attention des médias, d’autant qu’il est sorti en janvier alors qu’une loi adoptée sur le sujet s’est vue en grande partie retoquée par le Conseil constitutionnel. L’ordre du jour médiatique ne pouvait pas être plus propice à un large écho. Une des grandes leçons de ce livre est sans doute qu’il serait plus efficace de dissuader d’entrer que d’obliger à partir.

Comment les appeler ?

Maxime Guimard se refuse, à raison, d’appeler « clandestins » des étrangers qui sont arrivés parfois au vu et au su de tout le monde et ne vivent généralement pas dans la clandestinité. Il se résout à adopter l’appellation des militants pro-immigration – « sans-papiers » – même s’il n’y recourt que cinq fois. Il distingue « immigration légale » et immigration qu’il appelle irrégulière et non pas illégale, sans doute en raison de sa banalisation.

Un chiffrage forcément approximatif

Maxime Guimard estime à 500 000 le nombre possible d’étrangers en situation irrégulière au 1er janvier 2022 en retirant chaque année, de 2009 à 2021, du nombre d’étrangers connus pour être entrés, d’une manière ou d’une autre, dans l’irrégularité, ceux qui en sont sortis (décès[1], retour ou régularisation).

Pour 1,3 million de personnes repérées comme entrants dans l’irrégularité de 2009 à 2021, 800 000 sont sortis de l’irrégularité, en grande partie grâce aux procédures de régularisation (80 %). C’est donc principalement par la régularisation que l’État français « lutte » contre la présence irrégulière d’étrangers en France. « La quasi-certitude d’accéder un jour à un statut régulier est inéluctablement interprétée par le migrant comme un signal d’accueil favorable adressé par le pays de destination, qui constitue en lui-même le moteur essentiel de la migration irrégulière » observe Maxime Guimard.

Une politique des visas ajustée, la clef de la prévention

Le dépassement de validité du visa est le moyen le plus fréquent d’entrée dans l’irrégularité. Le visa de court séjour est donc l’objet d’une grande convoitise et les pays que l’UE a dispensés de visas peuvent servir d’intermédiaires complaisants.

On peut forcer la porte en passant par un pays de transit non soumis au visa aéroportuaire ou en obtenant un visa pour un pays lointain et en débarquant lors d’une escale en Europe pour demander l’asile. On peut aussi passer par des pays de rebond, comme le Brésil, pour se rendre au poste frontière de Saint-Georges de l’Oyapock et déposer une demande d’asile en Guyane. La simple corruption peut aider, comme ce fut le cas d’universités bidon au Royaume-Uni prétendant accueillir de nombreux étudiants qui payaient, en échange de faux certificats d’inscription ou de présence. La malveillance aussi, comme ce fut le cas en 2021 lorsque la Géorgie distribua des visas à des Irakiens en leur faisant miroiter une entrée dans l’UE.

Le système d’enregistrement électronique entrées-sorties (EES) attendu pour 2025 et permettant de dématérialiser le cachetage du passeport devrait permettre de produire des données statistiques sur le dépassement de la durée de validité des visas par nationalité, par consulat et critères sociaux professionnels, à même d’informer une politique de visas. En effet, détecter après coup les dépassements c’est bien, mais c’est encore mieux de pouvoir les empêcher par une politique de visas apte à repérer les candidats au dépassement et les fraudes même si, en termes budgétaires, la délivrance d’un visa est moins coûteuse qu’un refus.

Pour les pays dispensés de visas, on espère beaucoup du fichier ETIAS[2] qui délivrera ou non, après consultation de divers fichiers, une autorisation de séjour de trois mois. ETIAS aussi permettra d’étudier les dépassements de séjour autorisé et d’ajuster les pratiques administratives en conséquence.

Si l’on refuse aujourd’hui plus de visas qu’autrefois, c’est parce que les demandes se sont considérablement accrues et non parce qu’on en délivrerait moins.

Promesses humanitaires ou solution à l’australienne ?

Quant au forçage des frontières par la mer, le secours apporté par des ONG pour sauver les étrangers des embarcations précaires entretient la rente financière des passeurs, quand il ne les aide pas à récupérer les bateaux pour de nouveaux transports. Ces ONG jouent le rôle de facilitateur de l’immigration irrégulière par mer, avec son lot de noyades. Si les pays européens sont loin d’être prêts à montrer les muscles et à imiter les Australiens, force est de reconnaître que la méthode de refoulement de ces derniers avec la marine de guerre et l’impossibilité de mettre un pied en Australie pour ceux qui auront essayé d’y entrer illégalement a mis fin aux noyades en mer. Si l’on n’imagine pas l’UE sortir des bateaux de guerre (lesquels ?) pour repousser les candidats à l’immigration, le « push back » y ayant été déclaré interdit, il devrait être plus facile d’interdire le retour dans l’UE d’étrangers ayant essayé d’en forcer la porte. À condition qu’ils n’aient pas réussi car, une fois sur place, l’éloignement est devenu quasi impossible, particulièrement en France.

Organisation de l’impuissance à la frontière

Depuis une loi de 1989, les associations disposent d’une permanence dans les aéroports leur permettant d’orienter les étrangers retenus à la frontière vers la demande d’asile. Si elle apparaît manifestement infondée, un recours contentieux est possible, recours qui est devenu suspensif depuis une décision de la CEDH en 2007, prolongeant ainsi le délai de maintien en zone d’attente, sous contrôle du juge des libertés et de la détention. Particularité française, il faut ajouter à cela la possibilité, depuis une loi de 1981, pour l’étranger de refuser d’être rapatrié avant l’expiration d’un jour franc[3]. Si le taux de réacheminement n’est pas très élevé en aéroport (30 %, d’après l’ANAFE[4]), l’épisode de l’Ocean-Viking a montré qu’on pouvait faire bien pire (3%).

A lire aussi, Céline Pina: Le FORIF, le ministre de l’Intérieur, deux imams fadas et la campagne électorale

Quant aux prestations de Frontex, elles sont si problématiques que les pays de première ligne en viennent à préférer s’en passer.

François Leggeri, qui pensait diriger une brigade de gardes-frontières, dut en tirer les conséquences et démissionner.

Des trous dans la raquette

La directive de 2009 visant à sanctionner les employeurs recrutant des étrangers sans titre de séjour a déplacé la fraude sur l’emprunt de vrais titres de séjour contre 10% à 30% du salaire. Si l’employeur transmet bien une copie du titre de séjour à la préfecture deux jours avant l’embauche, aucun mécanisme n’a été mis en place pour vérifier si ce titre de séjour est utilisé par plusieurs étrangers. L’application AGDREF[5] du ministère de l’Intérieur devrait être améliorée ou remplacée afin de permettre de telles vérifications.

L’aubaine hospitalière française

L’étranger en situation irrégulière depuis trois mois ou disposant d’une autorisation provisoire de séjour dans l’attente d’une décision sur sa demande d’asile peut recourir à l’AME dans le premier cas ou à la PUMA dans le second cas. L’AME est sous condition de ressources, purement déclaratives, et donne lieu à des fraudes. En profitent surtout des étrangers exemptés de visas qui ne disposent pas dans leur pays des mêmes prestations ou ne sont pas couverts.

L’absence de contrôles a ainsi permis à l’actuel ministre des affaires étrangères des Comores de se faire passer pour un Mahorais et à se faire soigner à la Réunion pendant une dizaine d’années !

Mayotte, 24 avril 2023 © MATHYS/ZEPPELIN/SIPA

L’asile, filière par excellence de l’immigration irrégulière

La durée des procédures, la dégradation des contrôles aux frontières et l’évolution de la législation ont contribué à gonfler les demandes d’asile. Une fois en Europe, l’étranger a de bonnes chances de pouvoir y rester.

La Convention de Genève fut conçue pour réagir aux évènements survenus en Europe avant le 1er janvier 1951. Mais le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies (HCR), créé en 1950, laissait à chaque contractant la possibilité d’élargir unilatéralement le champ de la demande d’asile. Défaut d’anticipation et suivisme du quai d’Orsay ont conduit à l’adoption à l’unanimité de l’extension de la Convention au reste du monde en 1970, après la conférence de Bellagio de 1965 et après que les Nations unies l’ont recommandée. S’y ajoutèrent, en 1982, l’extension aux procédures à la frontière et, en 1998, à l’asile territorial qui devint la protection subsidiaire[6] puis, en 2003, aux persécutions non étatiques.

Le faible taux de protection français ne tient pas à une sévérité particulière mais à la composition par origine des demandeurs. Les demandeurs d’asile font des choix et ceux qui ont de bonnes chances d’obtenir l’asile préfèrent les pays les plus attractifs et où la procédure est plus rapide. L’Allemagne choisit non sans un certain cynisme les étrangers auxquels elle accorde une protection : les plus diplômés d’abord et les femmes parmi les Afghans. La France, où les procédures sont plus longues et les taux de protection supérieurs à la moyenne, notamment auprès des ressortissants de pays exemptés de visas, est donc choisie par défaut, notamment par ceux qui ont été déboutés chez nos voisins. Au rang des exceptions françaises il faut compter la composition de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) où siège, dans chaque formation, un représentant du HCR comme deuxième assesseur. La CNDA assure ainsi une protection à des cas jugés incongrus chez nos voisins. Ses décisions rétroagissent sur celles en première instance par effet d’anticipation.

Beaucoup de bruit pour rien

La procédure Dublin a mauvaise presse au ministère de l’Intérieur. Le transfert, qui doit se faire dans les six mois, échoue la plupart du temps et oblige ainsi à accepter la demande d’asile, rallongeant encore le temps de traitement du dossier. Le traitement rapide des dossiers, surtout pour les demandeurs ayant peu de chances d’obtenir une protection, est le moyen le plus sûr de réduire l’incitation à demander l’asile.

Éloignements de plus en plus difficiles

Loin d’être une directive de la honte, la directive Retour de 2008 a introduit le délai de départ volontaire (30 jours) pour l’étranger de bonne foi qui permet à l’étranger sous OQTF, de s’évaporer dans la nature. Il faut y ajouter ensuite la dépénalisation du séjour irrégulier. La France, écrit Maxime Guimard, arrive à éloigner à peu près autant qu’à la belle époque lors de l’éloignement en wagon cellulaire (4000 à 6000 par an), malgré une augmentation des décisions, traduisant ainsi une forte dégradation de la politique d’éloignement. Mauvaise volonté des pays d’origine pour délivrer les laissez-passer consulaires, procédures interminables et contraintes juridiques plus grandes expliquent cet échec, dont témoigne l’extension des capacités de rétention. La rétention n’est d’ailleurs pas forcément une aide à l’éloignement en raison de la présence, en centres de rétention administrative (CRA), d’un représentant d’associations (CIMADE, France terre d’asile…) qui prépare à l’obstruction à l’éloignement.

Toutes ces difficultés, auxquelles il faut ajouter parfois le refus de réadmission à la frontière, conduisent à l’autocensure des services d’éloignement.

L’absence d’un véritable outil statistique n’aide pas à la décision

L’application AGDREF mise en place dans les années 1990 n’est sans doute plus adaptée aux exigences actuelles. L’absence d’applications collaboratives et les échanges manuels qui perdurent sont la source d’une perte de qualité des documents, avec des copies de passeports transmises aux consulats qui sont parfois illisibles. On est loin d’une digitalisation complète des informations. Les préfectures ont ainsi renoncé à identifier les étrangers qui ne sont pas en CRA et qui ne figurent ainsi pas dans AGDREF. Le projet d’introduction d’un identifiant unique pour tout étranger devrait permettre de suivre son destin en France et de mieux appréhender l’immigration irrégulière.

Une diplomatie migratoire encore bien timide

Maxime Guimard examine les moyens de pression susceptibles d’améliorer la collaboration des pays d’origine, sachant que la politique longtemps privilégiée par l’UE d’échanger des entrées légales contre un accord de réadmission ne crée pas vraiment d’obligations pour ces pays, en raison d’une grande dissymétrie de réactivité : « Il suffit d’un télégramme pour ordonner aux consulats de ne plus délivrer de laissez-passer, quand nos démocraties forcément plus réglementées doivent engager de longues négociations pour revenir sur les facilités octroyées ».

La menace de réduire le nombre de visas a plus de chances de marcher lors d’un ciblage précis des pays qui refusent de coopérer afin d’éviter une coalition d’intérêts.  La France l’a fait en 2021 à l’égard de l’Algérie très peu coopératrice (34 éloignements forcés en 2021), mais aussi du Maroc et de la Tunisie avec un retour à la normale courant 2022.

A lire aussi: Maroc: réchauffement en vue?

Ajoutons que le Conseil constitutionnel a consenti à ce que la France conditionne la délivrance de visas à la coopération en matière de réadmission. C’est un des rares articles introduit par le Sénat qui n’a pas été retoqué pour absence de lien avec le projet de loi initial.

Le levier de l’aide publique au développement pas très populaire

L’absence de conditionnalité est défendue par les pays destinataires de l’aide, les ONG engagées sur le sujet, telles que la Coordination Sud qui rassemble plus de 170 associations françaises et subventionnée à plus de 1 million d’euros. Craignant pour leur activité, elles sont hostiles à tout contrôle des destinataires en bout de course. Par ailleurs, la multiplicité des programmes, les divergences de priorités entre administrations ne sont guère favorables à la mise en place d’une conditionnalité. L’éviction du ministère de l’Intérieur du conseil d’administration de l’Agence Française de développement (AFD) en 2019 non plus. Sans mécanisme de révision, d’après une liste de pays selon leur degré de coopération à la réadmission établie par le ministère de l’Intérieur, c’est le louvoiement assuré des pays tiers. Il est temps d’agir, la plupart des pays de l’UE étant désormais acquis au principe de conditionnalité. Enfin, pas encore en France apparemment puisque la disposition ajoutée par le Sénat conditionnant l’aide à la coopération des états a été, celle-ci, retoquée par le Conseil constitutionnel pour absence de lien, même indirect, avec le projet de loi initial.

Quant aux transferts de fonds des immigrés vers leur pays d’origine, ils pourraient être un levier pour améliorer la coopération de pays récalcitrants en matière de réadmission (d’après un bilan du ministère de l’Intérieur), en jouant sur les coûts de transfert : nous réduirons ces coûts si vous vous montrez plus coopératifs.

De même, à côté du système général de préférences unilatéral (SGP) appliqué par l’UE dans ses transactions commerciales avec des pays à faibles revenus, un grand nombre d’accords contractuels introduisant des tarifs préférentiels comprennent des clauses de réadmission. Mais encore faudrait-il qu’elles soient activées systématiquement. Une révision du SGP pour le cycle 2023-2024 n’a pas encore abouti. Si le Comité des représentants permanents de l’UE a accepté le levier commerce-réadmission, le Parlement, fortement travaillé au corps par une campagne de lobbying, s’y est opposé. Mais ce levier n’a de chances de marcher qu’avec les pays qui exportent suffisamment dans l’UE.

Contradiction française

Comment espérer faire plier des pays tiers quand la France régularise chaque année des dizaines de milliers d’étrangers et incite ainsi des étrangers à grossir les flux à venir ? Cette contradiction ne met pas le Quai d’Orsay en bonne disposition pour tenter de faire plier les pays avec lesquels il est censé converser. Ce dernier peut avoir l’impression qu’il perd son temps, tout en indisposant ses interlocuteurs.

Le quartier de la Goutte d’or à Paris, 16 novembre 2020. © Michel Setboun/SIPA

Un moyen plus direct d’envoyer un message aux pays réfractaires pourrait commencer par l’établissement d’une liste des faveurs accordées aux entourages de leurs diplomates et d’y mettre fin. Le légalisme des procédures démocratiques joue en faveur des régimes autoritaires qui n’ont aucun mal à se faire entendre quand les pays européens n’y arrivent pas. Il se trouve ainsi des pays qui nous refusent la réadmission de quelques-uns de leurs ressortissants mais accepteront sans broncher des retours massifs d’un pays voisin. Les Européens pourraient faire monter la pression en menaçant de mettre fin aux prébendes contre une attitude plus conciliante. Le message à faire passer : la rente est terminée !

Si quelques progrès sont possibles en faisant mieux fonctionner l’administration et en la dotant d’un système informatique beaucoup plus performant et collaboratif, une action plus globale visant la maîtrise et la restriction des flux migratoires souhaitées par l’opinion publique est freinée par la dépolitisation de la question migratoire transformée en enjeu humanitaire. À cet égard, Maxime Guimard n’oublie pas le rôle joué par quelques intellectuels, dont l’inénarrable professeur au Collège de France François Héran, qui ont naturalisé le phénomène migratoire et ont réussi à convaincre une bonne partie de l’élite. Parmi ces convertis, figure notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin[7]. Le mélange de « discours agressifs et de politique de tolérance » est une bien mauvaise option qui confine à l’impuissance. Impuissance que les stratégies de partage sur le territoire français ou européen ont du mal à camoufler. L’accent mis sur les politiques de retour laisse croire qu’elles sont le bon outil de lutte contre l’immigration irrégulière et apportent malencontreusement du crédit aux discours des associations dénonçant le durcissement croissant des politiques migratoires.

Une simplification radicale répondant aux aspirations humanitaires d’une France ouverte à tous reviendrait à renoncer à tout contrôle, mais au prix d’une explosion des flux. Pour Maxime Guimard, un progrès minimal consisterait à aligner la législation française sur une politique « médiane » des autres états membres de l’UE, en éliminant les dispositifs qui plaisent tant aux universitaires français mais ne sont pas partagés par nos voisins. Pour aller plus loin, explique Maxime Guimard, c’est vers les pays anglo-saxons qu’il faudrait se tourner. Cependant, l’exemple américain des dernières années, avec une immigration irrégulière record à la frontière mexicaine n’est sans doute pas celui qu’il nous faut suivre.

Petit traité sur l’immigration irrégulière, Maxime Guimard, Éditions du Cerf, janvier 2024, 384 p.

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Ce article a été publié d’abord sur le blog de Michèle Tribalat.


[1] Avec, à mon avis un défaut d’estimation des décès, mais qui ne change pas l’ordre de grandeur de son estimation.

[2] European Travel Information and Authorization System.

[3] L’article ajouté par le Sénat visant à supprimer cette exception française a été retoqué par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec le projet de loi initial.

[4] Association nationale d’assistance aux frontières.

[5] Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.

[6] La protection subsidiaire s’adresse aux étrangers qui risquent une menace grave, indépendamment de leur situation personnelle.

[7] C’est moi qui le dis (et non Maxime Guimard) après avoir entendu le ministre, lors de sa conférence au Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI) le 19 septembre 2023 : « la question de l’immigration n’est pas une question d’opinion publique. Il n’y a pas à être pour ou contre. Être contre c’est comme être contre le soleil. »

  1. https://maximeguimard.fr/ ↩︎

Pour la journée des droits de la femme, à l’école, aidons les garçons!

Quand la propagande féministe entre à l’Éducation nationale, les savoirs sont remplacés par le féminisme victimaire, et ce sont les garçons qui trinquent.


Et voici donc venir la Journée des droits de la femme 2024. A l’école aussi. Bien sûr. Puisque l’école accueille en son sein toutes les festivités contemporaines avec un grand enthousiasme, des JO à la Semaine du goût en passant par la Fête de la « Fraternité générale ».

Dans la perspective de ce vendredi 8 mars tout féminin, le site de l’Éducation nationale reprend mot pour mot le texte publié par l’ONU1. Celui-ci affirme que les réductions des dépenses publiques constatées dans le monde « auront des répercussions négatives sur la situation des femmes ». Usant ensuite d’un conditionnel, il poursuit: « plus de 342 millions de femmes et de filles pourraient ainsi vivre sous le seuil de pauvreté d’ici à 2030 ». Il déplore que les organisations féministes, qui – selon l’ONU – prennent la tête de la lutte contre les inégalités et la pauvreté des femmes « tournent à vide, puisqu’elles ne perçoivent que 0,13 pour cent du total de l’aide publique au développement. » Quelle proportion de nos impôts faut-il verser aux organisations féministes à travers le monde pour que l’ONU soit satisfaite ? Nul ne le sait.

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Ce copié-collé d’un texte à visée internationale, alarmiste, n’est pas adapté aux enjeux français et conduit tout naturellement le ministère de l’Éducation nationale à encourager  ses employés à passer « à une économie verte, une société de soins » et « à soutenir les agents de changement féministes ».Contester le bien-fondé de ce fléchage de l’argent public revient à se ranger immédiatement dans le camp du patriarcat éhonté. Du ministre aux grouillots de la rue de Grenelle, tout le monde approuve et logiquement, les établissements sont fortement incités à poursuivre ces mêmes objectifs. Mais l’urgence en France est-elle vraiment d’ancrer le féminisme à l’école ?

Remplacer les savoirs par le féminisme victimaire

Il est bien sûr impossible de prédire quelles actions auront lieu cette année mais il existe déjà des habitudes en la matière. Les « bonnes idées » foisonnent. Il suffit de consulter les sites académiques qui relaient fièrement les manifestations de « féminisme scolaire ». Ici, les élèves constitués en Brigade Egalité Garçons-Filles distribuent aux adultes des citations de « femmes inspirantes », de Simone de Beauvoir à Hillary Clinton en passant par Beyoncé. Là, ils réalisent des graffitis géants à la gloire des femmes sur les murs de leur collège. Ailleurs encore les professeurs organisent des expositions dénonçant les inégalités de genre, le problème n’étant visiblement plus que les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes mais que chacun puisse choisir son genre. A Créteil, Françoise Vouillot, responsable du groupe « OriGenre » (orientation et genre), ancienne présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux » du Haut conseil à l’égalité femmes/hommes (HCE F/H), donne une conférence : « appréhender comment (sic) le système de genre influence le fonctionnement de l’institution scolaire ». Autrement dit : le système hiérarchise les sexes et les valeurs qui leur sont associées mais je vais vous expliquer en quoi l’école en est affectée.

2024. DR.

L’académie de Limoges a proposé un « happening ou déclaration d’une phrase choc dans les classes ainsi que d’un quiz réalisé par le CVL » (Conseil de vie lycéenne). Une phrase choc pour régler les problèmes de violences faites aux femmes. Comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?

A Poitiers, on crée une mosaïque de l’égalité, on organise des collectes contre la précarité menstruelle, on slame…

A Rennes on l’échappe belle grâce à l’escape game « Panique à sexisme city ». Quel suspense !

Sur le site de l’académie de Dijon on rappelle sur une affiche « Synthèse – Vers l’égalité entre les femmes et les hommes en 10 chiffres clés » qu’une femme sur dix serait concernée par l’endométriose. Si l’égalité importait vraiment à ces gens, ils rappelleraient aussi les statistiques du cancer des testicules…

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Ces activités se font évidemment sur le temps scolaire. On le sait, atteindre l’égalité réelle dans tous les domaines est aujourd’hui la priorité de l’Éducation nationale. Le plus beau cadeau à faire aux petites filles serait pourtant de les instruire et non de leur farcir la tête de ressentiment.

Le mal-être des garçons

Depuis des décennies, les sociétés occidentales, et la société française ne fait pas exception, se concentrent sur les discriminations dont souffre la gent féminine ; l’école en a même fait une mission. Elle en oublie qu’elle est censée s’attacher à la réussite de tous. Or le mal-être des garçons est croissant : plus souvent en échec, ils se montrent aussi plus violents, tombent davantage dans la dépression ou la phobie scolaire. Les dernières études PISA montrent un écart d’un an entre les filles et les garçons en classe de troisième. Le rapport de la DEPP 2021 (Filles et garçons sur le chemin de l’égalité) montre qu’au baccalauréat, elles obtiennent de meilleurs résultats dans toutes les voies. La part des candidates ayant obtenu une mention « bien » ou « très bien » est nettement supérieure à celle des candidats. Elles obtiennent plus souvent des mentions « bien » ou « très bien » dans la série scientifique S (+ 11 points). Cette hégémonie scolaire féminine se poursuit dans les études supérieures et se traduit depuis quelques années dans la vie professionnelle. La présence des femmes augmente particulièrement dans les métiers très qualifiés. En 2017, 55% des avocats et 70% des élèves avocats étaient des femmes. 135 barreaux sur 164 ont déjà eu à leur tête une femme bâtonnière. Les effectifs de magistrats judiciaires français sont également très féminisés tant en ce qui concerne les juges professionnels (73 % au siège) que les procureurs (59 % au parquet). 50% des médecins généralistes sont des femmes et la proportion ne cesse de croître…

Les enseignants exhortés à « s’engager dans une pédagogie qui limite la transmission des stéréotypes » sont nombreux à déplorer le temps consacré à ces obsessions au détriment des disciplines. Les manuels continuent d’affirmer que « les inégalités sont présentes dans tous les domaines ». Le site de l’Éducation nationale, on l’a vu, consacre des pages entières à l’égalité entre les garçons et les filles, serinant que « filles et garçons intériorisent les stéréotypes » ou encore que « filles et garçons continuent à se conformer à ce qui est présenté comme leur domaine respectif de compétence dans les schémas socioprofessionnels fortement stéréotypés ». Les hommes sont, en creux, généralement présentés comme ceux qui abusent ou ont abusé de leurs droits. Il serait alors urgent d’inverser un rapport de force et de prévenir les futurs abus des petits garçons, coupables d’avance des mêmes crimes que leurs pères. 

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L’habitude intellectuelle qui consiste à faire des femmes les uniques victimes de la société nous empêche de voir ce qui crève les yeux : l’échec scolaire et ses conséquences sont massivement masculins.

Ce que l’on ne dit pas

Dans École, la fracture sexuée, Jean-Louis Auduc livre de nombreuses statistiques passionnantes. Deux tiers des décrocheurs sont des garçons, les trois quarts des enfants d’origine maghrébine et subsaharienne. Les résultats des filles d’origine africaine ou maghrébine sont très proches de ceux des petites Françaises « de souche ». Elles voient clairement la réussite scolaire comme un moyen de s’émanciper. Le modèle musulman éduque souvent les garçons comme des petits rois, qui ne participent à aucune tâche domestique et développent une nonchalance incompatible avec les exigences de l’école. À cela s’ajoutent les politiques égalitaristes qui excusent ces élèves au nom de leurs difficultés sociales. Fractures sexuée et religieuse se superposent donc pour se potentialiser l’une l’autre. Ce phénomène a été plusieurs fois décrit et analysé, notamment en 2004 par le rapport Obin.

Aider les garçons pour aider les filles

Donner des armes aux filles pour se défendre contre le harcèlement et les encourager à réussir est capital, bien sûr ! Il ne s’agit pas de les renvoyer à leurs travaux d’aiguilles ! Mais aider les garçons à s’épanouir à l’école est indispensable pour retrouver un climat serein, lutter contre le harcèlement et l’échec scolaire.

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Il faut dès lors se montrer très explicite ; leur dire, ainsi qu’à leurs parents : « la domination masculine qui vous semble si naturelle a fait long feu. Vous serez concurrencés par des filles aussi douées et libres que vous, très motivées par surcroît. La seule alternative possible est l’effort. Votre sexe ne constitue plus un avantage acquis. »

La prépondérance des femmes dans le personnel scolaire et le fait que les mères s’occupent plus de la scolarité en éloigne aussi les garçons qui ont besoin de modèles masculins. Éduqués dans un environnement féminin qui les surprotège mais les juge pénibles, ils perdent parfois confiance et concluent que l’école n’est pas faite pour eux. Je les entends dire et se convaincre que la lecture est une activité de filles. Certains rechignent à travailler à l’école pour ne pas « passer pour des homos »…

Pourtant, nombreux sont les hommes qui enseigneraient volontiers si le métier n’était pas si réglementé, s’il était possible de passer d’une carrière à l’autre, si les salaires étaient négociables, plus généralement si les relations au sein du système éducatif français étaient plus libres. Dans le corps enseignant, la parité est loin d’être atteinte et c’est au détriment des garçons.  

Hommes et femmes souhaitons la même chose : les mêmes droits, l’instruction pour tous et renouer avec une société prospère et apaisée. Œuvrons ensemble pour que chacun, quel que soit son sexe, puisse trouver sa voie et s’épanouir, c’est le véritable rôle de l’école. La victimisation n’est jamais une solution.

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  1. https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2023/09/progress-on-the-sustainable-development-goals-the-gender-snapshot-2023 ↩︎

Profession: rapporteur

Pour la gauche, au nom de la liberté d’expression, CNews doit… disparaître. Ou, pour le moins, se conformer à l’idéologie dominante. Une inquiétante régression intellectuelle. Récit.


Mensonges, attaques personnelles, procès d’intention… Les matons des médias ne savent pas quoi inventer pour faire interdire CNews. Morceaux choisis.

Les journalistes de CNews ayant eu l’audace de s’offusquer des manœuvres d’intimidation de Reporters sans Frontières et des menaces du Conseil d’État, le magazine Télérama tente de démontrer la légitimité des remontrances faites à la chaîne d’information. Comme d’autres médias, Télérama estime que, au nom de la liberté d’expression et du pluralisme, CNews et ses journalistes doivent disparaître ou, pour le moins, se conformer à l’idéologie dominante.

Le point culminant de la carrière de Samuel Gontier

Pour dézinguer CNews, tout le monde est sur le pont, à commencer par le maton médiatique d’extrême gauche Samuel Gontier. Sur le site de Télérama, ce spécialiste du petit écran poste régulièrement de longues diatribes contre les opposants à l’ordre médiatico-culturel actuel – le plus souvent de laborieuses transcriptions des propos des récalcitrants accommodés de ce qu’il appelle « des petites touches d’humour et d’ironie », qui sont en réalité de très courtes notes uniformes et paresseuses. Gontier, c’est Daniel Schneidermann en plus fainéant. Même obsession des heures sombres, du ventre fécond, de la bête immonde, mais un vocabulaire plus pauvre, une grammaire encombrée d’une ponctuation énervée et une syntaxe confuse reflétant un désordre intellectuel qui confine à la bêtise. Dans son billet du 15 février 2023, après avoir passé la journée devant la chaîne honnie, Samuel Gontier affirme que, sur CNews, la liberté d’expression est surtout celle « des racistes, des xénophobes, des identitaires, des intégristes, des zemmouristes et des lepénistes ». Original ! Selon lui, la chaîne « musarde sur les chemins complotistes » ; Olivier Dartigolles, Julien Dray et Philippe Guibert ne sont pas vraiment de gauche ; un policier syndicaliste qui se dit ni de gauche ni de droite est vraisemblablement un « apolitique d’extrême droite » ; lors des débats, seuls « des zemmouristes » affrontent « des lepénistes », et seuls « des négationnistes » font face à « des suprémacistes ». Il semblerait que de nombreux représentants de LFI, Jean-Luc Mélenchon en tête, adorent les bulletins policiers et les tracts islamo-gauchistes de Samuel Gontier. Cela n’a rien d’étonnant. Ce téléphage cafardeur pratique sans effort le mouchardage, la diffamation, le mensonge et l’affabulation dont sont friands les petits-bourgeois révolutionnaires d’extrême gauche. Si nous ne craignions pas d’offenser ces adorateurs d’une certaine religion de paix et d’amour, nous dirions qu’ils sont copains comme cochons et qu’ils grognent de concert.

Télérama alerte en une sur le « grand remplacement » de l’info

Le Télérama n° 3867 du 20 février consacre un dossier entier à « la fabrique CNews, aujourd’hui rattrapée par un devoir de pluralisme renforcé ». Pour soutenir sa thèse – CNews défendrait une « vision identitaire de la société », ses chroniqueurs seraient « majoritairement recrutés à droite et à l’extrême droite », Pascal Praud serait « une sorte de sociologue énonçant sa vérité qui doit s’imposer à tous »Télérama s’est tourné vers une pointure, un champion du monde du décryptage télévisuel, un « sémiologue spécialiste des médias », François Jost, le même François Jost qui a avoué sur Sud Radio[1] ne tenir compte que de l’opinion du Monde pour savoir qui est d’extrême droite, et qui a benoîtement expliqué sa misérable méthode de « travail » – assez proche finalement de celle de Samuel Gontier – pour démontrer l’absence de pluralisme sur CNews. Le ridicule ne tuant pas, Télérama cite également le pape actuel de la liberté d’expression encadrée, l’ordonnateur des basses œuvres médiatiques, j’ai nommé Christophe Deloire, le directeur de RSF et instigateur de cette incroyable opération de dénonciation de ses confrères journalistes, en tout cas de ceux qui se tiennent à l’écart de la ligne idéologique de l’ONG et de la majorité des médias français. Le magazine télévisuel rapporte les propos d’une autre sommité, Aymeric Caron[2], protecteur des moustiques et membre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale débattant actuellement sur le renouvellement des fréquences TNT de 14 chaînes, dont CNews :« Si Vincent Bolloré veut faire une chaîne d’opinion, qu’il le fasse ailleurs que sur la TNT. » Tout le monde avait plus ou moins compris que tout ce ramdam n’a pas d’autre objectif que de préparer l’opinion publique à une possible prochaine sanction de cet ordre – grâce à M. Caron, plus aucun doute n’est permis.

Laurence Ferrari, vous êtes le maillon faible

La deuxième partie du dossier est exclusivement consacrée à Laurence Ferrari, « un fer de lance de la ligne idéologique du groupe », selon Télérama. Les témoins affligés du profond changement qui s’est soi-disant opéré chez cette journaliste défilent à la barre. Ils sont déçus : Laurence Ferrari, qui était « quelqu’un de doux », qui était « si modérée », qui ne se « mettait pas en avant », est devenue une réac qui « balance des trucs catégoriques » sur les plateaux de CNews. Le gentil Michel Drucker n’en revient pas. Hapsatou Sy pense qu’elle a été « contaminée par le virus CNews ». C’est grave docteur ? Oui, c’est d’autant plus grave que Laurence Ferrari a été la seule à poser une question, une vraie question, précédée d’une solide description des chantiers qui attendent le gouvernement et que les Français considèrent comme prioritaires, à Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Les journalistes ayant pignon sur rue sont tellement habitués à courber l’échine que la prestation de Laurence Ferrari leur est apparue comme un crime de lèse-majesté présidentielle. Parmi les plus serviles, ceux de Télérama ont apprécié que le président remette « sèchement à sa place » l’insubordonnée.

Réquisitoire de Thomas Legrand contre Sonia Mabrouk dans le « 7/10 », l’émission matinale de France Inter, 20 février 2024. DR.

Thomas Legrand se charge de Sonia Mabrouk

Laurence Ferrari n’est pas la seule journaliste de CNews à devoir subir les foudres de ces médias si ouverts, tolérants et pluralistes. Le journal Le Monde ne veut rien avoir affaire, de près ou de loin, avec Christine Kelly. Cette dernière organise des conférences à la salle Gaveau ? Ni une, ni deux, Le Monde, qui proposait à ses abonnés des places pour assister aux conférences se tenant dans la célèbre salle de concert, a annulé son partenariat avec cette dernière – pas question de faire de la publicité à cette « journaliste bollorisée ». De son côté, Thomas Legrand, journaliste à Libération et sur France Inter, a cru bon de mettre en doute le travail journalistique de Sonia Mabrouk. La bouche humide de rage contenue, le petit Legrand crache dans le micro : « Sonia Mabrouk passe son temps à inviter des confrères généralement de la bollosphère qui n’ont pas fait de reportages[3]. » La charge est grossière, si grossière que même Léa Salamé semble gênée. Sonia Mabrouk n’a pas manqué de passer un savon, et un sévère, à ce donneur de leçons. « Qui êtes-vous pour parler ainsi, du haut de quel magistère vous exprimez-vous ? » lui a-t-elle demandé en lui frottant les oreilles[4]. À n’en pas douter, Thomas Legrand s’exprime du haut du magistère de la Gauche Absolue et du Wokisme Radieux, c’est-à-dire des idéologies qui justifièrent hier, justifient aujourd’hui et justifieront demain les atteintes à la liberté, à toutes les libertés, la liberté d’expression en premier lieu.

Oui, la gauche est en train de perdre un monopole, et c’est douloureux pour elle

Dans un remarquable essai[5], le philosophe Philippe Nemo retrace l’histoire du monopole de la gauche sur l’enseignement et les médias depuis l’après-guerre. Il décrit la mainmise de cette unique famille idéologique sur la communication officielle et, conséquemment, le remplacement des vrais débats sur des problèmes de fond par un « bavardage dont la règle, implicite mais scrupuleusement observée, est qu’aucun de ceux qui sont invités à parler ne s’aventurera à sortir des paradigmes dominants ». Il suffit de regarder et d’écouter les chaînes et les radios publiques pour souscrire à ce triste constat. L’audiovisuel public est chimiquement et purement de gauche, aucune substance intellectuelle ou politique ne vient altérer cet alliage de gauchisme, d’écologisme et de wokisme. On retrouve cette composition chimique dans nombre de médias se conformant à l’orthodoxie régnante. Le bavardage connivent ayant remplacé le débat, la règle est l’éradication des contradicteurs, individus ou médias hétérodoxes.

« Aux personnes qui énoncent des faits et des arguments au sujet de l’immigration, des mœurs familiales et sexuelles, de l’école, de la sécurité, de la politique pénale, etc., n’allant pas dans le sens de l’orthodoxie régnante, on n’oppose pas d’autres faits ou d’autres arguments, mais une fin de non-recevoir. On ne veut pas discuter avec elles, on veut qu’elles disparaissent purement et simplement de l’espace public et que la société soit purifiée de leur présence », écrit Philippe Nemo. La France, ajoute-t-il, qui se targue d’être le pays de la liberté, n’a eu de cesse depuis quarante ans d’inventer des dispositifs permettant d’interdire, de censurer, d’empêcher la libre parole « non plus seulement dans l’enseignement et les grands médias, mais dans tout l’espace public ». Il y a effectivement de quoi être inquiet : sur la base d’un rapport commandité par une ONG et reposant sur un travail de flicage que n’auraient pas renié les fonctionnaires de la Stasi, le Conseil d’État intime l’ordre à un comité de surveillance médiatique de se pencher spécifiquement sur un média privé pour le remettre sur le droit chemin. Catéchisés depuis au moins quatre décennies par l’idéologie politique de gauche, décérébrés depuis au moins quatre décennies par un enseignement idéologiquement de gauche, désinformés et anesthésiés depuis au moins quatre décennies par des médias majoritairement de gauche, assiégés aujourd’hui par le gauchisme universitaire, l’écologisme et le wokisme, les Français réagissent mollement face aux manœuvres de destruction de la liberté d’expression dans leur pays.

Mais les Français ont-ils encore le goût de la liberté ? Ou plutôt : ont-ils encore les capacités intellectuelles, morales et politiques de concevoir ce qu’est la liberté et, éblouis par sa supériorité sur l’égalitarisme qu’ils gobent depuis quarante ans, de la désirer ? Si la réponse est non, ce que nous devons craindre, cela voudra dire que ces quarante dernières années de décervelage sous la férule de la gauche dogmatique ont porté leurs fruits et que l’idéologie mortifère et totalitaire de cette dernière a triomphé.

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[1] « SudRadio média » du 15 février 2024, Valérie Expert et Gilles Ganzmann.

[2] Député d’extrême gauche de Paris et… présentateur des journaux de I-Télé (future CNews) de 2006 à juin 2008 [NDLR].

[3] « Matinale » de Nicolas Demorand et Léa Salamé sur France Inter, 20 février 2024.

[4] CNews, 21 février 2024.

[5] Philippe Nemo, La Régression intellectuelle de la France, 2011, Texquis.

Souveraineté industrielle: le privé à la rescousse de Valdunes

Le tribunal de Lille rendra le 20 mars sa décision au sujet de la reprise de Valdunes par Europlasma. Un espoir pour 178 employés des sites de Dunkerque et de Valenciennes, et la possibilité pour le pays de conserver le dernier fabricant de roues de trains français.


Valdunes, fabricant de roues et d’essieux de train, devrait rester français. Après le retrait du repreneur chinois, l’entreprise attend la décision finale du tribunal de commerce de Lille le 20 mars prochain, censée entériner le plan de reprise proposé par Europlasma, avec le soutien de l’État français. Emplois et savoir-faire devraient donc être restés sous pavillon tricolore, grâce à un agenda commun entre finance privée et secteur public.

Rue des Aciéries à Dunkerque, la température va probablement redescendre d’un cran. Mercredi 28 février, le tribunal de commerce de Lille a reporté de trois semaines sa décision finale[i], mais il ne devrait plus y avoir de surprise. Bloqué par des salariés en colère, le site du nord de la France de MG Valdunes devrait être sauvé grâce au projet de reprise conjoint entre l’entreprise privée Europlasma et différentes institutions publiques, dont la SNCF. La fin d’un douloureux feuilleton est en vue pour les trois cent salariés de l’entreprise, avec ce plan de reprise de 35 millions d’euros : Europlasma et l’État mettent 15 millions sur la table chacun, la SNCF 1 million, les 4 millions restants étant apportés par les collectivités locales.

Un enjeu de souveraineté industrielle

Du côté de Bercy, l’optimisme prédomine avec ce plan de sauvetage. « Nous avons aujourd’hui un repreneur – Europlasma – qui est prêt à porter un projet visant le maintien de cette filière ferroviaire à travers la décarbonation de la production, ce qui est particulièrement important pour moi et représentatif de ce que nous voulons porter, avance Roland Lescure[ii], ministre délégué chargé de l’Industrie. Je tiens à saluer et remercier l’ensemble des parties prenantes engagées, notamment les salariés, les organisations syndicales et les élus locaux. »

Sur le site de la forge de Leffrinckoucke, près de Dunkerque, et sur le site d’usinage des pièces à Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, le plan prévoit la préservation de 178 emplois sur les 309 concernés. Les salariés de Valdunes qui ne seront pas conservés seront accompagnés par une cellule spécifique qui leur « leur apportera un soutien tout particulier jusqu’à ce que chacun ait retrouvé une solution, a précisé le ministre délégué, grâce à des bilans de compétence et des formations nécessaires à leur reconversion au sein d’entreprises locales. Une solution soutenue par les syndicats, principalement la CGT, dont le délégué Maxime Savaux a pris part aux ultimes discussions à Bercy[iii] le 26 février. À la sortie de l’audience du tribunal le surlendemain, Savaux a d’ailleurs jugé que l’avis rendu par la cour était « en grande partie favorable » et a salué « un projet assez vertueux, ambitieux ».

L’épilogue de ce long feuilleton est donc proche. Après avoir été placée en redressement judiciaire suite au lâchage de son actionnaire chinois, Valdunes attendait un miracle. Il s’est produit avec l’entrée en lice d’Europlasma. Pour l’État français et pour Bercy, le maintien en France de la dernière filière de fabrication de roues et d’essieux ferroviaires était devenu un enjeu de souveraineté industrielle. Si d’aventure Valdunes fermait ses portes, les partenaires de la SNCF devraient s’approvisionner hors de France, chez les Italiens de Lucchini RS, les Allemands de GHH-Bonatrans ou pire, chez les Chinois de Jiangsu Railteco Equipment Co. D’un point de vue macro, les conséquences seraient significatives pour Alstom qui fabrique les rames de TGV ; à l’échelle locale, à Dunkerque comme à Valenciennes, ce sont des bassins d’emplois métallurgiques déjà sinistrés qui rateraient l’occasion de s’offrir un second souffle.

Europlasma, le « sauveur » de Valdunes

Si l’État français a décidé de mettre la main à la poche pour soutenir ce projet de reprise, c’est qu’il a pleinement confiance dans le savoir-faire industriel de son partenaire privé, l’entreprise Europlasma. Peu connue du grand public, cette dernière fait pourtant partie des fleurons de l’industrie française. Spécialiste mondial de la décarbonation et du traitement des déchets dangereux grâce aux torches à plasma, cette PME basée à Morcenx-la-Nouvelle dans le Sud-Ouest a mis en place depuis 2019 une stratégie de réindustrialisation tous azimuts. Depuis, elle a par exemple repris les Forges de Tarbes en 2020, alors au bord de la faillite, ou encore Luxfer (fabricant de bouteilles à oxygène) et Satma Industries (fabricant de condensateurs électrolytiques) en 2022. L’entreprise a ainsi rempli son carnet de commande grâce à des commandes du ministère des Armées – pour la fabrication d’obus de 155mm destinés à l’Ukraine – et grâce à des procédés innovants en matière de captation et de décomposition du CO2.

Avec l’expérience des Forges de Tarbes et grâce à ses partenaires financiers, Europlasma s’est donc imposée pour la reprise des sites de MG Valdunes, en mettant 15 millions d’euros sur la table. Une somme qui dépasse de loin les budgets avancés lors de ses précédentes acquisitions réalisées ces cinq dernières années. Pour ce faire, l’équipe dirigeante d’Europlasma s’est appuyée sur un mode de financement alternatif inédit, hors des circuits bancaires traditionnels, en ayant recours aux OCABSA (Obligations Convertibles en Actions avec Bons de Souscription d’Actions) que lui propose son partenaire financier, Alpha Blue Ocean (ABO).

La réussite d’un plan de financement alternatif

En France, la reprise d’entreprises en difficulté est souvent un parcours du combattant, la réglementation bancaire (CRBF) imposant aux institutions bancaires une mobilisation de fonds propres égale à 100% des montants prêtés. Chose qu’elles ne se permettent évidemment pas. Pour les repreneurs porteurs d’un projet de relance industrielle, il faut donc trouver des solutions alternatives. ABO est donc entré en scène, comme il l’avait déjà fait au moment des reprises de Luxfer ou des Forges de Tarbes, apportant des réponses rapides aux besoins mis sur la table : « Pour notre site des Forges de Tarbes, nous avions un projet d’investissement très lourd et très solide, se souvient Jérôme Garnache [iv], le PDG d’Europlasma. Les OCABSA ont permis d’investir rapidement afin d’honorer des contrats qui étaient déjà signés. Nous avons fait 15 millions sur un deal et il y en avait d’autres à venir. Nous devions donc faire des investissements, et les faire dans un laps de temps très court. » L’opération a été couronnée de succès. C’est donc tout naturellement qu’Europlasma a fait à nouveau appel à Alpha Blue Ocean pour monter le plan de reprise de Valdunes, dans le Nord. Une opération qui tient d’autant plus à cœur des financeurs, que Pierre Vannineuse, cofondateur d’ABO, est un enfant du pays [v].

Cette réussite privée, l’État français aura tout intérêt à la faire fructifier, en termes de réindustrialisation, mais aussi en termes d’image. La reprise de Valdunes offrira l’occasion aux pouvoirs publics – si elle est confirmée par le tribunal – de démontrer leur capacité à transformer les promesses en actes. Et ce en s’appuyant sur l’écosystème de la finance privée « made in France » sans qui de nombreux projets seraient inenvisageables. Rendez-vous donc le 20 mars prochain pour connaître l’épilogue du dossier Valdunes.


[i] https://www.lexpress.fr/societe/valdunes-la-reprise-par-europlasma-mise-en-delibere-au-20-mars-DLOCKBNTXJDI7FYE6CUCKJP4SA/

[ii] https://presse.economie.gouv.fr/une-reunion-qui-acte-la-finalisation-du-financement-autour-du-projet-de-reprise-de-mg-valdunes-porte-par-europlasma/

[iii] https://hanslucas.com/cmartin/photo/73817

[iv] https://www.journaldeleconomie.fr/Jerome-Garnache-La-difficulte-du-financement-en-OCABSA-c-est-d-expliquer-le-mecanisme-aux-actionnaires_a12661.html

[v] https://www.linkedin.com/posts/xavierbertrand_le-destin-de-valdunes-et-de-ses-salari%C3%A9s-activity-7153191333959016449-WJUk/

Native American Lives Matter

À la suite de nouvelles directives fédérales, les musées américains doivent obtenir l’aval des tribus amérindiennes avant d’exposer leurs artéfacts.


C’est une décision qui a surpris et consterné touristes comme passionnés d’histoire. Le Muséum américain d’histoire naturelle de New York (AMNH) a décidé de fermer brutalement et sans préavis l’accès à ses deux salles d’expositions amérindiennes. Il s’agit pour cette institution renommée, qui attire des millions de visiteurs, de se conformer à une nouvelle règle imposée par l’administration progressiste du président Joe Biden, qui exige l’autorisation des tribus pour exposer leurs artefacts quelle que soit leur nature. La nouvelle disposition, une mise à jour de la loi de 1990 sur la protection et le rapatriement des tombes amérindiennes (NAGPRA), est entrée en vigueur le 12 janvier, incitant d’autres musées, tels que le Field Museum de Chicago et le Peabody Museum de Harvard, à suspendre également ce type d’expositions, mettre en sécurité les objets concernés dans des caisses et envisager de les restituer aux peuples autochtones d’Amérique du Nord. Les universités, elles-mêmes, ne sont pas épargnées par cette réforme et ont été contraintes à faire de même. 

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Grands oubliés du mouvement Black Lives Matter (BLM), les Amérindiens souhaitent aussi faire entendre leurs voix, recherchant justice et respect pour les restes de leurs ancêtres souvent déterrés sans autorisation par des anthropologues peu scrupuleux et des artefacts souvent acquis sans leur consentement. Sensible à ce problème, la secrétaire à l’Intérieur, Deb Haaland, première Amérindienne à superviser l’agence mettant en œuvre ces changements, s’est félicitée de cette évolution qui permet de réévaluer la représentation des tribus autochtones au sein de la société américaine. Bien qu’il divise et qu’il risque de faire tache d’huile, ce débat s’est étendu au-delà des États-Unis puisque des musées britanniques possédant des restes d’Amérindiens ont été priés de les restituer dans les meilleurs délais.

Selon le Muséum d’histoire naturelle de New York, les expositions rouvriront, sans pouvoir fournir de calendrier. Le temps de trouver un consensus avec les chefs des tribus, loin d’être acquis au regard de l’Histoire qui n’a pas fait de cadeaux aux Amérindiens.

La société française ne se tient plus

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Ensauvagement. Des jeunes encagoulés provoquent une émeute mardi devant un lycée à Cachan, et s’en prennent à la police. À Paris, un chef d’établissement tentant la semaine dernière de faire respecter l’interdiction du voile islamique, est menacé de mort. Et malheureusement, pendant ce temps, la politique est également gagnée par le grand vide intellectuel.


La politique n’est plus qu’un grand vide intellectuel. « La société ne se tient plus (…) L’Occident ne se pense plus du tout », a estimé avec raison, ce mercredi matin sur Europe 1, le politologue Dominique Reynié. La crise de l’intelligence, qui frappe les « élites » assoupies, met les démocraties en danger. Débattre devient un sport de combat. L’enflure verbale remplace l’argument.

Le ridicule est chez Gabriel Attal quand il parle de « la France, phare de l’humanité » après la constitutionnalisation de l’IVG, hier, qui fait paresseusement l’impasse sur le statut de l’embryon. Emmanuel Macron, dans la même boursouflure emplie d’air, a proposé pour le 8 mars, Journée des femmes, une « cérémonie inédite » pour célébrer sa victoire rassembleuse. Mais l’obscurantisme n’est-t-il pas derrière cette incapacité des politiques à sortir de leur pensée hémiplégique dictée par des slogans ?

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Mardi, une réaction indignée a été suscitée, ici et là, par une affiche des JO représentant notamment le dôme des Invalides sans la croix qui surmonte l’église parisienne. Mais cet effacement visuel de la mémoire chrétienne n’est qu’un des effets de la détestation portée aux racines civilisationnelles, notamment par le progressisme au pouvoir. L’Eglise a d’ailleurs été solennellement congédiée par ce congrès de Versailles euphorique. Tandis que des cloches alentours sonnaient le glas et que la Conférence des évêques disait sa « tristesse », les parlementaires moutonniers ont très majoritairement balayé (780 voix contre 72) les appels catholiques à réfléchir à « l’atteinte à la vie en son commencement ».

Les sénateurs de gauche applaudissent après le vote en faveur de la constitutionnalisation de l’avortement, Paris, 28 février 2024 © Jacques Witt/SIPA

Comment reprocher à l’islam conquérant et prosélyte de vouloir s’installer sur ces terres désertées par les dirigeants irresponsables, eux-mêmes contaminés par la haine de soi et la crainte de déplaire à Big Other (copyright, Jean Raspail) ? La bêtise collective au sommet est pour beaucoup dans la subversion en cours et l’effondrement de la cohésion nationale. Machiavel avait prévenu : « Présumez toujours l’incompétence, avant de rechercher un complot ». 

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Lundi, devant la Sorbonne, une soixantaine de chefs d’établissement ont protesté contre des menaces de mort reçues par l’un d’eux (lycée Maurice-Ravel, Xe arrondissement) pour avoir demandé à trois élèves d’enlever leur voile à l’école. Mardi matin, c’est un commando de jeunes encagoulés qui a pris d’assaut le lycée polyvalent de Cachan (Val-de-Marne) en hurlant notamment : « Baise la police ! », « Baise l’État français ! ». Pour autant, personne n’ose désigner clairement l’islam politique et ses collaborateurs d’extrême gauche comme étant à la source de ces provocations et de ces guérillas répétitives.

Le chef de l’État est intarissable ces derniers jours pour rompre le fer avec Vladimir Poutine et entraîner l’Europe, fâchée avec ses peuples, dans une guerre irréfléchie. Plus Macron déserte les vrais défis français, plus il se perd dans des fuites égotiques. Il est urgent que ce monde désincarné cède la place.

Polanski: les arguments pitoyablement retors de Charlotte Lewis mis à mal au tribunal


Étonnante audience hier devant la 17e chambre, où Roman Polanski poursuivi en diffamation par l’actrice britannique Charlotte Lewis était jugé pour des propos tenus lors d’une interview accordée à Paris Match le 12 décembre 2019. En réponse à une question des journalistes, au sujet des accusations de viol portées contre lui par plusieurs femmes, dont Charlotte Lewis, il répond qu’il s’agit d’un « mensonge odieux » – propos non poursuivi –, et il ajoute : « Voyez-vous, la première qualité d’un bon menteur, c’est une excellente mémoire. On mentionne toujours Charlotte Lewis dans la liste de mes accusatrices sans jamais relever ses contradictions. » Et il rappelle certains propos de Charlotte Lewis dans plusieurs interviews, dont une interview de 1999, traduite et republiée en 2010 par la revue La Règle du jeu lorsqu’elle lance ses accusations. Les journalistes insistent, l’interrogeant sur l’intérêt qu’aurait à son avis Charlotte Lewis de l’accuser à tort. Il répond : « Qu’est-ce que j’en sais ? Frustration ? ll faudrait interroger des psys, des scientifiques, des historiens. Que sais-je ? »
Tels sont les propos poursuivis.
Un peu plus tard dans l’interview, Roman Polanski précise, concernant Charlotte Lewis, qu’il ne souhaite nullement en découdre, qu’au contraire il la voudrait « hors de sa vie ».

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Quelle était la question que posait ce procès ?
Intervenant après une déposition passablement embrouillée de l’actrice, truffée de contradictions et de mensonges pathétiquement visibles (ainsi a-t-elle prétendu qu’elle n’avait eu connaissance de l’interview, rémunérée 35 000 euros, qu’elle avait accordée en 1999 à News of the World, qu’en 2010 !), et la longue déposition du témoin de la défense Stuart White, journaliste auteur de l’interview à News of the World citée par Roman Polanski à l’appui de ses propos, la procureure l’a rappelé : « La question n’est pas de savoir si Roman Polanski a commis ou non les faits dénoncés par Charlotte Lewis. Elle n’est pas non plus de savoir si l’on doit ou non accorder du crédit à News of the World. Elle est de savoir si Roman Polanski a fait un usage disproportionné de sa liberté lorsqu’il a tenu les propos qui lui sont reprochés ». Elle a clairement laissé entendre ses doutes quant au caractère juridiquement diffamatoire de ces quelques mots du cinéaste dans le cadre de cette longue interview, et n’a par conséquent pas requis sa condamnation. Elle a également pointé, avec délicatesse mais sans hésitation, la confusion de la déposition de Charlotte Lewis, disant également ne pas bien saisir ce que la plainte reprochait exactement à Roman Polanski.

Roman Polanski aux côtés de sa femme Emmanuelle Seigner à la cérémonie des César en 2014 © VILLARD/PDN/SIPA

On ajoutera, ce que la défense a plaidé avec force, que la question implicite soulevée par ce procès, fondamentale en réalité, était la suivante : est-il légitime, à l’ère de la toute-puissance médiatique de #MeToo, et du mantra « Victimes on vous croit ! », qu’un homme accusé dans les médias de faits graves se défende publiquement ? Lorsque le prétendu « prédateur » est un homme connu, doit-il s’interdire de dénoncer comme mensonges des allégations, données sans preuves pour des vérités, quand la possibilité de les réfuter dans un procès équitable est rendue caduque par la prescription ? La « libération de la parole » doit-elle impérativement avoir pour corolaire de frapper d’interdit toute parole publique d’un mis en cause – sauf des actes de contrition publique, seule parole acceptable, c’est la tendance du moment, quand bien même le mis en cause sommé de s’auto-incriminer ne serait-il coupable de rien sinon d’être accusé ?

Maître Benjamin Chouai pour Charlotte Lewis, en dépit du salutaire rappel juridique de la procureure, et sans doute faute d’arguments consistants pour plaider une intolérable diffamation, s’est obstiné à se tromper de procès tout en déniant le faire. Il a commencé avec emphase par dire son « intime conviction » (ah oui ? so what ?) que Roman Polanski avait violé Charlotte Lewis en 1983. Il s’est ensuite employé, faisant feu de tout bois (y compris de la nouvelle Jeanne d’Arc de #MeToo, Judith Godrèche), à jeter avec application des boules puantes sur le cinéaste. Il l’a présenté sans rire comme un « puissant » qui, avec son argent avait « les médias à sa main » et n’avait de cesse d’user d’un tribunal médiatique à ses ordres – peut-on concevoir affirmation plus grotesque, pour peu qu’on ait une petite idée du rapport des médias à Roman Polanski, cela depuis l’assassinat de son épouse Sharon Tate en 1969 ?  Roman Polanski ? Un être malfaisant en somme, qui de surcroît « faisait témoigner la fillette (sic) qu’il avait violée » en 1977 – une attestation de Samantha Geimer en faveur de Roman Polanski figurant dans les pièces de la défense. En résumé, Polanski aurait orchestré, avec le concours des médias obéissants, un complot (« mais je ne suis pas complotiste », assure Maître Benjamin Chouai) contre Charlotte Lewis. Pourquoi ? Pour la salir, bien sûr. Pour quel bénéfice ? La question ne sera pas posée… Là s’est démontrée, de façon flagrante, l’inversion caractérisée de la situation – car c’est en réalité Polanski, que l’on couvre de boue depuis tant d’années –, que la partie civile voudrait faire avaliser par le tribunal. Avec en prime une condamnation qui vaudrait « preuve » que Polanski a effectivement violé Charlotte Lewis. Grossièrement et pitoyablement retors.

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Aussi confus que sa cliente, Maître Benjamin Chouai, à bout de ressources argumentatives mais pas d’armes sales, ira même jusqu’à accuser la défense de subornation de témoin – une accusation particulièrement grave, s’indignera Delphine Meillet, relevant au passage une perle de son confrère, qui parle de « subordination » de témoin ! –, au sujet de la rétractation de Karen Smith, à qui Charlotte Lewis avait extorqué un faux témoignage sur ce prétendu viol, comme le démontrera Maître Delphine Meillet dans sa plaidoirie habitée autant qu’implacablement logique. Un « viol », soit dit au passage, dont tout à la fois Madame Lewis prétend l’avoir dénoncé le lendemain à Karen Smith, et n’avoir compris qu’il s’agissait d’un « viol » que des années plus tard. Allez y comprendre quelque chose.

Maître Alain Jabukowitz, dans une plaidoirie brillante et juridiquement irréfutable, après avoir pointé l’absurdité de ce procès – un peu de bon sens ne saurait nuire en effet –, démontre à la Cour et à l’auditoire que la « souplesse » (un euphémisme) en matière de liberté d’expression issue de la jurisprudence de la Cour de cassation dans les affaires Brion contre Sandra Muller et Pierre Joxe contre Ariane Fornia doit valoir comme un principe général, et non au seul bénéfice de femmes qui accusent des hommes alors réduits au silence, puisque leurs plaintes en diffamation ne peuvent plus guère aboutir. Le champ libre – sinon le blanc-seing – laissé à des dénonciations publiques tous azimuts, au mépris de la présomption d’innocence (il est vrai que « la justice doit cesser de brandir l’argument de la présomption d’innocence, qui est lâche », selon la « victimologue » Muriel Salmona), est un fait jurisprudentiel. Le propos d’Alain Jabukowicz dans sa plaidoirie n’est ni de s’en féliciter, ni de le déplorer. Il en prend acte, et signale qu’on voit mal au nom de quel principe cette nouvelle donne ne pourrait bénéficier à son client.

Maître Delphine Meillet, avec passion et clarté, évoquant pour commencer la solitude de Roman Polanski, a offert une plaidoirie limpide et admirablement argumentée, que tous devraient aujourd’hui méditer. Elle a puissamment démontré les contradictions incessantes, les manipulations, l’opportunisme, et les mensonges de Charlotte Lewis, à qui ne s’applique même pas, a-t-elle dit, « la métaphore de l’horloge détraquée » qui au moins deux fois par jour marque l’heure juste. Elle a méthodiquement mis en pièces les faux arguments de Maître Chouai, dit aussi, sobrement, son dégoût pour le bric-à-brac ridicule des « preuves » que Polanski serait un salace amateur de fillettes pré-pubères. Elle a également fait une mise au point indispensable sur l’infraction jadis commise par Roman Polanski lors de l’épisode Samantha Geimer – non pas un viol, mais une relation sexuelle illicite avec une mineure –, pour laquelle Polanski a plaidé coupable et a été sanctionné, au-delà même de la peine qu’il a purgée en Californie si on prend en compte son emprisonnement en Suisse en 2009.

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Enfin, avec un courage rare, elle a osé mettre en cause le « contexte étouffant de #Metoo, où le témoignage public a valeur de preuve, qui a valeur de vérité ». Un blasphème par les temps qui courent ? Elle s’est à juste titre insurgée contre le dévoiement inflationniste du sens des mots : Charlotte Lewis qualifie de « second viol » les propos de Roman Polanski ; ou récemment Jacques Weber qui, après avoir signé un soutien à Gérard Depardieu, s’abaisse piteusement à dire que sa signature était un « autre viol » pour les « victimes ».

Delphine Meillet, il faut le rappeler, avait été l’initiatrice de la tribune consécutive aux César 2020, dans laquelle 114 « sopranos du barreau » avaient mis en garde contre une « inquiétante présomption de culpabilité » qui s’invitait dans le débat public en matière d’infractions sexuelles1. Elle n’a pas dévié de son intégrité juridique et morale, sa plaidoirie inspirante en est le signe le plus lumineux.

Ce procès n’était certes pas le procès de #MeToo. Mais il a été celui, emblématique à l’évidence, où l’on a pu enfin débattre de la liberté et du droit d’un homme de se défendre lorsqu’il est jeté en pâture aux médias. Un tournant ?

Délibéré le 14 mai.


Elisabeth Lévy – « Metoo : il faut des règles strictes contre le pilori médiatique ! »

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  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/08/justice-aucune-accusation-n-est-jamais-la-preuve-de-rien-il-suffirait-sinon-d-assener-sa-seule-verite-pour-prouver-et-condamner_6032223_3232.html ↩︎

Le FORIF, le ministre de l’Intérieur, deux imams fadas et la campagne électorale

Lundi 26 février 2024, Gérald Darmanin ouvrait la deuxième session du FORIF, et appelait à la création d’un «statut de l’imam» en France. Qu’est-ce que le FORIF, et quelles sont donc ces mesures promises par notre ministre de l’Intérieur la semaine dernière à cette occasion? Céline Pina fait le point. Propos recueillis par Martin Pimentel.


Causeur. Céline Pina, qu’est-ce que ce fameux FORIF ?

Céline Pina. Le FORIF, Forum pour l’Islam de France, c’est le clou du cercueil du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), un comité Théodule à l’état gazeux ! Autant le CFCM témoignait de l’hubris de Nicolas Sarkozy qui a cru qu’il pouvait créer ex-nihilo un islam français et a offert une rampe de lancement aux Frères musulmans en y installant l’UOIF (aujourd’hui Musulmans de France), autant le FORIF fait semblant de reprendre cette ambition mais signe surtout l’impuissance de l’Etat.
Défini comme un « espace de discussion » destiné à accoucher d’un islam de France, il a un seul mérite : l’échec prévisible de toute tentative de réforme pourra être attribué aux imams et leaders communautaires…

Drôle de truc… Et quelles sont les mesures annoncées par Gérald Darmanin, lundi dernier, lors du lancement de sa deuxième session ?

Je vais y venir.
Le problème, c’est que la première stupidité est d’avoir cru que des politiques laïques allaient pouvoir influer sur l’identité d’une religion gagnée par la radicalité et utilisée comme un facteur de déstabilisation des pouvoirs temporels. Le nouveau machin (au sens gaullien du terme) réussit l’exploit de poursuivre les mêmes buts impossibles que le CFCM, avec encore moins de moyens pour y parvenir. Mais Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, après avoir liquidé le CFCM, avaient besoin de faire croire qu’un islam de France était possible, cela alors que cette religion pose aujourd’hui des problèmes dans le monde entier. En Europe, l’islam est à la fois de plus en plus revendicatif et agressif, mais aussi de plus en plus rejeté et considéré comme incompatible avec les principes de libertés fondamentales, d’égalité ou de laïcité de nos sociétés ouvertes. Ce fossé qui est en train de se creuser a abîmé la cohésion sociale, et le gouvernement, qui pense qu’une partie de l’édifice de la société est en train de s’écrouler, craint de ne pouvoir contenir ni l’offensive islamiste ni une réplique identitaire violente. Il essaie de donner des gages à tout le monde et finit par ne montrer qu’incohérence et faiblesse.
Le FORIF parle du rêve immature d’un président français qui croit qu’il va régler la mainmise de l’islam politique sur l’islam en multipliant les instances aussi inutiles que mal conçues. Le FORIF est donc né d’un double constat, l’un avoué, l’autre inavouable. Le tout est destiné à mettre les deux têtes de gondole de la République en posture de héros de la souveraineté, empêchant les ingérences des pays étrangers sous couvert de chasser les imams détachés.

Vous m’intriguez. Expliquez-vous.

Le constat avoué est celui qui conduit à la suppression de ces imams au nom des jeux d’influence entre l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Ceux-ci ont paralysé l’institution CFCM et en ont fait un relais de l’islam consulaire. L’islam devenait le moyen par lequel les pays d’origine gardaient un œil sur leurs ressortissants et essayaient d’empêcher toute intégration réelle. Ça c’est ce qui est avouable, mais Gérald Darmanin se garde bien de rappeler le triste épisode du refus de signer la charte de l’islam de France qui a amené à la rupture entre le CFCM et les pouvoirs publics.
En effet, cette histoire a révélé que le CFCM était en partie gangrené par l’islamisme des Frères musulmans notamment – mais pas que. Ce qui était inévitable à partir du moment où Nicolas Sarkozy a laissé entrer l’UOIF (aujourd’hui rebaptisée « Musulmans de France ») dans le CFCM. Pour faire oublier notre grande capacité à produire de l’islamiste et du jihadiste en culture locale, Gérald Darmanin essaie donc d’ancrer l’idée que si l’islam pose problème, c’est parce qu’il est téléguidé par les pays étrangers. Donc en créant une instance de dialogue où les intervenants sont choisis par les préfectures, on essaie de faire croire que seule l’ingérence des pays étrangers est un problème dans l’islam en France et on nie le fait que nombre de musulmans les plus sous influence de l’islamisme sont des jeunes nés en France et que la plupart de ceux qui tuent en hurlant Allah Akbar ont des cartes d’identité françaises ou belges.

L’imam Mahjoub Mahjoubi, expulsé de France, photographié en Tunisie le 24 février 2024 © Yassine Mahjoub/SIPA

La vérité est que les pouvoirs publics veulent reproduire ce qui a été fait avec le catholicisme et le judaïsme en oubliant que ces religions sont très structurées, organisées et hiérarchisées. Rien de tout cela en islam où n’importe qui peut s’autoproclamer imam et où ce sont aujourd’hui les islamistes qui donnent le ton. Or cet islam politique est violent, haineux et totalitaire et il fait de l’Europe un territoire à conquérir. Le problème est qu’il séduit une partie de la jeunesse. Et ce n’est pas par son côté « spirituel ». Ces gens croient à la pensée magique, ils n’ont pas de quête d’élévation ; ce qui les nourrit, les fascine et les motive c’est l’ultra-violence et le pouvoir qu’elle confère.
Pourquoi le Hamas a-t-il filmé le crime contre l’humanité commis le 7 octobre ? Parce que c’est un film publicitaire et que son public voit l’inhumanité comme un signe de virilité et un marqueur de puissance, la preuve de la validation divine d’une action. Et la population de Gaza ne s’y trompe pas qui a accueilli en héros des monstres qui trainent les corps ensanglantés de jeunes filles juives à l’arrière de leur pick-up. Quand une religion doit se battre contre ces démons-là, on ne l’aide pas en niant ce que tout le monde voit : le monde musulman a du mal à résister à l’offensive islamiste. De ce fait, ce type d’organismes est rapidement noyauté et celui-ci ne devrait pas échapper à la règle car les préfectures peuvent être très naïves sur le danger islamiste.

Un Palestinien montre du doigt un corps ramené à Gaza, 7 octobre 2023 © Ali Mahmud/AP/SIPA

Pour en revenir aux mesures annoncées par Gérald Darmanin, elles vont du vœu pieu au tordage de bras en ce qui concerne les banques. Le FORIF est censé répondre à des préoccupations concrètes et en premier lieu à la question de la formation des imams en France. Sauf que la réalité est qu’aujourd’hui cette formation est dans la main des Frères musulmans. L’institut de formation de Château-Chinon comme celle de Saint-Denis sont des lieux de diffusion de l’idéologie fascisante de l’islam politique. Tout le monde le sait, rien n’est fait contre et on ne voit pas tellement comment cela pourrait changer. Les financeurs de ce genre d’activité, dans le monde musulman, faisant partie des pires intégristes (Qatar, Arabie saoudite…).
Gérald Darmanin a ensuite fait une longue tirade victimisante sur les actes anti-musulmans. Oubliant de préciser que l’islam est la religion la moins attaquée en France et que le différentiel des actes anti-musulmans avec les actes anti-juifs et anti-chrétiens est énorme. Les Juifs qui représentent 0,6% de la population sont violemment attaqués et on a recensé plus de 2000 actes antisémites en 2023. Les actes anti-chrétiens tournent autour d’un millier par an et cette année, même avec une augmentation de 30%, on compte 242 actes anti-musulmans. La question qui n’est jamais posée parce que la réponse dérange est : « qui commet le plus d’actes anti-religion ? quel est le profil que l’on rencontre le plus souvent ?» Eh bien ce ne sont pas des commandos d’athées et dans le cas des Juifs, l’antisémitisme arabo-musulman est à juste titre pointé du doigt. Mieux vaudrait mettre la communauté musulmane face à cette réalité plutôt que la victimiser, alors que les chiffres disent le contraire et qu’elle fournit un gros contingent aux agresseurs.
Quant aux aumôneries, dont il faut rappeler qu’elles concernent aussi l’armée, il faut espérer du discernement dans le recrutement. L’islam politique étant séparatiste et faisant de l’opposition aux principes, valeurs et lois occidentales, la base de l’affirmation de soi, mieux vaut veiller à ce que les aumôniers musulmans soient républicains. Ce qui impose d’en rabattre sur certains fondamentaux de l’islam : le refus d’accorder l’égalité aux femmes, mais aussi la prééminence des musulmans sur tous les autres et le statut inférieur accordé aux chrétiens et aux juifs… Tout cela est fort complexe et au vu de la naïveté et du manque de courage de nos dirigeants, ces orientations peuvent se révéler plus problématiques que le conte pour enfants servi par Gérald Darmanin dans son discours d’inauguration du FORIF.
Finalement ce qui a vraiment fonctionné, c’est la décision de tordre le bras aux banques pour qu’elles acceptent de financer des édifices cultuels islamiques. Pendant qu’elles continuent à refuser les prêts aux particuliers et aux entreprises qui, elles, sont utiles au pays ! L’autre point qui devrait fonctionner est la multiplication des dérogations visant à ce que l’Etat finance en partie un culte dont une partie non négligeable des croyants assume son séparatisme. Ne fonctionne donc que ce qui dépend de l’Etat, au détriment de la laïcité, tandis que les représentants de l’islam consulaire et de l’islam politique ont avec le FORIF un nouveau jouet pour obtenir de l’Etat plus de financements pour leur religion.
Pourquoi de tels choix ? Au nom de la croyance qu’en montrant l’acceptation de l’islam dans toutes ses dimensions et en favorisant l’accès au culte, la population musulmane trouvera sa place en France, la violence diminuera et tout rentrera dans l’ordre. Or toutes les études montrent que cette vision des choses n’a finalement abouti qu’à renforcer l’emprise islamiste et notamment celle des Frères musulmans, des wahhabites et des salafistes. Une emprise qui a pour but de construire un ennemi de l’intérieur. On ne voit pas comment le FORIF va remédier à cette réalité. Pourtant c’est elle qui inquiète les Français et explique la puissance de l’extrême-droite.

La fin des imams détachés, c’est tout de même toujours ça de pris, non ?

Cela n’a pas beaucoup d’importance. En effet cela compterait si les imams détachés étaient séparatistes, et si la France avait la capacité de former des ministres du culte républicain. Il y aurait donc un véritable gain. Mais je crains que les imams formés sur notre sol soient pires que ceux importés. En effet, la formation d’imam est largement entre les mains des islamistes en France. L’IESH (à Château Chinon et Saint-Denis), appelée pompeusement Institut Européen des Sciences Humaines pour faire oublier sa dimension religieuse est dans la mouvance des Frères musulmans, la Mosquée de Paris n’est pas très claire non plus sur ces formations. Rappelons que son recteur Chems Eddine Hafiz n’est ambigu que pour ceux qui vivent d’indulgence et d’aveuglement, un étrange dérapage au moment de la tentative d’assassinat de Salman Rushdie a dévoilé une facette du recteur qui fleurait bon la taqiya. Bien sûr le recteur n’a pas participé à la marche contre l’antisémitisme après le pogrom du 7 octobre et, alors que les juifs étaient massacrés, il a passé son temps à victimiser les musulmans. L’homme est surtout à la main d’Alger où le pouvoir bâtit sa légitimité sur la haine de la France, l’accusation de colonialisme et des liens de plus en plus ambigus avec les islamistes. Inutile de dire que compter sur de tels profils pour fabriquer des imams républicains est illusoire.
L’IESH est soutenu notamment par des financements du Qatar, allié des Frères musulmans et soutien du terrorisme. Youssef Al Qaradawi, l’éminence grise des Frères musulmans, admirateur d’Hitler, soutien du jihad armé et théologien violent et obscurantiste y avait présidé la première remise de diplôme en 1992. Rien de tout cela n’est ignoré. En 2020, Le Parisien avait indiqué que l’IESH était défavorablement connu des services de renseignement comme diffusant un islam radical. Or depuis tout ce temps rien n’a été fait… L’autre vecteur de formation des imams, l’institut Al Ghazali dépend de la Grande Mosquée de Paris, laquelle est revendiquée par l’Algérie comme un facteur d’influence. Au sein de cette institution s’affrontent les islamistes et les tenants de l’islam consulaire mais personne ne songe à y élaborer un islam de France compatible avec nos lois, mœurs et culture. Bref une fois de plus on promène les Français en leur faisant croire qu’il y a un moyen de créer un islam de France alors que dans les faits seuls les islamistes sont en situation de le faire. Or eux sont idéologiquement formatés pour faire en sorte que jamais l’islam ne se sécularise et qu’il ne puisse ainsi jamais être compatible avec notre culture. Eux sont plutôt dans l’objectif de créer une cinquième colonne dans les pays européens, pas de permettre une pratique religieuse apaisée.

Pourtant, en annonçant ses nouvelles mesures pour l’islam la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur a estimé que l’islam était une religion « comme les autres » dans notre pays. Elisabeth Lévy ne semble pas partager cet avis. Qu’en pensez-vous ?

Elisabeth Levy a notamment dit dans l’éditorial que vous évoquez que « l’islam sera une religion comme les autres quand on pourra le critiquer, se moquer de son prophète, le caricaturer sans avoir peur de prendre un coup de couteau ou une rafale de kalachnikov ». Elle a parfaitement raison et je n’ai rien de mieux à dire.
Si l’islamisme est la version totalitaire de l’islam, cumulant ainsi violence totalitaire et dogme religieux, il n’en reste pas moins que l’islam est un système législatif qui, via la charia, est la base du droit des pays musulmans. Or la société que l’islam induit n’est pas compatible avec la nôtre car elle en rejette les fondamentaux : l’égalité entre les hommes n’existe pas en islam, la femme y est infériorisée et les croyants des autres religions sont traités en dhimmis (ils sont inférieurs, n’ont pas les mêmes droits que les musulmans et doivent faire profil bas ou payer un tribut pour avoir le droit de vivre en terre musulmane) ; les libertés fondamentales n’y sont pas garanties : le blasphème empêche la liberté d’expression et la liberté de conscience. L’appartenance religieuse est obligatoire : quand on est né dans une famille musulmane, refuser l’appartenance à l’islam peut être puni de mort (refus de l’apostasie), changer de religion également et être athée peut vous mettre en danger.
Or ces situations ne sont pas des caractéristiques de l’islamisme mais de l’islam. La rédactrice en chef de Causeur a aussi raison quand elle dit que les études montrent qu’un tiers des musulmans et la majorité de la jeunesse musulmane sont travaillés par des forces séparatistes. Le problème n’est pas marginal. L’islam est aussi la seule religion au nom de laquelle on agresse et on tue partout dans le monde. Il existe bien sûr des musulmans sécularisés et qui ont trouvé leur place en France. C’est une certitude et cela doit être rappelé, mais l’islam n’est pas aujourd’hui une religion comme les autres. Les politiques le savent mais le dire est un tabou tant la société est divisée et tant la méfiance monte contre cette religion. Ce qui n’est pas irrationnel eu égard aux attentats et aux violences que notre sol a subis et subit encore.

Alors que Jordan Bardella lançait se campagne dimanche à Marseille, et qu’il a plus de 10 points d’avance sur la liste de la majorité, la macronie utilise les positions passées du RN sur la Russie pour le contrer. Est-ce que les postures politiciennes fermes que prend Gérald Darmanin vis à vis du « séparatisme » peuvent aider l’exécutif à ne pas connaitre une débâcle électorale ? M. Darmanin demeure-t-il un bon atout « droitier » pour séduire l’électorat inquiet vis à vis de l’islamisation du pays ?

Nous sommes en campagne, il est de bonne guerre d’exploiter les failles de l’adversaire. Le problème c’est que la macronie doit aussi gérer les sorties intempestives d’un président de la République souvent en roue libre. Sa sortie sur l’envoi de troupes en Ukraine a surtout fait peur à sa propre population et sa reculade quelques jours après ne contribue pas à affermir sa crédibilité face à Vladimir Poutine. Imaginez une danseuse face à un grizzli, croyez-vous que celle-ci repartira avec un manteau de fourrure ou que l’ours va faire un bon repas ? Renaissance risque assez rapidement de devoir gérer ses propres limites face à la Russie. D’autant que si la menace est réelle pour l’Europe, elle fait pour le moment moins peur que l’islamisme. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de communauté russe séparatiste, commettant des attentats sur le sol européen. La menace est encore lointaine et si elle est réalisée en Ukraine, les habitants de l’Union européenne pensent que l’ours russe est encore loin d’eux.
Là où la macronie n’a pas tort d’appuyer, et là où le bât blesse, c’est que la dépendance à une puissance étrangère est une question de souveraineté, et que la Russie n’est pas notre alliée. Elle est plus proche des Etats financeurs du terrorisme et de l’islamisme. Les deux menaces peuvent donc très bien se conjuguer. Reste à savoir quel impact cela aura sur l’électeur qui aujourd’hui ne parait pas très motivé par l’ouverture de la campagne des Européennes et a sans doute plus entendu la désastreuse sortie d’Emmanuel Macron que les accusations portées contre Jordan Bardella.
Pour le reste, les postures politiciennes fermes de Gérald Darmanin ont surtout pour objet de booster la carrière de Darmanin Gérald et d’en faire le futur candidat de l’extrême-centre ou d’une union entre droite et macronie dans le cadre de la prochaine présidentielle. Que peut-il faire d’autre avec un président dont le « en même temps » marque l’absence de ligne directrice, de vision et de courage, qui comme la femme d’Ulysse défait la nuit ce qu’il tisse le jour ? Le ministre de l’Intérieur se consacre donc à ses ambitions et à son destin.
Pour le reste bien sûr que ces postures ont aussi pour vocation de limiter la casse électorale. Ce qui n’est pas idiot. La macronie est un râteau. Vouloir être et de droite et de gauche, cela veut dire n’avoir aucune profondeur de champ, être inconstitué au point de pouvoir suivre tous les vents, comme une feuille morte. Cela impose un devoir d’inconsistance qu’Emmanuel Macron accomplit à merveille, mais nécessite la mise en avant de personnalités plus typées pour que les deux côtés du râteau puissent croire qu’ils impriment leur marque en sous-main. Pour la droite, Gérald Darmanin fait parfaitement le job. Mais l’homme est un village Potemkine, une façade de fermeté qui masque une réalité assez piteuse.
Ainsi on se gargarise d’avoir fait expulser les imams Iqioussen et Mahjoubi, mais personne n’est en mesure de régler la question de la formation des imams entre les mains des Frères musulmans, la reconduite des OQTF est toujours aussi ridicule, le flux des migrants ne diminue pas, l’emprise islamiste sur la jeunesse musulmane s’étend et s’approfondit, les meurtres aux cris d’Allah Akbar deviennent monnaie courante, le nombre de mosquées intégristes s’étend et la capacité de la police à contrôler les mosquées reste dérisoire.
Quant aux associations de gestion qui font venir ces imams et sont les maillons de l’islamisme autant que les imams, elles échappent à tout contrôle et à toute responsabilité. Or chasser Iqioussen ou Mahjoubi sans demander des comptes aux associations de gestion, c’est un peu comme faire tomber le tueur à gage sans inquiéter ses commanditaires, il suffit d’en recruter un autre, plus habile… La réalité montre qu’aucun travail n’est mené en profondeur alors que la menace islamiste grandit. Les Français de confession musulmane sécularisés, ceux qui adhèrent au mode de vie occidental et détestent les islamistes, sont pris en étau entre la montée de l’influence radicale et la lâcheté des sociétés occidentales. Les autres se sentent abandonnés. A ce titre, utiliser Gérald Darmanin pour faire croire que le pouvoir est prêt à combattre le rêve d’islamisation du pays que porte l’islam politique n’est pas bête mais risque de constituer une énième promesse trahie, une nouvelle manipulation cynique. Or en méprisant les demandes de son peuple, Emmanuel Macron se fait le meilleur agent électoral de Jordan Bardella. Et contre cela Gérald Darmanin ne peut pas grand-chose.

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Fast fashion: arrêtez de vous gaver de fripes, les enfants!

Le gouvernement entend soutenir une proposition de loi d’un parlementaire proche d’Edouard Philippe qui veut créer un malus sur les produits de la «fast-fashion» – ces vêtements à vil prix vendus par des marques comme Shein, Primark ou Temu. Nous ne sommes plus à ça près : on disait déjà aux consommateurs français quelles voitures ne plus acheter, quel logement énergivore ne plus louer ou ce qu’il ne faut plus manger avec le Nutriscore… Mais cela ne résout pas un autre problème : si l’industrie du luxe se porte à merveille, le secteur du prêt-à-porter français s’enlise dans une grave crise économique.


La « fast fashion » se trouve présentement sur le banc des accusés, ciblée par deux propositions de loi visant à pénaliser financièrement les principaux acteurs du secteur et à leur interdire d’émettre des publicités. La première proposition de loi a émané de la députée Anne-Cécile Violland. Elle sera défendue le 14 mars lors de la niche parlementaire du groupe Horizons. Elle vise la plupart des enseignes de « fast fashion », qu’il s’agisse de groupes asiatiques ne vendant qu’en ligne tels Shein ou Temu, ou de groupes possédant des magasins physiques, à l’image de l’Espagnol Inditex (Zara), des Suédois d’H&M ou des Irlandais de Primark. Peu après, le député Les Républicains Antoine Vermorel a lui aussi annoncé sa volonté de déposer une proposition de loi allant dans le même sens. Toutefois, certains de ses arguments semblent manquer le tir.

Cherchant à « démoder la fast fashion », le député de la Loire affirmait ainsi il y a quelques jours que Shein « détruit la filière textile française sans créer un seul emploi ». S’il est exact que Shein et les groupes comparables ne créent pas de travail sur le sol français, le prêt-à-porter français est pour sa part en crise depuis déjà plusieurs décennies et n’a pas eu besoin des entreprises asiatiques de e-commerce pour péricliter.

Le Sentier de la gloire, de l’histoire ancienne

Des marques ayant eu naguère pignon sur rue font désormais la queue au Tribunal de Commerce de Paris, toutes menacées de procédures de liquidations judiciaires. On y trouve des spécialistes du prêt-à-porter féminin comme Kookaï, Naf-Naf et Pimkie ou des marques d’habillement pour enfants, comme Du Pareil au Même et Sergent Major qui tous sont récemment venus grossir les rangs des déficitaires. Inquiète, la Ministre des petites et moyennes entreprises et du Commerce Olivia Grégoire déclarait l’an passé qu’ « à force de dire que l’habillement va mal, il (risquerait) d’y avoir un vrai sujet autour des financements de ces sociétés ».

Pourtant, ce déclin est ancien et s’est amorcé au tournant des années 1980 avec la concurrence des productions asiatiques rendue possible par la mondialisation. Il s’est simplement accéléré depuis les années 2000 avec la montée en puissance des rouleaux-compresseurs de la fast-fashion, comme Zara et H&M. L’arrivée sur le marché de l’habillement du e-commerce, comme Shein ou Temu, n’est que la goutte qui fait déborder le vase.

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Mais quand les parlementaires ou le ministre de l’Écologie Christophe Béchu demandent aux Français d’acheter moins de vêtements, ils croient déshabiller Shein et Zara… mais ils ne rhabillent pas Kookaï ! Pourtant, la concurrence a ses vertus et devrait normalement pousser les entreprises à innover, à se repositionner, à repenser leur modèle industriel. D’ailleurs, certaines enseignes françaises se portent très bien : ainsi, Petit-bateau, Célio et Jules ont su, chacune à sa manière, se développer et conquérir de nouveaux marchés avec des choix stratégiques et des positionnements marketings intelligents.

La maille française cherche la faille

Il n’y a donc aucune fatalité, à condition que les entreprises françaises ne s’enlisent pas dans des images de marque et des modèles économiques dépassés. Après tout, regardons les chiffres : Shein, Temu et Amazon n’ont totalisé « que » 4% des ventes globales de textile pour l’année 2024 en France. Leur attractivité tient avant tout dans le prix et dans leur capacité à livrer rapidement.

Pour survivre à cette féroce concurrence, les groupes français doivent trouver la faille et se distinguer avec des produits attractifs, des marques fortes et repenser la visite en boutiques. Car c’est finalement le nœud gordien du défi posé par les entreprises en ligne : pour concurrencer les achats sur sites web désormais possibles depuis smartphone, il faudra une bonne raison au consommateur de se rendre en magasin.

Interrogé sur le sujet dans le Républicain Lorrain, Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire de la mode, déclarait d’ailleurs que la crise du textile français n’était pas une fatalité : « Plutôt que de fatalité, je préfère parler de correction qui malheureusement est en cours et dont la fin est très difficile à estimer. Cette correction se fait actuellement par rapport à la période des années 2000 à 2020, durant laquelle il y a eu sans doute trop d’ouvertures de magasins et d’enseignes. Le tournant d’internet a peut-être été mal géré par certains et la stratégie conduite face à l’arrivée de nouveaux acteurs n’a sans doute pas été la bonne. Mais en tout cas, la crise actuelle du secteur n’est pas une fatalité. Ce mot ne convient pas. Car il y a quand même des succès dans la mode ». Le prêt-à-porter français peut encore habiller l’hexagone et le monde. Il faudra qu’il innove pour y parvenir.

Il faut sauver la soldate Tuaillon

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De gauche à droite, Noémie Halioua, Alain Finkielkraut et Victoire Tuaillon. Image: Twitter.

Notre contributeur revient sur l’émission d’Alain Finkielkraut Répliques du 24 février consacrée à l’amour, avec Noémie Halioua et Victoire Tuaillon. Et sur les réactions ultra-gauchisantes qu’elle a suscitées.


Résumons.

Le 24 février 2024, Noémie Halioua, auteur de La Terreur jusque sous les draps – sauver l’amour des nouvelles morales, un essai qui commence à faire parler de lui et pour cause[1], était invitée à Répliques par Alain Finkielkraut pour débattre avec Victoire Tuaillon, animatrice du fameux podcast Les couilles sur la table, sur le thème Faut-il réinventer l’amour ?  Le débat (qu’on pourra réécouter ici), fut explosif, tendu, quoique très intéressant, palpitant et significatif du fait même de son caractère aporétique. Par bien des aspects, il rappela celui du plateau d’Apostrophes en 1978 [archive INA ci-dessous] entre Annie Le Brun et Gisèle Halimi.

Même mépris néo-féministe envers celles qui osent ne pas se reconnaitre dans leur combat communautariste, même négation de l’individualité au nom de la lutte collective, même misandrie décomplexée, même haine de la littérature – et il fallait bien une surréaliste aussi classe que l’autrice des Châteaux de la subversion pour oser s’attaquer toute seule à la meute progressiste. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard (ou si c’en est un, alors il est objectif !) si Noémie Halioua termine son propre essai sur le mot d’André Breton à sa fille : « je vous souhaite d’être follement aimée. »

Amour fou contre Big Bang theorie

Alors sans doute suis-je partie prenante dans cette affaire et donc forcément partial mais il me semble que la surprise (et non l’emprise !), la verve et l’élan vital furent du côté de Noémie bien plus que de celui de la podcasteuse qui s’enlisa très vite dans ses chiffres, ses stats, ses « études », sa perception toute scientiste des choses, idéologiquement imparable mais existentiellement très pauvre – et typique de cette « prétention du présent », comme le fit remarquer d’emblée la première, qui tend à tout régenter au nom du bien et à déshumaniser à force de dénaturaliser.

Dès lors, la bataille pouvait commencer.

L’une, du côté de l’homme et de la femme éternels, de l’amour tel qu’il est vécu depuis la nuit des temps, forcément imparfait, dissymétrique, associé au tragique ; l’autre, du côté de la réparation permanente, de l’obsession qu’il faut révolutionner le réel dans une optique banalement anticapitaliste quoique sans comprendre que c’est justement le capitalisme et la révolution industrielle qui ont permis l’émancipation des femmes bien plus que le blabla moralisateur des féministes (que n’a-t-elle lu Féminicène de Véra Nikolski, le seul essai sociologique du moment qui renouvelle le logiciel progressiste) – et préférant comme il se doit s’en prendre à la culture immémoriale, réduisant l’amour au féminicide, l’œuvre d’art à la culture du viol et la littérature à Matzneff. Tant pis pour Madame de Mortsauf et son bouleversant « J’ai parfois désiré quelque violence de vous » à Félix de Vandenesse dans Le Lys dans la vallée, cité par Finkielkraut, qui impressionna fort peu Victoire, certaine de l’emporter grâce aux chiffres de l’INSEE.

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Le plus drôle est qu’en défendant son monde parfait où tout le monde s’aimerait de la même façon et d’un amour qui ne serait en fait qu’une forme d’amitié sublime plus ou moins zadiste, c’est elle qui se révéla ultra-romantique, idéelle, irréelle – alors que Noémie, toute à sa défense des contes de fées, était paradoxalement dans le réel le plus âpre, vécu comme tel avec ses défauts et ses risques. Et c’est pourquoi, plutôt que le féminisme révolutionnaire, toujours un brin totalitaire, promue par la première (« le féminisme n’est pas une opinion », asséna celle-ci – énormité de l’émission s’il en fut), l’on préférera toujours celui de réconciliation proposée par Noémie[2].

Mais le plus beau était à venir…

Le même jour, ces dames mirent sur leur profil respectif, et avec une fierté fort compréhensible, la photo faite après l’émission avec Alain Finkielkraut et (entre !) elles. Tout le monde fut heureux pour Noémie alors que cela se passa fort différemment pour Victoire. Très vite, celle-ci fut taclée sur son X (ex-Twitter) avec une incroyable violence par sa communauté l’accusant d’être allée se compromettre dans une émission « crypto-fasciste » d’un « vieux mâle blanc cisgenre », osant, qui plus est, poser avec un grand sourire à côté de lui – acte de collaboration impardonnable.


Pire, on l’attaqua sur sa blanchité, son orientation sexuelle (car on a beau être féministe pratiquante, on n’en reste pas moins une caucasienne hétéro), tout ce qui constituait à son corps défendant une trahison éhontée de la cause – et qui lui fit perdre sur le champ près de cinq mille followers ! La malheureuse fut alors obligée de rétropédaler, tentant d’expliquer pourquoi elle avait accepté cette invitation, qu’il était de son devoir de combattre les « idées moisies » sur leur terrain et que son sourire n’était en rien de déférence mais au contraire d’insolence. Explications qui ne convainquirent pas du tout la bande d’enragés qui la suivait, certains allant jusqu’à dire qu’ « elle aussi faisait partie du problème », démontrant, si besoin en était, que le campisme se termine toujours très mal – et comme l’expliqua très bien Peggy Sastre : « on surestime grandement à la fois l’homogénéité de son exogroupe (pas de ma bande) que celle de son endogroupe (de ma bande) – une double illusion, susceptible de faire de grosses étincelles ».  

La pauvre Victoire n’était pourtant pas au bout de ses peines. Malgré un premier compte-rendu honnête de l’émission par Télérama (« Au micro de Finkielkraut, deux visions opposées du féminisme… mais qui s’écoutent »), Libération, sous la plume hautement toxique d’une certaine Johanna Luyssen (« Pourquoi c’est compliqué de débattre avec Alain Finkielkraut quand on est féministe »), argua contre Victoire qu’il y avait en effet d’autres combats à mener pour une féministe que d’aller perdre son temps à débattre avec des réacs et que le faire, c’était surtout permettre à Finkielkraut, « édifice sexiste et raciste » à lui tout seul, de se « déghettoïser ».

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À ce texte crispant et surtout peu solidaire avec une personne qu’ils auraient dû soutenir, Noémie réagit avec beaucoup d’honneur par une élégante vidéo dans laquelle elle s’étonnait du peu de goût de cette journaliste de gauche pour la liberté d’expression et le débat démocratique et qui lui donnait pour le coup envie de défendre la Tuaillon. Cette dernière n’apprécia pas non plus beaucoup cette leçon de morale que Libé lui faisait et eut des mots plutôt rudes avec son émissaire. Il est vrai qu’entre camarades d’ultra-gauche on n’oublie jamais de se taper dessus en cas de manquement idéologique avant de s’exclure en bonne et due forme, la Révolution finissant toujours par dévorer ses enfants. Et entre des fanatiques l’accusant d’aller faire du gringue à l’ennemi et une « stalinienne en jupon » la semonçant publiquement, Victoire a dû se sentir bien seule.

La gauche black mirror

Au-delà de sa mésaventure personnelle, ce qui importe dans cette affaire picrocholine est de constater le tournant que prend aujourd’hui la gauche culturelle.

Non qu’on ne la savait pas intolérante, sectaire et rép(g)ressive depuis longtemps – mais pas de manière si officielle. De ce point de vue, ce sont Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis qui ont gagné. Quand on est de gauche, on ne discute plus avec Marcel Gauchet ni avec Alain Finkielkraut, ni avec personne. On agit – c’est-à-dire on boycotte, on censure, on interdit (regardez ce qui se passe avec CNews). Le problème n’est plus le désaccord mais bien le débat en soi – pour ne pas dire l’Autre qu’il faut désormais annuler ou invisibiliser comme dans un épisode de Black Mirror. Pour ces gens-là, le « fascisme » ne commence pas à l’extrême droite, à droite ou même au centre mais bien avec la gauche libérale dont fait malgré tout partie Victoire Tuaillon – à qui il arrive la même chose qu’à l’écolo Hugo Clément après que celui-ci a accepté d’aller débattre avec Valeurs actuelles et s’être fait traité par ses propres troupes d’« écofasciste ». Pour l’anti-fa comme pour le fa, seule importe la pureté – c’est-à-dire la mort. Et c’est pour cela qu’on a envie de sauver la soldate Tuaillon de son engeance et peut-être même de la réconcilier avec Noémie Halioua – la sororité étant plus une affaire d’individus que de meute.

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[1] Lire la recension de Frédéric Magellan dans nos colonnes

[2] Et même si nous n’avons rien contre l’idée d’une autre version du conte de Perrault dans laquelle ce serait Aurore qui embrasse le prince pour le réveiller de son sommeil de cent ans – et comme du reste Trinity embrasse Néo dans Matrix et lui rend la vie. Là-dessus, nous sommes en accord érogène avec Victoire. Oui au Beau au bois dormant ! Oui au female gaze !

Immigration clandestine: il serait plus efficace de dissuader d’entrer que d’obliger à partir

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Migrants descendant de l'Ocean Viking dans le port de Naples, 28 août 2023 © KONTROLAB/IPA/SIPA

Nos querelles d’idéologues et les batailles d’opinions empêchent le moindre débat rationnel sur la réalité de l’immigration, question pourtant toujours plus décisive. Le Petit traité sur l’immigration irrégulière de Maxime Guimard promet d’y voir plus clair. La démographe Michèle Tribalat a lu le premier essai de ce haut fonctionnaire de la place Beauvau, préfacé par Dominique Reynié.


L’intérêt du livre de Maxime Guimard1 est de porter l’attention sur la présence d’étrangers en situation irrégulière, soit parce qu’ils sont entrés sans en avoir le droit, soit parce qu’ils ont prolongé leur séjour au-delà de la durée de leur visa, et de dévoiler l’envers du décor : astuces, contournements, fraudes, chantages, fausses bonnes idées et aveuglements politiques. Je suis d’ailleurs étonnée qu’il n’ait pas reçu un écho médiatique plus important. Son auteur étant lui-même un cadre du ministère de l’Intérieur, il dispose d’informations de première main qui auraient dû retenir l’attention des médias, d’autant qu’il est sorti en janvier alors qu’une loi adoptée sur le sujet s’est vue en grande partie retoquée par le Conseil constitutionnel. L’ordre du jour médiatique ne pouvait pas être plus propice à un large écho. Une des grandes leçons de ce livre est sans doute qu’il serait plus efficace de dissuader d’entrer que d’obliger à partir.

Comment les appeler ?

Maxime Guimard se refuse, à raison, d’appeler « clandestins » des étrangers qui sont arrivés parfois au vu et au su de tout le monde et ne vivent généralement pas dans la clandestinité. Il se résout à adopter l’appellation des militants pro-immigration – « sans-papiers » – même s’il n’y recourt que cinq fois. Il distingue « immigration légale » et immigration qu’il appelle irrégulière et non pas illégale, sans doute en raison de sa banalisation.

Un chiffrage forcément approximatif

Maxime Guimard estime à 500 000 le nombre possible d’étrangers en situation irrégulière au 1er janvier 2022 en retirant chaque année, de 2009 à 2021, du nombre d’étrangers connus pour être entrés, d’une manière ou d’une autre, dans l’irrégularité, ceux qui en sont sortis (décès[1], retour ou régularisation).

Pour 1,3 million de personnes repérées comme entrants dans l’irrégularité de 2009 à 2021, 800 000 sont sortis de l’irrégularité, en grande partie grâce aux procédures de régularisation (80 %). C’est donc principalement par la régularisation que l’État français « lutte » contre la présence irrégulière d’étrangers en France. « La quasi-certitude d’accéder un jour à un statut régulier est inéluctablement interprétée par le migrant comme un signal d’accueil favorable adressé par le pays de destination, qui constitue en lui-même le moteur essentiel de la migration irrégulière » observe Maxime Guimard.

Une politique des visas ajustée, la clef de la prévention

Le dépassement de validité du visa est le moyen le plus fréquent d’entrée dans l’irrégularité. Le visa de court séjour est donc l’objet d’une grande convoitise et les pays que l’UE a dispensés de visas peuvent servir d’intermédiaires complaisants.

On peut forcer la porte en passant par un pays de transit non soumis au visa aéroportuaire ou en obtenant un visa pour un pays lointain et en débarquant lors d’une escale en Europe pour demander l’asile. On peut aussi passer par des pays de rebond, comme le Brésil, pour se rendre au poste frontière de Saint-Georges de l’Oyapock et déposer une demande d’asile en Guyane. La simple corruption peut aider, comme ce fut le cas d’universités bidon au Royaume-Uni prétendant accueillir de nombreux étudiants qui payaient, en échange de faux certificats d’inscription ou de présence. La malveillance aussi, comme ce fut le cas en 2021 lorsque la Géorgie distribua des visas à des Irakiens en leur faisant miroiter une entrée dans l’UE.

Le système d’enregistrement électronique entrées-sorties (EES) attendu pour 2025 et permettant de dématérialiser le cachetage du passeport devrait permettre de produire des données statistiques sur le dépassement de la durée de validité des visas par nationalité, par consulat et critères sociaux professionnels, à même d’informer une politique de visas. En effet, détecter après coup les dépassements c’est bien, mais c’est encore mieux de pouvoir les empêcher par une politique de visas apte à repérer les candidats au dépassement et les fraudes même si, en termes budgétaires, la délivrance d’un visa est moins coûteuse qu’un refus.

Pour les pays dispensés de visas, on espère beaucoup du fichier ETIAS[2] qui délivrera ou non, après consultation de divers fichiers, une autorisation de séjour de trois mois. ETIAS aussi permettra d’étudier les dépassements de séjour autorisé et d’ajuster les pratiques administratives en conséquence.

Si l’on refuse aujourd’hui plus de visas qu’autrefois, c’est parce que les demandes se sont considérablement accrues et non parce qu’on en délivrerait moins.

Promesses humanitaires ou solution à l’australienne ?

Quant au forçage des frontières par la mer, le secours apporté par des ONG pour sauver les étrangers des embarcations précaires entretient la rente financière des passeurs, quand il ne les aide pas à récupérer les bateaux pour de nouveaux transports. Ces ONG jouent le rôle de facilitateur de l’immigration irrégulière par mer, avec son lot de noyades. Si les pays européens sont loin d’être prêts à montrer les muscles et à imiter les Australiens, force est de reconnaître que la méthode de refoulement de ces derniers avec la marine de guerre et l’impossibilité de mettre un pied en Australie pour ceux qui auront essayé d’y entrer illégalement a mis fin aux noyades en mer. Si l’on n’imagine pas l’UE sortir des bateaux de guerre (lesquels ?) pour repousser les candidats à l’immigration, le « push back » y ayant été déclaré interdit, il devrait être plus facile d’interdire le retour dans l’UE d’étrangers ayant essayé d’en forcer la porte. À condition qu’ils n’aient pas réussi car, une fois sur place, l’éloignement est devenu quasi impossible, particulièrement en France.

Organisation de l’impuissance à la frontière

Depuis une loi de 1989, les associations disposent d’une permanence dans les aéroports leur permettant d’orienter les étrangers retenus à la frontière vers la demande d’asile. Si elle apparaît manifestement infondée, un recours contentieux est possible, recours qui est devenu suspensif depuis une décision de la CEDH en 2007, prolongeant ainsi le délai de maintien en zone d’attente, sous contrôle du juge des libertés et de la détention. Particularité française, il faut ajouter à cela la possibilité, depuis une loi de 1981, pour l’étranger de refuser d’être rapatrié avant l’expiration d’un jour franc[3]. Si le taux de réacheminement n’est pas très élevé en aéroport (30 %, d’après l’ANAFE[4]), l’épisode de l’Ocean-Viking a montré qu’on pouvait faire bien pire (3%).

A lire aussi, Céline Pina: Le FORIF, le ministre de l’Intérieur, deux imams fadas et la campagne électorale

Quant aux prestations de Frontex, elles sont si problématiques que les pays de première ligne en viennent à préférer s’en passer.

François Leggeri, qui pensait diriger une brigade de gardes-frontières, dut en tirer les conséquences et démissionner.

Des trous dans la raquette

La directive de 2009 visant à sanctionner les employeurs recrutant des étrangers sans titre de séjour a déplacé la fraude sur l’emprunt de vrais titres de séjour contre 10% à 30% du salaire. Si l’employeur transmet bien une copie du titre de séjour à la préfecture deux jours avant l’embauche, aucun mécanisme n’a été mis en place pour vérifier si ce titre de séjour est utilisé par plusieurs étrangers. L’application AGDREF[5] du ministère de l’Intérieur devrait être améliorée ou remplacée afin de permettre de telles vérifications.

L’aubaine hospitalière française

L’étranger en situation irrégulière depuis trois mois ou disposant d’une autorisation provisoire de séjour dans l’attente d’une décision sur sa demande d’asile peut recourir à l’AME dans le premier cas ou à la PUMA dans le second cas. L’AME est sous condition de ressources, purement déclaratives, et donne lieu à des fraudes. En profitent surtout des étrangers exemptés de visas qui ne disposent pas dans leur pays des mêmes prestations ou ne sont pas couverts.

L’absence de contrôles a ainsi permis à l’actuel ministre des affaires étrangères des Comores de se faire passer pour un Mahorais et à se faire soigner à la Réunion pendant une dizaine d’années !

Mayotte, 24 avril 2023 © MATHYS/ZEPPELIN/SIPA

L’asile, filière par excellence de l’immigration irrégulière

La durée des procédures, la dégradation des contrôles aux frontières et l’évolution de la législation ont contribué à gonfler les demandes d’asile. Une fois en Europe, l’étranger a de bonnes chances de pouvoir y rester.

La Convention de Genève fut conçue pour réagir aux évènements survenus en Europe avant le 1er janvier 1951. Mais le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies (HCR), créé en 1950, laissait à chaque contractant la possibilité d’élargir unilatéralement le champ de la demande d’asile. Défaut d’anticipation et suivisme du quai d’Orsay ont conduit à l’adoption à l’unanimité de l’extension de la Convention au reste du monde en 1970, après la conférence de Bellagio de 1965 et après que les Nations unies l’ont recommandée. S’y ajoutèrent, en 1982, l’extension aux procédures à la frontière et, en 1998, à l’asile territorial qui devint la protection subsidiaire[6] puis, en 2003, aux persécutions non étatiques.

Le faible taux de protection français ne tient pas à une sévérité particulière mais à la composition par origine des demandeurs. Les demandeurs d’asile font des choix et ceux qui ont de bonnes chances d’obtenir l’asile préfèrent les pays les plus attractifs et où la procédure est plus rapide. L’Allemagne choisit non sans un certain cynisme les étrangers auxquels elle accorde une protection : les plus diplômés d’abord et les femmes parmi les Afghans. La France, où les procédures sont plus longues et les taux de protection supérieurs à la moyenne, notamment auprès des ressortissants de pays exemptés de visas, est donc choisie par défaut, notamment par ceux qui ont été déboutés chez nos voisins. Au rang des exceptions françaises il faut compter la composition de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) où siège, dans chaque formation, un représentant du HCR comme deuxième assesseur. La CNDA assure ainsi une protection à des cas jugés incongrus chez nos voisins. Ses décisions rétroagissent sur celles en première instance par effet d’anticipation.

Beaucoup de bruit pour rien

La procédure Dublin a mauvaise presse au ministère de l’Intérieur. Le transfert, qui doit se faire dans les six mois, échoue la plupart du temps et oblige ainsi à accepter la demande d’asile, rallongeant encore le temps de traitement du dossier. Le traitement rapide des dossiers, surtout pour les demandeurs ayant peu de chances d’obtenir une protection, est le moyen le plus sûr de réduire l’incitation à demander l’asile.

Éloignements de plus en plus difficiles

Loin d’être une directive de la honte, la directive Retour de 2008 a introduit le délai de départ volontaire (30 jours) pour l’étranger de bonne foi qui permet à l’étranger sous OQTF, de s’évaporer dans la nature. Il faut y ajouter ensuite la dépénalisation du séjour irrégulier. La France, écrit Maxime Guimard, arrive à éloigner à peu près autant qu’à la belle époque lors de l’éloignement en wagon cellulaire (4000 à 6000 par an), malgré une augmentation des décisions, traduisant ainsi une forte dégradation de la politique d’éloignement. Mauvaise volonté des pays d’origine pour délivrer les laissez-passer consulaires, procédures interminables et contraintes juridiques plus grandes expliquent cet échec, dont témoigne l’extension des capacités de rétention. La rétention n’est d’ailleurs pas forcément une aide à l’éloignement en raison de la présence, en centres de rétention administrative (CRA), d’un représentant d’associations (CIMADE, France terre d’asile…) qui prépare à l’obstruction à l’éloignement.

Toutes ces difficultés, auxquelles il faut ajouter parfois le refus de réadmission à la frontière, conduisent à l’autocensure des services d’éloignement.

L’absence d’un véritable outil statistique n’aide pas à la décision

L’application AGDREF mise en place dans les années 1990 n’est sans doute plus adaptée aux exigences actuelles. L’absence d’applications collaboratives et les échanges manuels qui perdurent sont la source d’une perte de qualité des documents, avec des copies de passeports transmises aux consulats qui sont parfois illisibles. On est loin d’une digitalisation complète des informations. Les préfectures ont ainsi renoncé à identifier les étrangers qui ne sont pas en CRA et qui ne figurent ainsi pas dans AGDREF. Le projet d’introduction d’un identifiant unique pour tout étranger devrait permettre de suivre son destin en France et de mieux appréhender l’immigration irrégulière.

Une diplomatie migratoire encore bien timide

Maxime Guimard examine les moyens de pression susceptibles d’améliorer la collaboration des pays d’origine, sachant que la politique longtemps privilégiée par l’UE d’échanger des entrées légales contre un accord de réadmission ne crée pas vraiment d’obligations pour ces pays, en raison d’une grande dissymétrie de réactivité : « Il suffit d’un télégramme pour ordonner aux consulats de ne plus délivrer de laissez-passer, quand nos démocraties forcément plus réglementées doivent engager de longues négociations pour revenir sur les facilités octroyées ».

La menace de réduire le nombre de visas a plus de chances de marcher lors d’un ciblage précis des pays qui refusent de coopérer afin d’éviter une coalition d’intérêts.  La France l’a fait en 2021 à l’égard de l’Algérie très peu coopératrice (34 éloignements forcés en 2021), mais aussi du Maroc et de la Tunisie avec un retour à la normale courant 2022.

A lire aussi: Maroc: réchauffement en vue?

Ajoutons que le Conseil constitutionnel a consenti à ce que la France conditionne la délivrance de visas à la coopération en matière de réadmission. C’est un des rares articles introduit par le Sénat qui n’a pas été retoqué pour absence de lien avec le projet de loi initial.

Le levier de l’aide publique au développement pas très populaire

L’absence de conditionnalité est défendue par les pays destinataires de l’aide, les ONG engagées sur le sujet, telles que la Coordination Sud qui rassemble plus de 170 associations françaises et subventionnée à plus de 1 million d’euros. Craignant pour leur activité, elles sont hostiles à tout contrôle des destinataires en bout de course. Par ailleurs, la multiplicité des programmes, les divergences de priorités entre administrations ne sont guère favorables à la mise en place d’une conditionnalité. L’éviction du ministère de l’Intérieur du conseil d’administration de l’Agence Française de développement (AFD) en 2019 non plus. Sans mécanisme de révision, d’après une liste de pays selon leur degré de coopération à la réadmission établie par le ministère de l’Intérieur, c’est le louvoiement assuré des pays tiers. Il est temps d’agir, la plupart des pays de l’UE étant désormais acquis au principe de conditionnalité. Enfin, pas encore en France apparemment puisque la disposition ajoutée par le Sénat conditionnant l’aide à la coopération des états a été, celle-ci, retoquée par le Conseil constitutionnel pour absence de lien, même indirect, avec le projet de loi initial.

Quant aux transferts de fonds des immigrés vers leur pays d’origine, ils pourraient être un levier pour améliorer la coopération de pays récalcitrants en matière de réadmission (d’après un bilan du ministère de l’Intérieur), en jouant sur les coûts de transfert : nous réduirons ces coûts si vous vous montrez plus coopératifs.

De même, à côté du système général de préférences unilatéral (SGP) appliqué par l’UE dans ses transactions commerciales avec des pays à faibles revenus, un grand nombre d’accords contractuels introduisant des tarifs préférentiels comprennent des clauses de réadmission. Mais encore faudrait-il qu’elles soient activées systématiquement. Une révision du SGP pour le cycle 2023-2024 n’a pas encore abouti. Si le Comité des représentants permanents de l’UE a accepté le levier commerce-réadmission, le Parlement, fortement travaillé au corps par une campagne de lobbying, s’y est opposé. Mais ce levier n’a de chances de marcher qu’avec les pays qui exportent suffisamment dans l’UE.

Contradiction française

Comment espérer faire plier des pays tiers quand la France régularise chaque année des dizaines de milliers d’étrangers et incite ainsi des étrangers à grossir les flux à venir ? Cette contradiction ne met pas le Quai d’Orsay en bonne disposition pour tenter de faire plier les pays avec lesquels il est censé converser. Ce dernier peut avoir l’impression qu’il perd son temps, tout en indisposant ses interlocuteurs.

Le quartier de la Goutte d’or à Paris, 16 novembre 2020. © Michel Setboun/SIPA

Un moyen plus direct d’envoyer un message aux pays réfractaires pourrait commencer par l’établissement d’une liste des faveurs accordées aux entourages de leurs diplomates et d’y mettre fin. Le légalisme des procédures démocratiques joue en faveur des régimes autoritaires qui n’ont aucun mal à se faire entendre quand les pays européens n’y arrivent pas. Il se trouve ainsi des pays qui nous refusent la réadmission de quelques-uns de leurs ressortissants mais accepteront sans broncher des retours massifs d’un pays voisin. Les Européens pourraient faire monter la pression en menaçant de mettre fin aux prébendes contre une attitude plus conciliante. Le message à faire passer : la rente est terminée !

Si quelques progrès sont possibles en faisant mieux fonctionner l’administration et en la dotant d’un système informatique beaucoup plus performant et collaboratif, une action plus globale visant la maîtrise et la restriction des flux migratoires souhaitées par l’opinion publique est freinée par la dépolitisation de la question migratoire transformée en enjeu humanitaire. À cet égard, Maxime Guimard n’oublie pas le rôle joué par quelques intellectuels, dont l’inénarrable professeur au Collège de France François Héran, qui ont naturalisé le phénomène migratoire et ont réussi à convaincre une bonne partie de l’élite. Parmi ces convertis, figure notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin[7]. Le mélange de « discours agressifs et de politique de tolérance » est une bien mauvaise option qui confine à l’impuissance. Impuissance que les stratégies de partage sur le territoire français ou européen ont du mal à camoufler. L’accent mis sur les politiques de retour laisse croire qu’elles sont le bon outil de lutte contre l’immigration irrégulière et apportent malencontreusement du crédit aux discours des associations dénonçant le durcissement croissant des politiques migratoires.

Une simplification radicale répondant aux aspirations humanitaires d’une France ouverte à tous reviendrait à renoncer à tout contrôle, mais au prix d’une explosion des flux. Pour Maxime Guimard, un progrès minimal consisterait à aligner la législation française sur une politique « médiane » des autres états membres de l’UE, en éliminant les dispositifs qui plaisent tant aux universitaires français mais ne sont pas partagés par nos voisins. Pour aller plus loin, explique Maxime Guimard, c’est vers les pays anglo-saxons qu’il faudrait se tourner. Cependant, l’exemple américain des dernières années, avec une immigration irrégulière record à la frontière mexicaine n’est sans doute pas celui qu’il nous faut suivre.

Petit traité sur l’immigration irrégulière, Maxime Guimard, Éditions du Cerf, janvier 2024, 384 p.

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Ce article a été publié d’abord sur le blog de Michèle Tribalat.


[1] Avec, à mon avis un défaut d’estimation des décès, mais qui ne change pas l’ordre de grandeur de son estimation.

[2] European Travel Information and Authorization System.

[3] L’article ajouté par le Sénat visant à supprimer cette exception française a été retoqué par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec le projet de loi initial.

[4] Association nationale d’assistance aux frontières.

[5] Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.

[6] La protection subsidiaire s’adresse aux étrangers qui risquent une menace grave, indépendamment de leur situation personnelle.

[7] C’est moi qui le dis (et non Maxime Guimard) après avoir entendu le ministre, lors de sa conférence au Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI) le 19 septembre 2023 : « la question de l’immigration n’est pas une question d’opinion publique. Il n’y a pas à être pour ou contre. Être contre c’est comme être contre le soleil. »

  1. https://maximeguimard.fr/ ↩︎

Pour la journée des droits de la femme, à l’école, aidons les garçons!

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L' enseignante et essayiste Lisa Kamen-Hirsig © Photo : Hannah Assouline.

Quand la propagande féministe entre à l’Éducation nationale, les savoirs sont remplacés par le féminisme victimaire, et ce sont les garçons qui trinquent.


Et voici donc venir la Journée des droits de la femme 2024. A l’école aussi. Bien sûr. Puisque l’école accueille en son sein toutes les festivités contemporaines avec un grand enthousiasme, des JO à la Semaine du goût en passant par la Fête de la « Fraternité générale ».

Dans la perspective de ce vendredi 8 mars tout féminin, le site de l’Éducation nationale reprend mot pour mot le texte publié par l’ONU1. Celui-ci affirme que les réductions des dépenses publiques constatées dans le monde « auront des répercussions négatives sur la situation des femmes ». Usant ensuite d’un conditionnel, il poursuit: « plus de 342 millions de femmes et de filles pourraient ainsi vivre sous le seuil de pauvreté d’ici à 2030 ». Il déplore que les organisations féministes, qui – selon l’ONU – prennent la tête de la lutte contre les inégalités et la pauvreté des femmes « tournent à vide, puisqu’elles ne perçoivent que 0,13 pour cent du total de l’aide publique au développement. » Quelle proportion de nos impôts faut-il verser aux organisations féministes à travers le monde pour que l’ONU soit satisfaite ? Nul ne le sait.

A lire aussi: Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews»

Ce copié-collé d’un texte à visée internationale, alarmiste, n’est pas adapté aux enjeux français et conduit tout naturellement le ministère de l’Éducation nationale à encourager  ses employés à passer « à une économie verte, une société de soins » et « à soutenir les agents de changement féministes ».Contester le bien-fondé de ce fléchage de l’argent public revient à se ranger immédiatement dans le camp du patriarcat éhonté. Du ministre aux grouillots de la rue de Grenelle, tout le monde approuve et logiquement, les établissements sont fortement incités à poursuivre ces mêmes objectifs. Mais l’urgence en France est-elle vraiment d’ancrer le féminisme à l’école ?

Remplacer les savoirs par le féminisme victimaire

Il est bien sûr impossible de prédire quelles actions auront lieu cette année mais il existe déjà des habitudes en la matière. Les « bonnes idées » foisonnent. Il suffit de consulter les sites académiques qui relaient fièrement les manifestations de « féminisme scolaire ». Ici, les élèves constitués en Brigade Egalité Garçons-Filles distribuent aux adultes des citations de « femmes inspirantes », de Simone de Beauvoir à Hillary Clinton en passant par Beyoncé. Là, ils réalisent des graffitis géants à la gloire des femmes sur les murs de leur collège. Ailleurs encore les professeurs organisent des expositions dénonçant les inégalités de genre, le problème n’étant visiblement plus que les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes mais que chacun puisse choisir son genre. A Créteil, Françoise Vouillot, responsable du groupe « OriGenre » (orientation et genre), ancienne présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux » du Haut conseil à l’égalité femmes/hommes (HCE F/H), donne une conférence : « appréhender comment (sic) le système de genre influence le fonctionnement de l’institution scolaire ». Autrement dit : le système hiérarchise les sexes et les valeurs qui leur sont associées mais je vais vous expliquer en quoi l’école en est affectée.

2024. DR.

L’académie de Limoges a proposé un « happening ou déclaration d’une phrase choc dans les classes ainsi que d’un quiz réalisé par le CVL » (Conseil de vie lycéenne). Une phrase choc pour régler les problèmes de violences faites aux femmes. Comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?

A Poitiers, on crée une mosaïque de l’égalité, on organise des collectes contre la précarité menstruelle, on slame…

A Rennes on l’échappe belle grâce à l’escape game « Panique à sexisme city ». Quel suspense !

Sur le site de l’académie de Dijon on rappelle sur une affiche « Synthèse – Vers l’égalité entre les femmes et les hommes en 10 chiffres clés » qu’une femme sur dix serait concernée par l’endométriose. Si l’égalité importait vraiment à ces gens, ils rappelleraient aussi les statistiques du cancer des testicules…

A lire aussi, du même auteur: «Je propose d’essayer la liberté, juste pour voir»

Ces activités se font évidemment sur le temps scolaire. On le sait, atteindre l’égalité réelle dans tous les domaines est aujourd’hui la priorité de l’Éducation nationale. Le plus beau cadeau à faire aux petites filles serait pourtant de les instruire et non de leur farcir la tête de ressentiment.

Le mal-être des garçons

Depuis des décennies, les sociétés occidentales, et la société française ne fait pas exception, se concentrent sur les discriminations dont souffre la gent féminine ; l’école en a même fait une mission. Elle en oublie qu’elle est censée s’attacher à la réussite de tous. Or le mal-être des garçons est croissant : plus souvent en échec, ils se montrent aussi plus violents, tombent davantage dans la dépression ou la phobie scolaire. Les dernières études PISA montrent un écart d’un an entre les filles et les garçons en classe de troisième. Le rapport de la DEPP 2021 (Filles et garçons sur le chemin de l’égalité) montre qu’au baccalauréat, elles obtiennent de meilleurs résultats dans toutes les voies. La part des candidates ayant obtenu une mention « bien » ou « très bien » est nettement supérieure à celle des candidats. Elles obtiennent plus souvent des mentions « bien » ou « très bien » dans la série scientifique S (+ 11 points). Cette hégémonie scolaire féminine se poursuit dans les études supérieures et se traduit depuis quelques années dans la vie professionnelle. La présence des femmes augmente particulièrement dans les métiers très qualifiés. En 2017, 55% des avocats et 70% des élèves avocats étaient des femmes. 135 barreaux sur 164 ont déjà eu à leur tête une femme bâtonnière. Les effectifs de magistrats judiciaires français sont également très féminisés tant en ce qui concerne les juges professionnels (73 % au siège) que les procureurs (59 % au parquet). 50% des médecins généralistes sont des femmes et la proportion ne cesse de croître…

Les enseignants exhortés à « s’engager dans une pédagogie qui limite la transmission des stéréotypes » sont nombreux à déplorer le temps consacré à ces obsessions au détriment des disciplines. Les manuels continuent d’affirmer que « les inégalités sont présentes dans tous les domaines ». Le site de l’Éducation nationale, on l’a vu, consacre des pages entières à l’égalité entre les garçons et les filles, serinant que « filles et garçons intériorisent les stéréotypes » ou encore que « filles et garçons continuent à se conformer à ce qui est présenté comme leur domaine respectif de compétence dans les schémas socioprofessionnels fortement stéréotypés ». Les hommes sont, en creux, généralement présentés comme ceux qui abusent ou ont abusé de leurs droits. Il serait alors urgent d’inverser un rapport de force et de prévenir les futurs abus des petits garçons, coupables d’avance des mêmes crimes que leurs pères. 

A lire aussi, Didier Desrimais: Les cours de rééducation sexuelle de Giulia Foïs

L’habitude intellectuelle qui consiste à faire des femmes les uniques victimes de la société nous empêche de voir ce qui crève les yeux : l’échec scolaire et ses conséquences sont massivement masculins.

Ce que l’on ne dit pas

Dans École, la fracture sexuée, Jean-Louis Auduc livre de nombreuses statistiques passionnantes. Deux tiers des décrocheurs sont des garçons, les trois quarts des enfants d’origine maghrébine et subsaharienne. Les résultats des filles d’origine africaine ou maghrébine sont très proches de ceux des petites Françaises « de souche ». Elles voient clairement la réussite scolaire comme un moyen de s’émanciper. Le modèle musulman éduque souvent les garçons comme des petits rois, qui ne participent à aucune tâche domestique et développent une nonchalance incompatible avec les exigences de l’école. À cela s’ajoutent les politiques égalitaristes qui excusent ces élèves au nom de leurs difficultés sociales. Fractures sexuée et religieuse se superposent donc pour se potentialiser l’une l’autre. Ce phénomène a été plusieurs fois décrit et analysé, notamment en 2004 par le rapport Obin.

Aider les garçons pour aider les filles

Donner des armes aux filles pour se défendre contre le harcèlement et les encourager à réussir est capital, bien sûr ! Il ne s’agit pas de les renvoyer à leurs travaux d’aiguilles ! Mais aider les garçons à s’épanouir à l’école est indispensable pour retrouver un climat serein, lutter contre le harcèlement et l’échec scolaire.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Les enseignants français, entre laïcité, compromissions et collaboration

Il faut dès lors se montrer très explicite ; leur dire, ainsi qu’à leurs parents : « la domination masculine qui vous semble si naturelle a fait long feu. Vous serez concurrencés par des filles aussi douées et libres que vous, très motivées par surcroît. La seule alternative possible est l’effort. Votre sexe ne constitue plus un avantage acquis. »

La prépondérance des femmes dans le personnel scolaire et le fait que les mères s’occupent plus de la scolarité en éloigne aussi les garçons qui ont besoin de modèles masculins. Éduqués dans un environnement féminin qui les surprotège mais les juge pénibles, ils perdent parfois confiance et concluent que l’école n’est pas faite pour eux. Je les entends dire et se convaincre que la lecture est une activité de filles. Certains rechignent à travailler à l’école pour ne pas « passer pour des homos »…

Pourtant, nombreux sont les hommes qui enseigneraient volontiers si le métier n’était pas si réglementé, s’il était possible de passer d’une carrière à l’autre, si les salaires étaient négociables, plus généralement si les relations au sein du système éducatif français étaient plus libres. Dans le corps enseignant, la parité est loin d’être atteinte et c’est au détriment des garçons.  

Hommes et femmes souhaitons la même chose : les mêmes droits, l’instruction pour tous et renouer avec une société prospère et apaisée. Œuvrons ensemble pour que chacun, quel que soit son sexe, puisse trouver sa voie et s’épanouir, c’est le véritable rôle de l’école. La victimisation n’est jamais une solution.

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  1. https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2023/09/progress-on-the-sustainable-development-goals-the-gender-snapshot-2023 ↩︎

Profession: rapporteur

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Le député LFI Aymeric Caron interroge Roch-Olivier Maistre, patron de l’Arcom, lors d’une audition au Sénat sur la situation de l’audiovisuel, 13 décembre 2023. DR.

Pour la gauche, au nom de la liberté d’expression, CNews doit… disparaître. Ou, pour le moins, se conformer à l’idéologie dominante. Une inquiétante régression intellectuelle. Récit.


Mensonges, attaques personnelles, procès d’intention… Les matons des médias ne savent pas quoi inventer pour faire interdire CNews. Morceaux choisis.

Les journalistes de CNews ayant eu l’audace de s’offusquer des manœuvres d’intimidation de Reporters sans Frontières et des menaces du Conseil d’État, le magazine Télérama tente de démontrer la légitimité des remontrances faites à la chaîne d’information. Comme d’autres médias, Télérama estime que, au nom de la liberté d’expression et du pluralisme, CNews et ses journalistes doivent disparaître ou, pour le moins, se conformer à l’idéologie dominante.

Le point culminant de la carrière de Samuel Gontier

Pour dézinguer CNews, tout le monde est sur le pont, à commencer par le maton médiatique d’extrême gauche Samuel Gontier. Sur le site de Télérama, ce spécialiste du petit écran poste régulièrement de longues diatribes contre les opposants à l’ordre médiatico-culturel actuel – le plus souvent de laborieuses transcriptions des propos des récalcitrants accommodés de ce qu’il appelle « des petites touches d’humour et d’ironie », qui sont en réalité de très courtes notes uniformes et paresseuses. Gontier, c’est Daniel Schneidermann en plus fainéant. Même obsession des heures sombres, du ventre fécond, de la bête immonde, mais un vocabulaire plus pauvre, une grammaire encombrée d’une ponctuation énervée et une syntaxe confuse reflétant un désordre intellectuel qui confine à la bêtise. Dans son billet du 15 février 2023, après avoir passé la journée devant la chaîne honnie, Samuel Gontier affirme que, sur CNews, la liberté d’expression est surtout celle « des racistes, des xénophobes, des identitaires, des intégristes, des zemmouristes et des lepénistes ». Original ! Selon lui, la chaîne « musarde sur les chemins complotistes » ; Olivier Dartigolles, Julien Dray et Philippe Guibert ne sont pas vraiment de gauche ; un policier syndicaliste qui se dit ni de gauche ni de droite est vraisemblablement un « apolitique d’extrême droite » ; lors des débats, seuls « des zemmouristes » affrontent « des lepénistes », et seuls « des négationnistes » font face à « des suprémacistes ». Il semblerait que de nombreux représentants de LFI, Jean-Luc Mélenchon en tête, adorent les bulletins policiers et les tracts islamo-gauchistes de Samuel Gontier. Cela n’a rien d’étonnant. Ce téléphage cafardeur pratique sans effort le mouchardage, la diffamation, le mensonge et l’affabulation dont sont friands les petits-bourgeois révolutionnaires d’extrême gauche. Si nous ne craignions pas d’offenser ces adorateurs d’une certaine religion de paix et d’amour, nous dirions qu’ils sont copains comme cochons et qu’ils grognent de concert.

Télérama alerte en une sur le « grand remplacement » de l’info

Le Télérama n° 3867 du 20 février consacre un dossier entier à « la fabrique CNews, aujourd’hui rattrapée par un devoir de pluralisme renforcé ». Pour soutenir sa thèse – CNews défendrait une « vision identitaire de la société », ses chroniqueurs seraient « majoritairement recrutés à droite et à l’extrême droite », Pascal Praud serait « une sorte de sociologue énonçant sa vérité qui doit s’imposer à tous »Télérama s’est tourné vers une pointure, un champion du monde du décryptage télévisuel, un « sémiologue spécialiste des médias », François Jost, le même François Jost qui a avoué sur Sud Radio[1] ne tenir compte que de l’opinion du Monde pour savoir qui est d’extrême droite, et qui a benoîtement expliqué sa misérable méthode de « travail » – assez proche finalement de celle de Samuel Gontier – pour démontrer l’absence de pluralisme sur CNews. Le ridicule ne tuant pas, Télérama cite également le pape actuel de la liberté d’expression encadrée, l’ordonnateur des basses œuvres médiatiques, j’ai nommé Christophe Deloire, le directeur de RSF et instigateur de cette incroyable opération de dénonciation de ses confrères journalistes, en tout cas de ceux qui se tiennent à l’écart de la ligne idéologique de l’ONG et de la majorité des médias français. Le magazine télévisuel rapporte les propos d’une autre sommité, Aymeric Caron[2], protecteur des moustiques et membre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale débattant actuellement sur le renouvellement des fréquences TNT de 14 chaînes, dont CNews :« Si Vincent Bolloré veut faire une chaîne d’opinion, qu’il le fasse ailleurs que sur la TNT. » Tout le monde avait plus ou moins compris que tout ce ramdam n’a pas d’autre objectif que de préparer l’opinion publique à une possible prochaine sanction de cet ordre – grâce à M. Caron, plus aucun doute n’est permis.

Laurence Ferrari, vous êtes le maillon faible

La deuxième partie du dossier est exclusivement consacrée à Laurence Ferrari, « un fer de lance de la ligne idéologique du groupe », selon Télérama. Les témoins affligés du profond changement qui s’est soi-disant opéré chez cette journaliste défilent à la barre. Ils sont déçus : Laurence Ferrari, qui était « quelqu’un de doux », qui était « si modérée », qui ne se « mettait pas en avant », est devenue une réac qui « balance des trucs catégoriques » sur les plateaux de CNews. Le gentil Michel Drucker n’en revient pas. Hapsatou Sy pense qu’elle a été « contaminée par le virus CNews ». C’est grave docteur ? Oui, c’est d’autant plus grave que Laurence Ferrari a été la seule à poser une question, une vraie question, précédée d’une solide description des chantiers qui attendent le gouvernement et que les Français considèrent comme prioritaires, à Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Les journalistes ayant pignon sur rue sont tellement habitués à courber l’échine que la prestation de Laurence Ferrari leur est apparue comme un crime de lèse-majesté présidentielle. Parmi les plus serviles, ceux de Télérama ont apprécié que le président remette « sèchement à sa place » l’insubordonnée.

Réquisitoire de Thomas Legrand contre Sonia Mabrouk dans le « 7/10 », l’émission matinale de France Inter, 20 février 2024. DR.

Thomas Legrand se charge de Sonia Mabrouk

Laurence Ferrari n’est pas la seule journaliste de CNews à devoir subir les foudres de ces médias si ouverts, tolérants et pluralistes. Le journal Le Monde ne veut rien avoir affaire, de près ou de loin, avec Christine Kelly. Cette dernière organise des conférences à la salle Gaveau ? Ni une, ni deux, Le Monde, qui proposait à ses abonnés des places pour assister aux conférences se tenant dans la célèbre salle de concert, a annulé son partenariat avec cette dernière – pas question de faire de la publicité à cette « journaliste bollorisée ». De son côté, Thomas Legrand, journaliste à Libération et sur France Inter, a cru bon de mettre en doute le travail journalistique de Sonia Mabrouk. La bouche humide de rage contenue, le petit Legrand crache dans le micro : « Sonia Mabrouk passe son temps à inviter des confrères généralement de la bollosphère qui n’ont pas fait de reportages[3]. » La charge est grossière, si grossière que même Léa Salamé semble gênée. Sonia Mabrouk n’a pas manqué de passer un savon, et un sévère, à ce donneur de leçons. « Qui êtes-vous pour parler ainsi, du haut de quel magistère vous exprimez-vous ? » lui a-t-elle demandé en lui frottant les oreilles[4]. À n’en pas douter, Thomas Legrand s’exprime du haut du magistère de la Gauche Absolue et du Wokisme Radieux, c’est-à-dire des idéologies qui justifièrent hier, justifient aujourd’hui et justifieront demain les atteintes à la liberté, à toutes les libertés, la liberté d’expression en premier lieu.

Oui, la gauche est en train de perdre un monopole, et c’est douloureux pour elle

Dans un remarquable essai[5], le philosophe Philippe Nemo retrace l’histoire du monopole de la gauche sur l’enseignement et les médias depuis l’après-guerre. Il décrit la mainmise de cette unique famille idéologique sur la communication officielle et, conséquemment, le remplacement des vrais débats sur des problèmes de fond par un « bavardage dont la règle, implicite mais scrupuleusement observée, est qu’aucun de ceux qui sont invités à parler ne s’aventurera à sortir des paradigmes dominants ». Il suffit de regarder et d’écouter les chaînes et les radios publiques pour souscrire à ce triste constat. L’audiovisuel public est chimiquement et purement de gauche, aucune substance intellectuelle ou politique ne vient altérer cet alliage de gauchisme, d’écologisme et de wokisme. On retrouve cette composition chimique dans nombre de médias se conformant à l’orthodoxie régnante. Le bavardage connivent ayant remplacé le débat, la règle est l’éradication des contradicteurs, individus ou médias hétérodoxes.

« Aux personnes qui énoncent des faits et des arguments au sujet de l’immigration, des mœurs familiales et sexuelles, de l’école, de la sécurité, de la politique pénale, etc., n’allant pas dans le sens de l’orthodoxie régnante, on n’oppose pas d’autres faits ou d’autres arguments, mais une fin de non-recevoir. On ne veut pas discuter avec elles, on veut qu’elles disparaissent purement et simplement de l’espace public et que la société soit purifiée de leur présence », écrit Philippe Nemo. La France, ajoute-t-il, qui se targue d’être le pays de la liberté, n’a eu de cesse depuis quarante ans d’inventer des dispositifs permettant d’interdire, de censurer, d’empêcher la libre parole « non plus seulement dans l’enseignement et les grands médias, mais dans tout l’espace public ». Il y a effectivement de quoi être inquiet : sur la base d’un rapport commandité par une ONG et reposant sur un travail de flicage que n’auraient pas renié les fonctionnaires de la Stasi, le Conseil d’État intime l’ordre à un comité de surveillance médiatique de se pencher spécifiquement sur un média privé pour le remettre sur le droit chemin. Catéchisés depuis au moins quatre décennies par l’idéologie politique de gauche, décérébrés depuis au moins quatre décennies par un enseignement idéologiquement de gauche, désinformés et anesthésiés depuis au moins quatre décennies par des médias majoritairement de gauche, assiégés aujourd’hui par le gauchisme universitaire, l’écologisme et le wokisme, les Français réagissent mollement face aux manœuvres de destruction de la liberté d’expression dans leur pays.

Mais les Français ont-ils encore le goût de la liberté ? Ou plutôt : ont-ils encore les capacités intellectuelles, morales et politiques de concevoir ce qu’est la liberté et, éblouis par sa supériorité sur l’égalitarisme qu’ils gobent depuis quarante ans, de la désirer ? Si la réponse est non, ce que nous devons craindre, cela voudra dire que ces quarante dernières années de décervelage sous la férule de la gauche dogmatique ont porté leurs fruits et que l’idéologie mortifère et totalitaire de cette dernière a triomphé.

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[1] « SudRadio média » du 15 février 2024, Valérie Expert et Gilles Ganzmann.

[2] Député d’extrême gauche de Paris et… présentateur des journaux de I-Télé (future CNews) de 2006 à juin 2008 [NDLR].

[3] « Matinale » de Nicolas Demorand et Léa Salamé sur France Inter, 20 février 2024.

[4] CNews, 21 février 2024.

[5] Philippe Nemo, La Régression intellectuelle de la France, 2011, Texquis.

Souveraineté industrielle: le privé à la rescousse de Valdunes

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Roland Lescure, ministre délégué à l'Industrie, visite l'usine de Valdunes à Trith-Saint-Léger (59), juin 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Le tribunal de Lille rendra le 20 mars sa décision au sujet de la reprise de Valdunes par Europlasma. Un espoir pour 178 employés des sites de Dunkerque et de Valenciennes, et la possibilité pour le pays de conserver le dernier fabricant de roues de trains français.


Valdunes, fabricant de roues et d’essieux de train, devrait rester français. Après le retrait du repreneur chinois, l’entreprise attend la décision finale du tribunal de commerce de Lille le 20 mars prochain, censée entériner le plan de reprise proposé par Europlasma, avec le soutien de l’État français. Emplois et savoir-faire devraient donc être restés sous pavillon tricolore, grâce à un agenda commun entre finance privée et secteur public.

Rue des Aciéries à Dunkerque, la température va probablement redescendre d’un cran. Mercredi 28 février, le tribunal de commerce de Lille a reporté de trois semaines sa décision finale[i], mais il ne devrait plus y avoir de surprise. Bloqué par des salariés en colère, le site du nord de la France de MG Valdunes devrait être sauvé grâce au projet de reprise conjoint entre l’entreprise privée Europlasma et différentes institutions publiques, dont la SNCF. La fin d’un douloureux feuilleton est en vue pour les trois cent salariés de l’entreprise, avec ce plan de reprise de 35 millions d’euros : Europlasma et l’État mettent 15 millions sur la table chacun, la SNCF 1 million, les 4 millions restants étant apportés par les collectivités locales.

Un enjeu de souveraineté industrielle

Du côté de Bercy, l’optimisme prédomine avec ce plan de sauvetage. « Nous avons aujourd’hui un repreneur – Europlasma – qui est prêt à porter un projet visant le maintien de cette filière ferroviaire à travers la décarbonation de la production, ce qui est particulièrement important pour moi et représentatif de ce que nous voulons porter, avance Roland Lescure[ii], ministre délégué chargé de l’Industrie. Je tiens à saluer et remercier l’ensemble des parties prenantes engagées, notamment les salariés, les organisations syndicales et les élus locaux. »

Sur le site de la forge de Leffrinckoucke, près de Dunkerque, et sur le site d’usinage des pièces à Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, le plan prévoit la préservation de 178 emplois sur les 309 concernés. Les salariés de Valdunes qui ne seront pas conservés seront accompagnés par une cellule spécifique qui leur « leur apportera un soutien tout particulier jusqu’à ce que chacun ait retrouvé une solution, a précisé le ministre délégué, grâce à des bilans de compétence et des formations nécessaires à leur reconversion au sein d’entreprises locales. Une solution soutenue par les syndicats, principalement la CGT, dont le délégué Maxime Savaux a pris part aux ultimes discussions à Bercy[iii] le 26 février. À la sortie de l’audience du tribunal le surlendemain, Savaux a d’ailleurs jugé que l’avis rendu par la cour était « en grande partie favorable » et a salué « un projet assez vertueux, ambitieux ».

L’épilogue de ce long feuilleton est donc proche. Après avoir été placée en redressement judiciaire suite au lâchage de son actionnaire chinois, Valdunes attendait un miracle. Il s’est produit avec l’entrée en lice d’Europlasma. Pour l’État français et pour Bercy, le maintien en France de la dernière filière de fabrication de roues et d’essieux ferroviaires était devenu un enjeu de souveraineté industrielle. Si d’aventure Valdunes fermait ses portes, les partenaires de la SNCF devraient s’approvisionner hors de France, chez les Italiens de Lucchini RS, les Allemands de GHH-Bonatrans ou pire, chez les Chinois de Jiangsu Railteco Equipment Co. D’un point de vue macro, les conséquences seraient significatives pour Alstom qui fabrique les rames de TGV ; à l’échelle locale, à Dunkerque comme à Valenciennes, ce sont des bassins d’emplois métallurgiques déjà sinistrés qui rateraient l’occasion de s’offrir un second souffle.

Europlasma, le « sauveur » de Valdunes

Si l’État français a décidé de mettre la main à la poche pour soutenir ce projet de reprise, c’est qu’il a pleinement confiance dans le savoir-faire industriel de son partenaire privé, l’entreprise Europlasma. Peu connue du grand public, cette dernière fait pourtant partie des fleurons de l’industrie française. Spécialiste mondial de la décarbonation et du traitement des déchets dangereux grâce aux torches à plasma, cette PME basée à Morcenx-la-Nouvelle dans le Sud-Ouest a mis en place depuis 2019 une stratégie de réindustrialisation tous azimuts. Depuis, elle a par exemple repris les Forges de Tarbes en 2020, alors au bord de la faillite, ou encore Luxfer (fabricant de bouteilles à oxygène) et Satma Industries (fabricant de condensateurs électrolytiques) en 2022. L’entreprise a ainsi rempli son carnet de commande grâce à des commandes du ministère des Armées – pour la fabrication d’obus de 155mm destinés à l’Ukraine – et grâce à des procédés innovants en matière de captation et de décomposition du CO2.

Avec l’expérience des Forges de Tarbes et grâce à ses partenaires financiers, Europlasma s’est donc imposée pour la reprise des sites de MG Valdunes, en mettant 15 millions d’euros sur la table. Une somme qui dépasse de loin les budgets avancés lors de ses précédentes acquisitions réalisées ces cinq dernières années. Pour ce faire, l’équipe dirigeante d’Europlasma s’est appuyée sur un mode de financement alternatif inédit, hors des circuits bancaires traditionnels, en ayant recours aux OCABSA (Obligations Convertibles en Actions avec Bons de Souscription d’Actions) que lui propose son partenaire financier, Alpha Blue Ocean (ABO).

La réussite d’un plan de financement alternatif

En France, la reprise d’entreprises en difficulté est souvent un parcours du combattant, la réglementation bancaire (CRBF) imposant aux institutions bancaires une mobilisation de fonds propres égale à 100% des montants prêtés. Chose qu’elles ne se permettent évidemment pas. Pour les repreneurs porteurs d’un projet de relance industrielle, il faut donc trouver des solutions alternatives. ABO est donc entré en scène, comme il l’avait déjà fait au moment des reprises de Luxfer ou des Forges de Tarbes, apportant des réponses rapides aux besoins mis sur la table : « Pour notre site des Forges de Tarbes, nous avions un projet d’investissement très lourd et très solide, se souvient Jérôme Garnache [iv], le PDG d’Europlasma. Les OCABSA ont permis d’investir rapidement afin d’honorer des contrats qui étaient déjà signés. Nous avons fait 15 millions sur un deal et il y en avait d’autres à venir. Nous devions donc faire des investissements, et les faire dans un laps de temps très court. » L’opération a été couronnée de succès. C’est donc tout naturellement qu’Europlasma a fait à nouveau appel à Alpha Blue Ocean pour monter le plan de reprise de Valdunes, dans le Nord. Une opération qui tient d’autant plus à cœur des financeurs, que Pierre Vannineuse, cofondateur d’ABO, est un enfant du pays [v].

Cette réussite privée, l’État français aura tout intérêt à la faire fructifier, en termes de réindustrialisation, mais aussi en termes d’image. La reprise de Valdunes offrira l’occasion aux pouvoirs publics – si elle est confirmée par le tribunal – de démontrer leur capacité à transformer les promesses en actes. Et ce en s’appuyant sur l’écosystème de la finance privée « made in France » sans qui de nombreux projets seraient inenvisageables. Rendez-vous donc le 20 mars prochain pour connaître l’épilogue du dossier Valdunes.


[i] https://www.lexpress.fr/societe/valdunes-la-reprise-par-europlasma-mise-en-delibere-au-20-mars-DLOCKBNTXJDI7FYE6CUCKJP4SA/

[ii] https://presse.economie.gouv.fr/une-reunion-qui-acte-la-finalisation-du-financement-autour-du-projet-de-reprise-de-mg-valdunes-porte-par-europlasma/

[iii] https://hanslucas.com/cmartin/photo/73817

[iv] https://www.journaldeleconomie.fr/Jerome-Garnache-La-difficulte-du-financement-en-OCABSA-c-est-d-expliquer-le-mecanisme-aux-actionnaires_a12661.html

[v] https://www.linkedin.com/posts/xavierbertrand_le-destin-de-valdunes-et-de-ses-salari%C3%A9s-activity-7153191333959016449-WJUk/

Native American Lives Matter

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© Unsplash

À la suite de nouvelles directives fédérales, les musées américains doivent obtenir l’aval des tribus amérindiennes avant d’exposer leurs artéfacts.


C’est une décision qui a surpris et consterné touristes comme passionnés d’histoire. Le Muséum américain d’histoire naturelle de New York (AMNH) a décidé de fermer brutalement et sans préavis l’accès à ses deux salles d’expositions amérindiennes. Il s’agit pour cette institution renommée, qui attire des millions de visiteurs, de se conformer à une nouvelle règle imposée par l’administration progressiste du président Joe Biden, qui exige l’autorisation des tribus pour exposer leurs artefacts quelle que soit leur nature. La nouvelle disposition, une mise à jour de la loi de 1990 sur la protection et le rapatriement des tombes amérindiennes (NAGPRA), est entrée en vigueur le 12 janvier, incitant d’autres musées, tels que le Field Museum de Chicago et le Peabody Museum de Harvard, à suspendre également ce type d’expositions, mettre en sécurité les objets concernés dans des caisses et envisager de les restituer aux peuples autochtones d’Amérique du Nord. Les universités, elles-mêmes, ne sont pas épargnées par cette réforme et ont été contraintes à faire de même. 

A lire aussi : Au secours, les super-fragili-wokiste-cancelculture-censurophiles veulent interdire Mary Poppins

Grands oubliés du mouvement Black Lives Matter (BLM), les Amérindiens souhaitent aussi faire entendre leurs voix, recherchant justice et respect pour les restes de leurs ancêtres souvent déterrés sans autorisation par des anthropologues peu scrupuleux et des artefacts souvent acquis sans leur consentement. Sensible à ce problème, la secrétaire à l’Intérieur, Deb Haaland, première Amérindienne à superviser l’agence mettant en œuvre ces changements, s’est félicitée de cette évolution qui permet de réévaluer la représentation des tribus autochtones au sein de la société américaine. Bien qu’il divise et qu’il risque de faire tache d’huile, ce débat s’est étendu au-delà des États-Unis puisque des musées britanniques possédant des restes d’Amérindiens ont été priés de les restituer dans les meilleurs délais.

Selon le Muséum d’histoire naturelle de New York, les expositions rouvriront, sans pouvoir fournir de calendrier. Le temps de trouver un consensus avec les chefs des tribus, loin d’être acquis au regard de l’Histoire qui n’a pas fait de cadeaux aux Amérindiens.

La société française ne se tient plus

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Des émeutiers s'en prennent aux forces de l'ordre et retournent notamment une voiture, aux abords du lycée Gustave Eiffel de Cachan (94), 5 mars 2024. Image: réseaux sociaux.

Ensauvagement. Des jeunes encagoulés provoquent une émeute mardi devant un lycée à Cachan, et s’en prennent à la police. À Paris, un chef d’établissement tentant la semaine dernière de faire respecter l’interdiction du voile islamique, est menacé de mort. Et malheureusement, pendant ce temps, la politique est également gagnée par le grand vide intellectuel.


La politique n’est plus qu’un grand vide intellectuel. « La société ne se tient plus (…) L’Occident ne se pense plus du tout », a estimé avec raison, ce mercredi matin sur Europe 1, le politologue Dominique Reynié. La crise de l’intelligence, qui frappe les « élites » assoupies, met les démocraties en danger. Débattre devient un sport de combat. L’enflure verbale remplace l’argument.

Le ridicule est chez Gabriel Attal quand il parle de « la France, phare de l’humanité » après la constitutionnalisation de l’IVG, hier, qui fait paresseusement l’impasse sur le statut de l’embryon. Emmanuel Macron, dans la même boursouflure emplie d’air, a proposé pour le 8 mars, Journée des femmes, une « cérémonie inédite » pour célébrer sa victoire rassembleuse. Mais l’obscurantisme n’est-t-il pas derrière cette incapacité des politiques à sortir de leur pensée hémiplégique dictée par des slogans ?

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Mardi, une réaction indignée a été suscitée, ici et là, par une affiche des JO représentant notamment le dôme des Invalides sans la croix qui surmonte l’église parisienne. Mais cet effacement visuel de la mémoire chrétienne n’est qu’un des effets de la détestation portée aux racines civilisationnelles, notamment par le progressisme au pouvoir. L’Eglise a d’ailleurs été solennellement congédiée par ce congrès de Versailles euphorique. Tandis que des cloches alentours sonnaient le glas et que la Conférence des évêques disait sa « tristesse », les parlementaires moutonniers ont très majoritairement balayé (780 voix contre 72) les appels catholiques à réfléchir à « l’atteinte à la vie en son commencement ».

Les sénateurs de gauche applaudissent après le vote en faveur de la constitutionnalisation de l’avortement, Paris, 28 février 2024 © Jacques Witt/SIPA

Comment reprocher à l’islam conquérant et prosélyte de vouloir s’installer sur ces terres désertées par les dirigeants irresponsables, eux-mêmes contaminés par la haine de soi et la crainte de déplaire à Big Other (copyright, Jean Raspail) ? La bêtise collective au sommet est pour beaucoup dans la subversion en cours et l’effondrement de la cohésion nationale. Machiavel avait prévenu : « Présumez toujours l’incompétence, avant de rechercher un complot ». 

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Les enseignants français, entre laïcité, compromissions et collaboration

Lundi, devant la Sorbonne, une soixantaine de chefs d’établissement ont protesté contre des menaces de mort reçues par l’un d’eux (lycée Maurice-Ravel, Xe arrondissement) pour avoir demandé à trois élèves d’enlever leur voile à l’école. Mardi matin, c’est un commando de jeunes encagoulés qui a pris d’assaut le lycée polyvalent de Cachan (Val-de-Marne) en hurlant notamment : « Baise la police ! », « Baise l’État français ! ». Pour autant, personne n’ose désigner clairement l’islam politique et ses collaborateurs d’extrême gauche comme étant à la source de ces provocations et de ces guérillas répétitives.

Le chef de l’État est intarissable ces derniers jours pour rompre le fer avec Vladimir Poutine et entraîner l’Europe, fâchée avec ses peuples, dans une guerre irréfléchie. Plus Macron déserte les vrais défis français, plus il se perd dans des fuites égotiques. Il est urgent que ce monde désincarné cède la place.

Polanski: les arguments pitoyablement retors de Charlotte Lewis mis à mal au tribunal

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Étonnante audience hier devant la 17e chambre, où Roman Polanski poursuivi en diffamation par l’actrice britannique Charlotte Lewis était jugé pour des propos tenus lors d’une interview accordée à Paris Match le 12 décembre 2019. En réponse à une question des journalistes, au sujet des accusations de viol portées contre lui par plusieurs femmes, dont Charlotte Lewis, il répond qu’il s’agit d’un « mensonge odieux » – propos non poursuivi –, et il ajoute : « Voyez-vous, la première qualité d’un bon menteur, c’est une excellente mémoire. On mentionne toujours Charlotte Lewis dans la liste de mes accusatrices sans jamais relever ses contradictions. » Et il rappelle certains propos de Charlotte Lewis dans plusieurs interviews, dont une interview de 1999, traduite et republiée en 2010 par la revue La Règle du jeu lorsqu’elle lance ses accusations. Les journalistes insistent, l’interrogeant sur l’intérêt qu’aurait à son avis Charlotte Lewis de l’accuser à tort. Il répond : « Qu’est-ce que j’en sais ? Frustration ? ll faudrait interroger des psys, des scientifiques, des historiens. Que sais-je ? »
Tels sont les propos poursuivis.
Un peu plus tard dans l’interview, Roman Polanski précise, concernant Charlotte Lewis, qu’il ne souhaite nullement en découdre, qu’au contraire il la voudrait « hors de sa vie ».

A lire aussi, du même auteur: Polanski: vers la fin des calomnies?

Quelle était la question que posait ce procès ?
Intervenant après une déposition passablement embrouillée de l’actrice, truffée de contradictions et de mensonges pathétiquement visibles (ainsi a-t-elle prétendu qu’elle n’avait eu connaissance de l’interview, rémunérée 35 000 euros, qu’elle avait accordée en 1999 à News of the World, qu’en 2010 !), et la longue déposition du témoin de la défense Stuart White, journaliste auteur de l’interview à News of the World citée par Roman Polanski à l’appui de ses propos, la procureure l’a rappelé : « La question n’est pas de savoir si Roman Polanski a commis ou non les faits dénoncés par Charlotte Lewis. Elle n’est pas non plus de savoir si l’on doit ou non accorder du crédit à News of the World. Elle est de savoir si Roman Polanski a fait un usage disproportionné de sa liberté lorsqu’il a tenu les propos qui lui sont reprochés ». Elle a clairement laissé entendre ses doutes quant au caractère juridiquement diffamatoire de ces quelques mots du cinéaste dans le cadre de cette longue interview, et n’a par conséquent pas requis sa condamnation. Elle a également pointé, avec délicatesse mais sans hésitation, la confusion de la déposition de Charlotte Lewis, disant également ne pas bien saisir ce que la plainte reprochait exactement à Roman Polanski.

Roman Polanski aux côtés de sa femme Emmanuelle Seigner à la cérémonie des César en 2014 © VILLARD/PDN/SIPA

On ajoutera, ce que la défense a plaidé avec force, que la question implicite soulevée par ce procès, fondamentale en réalité, était la suivante : est-il légitime, à l’ère de la toute-puissance médiatique de #MeToo, et du mantra « Victimes on vous croit ! », qu’un homme accusé dans les médias de faits graves se défende publiquement ? Lorsque le prétendu « prédateur » est un homme connu, doit-il s’interdire de dénoncer comme mensonges des allégations, données sans preuves pour des vérités, quand la possibilité de les réfuter dans un procès équitable est rendue caduque par la prescription ? La « libération de la parole » doit-elle impérativement avoir pour corolaire de frapper d’interdit toute parole publique d’un mis en cause – sauf des actes de contrition publique, seule parole acceptable, c’est la tendance du moment, quand bien même le mis en cause sommé de s’auto-incriminer ne serait-il coupable de rien sinon d’être accusé ?

Maître Benjamin Chouai pour Charlotte Lewis, en dépit du salutaire rappel juridique de la procureure, et sans doute faute d’arguments consistants pour plaider une intolérable diffamation, s’est obstiné à se tromper de procès tout en déniant le faire. Il a commencé avec emphase par dire son « intime conviction » (ah oui ? so what ?) que Roman Polanski avait violé Charlotte Lewis en 1983. Il s’est ensuite employé, faisant feu de tout bois (y compris de la nouvelle Jeanne d’Arc de #MeToo, Judith Godrèche), à jeter avec application des boules puantes sur le cinéaste. Il l’a présenté sans rire comme un « puissant » qui, avec son argent avait « les médias à sa main » et n’avait de cesse d’user d’un tribunal médiatique à ses ordres – peut-on concevoir affirmation plus grotesque, pour peu qu’on ait une petite idée du rapport des médias à Roman Polanski, cela depuis l’assassinat de son épouse Sharon Tate en 1969 ?  Roman Polanski ? Un être malfaisant en somme, qui de surcroît « faisait témoigner la fillette (sic) qu’il avait violée » en 1977 – une attestation de Samantha Geimer en faveur de Roman Polanski figurant dans les pièces de la défense. En résumé, Polanski aurait orchestré, avec le concours des médias obéissants, un complot (« mais je ne suis pas complotiste », assure Maître Benjamin Chouai) contre Charlotte Lewis. Pourquoi ? Pour la salir, bien sûr. Pour quel bénéfice ? La question ne sera pas posée… Là s’est démontrée, de façon flagrante, l’inversion caractérisée de la situation – car c’est en réalité Polanski, que l’on couvre de boue depuis tant d’années –, que la partie civile voudrait faire avaliser par le tribunal. Avec en prime une condamnation qui vaudrait « preuve » que Polanski a effectivement violé Charlotte Lewis. Grossièrement et pitoyablement retors.

A lire aussi, Peggy Sastre: Muriel Salmona: la psy qui traumatise

Aussi confus que sa cliente, Maître Benjamin Chouai, à bout de ressources argumentatives mais pas d’armes sales, ira même jusqu’à accuser la défense de subornation de témoin – une accusation particulièrement grave, s’indignera Delphine Meillet, relevant au passage une perle de son confrère, qui parle de « subordination » de témoin ! –, au sujet de la rétractation de Karen Smith, à qui Charlotte Lewis avait extorqué un faux témoignage sur ce prétendu viol, comme le démontrera Maître Delphine Meillet dans sa plaidoirie habitée autant qu’implacablement logique. Un « viol », soit dit au passage, dont tout à la fois Madame Lewis prétend l’avoir dénoncé le lendemain à Karen Smith, et n’avoir compris qu’il s’agissait d’un « viol » que des années plus tard. Allez y comprendre quelque chose.

Maître Alain Jabukowitz, dans une plaidoirie brillante et juridiquement irréfutable, après avoir pointé l’absurdité de ce procès – un peu de bon sens ne saurait nuire en effet –, démontre à la Cour et à l’auditoire que la « souplesse » (un euphémisme) en matière de liberté d’expression issue de la jurisprudence de la Cour de cassation dans les affaires Brion contre Sandra Muller et Pierre Joxe contre Ariane Fornia doit valoir comme un principe général, et non au seul bénéfice de femmes qui accusent des hommes alors réduits au silence, puisque leurs plaintes en diffamation ne peuvent plus guère aboutir. Le champ libre – sinon le blanc-seing – laissé à des dénonciations publiques tous azimuts, au mépris de la présomption d’innocence (il est vrai que « la justice doit cesser de brandir l’argument de la présomption d’innocence, qui est lâche », selon la « victimologue » Muriel Salmona), est un fait jurisprudentiel. Le propos d’Alain Jabukowicz dans sa plaidoirie n’est ni de s’en féliciter, ni de le déplorer. Il en prend acte, et signale qu’on voit mal au nom de quel principe cette nouvelle donne ne pourrait bénéficier à son client.

Maître Delphine Meillet, avec passion et clarté, évoquant pour commencer la solitude de Roman Polanski, a offert une plaidoirie limpide et admirablement argumentée, que tous devraient aujourd’hui méditer. Elle a puissamment démontré les contradictions incessantes, les manipulations, l’opportunisme, et les mensonges de Charlotte Lewis, à qui ne s’applique même pas, a-t-elle dit, « la métaphore de l’horloge détraquée » qui au moins deux fois par jour marque l’heure juste. Elle a méthodiquement mis en pièces les faux arguments de Maître Chouai, dit aussi, sobrement, son dégoût pour le bric-à-brac ridicule des « preuves » que Polanski serait un salace amateur de fillettes pré-pubères. Elle a également fait une mise au point indispensable sur l’infraction jadis commise par Roman Polanski lors de l’épisode Samantha Geimer – non pas un viol, mais une relation sexuelle illicite avec une mineure –, pour laquelle Polanski a plaidé coupable et a été sanctionné, au-delà même de la peine qu’il a purgée en Californie si on prend en compte son emprisonnement en Suisse en 2009.

A lire aussi, Martin Pimentel: Sandra Muller balance tout… sauf la vérité

Enfin, avec un courage rare, elle a osé mettre en cause le « contexte étouffant de #Metoo, où le témoignage public a valeur de preuve, qui a valeur de vérité ». Un blasphème par les temps qui courent ? Elle s’est à juste titre insurgée contre le dévoiement inflationniste du sens des mots : Charlotte Lewis qualifie de « second viol » les propos de Roman Polanski ; ou récemment Jacques Weber qui, après avoir signé un soutien à Gérard Depardieu, s’abaisse piteusement à dire que sa signature était un « autre viol » pour les « victimes ».

Delphine Meillet, il faut le rappeler, avait été l’initiatrice de la tribune consécutive aux César 2020, dans laquelle 114 « sopranos du barreau » avaient mis en garde contre une « inquiétante présomption de culpabilité » qui s’invitait dans le débat public en matière d’infractions sexuelles1. Elle n’a pas dévié de son intégrité juridique et morale, sa plaidoirie inspirante en est le signe le plus lumineux.

Ce procès n’était certes pas le procès de #MeToo. Mais il a été celui, emblématique à l’évidence, où l’on a pu enfin débattre de la liberté et du droit d’un homme de se défendre lorsqu’il est jeté en pâture aux médias. Un tournant ?

Délibéré le 14 mai.


Elisabeth Lévy – « Metoo : il faut des règles strictes contre le pilori médiatique ! »

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  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/08/justice-aucune-accusation-n-est-jamais-la-preuve-de-rien-il-suffirait-sinon-d-assener-sa-seule-verite-pour-prouver-et-condamner_6032223_3232.html ↩︎

Le FORIF, le ministre de l’Intérieur, deux imams fadas et la campagne électorale

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Le 26 février 2024 devant les membres du FORIF, Gérald Darmanin a dit regretter que l'islam soit considérer comme une religion d'étrangers. Image: capture Le Figaro.

Lundi 26 février 2024, Gérald Darmanin ouvrait la deuxième session du FORIF, et appelait à la création d’un «statut de l’imam» en France. Qu’est-ce que le FORIF, et quelles sont donc ces mesures promises par notre ministre de l’Intérieur la semaine dernière à cette occasion? Céline Pina fait le point. Propos recueillis par Martin Pimentel.


Causeur. Céline Pina, qu’est-ce que ce fameux FORIF ?

Céline Pina. Le FORIF, Forum pour l’Islam de France, c’est le clou du cercueil du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), un comité Théodule à l’état gazeux ! Autant le CFCM témoignait de l’hubris de Nicolas Sarkozy qui a cru qu’il pouvait créer ex-nihilo un islam français et a offert une rampe de lancement aux Frères musulmans en y installant l’UOIF (aujourd’hui Musulmans de France), autant le FORIF fait semblant de reprendre cette ambition mais signe surtout l’impuissance de l’Etat.
Défini comme un « espace de discussion » destiné à accoucher d’un islam de France, il a un seul mérite : l’échec prévisible de toute tentative de réforme pourra être attribué aux imams et leaders communautaires…

Drôle de truc… Et quelles sont les mesures annoncées par Gérald Darmanin, lundi dernier, lors du lancement de sa deuxième session ?

Je vais y venir.
Le problème, c’est que la première stupidité est d’avoir cru que des politiques laïques allaient pouvoir influer sur l’identité d’une religion gagnée par la radicalité et utilisée comme un facteur de déstabilisation des pouvoirs temporels. Le nouveau machin (au sens gaullien du terme) réussit l’exploit de poursuivre les mêmes buts impossibles que le CFCM, avec encore moins de moyens pour y parvenir. Mais Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, après avoir liquidé le CFCM, avaient besoin de faire croire qu’un islam de France était possible, cela alors que cette religion pose aujourd’hui des problèmes dans le monde entier. En Europe, l’islam est à la fois de plus en plus revendicatif et agressif, mais aussi de plus en plus rejeté et considéré comme incompatible avec les principes de libertés fondamentales, d’égalité ou de laïcité de nos sociétés ouvertes. Ce fossé qui est en train de se creuser a abîmé la cohésion sociale, et le gouvernement, qui pense qu’une partie de l’édifice de la société est en train de s’écrouler, craint de ne pouvoir contenir ni l’offensive islamiste ni une réplique identitaire violente. Il essaie de donner des gages à tout le monde et finit par ne montrer qu’incohérence et faiblesse.
Le FORIF parle du rêve immature d’un président français qui croit qu’il va régler la mainmise de l’islam politique sur l’islam en multipliant les instances aussi inutiles que mal conçues. Le FORIF est donc né d’un double constat, l’un avoué, l’autre inavouable. Le tout est destiné à mettre les deux têtes de gondole de la République en posture de héros de la souveraineté, empêchant les ingérences des pays étrangers sous couvert de chasser les imams détachés.

Vous m’intriguez. Expliquez-vous.

Le constat avoué est celui qui conduit à la suppression de ces imams au nom des jeux d’influence entre l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Ceux-ci ont paralysé l’institution CFCM et en ont fait un relais de l’islam consulaire. L’islam devenait le moyen par lequel les pays d’origine gardaient un œil sur leurs ressortissants et essayaient d’empêcher toute intégration réelle. Ça c’est ce qui est avouable, mais Gérald Darmanin se garde bien de rappeler le triste épisode du refus de signer la charte de l’islam de France qui a amené à la rupture entre le CFCM et les pouvoirs publics.
En effet, cette histoire a révélé que le CFCM était en partie gangrené par l’islamisme des Frères musulmans notamment – mais pas que. Ce qui était inévitable à partir du moment où Nicolas Sarkozy a laissé entrer l’UOIF (aujourd’hui rebaptisée « Musulmans de France ») dans le CFCM. Pour faire oublier notre grande capacité à produire de l’islamiste et du jihadiste en culture locale, Gérald Darmanin essaie donc d’ancrer l’idée que si l’islam pose problème, c’est parce qu’il est téléguidé par les pays étrangers. Donc en créant une instance de dialogue où les intervenants sont choisis par les préfectures, on essaie de faire croire que seule l’ingérence des pays étrangers est un problème dans l’islam en France et on nie le fait que nombre de musulmans les plus sous influence de l’islamisme sont des jeunes nés en France et que la plupart de ceux qui tuent en hurlant Allah Akbar ont des cartes d’identité françaises ou belges.

L’imam Mahjoub Mahjoubi, expulsé de France, photographié en Tunisie le 24 février 2024 © Yassine Mahjoub/SIPA

La vérité est que les pouvoirs publics veulent reproduire ce qui a été fait avec le catholicisme et le judaïsme en oubliant que ces religions sont très structurées, organisées et hiérarchisées. Rien de tout cela en islam où n’importe qui peut s’autoproclamer imam et où ce sont aujourd’hui les islamistes qui donnent le ton. Or cet islam politique est violent, haineux et totalitaire et il fait de l’Europe un territoire à conquérir. Le problème est qu’il séduit une partie de la jeunesse. Et ce n’est pas par son côté « spirituel ». Ces gens croient à la pensée magique, ils n’ont pas de quête d’élévation ; ce qui les nourrit, les fascine et les motive c’est l’ultra-violence et le pouvoir qu’elle confère.
Pourquoi le Hamas a-t-il filmé le crime contre l’humanité commis le 7 octobre ? Parce que c’est un film publicitaire et que son public voit l’inhumanité comme un signe de virilité et un marqueur de puissance, la preuve de la validation divine d’une action. Et la population de Gaza ne s’y trompe pas qui a accueilli en héros des monstres qui trainent les corps ensanglantés de jeunes filles juives à l’arrière de leur pick-up. Quand une religion doit se battre contre ces démons-là, on ne l’aide pas en niant ce que tout le monde voit : le monde musulman a du mal à résister à l’offensive islamiste. De ce fait, ce type d’organismes est rapidement noyauté et celui-ci ne devrait pas échapper à la règle car les préfectures peuvent être très naïves sur le danger islamiste.

Un Palestinien montre du doigt un corps ramené à Gaza, 7 octobre 2023 © Ali Mahmud/AP/SIPA

Pour en revenir aux mesures annoncées par Gérald Darmanin, elles vont du vœu pieu au tordage de bras en ce qui concerne les banques. Le FORIF est censé répondre à des préoccupations concrètes et en premier lieu à la question de la formation des imams en France. Sauf que la réalité est qu’aujourd’hui cette formation est dans la main des Frères musulmans. L’institut de formation de Château-Chinon comme celle de Saint-Denis sont des lieux de diffusion de l’idéologie fascisante de l’islam politique. Tout le monde le sait, rien n’est fait contre et on ne voit pas tellement comment cela pourrait changer. Les financeurs de ce genre d’activité, dans le monde musulman, faisant partie des pires intégristes (Qatar, Arabie saoudite…).
Gérald Darmanin a ensuite fait une longue tirade victimisante sur les actes anti-musulmans. Oubliant de préciser que l’islam est la religion la moins attaquée en France et que le différentiel des actes anti-musulmans avec les actes anti-juifs et anti-chrétiens est énorme. Les Juifs qui représentent 0,6% de la population sont violemment attaqués et on a recensé plus de 2000 actes antisémites en 2023. Les actes anti-chrétiens tournent autour d’un millier par an et cette année, même avec une augmentation de 30%, on compte 242 actes anti-musulmans. La question qui n’est jamais posée parce que la réponse dérange est : « qui commet le plus d’actes anti-religion ? quel est le profil que l’on rencontre le plus souvent ?» Eh bien ce ne sont pas des commandos d’athées et dans le cas des Juifs, l’antisémitisme arabo-musulman est à juste titre pointé du doigt. Mieux vaudrait mettre la communauté musulmane face à cette réalité plutôt que la victimiser, alors que les chiffres disent le contraire et qu’elle fournit un gros contingent aux agresseurs.
Quant aux aumôneries, dont il faut rappeler qu’elles concernent aussi l’armée, il faut espérer du discernement dans le recrutement. L’islam politique étant séparatiste et faisant de l’opposition aux principes, valeurs et lois occidentales, la base de l’affirmation de soi, mieux vaut veiller à ce que les aumôniers musulmans soient républicains. Ce qui impose d’en rabattre sur certains fondamentaux de l’islam : le refus d’accorder l’égalité aux femmes, mais aussi la prééminence des musulmans sur tous les autres et le statut inférieur accordé aux chrétiens et aux juifs… Tout cela est fort complexe et au vu de la naïveté et du manque de courage de nos dirigeants, ces orientations peuvent se révéler plus problématiques que le conte pour enfants servi par Gérald Darmanin dans son discours d’inauguration du FORIF.
Finalement ce qui a vraiment fonctionné, c’est la décision de tordre le bras aux banques pour qu’elles acceptent de financer des édifices cultuels islamiques. Pendant qu’elles continuent à refuser les prêts aux particuliers et aux entreprises qui, elles, sont utiles au pays ! L’autre point qui devrait fonctionner est la multiplication des dérogations visant à ce que l’Etat finance en partie un culte dont une partie non négligeable des croyants assume son séparatisme. Ne fonctionne donc que ce qui dépend de l’Etat, au détriment de la laïcité, tandis que les représentants de l’islam consulaire et de l’islam politique ont avec le FORIF un nouveau jouet pour obtenir de l’Etat plus de financements pour leur religion.
Pourquoi de tels choix ? Au nom de la croyance qu’en montrant l’acceptation de l’islam dans toutes ses dimensions et en favorisant l’accès au culte, la population musulmane trouvera sa place en France, la violence diminuera et tout rentrera dans l’ordre. Or toutes les études montrent que cette vision des choses n’a finalement abouti qu’à renforcer l’emprise islamiste et notamment celle des Frères musulmans, des wahhabites et des salafistes. Une emprise qui a pour but de construire un ennemi de l’intérieur. On ne voit pas comment le FORIF va remédier à cette réalité. Pourtant c’est elle qui inquiète les Français et explique la puissance de l’extrême-droite.

La fin des imams détachés, c’est tout de même toujours ça de pris, non ?

Cela n’a pas beaucoup d’importance. En effet cela compterait si les imams détachés étaient séparatistes, et si la France avait la capacité de former des ministres du culte républicain. Il y aurait donc un véritable gain. Mais je crains que les imams formés sur notre sol soient pires que ceux importés. En effet, la formation d’imam est largement entre les mains des islamistes en France. L’IESH (à Château Chinon et Saint-Denis), appelée pompeusement Institut Européen des Sciences Humaines pour faire oublier sa dimension religieuse est dans la mouvance des Frères musulmans, la Mosquée de Paris n’est pas très claire non plus sur ces formations. Rappelons que son recteur Chems Eddine Hafiz n’est ambigu que pour ceux qui vivent d’indulgence et d’aveuglement, un étrange dérapage au moment de la tentative d’assassinat de Salman Rushdie a dévoilé une facette du recteur qui fleurait bon la taqiya. Bien sûr le recteur n’a pas participé à la marche contre l’antisémitisme après le pogrom du 7 octobre et, alors que les juifs étaient massacrés, il a passé son temps à victimiser les musulmans. L’homme est surtout à la main d’Alger où le pouvoir bâtit sa légitimité sur la haine de la France, l’accusation de colonialisme et des liens de plus en plus ambigus avec les islamistes. Inutile de dire que compter sur de tels profils pour fabriquer des imams républicains est illusoire.
L’IESH est soutenu notamment par des financements du Qatar, allié des Frères musulmans et soutien du terrorisme. Youssef Al Qaradawi, l’éminence grise des Frères musulmans, admirateur d’Hitler, soutien du jihad armé et théologien violent et obscurantiste y avait présidé la première remise de diplôme en 1992. Rien de tout cela n’est ignoré. En 2020, Le Parisien avait indiqué que l’IESH était défavorablement connu des services de renseignement comme diffusant un islam radical. Or depuis tout ce temps rien n’a été fait… L’autre vecteur de formation des imams, l’institut Al Ghazali dépend de la Grande Mosquée de Paris, laquelle est revendiquée par l’Algérie comme un facteur d’influence. Au sein de cette institution s’affrontent les islamistes et les tenants de l’islam consulaire mais personne ne songe à y élaborer un islam de France compatible avec nos lois, mœurs et culture. Bref une fois de plus on promène les Français en leur faisant croire qu’il y a un moyen de créer un islam de France alors que dans les faits seuls les islamistes sont en situation de le faire. Or eux sont idéologiquement formatés pour faire en sorte que jamais l’islam ne se sécularise et qu’il ne puisse ainsi jamais être compatible avec notre culture. Eux sont plutôt dans l’objectif de créer une cinquième colonne dans les pays européens, pas de permettre une pratique religieuse apaisée.

Pourtant, en annonçant ses nouvelles mesures pour l’islam la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur a estimé que l’islam était une religion « comme les autres » dans notre pays. Elisabeth Lévy ne semble pas partager cet avis. Qu’en pensez-vous ?

Elisabeth Levy a notamment dit dans l’éditorial que vous évoquez que « l’islam sera une religion comme les autres quand on pourra le critiquer, se moquer de son prophète, le caricaturer sans avoir peur de prendre un coup de couteau ou une rafale de kalachnikov ». Elle a parfaitement raison et je n’ai rien de mieux à dire.
Si l’islamisme est la version totalitaire de l’islam, cumulant ainsi violence totalitaire et dogme religieux, il n’en reste pas moins que l’islam est un système législatif qui, via la charia, est la base du droit des pays musulmans. Or la société que l’islam induit n’est pas compatible avec la nôtre car elle en rejette les fondamentaux : l’égalité entre les hommes n’existe pas en islam, la femme y est infériorisée et les croyants des autres religions sont traités en dhimmis (ils sont inférieurs, n’ont pas les mêmes droits que les musulmans et doivent faire profil bas ou payer un tribut pour avoir le droit de vivre en terre musulmane) ; les libertés fondamentales n’y sont pas garanties : le blasphème empêche la liberté d’expression et la liberté de conscience. L’appartenance religieuse est obligatoire : quand on est né dans une famille musulmane, refuser l’appartenance à l’islam peut être puni de mort (refus de l’apostasie), changer de religion également et être athée peut vous mettre en danger.
Or ces situations ne sont pas des caractéristiques de l’islamisme mais de l’islam. La rédactrice en chef de Causeur a aussi raison quand elle dit que les études montrent qu’un tiers des musulmans et la majorité de la jeunesse musulmane sont travaillés par des forces séparatistes. Le problème n’est pas marginal. L’islam est aussi la seule religion au nom de laquelle on agresse et on tue partout dans le monde. Il existe bien sûr des musulmans sécularisés et qui ont trouvé leur place en France. C’est une certitude et cela doit être rappelé, mais l’islam n’est pas aujourd’hui une religion comme les autres. Les politiques le savent mais le dire est un tabou tant la société est divisée et tant la méfiance monte contre cette religion. Ce qui n’est pas irrationnel eu égard aux attentats et aux violences que notre sol a subis et subit encore.

Alors que Jordan Bardella lançait se campagne dimanche à Marseille, et qu’il a plus de 10 points d’avance sur la liste de la majorité, la macronie utilise les positions passées du RN sur la Russie pour le contrer. Est-ce que les postures politiciennes fermes que prend Gérald Darmanin vis à vis du « séparatisme » peuvent aider l’exécutif à ne pas connaitre une débâcle électorale ? M. Darmanin demeure-t-il un bon atout « droitier » pour séduire l’électorat inquiet vis à vis de l’islamisation du pays ?

Nous sommes en campagne, il est de bonne guerre d’exploiter les failles de l’adversaire. Le problème c’est que la macronie doit aussi gérer les sorties intempestives d’un président de la République souvent en roue libre. Sa sortie sur l’envoi de troupes en Ukraine a surtout fait peur à sa propre population et sa reculade quelques jours après ne contribue pas à affermir sa crédibilité face à Vladimir Poutine. Imaginez une danseuse face à un grizzli, croyez-vous que celle-ci repartira avec un manteau de fourrure ou que l’ours va faire un bon repas ? Renaissance risque assez rapidement de devoir gérer ses propres limites face à la Russie. D’autant que si la menace est réelle pour l’Europe, elle fait pour le moment moins peur que l’islamisme. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de communauté russe séparatiste, commettant des attentats sur le sol européen. La menace est encore lointaine et si elle est réalisée en Ukraine, les habitants de l’Union européenne pensent que l’ours russe est encore loin d’eux.
Là où la macronie n’a pas tort d’appuyer, et là où le bât blesse, c’est que la dépendance à une puissance étrangère est une question de souveraineté, et que la Russie n’est pas notre alliée. Elle est plus proche des Etats financeurs du terrorisme et de l’islamisme. Les deux menaces peuvent donc très bien se conjuguer. Reste à savoir quel impact cela aura sur l’électeur qui aujourd’hui ne parait pas très motivé par l’ouverture de la campagne des Européennes et a sans doute plus entendu la désastreuse sortie d’Emmanuel Macron que les accusations portées contre Jordan Bardella.
Pour le reste, les postures politiciennes fermes de Gérald Darmanin ont surtout pour objet de booster la carrière de Darmanin Gérald et d’en faire le futur candidat de l’extrême-centre ou d’une union entre droite et macronie dans le cadre de la prochaine présidentielle. Que peut-il faire d’autre avec un président dont le « en même temps » marque l’absence de ligne directrice, de vision et de courage, qui comme la femme d’Ulysse défait la nuit ce qu’il tisse le jour ? Le ministre de l’Intérieur se consacre donc à ses ambitions et à son destin.
Pour le reste bien sûr que ces postures ont aussi pour vocation de limiter la casse électorale. Ce qui n’est pas idiot. La macronie est un râteau. Vouloir être et de droite et de gauche, cela veut dire n’avoir aucune profondeur de champ, être inconstitué au point de pouvoir suivre tous les vents, comme une feuille morte. Cela impose un devoir d’inconsistance qu’Emmanuel Macron accomplit à merveille, mais nécessite la mise en avant de personnalités plus typées pour que les deux côtés du râteau puissent croire qu’ils impriment leur marque en sous-main. Pour la droite, Gérald Darmanin fait parfaitement le job. Mais l’homme est un village Potemkine, une façade de fermeté qui masque une réalité assez piteuse.
Ainsi on se gargarise d’avoir fait expulser les imams Iqioussen et Mahjoubi, mais personne n’est en mesure de régler la question de la formation des imams entre les mains des Frères musulmans, la reconduite des OQTF est toujours aussi ridicule, le flux des migrants ne diminue pas, l’emprise islamiste sur la jeunesse musulmane s’étend et s’approfondit, les meurtres aux cris d’Allah Akbar deviennent monnaie courante, le nombre de mosquées intégristes s’étend et la capacité de la police à contrôler les mosquées reste dérisoire.
Quant aux associations de gestion qui font venir ces imams et sont les maillons de l’islamisme autant que les imams, elles échappent à tout contrôle et à toute responsabilité. Or chasser Iqioussen ou Mahjoubi sans demander des comptes aux associations de gestion, c’est un peu comme faire tomber le tueur à gage sans inquiéter ses commanditaires, il suffit d’en recruter un autre, plus habile… La réalité montre qu’aucun travail n’est mené en profondeur alors que la menace islamiste grandit. Les Français de confession musulmane sécularisés, ceux qui adhèrent au mode de vie occidental et détestent les islamistes, sont pris en étau entre la montée de l’influence radicale et la lâcheté des sociétés occidentales. Les autres se sentent abandonnés. A ce titre, utiliser Gérald Darmanin pour faire croire que le pouvoir est prêt à combattre le rêve d’islamisation du pays que porte l’islam politique n’est pas bête mais risque de constituer une énième promesse trahie, une nouvelle manipulation cynique. Or en méprisant les demandes de son peuple, Emmanuel Macron se fait le meilleur agent électoral de Jordan Bardella. Et contre cela Gérald Darmanin ne peut pas grand-chose.

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Fast fashion: arrêtez de vous gaver de fripes, les enfants!

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Magasin de l'enseigne irlandaise Primark, Dijon, 2014 © TARDIVON JEAN CHRISTOPHE/SIPA

Le gouvernement entend soutenir une proposition de loi d’un parlementaire proche d’Edouard Philippe qui veut créer un malus sur les produits de la «fast-fashion» – ces vêtements à vil prix vendus par des marques comme Shein, Primark ou Temu. Nous ne sommes plus à ça près : on disait déjà aux consommateurs français quelles voitures ne plus acheter, quel logement énergivore ne plus louer ou ce qu’il ne faut plus manger avec le Nutriscore… Mais cela ne résout pas un autre problème : si l’industrie du luxe se porte à merveille, le secteur du prêt-à-porter français s’enlise dans une grave crise économique.


La « fast fashion » se trouve présentement sur le banc des accusés, ciblée par deux propositions de loi visant à pénaliser financièrement les principaux acteurs du secteur et à leur interdire d’émettre des publicités. La première proposition de loi a émané de la députée Anne-Cécile Violland. Elle sera défendue le 14 mars lors de la niche parlementaire du groupe Horizons. Elle vise la plupart des enseignes de « fast fashion », qu’il s’agisse de groupes asiatiques ne vendant qu’en ligne tels Shein ou Temu, ou de groupes possédant des magasins physiques, à l’image de l’Espagnol Inditex (Zara), des Suédois d’H&M ou des Irlandais de Primark. Peu après, le député Les Républicains Antoine Vermorel a lui aussi annoncé sa volonté de déposer une proposition de loi allant dans le même sens. Toutefois, certains de ses arguments semblent manquer le tir.

Cherchant à « démoder la fast fashion », le député de la Loire affirmait ainsi il y a quelques jours que Shein « détruit la filière textile française sans créer un seul emploi ». S’il est exact que Shein et les groupes comparables ne créent pas de travail sur le sol français, le prêt-à-porter français est pour sa part en crise depuis déjà plusieurs décennies et n’a pas eu besoin des entreprises asiatiques de e-commerce pour péricliter.

Le Sentier de la gloire, de l’histoire ancienne

Des marques ayant eu naguère pignon sur rue font désormais la queue au Tribunal de Commerce de Paris, toutes menacées de procédures de liquidations judiciaires. On y trouve des spécialistes du prêt-à-porter féminin comme Kookaï, Naf-Naf et Pimkie ou des marques d’habillement pour enfants, comme Du Pareil au Même et Sergent Major qui tous sont récemment venus grossir les rangs des déficitaires. Inquiète, la Ministre des petites et moyennes entreprises et du Commerce Olivia Grégoire déclarait l’an passé qu’ « à force de dire que l’habillement va mal, il (risquerait) d’y avoir un vrai sujet autour des financements de ces sociétés ».

Pourtant, ce déclin est ancien et s’est amorcé au tournant des années 1980 avec la concurrence des productions asiatiques rendue possible par la mondialisation. Il s’est simplement accéléré depuis les années 2000 avec la montée en puissance des rouleaux-compresseurs de la fast-fashion, comme Zara et H&M. L’arrivée sur le marché de l’habillement du e-commerce, comme Shein ou Temu, n’est que la goutte qui fait déborder le vase.

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Mais quand les parlementaires ou le ministre de l’Écologie Christophe Béchu demandent aux Français d’acheter moins de vêtements, ils croient déshabiller Shein et Zara… mais ils ne rhabillent pas Kookaï ! Pourtant, la concurrence a ses vertus et devrait normalement pousser les entreprises à innover, à se repositionner, à repenser leur modèle industriel. D’ailleurs, certaines enseignes françaises se portent très bien : ainsi, Petit-bateau, Célio et Jules ont su, chacune à sa manière, se développer et conquérir de nouveaux marchés avec des choix stratégiques et des positionnements marketings intelligents.

La maille française cherche la faille

Il n’y a donc aucune fatalité, à condition que les entreprises françaises ne s’enlisent pas dans des images de marque et des modèles économiques dépassés. Après tout, regardons les chiffres : Shein, Temu et Amazon n’ont totalisé « que » 4% des ventes globales de textile pour l’année 2024 en France. Leur attractivité tient avant tout dans le prix et dans leur capacité à livrer rapidement.

Pour survivre à cette féroce concurrence, les groupes français doivent trouver la faille et se distinguer avec des produits attractifs, des marques fortes et repenser la visite en boutiques. Car c’est finalement le nœud gordien du défi posé par les entreprises en ligne : pour concurrencer les achats sur sites web désormais possibles depuis smartphone, il faudra une bonne raison au consommateur de se rendre en magasin.

Interrogé sur le sujet dans le Républicain Lorrain, Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire de la mode, déclarait d’ailleurs que la crise du textile français n’était pas une fatalité : « Plutôt que de fatalité, je préfère parler de correction qui malheureusement est en cours et dont la fin est très difficile à estimer. Cette correction se fait actuellement par rapport à la période des années 2000 à 2020, durant laquelle il y a eu sans doute trop d’ouvertures de magasins et d’enseignes. Le tournant d’internet a peut-être été mal géré par certains et la stratégie conduite face à l’arrivée de nouveaux acteurs n’a sans doute pas été la bonne. Mais en tout cas, la crise actuelle du secteur n’est pas une fatalité. Ce mot ne convient pas. Car il y a quand même des succès dans la mode ». Le prêt-à-porter français peut encore habiller l’hexagone et le monde. Il faudra qu’il innove pour y parvenir.