Accueil Site Page 2788

Requiem pour Alexandrie

9

« Né à Alexandrie, mort au Caire. » Cette formule qui pourrait être l’épitaphe de Youssef Chahine s’applique, malheureusement, à l’Egypte tout entière autant qu’au cinéaste récemment décédé. Cité méditerranéenne, incarnation de la mosaïque ethnique d’un Levant mêlant trois religions, Alexandrie n’avait aucune chance contre Le Caire, devenu le symbole d’un nationalisme arabe cimenté par un islam porteur d’uniformisation et d’exclusion. A l’heure où l’Occident s’adonne au multiculturalisme, l’Orient a, dirait-on, choisi de faire simple.

Je n’ai jamais vu la fin d’un film de Youssef Chahine. A vrai dire, son œuvre cinématographique m’intéresse moins que sa vie. Pour moi, Chahine est avant tout le visage de ce qu’on pourrait appeler « l’alexandrisme », la route que le monde arabe n’a pas prise.

Chahine a introduit dans le cinéma égyptien les récits parallèles, ces histoires qui interfèrent les unes avec les autres et finissent ou non par se croiser. On pourrait user du même procédé pour conter son existence. Né en 1926, il a trois ans quand Hassan el-Banna (grand-père de Tarik Ramadan) fonde l’association des Frères musulmans. Pendant que l’un vit sa vie d’enfant à Alexandrie, l’autre prêche le rejet de « l’Occident », c’est-à-dire du socle culturel du futur cinéaste, dans les cafés du Caire. Elève au collège Saint-Marc, Chahine fréquente alors d’autres Frères, ceux qui, dans une grande partie du monde arabe, enseignent dans les écoles chrétiennes. On peut gager que ni l’un ni l’autre ne réalisent qu’une troisième « fraternité », la religion laïque de la Nation, va rafler la mise – provisoirement.

Très vite, le nationalisme brouille tout. Cette construction politico-culturelle on ne peut plus européenne se révèle dotée d’une puissance de séduction redoutable. Ce sont les bourgeois occidentalisés – c’est-à-dire les chrétiens – qui prennent la tête du mouvement. Citons le Beyrouthin Boutros al-Boustani (1819-1889), George Habib Antonius (1891-1941) ou encore Michel Aflaq (1910-1989), fondateur du Baas (« renaissance » en arabe), l’un des penseurs les plus originaux du nationalisme arabe.

Cette idéologie laïque sert de toile de fond au rapprochement – politique et personnel – entre el-Banna et Anouar el-Sadate, jeune officier nationaliste et antibritannique au point qu’il prend contact avec les Allemands lorsque Rommel s’approche du Caire. Sadate sera l’un des « officiers libres » qui prendront le pouvoir en 1952, avec à leur tête le général Naguib, « remplacé » deux ans plus tard par un célèbre Alexandrin, le colonel Nasser.

Une fois au pouvoir, le nationalisme égyptien tente de se débarrasser des Frères en qui il perçoit, et avec raison, une force d’opposition potentielle. Le nationalisme (trop) laïque n’a pas trouvé de véritable assise dans des sociétés arabes qui ne parviennent à créer ni une classe moyenne urbaine politiquement active, ni un Etat et une fonction publique efficaces. Sa version pseudo-socialiste ne fait guère mieux. En réalité, son succès repose sur un énorme malentendu, entretenu par le régime et relayé par les observateurs occidentaux et soviétiques appliquant les termes et les grilles de lecture de leur propre histoire à des sociétés radicalement différentes.

Portée par l’incontestable charisme de Nasser, la religion séculière du nationalisme panarabe se révèle éphémère. Cette brève épopée idéologique connaît un triste dénouement que résume bien l’Egypte actuelle, où les Frères musulmans sont en train de gagner à la fois la partie et la patrie. L’arabité, identité qui a longtemps été ouverte à plusieurs religions, a été quasiment confisquée par l’Islam, comme en témoigne l’exode ou le désarroi des chrétiens d’Orient.

On peut donc dire que les pionniers chrétiens du nationalisme arabe ont, sans s’en rendre compte, lancé la mécanique qui allait condamner leurs petits-enfants à l’exil. Au XIXe siècle Boutros al-Boustani prônait l’abandon de l’appartenance religieuse au profit de la solidarité nationale comme socle identitaire. Jusque dans les années 1960, Nasser (qui, il est vrai avait initié la fusion entre religion et nation en expulsant les Juifs) pouvait affirmer que « musulmans et chrétiens sont les fils de la même nation. La religion est pour Dieu, la patrie appartient à tous ses citoyens ». Deux ou trois décennies plus tard, on se demande s’il est encore possible d’être chrétien ou laïque en Egypte. Bref, en procédant par exclusions successives, le monde arabe est devenu « arabo-musulman » : tel est le sens profond de la victoire idéologique des Frères musulmans.

L’UMP, pour bronzer idiot

9

J’ai reçu hier ce mail hilarant : « Pour la quatrième année, l’UMP au travers de ses Jeunes Populaires se mobilise pour partir à la rencontre des Français sur leur lieu de vacances. Etre en contact avec les citoyens, s’inscrire dans leur quotidien, susciter l’intérêt autour des réformes et provoquer l’échange dans un contexte convivial, telle est donc la démarche de ces caravanes. »

Déjà, ça fait envie, non ? Rien qu’à l’idée de voir un UMPiste junior « s’inscrire dans votre quotidien », un frisson de plaisir ne vous parcourt-il pas l’échine ? Seriez-vous à ce point insensible à la prose du stagiaire qui s’est tapé la note d’information ? N’éprouvez vous pas un minimum de compassion pour ce ou cette cancre de bonne famille, qui, après avoir été recalé trois fois à Sciences-Po ou au CFJ doit faire son stage pratique de l’EFAP, en plein mois juillet, rue de la Boétie ? Alors, vous n’êtes vraiment pas charitable parce qu’à la com de l’UMP, on se donne vraiment du mal pour aller vers le peuple, comme nous le prouve la suite du mail :

« Les caravaniers seront à la disposition des Français pour échanger, débattre, autour de supports instructifs et ludiques :
– le Gratuit de l’été, petit journal des réformes du gouvernement, accompagné de jeux multiples : mots fléchés, sudoku, kakuro, etc. ;
– le tract de soutien à la politique de changement de Nicolas Sarkozy et d’adhésion à l’UMP ;
Faisons bouger l’Europe, document consacré aux grands enjeux de la présidence française de l’UE.

J’avoue ne pas savoir ce qu’est le kakuro, mais vu la haute idée que les jeunes sarkozystes se font des prolos à qui ils daignent causer, j’imagine déjà les mots croisés avec des définition du genre : « En sept lettres : président de la République élu triomphalement en 2007. » Eh ben non, après vérification, c’est encore pire : leurs mots croisés ils ont dû les acheter au rabais en Malaisie et, en plus, ces ânes, ils ne les ont même pas relus avant d’imprimer la brochure. Auquel cas, on aurait sans doute évité, dans la grille de la page 13, la définition « jour de loisir » dont la réponse est… RTT ! C’est Devedjian qui va être content !

Mais bon, comme sa magnanimité est légendaire, Patrick pardonnera sans doute aux coupables, qui après tout, n’ont pas ménagé leur peine pour prouver que l’UMP, ce n’était pas seulement un vote utile, mais aussi un parti utile : « Le passage de la caravane sera également l’occasion de se procurer auprès des caravaniers les nouveaux objets de l’été : t-shirts, tongs, ballons et surtout le kit gilet-triangle de la sécurité routière, pour se protéger à tout instant sur le chemin des vacances. »

Franchement, qui oserait critiquer un parti qui sauve des vies humaines ? Eh bien moi, et je vous le dis comme je le pense : l’UMP prend les salariés pour des cons. Contrairement au PS qui, lui, ne sait même plus qu’ils existent…

Sumer sème sa zone

3

Maître de conférence à l’université de Wolverhampton (Grande-Bretagne), Paul McDonald n’avait rien de plus intelligent à faire pour buller que de réaliser le classement des blagues les plus anciennes du monde. La palme revient à une inscription sumérienne découverte dans le sud de l’Irak et vieille de près de 4 000 ans : « Une chose qui n’est jamais arrivée depuis des temps immémoriaux : une jeune femme s’est retenue de péter sur les genoux de son mari. » Gracieux, léger, distingué : du Siné avant l’heure.

Une histoire à coucher dehors

18

C’est vraiment trop dommage qu’il n’y ait pas la possibilité d’insérer des photos d’illustration à l’intérieur des papiers de Causeur. François Miclo, notre révéré Administrateur, prétend que c’est possible, ce qui veut dire en clair que c’est possible dans ses articles.

Si tel avait été le cas, je vous aurais parlé de l’évacuation – sans incident majeur – de 150 gitans d’origine bulgare d’un bâtiment municipal de Bagnolet – où ils avaient été relogés par la mairie en décembre 2004, après l’incendie de leur bidonville – et des problèmes posé par leur installation aux frais de la mairie dans un Formule un du coin

Je vous aurais causé aussi du compte-rendu plus que spécieux qu’a fait le Monde de cette affaire et qui a inspiré à mon épouse une réflexion du genre : « J’aurais bien voulu voir leurs mines si c’était la rédaction du Monde qui avait été squattée. » C’est bien d’avoir une épouse qui fait le ménage dans vos pensées.

J’aurais évoqué au passage la longue, délicate et finalement victorieuse bataille qu’a dû mener le maire communiste des lieux, Marc Everbecq, à la fois contre les pouvoirs publics autistes et contre les excités pro-clandestins façon RESF, sans parler des autres élus locaux du coin, toujours prêts à refiler le mistigri aux communes mitoyennes. A force de patience, il a pu trouver un compromis acceptable à la fois pour les familles de gitans et pour les contribuables – souvent fauchés – de sa commune du 93, ce qui me réjouit : je suis contre l’immigration sauvage, mais aussi contre la sauvagerie avec ces immigrés. Je pense que nous aurions raison de fermer, pour de vrai, nos frontières à double tour, mais à leur place, je tenterais quand même ma chance…

Et enfin j’aurais joint à mon texte une photo du fameux bidonville incendié accompagné de cette légende : Souvenirs de la maison des roms.

Couscous vs coucous

3

La crise qui oppose l’Etat libyen à la Confédération helvétique gagne en intensité. Le Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste vient de recommander aux ressortissants libyens de ne pas se rendre en Suisse. Rien n’est plus prudent, dès fois qu’un dangereux confédéré se fasse sauter à l’Appenzeller ou s’immole au Rösti.

Philippe, marquis du Val

15

Intendant de l’Imprimerie royale sous Louis XIV, le marquis du Val se montra d’une sévérité telle qu’on le surnomma à juste titre : l’Intolérant. C’est à ce triste sire que l’on doit l’interdiction en France du si beau traité de Martin Luther Von den Jüden und iren Lügen (Des juifs et de leurs mensonges), du manuel polonais anonyme Organiser un pogrom en dix leçons ou encore Pour en finir avec ceux qui empoisonnent l’eau de nos puits et dévorent nos enfants. Avec des censeurs aussi intransigeants que le marquis du Val, la liberté d’expression avait disparu en France et, pour la voir réapparaître, il faudra attendre la fin du XIXe siècle et la publication du Protocole des sages de Sion.

Nicolas de Largillière, Philippe, marquis du Val, 1718. Huile sur toile conservée au mémorial franco-allemand, Montoire (41).

Rions un peu avec la gauche

Qu’est-ce que j’apprends, en lisant 20 minutes ? « Une vingtaine de jeunes de gauche, en habits du dimanche et colliers de perles, ont fait face samedi à une cinquantaine de jeunes de l’UMP en T-shirt bleus et roses à Strasbourg pour le lancement de la deuxième caravane d’été de l’UMP. » D’après un des organisateurs du happening, qui a souhaité garder l’anonymat pour échapper à la répression, il s’agissait de « caricaturer sur le mode de l’humour » (sic) la politique de la droite. Les slogans officiels de cette contre-manif semblent en effet confirmer la piste de l’humour: « TVA à 5,5% sur le caviar ! » ou encore : « Pas d’allocs pour les dreadlocks ! »

Il s’agit en fait, pour tout vous dire, d’un des avatars du mouvement « Manif de droite », dont le concept est simple – pour ne pas dire plus : moquons-nous de ces cons de droite ! Le rire n’est-il pas ce qui leur est le plus étranger ?

En tant que pasticheur du Roy depuis 1793, je trouve littéralement honteux de voir un métier, au sens le plus noble du terme, ainsi salopé par des gougnafiers de rencontre. A un certain niveau de débilité prétentieuse, moi je dis : « Faut lâcher l’affaire ! Arrêter les soins palliatifs, laisser faire la nature… » Et pourtant, même la gauche française ne méritait pas une fin aussi atroce : être gagnée par l’ »esprit » de ces « nouveaux contestataires » (les guillemets me manquent pour dire mon indignation !).

La spécialité de ces « néo-cons » (comme on dit aux USA à propos d’autre chose), c’est de mettre l’humour, ou ce qui leur en tient lieu, au service de causes « citoyennes ». Autant dire les mots, aussi rudes soient-ils : ces jeunes gens font dans le rire engagé. Ils militent pour le progrès, la justice, la générosité et la gauche. Leurs cibles sont donc, en toute logique, la réaction, l’injustice, l’égoïsme… Bref, la droite et ses multiples figures emblématiques : le flic, le curé, le militaire, la duchesse et le patron-à-cigare.

Un fonds de commerce qui, à défaut d’être rigoureusement neuf, a fait ses preuves, de L’Assiette-au-beurre à Charlie Hebdo en passant par le Canard et ses inextricables chaînes. Alors pourquoi se gêner ? Il suffit à ces glands d’ânonner l’antique antienne contre les « bourgeois, les curés et les gavés » pour être adoubés par Canal + où, en janvier dernier, ces subversifs-là avait eu droit en prime time à une heure de publi-reportage maquillé en documentaire, sans compter une promo kimjongilesque dans la presse-qui-pense : « Jeunes révolutionnaires sympathiques » (Télérama), « Militants pragmatiques et joyeux » (Les Inrockuptibles), « What the fuck ? » (Jalons.fr).

Tiens, au hasard : nos amis les Inrocks, qui ordinairement rient quand ils se brûlent, sont carrément pliés en quatre face à des slogans aussi percutants que « La pauvreté, c’est génétique ! » ou « CAC 40, ouais, ouais, ouais ! » Et pourquoi pas « Non aux méchants, oui aux gentils ! » ? Pour faire passer un message aussi platement manichéen, les néo-cons sont-ils bien inspirés de prétendre passer par le deuxième degré ? S’ils m’avaient consulté, je leur aurais plutôt conseillé un truc à leur taille, genre : « Sans-papiers, sans-logis, sans-esprit : solidarité ! »

En ce qui me concerne, j’en tiens pour l’humour dégagé. Dégagé, notamment, de la foi progressiste et de l’esprit-de-sérieux qu’elle impose.

Toutes les révolutions, depuis la Nôtre, ont écrabouillé les peuples en leur promettant le bonheur dans vingt ans. Et pourtant Jésus, qui n’était pas membre du Medef, avait prévenu : « Des pauvres, vous en aurez toujours ! » L’égalité, c’est comme son Royaume : ce n’est pas de ce monde ! (Comme quoi il ne risque pas de faire chier les athées.)

A la racine de tous nos maux, il y a bien sûr l’humaine nature, c’est-à-dire le péché originel -et non pas la société telle qu’elle est ici et maintenant, ou dans la Chine des Ming. Je ne pourrais certes pas écrire ça dans, mettons, les Inrocks. Je ne sais pas si je vous l’ai raconté : ces gens-là sont fascinés par « la radicalité inédite du rapport à la politique de ces collectifs militants iconoclastes ». Puteborgne ! Après une telle phrase, qui aurait encore envie de rire ?

Mais au fait, est-ce qu’on est vraiment là pour rigoler ? Et si oui, pourquoi ? Et sinon, pourquoi ; et pour quoi ?

La bêtise du Mrap n’est plus insondable

1

Les impayables straight-lurons d’ILYS ont demandé à leurs lecteurs de se prononcer par sondage sur la signification exacte de l’acronyme Mrap. Une large majorité d’entre eux ont choisi « Mouvement Raciste Adorant les Palestiniens ». Pour ma part, j’ai coché la case « Mouvement pour le RAP », quoiqu’elle ne me parût pas la plus drôle. Mais par respect pour ma maman, je ne pouvais décemment pas me prononcer pour l’option « Ma Reum A Poil ».

Tu t’es vu quand t’as bu ?

9

Jeudi, en Meurthe-et-Moselle, une patrouille de gendarmerie a interpellé un aveugle complètement ivre au volant d’une voiture. Nous formulons le vœu que la Halde se saisisse rapidement de l’affaire et fasse respecter les droits de cette personne non-voyante : les aveugles aussi ont le droit de rouler bourrés.

L’Apocalypse, un marché durable

0

Il y a des livres que l’on dévore comme un épi de maïs 863 de chez Monsanto. Avec une gourmandise confuse. Sylvie Brunel nous offre l’un de ces plaisirs croustillants dans un petit volume aux allures de pamphlet : A qui profite le développement durable ?

Professeur de géographie à Paris IV-Sorbonne, économiste et spécialiste des questions de développement[1. Sylvie Brunel est l’auteur d’ouvrages de référence sur la question des relations Nord-Sud ; elle a notamment signé les deux éditions de Développement durable, dans la collection « Que sais-je » aux Presses universitaires de France. A la ville, elle est l’épouse d’Eric Besson, ce qui fera dire aux mauvaises langues que la félonie est conjugale.], Sylvie Brunel bat en brèche le discours dominant qui fait du « développement durable » une vérité révélée, devant laquelle chacun est pieusement invité à suspendre son jugement. Al Gore est grand, Nicolas Hulot est son prophète et nous irons tous, pollueurs planétaires que nous sommes, brûler dans l’enfer climatique qu’on nous promet.

Foin des discours apocalyptiques sur le global change. Pour Sylvie Brunel, le développement durable est avant tout une idéologie qui ne dit pas son nom : « Le développement durable intronise la mondialisation d’une conception du monde directement inspirée de ce que Tocqueville qualifiait dès 1835 de l’ »esprit de religion » américain, mélange de puritanisme et de messianisme qui marque toujours la société anglo-saxonne : omniprésence du religieux, croyance en de grands mythes sur la culpabilité de l’homme face à une nature déifiée et idéalisée, valeur de la rédemption et de la pensée magique (« si je commets cet acte salutaire, je sauve la planète, et moi avec »). »

Et, selon Sylvie Brunel, la nouvelle religion du développement durable ne s’embarrasse guère de détails : tout va très mal, le climat se dérègle, la Nature se venge. On en oublierait presque les travaux d’Emmanuel Le Roy Ladurie sur l’histoire du climat, qui montre que l’Europe après avoir connu une phase de réchauffement est entrée dans un petit âge glaciaire du XIVe au XIXe siècle, avant de connaître à partir de 1850 une nouvelle période de réchauffement. La cause ? L’inclinaison orbitale et l’activité solaire. Pas la révolution industrielle, qui commençait à peine. On en oublierait aussi que les prédictions liées au climat prévoient une augmentation des températures de 1,4 à 6 °C d’ici le prochain siècle : du simple au quadruple…

En 1968, les Nations Unies annonçaient qu’en 2100 la Terre compterait 700 milliards d’êtres humains, provoquant un affolement général (c’était l’époque de René Dumont appelant au contrôle démographique) : aujourd’hui, les démographes s’accordent sur le fait que la population mondiale se stabilisera entre 9 et 10 milliards vers 2100, les pays du Sud, Afrique comprise, ayant déjà amorcé leur transition démographique.

Pourquoi donc cultiver la terreur écologique ? Parce que, explique Sylvie Brunel, cela arrange tout le monde. C’est même, pour reprendre la formule de Condolezza Rice lors du tsunami de décembre 2004 qui permit aux Etats-Unis de reprendre pied en Indonésie, « une merveilleuse opportunité ». Seul organisme présumé capable d’affronter le « changement climatique planétaire », l’ONU se voit réinvestie d’une « position de leader ». Les ONG bénéficient de subsides gouvernementaux de plus en plus conséquents. Les pays riches peuvent stigmatiser la production des pays en voie de développement, leur imposer des barrières douanières, non plus au nom du bon vieux protectionnisme, mais pour préserver l’avenir de la planète… A haute dose de moraline verte et vertueuse, le business écologique fait recette. Les affaires sont les affaires.

Dans ce petit livre frais et salvateur, qui ne manquera pas de passer inaperçu (l’apocalypse, ça fait vendre du papier – recyclé, cela va de soi), Sylvie Brunel nous montre enfin qu’on peut penser l’écologie et les grands problèmes mondiaux sans pour autant devoir se crever les yeux face à la réalité et ranger l’esprit critique au magasin des accessoires.

A qui profite le développement durable ?

Price: 1,43 €

28 used & new available from

Requiem pour Alexandrie

9

« Né à Alexandrie, mort au Caire. » Cette formule qui pourrait être l’épitaphe de Youssef Chahine s’applique, malheureusement, à l’Egypte tout entière autant qu’au cinéaste récemment décédé. Cité méditerranéenne, incarnation de la mosaïque ethnique d’un Levant mêlant trois religions, Alexandrie n’avait aucune chance contre Le Caire, devenu le symbole d’un nationalisme arabe cimenté par un islam porteur d’uniformisation et d’exclusion. A l’heure où l’Occident s’adonne au multiculturalisme, l’Orient a, dirait-on, choisi de faire simple.

Je n’ai jamais vu la fin d’un film de Youssef Chahine. A vrai dire, son œuvre cinématographique m’intéresse moins que sa vie. Pour moi, Chahine est avant tout le visage de ce qu’on pourrait appeler « l’alexandrisme », la route que le monde arabe n’a pas prise.

Chahine a introduit dans le cinéma égyptien les récits parallèles, ces histoires qui interfèrent les unes avec les autres et finissent ou non par se croiser. On pourrait user du même procédé pour conter son existence. Né en 1926, il a trois ans quand Hassan el-Banna (grand-père de Tarik Ramadan) fonde l’association des Frères musulmans. Pendant que l’un vit sa vie d’enfant à Alexandrie, l’autre prêche le rejet de « l’Occident », c’est-à-dire du socle culturel du futur cinéaste, dans les cafés du Caire. Elève au collège Saint-Marc, Chahine fréquente alors d’autres Frères, ceux qui, dans une grande partie du monde arabe, enseignent dans les écoles chrétiennes. On peut gager que ni l’un ni l’autre ne réalisent qu’une troisième « fraternité », la religion laïque de la Nation, va rafler la mise – provisoirement.

Très vite, le nationalisme brouille tout. Cette construction politico-culturelle on ne peut plus européenne se révèle dotée d’une puissance de séduction redoutable. Ce sont les bourgeois occidentalisés – c’est-à-dire les chrétiens – qui prennent la tête du mouvement. Citons le Beyrouthin Boutros al-Boustani (1819-1889), George Habib Antonius (1891-1941) ou encore Michel Aflaq (1910-1989), fondateur du Baas (« renaissance » en arabe), l’un des penseurs les plus originaux du nationalisme arabe.

Cette idéologie laïque sert de toile de fond au rapprochement – politique et personnel – entre el-Banna et Anouar el-Sadate, jeune officier nationaliste et antibritannique au point qu’il prend contact avec les Allemands lorsque Rommel s’approche du Caire. Sadate sera l’un des « officiers libres » qui prendront le pouvoir en 1952, avec à leur tête le général Naguib, « remplacé » deux ans plus tard par un célèbre Alexandrin, le colonel Nasser.

Une fois au pouvoir, le nationalisme égyptien tente de se débarrasser des Frères en qui il perçoit, et avec raison, une force d’opposition potentielle. Le nationalisme (trop) laïque n’a pas trouvé de véritable assise dans des sociétés arabes qui ne parviennent à créer ni une classe moyenne urbaine politiquement active, ni un Etat et une fonction publique efficaces. Sa version pseudo-socialiste ne fait guère mieux. En réalité, son succès repose sur un énorme malentendu, entretenu par le régime et relayé par les observateurs occidentaux et soviétiques appliquant les termes et les grilles de lecture de leur propre histoire à des sociétés radicalement différentes.

Portée par l’incontestable charisme de Nasser, la religion séculière du nationalisme panarabe se révèle éphémère. Cette brève épopée idéologique connaît un triste dénouement que résume bien l’Egypte actuelle, où les Frères musulmans sont en train de gagner à la fois la partie et la patrie. L’arabité, identité qui a longtemps été ouverte à plusieurs religions, a été quasiment confisquée par l’Islam, comme en témoigne l’exode ou le désarroi des chrétiens d’Orient.

On peut donc dire que les pionniers chrétiens du nationalisme arabe ont, sans s’en rendre compte, lancé la mécanique qui allait condamner leurs petits-enfants à l’exil. Au XIXe siècle Boutros al-Boustani prônait l’abandon de l’appartenance religieuse au profit de la solidarité nationale comme socle identitaire. Jusque dans les années 1960, Nasser (qui, il est vrai avait initié la fusion entre religion et nation en expulsant les Juifs) pouvait affirmer que « musulmans et chrétiens sont les fils de la même nation. La religion est pour Dieu, la patrie appartient à tous ses citoyens ». Deux ou trois décennies plus tard, on se demande s’il est encore possible d’être chrétien ou laïque en Egypte. Bref, en procédant par exclusions successives, le monde arabe est devenu « arabo-musulman » : tel est le sens profond de la victoire idéologique des Frères musulmans.

L’UMP, pour bronzer idiot

9

J’ai reçu hier ce mail hilarant : « Pour la quatrième année, l’UMP au travers de ses Jeunes Populaires se mobilise pour partir à la rencontre des Français sur leur lieu de vacances. Etre en contact avec les citoyens, s’inscrire dans leur quotidien, susciter l’intérêt autour des réformes et provoquer l’échange dans un contexte convivial, telle est donc la démarche de ces caravanes. »

Déjà, ça fait envie, non ? Rien qu’à l’idée de voir un UMPiste junior « s’inscrire dans votre quotidien », un frisson de plaisir ne vous parcourt-il pas l’échine ? Seriez-vous à ce point insensible à la prose du stagiaire qui s’est tapé la note d’information ? N’éprouvez vous pas un minimum de compassion pour ce ou cette cancre de bonne famille, qui, après avoir été recalé trois fois à Sciences-Po ou au CFJ doit faire son stage pratique de l’EFAP, en plein mois juillet, rue de la Boétie ? Alors, vous n’êtes vraiment pas charitable parce qu’à la com de l’UMP, on se donne vraiment du mal pour aller vers le peuple, comme nous le prouve la suite du mail :

« Les caravaniers seront à la disposition des Français pour échanger, débattre, autour de supports instructifs et ludiques :
– le Gratuit de l’été, petit journal des réformes du gouvernement, accompagné de jeux multiples : mots fléchés, sudoku, kakuro, etc. ;
– le tract de soutien à la politique de changement de Nicolas Sarkozy et d’adhésion à l’UMP ;
Faisons bouger l’Europe, document consacré aux grands enjeux de la présidence française de l’UE.

J’avoue ne pas savoir ce qu’est le kakuro, mais vu la haute idée que les jeunes sarkozystes se font des prolos à qui ils daignent causer, j’imagine déjà les mots croisés avec des définition du genre : « En sept lettres : président de la République élu triomphalement en 2007. » Eh ben non, après vérification, c’est encore pire : leurs mots croisés ils ont dû les acheter au rabais en Malaisie et, en plus, ces ânes, ils ne les ont même pas relus avant d’imprimer la brochure. Auquel cas, on aurait sans doute évité, dans la grille de la page 13, la définition « jour de loisir » dont la réponse est… RTT ! C’est Devedjian qui va être content !

Mais bon, comme sa magnanimité est légendaire, Patrick pardonnera sans doute aux coupables, qui après tout, n’ont pas ménagé leur peine pour prouver que l’UMP, ce n’était pas seulement un vote utile, mais aussi un parti utile : « Le passage de la caravane sera également l’occasion de se procurer auprès des caravaniers les nouveaux objets de l’été : t-shirts, tongs, ballons et surtout le kit gilet-triangle de la sécurité routière, pour se protéger à tout instant sur le chemin des vacances. »

Franchement, qui oserait critiquer un parti qui sauve des vies humaines ? Eh bien moi, et je vous le dis comme je le pense : l’UMP prend les salariés pour des cons. Contrairement au PS qui, lui, ne sait même plus qu’ils existent…

Sumer sème sa zone

3

Maître de conférence à l’université de Wolverhampton (Grande-Bretagne), Paul McDonald n’avait rien de plus intelligent à faire pour buller que de réaliser le classement des blagues les plus anciennes du monde. La palme revient à une inscription sumérienne découverte dans le sud de l’Irak et vieille de près de 4 000 ans : « Une chose qui n’est jamais arrivée depuis des temps immémoriaux : une jeune femme s’est retenue de péter sur les genoux de son mari. » Gracieux, léger, distingué : du Siné avant l’heure.

Une histoire à coucher dehors

18

C’est vraiment trop dommage qu’il n’y ait pas la possibilité d’insérer des photos d’illustration à l’intérieur des papiers de Causeur. François Miclo, notre révéré Administrateur, prétend que c’est possible, ce qui veut dire en clair que c’est possible dans ses articles.

Si tel avait été le cas, je vous aurais parlé de l’évacuation – sans incident majeur – de 150 gitans d’origine bulgare d’un bâtiment municipal de Bagnolet – où ils avaient été relogés par la mairie en décembre 2004, après l’incendie de leur bidonville – et des problèmes posé par leur installation aux frais de la mairie dans un Formule un du coin

Je vous aurais causé aussi du compte-rendu plus que spécieux qu’a fait le Monde de cette affaire et qui a inspiré à mon épouse une réflexion du genre : « J’aurais bien voulu voir leurs mines si c’était la rédaction du Monde qui avait été squattée. » C’est bien d’avoir une épouse qui fait le ménage dans vos pensées.

J’aurais évoqué au passage la longue, délicate et finalement victorieuse bataille qu’a dû mener le maire communiste des lieux, Marc Everbecq, à la fois contre les pouvoirs publics autistes et contre les excités pro-clandestins façon RESF, sans parler des autres élus locaux du coin, toujours prêts à refiler le mistigri aux communes mitoyennes. A force de patience, il a pu trouver un compromis acceptable à la fois pour les familles de gitans et pour les contribuables – souvent fauchés – de sa commune du 93, ce qui me réjouit : je suis contre l’immigration sauvage, mais aussi contre la sauvagerie avec ces immigrés. Je pense que nous aurions raison de fermer, pour de vrai, nos frontières à double tour, mais à leur place, je tenterais quand même ma chance…

Et enfin j’aurais joint à mon texte une photo du fameux bidonville incendié accompagné de cette légende : Souvenirs de la maison des roms.

Couscous vs coucous

3

La crise qui oppose l’Etat libyen à la Confédération helvétique gagne en intensité. Le Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste vient de recommander aux ressortissants libyens de ne pas se rendre en Suisse. Rien n’est plus prudent, dès fois qu’un dangereux confédéré se fasse sauter à l’Appenzeller ou s’immole au Rösti.

Philippe, marquis du Val

15

Intendant de l’Imprimerie royale sous Louis XIV, le marquis du Val se montra d’une sévérité telle qu’on le surnomma à juste titre : l’Intolérant. C’est à ce triste sire que l’on doit l’interdiction en France du si beau traité de Martin Luther Von den Jüden und iren Lügen (Des juifs et de leurs mensonges), du manuel polonais anonyme Organiser un pogrom en dix leçons ou encore Pour en finir avec ceux qui empoisonnent l’eau de nos puits et dévorent nos enfants. Avec des censeurs aussi intransigeants que le marquis du Val, la liberté d’expression avait disparu en France et, pour la voir réapparaître, il faudra attendre la fin du XIXe siècle et la publication du Protocole des sages de Sion.

Nicolas de Largillière, Philippe, marquis du Val, 1718. Huile sur toile conservée au mémorial franco-allemand, Montoire (41).

Rions un peu avec la gauche

34

Qu’est-ce que j’apprends, en lisant 20 minutes ? « Une vingtaine de jeunes de gauche, en habits du dimanche et colliers de perles, ont fait face samedi à une cinquantaine de jeunes de l’UMP en T-shirt bleus et roses à Strasbourg pour le lancement de la deuxième caravane d’été de l’UMP. » D’après un des organisateurs du happening, qui a souhaité garder l’anonymat pour échapper à la répression, il s’agissait de « caricaturer sur le mode de l’humour » (sic) la politique de la droite. Les slogans officiels de cette contre-manif semblent en effet confirmer la piste de l’humour: « TVA à 5,5% sur le caviar ! » ou encore : « Pas d’allocs pour les dreadlocks ! »

Il s’agit en fait, pour tout vous dire, d’un des avatars du mouvement « Manif de droite », dont le concept est simple – pour ne pas dire plus : moquons-nous de ces cons de droite ! Le rire n’est-il pas ce qui leur est le plus étranger ?

En tant que pasticheur du Roy depuis 1793, je trouve littéralement honteux de voir un métier, au sens le plus noble du terme, ainsi salopé par des gougnafiers de rencontre. A un certain niveau de débilité prétentieuse, moi je dis : « Faut lâcher l’affaire ! Arrêter les soins palliatifs, laisser faire la nature… » Et pourtant, même la gauche française ne méritait pas une fin aussi atroce : être gagnée par l’ »esprit » de ces « nouveaux contestataires » (les guillemets me manquent pour dire mon indignation !).

La spécialité de ces « néo-cons » (comme on dit aux USA à propos d’autre chose), c’est de mettre l’humour, ou ce qui leur en tient lieu, au service de causes « citoyennes ». Autant dire les mots, aussi rudes soient-ils : ces jeunes gens font dans le rire engagé. Ils militent pour le progrès, la justice, la générosité et la gauche. Leurs cibles sont donc, en toute logique, la réaction, l’injustice, l’égoïsme… Bref, la droite et ses multiples figures emblématiques : le flic, le curé, le militaire, la duchesse et le patron-à-cigare.

Un fonds de commerce qui, à défaut d’être rigoureusement neuf, a fait ses preuves, de L’Assiette-au-beurre à Charlie Hebdo en passant par le Canard et ses inextricables chaînes. Alors pourquoi se gêner ? Il suffit à ces glands d’ânonner l’antique antienne contre les « bourgeois, les curés et les gavés » pour être adoubés par Canal + où, en janvier dernier, ces subversifs-là avait eu droit en prime time à une heure de publi-reportage maquillé en documentaire, sans compter une promo kimjongilesque dans la presse-qui-pense : « Jeunes révolutionnaires sympathiques » (Télérama), « Militants pragmatiques et joyeux » (Les Inrockuptibles), « What the fuck ? » (Jalons.fr).

Tiens, au hasard : nos amis les Inrocks, qui ordinairement rient quand ils se brûlent, sont carrément pliés en quatre face à des slogans aussi percutants que « La pauvreté, c’est génétique ! » ou « CAC 40, ouais, ouais, ouais ! » Et pourquoi pas « Non aux méchants, oui aux gentils ! » ? Pour faire passer un message aussi platement manichéen, les néo-cons sont-ils bien inspirés de prétendre passer par le deuxième degré ? S’ils m’avaient consulté, je leur aurais plutôt conseillé un truc à leur taille, genre : « Sans-papiers, sans-logis, sans-esprit : solidarité ! »

En ce qui me concerne, j’en tiens pour l’humour dégagé. Dégagé, notamment, de la foi progressiste et de l’esprit-de-sérieux qu’elle impose.

Toutes les révolutions, depuis la Nôtre, ont écrabouillé les peuples en leur promettant le bonheur dans vingt ans. Et pourtant Jésus, qui n’était pas membre du Medef, avait prévenu : « Des pauvres, vous en aurez toujours ! » L’égalité, c’est comme son Royaume : ce n’est pas de ce monde ! (Comme quoi il ne risque pas de faire chier les athées.)

A la racine de tous nos maux, il y a bien sûr l’humaine nature, c’est-à-dire le péché originel -et non pas la société telle qu’elle est ici et maintenant, ou dans la Chine des Ming. Je ne pourrais certes pas écrire ça dans, mettons, les Inrocks. Je ne sais pas si je vous l’ai raconté : ces gens-là sont fascinés par « la radicalité inédite du rapport à la politique de ces collectifs militants iconoclastes ». Puteborgne ! Après une telle phrase, qui aurait encore envie de rire ?

Mais au fait, est-ce qu’on est vraiment là pour rigoler ? Et si oui, pourquoi ? Et sinon, pourquoi ; et pour quoi ?

La bêtise du Mrap n’est plus insondable

1

Les impayables straight-lurons d’ILYS ont demandé à leurs lecteurs de se prononcer par sondage sur la signification exacte de l’acronyme Mrap. Une large majorité d’entre eux ont choisi « Mouvement Raciste Adorant les Palestiniens ». Pour ma part, j’ai coché la case « Mouvement pour le RAP », quoiqu’elle ne me parût pas la plus drôle. Mais par respect pour ma maman, je ne pouvais décemment pas me prononcer pour l’option « Ma Reum A Poil ».

Tu t’es vu quand t’as bu ?

9

Jeudi, en Meurthe-et-Moselle, une patrouille de gendarmerie a interpellé un aveugle complètement ivre au volant d’une voiture. Nous formulons le vœu que la Halde se saisisse rapidement de l’affaire et fasse respecter les droits de cette personne non-voyante : les aveugles aussi ont le droit de rouler bourrés.

L’Apocalypse, un marché durable

0

Il y a des livres que l’on dévore comme un épi de maïs 863 de chez Monsanto. Avec une gourmandise confuse. Sylvie Brunel nous offre l’un de ces plaisirs croustillants dans un petit volume aux allures de pamphlet : A qui profite le développement durable ?

Professeur de géographie à Paris IV-Sorbonne, économiste et spécialiste des questions de développement[1. Sylvie Brunel est l’auteur d’ouvrages de référence sur la question des relations Nord-Sud ; elle a notamment signé les deux éditions de Développement durable, dans la collection « Que sais-je » aux Presses universitaires de France. A la ville, elle est l’épouse d’Eric Besson, ce qui fera dire aux mauvaises langues que la félonie est conjugale.], Sylvie Brunel bat en brèche le discours dominant qui fait du « développement durable » une vérité révélée, devant laquelle chacun est pieusement invité à suspendre son jugement. Al Gore est grand, Nicolas Hulot est son prophète et nous irons tous, pollueurs planétaires que nous sommes, brûler dans l’enfer climatique qu’on nous promet.

Foin des discours apocalyptiques sur le global change. Pour Sylvie Brunel, le développement durable est avant tout une idéologie qui ne dit pas son nom : « Le développement durable intronise la mondialisation d’une conception du monde directement inspirée de ce que Tocqueville qualifiait dès 1835 de l’ »esprit de religion » américain, mélange de puritanisme et de messianisme qui marque toujours la société anglo-saxonne : omniprésence du religieux, croyance en de grands mythes sur la culpabilité de l’homme face à une nature déifiée et idéalisée, valeur de la rédemption et de la pensée magique (« si je commets cet acte salutaire, je sauve la planète, et moi avec »). »

Et, selon Sylvie Brunel, la nouvelle religion du développement durable ne s’embarrasse guère de détails : tout va très mal, le climat se dérègle, la Nature se venge. On en oublierait presque les travaux d’Emmanuel Le Roy Ladurie sur l’histoire du climat, qui montre que l’Europe après avoir connu une phase de réchauffement est entrée dans un petit âge glaciaire du XIVe au XIXe siècle, avant de connaître à partir de 1850 une nouvelle période de réchauffement. La cause ? L’inclinaison orbitale et l’activité solaire. Pas la révolution industrielle, qui commençait à peine. On en oublierait aussi que les prédictions liées au climat prévoient une augmentation des températures de 1,4 à 6 °C d’ici le prochain siècle : du simple au quadruple…

En 1968, les Nations Unies annonçaient qu’en 2100 la Terre compterait 700 milliards d’êtres humains, provoquant un affolement général (c’était l’époque de René Dumont appelant au contrôle démographique) : aujourd’hui, les démographes s’accordent sur le fait que la population mondiale se stabilisera entre 9 et 10 milliards vers 2100, les pays du Sud, Afrique comprise, ayant déjà amorcé leur transition démographique.

Pourquoi donc cultiver la terreur écologique ? Parce que, explique Sylvie Brunel, cela arrange tout le monde. C’est même, pour reprendre la formule de Condolezza Rice lors du tsunami de décembre 2004 qui permit aux Etats-Unis de reprendre pied en Indonésie, « une merveilleuse opportunité ». Seul organisme présumé capable d’affronter le « changement climatique planétaire », l’ONU se voit réinvestie d’une « position de leader ». Les ONG bénéficient de subsides gouvernementaux de plus en plus conséquents. Les pays riches peuvent stigmatiser la production des pays en voie de développement, leur imposer des barrières douanières, non plus au nom du bon vieux protectionnisme, mais pour préserver l’avenir de la planète… A haute dose de moraline verte et vertueuse, le business écologique fait recette. Les affaires sont les affaires.

Dans ce petit livre frais et salvateur, qui ne manquera pas de passer inaperçu (l’apocalypse, ça fait vendre du papier – recyclé, cela va de soi), Sylvie Brunel nous montre enfin qu’on peut penser l’écologie et les grands problèmes mondiaux sans pour autant devoir se crever les yeux face à la réalité et ranger l’esprit critique au magasin des accessoires.

A qui profite le développement durable ?

Price: 1,43 €

28 used & new available from