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«Queers» palestiniens, salle de prière et soutien à la «résistance armée» dans les locaux historiques de Sorbonne-Nouvelle  

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Une fois les danses folkloriques terminées, des discours beaucoup plus radicaux ont été tenus lors du «meeting des universités avec la Palestine», samedi, à Paris. Nous sommes allés écouter.


Paris, quartier de Censier, samedi soir. Quand beaucoup d’étudiants du quartier latin arrosent leur fin de semaine dans les bars, d’autres se réunissent pour « un meeting des universités avec la Palestine » au bâtiment de la Césure (ancien site de la Sorbonne-Nouvelle, aujourd’hui laissé en friche, il accueille en temps normal des recycleries et expos bobos, des stands Emmaüs ou des brunchs hors de prix). Allégé de quelques euros, fouillé à l’entrée par des jeunes gens un peu gringalets mais cagoulés et tout de noir vêtus, nous retrouvons dans le hall d’accueil l’habituel folklore militant pro-palestinien : des bandes dessinées au titre évocateur « From the river to the sea », des tracts pour la libération du « prisonnier politique » Georges Abdallah, un coin « cuisine palestinienne »… 
La tenancière des fourneaux rafraîchit notre envie de bière : « Je ne pense pas qu’il y ait d’alcool ici ». On se contentera d’un Coca-Cola Palestine, « produit en dehors des zones d’occupation palestinienne ».
La politique est là aussi, bien sûr, avec les stands des associations étudiantes de gauche radicale type FSU ou encore la revue trotskiste Révolution permanente. Côté dress code, les garçons sont venus avec leur keffieh. Et on ne compte pas les jeunes filles voilées.

Femme à barbe, keffiehs et dénonciation du « pinkwashing »

Au fond, un amphithéâtre est reconverti en tribune pour harangues « anti-impérialistes ». Au programme : des témoignages d’étudiants « faisant leur rentrée sous occupation militaire », des intervenants appelant au « boycott académique », et un cours de dabké, une « danse traditionnelle palestinienne ». En guise de bourrée auvergnate, des jeunes gens reproduisent la chorégraphie d’une vidéo YouTube où des Gazaouis dansent « au front des snipers israéliens ». Au micro, les intervenants se succèdent. Les intitulés des conférences sont parfois énigmatiques. 

Trois étudiants, Hamza du collectif « Queers for Palestine, » Mukit, un acteur français, et Riyadh, un étudiant en médecine, dissèquent « la stratégie du gouvernement israélien qui consiste à utiliser les droits LGBT ». Le gouvernement israélien est accusé de présenter son adversaire le Hamas en organisation homophobe. Hamza, un acteur palestinien né en Jordanie et arrivé en France à l’âge de 18 ans, affiche son identité transgenre et queer : il / elle porte la barbe. Pas très bien réveillé (« j’aurais eu besoin d’un café »), l’acteur prend bien soin de ne jamais terminer une seule de ses phrases ; il nous offre-là sûrement une démonstration de sa maîtrise de l’art professionnel de la suspension dramatique… Ces déclarations sont un mélange d’enthousiasme, de complainte et de fatigue (« Cela fait partie du personnage »), mâtiné d’élucubrations (« Il y a des cons et des anges dans chaque pays » (…) Je cherche une vision abstraite de l’être humain où l’identité n’est pas tout »). Car, il en est persuadé : tous les humains s’aiment. La preuve : l’homophobie ne serait pas réservée au seul monde musulman, comme le disent ces méchants Israéliens : « J’ai reçu aussi en France des blagues… qui n’étaient pas toujours de l’humour constructif ». Ryadh, l’étudiant en médecine, théorise : « On est en présence d’une nouvelle dichotomie entre un Occident qui arrive à penser la diversité mais uniquement face à un Orient essentialité ». Arrive quand même une concession : « Il y a certes un problème d’homophobie en Palestine », où des homosexuels sont régulièrement lynchés ou décapités. Un jeune homme en boucles d’oreilles et en keffieh demande comment dans la bataille on peut bien « mettre ça (l’identité queer et palestinienne de Hamza NDLR) en avant » auprès des masses. 

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Nos intervenants farfelus ont beau rappeler que « l’identité n’est pas tout », elle abonde pourtant partout ailleurs lors de ce rassemblement militant: sur les stands, dans les panoplies vestimentaires ou religieuses des uns et des autres. Et, surtout, dans les discours, qui tous célèbrent cet Orient qu’il ne faudrait pas essentialiser, alors que l’on ne peine jamais à renvoyer l’Occident à son essence supposée « colonialiste, impérialiste et patriarcale ».

Le meilleur pour la fin

La conférence se clôture par une table ronde réunissant un parterre de choix : Rachele Borghi, maitre de conférences en géographie, chercheur et militante de la cause palestinienne, une certaine Janah, étudiante à Sorbonne-Université, et Omar Alsoumi, né d’un père palestinien, diplômé de Sciences-Po, porte-parole de PYM (Palestian Youth Movement), représentant de l’association Boussole Palestine. L’étudiante fulmine contre les « réacs » qui réprimandent la jeunesse pro-palestinienne française dans les médias, à savoir Michel Onfray, Elisabeth Badinter et Anne Sinclair – dont elle fait huer l’âge des dernières : « 76 ans et 80 ans » ! La prof, Rachele Borghi, s’interroge sur le silence des collègues enseignants-chercheurs et s’en prend carrément à l’institution qui la rémunère, « un foyer de production d’ignorance ». 

Parmi les derniers à prendre le micro, enfin, Omar Alsoumi se dit « tenté de sortir du cadre ». Il va tenir parole. Après avoir dénoncé les « intentions génocidaires claires » du gouvernement israélien, il s’en prend aux journalistes (« des salopards » qui présentent les victimes civiles comme des dégâts collatéraux), et adresse des encouragements à « ceux qui prennent les armes pour assumer le risque suprême de leur vie »… Surtout, il développe tout un argumentaire autour de la « violence légitime » :
 « On ne doit pas séparer, on doit articuler de la façon la plus précise possible le soutien à la résistance légitime, y compris armée, du peuple palestinien, et le soutien matériel concret aux Palestiniens (…) On a longtemps présenté en Occident et y compris dans le monde musulman les Palestiniens comme de pauvres victimes et potentiellement comme des mendiants. » Fini le pacifisme, fini la victimisation humanitaire, vive la résistance. Y compris terroriste ? Le propos est un peu ambigu… mais cela n’empêche pas la salle d’applaudir à tout rompre. À ce moment, près de nous, un jeune homme musclé et barbu vient demander qu’on lui indique la salle de prière, installée pour les plus pieux visiteurs. Prescience houellebecquienne : l’Université de la Sorbonne n’est-elle pas le décor du fameux roman Soumission ? 

Penser le 7-Octobre en exorciste

Ce qu’on a vu au lendemain du 11-Septembre et de l’attentat contre Charlie Hebdo se reproduit depuis le 7-Octobre: l’inversion victimaire, la justification de l’horreur. La barbarie terroriste a ravivé l’antisémitisme et la fascination pour le crime de masse. Il faut analyser ce soutien au mal pour mieux défendre notre humanité.


Le XXIe siècle a commencé le 11 septembre 2001. Quand l’horreur s’est abattue sur les États-Unis, on aurait pu s’attendre à une forme d’unanimité mondiale face à la folie meurtrière. De fait, le monde a réagi. Mais très vite, la solidarité a cédé la place à la relativisation. Le schéma en est toujours le même : d’abord « les torts sont un peu partagés », puis « ils ne l’ont pas volé », ensuite « ne l’ont-ils pas déclenché eux-mêmes pour justifier les représailles ? » et enfin « est-ce que ça a vraiment eu lieu ? ». L’inversion victimaire finit en négationnisme. Et l’antisémitisme ne manque jamais de coiffer le tout. Un crime de masse est autre chose qu’un crime. Il dilue la responsabilité. Il cherche à se transformer en acte de guerre, en fait historique. Il change de catégorie. Il permet à certains acteurs de réussir la prouesse de les revendiquer et de les nier dans un même élan, de féliciter Ben Laden et d’y voir un complot de la CIA. À l’ère de la post-vérité, les esprits les plus sombres peuvent goûter à la volupté des noces du sadisme et du mensonge.

Connivences et fenêtre d’Overton

Ces événements terroristes, qui constituent en réalité une catégorie tierce par rapport au crime individuel et à la guerre, cristallisent une série de lois anthropologiques et psychologiques qu’il convient de décrypter si l’on veut essayer de comprendre pourquoi le mal, lorsqu’il se manifeste avec éclat, loin de susciter le rejet général que le sens commun attend, se crée de nouveaux espaces. C’est au prix de ce travail d’élucidation que l’on peut imaginer de futures victoires de la liberté, de la démocratie, de l’humanité. La simple réaction frontale n’est pas suffisante. Si l’on n’entreprend pas cette démarche, on devra constater avec effroi que, à chaque fois, le soutien au mal sera proportionnel à l’ampleur de ce mal initial. Il ne sert à rien de se révolter contre ce scandaleux paradoxe. Il faut en détruire la logique de l’intérieur.

Les attentats que nous avons vécus en France nous ont permis de voir les mêmes processus à l’œuvre. Après le rassemblement de plus de 10 millions de personnes dans toute la France, l’émotion nationale et internationale, les relativisations n’ont pas tardé. Les « Je ne suis pas Charlie » ont fleuri et ont nourri la possibilité d’assumer une forme de connivence avec le crime. Le fameux phénomène dit de la « fenêtre d’Overton » était visible à l’œil nu : les bornes de l’acceptable dans le discours public étaient déplacées. Il y a une sorte de joie mauvaise, d’hubris particulière, pour ceux qui jouissent de voir l’indicible d’hier devenir le dicible d’aujourd’hui. Là où un tel attentat aurait dû faire réaliser davantage le caractère précieux de la liberté d’expression, il a donné au contraire pignon sur rue à ses adversaires. De fausses unanimités éphémères laissent la place à des avancées des stratèges de la barbarie. L’accoutumance à l’horreur ouvre la voie à l’accoutumance au mensonge et vice-versa.

Le 7 octobre représente l’acmé de ces logiques à l’œuvre depuis un quart de siècle. Un événement monstrueux où la commission d’actes barbares a été documentée par les barbares eux-mêmes, loin de faire reculer l’antisémitisme qui en était le moteur (les assassins ne disaient pas qu’ils massacraient des Israéliens, mais bien des juifs), lui a fait gagner de nouvelles forces, de nouveaux horizons. Un pogrom redevenait pensable. Et cela sur la terre même de l’État conçu pour tourner le dos à jamais aux monstruosités des temps anciens.

Barbarie décomplexée

En assumant de perpétrer des horreurs sans limite, des tortures indescriptibles sur des civils sans défense, en revendiquant de tuer des juifs pour tuer des juifs, le plus grand nombre possible et le plus atrocement possible, le Hamas allait plus loin que jamais. Sa logique exterminatrice ne s’accompagne d’aucune honte. Voici venu le temps de la barbarie décomplexée. Et ses soutiens dans le monde, des post-collaborateurs de la post-modernité, ont pu laisser libre cours à un antisémitisme lui aussi décomplexé par la magie de leur bonne conscience. Il est donc devenu possible, après la Shoah, malgré la Shoah, et même à la faveur de la Shoah, de faire semblant de ne pas voir l’antisémitisme quand il montre son visage hideux, de ne pas le dénoncer et même d’en justifier les ressorts et les conséquences.

Le 7 octobre n’est donc pas seulement un événement abominable où l’assassin descend les marches de l’enfer en revendiquant son inhumanité. C’est aussi un « événement total » multidimensionnel et engageant l’humanité entière. Il nous oblige à regarder le mal en face, à comprendre ce qui se joue dans les aveuglements imbéciles ou volontaires. Le 7 octobre est désespérant au titre de la nouvelle transmutation de l’antisémitisme qu’il nous donne à vivre. Mais il est un défi posé à notre conscience. Freud écrivait, dans une réponse à Einstein, publiée sous le titre Pourquoi la guerre ? : « Si la propension à la guerre est un produit de la pulsion destructrice, il y a donc lieu de faire appel à l’adversaire de ce penchant, à l’éros. Tout ce qui engendre, parmi les hommes, des liens de sentiment doit réagir contre la guerre. »

Le 7 octobre est une déclaration de guerre à ce qui fait notre humanité. Ceux qui l’ont permis ou soutenu doivent être combattus jusqu’à leur défaite qui sera une défaite des forces de mort. Mais leur plus grande défaite adviendra lorsque surgiront au cœur même de la Palestine des forces de vie, de démocratie, de concorde, capables de prendre le dessus.

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Francophonie honteuse?

Avec plus de 320 millions de locuteurs, la langue française rayonne à travers le monde. Le président Macron accueillait samedi le 19ᵉ Sommet international de la Francophonie, à Villers-Cotterêts.


Ce week-end – pardon cette fin de semaine – la France accueillait, à Villers-Cotterêts, département de l’Aisne (10 951 habitants dont le gentilé est Cottereziens) le dix-neuvième sommet de la francophonie. Villers-Cotterêts, lieu de naissance d’Alexandre Dumas et de la promulgation du fameux édit faisant du Français la langue administrative officielle du royaume. C’était sous le panache blanc de François 1er, en 1539. En 2024, sous le panache quelque peu défraîchi et déplumé de Macron 1er se tenait donc, en France, pour la première fois depuis trente-trois ans, cette grande assemblée autour de notre patrimoine commun, j’allais écrire notre mère commune, la langue française. Une centaine de délégations d’États et de gouvernements avait fait le voyage de Villers-Cotterets. Pour la plupart de ces gens, ce devait être une découverte, car pour charmante que soit cette localité, elle ne figure pas encore au nombre des sites les plus visités au monde, même après que son château a été si joliment restauré de fond en combles, ce qui aurait coûté un bras selon la rumeur publique. Mais quand on aime on ne compte pas, et Macron 1er aime notre langue. Moins que son épouse, au demeurant, intensément investie, quant à elle, dans le programme Voltaire, ce dont il convient de la féliciter.

A lire aussi: Langue française à Villers-Cotterêts: vous reprendrez bien quelques lieux communs…

Naïf impénitent, je m’attendais à ce que le service public de radio télévision saisisse l’opportunité qui s’offrait à lui de dédier quelques tranches horaires, quelques soirées, exclusivement à la langue. Des propositions d’émissions qui eussent été le pendant heureux de lectures de textes, de poèmes, de scènes, de morceaux choisis de notre littérature dans les écoles et autres lieux voués à la culture. Monsieur le député Delogu n’attendait que cela, me dit-on, pour offrir quelques démonstrations de récitatif en vers françois du haut-moyen-âge. Perso, j’aurais bien payé pour voir ça ! Hélas, l’occasion ne s’est pas présentée. En effet, le service public – ou sévice public (cela pour piller  sans vergogne le cher William Goldnadel) – ayant décidé de la jouer petit bras, très petit bras, profil bas pour tout dire. Point d’incursion dans la séance du dictionnaire, quai Conti, à l’Académie française. Point de Molière en première partie de soirée, point de lecture de Madame de Sévigné  à l’heure du thé, et même pas de San Antonio ou du Audiard en creux de nuit, à l’heure où tous les chats sont gris et la France joyeuse aussi. Rien de tout cela. Juste un concert sur la trois depuis le château plus crème chantilly que jamais et une délocalisation de l’émission littéraire de la cinq où on célèbre hebdomadairement la littérature propre sur elle.

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Pourquoi tant de discrétion, d’humilité, me direz-vous ? La raison, je le crains, est toute simple. Honteuse, mais toute simple. Célébrer la langue française à son plus beau, à son plus haut, celle du quai Conti, celle des Molière, des La Rochefoucault, des Proust, et de tant d’autres, ce ne peut être qu’honorer la langue de l’abominable dominant blanc, de l’épouvantable négrier, du détestable colonisateur. Alors, mieux vaut s’abstenir, comprenez-vous. On veut bien célébrer la francophonie, certes, mais pas le Français de souche. Quand bien même s’agirait-il, en l’occurrence, de la langue. Voilà, selon moi, toute l’affaire.

Par chance, le manquement s’est trouvé occulté par la disparition brutale d’un excellent comédien, très aimé des Français. Le manquement a été occulté, disais-je, mais aussi la manifestation elle-même pour laquelle nombre de représentants africains avaient fait le déplacement. Or, le défunt célèbre a focalisé sur lui, sur son drame épouvantable, toute la lumière. Blanc, Michel Blanc. C’est son nom… Blanc ! Saperlipopette ! Si j’étais Madame Obono je hurlerais au complot.

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Des manifestations de l’inconscient pour la Palestine

Si l’on peut légitimement s’émouvoir du sort peu enviable des populations civiles palestiniennes ou libanaises, prises en étau entre terroristes du Hamas ou du Hezbollah et Tsahal, les mouvements de contestation dans nos facs ou dans nos rues révèlent aussi des sentiments plus obscurs.


Des manifestations pour la Palestine ont été organisées à Sciences-Po Paris et dans d’autres établissements d’enseignement supérieur, ou viennent de se tenir pendant le weekend dans la rue. Malgré les rappels du ministre de l’Enseignement supérieur Patrick Hetzel ainsi que de la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon du « caractère inadmissible de tels rassemblements à l’approche de l’anniversaire du 7-Octobre ».  Pour le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, « il n’est pas question de laisser prospérer l’antisémitisme et salir la mémoire des victimes du 7-Octobre. ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon, invite les Français à mettre en place partout où ils le peuvent des drapeaux palestiniens et libanais.

La jeunesse universitaire sommée de soutenir Gaza

Cette dernière prise de position, dans sa radicalité, met en lumière les fractures de la société française en témoignant de l’adhésion de la jeunesse des banlieues islamisées et d’une partie grandissante de la jeunesse éduquée à une cause palestinienne qui n’intéresse que moyennement le reste des Français. Mais comment expliquer le succès de l’entreprise qui se veut révolutionnaire de Jean-Luc Mélenchon et de son parti la France insoumise auprès d’une partie grandissante de la jeunesse universitaire et lycéenne ?

Des jeunes Français qui se disent de gauche ou d’extrême-gauche participent à ces manifestations aux côtés de militants arabes de la cause palestinienne. Pour eux, et en tout cas pour les plus mobilisés d’entre eux, le prolétariat victime du capitalisme, ayant cédé aux sirènes bourgeoises, a perdu son auréole de sainteté, et a été remplacé par le Palestinien, nouveau Christ crucifié… Leur certitude de dénonciation permanente de l’État juif rappelle tristement des thèmes qu’on pensait disparus : le juif assassin de la pureté, le juif tueur d’enfants d’innocents etc…

À la suite du vieil antisémitisme musulman, qui tolère les juifs mais ne les accepte que vaincus et soumis, l’antisémitisme chrétien, endormi depuis la Shoah, et dont Dominique de Villepin est un parfait représentant, s’est réveillé en ne voulant donner à Israël aucun recours contre ses ennemis. Ce nouvel antisémitisme, animé par un pacifisme doucereux et culpabilisant, gourmande Israël pour son militarisme et son nationalisme sans vouloir voir la menace d’anéantissement qui pèse sur lui et à travers lui sur les juifs en Occident, ceux d’Orient ayant été victime d’un nettoyage ethnique absolu et irrémédiable.

Par ailleurs, le conflit intérieur propre à l’intellectuel de gauche du passé se retrouve chez leurs héritiers mélenchonistes et leur fait rejeter ce que Freud appelait leur propre analité et les empêche d’accepter ceux qui font tout pour réussir, c’est-à-dire ceux qui se sont fixés un but et ont accompli toute une succession d’opérations pour y parvenir où se mêlent le courage, l’intelligence, l’efficacité, le réalisme.

Quête de sens

Ainsi, dans l’antisémitisme d’aujourd’hui dont est victime l’État juif qu’on ne tolère que vaincu, diminué et peut-être mort, et à qui on dénie le droit à la victoire et à la puissance souveraine, se mêlent d’obscurs sentiments de jalousie et d’envie. Dans les banlieues, les juifs sont « ceux qui ont tout alors que nous n’avons rien ».  De même, le désir de conquête universelle qu’on a prêté aux juifs depuis leur émancipation au XIXème siècle se retrouve dans les accusations dont est victime Israël, soupçonné de vouloir un grand Israël du Nil à l’Euphrate, et dont les actions de défense contre ses multiples ennemis qui veulent le détruire sont considérées par cet antisémitisme moderne comme autant de preuves de sa malfaisance.

La haine du bourgeois, venant de jeunes bourgeois eux-mêmes, comme ce fut le cas en mai-68, a été complétée par la haine du juif israélien. Ainsi se mélangent chez beaucoup de jeunes occidentaux de façon inextricable des restes de marxisme, de tiers-mondisme, d’antiracisme et de christianisme dévoyé.

Une jeunesse en quête de sens, malmenée par les errements de politiques opaques et par des vies familiales troublées par une crise générale de l’autorité, ne sait plus à quel saint se vouer et cherche un maître, ce qui serait un mauvais signe pour la démocratie.

Megalopolis: le chef d’œuvre qui désarçonne les imbéciles

Notre chroniqueur n’est apparemment pas sorti indemne de la salle où était projeté Megalopolis, le dernier film de Francis Ford Coppola. Décrié à Cannes par la moitié de la salle, vilipendé par nombre de critiques spécialisés, la fable (c’est son sous-titre explicite) du réalisateur d’Apocalypse now, du Parrain et de tant de chefs-d’œuvre serait-elle le grand film que notre époque attendait — et qu’elle ne sait pas reconnaître ?


À quoi reconnaît-on la prétention et l’incompétence ? À la morgue affirmative qui permet à des petits-maîtres, sous prétexte qu’ils opèrent à Télérama ou dans n’importe quel autre magazine pour bobos incultes et parisiens (pléonasme !) de traîner dans la boue le dernier film de Coppola. « Monumentale mégalomanie », dit l’une ; « cauchemar psychédélique sans queue ni tête », proclame un autre. « Récit boursouflé et confus », jette un troisième. « Opéra bouffi, néopéplum pseudo-philosophique, farce pontifiante », conclut un dernier sycophante.

Soyons bons chrétiens, et ne nommons pas les hilotes qui ont osé écrire de telles âneries. Qu’ils soient critiques de cinéma attitrés de canards par ailleurs estimables signe le déclin intellectuel de nos élites auto-proclamées.

Je dois à la vérité de dire que d’autres ont mieux saisi ce qui se jouait ici. « Magistral », dit l’Huma. « Fresque cinématographique éblouissante », constate le Masque et la plume sur France-Inter. Et Le Dauphiné libéré : « Un film grandiose, chaotique, d’une stupéfiante modernité. »

Les critiques signent surtout leur entêtante inculture. Il n’y a guère que Le Monde qui part des références mâchées et remâchées par Coppola (« de Suétone à Harold Lloyd, en passant par Shakespeare et Fellini » — et ils en oublient, le Faust de Goethe par exemple, dont le héros tente d’arrêter le temps, Verweile doch, du bist so schön — ce que le personnage de Coppola réussit fort bien) pour entrer dans un film qui justement fait le testament d’un monde en miettes…

Notre monde, mais aussi bien la Rome du Ier siècle av. J.C., qui émerge à travers les noms des personnages (Cesar Catilina, Cicero, Crassus et tant d’autres) et des lieux (New Rome, qui est en même temps New York et Gotham), mais aussi dans les discours : la violente diatribe de Cicéron contre Catilina (vous vous rappelez, bien sûr : « Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? quam diu etiam furor iste tuus nos eludet ? quem ad finem sese effrenata iactabit audacia ? » — je n’ai bien sûr pas besoin de traduire)  est en grande partie restituée (mais qui, parmi nos « critiques éclairés », a fait de vraies études ?) et en même temps amalgamée à une intrigue qui est une « fable », c’est-à-dire un récit symbolique pour réveiller les peuples.

Il est en tout cas une référence que seul Christophe Bourseiller, me semble-t-il, a relevée, c’est Le Rebelle, de King Vidor, adaptation d’un roman de Ayn Rand intitulé La Source vive. Rand est la romancière-culte de tout ce que l’Amérique compte encore d’esprits sains (lire La Vertu d’égoïsme, dans ses essais, et La Grève, parmi ses romans). Dans Le Rebelle, c’est Gary Cooper qui personnifie l’architecte (la profession de Catilina / Adam Driver dans Megalopolis) désireux de rebâtir notre monde.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit : notre civilisation s’écroule sous les coups des politiciens de faible envergure et de petite race, il faut la reconstruire complètement — c’est tout le projet de cette utopie / uchronie bouleversante.

Encore faut-il rebâtir le cinéma. D’où le jeu de Coppola qui ré-emploie quelques-uns de ses plus vieux acteurs (Laurence Fishburne, le soldat longiligne d’Apocalypse now, Giancarlo Esposito, vu dans Cotton Club, ou Talia Shire, l’une des filles du Parrain), couplés avec des légendes hollywoodienne — Jon Voight rescapé de Delivrance et de Runaway Train, ou Dustin Hoffman, méconnaissable —, et brassés avec une nouvelle génération — Shia LaBeouf, odieux comme d’habitude, et une palanquée de petits jeunes mâles et femelles, en une chorégraphie baroque morbide et endiablée.

© Phil Laruso – 2024 Caesar Film LLC

Ce qui se joue dans cet opéra insensé, c’est le destin de notre république et de toute notre civilisation — les allusions aux émeutes qui ont suivi l’échec de Trump en 2020 sont limpides. Il faut un visionnaire. Et Catilina en est un, un quasi-messie qui survit à sa propre mort.
En fait, c’est un film d’où vous sortez ébloui, et immédiatement convaincu qu’il faut aller le revoir, tant chaque image est riche de possibilités. Tant cet octogénaire réinvente l’avant-garde.

Evidemment, vous pouvez vous contenter de Justine Triet et Annie Ernaux, ou telle autre demi-pointure qui serait ce que la France produirait de mieux à cet instant tragique de son histoire. Coppola n’est pas pour les estomacs rétrécis par l’abus de boulgour et les cerveaux anesthésiés par la prolifération des minables qui n’existent que parce qu’on leur tend un micro. Il filme pour les temps à venir — quand un nouveau César émergera du présent cloaque.

2h18

La berline française se fait la malle

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Dans l’indifférence médiatique, la carrosserie dite « berline » disparaît des catalogues de nos constructeurs français (et bientôt des marques étrangères). Que dit cette extinction sur nos mœurs automobiles ?


Voilà, c’est fini. Dans le silence général. Elle s’en va. Sans se retourner. Sans un mot. Elle qui a soutenu une industrie, des emplois, une histoire, des identités ancrées dans nos mémoires part, le sentiment d’avoir accompli sa mission « civilisatrice » débutée, il y a si longtemps, aux lueurs du XXème siècle. On ne lui épinglera aucune breloque sur son pare-brise, elle n’aura pas droit à la cour des Invalides et à la Garde républicaine. Elle ne sera pas invitée à l’Élysée pour un dernier pot d’adieu. Digne, elle quitte nos terres ouvrières pour le paradis des ferrailles oubliées. Elle va nous manquer. Nous avons tant de souvenirs avec elle.

Enfant, dès la maternelle, quand nous avons eu un feutre de couleur dans la main, d’instinct, naturellement, nous l’avons dessinée maladroitement, grossièrement. Elle était l’archétype de la voiture dotée de quatre portes, quatre roues et d’un coffre. Cette malle arrière était sa différence à elle, avant l’apparition des hayons et la prolifération des SUV pachydermiques.

A lire aussi, du même auteur: Mon clocher, ma bataille

Cette protubérance de son squelette était sa signature stylistique comme la capote en toile incarne le véritable cabriolet. Elle était classique dans sa forme et dans sa fonction, donc essentielle à nos routes sentimentales. La presse spécialisée est la seule à s’être alarmée de la fin d’une époque ; les autres, contents et amnésiques, n’ont même pas porté une gerbe sur sa stèle. Ils la détestent comme ils détestent toutes les voitures. Ils seront rassasiés, le jour de l’éradication de cette espèce. La berline traditionnelle a, semble-t-il, fini par lasser les acheteurs qui ont refusé en bloc son classicisme de bon aloi. Elle était trop académique, trop sérieuse, trop « vieille France », trop sage, trop subtile peut-être pour des automobilistes aveuglés par les sirènes de la modularité et de la connectivité.

Ces nouveaux conducteurs grégaires veulent voir absolument la vie d’en haut, surplomber les autres et posséder un volume de chargement démentiel. À trop vouloir montrer leurs muscles, ils nous révèlent leurs failles narcissiques. La berline demande un savoir-vivre, une pondération, une sorte d’équilibre entre l’homme et la machine, une harmonie qui n’est plus compréhensible de nos jours. Cette carrosserie ne jurerait ni par ses dimensions et ni par sa fausse originalité. Pour apprécier la ligne placide et discrète d’une berline, il faut une culture et des références, ne pas être l’esclave des modes. Sa lente extinction n’est pas un fait si récent, elle remonte à quelques années. Sur notre vieux continent, elle était mal-aimée, « chambrée », moquée, fossilisée pour son manque d’audace. Sa terne attitude, malgré ses grandes qualités routières, n’était plus tolérée dans une société de l’épate visuelle. On disait qu’ailleurs, sur les marchés émergents, notamment en Asie, elle gardait son aura. Là-bas aussi, les voitures hautes, lourdes et larges ont eu sa peau, de Pékin à Sochaux, de Detroit à Billancourt. Le phénomène est international, inarrêtable, c’est une vague, tous les constructeurs abandonnent peu à peu ce morphotype comme ils ont tourné le dos aux motorisations aristocratiques, nos chers V12 atmosphériques et V6 enchanteurs. Dans ce changement de paradigme comme disent les experts des cabinets, on peut y voir l’évolution du genre automobile et le sain renouvellement des gammes. Nous avons bien abandonné le phaéton et le landaulet par le passé, alors pourquoi pas la berline ?

A ne pas manquer: Causeur #127: 7-Octobre, un jour sans fin

La nostalgie n’est pas un ressassement plaintif. Elle est vitalité et permanence de l’imaginaire. En cette année 2024 où l’on célèbre les 70 ans de la parution de Bonjour tristesse et les 20 ans de la mort de Françoise Sagan, l’écrivain du frisson de la vitesse et de la déchirante solitude, on se souvient qu’au temps lointain des Renault Frégate et des Simca Chambord, dans ces rondouillardes années 1950, une jeune fille de bonne famille, sœur jumelle de BB, allait embraser la littérature de sa prose épidermiquement assassine. La légende raconte qu’elle avait emprunté la grosse américaine de son père pour aller signer son contrat chez Julliard, elle n’avait alors pas le permis de conduire. Quand je pense aux berlines, je pense à Françoise qui pourtant préférait les voitures de sport aux familiales. C’est un monde qui s’écroule. Nos berlines, bijoux de notre patrimoine, s’appelaient 404, 504, DS, Tagora ou Facel Excellence. On les regrette déjà.

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Bonjour tristesse

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Le procès des saccageurs est ouvert

La crise démocratique amorcée en 2005 a contaminé la classe dirigeante. Le destin de la France ne peut être abandonné aux idéologues d’un monde plat et indifférencié. Seuls les Français ordinaires, en passe de se libérer des fanatiques du grand marché uniformisé, ont conservé l’instinct de survie.


Michel Barnier résistera-t-il longtemps à la colère française ? Elle s’alimente d’un demi-siècle de maltraitance infligée à la classe moyenne par des dirigeants convertis à la révolution mondialiste, et celle-ci rend l’âme. La constitution du gouvernement, le 21 septembre, autour des perdants des législatives (la Macronie, les LR) ne calmera évidemment pas les frustrations des citoyens méprisés. D’autant qu’une partie des 47 députés LR affiliés au Premier ministre ont été élus avec l’appui de la gauche, à l’issue d’un front anti-RN qui n’a réussi, en boomerang, qu’à introniser Marine Le Pen en arbitre de la vie politique. Comment croire que les quelque 11 millions d’électeurs qui ont voté pour le Rassemblement national aux législatives, et les 7 millions qui ont choisi le Nouveau Front populaire, puissent accepter d’être écartés par une coalition de coucous, ces oiseaux qui pondent dans le nid des autres ?

La crise démocratique, amorcée en 2005 avec le refus des élites postnationales de suivre les citoyens dans leur rejet par référendum d’une suprématie européenne, est un poison qui a contaminé la classe dirigeante. La clé du destin de la France ne peut être chez les idéologues d’un monde plat et indifférencié. Seuls les Français ordinaires, en passe de se libérer des fanatiques du grand marché uniformisé, ont conservé l’instinct de survie. La gauche a reproché à Barnier, lors de sa passation de pouvoir le 5 septembre, d’avoir parlé des « gens d’en bas » dont il disait vouloir entendre les suggestions. Les lyncheurs habituels ont feint d’y voir un mépris de classe. En réalité, c’est cette nation vulnérable des modestes et des parias, abandonnés par le progressisme déraciné au profit des minorités exotiques, qui a lancé la révolte contre ceux d’en haut.

Cette colère française, qui réveille des esprits anesthésiés par la morphine des faux humanistes, a pris le visage d’une femme en larmes accusant ses bourreaux : Harmonie Comyn, la femme d’Éric Comyn, officier de gendarmerie tué par un chauffard multirécidiviste cap-verdien lors d’un contrôle routier à Mougins (Alpes-Maritimes) après un refus d’obtempérer. Le 29 août, lors de l’hommage à son mari, l’épouse a dénoncé l’abandon de l’État, cette lâcheté ressentie par beaucoup : « La France a tué mon mari, par son insuffisance, son laxisme et son esprit de tolérance. » Pour elle, « 1981 n’aurait jamais dû exister », c’est-à-dire l’avènement de l’angélisme humanitaire qui poussa Robert Badinter, dès son arrivée au ministère de la Justice en juin 1981, à faire libérer 40 % des détenus, avant d’abolir la peine de mort. Cette mise en cause des puissants, portée par une femme de militaire, a dépassé la détresse d’une veuve. Harmonie Comyn est devenue la porte-voix d’un malheur collectif. Son réquisitoire a rejoint celui des citoyens trahis. Ceux-ci entendent demander des comptes aux irréfléchis qui ont conduit le pays dans cette faiblesse sécuritaire, identitaire, sociale, économique. Le procès des saccageurs est ouvert.

La rébellion des invisibles n’est d’ailleurs pas propre à la France. Le phénomène parcourt l’Occident, dont ses stratèges se sont perdus dans l’autodissolution universaliste et la naïveté face à l’islam remplaciste. Une même colère entraîne Donald Trump vers une possible victoire contre l’establishment américain, en novembre. Lors de son premier discours, le 17 juillet, son colistier, le sénateur J. D. Vance, s’est posé en porte-parole des déclassés. En Allemagne, les victoires de l’AfD en Saxe et en Thuringe, préludes à une envolée de ce mouvement anti-immigration et anti-islam, ont poussé le chancelier Olaf Scholz à réintroduire, le 16 septembre, des contrôles aux neuf frontières du pays. En 2015, Angela Merkel avait été louangée (« Mère Angela ») pour avoir accueilli, dans l’esprit de Maastricht (1992), plus d’un million de réfugiés musulmans, important avec eux l’antisémitisme coranique. En Grande-Bretagne, les émeutes de Southport contre les immigrés, en août, ont révélé l’exaspération d’une population confrontée à un gouvernement conservateur qui a laissé venir en 2023 près de 700 000 exilés ! Le choix de libérer 5 500 prisonniers, afin de faire place aux condamnés des insurrections, va aggraver la rage anglaise. Elle puise aussi sa source dans l’omerta imposée, au nom de l’antiracisme, sur les viols de milliers de jeunes Blanches, à Telford, Rotherham et Rochdale, livrées à des réseaux musulmans pakistanais de 1980 à 2010.

Les faits sont là : le progressisme sectaire et ses utopies sans-frontiéristes s’effondrent. Même l’abbé Pierre, béatifié par le camp du Bien qui connaissait ses vices, se dévoile dans ses turpitudes dénoncées par 24 femmes. C’est la faillite morale des révolutionnaires prolophobes et islamophiles que révèle (enfin !) François Ruffin, député ex-LFI de la Somme, en rompant avec Jean-Luc Mélenchon, dont il rappelle les propos tenus en 2012 à l’encontre des habitants d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) : « On ne comprenait rien à ce qu’ils disaient », « ils transpiraient l’alcool dès le matin », « ils sentaient mauvais », etc. Quand Mélenchon dit, en marge de la manifestation du 7 septembre contre Barnier : « Il faut mobiliser les jeunes et les quartiers populaires, tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps », il confirme son dégoût des Français blancs, pour leur préférer les Maghrébins et les Africains islamisés, invités à construire la France « créolisée ».

Il est possible que l’histoire, conduite depuis cinquante ans sous la tyrannie souriante d’une caste rêvant de village planétaire, aille vers une disparition des autochtones occidentaux : en 2019, les femmes immigrées faisaient en moyenne 3,27 enfants contre 1,66 pour celles nées en France (Nicolas Pouvreau-Monti, Le Figaro, 13 septembre). En attendant, bien des Français bernés ont le sentiment d’avoir à se défendre de leurs dirigeants somnambuliques s’ils veulent survivre et inverser les courbes. Barnier, qui avait promis « des ruptures », a dû laisser une fade Macronie reprendre ses places dans son gouvernement. Ce signal est décevant. Osera-t-il, avec Bruno Retailleau (LR) à l’Intérieur, s’attaquer à l’immigration et à l’islamisme qui menacent la paix civile, ainsi qu’au désendettement de la nation épuisée ? Sans courage, l’échec est inscrit.

L’Europe libertine

Ce qui plaisait à Blanche (2020), de Jean-Paul Enthoven, ressort en Livre de Poche. Les jeux du sexe et du hasard; gain espéré: vivre le plus longtemps dans le désir; piège à éviter: tomber amoureux.


Quelques femmes entrent dans votre vie pour ne plus jamais en sortir, même après leur départ. Blanche est de ces femmes-là. Elle apparaît un soir de lune rousse, dans la chaleur d’un 15 août, à Capri, lors d’une fête organisée par un certain Cornélius qui se prétend descendant de l’illustre Nancy Cunard, la première muse déjantée de Louis Aragon. Parmi la faune cosmopolite invitée, il y a un ministre conseiller à l’ambassade de France à Rome, comme un certain Paul Morand, attaché d’ambassade au Palais Farnèse. C’est le narrateur du roman que nous lisons, dont l’avant-propos signale qu’il est édité par Jean-Paul Enthoven, juste avant qu’il ne quitte son bureau directorial de la rue des Saints-Pères, chez Grasset.

Comme le nom du narrateur reste secret, on se dit qu’il est le double de Jean-Paul Enthoven puisque ce dernier signe l’ouvrage de son nom. Or, dans une présentation vidéo dudit ouvrage, il affirme que le texte n’est pas autobiographique. Disons que l’éditeur a glissé un peu de lui-même dans le récit : goût des femmes fatales, de la littérature, des bains de mer, de l’Italie, avec une prédilection pour l’île de Capri chère à Malaparte…

Le narrateur, esthète en voie d’extinction dans une Europe contaminée par le consumérisme, tombe sous le charme de Blanche, blonde magnétique, veuve, un brin mythomane, reine de bacchanales en robes de soie et masques de dentelle, bisexuelle de choc, « athée de l’amour ». Le narrateur, la cinquantaine triomphante, célibataire, jouisseur désabusé, détesté par son père, car sa femme est morte en le mettant au monde, se résume ainsi : « Je tenais l’amour à distance, je croyais au plaisir, je rencontrais rarement le bonheur. Quant à la joie, je n’en avais qu’une connaissance de seconde main. » Il a le sens de la formule. Exemple, à propos de l’apparition de Blanche : « Cette créature, de toute façon, n’était pas concernée par le temps. » Elle est accompagnée d’une servante soumise, personnage baudelairien, prénommée Zita. Les jeux du sexe et du hasard se mettent en place. Le gain espéré : vivre le plus longtemps dans le désir. Le piège à éviter : tomber amoureux. Blanche et le narrateur entrent dans une danse frénétique et raffinée des corps en liberté. Le narrateur se fait voyeur et tient la main de Blanche quand elle subit les caresses des femmes et les assauts des hommes. Elle parle de cérémonies. Le terme fut employé par Catherine Robbe-Grillet. Mais, ici, les fouets et les objets tranchants restent dans la commode aux accessoires. Le récit n’est pas bataillien, il reste lié au libertinage poudré du XVIIIe siècle. Le narrateur, du reste, se garde bien d’avoir recours à un vocabulaire cru. Ainsi l’élégance du style finit-elle par conquérir le lecteur.

Blanche, qui a le tutoiement déstabilisant, parviendra-t-elle à envoûter définitivement le narrateur ? Ce dernier semble avoir un cœur de bronze. « Orphée ne devait pas regarder Eurydice, et moi je ne devais pas posséder Blanche », dit-il. Le jeu se corse avec l’apparition d’Angie. « C’était une très jeune femme. À peine vingt ans. Aucun maquillage. Aucun bijou. Vêtue d’un jean et d’une chemise de garçon. » Détail piquant : des taches de rousseur apparaissent sur son visage lorsqu’elle prend le soleil.

Le fantôme d’Aragon vient parler au narrateur. Il ne pouvait en être autrement. On pense naturellement au roman Blanche ou l’oubli, dont le narrateur, justement, cite l’incipit : « Il ne suffit pas d’être belle pour qu’un homme s’attache à vous. » Incipit quelque peu déroutant, à l’image du roman. Mais n’est-ce pas le but des extravagants, pour reprendre le mot de Morand, que d’emprunter les voies conduisant aux arrière-mondes ?

Jean-Paul Enthoven, Ce qui plaisait à Blanche, Le Livre de Poche.

Ce qui plaisait à Blanche

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American dystopia

Le cinéma américain s’est toujours nourri des fantasmes d’une société divisée et hyperviolente. À l’approche d’une élection présidentielle que d’aucuns jugent cruciale pour l’avenir du pays, certains films catastrophe trouvent un écho troublant. L’avenir des États-Unis serait-il déjà sur les écrans ?


Fictions ou prophéties ?

En avril 2024 sort sur les écrans du monde entier un audacieux film indépendant américain, sobrement baptisé Civil War, réalisé par l’excellent réalisateur-scénariste britannique Alex Garland. Carton au box-office, ce cauchemar politico-dystopique renouant avec les heures glorieuses des thrillers paranos et conspirationnistes des années 1960/1970 (Un crime dans la tête ; Sept jours en mai ; Conversation secrète ; À cause d’un assassinat…) tout en lorgnant fortement vers Cormac McCarthy (La Route), engrange la bagatelle de 122 millions de dollars de recettes et donne lieu à quantité d’exégèses. Le pitch ? Dans un futur (très) proche, le pays de l’Oncle Sam est fracturé par une nouvelle guerre fratricide suite à la sécession des « Forces de l’Ouest », hallucinante coalition entre la Californie et le Texas, bientôt rejointe par d’autres États « sudistes ». Tous veulent marcher sur Washington D.C. et liquider un président devenu fou et tyrannique, exerçant un troisième mandat consécutif, ayant démantelé le FBI et n’hésitant pas à recourir aux frappes aériennes massives à l’encontre de sa propre population ! Au-delà du sous-texte militaro-politique, l’effort anti-utopique de Garland puise sa force dans la monstration d’une équipée hétéroclite de reporters de guerre menée par une étourdissante Kirsten Dunst. Longs travellings soignés, plans aériens à couper le souffle, alternance de plans larges et de zooms resserrés sur les visages et les corps meurtris et souillés, caméra à l’épaule en mode « media-embedded », le spectateur se voit propulsé sur les routes de la désolation et du désastre entre Brooklyn, lieu d’un attentat-suicide et début de l’étrange road-movie des photojournalistes, et la Maison-Blanche, point terminal de ce voyage au bout de l’enfer. La scène la plus intense demeure sans conteste la confrontation des reporters avec un milicien lourdement armé, aux lunettes rouges « disco », sans doute inspiré des Boogaloo Boys, leur demandant sournoisement à « quelle Amérique » ils appartiennent tout en liquidant d’autres journalistes d’origine étrangère dont les dépouilles sont jetées dans une immense fosse commune déjà bien remplie.

Sur un mode beaucoup plus humoristique et décalé, le génial Joe Dante, papa des Gremlins, nous avait gratifiés en 1997 d’un fort visionnaire The Second Civil War, mixant soap-opéra et politique-fiction. Alors qu’une guerre nucléaire fait rage entre l’Inde et le Pakistan, illustrant au passage les thèses fameuses de Samuel Huntington (Le Choc des civilisations venait de paraître), des milliers de petits réfugiés pakistanais, manipulés par une ONG gauchiste et antifa aux troubles desseins, affluent vers la US Terre promise. Et cela attise de nombreuses tensions dans un pays à la dérive, qui assiste en direct au pourrissement de son melting pot. Le Congrès est ainsi devenu le reflet de la juxtaposition des différents groupes ethniques occupant le pays avec, dorénavant, des représentants imposés, originaires de Corée, de Chine, du Mexique, d’Irlande… et même un leader de la « Nation of Islam », ancien caïd d’un quartier chaud de Los Angeles ! Pour couronner le tout, le gouverneur de l’Idaho, appuyé par des miliciens « patriotes », refuse d’accueillir son quota obligatoire de migrants et décide de fermer ses frontières, déclarant ainsi la guerre à l’État fédéral incarné par un président velléitaire, lui-même contrôlé par son conseiller en communication, lobbyiste obnubilé par les sondages, sous le regard en temps réel de News Net, chaîne d’info en continu racoleuse, petite sœur d’une certaine CNN alors en plein boom.

La révolte de l’homme blanc

« Nous devons tenir bon pour que le fil de la vérité reste tissé dans l’étoffe de la civilisation », disait Eisenhower. Mais de quelle civilisation parle-t-on lorsque des forces hostiles et centrifuges menacent de saper de l’intérieur l’identité d’une nation, fût-elle plurielle et évolutive à travers son histoire ? Et qui se soucie alors de la condition de l’homme blanc de type occidental, ce salary man qui vit modestement, respectant les lois de son pays tout en tentant de préserver un semblant de dignité au quotidien. Il faut voir et revoir l’excellent Chute libre réalisé en 1993 par Joel Schumacher, cinéaste new-yorkais « ultra-droitier » et « réactionnaire », selon les catégorisations imposées par la bien-pensance de la critique dominante. Dans un quartier de Los Angeles écrasé par la chaleur estivale et paralysé par des embouteillages monstres, un employé de bureau lambda incarné par un impeccable Michael Douglas, va, en l’espace d’une journée, appréhender et toucher du doigt les aberrations et les contradictions du système démocratique et consumériste américain, processus heuristique par l’absurde débouchant irrémédiablement sur une aporie individuelle… et une tragédie. Que ce soit face à un épicier coréen atrabilaire et peu reconnaissant, un gang de Chicanos roulant des mécaniques pour marquer son territoire comme le feraient des chiens, de vieux riches désabusés jouant nonchalamment au golf dans une immense propriété, un SDF hippie usurpant l’identité d’un vétéran du Vietnam pour mieux quémander ou encore un néo-nazi homophobe et fan de Zyklon B (incroyable et effrayante prestation de Frederic Forrest), le cri de révolte de notre WASP semble fort légitime et venir du fond des âges…

Mais qui l’entendait vraiment à l’époque ? Et qui peut s’en faire le porte-voix aujourd’hui ? Trente ans après ce film-uppercut qui a valu des tombereaux d’injures à son auteur, force est de constater la brûlante actualité de son propos, a fortiori dans un pays, lointain symbole de liberté et de réussite par le mérite, plus que jamais clivé et fracturé.

Annus horribilis

Si l’opération pagers piégés contre le Hezbollah a été une parenthèse réjouissante dans la guerre menée par Israël, l’onde de choc du 7-Octobre n’en finit pas d’ébranler, au-delà du Proche-Orient, toutes les sociétés occidentales. Cruel paradoxe : le pogrom du Hamas a ravivé l’antisémitisme dans le monde et vaut à l’Etat juif d’être accusé de génocide.


Pendant quelques heures, la guerre a ressemblé à un épisode de Star Wars quand les forces de l’Alliance mettent la pâtée à celles de l’Empire. Les gentils qui tuent (ou blessent) des méchants proprement et, en plus, se foutent de leur gueule. Pénétrer le système de communication de l’ennemi, fabriquer des bombinettes individuelles et en plus les vendre à ceux qu’elles devaient frapper – on espère qu’ils les ont payées : la toile soigneusement tissée par les services de renseignement israéliens pour piéger des milliers de combattants et auxiliaires du Hezbollah, par le truchement de leur pager puis de leur talkie-walkie, sera un jour la trame d’une haletante série Netflix. En attendant, cette opération magistrale a certainement offert à beaucoup d’Israéliens, et à ceux qui, dans le monde, ont le souci d’Israël, leurs premiers instants de joie sans mélange depuis ce funeste samedi. Soudain, les djihadistes associés qui, de Sanaa à Gaza, de Beyrouth à Téhéran, pensent que tuer des juifs est une mission sacrée, n’étaient plus ces ennemis féroces et redoutables, mais des guignols qu’on aurait dit inventés pour stimuler la créativité des rigolos d’internet. La vraie guerre, celle où des avions larguent des bombes, a repris ses droits, avec son cortège de vies innocentes broyées au nom de la tragique nécessité de tuer des enfants pour protéger les siens – nécessité qui ne se justifie que par l’ignominie de combattants planqués parmi les civils et qui doit être mesurée, et éventuellement contestée, à l’aune de chaque situation particulière. On doit en effet pouvoir en même temps dénoncer les crimes du Hamas et des autres et critiquer la conduite de la guerre par Benyamin Nétanyahou.

Cependant, on ne peut pas comprendre ni juger les affrontements en cours sans revenir à l’événement déclencheur et à son « effet de souffle », pour reprendre l’expression de Gilles Kepel[1]. En France et dans l’ensemble de l’Occident, il est à la fois brutal et durable. Kepel observe que le 11-Septembre n’avait pas « brisé le monde occidental », rappelant que Le Monde, « peu suspect d’atlantisme, avait alors intitulé sa une : “Nous sommes tous américains”. Cette solidarité n’a plus cours. La nouvelle razzia, écrit-il, a « fracturé de l’intérieur l’hégémonie de “l’Occident” avec une ampleur inédite. Celui-ci s’est vu diabolisé par ricochet et qualifié dans la foulée par une partie de sa propre jeunesse, de “Nord” haïssable auquel s’opposerait la coalition vertueuse du “Sud Global” ». C’est malheureusement la question juive, ou la question antisémite, qui surgit du cratère fumant, nourrissant en même temps le judéo-centrisme et l’agacement souvent légitime qu’il peut provoquer chez nombre de Français, lesquels peuvent se dire, et à raison, que tout ne tourne pas autour des juifs et d’Israël. Pour la sociologue Eva Illouz, qui publie ces jours-ci un essai à ce sujet, ce que les juifs peuvent espérer de mieux, c’est qu’on arrête de parler d’eux. Sans doute, mais qu’on le veuille ou pas, ces histoires de juifs ne sont pas seulement l’affaire des juifs. « Le 7-Octobre a eu pour effet paradoxal de fermer la parenthèse post-hitlérienne de l’Histoire et de relancer l’antisémitisme partout dans le monde », résume Alain Finkielkraut interrogé dans notre grand dossier À en croire toutes les enquêtes, il imprègne à des degrés divers une bonne partie de la société musulmane européenne, pesant sur les positions de dirigeants qui redoutent de froisser leurs minorités. Cependant, pour Pierre Manent, également présent dans nos pages du numéro d’octobre, « après le 7-Octobre, la question n’est pas seulement l’islam, mais l’existence d’un parti politique démocratique qui a choisi délibérément, gratuitement, de faire de la haine d’Israël au sens large, c’est-à-dire à la fois de l’État d’Israël et du peuple juif, le fédérateur de son projet politique. »

Le renversement est inouï. Pour la première fois depuis la fin du nazisme, une agression génocidaire qui rappelle le nazisme est perpétrée contre des juifs. Et le stigmate « génocide » est retourné contre Israël, accusé de tuer sciemment des civils, sans que quiconque explique par quel moyen plus humain il pourrait garantir à sa population qu’elle ne subira plus jamais ça. Jérôme, un lecteur fidèle, nous reproche de déroger à notre principe de pluralisme et de confrontation aux opinions contraires. « Depuis le 7-Octobre, pas une semaine sans un article défendant Israël ou clouant au pilori la contestation de son action. J’ai l’impression de subir une forme d’endoctrinement à laquelle Causeur ne m’avait pas habitué. Je pense que ce conflit en Israël affecte votre propre rationalité. » Que nos appartenances individuelles pèsent sur notre lecture des événements, c’est indéniable et inévitable. Ceci étant, Jérôme a peut-être raison. Peut-être n’accordons-nous pas assez de place à la critique d’Israël – notre circonstance atténuante étant que la plupart des médias ne s’en privent pas. De plus, à Causeur, la discussion à ce sujet se déroule à l’intérieur de l’« arc sioniste », c’est-à-dire entre gens qui croient à la légitimité de l’État juif. Devrions-nous, par amour de la discorde argumentée, interroger un député insoumis ? Peut-on discuter avec une Rima Hassan ou une Danièle Obono qui ont à peine caché leur joie le 7-Octobre ? De quoi parler, avec quels mots quand, de surcroît, la plupart de ces braillards sont d’une inculture crasse au sujet de cette Palestine qu’ils aiment du fleuve à la mer – sans avoir la moindre idée du fleuve et de la mer dont il est question. Cette digression est un brin oiseuse, dès lors qu’aucun n’accepterait de parler à un média sioniste – entre autres crimes. Même en dehors des cercles militants, Richard Prasquier observe que, depuis le 7-Octobre, des relations se sont tendues, distendues ou rompues. Je ne suis pas sûre qu’un Rony Brauman, l’un des défenseurs les plus civilisés de la cause palestinienne, accepterait aujourd’hui de reprendre notre dialogue d’autrefois. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.

Ne nous racontons pas d’histoires : après Auschwitz, on a fait de la poésie (et beaucoup d’autres choses moins glorieuses), après le 7-Octobre, on continue à vivre, aimer, travailler, consommer. Certains se sont même passionnés pour la composition du gouvernement Barnier. On a dit que plus rien ne serait comme avant et bien sûr beaucoup de choses sont comme avant. Mais quelque chose s’est brisé, qui ne sera peut-être jamais réparé.

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[1] Gilles Kepel, Le Bouleversement du monde, Plon, septembre 2024.

«Queers» palestiniens, salle de prière et soutien à la «résistance armée» dans les locaux historiques de Sorbonne-Nouvelle  

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Meeting des universités avec la Palestine, Paris, 5 septembre 2024. DR.

Une fois les danses folkloriques terminées, des discours beaucoup plus radicaux ont été tenus lors du «meeting des universités avec la Palestine», samedi, à Paris. Nous sommes allés écouter.


Paris, quartier de Censier, samedi soir. Quand beaucoup d’étudiants du quartier latin arrosent leur fin de semaine dans les bars, d’autres se réunissent pour « un meeting des universités avec la Palestine » au bâtiment de la Césure (ancien site de la Sorbonne-Nouvelle, aujourd’hui laissé en friche, il accueille en temps normal des recycleries et expos bobos, des stands Emmaüs ou des brunchs hors de prix). Allégé de quelques euros, fouillé à l’entrée par des jeunes gens un peu gringalets mais cagoulés et tout de noir vêtus, nous retrouvons dans le hall d’accueil l’habituel folklore militant pro-palestinien : des bandes dessinées au titre évocateur « From the river to the sea », des tracts pour la libération du « prisonnier politique » Georges Abdallah, un coin « cuisine palestinienne »… 
La tenancière des fourneaux rafraîchit notre envie de bière : « Je ne pense pas qu’il y ait d’alcool ici ». On se contentera d’un Coca-Cola Palestine, « produit en dehors des zones d’occupation palestinienne ».
La politique est là aussi, bien sûr, avec les stands des associations étudiantes de gauche radicale type FSU ou encore la revue trotskiste Révolution permanente. Côté dress code, les garçons sont venus avec leur keffieh. Et on ne compte pas les jeunes filles voilées.

Femme à barbe, keffiehs et dénonciation du « pinkwashing »

Au fond, un amphithéâtre est reconverti en tribune pour harangues « anti-impérialistes ». Au programme : des témoignages d’étudiants « faisant leur rentrée sous occupation militaire », des intervenants appelant au « boycott académique », et un cours de dabké, une « danse traditionnelle palestinienne ». En guise de bourrée auvergnate, des jeunes gens reproduisent la chorégraphie d’une vidéo YouTube où des Gazaouis dansent « au front des snipers israéliens ». Au micro, les intervenants se succèdent. Les intitulés des conférences sont parfois énigmatiques. 

Trois étudiants, Hamza du collectif « Queers for Palestine, » Mukit, un acteur français, et Riyadh, un étudiant en médecine, dissèquent « la stratégie du gouvernement israélien qui consiste à utiliser les droits LGBT ». Le gouvernement israélien est accusé de présenter son adversaire le Hamas en organisation homophobe. Hamza, un acteur palestinien né en Jordanie et arrivé en France à l’âge de 18 ans, affiche son identité transgenre et queer : il / elle porte la barbe. Pas très bien réveillé (« j’aurais eu besoin d’un café »), l’acteur prend bien soin de ne jamais terminer une seule de ses phrases ; il nous offre-là sûrement une démonstration de sa maîtrise de l’art professionnel de la suspension dramatique… Ces déclarations sont un mélange d’enthousiasme, de complainte et de fatigue (« Cela fait partie du personnage »), mâtiné d’élucubrations (« Il y a des cons et des anges dans chaque pays » (…) Je cherche une vision abstraite de l’être humain où l’identité n’est pas tout »). Car, il en est persuadé : tous les humains s’aiment. La preuve : l’homophobie ne serait pas réservée au seul monde musulman, comme le disent ces méchants Israéliens : « J’ai reçu aussi en France des blagues… qui n’étaient pas toujours de l’humour constructif ». Ryadh, l’étudiant en médecine, théorise : « On est en présence d’une nouvelle dichotomie entre un Occident qui arrive à penser la diversité mais uniquement face à un Orient essentialité ». Arrive quand même une concession : « Il y a certes un problème d’homophobie en Palestine », où des homosexuels sont régulièrement lynchés ou décapités. Un jeune homme en boucles d’oreilles et en keffieh demande comment dans la bataille on peut bien « mettre ça (l’identité queer et palestinienne de Hamza NDLR) en avant » auprès des masses. 

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer: Penser le 7-Octobre en exorciste

Nos intervenants farfelus ont beau rappeler que « l’identité n’est pas tout », elle abonde pourtant partout ailleurs lors de ce rassemblement militant: sur les stands, dans les panoplies vestimentaires ou religieuses des uns et des autres. Et, surtout, dans les discours, qui tous célèbrent cet Orient qu’il ne faudrait pas essentialiser, alors que l’on ne peine jamais à renvoyer l’Occident à son essence supposée « colonialiste, impérialiste et patriarcale ».

Le meilleur pour la fin

La conférence se clôture par une table ronde réunissant un parterre de choix : Rachele Borghi, maitre de conférences en géographie, chercheur et militante de la cause palestinienne, une certaine Janah, étudiante à Sorbonne-Université, et Omar Alsoumi, né d’un père palestinien, diplômé de Sciences-Po, porte-parole de PYM (Palestian Youth Movement), représentant de l’association Boussole Palestine. L’étudiante fulmine contre les « réacs » qui réprimandent la jeunesse pro-palestinienne française dans les médias, à savoir Michel Onfray, Elisabeth Badinter et Anne Sinclair – dont elle fait huer l’âge des dernières : « 76 ans et 80 ans » ! La prof, Rachele Borghi, s’interroge sur le silence des collègues enseignants-chercheurs et s’en prend carrément à l’institution qui la rémunère, « un foyer de production d’ignorance ». 

Parmi les derniers à prendre le micro, enfin, Omar Alsoumi se dit « tenté de sortir du cadre ». Il va tenir parole. Après avoir dénoncé les « intentions génocidaires claires » du gouvernement israélien, il s’en prend aux journalistes (« des salopards » qui présentent les victimes civiles comme des dégâts collatéraux), et adresse des encouragements à « ceux qui prennent les armes pour assumer le risque suprême de leur vie »… Surtout, il développe tout un argumentaire autour de la « violence légitime » :
 « On ne doit pas séparer, on doit articuler de la façon la plus précise possible le soutien à la résistance légitime, y compris armée, du peuple palestinien, et le soutien matériel concret aux Palestiniens (…) On a longtemps présenté en Occident et y compris dans le monde musulman les Palestiniens comme de pauvres victimes et potentiellement comme des mendiants. » Fini le pacifisme, fini la victimisation humanitaire, vive la résistance. Y compris terroriste ? Le propos est un peu ambigu… mais cela n’empêche pas la salle d’applaudir à tout rompre. À ce moment, près de nous, un jeune homme musclé et barbu vient demander qu’on lui indique la salle de prière, installée pour les plus pieux visiteurs. Prescience houellebecquienne : l’Université de la Sorbonne n’est-elle pas le décor du fameux roman Soumission ? 

Penser le 7-Octobre en exorciste

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Jean-Michel Blanquer © Julien FAURE/Leextra via opale.photo

Ce qu’on a vu au lendemain du 11-Septembre et de l’attentat contre Charlie Hebdo se reproduit depuis le 7-Octobre: l’inversion victimaire, la justification de l’horreur. La barbarie terroriste a ravivé l’antisémitisme et la fascination pour le crime de masse. Il faut analyser ce soutien au mal pour mieux défendre notre humanité.


Le XXIe siècle a commencé le 11 septembre 2001. Quand l’horreur s’est abattue sur les États-Unis, on aurait pu s’attendre à une forme d’unanimité mondiale face à la folie meurtrière. De fait, le monde a réagi. Mais très vite, la solidarité a cédé la place à la relativisation. Le schéma en est toujours le même : d’abord « les torts sont un peu partagés », puis « ils ne l’ont pas volé », ensuite « ne l’ont-ils pas déclenché eux-mêmes pour justifier les représailles ? » et enfin « est-ce que ça a vraiment eu lieu ? ». L’inversion victimaire finit en négationnisme. Et l’antisémitisme ne manque jamais de coiffer le tout. Un crime de masse est autre chose qu’un crime. Il dilue la responsabilité. Il cherche à se transformer en acte de guerre, en fait historique. Il change de catégorie. Il permet à certains acteurs de réussir la prouesse de les revendiquer et de les nier dans un même élan, de féliciter Ben Laden et d’y voir un complot de la CIA. À l’ère de la post-vérité, les esprits les plus sombres peuvent goûter à la volupté des noces du sadisme et du mensonge.

Connivences et fenêtre d’Overton

Ces événements terroristes, qui constituent en réalité une catégorie tierce par rapport au crime individuel et à la guerre, cristallisent une série de lois anthropologiques et psychologiques qu’il convient de décrypter si l’on veut essayer de comprendre pourquoi le mal, lorsqu’il se manifeste avec éclat, loin de susciter le rejet général que le sens commun attend, se crée de nouveaux espaces. C’est au prix de ce travail d’élucidation que l’on peut imaginer de futures victoires de la liberté, de la démocratie, de l’humanité. La simple réaction frontale n’est pas suffisante. Si l’on n’entreprend pas cette démarche, on devra constater avec effroi que, à chaque fois, le soutien au mal sera proportionnel à l’ampleur de ce mal initial. Il ne sert à rien de se révolter contre ce scandaleux paradoxe. Il faut en détruire la logique de l’intérieur.

Les attentats que nous avons vécus en France nous ont permis de voir les mêmes processus à l’œuvre. Après le rassemblement de plus de 10 millions de personnes dans toute la France, l’émotion nationale et internationale, les relativisations n’ont pas tardé. Les « Je ne suis pas Charlie » ont fleuri et ont nourri la possibilité d’assumer une forme de connivence avec le crime. Le fameux phénomène dit de la « fenêtre d’Overton » était visible à l’œil nu : les bornes de l’acceptable dans le discours public étaient déplacées. Il y a une sorte de joie mauvaise, d’hubris particulière, pour ceux qui jouissent de voir l’indicible d’hier devenir le dicible d’aujourd’hui. Là où un tel attentat aurait dû faire réaliser davantage le caractère précieux de la liberté d’expression, il a donné au contraire pignon sur rue à ses adversaires. De fausses unanimités éphémères laissent la place à des avancées des stratèges de la barbarie. L’accoutumance à l’horreur ouvre la voie à l’accoutumance au mensonge et vice-versa.

Le 7 octobre représente l’acmé de ces logiques à l’œuvre depuis un quart de siècle. Un événement monstrueux où la commission d’actes barbares a été documentée par les barbares eux-mêmes, loin de faire reculer l’antisémitisme qui en était le moteur (les assassins ne disaient pas qu’ils massacraient des Israéliens, mais bien des juifs), lui a fait gagner de nouvelles forces, de nouveaux horizons. Un pogrom redevenait pensable. Et cela sur la terre même de l’État conçu pour tourner le dos à jamais aux monstruosités des temps anciens.

Barbarie décomplexée

En assumant de perpétrer des horreurs sans limite, des tortures indescriptibles sur des civils sans défense, en revendiquant de tuer des juifs pour tuer des juifs, le plus grand nombre possible et le plus atrocement possible, le Hamas allait plus loin que jamais. Sa logique exterminatrice ne s’accompagne d’aucune honte. Voici venu le temps de la barbarie décomplexée. Et ses soutiens dans le monde, des post-collaborateurs de la post-modernité, ont pu laisser libre cours à un antisémitisme lui aussi décomplexé par la magie de leur bonne conscience. Il est donc devenu possible, après la Shoah, malgré la Shoah, et même à la faveur de la Shoah, de faire semblant de ne pas voir l’antisémitisme quand il montre son visage hideux, de ne pas le dénoncer et même d’en justifier les ressorts et les conséquences.

Le 7 octobre n’est donc pas seulement un événement abominable où l’assassin descend les marches de l’enfer en revendiquant son inhumanité. C’est aussi un « événement total » multidimensionnel et engageant l’humanité entière. Il nous oblige à regarder le mal en face, à comprendre ce qui se joue dans les aveuglements imbéciles ou volontaires. Le 7 octobre est désespérant au titre de la nouvelle transmutation de l’antisémitisme qu’il nous donne à vivre. Mais il est un défi posé à notre conscience. Freud écrivait, dans une réponse à Einstein, publiée sous le titre Pourquoi la guerre ? : « Si la propension à la guerre est un produit de la pulsion destructrice, il y a donc lieu de faire appel à l’adversaire de ce penchant, à l’éros. Tout ce qui engendre, parmi les hommes, des liens de sentiment doit réagir contre la guerre. »

Le 7 octobre est une déclaration de guerre à ce qui fait notre humanité. Ceux qui l’ont permis ou soutenu doivent être combattus jusqu’à leur défaite qui sera une défaite des forces de mort. Mais leur plus grande défaite adviendra lorsque surgiront au cœur même de la Palestine des forces de vie, de démocratie, de concorde, capables de prendre le dessus.

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Francophonie honteuse?

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Dîner du XIXe sommet de la Francophonie au Palais de l'Élysée, 4 octobre 2024 © Eric TSCHAEN -Pool/SIPA

Avec plus de 320 millions de locuteurs, la langue française rayonne à travers le monde. Le président Macron accueillait samedi le 19ᵉ Sommet international de la Francophonie, à Villers-Cotterêts.


Ce week-end – pardon cette fin de semaine – la France accueillait, à Villers-Cotterêts, département de l’Aisne (10 951 habitants dont le gentilé est Cottereziens) le dix-neuvième sommet de la francophonie. Villers-Cotterêts, lieu de naissance d’Alexandre Dumas et de la promulgation du fameux édit faisant du Français la langue administrative officielle du royaume. C’était sous le panache blanc de François 1er, en 1539. En 2024, sous le panache quelque peu défraîchi et déplumé de Macron 1er se tenait donc, en France, pour la première fois depuis trente-trois ans, cette grande assemblée autour de notre patrimoine commun, j’allais écrire notre mère commune, la langue française. Une centaine de délégations d’États et de gouvernements avait fait le voyage de Villers-Cotterets. Pour la plupart de ces gens, ce devait être une découverte, car pour charmante que soit cette localité, elle ne figure pas encore au nombre des sites les plus visités au monde, même après que son château a été si joliment restauré de fond en combles, ce qui aurait coûté un bras selon la rumeur publique. Mais quand on aime on ne compte pas, et Macron 1er aime notre langue. Moins que son épouse, au demeurant, intensément investie, quant à elle, dans le programme Voltaire, ce dont il convient de la féliciter.

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Naïf impénitent, je m’attendais à ce que le service public de radio télévision saisisse l’opportunité qui s’offrait à lui de dédier quelques tranches horaires, quelques soirées, exclusivement à la langue. Des propositions d’émissions qui eussent été le pendant heureux de lectures de textes, de poèmes, de scènes, de morceaux choisis de notre littérature dans les écoles et autres lieux voués à la culture. Monsieur le député Delogu n’attendait que cela, me dit-on, pour offrir quelques démonstrations de récitatif en vers françois du haut-moyen-âge. Perso, j’aurais bien payé pour voir ça ! Hélas, l’occasion ne s’est pas présentée. En effet, le service public – ou sévice public (cela pour piller  sans vergogne le cher William Goldnadel) – ayant décidé de la jouer petit bras, très petit bras, profil bas pour tout dire. Point d’incursion dans la séance du dictionnaire, quai Conti, à l’Académie française. Point de Molière en première partie de soirée, point de lecture de Madame de Sévigné  à l’heure du thé, et même pas de San Antonio ou du Audiard en creux de nuit, à l’heure où tous les chats sont gris et la France joyeuse aussi. Rien de tout cela. Juste un concert sur la trois depuis le château plus crème chantilly que jamais et une délocalisation de l’émission littéraire de la cinq où on célèbre hebdomadairement la littérature propre sur elle.

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Pourquoi tant de discrétion, d’humilité, me direz-vous ? La raison, je le crains, est toute simple. Honteuse, mais toute simple. Célébrer la langue française à son plus beau, à son plus haut, celle du quai Conti, celle des Molière, des La Rochefoucault, des Proust, et de tant d’autres, ce ne peut être qu’honorer la langue de l’abominable dominant blanc, de l’épouvantable négrier, du détestable colonisateur. Alors, mieux vaut s’abstenir, comprenez-vous. On veut bien célébrer la francophonie, certes, mais pas le Français de souche. Quand bien même s’agirait-il, en l’occurrence, de la langue. Voilà, selon moi, toute l’affaire.

Par chance, le manquement s’est trouvé occulté par la disparition brutale d’un excellent comédien, très aimé des Français. Le manquement a été occulté, disais-je, mais aussi la manifestation elle-même pour laquelle nombre de représentants africains avaient fait le déplacement. Or, le défunt célèbre a focalisé sur lui, sur son drame épouvantable, toute la lumière. Blanc, Michel Blanc. C’est son nom… Blanc ! Saperlipopette ! Si j’étais Madame Obono je hurlerais au complot.

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Des manifestations de l’inconscient pour la Palestine

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Manifestation à Paris, 5 octobre 2024 © Vilette / OLA NEWS/SIPA

Si l’on peut légitimement s’émouvoir du sort peu enviable des populations civiles palestiniennes ou libanaises, prises en étau entre terroristes du Hamas ou du Hezbollah et Tsahal, les mouvements de contestation dans nos facs ou dans nos rues révèlent aussi des sentiments plus obscurs.


Des manifestations pour la Palestine ont été organisées à Sciences-Po Paris et dans d’autres établissements d’enseignement supérieur, ou viennent de se tenir pendant le weekend dans la rue. Malgré les rappels du ministre de l’Enseignement supérieur Patrick Hetzel ainsi que de la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon du « caractère inadmissible de tels rassemblements à l’approche de l’anniversaire du 7-Octobre ».  Pour le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, « il n’est pas question de laisser prospérer l’antisémitisme et salir la mémoire des victimes du 7-Octobre. ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon, invite les Français à mettre en place partout où ils le peuvent des drapeaux palestiniens et libanais.

La jeunesse universitaire sommée de soutenir Gaza

Cette dernière prise de position, dans sa radicalité, met en lumière les fractures de la société française en témoignant de l’adhésion de la jeunesse des banlieues islamisées et d’une partie grandissante de la jeunesse éduquée à une cause palestinienne qui n’intéresse que moyennement le reste des Français. Mais comment expliquer le succès de l’entreprise qui se veut révolutionnaire de Jean-Luc Mélenchon et de son parti la France insoumise auprès d’une partie grandissante de la jeunesse universitaire et lycéenne ?

Des jeunes Français qui se disent de gauche ou d’extrême-gauche participent à ces manifestations aux côtés de militants arabes de la cause palestinienne. Pour eux, et en tout cas pour les plus mobilisés d’entre eux, le prolétariat victime du capitalisme, ayant cédé aux sirènes bourgeoises, a perdu son auréole de sainteté, et a été remplacé par le Palestinien, nouveau Christ crucifié… Leur certitude de dénonciation permanente de l’État juif rappelle tristement des thèmes qu’on pensait disparus : le juif assassin de la pureté, le juif tueur d’enfants d’innocents etc…

À la suite du vieil antisémitisme musulman, qui tolère les juifs mais ne les accepte que vaincus et soumis, l’antisémitisme chrétien, endormi depuis la Shoah, et dont Dominique de Villepin est un parfait représentant, s’est réveillé en ne voulant donner à Israël aucun recours contre ses ennemis. Ce nouvel antisémitisme, animé par un pacifisme doucereux et culpabilisant, gourmande Israël pour son militarisme et son nationalisme sans vouloir voir la menace d’anéantissement qui pèse sur lui et à travers lui sur les juifs en Occident, ceux d’Orient ayant été victime d’un nettoyage ethnique absolu et irrémédiable.

Par ailleurs, le conflit intérieur propre à l’intellectuel de gauche du passé se retrouve chez leurs héritiers mélenchonistes et leur fait rejeter ce que Freud appelait leur propre analité et les empêche d’accepter ceux qui font tout pour réussir, c’est-à-dire ceux qui se sont fixés un but et ont accompli toute une succession d’opérations pour y parvenir où se mêlent le courage, l’intelligence, l’efficacité, le réalisme.

Quête de sens

Ainsi, dans l’antisémitisme d’aujourd’hui dont est victime l’État juif qu’on ne tolère que vaincu, diminué et peut-être mort, et à qui on dénie le droit à la victoire et à la puissance souveraine, se mêlent d’obscurs sentiments de jalousie et d’envie. Dans les banlieues, les juifs sont « ceux qui ont tout alors que nous n’avons rien ».  De même, le désir de conquête universelle qu’on a prêté aux juifs depuis leur émancipation au XIXème siècle se retrouve dans les accusations dont est victime Israël, soupçonné de vouloir un grand Israël du Nil à l’Euphrate, et dont les actions de défense contre ses multiples ennemis qui veulent le détruire sont considérées par cet antisémitisme moderne comme autant de preuves de sa malfaisance.

La haine du bourgeois, venant de jeunes bourgeois eux-mêmes, comme ce fut le cas en mai-68, a été complétée par la haine du juif israélien. Ainsi se mélangent chez beaucoup de jeunes occidentaux de façon inextricable des restes de marxisme, de tiers-mondisme, d’antiracisme et de christianisme dévoyé.

Une jeunesse en quête de sens, malmenée par les errements de politiques opaques et par des vies familiales troublées par une crise générale de l’autorité, ne sait plus à quel saint se vouer et cherche un maître, ce qui serait un mauvais signe pour la démocratie.

Megalopolis: le chef d’œuvre qui désarçonne les imbéciles

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© 2024 Caesar Film LLC

Notre chroniqueur n’est apparemment pas sorti indemne de la salle où était projeté Megalopolis, le dernier film de Francis Ford Coppola. Décrié à Cannes par la moitié de la salle, vilipendé par nombre de critiques spécialisés, la fable (c’est son sous-titre explicite) du réalisateur d’Apocalypse now, du Parrain et de tant de chefs-d’œuvre serait-elle le grand film que notre époque attendait — et qu’elle ne sait pas reconnaître ?


À quoi reconnaît-on la prétention et l’incompétence ? À la morgue affirmative qui permet à des petits-maîtres, sous prétexte qu’ils opèrent à Télérama ou dans n’importe quel autre magazine pour bobos incultes et parisiens (pléonasme !) de traîner dans la boue le dernier film de Coppola. « Monumentale mégalomanie », dit l’une ; « cauchemar psychédélique sans queue ni tête », proclame un autre. « Récit boursouflé et confus », jette un troisième. « Opéra bouffi, néopéplum pseudo-philosophique, farce pontifiante », conclut un dernier sycophante.

Soyons bons chrétiens, et ne nommons pas les hilotes qui ont osé écrire de telles âneries. Qu’ils soient critiques de cinéma attitrés de canards par ailleurs estimables signe le déclin intellectuel de nos élites auto-proclamées.

Je dois à la vérité de dire que d’autres ont mieux saisi ce qui se jouait ici. « Magistral », dit l’Huma. « Fresque cinématographique éblouissante », constate le Masque et la plume sur France-Inter. Et Le Dauphiné libéré : « Un film grandiose, chaotique, d’une stupéfiante modernité. »

Les critiques signent surtout leur entêtante inculture. Il n’y a guère que Le Monde qui part des références mâchées et remâchées par Coppola (« de Suétone à Harold Lloyd, en passant par Shakespeare et Fellini » — et ils en oublient, le Faust de Goethe par exemple, dont le héros tente d’arrêter le temps, Verweile doch, du bist so schön — ce que le personnage de Coppola réussit fort bien) pour entrer dans un film qui justement fait le testament d’un monde en miettes…

Notre monde, mais aussi bien la Rome du Ier siècle av. J.C., qui émerge à travers les noms des personnages (Cesar Catilina, Cicero, Crassus et tant d’autres) et des lieux (New Rome, qui est en même temps New York et Gotham), mais aussi dans les discours : la violente diatribe de Cicéron contre Catilina (vous vous rappelez, bien sûr : « Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? quam diu etiam furor iste tuus nos eludet ? quem ad finem sese effrenata iactabit audacia ? » — je n’ai bien sûr pas besoin de traduire)  est en grande partie restituée (mais qui, parmi nos « critiques éclairés », a fait de vraies études ?) et en même temps amalgamée à une intrigue qui est une « fable », c’est-à-dire un récit symbolique pour réveiller les peuples.

Il est en tout cas une référence que seul Christophe Bourseiller, me semble-t-il, a relevée, c’est Le Rebelle, de King Vidor, adaptation d’un roman de Ayn Rand intitulé La Source vive. Rand est la romancière-culte de tout ce que l’Amérique compte encore d’esprits sains (lire La Vertu d’égoïsme, dans ses essais, et La Grève, parmi ses romans). Dans Le Rebelle, c’est Gary Cooper qui personnifie l’architecte (la profession de Catilina / Adam Driver dans Megalopolis) désireux de rebâtir notre monde.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit : notre civilisation s’écroule sous les coups des politiciens de faible envergure et de petite race, il faut la reconstruire complètement — c’est tout le projet de cette utopie / uchronie bouleversante.

Encore faut-il rebâtir le cinéma. D’où le jeu de Coppola qui ré-emploie quelques-uns de ses plus vieux acteurs (Laurence Fishburne, le soldat longiligne d’Apocalypse now, Giancarlo Esposito, vu dans Cotton Club, ou Talia Shire, l’une des filles du Parrain), couplés avec des légendes hollywoodienne — Jon Voight rescapé de Delivrance et de Runaway Train, ou Dustin Hoffman, méconnaissable —, et brassés avec une nouvelle génération — Shia LaBeouf, odieux comme d’habitude, et une palanquée de petits jeunes mâles et femelles, en une chorégraphie baroque morbide et endiablée.

© Phil Laruso – 2024 Caesar Film LLC

Ce qui se joue dans cet opéra insensé, c’est le destin de notre république et de toute notre civilisation — les allusions aux émeutes qui ont suivi l’échec de Trump en 2020 sont limpides. Il faut un visionnaire. Et Catilina en est un, un quasi-messie qui survit à sa propre mort.
En fait, c’est un film d’où vous sortez ébloui, et immédiatement convaincu qu’il faut aller le revoir, tant chaque image est riche de possibilités. Tant cet octogénaire réinvente l’avant-garde.

Evidemment, vous pouvez vous contenter de Justine Triet et Annie Ernaux, ou telle autre demi-pointure qui serait ce que la France produirait de mieux à cet instant tragique de son histoire. Coppola n’est pas pour les estomacs rétrécis par l’abus de boulgour et les cerveaux anesthésiés par la prolifération des minables qui n’existent que parce qu’on leur tend un micro. Il filme pour les temps à venir — quand un nouveau César émergera du présent cloaque.

2h18

La berline française se fait la malle

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Publicité pour la Peugeot 404, 1966. DR.

Dans l’indifférence médiatique, la carrosserie dite « berline » disparaît des catalogues de nos constructeurs français (et bientôt des marques étrangères). Que dit cette extinction sur nos mœurs automobiles ?


Voilà, c’est fini. Dans le silence général. Elle s’en va. Sans se retourner. Sans un mot. Elle qui a soutenu une industrie, des emplois, une histoire, des identités ancrées dans nos mémoires part, le sentiment d’avoir accompli sa mission « civilisatrice » débutée, il y a si longtemps, aux lueurs du XXème siècle. On ne lui épinglera aucune breloque sur son pare-brise, elle n’aura pas droit à la cour des Invalides et à la Garde républicaine. Elle ne sera pas invitée à l’Élysée pour un dernier pot d’adieu. Digne, elle quitte nos terres ouvrières pour le paradis des ferrailles oubliées. Elle va nous manquer. Nous avons tant de souvenirs avec elle.

Enfant, dès la maternelle, quand nous avons eu un feutre de couleur dans la main, d’instinct, naturellement, nous l’avons dessinée maladroitement, grossièrement. Elle était l’archétype de la voiture dotée de quatre portes, quatre roues et d’un coffre. Cette malle arrière était sa différence à elle, avant l’apparition des hayons et la prolifération des SUV pachydermiques.

A lire aussi, du même auteur: Mon clocher, ma bataille

Cette protubérance de son squelette était sa signature stylistique comme la capote en toile incarne le véritable cabriolet. Elle était classique dans sa forme et dans sa fonction, donc essentielle à nos routes sentimentales. La presse spécialisée est la seule à s’être alarmée de la fin d’une époque ; les autres, contents et amnésiques, n’ont même pas porté une gerbe sur sa stèle. Ils la détestent comme ils détestent toutes les voitures. Ils seront rassasiés, le jour de l’éradication de cette espèce. La berline traditionnelle a, semble-t-il, fini par lasser les acheteurs qui ont refusé en bloc son classicisme de bon aloi. Elle était trop académique, trop sérieuse, trop « vieille France », trop sage, trop subtile peut-être pour des automobilistes aveuglés par les sirènes de la modularité et de la connectivité.

Ces nouveaux conducteurs grégaires veulent voir absolument la vie d’en haut, surplomber les autres et posséder un volume de chargement démentiel. À trop vouloir montrer leurs muscles, ils nous révèlent leurs failles narcissiques. La berline demande un savoir-vivre, une pondération, une sorte d’équilibre entre l’homme et la machine, une harmonie qui n’est plus compréhensible de nos jours. Cette carrosserie ne jurerait ni par ses dimensions et ni par sa fausse originalité. Pour apprécier la ligne placide et discrète d’une berline, il faut une culture et des références, ne pas être l’esclave des modes. Sa lente extinction n’est pas un fait si récent, elle remonte à quelques années. Sur notre vieux continent, elle était mal-aimée, « chambrée », moquée, fossilisée pour son manque d’audace. Sa terne attitude, malgré ses grandes qualités routières, n’était plus tolérée dans une société de l’épate visuelle. On disait qu’ailleurs, sur les marchés émergents, notamment en Asie, elle gardait son aura. Là-bas aussi, les voitures hautes, lourdes et larges ont eu sa peau, de Pékin à Sochaux, de Detroit à Billancourt. Le phénomène est international, inarrêtable, c’est une vague, tous les constructeurs abandonnent peu à peu ce morphotype comme ils ont tourné le dos aux motorisations aristocratiques, nos chers V12 atmosphériques et V6 enchanteurs. Dans ce changement de paradigme comme disent les experts des cabinets, on peut y voir l’évolution du genre automobile et le sain renouvellement des gammes. Nous avons bien abandonné le phaéton et le landaulet par le passé, alors pourquoi pas la berline ?

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La nostalgie n’est pas un ressassement plaintif. Elle est vitalité et permanence de l’imaginaire. En cette année 2024 où l’on célèbre les 70 ans de la parution de Bonjour tristesse et les 20 ans de la mort de Françoise Sagan, l’écrivain du frisson de la vitesse et de la déchirante solitude, on se souvient qu’au temps lointain des Renault Frégate et des Simca Chambord, dans ces rondouillardes années 1950, une jeune fille de bonne famille, sœur jumelle de BB, allait embraser la littérature de sa prose épidermiquement assassine. La légende raconte qu’elle avait emprunté la grosse américaine de son père pour aller signer son contrat chez Julliard, elle n’avait alors pas le permis de conduire. Quand je pense aux berlines, je pense à Françoise qui pourtant préférait les voitures de sport aux familiales. C’est un monde qui s’écroule. Nos berlines, bijoux de notre patrimoine, s’appelaient 404, 504, DS, Tagora ou Facel Excellence. On les regrette déjà.

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Le procès des saccageurs est ouvert

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DR.

La crise démocratique amorcée en 2005 a contaminé la classe dirigeante. Le destin de la France ne peut être abandonné aux idéologues d’un monde plat et indifférencié. Seuls les Français ordinaires, en passe de se libérer des fanatiques du grand marché uniformisé, ont conservé l’instinct de survie.


Michel Barnier résistera-t-il longtemps à la colère française ? Elle s’alimente d’un demi-siècle de maltraitance infligée à la classe moyenne par des dirigeants convertis à la révolution mondialiste, et celle-ci rend l’âme. La constitution du gouvernement, le 21 septembre, autour des perdants des législatives (la Macronie, les LR) ne calmera évidemment pas les frustrations des citoyens méprisés. D’autant qu’une partie des 47 députés LR affiliés au Premier ministre ont été élus avec l’appui de la gauche, à l’issue d’un front anti-RN qui n’a réussi, en boomerang, qu’à introniser Marine Le Pen en arbitre de la vie politique. Comment croire que les quelque 11 millions d’électeurs qui ont voté pour le Rassemblement national aux législatives, et les 7 millions qui ont choisi le Nouveau Front populaire, puissent accepter d’être écartés par une coalition de coucous, ces oiseaux qui pondent dans le nid des autres ?

La crise démocratique, amorcée en 2005 avec le refus des élites postnationales de suivre les citoyens dans leur rejet par référendum d’une suprématie européenne, est un poison qui a contaminé la classe dirigeante. La clé du destin de la France ne peut être chez les idéologues d’un monde plat et indifférencié. Seuls les Français ordinaires, en passe de se libérer des fanatiques du grand marché uniformisé, ont conservé l’instinct de survie. La gauche a reproché à Barnier, lors de sa passation de pouvoir le 5 septembre, d’avoir parlé des « gens d’en bas » dont il disait vouloir entendre les suggestions. Les lyncheurs habituels ont feint d’y voir un mépris de classe. En réalité, c’est cette nation vulnérable des modestes et des parias, abandonnés par le progressisme déraciné au profit des minorités exotiques, qui a lancé la révolte contre ceux d’en haut.

Cette colère française, qui réveille des esprits anesthésiés par la morphine des faux humanistes, a pris le visage d’une femme en larmes accusant ses bourreaux : Harmonie Comyn, la femme d’Éric Comyn, officier de gendarmerie tué par un chauffard multirécidiviste cap-verdien lors d’un contrôle routier à Mougins (Alpes-Maritimes) après un refus d’obtempérer. Le 29 août, lors de l’hommage à son mari, l’épouse a dénoncé l’abandon de l’État, cette lâcheté ressentie par beaucoup : « La France a tué mon mari, par son insuffisance, son laxisme et son esprit de tolérance. » Pour elle, « 1981 n’aurait jamais dû exister », c’est-à-dire l’avènement de l’angélisme humanitaire qui poussa Robert Badinter, dès son arrivée au ministère de la Justice en juin 1981, à faire libérer 40 % des détenus, avant d’abolir la peine de mort. Cette mise en cause des puissants, portée par une femme de militaire, a dépassé la détresse d’une veuve. Harmonie Comyn est devenue la porte-voix d’un malheur collectif. Son réquisitoire a rejoint celui des citoyens trahis. Ceux-ci entendent demander des comptes aux irréfléchis qui ont conduit le pays dans cette faiblesse sécuritaire, identitaire, sociale, économique. Le procès des saccageurs est ouvert.

La rébellion des invisibles n’est d’ailleurs pas propre à la France. Le phénomène parcourt l’Occident, dont ses stratèges se sont perdus dans l’autodissolution universaliste et la naïveté face à l’islam remplaciste. Une même colère entraîne Donald Trump vers une possible victoire contre l’establishment américain, en novembre. Lors de son premier discours, le 17 juillet, son colistier, le sénateur J. D. Vance, s’est posé en porte-parole des déclassés. En Allemagne, les victoires de l’AfD en Saxe et en Thuringe, préludes à une envolée de ce mouvement anti-immigration et anti-islam, ont poussé le chancelier Olaf Scholz à réintroduire, le 16 septembre, des contrôles aux neuf frontières du pays. En 2015, Angela Merkel avait été louangée (« Mère Angela ») pour avoir accueilli, dans l’esprit de Maastricht (1992), plus d’un million de réfugiés musulmans, important avec eux l’antisémitisme coranique. En Grande-Bretagne, les émeutes de Southport contre les immigrés, en août, ont révélé l’exaspération d’une population confrontée à un gouvernement conservateur qui a laissé venir en 2023 près de 700 000 exilés ! Le choix de libérer 5 500 prisonniers, afin de faire place aux condamnés des insurrections, va aggraver la rage anglaise. Elle puise aussi sa source dans l’omerta imposée, au nom de l’antiracisme, sur les viols de milliers de jeunes Blanches, à Telford, Rotherham et Rochdale, livrées à des réseaux musulmans pakistanais de 1980 à 2010.

Les faits sont là : le progressisme sectaire et ses utopies sans-frontiéristes s’effondrent. Même l’abbé Pierre, béatifié par le camp du Bien qui connaissait ses vices, se dévoile dans ses turpitudes dénoncées par 24 femmes. C’est la faillite morale des révolutionnaires prolophobes et islamophiles que révèle (enfin !) François Ruffin, député ex-LFI de la Somme, en rompant avec Jean-Luc Mélenchon, dont il rappelle les propos tenus en 2012 à l’encontre des habitants d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) : « On ne comprenait rien à ce qu’ils disaient », « ils transpiraient l’alcool dès le matin », « ils sentaient mauvais », etc. Quand Mélenchon dit, en marge de la manifestation du 7 septembre contre Barnier : « Il faut mobiliser les jeunes et les quartiers populaires, tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps », il confirme son dégoût des Français blancs, pour leur préférer les Maghrébins et les Africains islamisés, invités à construire la France « créolisée ».

Il est possible que l’histoire, conduite depuis cinquante ans sous la tyrannie souriante d’une caste rêvant de village planétaire, aille vers une disparition des autochtones occidentaux : en 2019, les femmes immigrées faisaient en moyenne 3,27 enfants contre 1,66 pour celles nées en France (Nicolas Pouvreau-Monti, Le Figaro, 13 septembre). En attendant, bien des Français bernés ont le sentiment d’avoir à se défendre de leurs dirigeants somnambuliques s’ils veulent survivre et inverser les courbes. Barnier, qui avait promis « des ruptures », a dû laisser une fade Macronie reprendre ses places dans son gouvernement. Ce signal est décevant. Osera-t-il, avec Bruno Retailleau (LR) à l’Intérieur, s’attaquer à l’immigration et à l’islamisme qui menacent la paix civile, ainsi qu’au désendettement de la nation épuisée ? Sans courage, l’échec est inscrit.

L’Europe libertine

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L'écrivain français Jean-Paul Enthoven au micro de RCJ. Capture YouTube.

Ce qui plaisait à Blanche (2020), de Jean-Paul Enthoven, ressort en Livre de Poche. Les jeux du sexe et du hasard; gain espéré: vivre le plus longtemps dans le désir; piège à éviter: tomber amoureux.


Quelques femmes entrent dans votre vie pour ne plus jamais en sortir, même après leur départ. Blanche est de ces femmes-là. Elle apparaît un soir de lune rousse, dans la chaleur d’un 15 août, à Capri, lors d’une fête organisée par un certain Cornélius qui se prétend descendant de l’illustre Nancy Cunard, la première muse déjantée de Louis Aragon. Parmi la faune cosmopolite invitée, il y a un ministre conseiller à l’ambassade de France à Rome, comme un certain Paul Morand, attaché d’ambassade au Palais Farnèse. C’est le narrateur du roman que nous lisons, dont l’avant-propos signale qu’il est édité par Jean-Paul Enthoven, juste avant qu’il ne quitte son bureau directorial de la rue des Saints-Pères, chez Grasset.

Comme le nom du narrateur reste secret, on se dit qu’il est le double de Jean-Paul Enthoven puisque ce dernier signe l’ouvrage de son nom. Or, dans une présentation vidéo dudit ouvrage, il affirme que le texte n’est pas autobiographique. Disons que l’éditeur a glissé un peu de lui-même dans le récit : goût des femmes fatales, de la littérature, des bains de mer, de l’Italie, avec une prédilection pour l’île de Capri chère à Malaparte…

Le narrateur, esthète en voie d’extinction dans une Europe contaminée par le consumérisme, tombe sous le charme de Blanche, blonde magnétique, veuve, un brin mythomane, reine de bacchanales en robes de soie et masques de dentelle, bisexuelle de choc, « athée de l’amour ». Le narrateur, la cinquantaine triomphante, célibataire, jouisseur désabusé, détesté par son père, car sa femme est morte en le mettant au monde, se résume ainsi : « Je tenais l’amour à distance, je croyais au plaisir, je rencontrais rarement le bonheur. Quant à la joie, je n’en avais qu’une connaissance de seconde main. » Il a le sens de la formule. Exemple, à propos de l’apparition de Blanche : « Cette créature, de toute façon, n’était pas concernée par le temps. » Elle est accompagnée d’une servante soumise, personnage baudelairien, prénommée Zita. Les jeux du sexe et du hasard se mettent en place. Le gain espéré : vivre le plus longtemps dans le désir. Le piège à éviter : tomber amoureux. Blanche et le narrateur entrent dans une danse frénétique et raffinée des corps en liberté. Le narrateur se fait voyeur et tient la main de Blanche quand elle subit les caresses des femmes et les assauts des hommes. Elle parle de cérémonies. Le terme fut employé par Catherine Robbe-Grillet. Mais, ici, les fouets et les objets tranchants restent dans la commode aux accessoires. Le récit n’est pas bataillien, il reste lié au libertinage poudré du XVIIIe siècle. Le narrateur, du reste, se garde bien d’avoir recours à un vocabulaire cru. Ainsi l’élégance du style finit-elle par conquérir le lecteur.

Blanche, qui a le tutoiement déstabilisant, parviendra-t-elle à envoûter définitivement le narrateur ? Ce dernier semble avoir un cœur de bronze. « Orphée ne devait pas regarder Eurydice, et moi je ne devais pas posséder Blanche », dit-il. Le jeu se corse avec l’apparition d’Angie. « C’était une très jeune femme. À peine vingt ans. Aucun maquillage. Aucun bijou. Vêtue d’un jean et d’une chemise de garçon. » Détail piquant : des taches de rousseur apparaissent sur son visage lorsqu’elle prend le soleil.

Le fantôme d’Aragon vient parler au narrateur. Il ne pouvait en être autrement. On pense naturellement au roman Blanche ou l’oubli, dont le narrateur, justement, cite l’incipit : « Il ne suffit pas d’être belle pour qu’un homme s’attache à vous. » Incipit quelque peu déroutant, à l’image du roman. Mais n’est-ce pas le but des extravagants, pour reprendre le mot de Morand, que d’emprunter les voies conduisant aux arrière-mondes ?

Jean-Paul Enthoven, Ce qui plaisait à Blanche, Le Livre de Poche.

Ce qui plaisait à Blanche

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American dystopia

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© Civil War, un thriller dystopique d'Alex Garland (2024) A 24/DCM

Le cinéma américain s’est toujours nourri des fantasmes d’une société divisée et hyperviolente. À l’approche d’une élection présidentielle que d’aucuns jugent cruciale pour l’avenir du pays, certains films catastrophe trouvent un écho troublant. L’avenir des États-Unis serait-il déjà sur les écrans ?


Fictions ou prophéties ?

En avril 2024 sort sur les écrans du monde entier un audacieux film indépendant américain, sobrement baptisé Civil War, réalisé par l’excellent réalisateur-scénariste britannique Alex Garland. Carton au box-office, ce cauchemar politico-dystopique renouant avec les heures glorieuses des thrillers paranos et conspirationnistes des années 1960/1970 (Un crime dans la tête ; Sept jours en mai ; Conversation secrète ; À cause d’un assassinat…) tout en lorgnant fortement vers Cormac McCarthy (La Route), engrange la bagatelle de 122 millions de dollars de recettes et donne lieu à quantité d’exégèses. Le pitch ? Dans un futur (très) proche, le pays de l’Oncle Sam est fracturé par une nouvelle guerre fratricide suite à la sécession des « Forces de l’Ouest », hallucinante coalition entre la Californie et le Texas, bientôt rejointe par d’autres États « sudistes ». Tous veulent marcher sur Washington D.C. et liquider un président devenu fou et tyrannique, exerçant un troisième mandat consécutif, ayant démantelé le FBI et n’hésitant pas à recourir aux frappes aériennes massives à l’encontre de sa propre population ! Au-delà du sous-texte militaro-politique, l’effort anti-utopique de Garland puise sa force dans la monstration d’une équipée hétéroclite de reporters de guerre menée par une étourdissante Kirsten Dunst. Longs travellings soignés, plans aériens à couper le souffle, alternance de plans larges et de zooms resserrés sur les visages et les corps meurtris et souillés, caméra à l’épaule en mode « media-embedded », le spectateur se voit propulsé sur les routes de la désolation et du désastre entre Brooklyn, lieu d’un attentat-suicide et début de l’étrange road-movie des photojournalistes, et la Maison-Blanche, point terminal de ce voyage au bout de l’enfer. La scène la plus intense demeure sans conteste la confrontation des reporters avec un milicien lourdement armé, aux lunettes rouges « disco », sans doute inspiré des Boogaloo Boys, leur demandant sournoisement à « quelle Amérique » ils appartiennent tout en liquidant d’autres journalistes d’origine étrangère dont les dépouilles sont jetées dans une immense fosse commune déjà bien remplie.

Sur un mode beaucoup plus humoristique et décalé, le génial Joe Dante, papa des Gremlins, nous avait gratifiés en 1997 d’un fort visionnaire The Second Civil War, mixant soap-opéra et politique-fiction. Alors qu’une guerre nucléaire fait rage entre l’Inde et le Pakistan, illustrant au passage les thèses fameuses de Samuel Huntington (Le Choc des civilisations venait de paraître), des milliers de petits réfugiés pakistanais, manipulés par une ONG gauchiste et antifa aux troubles desseins, affluent vers la US Terre promise. Et cela attise de nombreuses tensions dans un pays à la dérive, qui assiste en direct au pourrissement de son melting pot. Le Congrès est ainsi devenu le reflet de la juxtaposition des différents groupes ethniques occupant le pays avec, dorénavant, des représentants imposés, originaires de Corée, de Chine, du Mexique, d’Irlande… et même un leader de la « Nation of Islam », ancien caïd d’un quartier chaud de Los Angeles ! Pour couronner le tout, le gouverneur de l’Idaho, appuyé par des miliciens « patriotes », refuse d’accueillir son quota obligatoire de migrants et décide de fermer ses frontières, déclarant ainsi la guerre à l’État fédéral incarné par un président velléitaire, lui-même contrôlé par son conseiller en communication, lobbyiste obnubilé par les sondages, sous le regard en temps réel de News Net, chaîne d’info en continu racoleuse, petite sœur d’une certaine CNN alors en plein boom.

La révolte de l’homme blanc

« Nous devons tenir bon pour que le fil de la vérité reste tissé dans l’étoffe de la civilisation », disait Eisenhower. Mais de quelle civilisation parle-t-on lorsque des forces hostiles et centrifuges menacent de saper de l’intérieur l’identité d’une nation, fût-elle plurielle et évolutive à travers son histoire ? Et qui se soucie alors de la condition de l’homme blanc de type occidental, ce salary man qui vit modestement, respectant les lois de son pays tout en tentant de préserver un semblant de dignité au quotidien. Il faut voir et revoir l’excellent Chute libre réalisé en 1993 par Joel Schumacher, cinéaste new-yorkais « ultra-droitier » et « réactionnaire », selon les catégorisations imposées par la bien-pensance de la critique dominante. Dans un quartier de Los Angeles écrasé par la chaleur estivale et paralysé par des embouteillages monstres, un employé de bureau lambda incarné par un impeccable Michael Douglas, va, en l’espace d’une journée, appréhender et toucher du doigt les aberrations et les contradictions du système démocratique et consumériste américain, processus heuristique par l’absurde débouchant irrémédiablement sur une aporie individuelle… et une tragédie. Que ce soit face à un épicier coréen atrabilaire et peu reconnaissant, un gang de Chicanos roulant des mécaniques pour marquer son territoire comme le feraient des chiens, de vieux riches désabusés jouant nonchalamment au golf dans une immense propriété, un SDF hippie usurpant l’identité d’un vétéran du Vietnam pour mieux quémander ou encore un néo-nazi homophobe et fan de Zyklon B (incroyable et effrayante prestation de Frederic Forrest), le cri de révolte de notre WASP semble fort légitime et venir du fond des âges…

Mais qui l’entendait vraiment à l’époque ? Et qui peut s’en faire le porte-voix aujourd’hui ? Trente ans après ce film-uppercut qui a valu des tombereaux d’injures à son auteur, force est de constater la brûlante actualité de son propos, a fortiori dans un pays, lointain symbole de liberté et de réussite par le mérite, plus que jamais clivé et fracturé.

Annus horribilis

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Un panneau commémoratif des victimes et des personnes kidnappées lors de l'attaque du Hamas au festival de musique Nova, dans le sud d'Israël, le 19 septembre 2024 © Nir Alon/ZUMA Press Wire/Shutter/SIPA

Si l’opération pagers piégés contre le Hezbollah a été une parenthèse réjouissante dans la guerre menée par Israël, l’onde de choc du 7-Octobre n’en finit pas d’ébranler, au-delà du Proche-Orient, toutes les sociétés occidentales. Cruel paradoxe : le pogrom du Hamas a ravivé l’antisémitisme dans le monde et vaut à l’Etat juif d’être accusé de génocide.


Pendant quelques heures, la guerre a ressemblé à un épisode de Star Wars quand les forces de l’Alliance mettent la pâtée à celles de l’Empire. Les gentils qui tuent (ou blessent) des méchants proprement et, en plus, se foutent de leur gueule. Pénétrer le système de communication de l’ennemi, fabriquer des bombinettes individuelles et en plus les vendre à ceux qu’elles devaient frapper – on espère qu’ils les ont payées : la toile soigneusement tissée par les services de renseignement israéliens pour piéger des milliers de combattants et auxiliaires du Hezbollah, par le truchement de leur pager puis de leur talkie-walkie, sera un jour la trame d’une haletante série Netflix. En attendant, cette opération magistrale a certainement offert à beaucoup d’Israéliens, et à ceux qui, dans le monde, ont le souci d’Israël, leurs premiers instants de joie sans mélange depuis ce funeste samedi. Soudain, les djihadistes associés qui, de Sanaa à Gaza, de Beyrouth à Téhéran, pensent que tuer des juifs est une mission sacrée, n’étaient plus ces ennemis féroces et redoutables, mais des guignols qu’on aurait dit inventés pour stimuler la créativité des rigolos d’internet. La vraie guerre, celle où des avions larguent des bombes, a repris ses droits, avec son cortège de vies innocentes broyées au nom de la tragique nécessité de tuer des enfants pour protéger les siens – nécessité qui ne se justifie que par l’ignominie de combattants planqués parmi les civils et qui doit être mesurée, et éventuellement contestée, à l’aune de chaque situation particulière. On doit en effet pouvoir en même temps dénoncer les crimes du Hamas et des autres et critiquer la conduite de la guerre par Benyamin Nétanyahou.

Cependant, on ne peut pas comprendre ni juger les affrontements en cours sans revenir à l’événement déclencheur et à son « effet de souffle », pour reprendre l’expression de Gilles Kepel[1]. En France et dans l’ensemble de l’Occident, il est à la fois brutal et durable. Kepel observe que le 11-Septembre n’avait pas « brisé le monde occidental », rappelant que Le Monde, « peu suspect d’atlantisme, avait alors intitulé sa une : “Nous sommes tous américains”. Cette solidarité n’a plus cours. La nouvelle razzia, écrit-il, a « fracturé de l’intérieur l’hégémonie de “l’Occident” avec une ampleur inédite. Celui-ci s’est vu diabolisé par ricochet et qualifié dans la foulée par une partie de sa propre jeunesse, de “Nord” haïssable auquel s’opposerait la coalition vertueuse du “Sud Global” ». C’est malheureusement la question juive, ou la question antisémite, qui surgit du cratère fumant, nourrissant en même temps le judéo-centrisme et l’agacement souvent légitime qu’il peut provoquer chez nombre de Français, lesquels peuvent se dire, et à raison, que tout ne tourne pas autour des juifs et d’Israël. Pour la sociologue Eva Illouz, qui publie ces jours-ci un essai à ce sujet, ce que les juifs peuvent espérer de mieux, c’est qu’on arrête de parler d’eux. Sans doute, mais qu’on le veuille ou pas, ces histoires de juifs ne sont pas seulement l’affaire des juifs. « Le 7-Octobre a eu pour effet paradoxal de fermer la parenthèse post-hitlérienne de l’Histoire et de relancer l’antisémitisme partout dans le monde », résume Alain Finkielkraut interrogé dans notre grand dossier À en croire toutes les enquêtes, il imprègne à des degrés divers une bonne partie de la société musulmane européenne, pesant sur les positions de dirigeants qui redoutent de froisser leurs minorités. Cependant, pour Pierre Manent, également présent dans nos pages du numéro d’octobre, « après le 7-Octobre, la question n’est pas seulement l’islam, mais l’existence d’un parti politique démocratique qui a choisi délibérément, gratuitement, de faire de la haine d’Israël au sens large, c’est-à-dire à la fois de l’État d’Israël et du peuple juif, le fédérateur de son projet politique. »

Le renversement est inouï. Pour la première fois depuis la fin du nazisme, une agression génocidaire qui rappelle le nazisme est perpétrée contre des juifs. Et le stigmate « génocide » est retourné contre Israël, accusé de tuer sciemment des civils, sans que quiconque explique par quel moyen plus humain il pourrait garantir à sa population qu’elle ne subira plus jamais ça. Jérôme, un lecteur fidèle, nous reproche de déroger à notre principe de pluralisme et de confrontation aux opinions contraires. « Depuis le 7-Octobre, pas une semaine sans un article défendant Israël ou clouant au pilori la contestation de son action. J’ai l’impression de subir une forme d’endoctrinement à laquelle Causeur ne m’avait pas habitué. Je pense que ce conflit en Israël affecte votre propre rationalité. » Que nos appartenances individuelles pèsent sur notre lecture des événements, c’est indéniable et inévitable. Ceci étant, Jérôme a peut-être raison. Peut-être n’accordons-nous pas assez de place à la critique d’Israël – notre circonstance atténuante étant que la plupart des médias ne s’en privent pas. De plus, à Causeur, la discussion à ce sujet se déroule à l’intérieur de l’« arc sioniste », c’est-à-dire entre gens qui croient à la légitimité de l’État juif. Devrions-nous, par amour de la discorde argumentée, interroger un député insoumis ? Peut-on discuter avec une Rima Hassan ou une Danièle Obono qui ont à peine caché leur joie le 7-Octobre ? De quoi parler, avec quels mots quand, de surcroît, la plupart de ces braillards sont d’une inculture crasse au sujet de cette Palestine qu’ils aiment du fleuve à la mer – sans avoir la moindre idée du fleuve et de la mer dont il est question. Cette digression est un brin oiseuse, dès lors qu’aucun n’accepterait de parler à un média sioniste – entre autres crimes. Même en dehors des cercles militants, Richard Prasquier observe que, depuis le 7-Octobre, des relations se sont tendues, distendues ou rompues. Je ne suis pas sûre qu’un Rony Brauman, l’un des défenseurs les plus civilisés de la cause palestinienne, accepterait aujourd’hui de reprendre notre dialogue d’autrefois. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.

Ne nous racontons pas d’histoires : après Auschwitz, on a fait de la poésie (et beaucoup d’autres choses moins glorieuses), après le 7-Octobre, on continue à vivre, aimer, travailler, consommer. Certains se sont même passionnés pour la composition du gouvernement Barnier. On a dit que plus rien ne serait comme avant et bien sûr beaucoup de choses sont comme avant. Mais quelque chose s’est brisé, qui ne sera peut-être jamais réparé.

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[1] Gilles Kepel, Le Bouleversement du monde, Plon, septembre 2024.