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Le vol est puni!

Bill Skarsgard (“Ça”) va vite regretter de s’en être pris à la voiture d’Anthony Hopkins


Depuis Le Silence des agneaux, Hannibal et j’en passe, Sir Anthony Hopkins n’a même plus besoin de montrer son vieux masque raviné par l’âge (l’acteur British naturalisé américain a tout de même franchi le cap des 87 ans) : sa voix inimitable suffit à donner le frisson. Piégé (titre original, Locked) dure depuis plusieurs quarts d’heure, et toujours pas de Hopkins à l’image : juste le son. Se fera-t-il attendre jusqu’à la fin du film ? Premier suspense, en creux.

La main dans le sac

Dans une métropole américaine absolument sinistre, ravagée par la misère (rues pleines de détritus, maculées de tags, envahies par les SDF, les putes et les camés), un jeune repris de justice pas futé, coincé par ses dettes, ses problèmes de couple et de garde d’enfant, a repéré au milieu d’un parking à l’air libre cet énorme SUV noir, rutilant, estampillé DOLUS : la tentation est trop forte. (Dans le rôle, on retrouve le joli comédien suédois Bill Skarsgard, 34 ans – mais on lui en donne 10 de moins – , qui jouait le comte Orlok, funestement vampirisé dans Nosferatu, le film de Robert Eggers). Chance, la portière n’est pas verrouillée ; le candide pied nickelé pénètre dans l’habitacle, sûr d’y trouver du pèse, un larfeuille ou un smartphone à voler. Fuck, plus moyen de sortir, les issues se sont bloquées automatiquement. Surprise du chef, un type à la voix sadiquement doucereuse se pose en justicier, et entame avec le petit délinquant pris la main dans le sac, via la radio du tableau de bord, un échange vocal pas engageant du tout.

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Des progrès fulgurants de l’I.A, Piégé va livrer pendant une heure – et – demi la démonstration percutante. Voiture autonome suréquipée, la cellule sur pneus où le chenapan subit sa torture punitive expérimente avec succès les plus spectaculaires avancées technologiques du secteur automobile : blindage absolument étanche, clim de haute intensité, entre congélation et suffocation, taser électrique incorporé au dossier en cas de rébellion, coffret-distributeur réfrigéré d’en-cas + boissons (100% anti-effraction), conduite sans pilote 100% automatisée avec guidage laser, etc. Contrôle total. Après avoir longuement tourmenté sa victime de son seul organe sardonique, le diable vengeur Hopkins finit tout de même par se pointer en chair et en os à la vitre du véhicule, pour se lancer avec son infortuné passager dans une virée nocturne plutôt secouante, et qui ne les laissera pas indemne…  

Macabre

Piégé (Locked) est un habile remake de 4X4, un film hispano-argentin millésimé 2019, signé Mariano Cohn, sur un scénario de son compère habituel Gaston Duprat  (duo à qui l’on doit, entre autres, un film délicieusement paranoïaque sur le thème du voisin envahissant, L’homme d’à côté). Concocté par David Yarovesky, 39 ans, cinéaste qui fait carrière depuis ses débuts dans le film horreur (cf. Brightburn : l’enfant du mal, ou Les Pages de l’angoisse, disponible sur Netflix), ce dernier opus a le mérite de ne pas s’éterniser outre mesure (1h35 montre en main), de ne pas manquer d’humour noir, et de ne jamais en faire trop, ni dans l’épouvante, ni dans le gore. Macabre autant que distrayant, ce huis-clos au volant tient la route.

L’acteur suédois Bill Skarsgård. « Piégé » de David Yarovesky. Photo : Metropolitan

L’on plaignait Anthony Hopkins d’avoir perdu sa somptueuse villa de Pacific Palisades dans les incendies de Los Angeles. Ironie du cinéma, cette fiction lui fait sacrifier aux flammes, en plus, une très coûteuse bagnole.


Piégé. Film de David Yarovesky. Avec Anthony Hopkins, Bill Skarsgard. États-Unis. 2024.

Durée: 1h35.

En salles le 9 avril.

Dédiabolisation? Marine Le Pen face au choix de la radicalité

Et si Marine Le Pen cédait finalement à la tentation trumpiste ?


La position antisystème adoptée dimanche par le RN met-elle fin à sa normalisation ? Le 12 septembre 2021, Marine Le Pen déclarait : « La radicalité ne paye pas », en critiquant la stratégie d’Éric Zemmour. Dimanche, Louis Aliot, numéro 2 du parti, a fustigé « le système qui nous fait la guerre ». Il a fait applaudir, devant environ 7000 personnes (chiffres généreux de la police) place Vauban à Paris, les noms de Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Éric Zemmour et Marion Maréchal.

Marine, Donald, embrassez-vous !

Ce même « système » a été à son tour critiqué par la fondatrice du RN, qui a vu le 31 mars sa trajectoire politique percutée par un jugement qu’elle a qualifié de « décision politique ». Ces déclarations montrent un raidissement du RN par rapport à sa posture encravatée d’arrondisseur d’angles et de lustreur de pensées convenables. Dans Le Figaro du 11 juillet 2022, Robert Ménard, à l’affût d’un contrepied, s’en prenait aux « haineux de Twitter qui s’imaginent en rébellion contre le « système », ce vilain mot inventé par les nazis pour parler de la démocratie de Weimar, alors qu’ils sont les nouveaux conservateurs, aigris, rances ». En réalité, l’antisystème a ses vertus s’il s’agit d’y voir, avec Catherine Rouvier[1], « le refus de la dictature de la pensée unique », mais aussi la récusation des élites mondialistes. Contrairement aux réticences initiales de Le Pen, une exigence de radicalité devrait également s’imposer dans une quête des racines (radix) du déclin français. À ceux qui s’emploient à déverser des infamies sur le peuple paria, se souvenir du conseil de Talleyrand : « Il y a une arme plus terrible que la calomnie, c’est la vérité ».

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Dire la vérité oblige le RN à rompre franchement avec la caste fragilisée. La réticence de Marine Le Pen à s’approprier la « révolution du bon sens » de Donald Trump, qui a dénoncé la concernant une « chasse aux sorcières », n’est pas cohérente. Une demande de rupture est palpable dans l’opinion excédée, en attente de convictions assumées. Hier, les protestations contre les ZFE (zones à faible émission) qui interdisent les villes aux bagnoles des « gueux » (Alexandre Jardin) n’ont pas attiré la foule à Paris. Le RN des périphéries, rejoint par un maigre public parisien et filloniste, n’a pu remplir la Place Vauban. Mais la révolte, timide, est là. Elle est sans doute prête à perpétuer, d’une autre manière, les premiers gilets jaunes déboulant sur les Champs Élysées le 17 novembre 2018 sous les insultes des notables.

Des Français méprisés

Le pouvoir contesté a d’ailleurs renouvelé sa riposte, visant à réduire ces indignations en une expression de l’« extrême droite ». L’extrême gauche et Gabriel Attal (Renaissance) s’y sont employés dès hier. Cette France méprisée se laissera-t-elle encore intimider ?

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Même si l’accélération de la procédure d’appel dans l’affaire des assistants parlementaires européens du RN, annoncée dans l’urgence par le Garde des Sceaux, atténue la violence immédiate du jugement interdisant à Le Pen de poursuivre son parcours, demeure le soupçon d’une « subjectivité judiciaire » (Henri Guaino) ou d’une « tentation d’un messianique judiciaire » (Noëlle Lenoir) de justiciers politisés. Les éléments d’une agression démocratique par un système paniqué sont visibles. Ils donnent raison au discours de Munich de J.D. Vance, vice-président des Etats-Unis, mettant en garde, le 14 février, les dirigeants européens contre la peur des électeurs. Aux Français de refuser cette société d’obéissance, imposée par une oligarchie déphasée.


[1] La France Colin-maillard, Editions de la Délivrance

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Le marxisme au pluriel

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Jean-Numa Ducange propose un regard singulier et pertinent sur le marxisme que la gauche actuelle a trop tendance à oublier…


Le marxisme a-t-il encore quelque chose à nous dire ? C’est l’interrogation qui sous-tend l’ouvrage de Jean-Numa Ducange paru dans la collection des PUF, « Que sais-je ? ». Délibérément, le marxisme se conjugue ici au pluriel : certes, il existe une matrice commune forte, née à la fin du XIXe siècle en Allemagne et Autriche-Hongrie ; elle a essaimé dans toute l’Europe. Bien évidemment, la synthèse « marxiste-léniniste » canonisée par Staline est celle qui a eu le plus d’influence au cours du XXe siècle.

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Avis aux wokes déchaînés

La qualité du présent livre est justement de ne pas oublier les versions les plus dogmatiques du marxisme, cherchant à expliquer leur large succès, puis leur déclin, tout en accordant une place importante aux courants « dissidents ». La droite et les religions ne sont pas non plus extérieures à tout cela… Ducange nous épargne ainsi un énième ouvrage purement interne à l’histoire de la gauche en montrant que la force du marxisme réside peut-être in fine dans sa capacité à proposer des hybridations : des catholiques ont pu être influencés par le marxisme (beaucoup moins du côté de l’islam, pour des raisons structurelles peut-être trop brièvement expliquées ici) et une grande figure du libéralisme politique comme Raymond Aron y a porté un vif intérêt, même si c’était pour le réfuter. Mais Marx, pour Aron, méritait mieux que sa version la plus sombre et criminelle incarnée par le goulag. Au final, une synthèse vive et stimulante, qui montre combien la pauvreté et la confusion idéologique qui règne dans la gauche actuelle résulte aussi de l’effacement du marxisme qui, quoique l’on en pense, fournissait un cadre théorique de haut niveau. Avis aux wokes déchaînés qui ont remplacé la réflexion approfondie par une succession d’indignations désarticulées !

Les marxismes, Jean-Numa Ducange ; PUF ; « Que sais-je ? » ; 128 p.

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Les médailles interdites de Mme Faber: la guerre des boutons (royaux)

Son refus de décorer cinq bénévoles œuvrant auprès de demandeurs d’asile fait tanguer la coalition gouvernementale aux Pays-Bas : Mme Faber, ministre de l’Asile, assume sa ligne dure. Récit.


Mercredi 2 avril, le Parlement de La Haye a rejeté à une grande majorité la motion de l’opposition de gauche exigeant la démission de Marjolein Faber. La ministre est membre du Parti de la Liberté (PVV) de M. Geert Wilders. Qui, avec son talent pour la provocation, avait exigé qu’elle-aussi soit décorée au nom du roi Willem Alexander. Non pas pour assistance à des migrants, mais pour son refus de les « choyer »

Une idée de nouveau film pour Julie Delpy ?

Pendant le vote parlementaire, la modeste commune de Best, dans la province de Brabant, fut secouée par des centaines de citoyens s’opposant, parfois violemment, au projet d’y installer un centre de réfugiés. C’était la troisième rébellion de ce genre dans le pays en une semaine. Une quatrième fut couronnée de succès, le maire cédant aux opposants outrés qui avaient assiégé la mairie. Autant de signes que l’accueil chaleureux prôné par les adversaires de Mme Faber ne fait pas l’unanimité.

La ministre, réfractaire aux bienséances politiques et parlementaires, avait osé rompre avec la tradition qu’un ministre signe automatiquement l’octroi d’une déclaration royale, sorte de Légion d’Honneur honorant celles et ceux qui, bénévolement, se soucient de leurs prochains. Cinq distinctions furent destinées cette année à des volontaires travaillant pour l’agence gouvernementale d’accueil aux migrants, le COA.

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Or, la ministre a une dent contre cet organisme, dont elle a vainement tenté de réduire le financement par l’Etat. Elle en snobe les responsables autant qu’elle peut, les jugeant coupables d’alimenter les pompes aspirantes de l’immigration. Une distinction royale pour ses bénévoles ne manquerait pas d’être connue dans le monde entier, chauffant à blanc lesdites pompes, selon elle. Mme Faber refuse, par conséquent, d’en rajouter, laissant au Premier ministre, M. Dick Schoof, le soin de signer les distinctions honnies, car « contraires à la politique anti-immigration que je veux mener ».

Tollé

Normalement, l’approbation des distinctions est réglée en coulisse dans les ministères et les mairies, mais cette fois-ci le journal De Telegraaf eut vent des bisbilles en haut lieu. Ou en fut informé par M. Wilders en personne, croit savoir l’opposition.

Tollé prévisible à gauche, qui reproche à la ministre de politiser une tradition a-politique chérie au royaume. Mais l’affaire secoue également la coalition gouvernementale quadripartite, dont le PVV de M. Wilders est le pilier le plus important. C’est que ses trois partenaires, dont les libéraux du parti VVD, partagent la vue de la gauche en la matière… Des sources anonymes dans le camp gouvernemental vilipendent « leur » ministre, dont elles souhaitent le départ. Furieux, M. Wilders annonce qu’en ce cas, il retirera son parti de la coalition au pouvoir depuis huit mois. Ainsi, il est en train de mater la rébellion au sein du gouvernement, mais pour combien de temps ?

Mme Faber avait récemment encore frôlé son éviction, arguant que le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, n’avait pas été élu démocratiquement, avant de rétropédaler sous la pression du Premier ministre sans étiquette, qui, c’était visible lors des débats parlementaires de mercredi dernier, ne l’apprécie guère. 

Ces derniers jours, des journaux néerlandais ont sondé des bénévoles dans des centres d’accueil gérés par le COA. Certains affirment se sentir « criminalisés » par la ministre Faber. Parmi eux, une sage-femme ayant aidé à mettre au monde de nombreux enfants de réfugiés. Mais sur les réseaux sociaux de droite, on pouvait lire que cette « COA-collabo » méritait une sanction pour aide au grand-remplacement, et non pas une distinction royale…

Les comiques du dimanche après-midi

Sous vos applaudissements…


Il y avait bien sûr, place de la République, les écolos passés du vert au rouge et leur maître à penser M. Mélenchon flanqué de son fan club pour leur sempiternel concert de braillements anti-RN. S’agissant de ceux-là, leur comique est à ce point éculé qu’il ne fait plus rire grand monde.

M. Attal se rêve en Petit Prince

En revanche, la triplette d’ultra-gauche dépêchée place Vauban, pour, les seins nus, tenter de troubler la manifestation en soutien à Marine Le Pen, nous a semblé beaucoup plus plaisante et rigolote. À la réserve près qu’on n’entend guère les féministes chimiquement pures pousser les hauts cris devant le spectacle offert, celui du corps de la femme dévoyé en panneau d’affichage.

Non, le vrai comique nous attendait ailleurs, à Saint-Denis, à la fois lieu sacré où se trouve la nécropole de nos rois, et lieu d’une sacralité nettement moins affirmée, puisque quasiment emblématique de la prostitution.

M. Attal y avait rassemblé ses fidèles, effectuant là, aux dires des connaisseurs, un premier pas vers le sacre qu’il espère si fort, la couronne de petit prince président en 2027.

Ils étaient 8 863 (je crois) selon l’annonce triomphaliste du chauffeur de salle. Chiffre précis. Pour une fois. En effet, nous n’aurons qu’à nous féliciter que depuis Bercy et Matignon, le jeune ex-Premier ministre et ex-ministre à tout faire ait appris à s’entourer de gens sachant réellement compter. Métamorphose à saluer, vraiment. Et puis, dans une envolée propre à soulever l’enthousiasme de l’assistance, l’orateur a lâché cette saillie percutante : « Tu voles, tu paies ». Cela visait évidemment Madame Le Pen et le RN. D’ailleurs, on en est à se demander ce que, tant Place de la République qu’à Saint-Denis, ces tribuns dominicaux auraient bien pu trouver à se mettre sous la dent si le RN et sa candidate désignée n’existaient pas.

A relire: Gabriel Attal ne veut plus être le «petit frère» d’Emmanuel Macron

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas perçu tout de suite la formule de M. Attal sous cet angle. J’ai d’abord cru me trouver devant une autre métamorphose remarquable, un aveu doublé d’un engagement solennel. Oui, j’ai d’abord imaginé que l’homme s’engageait à payer, une fois élu, pour le monceau de dettes laissé aux générations futures et dont le comblement ne pourra se faire qu’à grand renfort de larcins dans les poches et les bas de laine. (Si toutefois, il en reste…)

Cela dit, l’Oscar du comique du dimanche après-midi à Saint-Denis revient sans contestation possible à M. Edouard Philippe. Splendide ! Il aura fait le déplacement, se sera mis sur son dimanche, se sera même fendu d’applaudissements, pour, au bout du compte, lui le chouchou des sondages, se voir cocufier en direct, devant 8 863 personnes.

Les jeunes ne respectent plus rien

Le promis pour les épousailles glorieuses de 2027, c’était lui. Il arrivait là en Anquetil, ou si vous préférer en Pogacar, et le voilà qui repart en Poulidor. Parfaitement, c’était lui le leader annoncé, du moins pouvait-il le croire, cela jusqu’à la prise de parole de ce jeune loup au costume ajusté et aux dents très longues, harangue dont la seule chose qu’il y aurait à retenir, c’est qu’il compte bien y aller, lui aussi. Et rafler la mise. Au nez et à la barbe du Havrais et de quelques autres aussi. On songe en particulier à M. le Premier ministre qui, n’ayant pas conseil municipal à Pau ce jour-là, s’était fendu lui aussi du déplacement en terre quasi inconnue pour lui.

« Poussez-vous de là que j’m’y mette ! » Voilà la teneur du propos attalien. Ah, les jeunes ! Aucun respect ! « Se croivent décidément tout permis » comme dirait doctement M le député Delogu.

Il n’empêche, un beau dimanche de rigolade, comme ça, on en redemanderait. Enfin presque.

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Et pendant ce temps, à Strasbourg, le RN impose sa ligne…

Le RN a réussi à faire voter plusieurs de ses amendements au Parlement européen, notamment un interdisant la promotion du port du voile par le budget de l’Union européenne.


Un petit pas pour l’Europe, un pas de géant pour les droites européennes. Au moment où l’affaire des assistants parlementaires secouait la France, se tenait à Strasbourg la mensuelle session plénière du Parlement européen. « Rapport sur les orientations générales pour la préparation du budget 2026, section III ». Pas un sujet folichon à première vue, mais les députés se sont remué les méninges pour proposer des amendements.

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Et parmi eux, les députés du Rassemblement national. À l’amendement 56, Julien Sanchez, ancien maire de Beaucaire (Gard) et Angéline Furet se déclaraient « vivement préoccupé par le fait que la Commission a financé ou cofinancé des campagnes de promotion du port du voile, affirmant par exemple que « la liberté est dans le hijab » ». Et plus loin, ils insistaient « pour qu’à l’avenir, le budget de l’Union ne finance plus de campagne qui promeuve directement ou indirectement le port du voile ».

Coupé, le cordon

C’est peut-être un détail pour vous mais pour eux ça veut dire beaucoup.

Traditionnellement, les propositions du Front National devenu Rassemblement national font l’objet d’un rejet systématique. Le gros des rangs du Parti populaire européen (PPE, droite modérée), dominé par la CDU et la CSU allemandes, participe au « cordon sanitaire » (en français dans le texte) et refuse en bloc les propositions venues de la droite souverainiste.

Jusqu’à mardi dernier : à 321 voix contre 318, l’amendement a été adopté. Parmi les Français, Sarah Knafo, l’ancien Reconquête Guillaume Peltier (Marion Maréchal était absente), François-Xavier Bellamy et ses amis LR l’ont soutenu. Mais cette fois, l’habituel plafond de verre que rencontrent les droites, situé autour de 220 voix, a volé en éclat. Grâce aux voix de la CDU et de la CSU (9 voix pour et 3 voix contre).

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Beaucoup de députés se sont abstenus ou n’ont pas pris part au vote sur cet amendement, ce qui, sur des suffrages aussi serrés, équivaut presque à un vote pour (ou en tout cas, lui laisse une chance de gagner). 79 députés ont opté pour cette stratégie dont beaucoup d’Allemands de la CDU (19 en tout). Au centre, le député Renaissance Gilles Boyer, proche d’Édouard Philippe, sauve (presque) l’honneur du camp présidentiel en s’abstenant. C’est à des petites choses comme ça que le oui a pu l’emporter sur le non.

Stop ou encore ?

Et ça n’est pas tout ! Quelques instants plus tard, deux autres amendements, l’un invitant à « combattre la montée de la haine antichrétienne », l’autre pressant « la Commission de consacrer des fonds spécifiques pour empêcher les communautés (…) chrétiennes et juives, d’être prises pour cible, comme elles l’ont été ces derniers mois en Europe », toujours avec Julien Sanchez parmi les rédacteurs, ont eux aussi été approuvés, cette fois-ci un peu plus nettement.

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Quid dans les prochains mois ? Les quelques députés du bloc central qui se sont abstenus vont-ils être rappelés à l’ordre par les Etats-majors des grands groupes, ou bien les esprits vont-ils se décomplexer ? La suite aux prochains épisodes…

Connaissez-vous Stephen Miran?

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Stephen Miran est l’un des grands économistes qui entourent Donald Trump. L’augmentation des droits de douane, c’est son idée, et ce n’est qu’une première étape pour déprécier le dollar afin de réindustrialiser les États-Unis et renforcer leur puissance militaire.


À lire les journaux, Trump serait une grosse bête, un fou au sommet de l’État le plus puissant du monde. Il voudrait le beurre et l’argent du beurre. Son augmentation des tarifs douaniers reposerait sur une vision court-termiste de l’économie ; elle entraînera bientôt, c’est sûr, un emballement inflationniste. L’Amérique va sombrer : on n’ose s’en réjouir, même si l’on prie pour la déroute du tyran. Sauf que si Trump n’est pas économiste, il est entouré par de brillants économistes : parmi eux, Stephen Miran, diplômé de Harvard. Président du Conseil des conseillers économiques de la Maison-Blanche, Stephen Miran a publié en novembre 2024, au lendemain de la réélection du milliardaire, un document de cinquante pages intitulé A User’s Guide to Restructuring the Global Trading System : tout un programme qui explique notamment la vraie raison de l’augmentation des tarifs douaniers, et démontre qu’aux échecs de l’économie, Trump a trois coups d’avance.

Dollar surpuissant : pas que des avantages, selon M. Miran

Miran part d’un paradoxe cruel : les États-Unis, contrairement à ce que l’on pourrait croire, bénéficient autant qu’ils souffrent de la valeur du dollar. Son statut de monnaie de réserve mondiale en fait une devise forte, ce qui pèse sur l’industrie américaine ; or, la désindustrialisation inquiétante des Etats-Unis présente un danger pour la sécurité nationale — car un État est puissant quand sa production industrielle est supérieure à l’activité de ses services. En d’autres termes, la surévaluation du dollar, qui entraîne la désindustrialisation du pays et l’affaissement de l’économie locale, affaiblit la défense nationale. « En l’absence de rivaux géopolitiques majeurs, écrit Miran, les dirigeants américains pensaient pouvoir minimiser l’importance du déclin des installations industrielles. Mais la Chine et la Russie étant des menaces non seulement commerciales mais aussi sécuritaires, il est de nouveau nécessaire de disposer d’un secteur manufacturier robuste et bien diversifié. »

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Le dilemme est le suivant : si le dollar est trop fort et que les États-Unis n’exportent plus, le dollar se retourne contre les États-Unis ; en même temps, le fait qu’il soit la principale monnaie de réserve du monde est essentiel pour garantir la puissance militaire de l’Amérique. « Le statut de monnaie de réserve de l’Amérique, écrit Stephen Miran, fait peser le fardeau d’une monnaie surévaluée érodant la compétitivité de notre secteur exportateur, ce qui est contrebalancé par les avantages géopolitiques qu’apporte l’extraterritorialité financière en matière de réalisation des objectifs fondamentaux de sécurité nationale, à un coût minimal. » Pour l’économiste, il est nécessaire de trouver un équilibre dans la valeur du dollar : or, le fait qu’il soit trop fort aujourd’hui freine l’industrialisation des États-Unis, et met par conséquent sa sécurité en jeu. Ce qu’il propose, c’est donc que les États-Unis négocient… pour déprécier le dollar. Hélas ! Les États-Unis n’ont plus l’aura ni la puissance qu’ils avaient au lendemain de la guerre. Leur marge de négociation s’en trouve considérablement réduite. Comment dès lors contraindre les pays à déprécier leur monnaie de réserve, ajuster la valeur de leurs propres monnaies au profit des Etats-Unis d’Amérique, participer à la réindustrialisation de l’Amérique ?… d’abord et avant tout, en leur imposant des tarifs douaniers exorbitants.

La négo de Mar-a-Lago 

Pour Stephen Miran, l’augmentation des tarifs douaniers, solution déjà utilisée avec succès en 2018-2019 (c’est-à-dire sans inflation significative), présente tous les avantages. Outre le fait qu’elle entraîne in fine— après un premier temps d’appréciation — une dépréciation du dollar, elle n’affecte en rien le pouvoir d’achat des consommateurs américains (car les dépréciations des devises étrangères compensent les droits de douane : en d’autres termes, les citoyens des pays exportateurs s’appauvrissent… au profit du Trésor américain, qui « collecte les recettes » !), mais elle permet encore de générer des investissements et des emplois, et de financer le maintien de faibles taux d’impositions pour les Américains. Stephen Miran, disons-le franchement, n’est pas notre ami : sa doctrine aura pour effet de nous appauvrir pour enrichir les États-Unis : the winner takes all.

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On se demandera comment les pays étrangers accepteront sans représailles une augmentation punitive et intéressée des tarifs douaniers ? D’abord, les États-Unis demeurent une source importante de demande de consommation mondiale : ils ont les moyens d’imposer leur volonté (en fermant leurs marchés, en limitant leurs exportations…). Ensuite, ils disposent d’une puissance de protection militaire qu’ils se réservent le droit d’ôter aux pays réticents. L’Europe se passera-t-elle des Etats-Unis en se constituant une défense commune ? Tant mieux, répond Miran, cynique : les États-Unis pourront se concentrer sur la Chine !

En conclusion, ce que veut Stephen Miran, c’est un nouvel ordre économique mondial : augmenter les droits de douane pour négocier un nouvel accord du Plaza (Miran propose des « accords de Mar-a-Lago »), déprécier le dollar, réindustrialiser l’Amérique et renforcer sa puissance militaire : « Une baisse de la valeur du dollar contribue à créer des emplois dans le secteur manufacturier américain et à réaffecter la demande globale du reste du monde vers les États-Unis. » L’augmentation des tarifs douaniers doit être le premier des bâtons pour obtenir ces accords ; la fermeture aux marchés américains, le retrait de la défense militaire aux pays récalcitrants, seront les prochaines menaces à être mises en œuvre. De quoi expliquer une grande partie des déclarations apparemment erratiques du président Trump…


L’essai de Stephen Miran :

https://www.hudsonbaycapital.com/documents/FG/hudsonbay/research/638199_A_Users_Guide_to_Restructuring_the_Global_Trading_System.pdf

Une traduction en français :

https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/28/la-doctrine-miran-le-plan-de-trump-pour-disrupter-la-mondialisation

J’ai choisi « le Cavaleur » aux défilés !

Dans un pays fracturé qui a préféré hier majoritairement le festival du barbecue au Parc floral aux manifestations antagonistes parisiennes, Arte prône la voie de l’apaisement et de la concorde nationale en débutant au mois d’avril un cycle « Philippe de Broca » qui se poursuivra tout au long de l’année. Monsieur Nostalgie nous explique pourquoi « Le Cavaleur » de 1979 est à la fois une source d’émerveillement et d’espoir dans une France à bout de souffle…


Nous sommes incapables collectivement de parler de la France car nous n’avons plus les mêmes références, les mêmes marottes, les mêmes mélancolies, les mêmes grisailles, les mêmes mots doux. Un langage commun, au-delà des classes sociales et des identités tapageuses, nous fait aujourd’hui défaut. Chaque camp y va de son dépliant idéologique, tente grossièrement d’alpaguer l’électeur, crie des infamies dans le désert, se fait plus gros médiatiquement qu’il n’est. Les partis sont désertés et déconsidérés, les communautés se cristallisent en dehors de la République, l’abstention s’enkyste et le personnel politique est devenu la variable de divertissement des chaînes en continu. Alors, nous regardons ce spectacle, à la fois effarés et à distance sanitaire. Un peu gênés et coupables par ce délitement. Car ils sont le produit de nos années d’abandon et de déni. Nous leur avons laissé les clés du camion, ils étaient à peine aptes à conduire un vélomoteur. Un jour, nous nous sommes réveillés orphelins de nos vieilles armatures, de nos marivaudages savants, de nos bourgeoisies enfantines et d’une génération d’hommes sans certitudes. Les honnêtes hommes que furent nos parents et nos grands-parents étaient moins dogmatiques avec les aléas du quotidien, tout en croyant aux vertus du travail, de l’école publique et de l’amour. Dans un monde empli de procédures et d’injonctions, les errements ou plutôt les arabesques de Jean Rochefort, pianiste désaccordé, papillonneur en diable, sont des écarts de conduite vaudevillesques. On pourrait en rire, et on rit beaucoup, les formules pétillent dans ce long-métrage de 1979, l’esprit français de Guitry à Audiard se glisse dans les intérieurs cossus de la Place Vivienne. Mais, l’essentiel n’est pas là. Les moralistes actuels trouveront ces gesticulations pathétiques dignes d’un patriarcat à abattre. Des accommodements de privilégiés pendant que la misère gronde et la Terre tremble. Les arrangements ménagers et les foucades de ce concertiste, individualiste forcené, solitaire en déshérence sont d’un autre temps ; une époque révolue où l’on pouvait rouler dans Paris dans un break Volvo grignoté par la rouille et commander un quart champagne au bistrot du coin.

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« Le Cavaleur » se regarde comme un livre d’images, un conte des jours heureux, un peu triste, un peu drôle ; il est ce baume réconfortant qu’on applique sur les déchirures modernes. Il est « temps qui passe », enchevêtrement du masculin et du féminin, refuge dans la musique classique, cette tapisserie sans fin de Mozart à Ravel, transmission avec un jeune disciple sorti de nulle part, d’une quincaillerie bretonne et filouteries de garnisons. Il est, c’est bien simple, tout le contraire de nos vociférations et de nos aigreurs, il n’a pas vocation à faire de nous des humains plus respectueux, plus citoyens ou plus disciplinés. Il est ce voile pudique sur les sentiments, il est secret des alcôves et embardées cheminotes. C’est parce qu’en apparence, il ne professe rien de sérieux, de tangible, de rémunérateur ou de bénéficiaire qu’il est une promenade dans notre jardin d’hier. Après l’avoir (re)vu, on ne regarde plus de la même façon l’horloge de la gare de Lyon, le Moulin Rouge, les Grands Magasins, l’île aux moines aux vacances de la Toussaint ou la forêt de Rambouillet au clair-obscur. Ce soir, on n’ira pas skier à Chamonix avec Catherine Alric mais s’embourber sur le chemin d’un château qui semble sorti d’un songe d’Alain Fournier. On perdra la mémoire entre Danielle Darrieux et Catherine Leprince ; entre la grand-mère et la petite-fille, la Libération de Paris fera kaléidoscope. On apprendra que pour bien jouer du piano, il faut mécaniser, jouer avec les doigts et non avec son âme. Qu’avant de se gargariser d’un hypothétique univers musical et d’une singularité esthétique, on devra charbonner sur les touches à se faire saigner les mains. On aura la preuve, une fois de plus, qu’Annie Girardot est une immense actrice, en un mouvement de menton, elle passe de la primesautière à l’élégiaque. En France, il nous manque ce feu sacré, cet appel du pays profond, l’envie que nos cœurs battent à nouveau à l’unisson. Cet élan, Arte nous l’offre gratuitement en diffusant durant les prochains mois l’œuvre de Philippe de Broca. « Le Cavaleur » (disponible en streaming sur Arte.tv) ouvre le bal des souvenirs. Il possède cette patine d’émotion, ce soyeux d’antiquaire qu’ont les meubles lustrés, brillants, un peu trop beaux et tellement fragiles. Et puis, il y a Nicole Garcia, la voix de Nicole, sa blondeur infernale, sa retenue explosive. Qu’elle était belle la France de Philippe de Broca.

1h40

Le cavaleur – Regarder le film complet | ARTE

Ma dernière séance : Marielle, Broca et Belmondo

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Pourquoi le Rassemblement national peut rafler la mise avec ou sans Marine Le Pen

Selon les derniers sondages, le Rassemblement national représenté par Jordan Bardella en l’absence obligée de Marine Le Pen, serait en mesure malgré tout de remporter la prochaine élection présidentielle. C’est donc bien le Rassemblement national tel qu’il se présente, avec ses élus tels qu’ils sont, qui séduit une grande partie de l’opinion publique. Il reste à comprendre ce qui fait le succès de cette droite dite « extrême » par ses adversaires et qui a son équivalent désormais dans plusieurs pays occidentaux. Analyse.


Un profond malaise traverse les couches populaires françaises, celles que l’on appelait autrefois le « peuple laborieux ». L’exaspération est à son comble face à une classe dirigeante perçue comme hors-sol, aveugle aux réalités concrètes, soumise à des logiques technocratiques européennes et mondialisées. Une fracture béante s’est installée entre ceux d’en bas, qui subissent au quotidien les effets de la désindustrialisation, de l’insécurité et de la précarité, et ceux d’en haut, qui vivent à l’abri des conséquences de leurs décisions dans des cercles fermés, souvent parisiens et européanisés.

Dépossession

La construction européenne, telle qu’elle est vécue par une grande partie de la population, incarne cette dépossession politique. Les grandes orientations économiques et sociales sont dictées par des commissions non élues, des traités intangibles et des règles budgétaires strictes, imposées sans véritable débat démocratique. L’idéal d’une Europe sociale a cédé la place à une gouvernance d’experts, indifférente aux souffrances concrètes. Le sentiment d’abandon, nourri par cette distance entre les institutions et les citoyens, alimente un désir de rupture plus que de réforme.

Historiquement, c’était la gauche — celle de Jaurès, de Blum, des luttes ouvrières — qui portait les espoirs de justice sociale, de solidarité et d’émancipation. Mais aujourd’hui, elle semble s’être égarée. Incapable de se renouveler, prisonnière de récits identitaires ou communautaristes, elle a déserté le terrain du réel pour celui du symbolique. Le Parti communiste est moribond, le Parti socialiste réduit à une force d’appoint, et les nouvelles formations « de gauche radicale » apparaissent coupées des préoccupations populaires.

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La gauche se tourne vers de nouveaux électorats : les quartiers dits sensibles, certaines minorités, les classes moyennes diplômées en quête de causes à défendre. Mais dans cette recomposition idéologique, elle a oublié les ouvriers, les employés, les retraités modestes, les habitants des zones rurales et périurbaines. Ces Français invisibles, relégués aux marges du récit national, ne se reconnaissent plus dans un discours qui les ignore ou les méprise.

La droite de gouvernement effacée

Face à cette débandade de la gauche, la droite républicaine aurait pu redevenir un refuge. Mais elle a elle aussi trahi son électorat populaire au nom d’un libéralisme économique qui a fragilisé le tissu social. Aujourd’hui, elle tente de survivre en singeant à la hâte les thèmes portés par le Rassemblement national — immigration, sécurité, autorité — mais sans la cohérence ni la radicalité attendue. Coincée entre La République en Marche, qui l’a vampirisée, et le RN, qui l’absorbe, elle semble condamnée à l’effacement.

Ce que certains appellent « droitisation » du pays est en réalité un réalignement des représentations collectives sur une réalité de plus en plus anxiogène. Le rêve d’un monde réconcilié, de fraternité universelle et de lendemains qui chantent a cédé le pas à la dureté du quotidien. L’insécurité, la pression migratoire, l’islamisation, la perte de repères culturels, la crise du pouvoir d’achat et le sentiment de déclassement massif ont ancré la demande populaire dans des valeurs de protection, d’identité, d’autorité.

Le progressisme, tel qu’il est aujourd’hui défendu, apparaît comme une utopie hors-sol, sans prise sur le réel. Il rêve encore d’une humanité en marche vers l’égalité et l’émancipation, alors que les peuples, eux, réclament désormais des frontières, de la sécurité, de l’ordre. La fracture est là, entre une gauche tournée vers l’horizon du grand soir et un peuple en quête de stabilité immédiate.

La réalité internationale accentue encore cette désillusion. Les grands récits émancipateurs de la gauche ont sombré : la révolution bolivarienne s’est transformée en régime autoritaire et miséreux ; les dirigeants palestiniens sont décriés pour leur corruption pendant que le conflit s’enlise ; la Chine incarne une synthèse cynique entre capitalisme brutal et autoritarisme étatique ; l’Afrique, que l’on voulait indépendante et souveraine, reste prisonnière de systèmes corrompus et d’une nouvelle dépendance vis-à-vis de Pékin. Les masques tombent. Le réel s’impose.

Ma cité va craquer

En France même, les émeutes dans certaines banlieues ont révélé non pas une colère sociale constructive, mais un divorce culturel et sécuritaire. Le trafic, la violence, la montée d’un islam identitaire et conquérant sont vécus comme une menace directe par une majorité silencieuse qui ne croit plus aux discours compassionnels. Ce que le peuple exige aujourd’hui, ce ne sont plus des promesses de jours heureux, mais des actes concrets pour garantir la paix, l’ordre, la justice.

Ce qui se joue aujourd’hui en France, à travers le basculement électoral des classes populaires vers le Rassemblement national, n’est pas un simple glissement partisan. C’est l’expression d’un bouleversement plus profond, à l’image de ce que vivent de nombreuses démocraties occidentales : une révolte silencieuse, parfois brutale, de ceux qui ont été relégués, oubliés, méprisés par des élites politiques, médiatiques, économiques, qui se parlent entre elles et gouvernent sans les entendre.

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La France périphérique — celle des petites villes, des zones rurales, des franges périurbaines — ne croit plus aux promesses des progressismes abstraits. Elle n’aspire plus à l’utopie d’un monde sans frontières, d’une humanité pacifiée, d’un avenir radieux construit sur le seul pouvoir des mots et des discours. Elle regarde désormais le réel en face : un monde durci, instable, où les rapports de force l’emportent sur les grandes idées, où les nations, les civilisations et les blocs d’intérêts s’affrontent sans fard.

Dans ce contexte, les plus modestes ne demandent plus des rêves, mais des boucliers. Ils réclament non plus la fraternité abstraite mais la solidarité concrète. Ils veulent que l’État les protège, qu’il régule, qu’il punisse ceux qui détruisent le tissu social, qu’il affirme une autorité républicaine ferme et équitable. Ils attendent des réponses à la hauteur des angoisses qu’ils vivent : celle du déclassement, de l’insécurité, de l’invisibilisation. Leur demande n’est pas de haine, mais de protection. Pas d’exclusion, mais de priorité.

Ce retournement est révélateur d’un monde en transition. Les idéaux de la gauche historique, forgés dans une époque industrielle, dans un monde encore structuré autour du travail, de la lutte des classes et de la solidarité ouvrière, peinent à s’adapter à un monde fragmenté, dérégulé, violent. Pendant que la gauche continue de s’adresser à des catégories minoritaires ou symboliques, le cœur populaire se détourne. Il observe que les indépendances d’hier ont souvent débouché sur la dépendance d’aujourd’hui ; que les promesses de justice internationale ont masqué des jeux de pouvoir cyniques ; que l’universalisme proclamé cache parfois le désintérêt pour les souffrances françaises.

Ce monde nouveau est un monde d’insécurité globale : économique, culturelle, géopolitique, climatique, numérique. Et face à cela, le peuple n’en appelle plus à la révolution, mais à la réassurance. Il demande que l’on reconstruise des murs symboliques et concrets, que l’on définisse à nouveau qui fait partie du « nous », que l’on protège ce qui peut encore l’être : l’emploi, l’école, la langue, la nation, la culture.

Le vote pour le Rassemblement national, dans ce contexte, ne peut plus être interprété comme un simple vote protestataire. Il est devenu pour beaucoup un vote de nécessité, de dernier recours. Il ne traduit pas une adhésion à une idéologie extrême, mais un espoir pragmatique : celui que quelqu’un, enfin, prendra en compte leur existence.

Ce n’est pas la France populaire qui a changé fondamentalement : c’est le monde qui, en se durcissant, a rendu inopérantes les vieilles promesses. Et face à cette brutalité du réel, elle cherche désormais non pas des idées généreuses, mais des garanties tangibles. Elle ne réclame plus un horizon lumineux, mais une ancre solide. Elle ne veut plus de discours lointains, mais de la protection ici, maintenant. Et c’est précisément cela que les élites ne veulent pas, ou ne peuvent plus, entendre.

Quatre France + une

Trois France (ou plus), un soleil, zéro cortège… Place Vauban devant les siens, Marine Le Pen a assuré hier qu’elle ne lâcherait rien. De leur côté, Place de la République, Verts et Insoumis étaient une nouvelle fois de sortie pour riposter contre le « fascisme »… À Saint-Denis, le jeune Gabriel Attal se croyait déjà en 2027. Et devant l’Hôtel de Ville, des motards ont protesté contre les ZFE, et se sont surnommés eux-mêmes « les Gueux ». L’analyse d’Elisabeth Lévy.


Plusieurs France se faisaient face hier sur le pavé parisien. Certains commentateurs, dont votre servante, avaient parlé dimanche matin de trois France irréconciliables. Amusant : Place Vauban, il y avait partout le drapeau tricolore, la Place de la République était pavée de drapeaux palestiniens ou algériens, et à Saint-Denis (première sortie publique du « bloc central ») il y avait des drapeaux européens et français. Je vous donne les trois pôles de l’Assemblée nationale. Les deux ex-partis de gouvernement, Parti socialiste et LR, manquaient hier à l’appel.

Deux contre 1

Deux France seront toujours prêtes à se réconcilier demain contre la troisième. Bien qu’il n’y ait pas eu un mot de travers des leaders du RN hier (respect de la Justice, séparation des pouvoirs), extrême-gauche et macronie ont continué de faire monter la mayonnaise folle d’un RN fasciste et séditieux, s’apprêtant à supprimer l’Etat de droit, menaçant les institutions… Si un dixième de tout ce qu’ils disent était vrai, Marine Le Pen, Jordan Bardella et consorts dormiraient en prison. Mais ce pur bobard devenu vérité à force d’être répété annonce le prochain Front républicain. Contre le nazisme, on s’alliera avec des antisémites.

Il y avait aussi hier une quatrième France, largement oubliée. Celle des « gueux » d’Alexandre Jardin, avec les motards contre les ZFE. J’y étais. C’était très sympathique. Ils étaient quelques milliers devant l’Hôtel-de-Ville. Il y avait beaucoup de retraités comme Jacqueline, 78 ans, de Courbevoie. Plutôt aisée, elle m’a dit « Je n’ai jamais été aussi fière d’être une gueux ». Comme souvent, on retrouve un même ciment derrière ces colères: c’est le sentiment d’injustice. Et ce rassemblement était d’ailleurs le réceptacle d’autres colères. L’un milite contre l’euthanasie, l’autre contre les vaccins pédiatriques. Une troisième dame distribuait des calicots vaguement conspi «Vous êtes l’anomalie dont le système a peur». C’était un cocktail évoquant un peu les gilets jaunes.

Laquelle de ces France a gagné?

La cinquième ! C’est-à-dire l’écrasante majorité qui a préféré profiter du soleil. Celle qui ne s’intéresse pas ou plus à cette agitation.

Un point commun aux trois blocs est à noter. Tous ont préféré des rassemblements aux manifestations, car ils sont probablement incapables de mobiliser assez pour un cortège. Il n’y avait pas de défilé; c’était de petits meetings, avec pratiquement que des militants. Sauf pour les ZFE, où beaucoup de gens désabusés se sont joint au mouvement. C’est peut-être ce qu’il y a de plus grave : on assiste à une sorte de désaffiliation et d’indifférence à la chose publique, à un repli sur le bonheur privé. Tous se disaient plus ou moins : « Ça ne donnera rien ». L’échec des gilets jaunes a douché les dernières ardeurs. On ne croit pas que la politique puisse changer les choses. Plus grave : elle ne fabrique plus de légitimité. Qu’est-ce que mon pays peut faire pour moi ? Cette perte du sentiment collectif, de la conscience d’être un peuple, est le véritable danger pour la démocratie. Que ceux qui entendent des bruits de bottes se rassurent. Les peuples qui rêvent de la retraite ne font pas la révolution. Ni rouge ni brune.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Le vol est puni!

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Anthony Hopkins dans "Piégé" (2025) de David Yarovesky Titre original : Locked © Metropolitan

Bill Skarsgard (“Ça”) va vite regretter de s’en être pris à la voiture d’Anthony Hopkins


Depuis Le Silence des agneaux, Hannibal et j’en passe, Sir Anthony Hopkins n’a même plus besoin de montrer son vieux masque raviné par l’âge (l’acteur British naturalisé américain a tout de même franchi le cap des 87 ans) : sa voix inimitable suffit à donner le frisson. Piégé (titre original, Locked) dure depuis plusieurs quarts d’heure, et toujours pas de Hopkins à l’image : juste le son. Se fera-t-il attendre jusqu’à la fin du film ? Premier suspense, en creux.

La main dans le sac

Dans une métropole américaine absolument sinistre, ravagée par la misère (rues pleines de détritus, maculées de tags, envahies par les SDF, les putes et les camés), un jeune repris de justice pas futé, coincé par ses dettes, ses problèmes de couple et de garde d’enfant, a repéré au milieu d’un parking à l’air libre cet énorme SUV noir, rutilant, estampillé DOLUS : la tentation est trop forte. (Dans le rôle, on retrouve le joli comédien suédois Bill Skarsgard, 34 ans – mais on lui en donne 10 de moins – , qui jouait le comte Orlok, funestement vampirisé dans Nosferatu, le film de Robert Eggers). Chance, la portière n’est pas verrouillée ; le candide pied nickelé pénètre dans l’habitacle, sûr d’y trouver du pèse, un larfeuille ou un smartphone à voler. Fuck, plus moyen de sortir, les issues se sont bloquées automatiquement. Surprise du chef, un type à la voix sadiquement doucereuse se pose en justicier, et entame avec le petit délinquant pris la main dans le sac, via la radio du tableau de bord, un échange vocal pas engageant du tout.

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Des progrès fulgurants de l’I.A, Piégé va livrer pendant une heure – et – demi la démonstration percutante. Voiture autonome suréquipée, la cellule sur pneus où le chenapan subit sa torture punitive expérimente avec succès les plus spectaculaires avancées technologiques du secteur automobile : blindage absolument étanche, clim de haute intensité, entre congélation et suffocation, taser électrique incorporé au dossier en cas de rébellion, coffret-distributeur réfrigéré d’en-cas + boissons (100% anti-effraction), conduite sans pilote 100% automatisée avec guidage laser, etc. Contrôle total. Après avoir longuement tourmenté sa victime de son seul organe sardonique, le diable vengeur Hopkins finit tout de même par se pointer en chair et en os à la vitre du véhicule, pour se lancer avec son infortuné passager dans une virée nocturne plutôt secouante, et qui ne les laissera pas indemne…  

Macabre

Piégé (Locked) est un habile remake de 4X4, un film hispano-argentin millésimé 2019, signé Mariano Cohn, sur un scénario de son compère habituel Gaston Duprat  (duo à qui l’on doit, entre autres, un film délicieusement paranoïaque sur le thème du voisin envahissant, L’homme d’à côté). Concocté par David Yarovesky, 39 ans, cinéaste qui fait carrière depuis ses débuts dans le film horreur (cf. Brightburn : l’enfant du mal, ou Les Pages de l’angoisse, disponible sur Netflix), ce dernier opus a le mérite de ne pas s’éterniser outre mesure (1h35 montre en main), de ne pas manquer d’humour noir, et de ne jamais en faire trop, ni dans l’épouvante, ni dans le gore. Macabre autant que distrayant, ce huis-clos au volant tient la route.

L’acteur suédois Bill Skarsgård. « Piégé » de David Yarovesky. Photo : Metropolitan

L’on plaignait Anthony Hopkins d’avoir perdu sa somptueuse villa de Pacific Palisades dans les incendies de Los Angeles. Ironie du cinéma, cette fiction lui fait sacrifier aux flammes, en plus, une très coûteuse bagnole.


Piégé. Film de David Yarovesky. Avec Anthony Hopkins, Bill Skarsgard. États-Unis. 2024.

Durée: 1h35.

En salles le 9 avril.

Dédiabolisation? Marine Le Pen face au choix de la radicalité

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Marion Maréchal, très applaudie à Paris lors du rassemblement pour Marine Le Pen le 6 avril 2025. La nièce de Marine Le Pen est souvent présentée comme plus à droite que sa tante © UPI/Newscom/SIPA

Et si Marine Le Pen cédait finalement à la tentation trumpiste ?


La position antisystème adoptée dimanche par le RN met-elle fin à sa normalisation ? Le 12 septembre 2021, Marine Le Pen déclarait : « La radicalité ne paye pas », en critiquant la stratégie d’Éric Zemmour. Dimanche, Louis Aliot, numéro 2 du parti, a fustigé « le système qui nous fait la guerre ». Il a fait applaudir, devant environ 7000 personnes (chiffres généreux de la police) place Vauban à Paris, les noms de Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Éric Zemmour et Marion Maréchal.

Marine, Donald, embrassez-vous !

Ce même « système » a été à son tour critiqué par la fondatrice du RN, qui a vu le 31 mars sa trajectoire politique percutée par un jugement qu’elle a qualifié de « décision politique ». Ces déclarations montrent un raidissement du RN par rapport à sa posture encravatée d’arrondisseur d’angles et de lustreur de pensées convenables. Dans Le Figaro du 11 juillet 2022, Robert Ménard, à l’affût d’un contrepied, s’en prenait aux « haineux de Twitter qui s’imaginent en rébellion contre le « système », ce vilain mot inventé par les nazis pour parler de la démocratie de Weimar, alors qu’ils sont les nouveaux conservateurs, aigris, rances ». En réalité, l’antisystème a ses vertus s’il s’agit d’y voir, avec Catherine Rouvier[1], « le refus de la dictature de la pensée unique », mais aussi la récusation des élites mondialistes. Contrairement aux réticences initiales de Le Pen, une exigence de radicalité devrait également s’imposer dans une quête des racines (radix) du déclin français. À ceux qui s’emploient à déverser des infamies sur le peuple paria, se souvenir du conseil de Talleyrand : « Il y a une arme plus terrible que la calomnie, c’est la vérité ».

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Dire la vérité oblige le RN à rompre franchement avec la caste fragilisée. La réticence de Marine Le Pen à s’approprier la « révolution du bon sens » de Donald Trump, qui a dénoncé la concernant une « chasse aux sorcières », n’est pas cohérente. Une demande de rupture est palpable dans l’opinion excédée, en attente de convictions assumées. Hier, les protestations contre les ZFE (zones à faible émission) qui interdisent les villes aux bagnoles des « gueux » (Alexandre Jardin) n’ont pas attiré la foule à Paris. Le RN des périphéries, rejoint par un maigre public parisien et filloniste, n’a pu remplir la Place Vauban. Mais la révolte, timide, est là. Elle est sans doute prête à perpétuer, d’une autre manière, les premiers gilets jaunes déboulant sur les Champs Élysées le 17 novembre 2018 sous les insultes des notables.

Des Français méprisés

Le pouvoir contesté a d’ailleurs renouvelé sa riposte, visant à réduire ces indignations en une expression de l’« extrême droite ». L’extrême gauche et Gabriel Attal (Renaissance) s’y sont employés dès hier. Cette France méprisée se laissera-t-elle encore intimider ?

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Même si l’accélération de la procédure d’appel dans l’affaire des assistants parlementaires européens du RN, annoncée dans l’urgence par le Garde des Sceaux, atténue la violence immédiate du jugement interdisant à Le Pen de poursuivre son parcours, demeure le soupçon d’une « subjectivité judiciaire » (Henri Guaino) ou d’une « tentation d’un messianique judiciaire » (Noëlle Lenoir) de justiciers politisés. Les éléments d’une agression démocratique par un système paniqué sont visibles. Ils donnent raison au discours de Munich de J.D. Vance, vice-président des Etats-Unis, mettant en garde, le 14 février, les dirigeants européens contre la peur des électeurs. Aux Français de refuser cette société d’obéissance, imposée par une oligarchie déphasée.


[1] La France Colin-maillard, Editions de la Délivrance

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Le marxisme au pluriel

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Portrait de Karl Marx (1818–1883). DR.

Jean-Numa Ducange propose un regard singulier et pertinent sur le marxisme que la gauche actuelle a trop tendance à oublier…


Le marxisme a-t-il encore quelque chose à nous dire ? C’est l’interrogation qui sous-tend l’ouvrage de Jean-Numa Ducange paru dans la collection des PUF, « Que sais-je ? ». Délibérément, le marxisme se conjugue ici au pluriel : certes, il existe une matrice commune forte, née à la fin du XIXe siècle en Allemagne et Autriche-Hongrie ; elle a essaimé dans toute l’Europe. Bien évidemment, la synthèse « marxiste-léniniste » canonisée par Staline est celle qui a eu le plus d’influence au cours du XXe siècle.

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Avis aux wokes déchaînés

La qualité du présent livre est justement de ne pas oublier les versions les plus dogmatiques du marxisme, cherchant à expliquer leur large succès, puis leur déclin, tout en accordant une place importante aux courants « dissidents ». La droite et les religions ne sont pas non plus extérieures à tout cela… Ducange nous épargne ainsi un énième ouvrage purement interne à l’histoire de la gauche en montrant que la force du marxisme réside peut-être in fine dans sa capacité à proposer des hybridations : des catholiques ont pu être influencés par le marxisme (beaucoup moins du côté de l’islam, pour des raisons structurelles peut-être trop brièvement expliquées ici) et une grande figure du libéralisme politique comme Raymond Aron y a porté un vif intérêt, même si c’était pour le réfuter. Mais Marx, pour Aron, méritait mieux que sa version la plus sombre et criminelle incarnée par le goulag. Au final, une synthèse vive et stimulante, qui montre combien la pauvreté et la confusion idéologique qui règne dans la gauche actuelle résulte aussi de l’effacement du marxisme qui, quoique l’on en pense, fournissait un cadre théorique de haut niveau. Avis aux wokes déchaînés qui ont remplacé la réflexion approfondie par une succession d’indignations désarticulées !

Les marxismes, Jean-Numa Ducange ; PUF ; « Que sais-je ? » ; 128 p.

Les Marxismes

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Les médailles interdites de Mme Faber: la guerre des boutons (royaux)

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La ministre hollandaise Marjolein Faber, La Haye, 5 février 2025 © John Beckmann/Orange Pictures/Sh/SIPA

Son refus de décorer cinq bénévoles œuvrant auprès de demandeurs d’asile fait tanguer la coalition gouvernementale aux Pays-Bas : Mme Faber, ministre de l’Asile, assume sa ligne dure. Récit.


Mercredi 2 avril, le Parlement de La Haye a rejeté à une grande majorité la motion de l’opposition de gauche exigeant la démission de Marjolein Faber. La ministre est membre du Parti de la Liberté (PVV) de M. Geert Wilders. Qui, avec son talent pour la provocation, avait exigé qu’elle-aussi soit décorée au nom du roi Willem Alexander. Non pas pour assistance à des migrants, mais pour son refus de les « choyer »

Une idée de nouveau film pour Julie Delpy ?

Pendant le vote parlementaire, la modeste commune de Best, dans la province de Brabant, fut secouée par des centaines de citoyens s’opposant, parfois violemment, au projet d’y installer un centre de réfugiés. C’était la troisième rébellion de ce genre dans le pays en une semaine. Une quatrième fut couronnée de succès, le maire cédant aux opposants outrés qui avaient assiégé la mairie. Autant de signes que l’accueil chaleureux prôné par les adversaires de Mme Faber ne fait pas l’unanimité.

La ministre, réfractaire aux bienséances politiques et parlementaires, avait osé rompre avec la tradition qu’un ministre signe automatiquement l’octroi d’une déclaration royale, sorte de Légion d’Honneur honorant celles et ceux qui, bénévolement, se soucient de leurs prochains. Cinq distinctions furent destinées cette année à des volontaires travaillant pour l’agence gouvernementale d’accueil aux migrants, le COA.

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Or, la ministre a une dent contre cet organisme, dont elle a vainement tenté de réduire le financement par l’Etat. Elle en snobe les responsables autant qu’elle peut, les jugeant coupables d’alimenter les pompes aspirantes de l’immigration. Une distinction royale pour ses bénévoles ne manquerait pas d’être connue dans le monde entier, chauffant à blanc lesdites pompes, selon elle. Mme Faber refuse, par conséquent, d’en rajouter, laissant au Premier ministre, M. Dick Schoof, le soin de signer les distinctions honnies, car « contraires à la politique anti-immigration que je veux mener ».

Tollé

Normalement, l’approbation des distinctions est réglée en coulisse dans les ministères et les mairies, mais cette fois-ci le journal De Telegraaf eut vent des bisbilles en haut lieu. Ou en fut informé par M. Wilders en personne, croit savoir l’opposition.

Tollé prévisible à gauche, qui reproche à la ministre de politiser une tradition a-politique chérie au royaume. Mais l’affaire secoue également la coalition gouvernementale quadripartite, dont le PVV de M. Wilders est le pilier le plus important. C’est que ses trois partenaires, dont les libéraux du parti VVD, partagent la vue de la gauche en la matière… Des sources anonymes dans le camp gouvernemental vilipendent « leur » ministre, dont elles souhaitent le départ. Furieux, M. Wilders annonce qu’en ce cas, il retirera son parti de la coalition au pouvoir depuis huit mois. Ainsi, il est en train de mater la rébellion au sein du gouvernement, mais pour combien de temps ?

Mme Faber avait récemment encore frôlé son éviction, arguant que le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, n’avait pas été élu démocratiquement, avant de rétropédaler sous la pression du Premier ministre sans étiquette, qui, c’était visible lors des débats parlementaires de mercredi dernier, ne l’apprécie guère. 

Ces derniers jours, des journaux néerlandais ont sondé des bénévoles dans des centres d’accueil gérés par le COA. Certains affirment se sentir « criminalisés » par la ministre Faber. Parmi eux, une sage-femme ayant aidé à mettre au monde de nombreux enfants de réfugiés. Mais sur les réseaux sociaux de droite, on pouvait lire que cette « COA-collabo » méritait une sanction pour aide au grand-remplacement, et non pas une distinction royale…

Les comiques du dimanche après-midi

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Meeting de Renaissance, Cité du Cinéma, Saint-Denis (93), 6 avril 2025 © Frederic Dugad/SIPA

Sous vos applaudissements…


Il y avait bien sûr, place de la République, les écolos passés du vert au rouge et leur maître à penser M. Mélenchon flanqué de son fan club pour leur sempiternel concert de braillements anti-RN. S’agissant de ceux-là, leur comique est à ce point éculé qu’il ne fait plus rire grand monde.

M. Attal se rêve en Petit Prince

En revanche, la triplette d’ultra-gauche dépêchée place Vauban, pour, les seins nus, tenter de troubler la manifestation en soutien à Marine Le Pen, nous a semblé beaucoup plus plaisante et rigolote. À la réserve près qu’on n’entend guère les féministes chimiquement pures pousser les hauts cris devant le spectacle offert, celui du corps de la femme dévoyé en panneau d’affichage.

Non, le vrai comique nous attendait ailleurs, à Saint-Denis, à la fois lieu sacré où se trouve la nécropole de nos rois, et lieu d’une sacralité nettement moins affirmée, puisque quasiment emblématique de la prostitution.

M. Attal y avait rassemblé ses fidèles, effectuant là, aux dires des connaisseurs, un premier pas vers le sacre qu’il espère si fort, la couronne de petit prince président en 2027.

Ils étaient 8 863 (je crois) selon l’annonce triomphaliste du chauffeur de salle. Chiffre précis. Pour une fois. En effet, nous n’aurons qu’à nous féliciter que depuis Bercy et Matignon, le jeune ex-Premier ministre et ex-ministre à tout faire ait appris à s’entourer de gens sachant réellement compter. Métamorphose à saluer, vraiment. Et puis, dans une envolée propre à soulever l’enthousiasme de l’assistance, l’orateur a lâché cette saillie percutante : « Tu voles, tu paies ». Cela visait évidemment Madame Le Pen et le RN. D’ailleurs, on en est à se demander ce que, tant Place de la République qu’à Saint-Denis, ces tribuns dominicaux auraient bien pu trouver à se mettre sous la dent si le RN et sa candidate désignée n’existaient pas.

A relire: Gabriel Attal ne veut plus être le «petit frère» d’Emmanuel Macron

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas perçu tout de suite la formule de M. Attal sous cet angle. J’ai d’abord cru me trouver devant une autre métamorphose remarquable, un aveu doublé d’un engagement solennel. Oui, j’ai d’abord imaginé que l’homme s’engageait à payer, une fois élu, pour le monceau de dettes laissé aux générations futures et dont le comblement ne pourra se faire qu’à grand renfort de larcins dans les poches et les bas de laine. (Si toutefois, il en reste…)

Cela dit, l’Oscar du comique du dimanche après-midi à Saint-Denis revient sans contestation possible à M. Edouard Philippe. Splendide ! Il aura fait le déplacement, se sera mis sur son dimanche, se sera même fendu d’applaudissements, pour, au bout du compte, lui le chouchou des sondages, se voir cocufier en direct, devant 8 863 personnes.

Les jeunes ne respectent plus rien

Le promis pour les épousailles glorieuses de 2027, c’était lui. Il arrivait là en Anquetil, ou si vous préférer en Pogacar, et le voilà qui repart en Poulidor. Parfaitement, c’était lui le leader annoncé, du moins pouvait-il le croire, cela jusqu’à la prise de parole de ce jeune loup au costume ajusté et aux dents très longues, harangue dont la seule chose qu’il y aurait à retenir, c’est qu’il compte bien y aller, lui aussi. Et rafler la mise. Au nez et à la barbe du Havrais et de quelques autres aussi. On songe en particulier à M. le Premier ministre qui, n’ayant pas conseil municipal à Pau ce jour-là, s’était fendu lui aussi du déplacement en terre quasi inconnue pour lui.

« Poussez-vous de là que j’m’y mette ! » Voilà la teneur du propos attalien. Ah, les jeunes ! Aucun respect ! « Se croivent décidément tout permis » comme dirait doctement M le député Delogu.

Il n’empêche, un beau dimanche de rigolade, comme ça, on en redemanderait. Enfin presque.

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Et pendant ce temps, à Strasbourg, le RN impose sa ligne…

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L'eurodéputé Julien Sanchez, ici photographié dans l'Hérault, le 5 août 2024 © Alain ROBERT/SIPA

Le RN a réussi à faire voter plusieurs de ses amendements au Parlement européen, notamment un interdisant la promotion du port du voile par le budget de l’Union européenne.


Un petit pas pour l’Europe, un pas de géant pour les droites européennes. Au moment où l’affaire des assistants parlementaires secouait la France, se tenait à Strasbourg la mensuelle session plénière du Parlement européen. « Rapport sur les orientations générales pour la préparation du budget 2026, section III ». Pas un sujet folichon à première vue, mais les députés se sont remué les méninges pour proposer des amendements.

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Et parmi eux, les députés du Rassemblement national. À l’amendement 56, Julien Sanchez, ancien maire de Beaucaire (Gard) et Angéline Furet se déclaraient « vivement préoccupé par le fait que la Commission a financé ou cofinancé des campagnes de promotion du port du voile, affirmant par exemple que « la liberté est dans le hijab » ». Et plus loin, ils insistaient « pour qu’à l’avenir, le budget de l’Union ne finance plus de campagne qui promeuve directement ou indirectement le port du voile ».

Coupé, le cordon

C’est peut-être un détail pour vous mais pour eux ça veut dire beaucoup.

Traditionnellement, les propositions du Front National devenu Rassemblement national font l’objet d’un rejet systématique. Le gros des rangs du Parti populaire européen (PPE, droite modérée), dominé par la CDU et la CSU allemandes, participe au « cordon sanitaire » (en français dans le texte) et refuse en bloc les propositions venues de la droite souverainiste.

Jusqu’à mardi dernier : à 321 voix contre 318, l’amendement a été adopté. Parmi les Français, Sarah Knafo, l’ancien Reconquête Guillaume Peltier (Marion Maréchal était absente), François-Xavier Bellamy et ses amis LR l’ont soutenu. Mais cette fois, l’habituel plafond de verre que rencontrent les droites, situé autour de 220 voix, a volé en éclat. Grâce aux voix de la CDU et de la CSU (9 voix pour et 3 voix contre).

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Beaucoup de députés se sont abstenus ou n’ont pas pris part au vote sur cet amendement, ce qui, sur des suffrages aussi serrés, équivaut presque à un vote pour (ou en tout cas, lui laisse une chance de gagner). 79 députés ont opté pour cette stratégie dont beaucoup d’Allemands de la CDU (19 en tout). Au centre, le député Renaissance Gilles Boyer, proche d’Édouard Philippe, sauve (presque) l’honneur du camp présidentiel en s’abstenant. C’est à des petites choses comme ça que le oui a pu l’emporter sur le non.

Stop ou encore ?

Et ça n’est pas tout ! Quelques instants plus tard, deux autres amendements, l’un invitant à « combattre la montée de la haine antichrétienne », l’autre pressant « la Commission de consacrer des fonds spécifiques pour empêcher les communautés (…) chrétiennes et juives, d’être prises pour cible, comme elles l’ont été ces derniers mois en Europe », toujours avec Julien Sanchez parmi les rédacteurs, ont eux aussi été approuvés, cette fois-ci un peu plus nettement.

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Quid dans les prochains mois ? Les quelques députés du bloc central qui se sont abstenus vont-ils être rappelés à l’ordre par les Etats-majors des grands groupes, ou bien les esprits vont-ils se décomplexer ? La suite aux prochains épisodes…

Connaissez-vous Stephen Miran?

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Stephen Miran, Washington, 27 février 2025 © Aaron Schwartz/Sipa USA/SIPA

Stephen Miran est l’un des grands économistes qui entourent Donald Trump. L’augmentation des droits de douane, c’est son idée, et ce n’est qu’une première étape pour déprécier le dollar afin de réindustrialiser les États-Unis et renforcer leur puissance militaire.


À lire les journaux, Trump serait une grosse bête, un fou au sommet de l’État le plus puissant du monde. Il voudrait le beurre et l’argent du beurre. Son augmentation des tarifs douaniers reposerait sur une vision court-termiste de l’économie ; elle entraînera bientôt, c’est sûr, un emballement inflationniste. L’Amérique va sombrer : on n’ose s’en réjouir, même si l’on prie pour la déroute du tyran. Sauf que si Trump n’est pas économiste, il est entouré par de brillants économistes : parmi eux, Stephen Miran, diplômé de Harvard. Président du Conseil des conseillers économiques de la Maison-Blanche, Stephen Miran a publié en novembre 2024, au lendemain de la réélection du milliardaire, un document de cinquante pages intitulé A User’s Guide to Restructuring the Global Trading System : tout un programme qui explique notamment la vraie raison de l’augmentation des tarifs douaniers, et démontre qu’aux échecs de l’économie, Trump a trois coups d’avance.

Dollar surpuissant : pas que des avantages, selon M. Miran

Miran part d’un paradoxe cruel : les États-Unis, contrairement à ce que l’on pourrait croire, bénéficient autant qu’ils souffrent de la valeur du dollar. Son statut de monnaie de réserve mondiale en fait une devise forte, ce qui pèse sur l’industrie américaine ; or, la désindustrialisation inquiétante des Etats-Unis présente un danger pour la sécurité nationale — car un État est puissant quand sa production industrielle est supérieure à l’activité de ses services. En d’autres termes, la surévaluation du dollar, qui entraîne la désindustrialisation du pays et l’affaissement de l’économie locale, affaiblit la défense nationale. « En l’absence de rivaux géopolitiques majeurs, écrit Miran, les dirigeants américains pensaient pouvoir minimiser l’importance du déclin des installations industrielles. Mais la Chine et la Russie étant des menaces non seulement commerciales mais aussi sécuritaires, il est de nouveau nécessaire de disposer d’un secteur manufacturier robuste et bien diversifié. »

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Le dilemme est le suivant : si le dollar est trop fort et que les États-Unis n’exportent plus, le dollar se retourne contre les États-Unis ; en même temps, le fait qu’il soit la principale monnaie de réserve du monde est essentiel pour garantir la puissance militaire de l’Amérique. « Le statut de monnaie de réserve de l’Amérique, écrit Stephen Miran, fait peser le fardeau d’une monnaie surévaluée érodant la compétitivité de notre secteur exportateur, ce qui est contrebalancé par les avantages géopolitiques qu’apporte l’extraterritorialité financière en matière de réalisation des objectifs fondamentaux de sécurité nationale, à un coût minimal. » Pour l’économiste, il est nécessaire de trouver un équilibre dans la valeur du dollar : or, le fait qu’il soit trop fort aujourd’hui freine l’industrialisation des États-Unis, et met par conséquent sa sécurité en jeu. Ce qu’il propose, c’est donc que les États-Unis négocient… pour déprécier le dollar. Hélas ! Les États-Unis n’ont plus l’aura ni la puissance qu’ils avaient au lendemain de la guerre. Leur marge de négociation s’en trouve considérablement réduite. Comment dès lors contraindre les pays à déprécier leur monnaie de réserve, ajuster la valeur de leurs propres monnaies au profit des Etats-Unis d’Amérique, participer à la réindustrialisation de l’Amérique ?… d’abord et avant tout, en leur imposant des tarifs douaniers exorbitants.

La négo de Mar-a-Lago 

Pour Stephen Miran, l’augmentation des tarifs douaniers, solution déjà utilisée avec succès en 2018-2019 (c’est-à-dire sans inflation significative), présente tous les avantages. Outre le fait qu’elle entraîne in fine— après un premier temps d’appréciation — une dépréciation du dollar, elle n’affecte en rien le pouvoir d’achat des consommateurs américains (car les dépréciations des devises étrangères compensent les droits de douane : en d’autres termes, les citoyens des pays exportateurs s’appauvrissent… au profit du Trésor américain, qui « collecte les recettes » !), mais elle permet encore de générer des investissements et des emplois, et de financer le maintien de faibles taux d’impositions pour les Américains. Stephen Miran, disons-le franchement, n’est pas notre ami : sa doctrine aura pour effet de nous appauvrir pour enrichir les États-Unis : the winner takes all.

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On se demandera comment les pays étrangers accepteront sans représailles une augmentation punitive et intéressée des tarifs douaniers ? D’abord, les États-Unis demeurent une source importante de demande de consommation mondiale : ils ont les moyens d’imposer leur volonté (en fermant leurs marchés, en limitant leurs exportations…). Ensuite, ils disposent d’une puissance de protection militaire qu’ils se réservent le droit d’ôter aux pays réticents. L’Europe se passera-t-elle des Etats-Unis en se constituant une défense commune ? Tant mieux, répond Miran, cynique : les États-Unis pourront se concentrer sur la Chine !

En conclusion, ce que veut Stephen Miran, c’est un nouvel ordre économique mondial : augmenter les droits de douane pour négocier un nouvel accord du Plaza (Miran propose des « accords de Mar-a-Lago »), déprécier le dollar, réindustrialiser l’Amérique et renforcer sa puissance militaire : « Une baisse de la valeur du dollar contribue à créer des emplois dans le secteur manufacturier américain et à réaffecter la demande globale du reste du monde vers les États-Unis. » L’augmentation des tarifs douaniers doit être le premier des bâtons pour obtenir ces accords ; la fermeture aux marchés américains, le retrait de la défense militaire aux pays récalcitrants, seront les prochaines menaces à être mises en œuvre. De quoi expliquer une grande partie des déclarations apparemment erratiques du président Trump…


L’essai de Stephen Miran :

https://www.hudsonbaycapital.com/documents/FG/hudsonbay/research/638199_A_Users_Guide_to_Restructuring_the_Global_Trading_System.pdf

Une traduction en français :

https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/28/la-doctrine-miran-le-plan-de-trump-pour-disrupter-la-mondialisation

J’ai choisi « le Cavaleur » aux défilés !

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Jean Rochefort et Catherine Alric lors du tournage du film "Le cavaleur " de Philippe de Broca, 1978 © PECCOUX/SIPA

Dans un pays fracturé qui a préféré hier majoritairement le festival du barbecue au Parc floral aux manifestations antagonistes parisiennes, Arte prône la voie de l’apaisement et de la concorde nationale en débutant au mois d’avril un cycle « Philippe de Broca » qui se poursuivra tout au long de l’année. Monsieur Nostalgie nous explique pourquoi « Le Cavaleur » de 1979 est à la fois une source d’émerveillement et d’espoir dans une France à bout de souffle…


Nous sommes incapables collectivement de parler de la France car nous n’avons plus les mêmes références, les mêmes marottes, les mêmes mélancolies, les mêmes grisailles, les mêmes mots doux. Un langage commun, au-delà des classes sociales et des identités tapageuses, nous fait aujourd’hui défaut. Chaque camp y va de son dépliant idéologique, tente grossièrement d’alpaguer l’électeur, crie des infamies dans le désert, se fait plus gros médiatiquement qu’il n’est. Les partis sont désertés et déconsidérés, les communautés se cristallisent en dehors de la République, l’abstention s’enkyste et le personnel politique est devenu la variable de divertissement des chaînes en continu. Alors, nous regardons ce spectacle, à la fois effarés et à distance sanitaire. Un peu gênés et coupables par ce délitement. Car ils sont le produit de nos années d’abandon et de déni. Nous leur avons laissé les clés du camion, ils étaient à peine aptes à conduire un vélomoteur. Un jour, nous nous sommes réveillés orphelins de nos vieilles armatures, de nos marivaudages savants, de nos bourgeoisies enfantines et d’une génération d’hommes sans certitudes. Les honnêtes hommes que furent nos parents et nos grands-parents étaient moins dogmatiques avec les aléas du quotidien, tout en croyant aux vertus du travail, de l’école publique et de l’amour. Dans un monde empli de procédures et d’injonctions, les errements ou plutôt les arabesques de Jean Rochefort, pianiste désaccordé, papillonneur en diable, sont des écarts de conduite vaudevillesques. On pourrait en rire, et on rit beaucoup, les formules pétillent dans ce long-métrage de 1979, l’esprit français de Guitry à Audiard se glisse dans les intérieurs cossus de la Place Vivienne. Mais, l’essentiel n’est pas là. Les moralistes actuels trouveront ces gesticulations pathétiques dignes d’un patriarcat à abattre. Des accommodements de privilégiés pendant que la misère gronde et la Terre tremble. Les arrangements ménagers et les foucades de ce concertiste, individualiste forcené, solitaire en déshérence sont d’un autre temps ; une époque révolue où l’on pouvait rouler dans Paris dans un break Volvo grignoté par la rouille et commander un quart champagne au bistrot du coin.

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« Le Cavaleur » se regarde comme un livre d’images, un conte des jours heureux, un peu triste, un peu drôle ; il est ce baume réconfortant qu’on applique sur les déchirures modernes. Il est « temps qui passe », enchevêtrement du masculin et du féminin, refuge dans la musique classique, cette tapisserie sans fin de Mozart à Ravel, transmission avec un jeune disciple sorti de nulle part, d’une quincaillerie bretonne et filouteries de garnisons. Il est, c’est bien simple, tout le contraire de nos vociférations et de nos aigreurs, il n’a pas vocation à faire de nous des humains plus respectueux, plus citoyens ou plus disciplinés. Il est ce voile pudique sur les sentiments, il est secret des alcôves et embardées cheminotes. C’est parce qu’en apparence, il ne professe rien de sérieux, de tangible, de rémunérateur ou de bénéficiaire qu’il est une promenade dans notre jardin d’hier. Après l’avoir (re)vu, on ne regarde plus de la même façon l’horloge de la gare de Lyon, le Moulin Rouge, les Grands Magasins, l’île aux moines aux vacances de la Toussaint ou la forêt de Rambouillet au clair-obscur. Ce soir, on n’ira pas skier à Chamonix avec Catherine Alric mais s’embourber sur le chemin d’un château qui semble sorti d’un songe d’Alain Fournier. On perdra la mémoire entre Danielle Darrieux et Catherine Leprince ; entre la grand-mère et la petite-fille, la Libération de Paris fera kaléidoscope. On apprendra que pour bien jouer du piano, il faut mécaniser, jouer avec les doigts et non avec son âme. Qu’avant de se gargariser d’un hypothétique univers musical et d’une singularité esthétique, on devra charbonner sur les touches à se faire saigner les mains. On aura la preuve, une fois de plus, qu’Annie Girardot est une immense actrice, en un mouvement de menton, elle passe de la primesautière à l’élégiaque. En France, il nous manque ce feu sacré, cet appel du pays profond, l’envie que nos cœurs battent à nouveau à l’unisson. Cet élan, Arte nous l’offre gratuitement en diffusant durant les prochains mois l’œuvre de Philippe de Broca. « Le Cavaleur » (disponible en streaming sur Arte.tv) ouvre le bal des souvenirs. Il possède cette patine d’émotion, ce soyeux d’antiquaire qu’ont les meubles lustrés, brillants, un peu trop beaux et tellement fragiles. Et puis, il y a Nicole Garcia, la voix de Nicole, sa blondeur infernale, sa retenue explosive. Qu’elle était belle la France de Philippe de Broca.

1h40

Le cavaleur – Regarder le film complet | ARTE

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Pourquoi le Rassemblement national peut rafler la mise avec ou sans Marine Le Pen

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Marine Le Pen et Jordan Bardella, Rassemblement "Sauvons la démocratie, soutenons Marine !", Paris, 6 avril 2025 © Michel Euler/AP/SIPA

Selon les derniers sondages, le Rassemblement national représenté par Jordan Bardella en l’absence obligée de Marine Le Pen, serait en mesure malgré tout de remporter la prochaine élection présidentielle. C’est donc bien le Rassemblement national tel qu’il se présente, avec ses élus tels qu’ils sont, qui séduit une grande partie de l’opinion publique. Il reste à comprendre ce qui fait le succès de cette droite dite « extrême » par ses adversaires et qui a son équivalent désormais dans plusieurs pays occidentaux. Analyse.


Un profond malaise traverse les couches populaires françaises, celles que l’on appelait autrefois le « peuple laborieux ». L’exaspération est à son comble face à une classe dirigeante perçue comme hors-sol, aveugle aux réalités concrètes, soumise à des logiques technocratiques européennes et mondialisées. Une fracture béante s’est installée entre ceux d’en bas, qui subissent au quotidien les effets de la désindustrialisation, de l’insécurité et de la précarité, et ceux d’en haut, qui vivent à l’abri des conséquences de leurs décisions dans des cercles fermés, souvent parisiens et européanisés.

Dépossession

La construction européenne, telle qu’elle est vécue par une grande partie de la population, incarne cette dépossession politique. Les grandes orientations économiques et sociales sont dictées par des commissions non élues, des traités intangibles et des règles budgétaires strictes, imposées sans véritable débat démocratique. L’idéal d’une Europe sociale a cédé la place à une gouvernance d’experts, indifférente aux souffrances concrètes. Le sentiment d’abandon, nourri par cette distance entre les institutions et les citoyens, alimente un désir de rupture plus que de réforme.

Historiquement, c’était la gauche — celle de Jaurès, de Blum, des luttes ouvrières — qui portait les espoirs de justice sociale, de solidarité et d’émancipation. Mais aujourd’hui, elle semble s’être égarée. Incapable de se renouveler, prisonnière de récits identitaires ou communautaristes, elle a déserté le terrain du réel pour celui du symbolique. Le Parti communiste est moribond, le Parti socialiste réduit à une force d’appoint, et les nouvelles formations « de gauche radicale » apparaissent coupées des préoccupations populaires.

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La gauche se tourne vers de nouveaux électorats : les quartiers dits sensibles, certaines minorités, les classes moyennes diplômées en quête de causes à défendre. Mais dans cette recomposition idéologique, elle a oublié les ouvriers, les employés, les retraités modestes, les habitants des zones rurales et périurbaines. Ces Français invisibles, relégués aux marges du récit national, ne se reconnaissent plus dans un discours qui les ignore ou les méprise.

La droite de gouvernement effacée

Face à cette débandade de la gauche, la droite républicaine aurait pu redevenir un refuge. Mais elle a elle aussi trahi son électorat populaire au nom d’un libéralisme économique qui a fragilisé le tissu social. Aujourd’hui, elle tente de survivre en singeant à la hâte les thèmes portés par le Rassemblement national — immigration, sécurité, autorité — mais sans la cohérence ni la radicalité attendue. Coincée entre La République en Marche, qui l’a vampirisée, et le RN, qui l’absorbe, elle semble condamnée à l’effacement.

Ce que certains appellent « droitisation » du pays est en réalité un réalignement des représentations collectives sur une réalité de plus en plus anxiogène. Le rêve d’un monde réconcilié, de fraternité universelle et de lendemains qui chantent a cédé le pas à la dureté du quotidien. L’insécurité, la pression migratoire, l’islamisation, la perte de repères culturels, la crise du pouvoir d’achat et le sentiment de déclassement massif ont ancré la demande populaire dans des valeurs de protection, d’identité, d’autorité.

Le progressisme, tel qu’il est aujourd’hui défendu, apparaît comme une utopie hors-sol, sans prise sur le réel. Il rêve encore d’une humanité en marche vers l’égalité et l’émancipation, alors que les peuples, eux, réclament désormais des frontières, de la sécurité, de l’ordre. La fracture est là, entre une gauche tournée vers l’horizon du grand soir et un peuple en quête de stabilité immédiate.

La réalité internationale accentue encore cette désillusion. Les grands récits émancipateurs de la gauche ont sombré : la révolution bolivarienne s’est transformée en régime autoritaire et miséreux ; les dirigeants palestiniens sont décriés pour leur corruption pendant que le conflit s’enlise ; la Chine incarne une synthèse cynique entre capitalisme brutal et autoritarisme étatique ; l’Afrique, que l’on voulait indépendante et souveraine, reste prisonnière de systèmes corrompus et d’une nouvelle dépendance vis-à-vis de Pékin. Les masques tombent. Le réel s’impose.

Ma cité va craquer

En France même, les émeutes dans certaines banlieues ont révélé non pas une colère sociale constructive, mais un divorce culturel et sécuritaire. Le trafic, la violence, la montée d’un islam identitaire et conquérant sont vécus comme une menace directe par une majorité silencieuse qui ne croit plus aux discours compassionnels. Ce que le peuple exige aujourd’hui, ce ne sont plus des promesses de jours heureux, mais des actes concrets pour garantir la paix, l’ordre, la justice.

Ce qui se joue aujourd’hui en France, à travers le basculement électoral des classes populaires vers le Rassemblement national, n’est pas un simple glissement partisan. C’est l’expression d’un bouleversement plus profond, à l’image de ce que vivent de nombreuses démocraties occidentales : une révolte silencieuse, parfois brutale, de ceux qui ont été relégués, oubliés, méprisés par des élites politiques, médiatiques, économiques, qui se parlent entre elles et gouvernent sans les entendre.

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La France périphérique — celle des petites villes, des zones rurales, des franges périurbaines — ne croit plus aux promesses des progressismes abstraits. Elle n’aspire plus à l’utopie d’un monde sans frontières, d’une humanité pacifiée, d’un avenir radieux construit sur le seul pouvoir des mots et des discours. Elle regarde désormais le réel en face : un monde durci, instable, où les rapports de force l’emportent sur les grandes idées, où les nations, les civilisations et les blocs d’intérêts s’affrontent sans fard.

Dans ce contexte, les plus modestes ne demandent plus des rêves, mais des boucliers. Ils réclament non plus la fraternité abstraite mais la solidarité concrète. Ils veulent que l’État les protège, qu’il régule, qu’il punisse ceux qui détruisent le tissu social, qu’il affirme une autorité républicaine ferme et équitable. Ils attendent des réponses à la hauteur des angoisses qu’ils vivent : celle du déclassement, de l’insécurité, de l’invisibilisation. Leur demande n’est pas de haine, mais de protection. Pas d’exclusion, mais de priorité.

Ce retournement est révélateur d’un monde en transition. Les idéaux de la gauche historique, forgés dans une époque industrielle, dans un monde encore structuré autour du travail, de la lutte des classes et de la solidarité ouvrière, peinent à s’adapter à un monde fragmenté, dérégulé, violent. Pendant que la gauche continue de s’adresser à des catégories minoritaires ou symboliques, le cœur populaire se détourne. Il observe que les indépendances d’hier ont souvent débouché sur la dépendance d’aujourd’hui ; que les promesses de justice internationale ont masqué des jeux de pouvoir cyniques ; que l’universalisme proclamé cache parfois le désintérêt pour les souffrances françaises.

Ce monde nouveau est un monde d’insécurité globale : économique, culturelle, géopolitique, climatique, numérique. Et face à cela, le peuple n’en appelle plus à la révolution, mais à la réassurance. Il demande que l’on reconstruise des murs symboliques et concrets, que l’on définisse à nouveau qui fait partie du « nous », que l’on protège ce qui peut encore l’être : l’emploi, l’école, la langue, la nation, la culture.

Le vote pour le Rassemblement national, dans ce contexte, ne peut plus être interprété comme un simple vote protestataire. Il est devenu pour beaucoup un vote de nécessité, de dernier recours. Il ne traduit pas une adhésion à une idéologie extrême, mais un espoir pragmatique : celui que quelqu’un, enfin, prendra en compte leur existence.

Ce n’est pas la France populaire qui a changé fondamentalement : c’est le monde qui, en se durcissant, a rendu inopérantes les vieilles promesses. Et face à cette brutalité du réel, elle cherche désormais non pas des idées généreuses, mais des garanties tangibles. Elle ne réclame plus un horizon lumineux, mais une ancre solide. Elle ne veut plus de discours lointains, mais de la protection ici, maintenant. Et c’est précisément cela que les élites ne veulent pas, ou ne peuvent plus, entendre.

Quatre France + une

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Paris, avril 2025 © Michel Euler/AP/SIPA

Trois France (ou plus), un soleil, zéro cortège… Place Vauban devant les siens, Marine Le Pen a assuré hier qu’elle ne lâcherait rien. De leur côté, Place de la République, Verts et Insoumis étaient une nouvelle fois de sortie pour riposter contre le « fascisme »… À Saint-Denis, le jeune Gabriel Attal se croyait déjà en 2027. Et devant l’Hôtel de Ville, des motards ont protesté contre les ZFE, et se sont surnommés eux-mêmes « les Gueux ». L’analyse d’Elisabeth Lévy.


Plusieurs France se faisaient face hier sur le pavé parisien. Certains commentateurs, dont votre servante, avaient parlé dimanche matin de trois France irréconciliables. Amusant : Place Vauban, il y avait partout le drapeau tricolore, la Place de la République était pavée de drapeaux palestiniens ou algériens, et à Saint-Denis (première sortie publique du « bloc central ») il y avait des drapeaux européens et français. Je vous donne les trois pôles de l’Assemblée nationale. Les deux ex-partis de gouvernement, Parti socialiste et LR, manquaient hier à l’appel.

Deux contre 1

Deux France seront toujours prêtes à se réconcilier demain contre la troisième. Bien qu’il n’y ait pas eu un mot de travers des leaders du RN hier (respect de la Justice, séparation des pouvoirs), extrême-gauche et macronie ont continué de faire monter la mayonnaise folle d’un RN fasciste et séditieux, s’apprêtant à supprimer l’Etat de droit, menaçant les institutions… Si un dixième de tout ce qu’ils disent était vrai, Marine Le Pen, Jordan Bardella et consorts dormiraient en prison. Mais ce pur bobard devenu vérité à force d’être répété annonce le prochain Front républicain. Contre le nazisme, on s’alliera avec des antisémites.

Il y avait aussi hier une quatrième France, largement oubliée. Celle des « gueux » d’Alexandre Jardin, avec les motards contre les ZFE. J’y étais. C’était très sympathique. Ils étaient quelques milliers devant l’Hôtel-de-Ville. Il y avait beaucoup de retraités comme Jacqueline, 78 ans, de Courbevoie. Plutôt aisée, elle m’a dit « Je n’ai jamais été aussi fière d’être une gueux ». Comme souvent, on retrouve un même ciment derrière ces colères: c’est le sentiment d’injustice. Et ce rassemblement était d’ailleurs le réceptacle d’autres colères. L’un milite contre l’euthanasie, l’autre contre les vaccins pédiatriques. Une troisième dame distribuait des calicots vaguement conspi «Vous êtes l’anomalie dont le système a peur». C’était un cocktail évoquant un peu les gilets jaunes.

Laquelle de ces France a gagné?

La cinquième ! C’est-à-dire l’écrasante majorité qui a préféré profiter du soleil. Celle qui ne s’intéresse pas ou plus à cette agitation.

Un point commun aux trois blocs est à noter. Tous ont préféré des rassemblements aux manifestations, car ils sont probablement incapables de mobiliser assez pour un cortège. Il n’y avait pas de défilé; c’était de petits meetings, avec pratiquement que des militants. Sauf pour les ZFE, où beaucoup de gens désabusés se sont joint au mouvement. C’est peut-être ce qu’il y a de plus grave : on assiste à une sorte de désaffiliation et d’indifférence à la chose publique, à un repli sur le bonheur privé. Tous se disaient plus ou moins : « Ça ne donnera rien ». L’échec des gilets jaunes a douché les dernières ardeurs. On ne croit pas que la politique puisse changer les choses. Plus grave : elle ne fabrique plus de légitimité. Qu’est-ce que mon pays peut faire pour moi ? Cette perte du sentiment collectif, de la conscience d’être un peuple, est le véritable danger pour la démocratie. Que ceux qui entendent des bruits de bottes se rassurent. Les peuples qui rêvent de la retraite ne font pas la révolution. Ni rouge ni brune.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio