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Richard Ferrand : fidèle casté

Richard Ferrand a été élu à la présidence du Conseil constitutionnel à une voix près. Ce vieux briscard du PS sans expérience juridique n’a jamais été un brillant tacticien, pas plus qu’un illustre ministre ou président de l’Assemblée nationale, et il traîne derrière lui de sérieuses casseroles. Mais il est le protégé du chef de l’État


Jusqu’à présent, il suffisait, sous la Ve république, de regarder qui était nommé à la tête du Conseil constitutionnel pour dresser le bilan d’une présidence. Ainsi les choix de de Gaulle et de Pompidou se portèrent tout naturellement sur Gaston Palewski et Roger Frey. Le premier, flamboyant, le deuxième, secret. L’un féru d’affaires étrangères, l’autre pas étranger aux affaires.

François Mitterrand désigna ceux qui incarnaient la double face de son histoire et de ses septennats. « J’ai deux avocats, aimait-il à répéter, Robert Badinter pour le droit et Roland Dumas pour le tordu. » Les deux impétrants présidèrent donc les Sages.

Jacques Chirac plaça, lui, sur ce pavois convoité Jean-Louis Debré, digne et sympathique représentant de l’inaction en politique. François Hollande nomma Laurent Fabius, son rival et compère, symbole d’une social-démocratie sans cesse éditorialisée et toujours avortée. Mais avec Emmanuel Macron, le doute surgit : que pouvait-il bien avoir en tête en propulsant à la présidence du Conseil constitutionnel Richard Ferrand qui trouve là son bâton de maréchal ?

Il est clair qu’en présentant ce nom, il ne cherchait pas à reprendre la main. Il savait que la ratification parlementaire de ce fait du prince serait page peu glorieuse. Sans doute n’avait-il pas mesuré, en revanche, la puissance du rejet d’un président des Sages durablement affaibli avant même son entrée en fonction…

Un choix qui n’est pas disruptif

Pour rejeter la candidature de l’ancien président de l’Assemblée, il fallait le vote des trois cinquièmes des membres des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, soit, compte tenu de l’abstention des élus lepénistes, 59 voix. À l’arrivée, 58 parlementaires, sur les 97 qui se sont exprimés, se sont prononcés contre l’arrivée de Richard Ferrand et seulement 38 pour. Une voix, une seule voix, aura manqué pour renvoyer la rosse macronienne à son paddock.

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Emmanuel Macron n’a pas non plus vu en Ferrand un de ces choix disruptifs qu’il nous dit affectionner. S’il existe une date de péremption en politique, l’ancien député du Finistère l’a atteinte depuis un bon moment puisqu’il y a près d’un demi-siècle qu’il s’est encarté au Parti socialiste. Accroché à son Finistère d’adoption comme une patelle à son rocher, il y a vécu tous les ressacs de cette formation politique cabotant de congrès en universités d’été, de conseils nationaux en réunions de section. Il aura ainsi soutenu Mitterrand en 1988, Emmanuelli sept ans plus tard, rallié Hollande en 2007 et soutenu Aubry en 2011. Le député de Corrèze élu, Ferrand flirta avec les frondeurs avant de tomber dans la dévotion d’Emmanuel Macron comme tous les oubliés des remaniements du quinquennat Hollande. Sa conversion sera si rapide qu’il oubliera de faire le ménage dans ses engagements précédents comme son soutien actif à l’association France Palestine Solidarité soutenant le BDS, activité de boycott d’Israël, déclarée illégale en France.

Avec Ferrand, le chef de l’État n’a pas cherché à donner du lustre à ses deux mandats. On est même passé du tout fou de « c’est mon projeeeet ! » au tofu, ce truc fade que l’on s’emploie à introduire en douce dans les assiettes électorales sous l’appellation « en même temps ». Car si certains éditorialistes ont généreusement qualifié Ferrand d’« éminence grise », c’est aller un peu vite en besogne.

Courtisanerie contemporaine

Le fait qu’il parlerait vertement au président de la République, « d’homme à homme », est une légende urbaine opportunément réapparue au moment de sa candidature pour camoufler sa dépendance intégrale à l’Élysée. En cherchant bien, son titre de gloire aurait été d’avoir été prévenu de la dissolution avant Gabriel Attal et François Bayrou, excusez du (très) peu, pas de quoi édifier une saga politique.

Si l’on excepte son souhait exprimé dans un accès fébrile de courtisanerie de voir l’actuel locataire de l’Élysée effectuer un troisième mandat (ce qu’il a bien dit en dépit de ses pathétiques dénégations devant les commissions), son apport tactique ou stratégique au macronisme est aussi plat qu’une limande.

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Éphémère ministre de la Cohésion des territoires, mauvais président de groupe qui prit sous sa férule l’allure d’une pétaudière, évanescent président de l’Assemblée nationale parvenant à faire regretter François de Rugy, Ferrand est une éminence insipide, neutre, avec beaucoup d’aspirations (l’homme est plein de lui-même), mais aucune aspérité. Le type d’éminence dont raffole un président qui a claironné devant ses troupes ballottées par les conflits sociaux : « Soyez fiers d’être des amateurs ! »

Casseroles…

Sur ce point, le chef de l’État ne pourra pas être déçu. À l’inverse de ses prédécesseurs, Ferrand ne dispose pas de la moindre parcelle d’expertise alors que, depuis la fin des années 1970, tous les prédécesseurs de Laurent Fabius ont disposé d’une solide formation juridique. Certes, on nous répond qu’il a poursuivi des études de droit, mais était-il opportun de le nommer à la tête du Conseil constitutionnel pour lui permettre de les rattraper ? Rappelons, au passage, que cette noble institution exige pour les juges de proximité l’équivalent d’une capacité en droit.

Faut-il ajouter à ce tableau peu reluisant le bruit de casseroles persistant autour de l’intéressé, longuement rappelé par le député Olivier Marleix lors de son audition ? Il y a bien sûr l’affaire des Mutuelles de Bretagne, classée sans suite en 2022, en raison de la prescription des faits et non d’un procès en bonne et due forme. Rappelons que la même année, il nomma pour siéger parmi les Sages Véronique Malbec, procureur général près de la cour d’appel de Rennes, qui avait une première fois classé sans suite cette sombre affaire. Mais il y a aussi l’emploi de son fils ou le fait qu’il n’ait pas déclaré la moindre activité à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en dépit des 800 000 euros de chiffre d’affaires de son cabinet de conseil en 2023 et diverses autres broutilles.

Un rapport de 2021 de la commission des lois de l’Assemblée nationale soulignait combien le coquet montant des indemnités perçues par les Sages (15 000 euros nets pour leur président) ne reposait « sur aucune base légale ou transparente », évoluant dans la zone grise du droit. La loi organique qui devait mettre de la transparence dans ces petits arrangements entre amis a suivi un classement vertical, aucune formation politique n’ayant eu le courage d’irriter la noble institution. D’ailleurs, l’abrogation du régime fiscal si particulier de ses membres, il y a seulement quatre ans, fut immédiatement compensée par une indemnité complémentaire sur le fondement d’une décision illégale prise par l’exécutif macronien. Aurait-on nommé Richard Ferrand pour faire bénéficier ses collègues de la rue de Montpensier de ses lumières dans ce domaine ?

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Emmanuel Macron accusé de tirer profit de la guerre en Ukraine

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Après le revirement américain dans le soutien à l’Ukraine et la multiplication d’ingérences russes, le président français est accusé de dramatiser la situation géopolitique pour redorer son blason auprès des Français et renforcer le projet fédéraliste européen. Le point de vue de Didier Desrimais


Conflit russo-ukrainien. En France, la propagande pro-guerre bat son plein sur la majorité des chaînes de télévision et de radio – sur l’audiovisuel public, c’est 100 % – et dans presque toute la presse écrite. L’examen approfondi des évènements se voit supplanté par les bêlements bellicistes du troupeau politico-médiatique. Ceux qui se tiennent à distance de la simplissime doxa de nos responsables politiques et des médias va-t-en guerre sont traités, au choix, de trumpistes, de poutiniens ou de munichois. Il s’agit de faire taire les récalcitrants, peu invités dans les médias mainstream mais quotidiennement sermonnés par Patrick Cohen sur France Inter. Ce dernier, bien au chaud dernier son micro, est prêt à en découdre. Quant au journaliste Darius Rochebin, il s’enthousiasme sur LCI, face à Oxana Melnychouk, présidente de l’association “Unis pour l’Ukraine” : « Donc, on peut être optimiste. Si les Européens prennent la relève, la guerre peut continuer ! »

La pensée unique a encore frappé

Aubaine : le « clash » entre Trump, Vance et Zelensky permet à Emmanuel Macron de se refaire une santé politique en France et en Europe. Il peut compter sur des soutiens de poids. François Hollande, Raphaël Glucksmann, Marine Tondelier, Olivier Faure et Édouard Philippe relaient les propos du plus macroniste et du plus obtus des eurodéputés français, Bernard Guetta : la Russie veut envahir l’Europe, Donald Trump est un imbécile à la solde de Poutine, l’Ukraine peut gagner la guerre si l’Europe la soutient. D’une seule voix, ils condamnent le président américain qui aurait « humilié » Volodymyr Zelensky. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, l’entretien qui s’est tenu à la Maison-Blanche a surtout montré que la nouvelle administration américaine désire, coûte que coûte, le retour de la paix en Europe – sur les cinquante minutes qu’il a duré, les médias complices n’ont montré que les huit dernières, c’est-à-dire le moment où Trump et Vance, exaspérés de voir que le président ukrainien n’est venu que pour quémander de l’argent et des armes, décident de lui dire ses quatre vérités : l’Ukraine a perdu la guerre, le pays est exsangue, son président n’est pas en position de dire aux Américains ce qu’ils doivent faire ou redouter ; soit il négocie la fin du conflit, soit les États-Unis le lâchent complètement et son pays subira une défaite totale et humiliante dont la population, déjà meurtrie par trois années de guerre, sera la principale victime.   

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Dans le Bureau ovale, Zelensky a commis plusieurs erreurs. Il a d’abord cru pouvoir dérouler sans être interrompu le discours qu’il tenait depuis des mois au gouvernement démocrate américain et à la Commission européenne : la Russie a attaqué l’Ukraine sans autre motif que de débuter une invasion impérialiste qui visera bientôt les pays baltes, la Roumanie, la Pologne et, pourquoi pas, l’Allemagne et la France. L’Ukraine est le dernier rempart. Sauvez-la pour vous sauver – donnez-lui les moyens financiers et militaires pour tenir tête au dictateur Poutine dans un conflit qui voit se confronter, ni plus ni moins, le camp du bien et celui du mal. Etc. Il a brandi les mêmes mensonges, en particulier sur le fait que lui, Zelensky, aurait respecté les accords de Minsk et que Poutine se serait assis dessus – cette contrevérité a été réitérée par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Rappelons que ces accords prévoyaient une relative autonomie des territoires russophones du Donbass, les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk, suite à une réforme constitutionnelle et à des élections qui n’ont jamais eu lieu. « Porochenko d’abord, puis Zelensky, ont accepté les principes de l’accord, mais ne l’ont finalement jamais appliqué », affirmait en 2022 Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France à Moscou. Angela Merkel et François Hollande, dont le rôle était de garantir le respect des accords de Minsk, ont avoué plus tard que ces accords n’avaient jamais eu pour objectif de régler le conflit dans le Donbass mais, au contraire, celui de donner du temps à Zelensky pour se renforcer militairement afin de conserver les territoires séparatistes, y compris en mettant en place, avec l’aide des États-Unis, 12 bases militaires de renseignement établies tout le long de la frontière avec la Russie, comme l’a révélé le New York Times. Durant cette période, le gouvernement ukrainien n’a pas ménagé ses efforts pour rendre la vie dure aux russophones des oblasts du Donbass. Le président Zelensky a muselé l’opposition, fait fermer trois chaînes de télévision sous prétexte d’enrayer la propagande russe sapant « les efforts de l’Ukraine sur le chemin de l’Union européenne et de l’intégration euro-atlantique », fait interdire par décret un site web extrêmement populaire (strana.ua), un des rares médias ukrainiens à avoir dénoncé la corruption massive et généralisée qui gangrène le pays depuis des décennies, y compris au sein des gouvernements successifs. Zelensky a également fait interdire, un mois après le début de la guerre, 11 partis d’opposition considérés comme « pro-russes », dont le parti Plateforme d’opposition – Pour la vie, la deuxième force politique du pays avec 43 députés.

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La nouvelle administration américaine n’ignore rien, ni des ingérences américaines dans la vie politique de l’Ukraine depuis la fameuse « révolution » de Maïdan, ni du rôle de l’administration Biden dans la poursuite de la guerre – entre autres, au moment où, en mars 2022, des négociations entre les belligérants laissant espérer une issue rapide furent annihilées par l’intervention de l’émissaire de l’Oncle Sam, Boris Johnson –, ni des investissements financiers et militaires américains avant et pendant la guerre. Elle veut y mettre un terme. Lors de sa campagne, Trump a annoncé clairement ce qu’il ferait en cas de victoire : 1) agir fermement pour que cesse rapidement la guerre ; 2) cesser d’agiter le chiffon rouge sous le nez de Poutine en laissant croire que l’Ukraine pourrait entrer un jour dans l’Otan ; 3) rétablir des relations apaisées avec le président russe, le but pouvant être de fragiliser les liens de la Russie avec la Chine ; 4) business is business : se faire rembourser, d’une manière ou d’une autre, les 180 milliards de dollars dépensés pour soutenir l’Ukraine et dont une bonne partie a été détournée pour finir dans les poches de Dieu seul sait qui, de l’aveu même de Zelensky ; 5) remettre en question le principe du « parapluie » militaire américain dans le cadre de l’Otan, au moins pour ce qui concerne la participation budgétaire de chaque État membre de l’organisation atlantiste. Zelensky a fait fi des déclarations de Trump. Poussé par des Européens que n’enthousiasme pas une possible cessation du conflit dû essentiellement à l’activisme forcené de Trump, il a cru pouvoir à nouveau obtenir ce qu’il réclamait après chaque rencontre avec Joe Biden : de l’argent, des armes, un discours de soutien inconditionnel. Très exactement le contraire de ce que Trump promet depuis des mois. 

A relire, Dominique Labarrière: Thé glacial à la Maison-Blanche

Menace principale et menaces secondaires

Dans le Bureau ovale, l’entretien s’est mal terminé – il aurait pu se terminer plus mal encore si Trump et Vance avaient compris l’expression russe « suka blyat » que Zelensky marmonne, après que le vice-président a évoqué la brutalité des agents chargés de « recruter » de jeunes Ukrainiens pour les envoyer de force sur le front, et qui signifie… « fils de pute ». Quoi qu’il en soit, le ton est monté au fur et à mesure que Zelensky est revenu à la charge pour obtenir les moyens de continuer la guerre en attendant de signer la paix à ses conditions. L’exaspération du président et du vice-président américains atteindra son comble lorsque Zelensky affirmera que les Ukrainiens « se battent seuls depuis 8 ans ». Après lui avoir fait remarquer que cela est faux et que l’investissement américain aurait mérité, a minima, des remerciements, Vance amorce la fin de l’échange – « Le président tente de sauver votre pays », en clair : vous ne gagnerez jamais cette guerre ; si vous continuez à vous acharner, votre pays, ruiné, à l’agonie, mettra des décennies à se relever ; il est plus que temps d’engager des négociations pour mettre fin à la guerre ; si vous refusez, les États-Unis ne vous soutiendront plus et, les Européens n’ayant pas les moyens de vous apporter une aide substantielle, l’Ukraine sombrera définitivement. Volodymyr Zelensky semble avoir entendu le message : « Mon équipe et moi-même sommes prêts à travailler sous la direction du président Trump pour obtenir une paix durable », écrit-il au président américain deux jours après avoir quitté Washington.  En prenant la tête de la horde belliciste, Emmanuel Macron ne sauve pas l’honneur du camp occidental mais tente de sauver les meubles de son double quinquennat désastreux – ou comment faire oublier les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Français, problèmes liés à la désindustrialisation, à l’écologisme, à la submersion migratoire, à l’insécurité, au narcotrafic, à l’endettement massif, à la soumission au régime algérien, à l’entrisme islamique, à l’effondrement des services publics, etc. Le discours grandiloquent devient délirant lorsque le président de la République affirme que « la Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe ». La veille, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, avait déjà évoqué une fantasmagorique « ligne de front qui s’approche » sans que personne ne réagisse dans le studio de France Inter, studio dans lequel Raphaël Glucksmann a pu marteler que les Russes étaient « la principale menace pesant sur la sécurité des Européens » et qu’il fallait par conséquent soutenir militairement l’Ukraine. La majorité des médias et des responsables politiques s’alignent, souvent par anti-trumpisme panurgique, sur un discours présidentiel guerrier qui a surtout pour but de redorer le blason d’un homme que les Français ne supportent plus et de raviver les couleurs d’une UE qui désespère les peuples européens. Car, bien entendu, l’idée d’une Europe fédérale et supra-nationale chère à Emmanuel Macron, Ursula Von der Leyen, Thierry Breton ou Raphaël Glucksmann, repointe le bout de son nez. Ces gens-là sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Emmanuel Macron a volontairement dramatisé la situation en utilisant un vocabulaire outrancier pour effrayer les Français. Il se dit prêt à envoyer des soldats en Ukraine et à « ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen » – deux folies pouvant engager notre pays dans des conflits dévastateurs. Tout à son objectif de promouvoir une Europe fédérale dans laquelle il espère tenir un jour un rôle majeur, il attise sciemment les peurs. Après l’urgence sanitaire face au Covid et l’urgence climatique face au réchauffement, l’urgence militaire face à la « menace russe » arrive à point nommé pour relancer le projet européo-fédéraliste. Emmanuel Macron et les instances bruxelloises annoncent de nouveaux « sacrifices » à venir, sacrifices qui augurent en vérité d’une accélération du déclin des nations européennes, de leur paupérisation, de leur relégation sur la scène internationale. La France ne se relèvera peut-être jamais des quinquennats d’Emmanuel Macron, président-matamore qui n’a pas de mots assez durs pour Poutine mais qui, après avoir dépecé notre pays, se laisse marcher dessus par le gouvernement algérien et M. Tebboune. Les nations européennes ne se relèveront peut-être pas, quant à elles, d’un demi-siècle de « construction européenne » qui n’aura servi que les intérêts de certaines oligarchies politiques, médiatiques, bruxelloises ou davosiennes prêtes à sacrifier les peuples pour que perdurent leurs privilèges.

Polar, caviar et propagande: Marignac revient en grande forme


Depuis A Quai et Terminal Croisière, deux de ses précédents romans, je sais à quel point Thierry Marignac est fasciné par les zones portuaires, d’Anvers à Hambourg – aujourd’hui, au Havre, dont il propose dans L’Interprète une saisissante peinture. Dans cet Interprète, les lecteurs de son oeuvre retrouveront un personnage récurrent, probable porte-fantasmes de l’auteur, à savoir Thomas Dessaigne, traducteur et interprète de l’anglais et du russe, entre autres pour la police de Bruxelles, ex-facilitateur ONG en Russie, ex-employé de la Croix-Rouge expulsé de Moscou et lié naguère à la pègre des ghettos noirs de Harlem, en un mot comme en cent un « demi-solde d’une caste inférieure d’employés internationaux ».

Polar philologique

Ce Dessaigne, grand amateur de vodka Tsarskaïa devant l’Éternel, a roulé sa bosse de Kiev à Vilnius, de Bruxelles à Brooklyn. Comme Marignac, il est un linguiste-né, sensible aux accents et aux intonations, fin connaisseur des argots, jamaïcains ou ukrainiens, comme des vocabulaires techniques.

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L’Interprète peut d’ailleurs se lire aussi comme un polar « philologique », car son intrigue repose en partie sur le déchiffrement d’une devise en cyrillique orthodoxe gravée sur la lame damasquinée d’un poignard. Cette lame est retrouvée entre les côtes d’un cadavre découvert dans les bas-fonds du Havre, à quelques mètres d’un lugubre bar à hôtesses. Réquisitionné par un binôme de policiers locaux pour traduire cette mystérieuse inscription, Dessaigne fait vite le lien avec les vendettas du Caucase, attisées par les récentes guerres locales. La façon dont le cœur de la victime a été transpercé sans toucher les côtes trahit le coup de main d’un as du couteau – une exécution, comme dans les montagnes du Daghestan. En outre, l’enregistrement des dernières paroles de la victime au comptoir du bar interlope, alors qu’elle paie une tournée générale en livres sterling, met la puce à l’oreille du traducteur, puisque, à la question posée en anglais synthétique par une entraîneuse quant à ses occupations, l’homme se vante, dans le plus pur Oxbridge, « d’organiser des coups d’Etat ».

Subversif

Dessaigne va, comme il aime le faire depuis trente ans, naviguer en eaux troubles, plus ou moins téléguidé par les policiers havrais, eux-mêmes plus ou moins bien renseignés par la police britannique… comme par le consulat russe du Havre, car, rapidement, le cadavre est identifié comme celui d’un Caucasien, Ibraguim, ex-soudard reconverti dans la guerre de l’information en tant que « spécialiste » de Daesh. Le récit gagne alors en intensité et devient d’autant plus subversif, et donc marignacien pur sucre, quand, par le truchement d’un sympathique (?) galeriste russe et d’un redoutable « antiquaire » géorgien, un temps l’homme des Américains en Géorgie jusqu’à son exfiltration, nous apprenons que cet Ibraguim, le poignardé, travaillait pour une ONG émanant directement des services britaniques, qui s’est donné pour noble mission de « défendre la démocratie contre la désinformation », et ce à coups de millions.

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Parmi les cibles, un leader de l’opposition travailliste, accusé sur tous les tons d’être un agent russe – exactement comme tel président à l’inélégante coiffure. Là, Marignac n’invente plus rien, mais se fonde sur des faits avérés, quoique méconnus, relatifs à un réseau de propagande antirusse, Integrity Initiative, dénoncé à la Chambre des Communes et dans la presse anglaise, mais ignoré dans le monde francophone. D’un banal meurtre sous la pluie glacée du Havre, des soirées déjantées dans des galeries londoniennes d’art contemporain, le romancier passe, mine de rien, aux coulisses de l’actuelle guerre de l’information et éclaire, à sa manière implicite, les sources tout sauf pures de certain délire belliciste.

Thierry Marignac, L’Interprète, Konfident noir, 228 pages

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Ultra moderne solitude

Bonne nouvelle : les époux Hackman, retrouvés sans vie aux États-Unis, n’ont finalement pas été victimes d’un meurtre, comme on avait pu le redouter. Pourtant, leur sort demeure tragique. Même les stars, autrefois entourées de luxe et de succès, ne sont pas à l’abri d’une solitude absolue. La disparition du célèbre acteur illustre avec une cruauté saisissante la brutalité de l’isolement dans notre monde moderne.


Alain Souchon l’a chantée : « Pourquoi ces rivières / Soudain sur les joues qui coulent / Dans la fourmilière / C’est l’ultra moderne solitude. » Ces jours-ci, du côté de Santa Fé, USA, Etat du Nouveau Mexique, il semble bien qu’elle ait sévi.

Dans une immense et luxueuse villa des hauteurs de la ville, deux corps sont découverts le 26 février. Ceux du grand acteur Gene Hackman et de son épouse la pianiste Betsy Arakawa. Deux corps dans un état de décomposition avancé, comme il est dit pudiquement dans le rapport de police. Elle, l’épouse, serait morte depuis le 11 février, contaminée par un sale virus colporté par les excréments de souris, de rats dont – il faut bien le dire – on pourrait penser qu’on y serait davantage exposé dans les bas-fonds de la misère ordinaire que chez les stars. Lui, l’acteur et romancier, atteint d’une maladie d’Alzheimer elle aussi très avancée, serait mort sept jours plus tard, le 18 février. C’est du moins ce jour-là que son pace maker donne de lui un dernier signe de vie. Un de leurs trois chiens, réfugié dans un placard, passe lui aussi de vie à trépas dans ces moments-là. De faim ?

L’épouse est donc morte depuis quinze jours et le mari depuis une semaine entière lorsque, alertées par un employé, croit-on savoir, les autorités découvrent ce qu’il faut bien appeler un charnier.

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On imagine l’horreur des derniers jours, des dernières heures, des ultimes minutes, l’agonie d’épouvante qui traîne en longueur. Cette fin où l’un et l’autre, en fait, meurent comme crèvent les bêtes au fin fond des ravins et des forêts.

Ce qui glace d’effroi est justement l’évidente – et pourtant inimaginable – solitude de ce couple en ces derniers moments de vie. Personne. Personne ne s’est inquiété. Ni enfants, ni parents, ni proches. Oui, crever comme crèvent – hélas bien trop souvent ! – les très pauvres, les oubliés de l’humanité.

Dans les films, les stars et leurs villas fourmillent quasiment de gens, cuisinière, femmes de ménages, masseuses ou masseurs, jardiniers, gourous de ceci et de cela, piscinistes, livreurs, agents de sécurité nocturnes à grosses torches, partenaires de golf, de cocktails, de papotages, de garden party. Bref, des gens qui se succèdent presque sans discontinuer, ou qui appellent au téléphone, envoient des SMS, des mails et qui, donc, sont à même de donner l’alerte. Là, rien. Absolument rien. Aucune manifestation d’intérêt sur cette longue période de quinze jours. Comment cela est-il aujourd’hui possible ? C’est, selon moi, la violente, la glaçante question que posent ces décès, ces morts d’un temps où l’humain ne l’était pas encore tout à fait, humain.

De la camarde qui frappe, François de Malherbe, dans sa Consolation à M. Du Périer, écrit « La garde qui veille aux barrières du Louvre n’en défend pas les rois. » On vient de voir à Santa Fé que même le statut de star, les apparences de la fortune et du luxe, ne sauraient protéger de l’effroyable ultra moderne solitude lorsque s’avance le crépuscule de la vie. Et c’est proprement terrifiant…

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Fais ton service d’abord !

Le 5 mars, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a exhorté les Français au « courage » pour affronter une « nouvelle ère » marquée par un « monde de dangers ». Il a conclu sur un appel solennel : « La patrie a besoin de vous et de votre engagement. » Mais les Français sont-ils vraiment prêts à répondre à l’appel face à la menace russe ? À en croire les sondages, l’idée du retour du service militaire séduit… enfin, surtout ceux qui ne seraient pas concernés ! Le commentaire d’Élisabeth Lévy.


D’après un sondage, les Français sont favorables au rétablissement de la conscription.

La patrie vous appelle, a dit le président de la République. Et, à en croire un sondage Destin Commun/Ouest France[1], les Français répondent présent. 61 % seraient favorables au rétablissement d’une forme de service militaire obligatoire.

Un enjeu militaire, mais pas seulement

Faut-il en conclure qu’en une semaine nous avons retrouvé le sens du sacrifice ? Pas d’emballement. Primo dire ça à un sondeur, ça ne mange pas de pain et c’est bon pour l’estime de soi. Deuxio l’enthousiasme croit avec l’âge: si seulement 45 % des 18-24 répondent oui, c’est plus de 70% après 45 ans (!!). Armons-nous et partez ! Moins on est concerné, plus on approuve.

Certes, l’Ukraine rappelle que la guerre n’est pas seulement une question de technologie et d’armements (informatique, drônes…) mais aussi une affaire de soldats. Pour tenir un front, il faut des hommes. Plusieurs pays européens ont d’ailleurs déjà rétabli ou allongé le service. Peut-être faut-il vraiment y réfléchir, mais la priorité est de rendre ses moyens à l’armée professionnelle. Et de définir une stratégie. Rétablissement du service pour quoi faire exactement, et contre quelle menace ? Du reste, le président de la République n’en a nullement parlé. Il faut dire que lui ne l’a pas fait.

Comment s’explique ce retour en faveur de la conscription ?

Il y a tout d’abord une explication secondaire mais spécifiquement française. Il y a chez nous une mythologie du service militaire. Beaucoup de gens croient que le retour du service militaire ressusciterait l’assimilation, le creuset républicain d’autrefois. C’est peut être un peu illusoire. Le service prolongeait un processus alors à l’œuvre dans la société. Rétablir le service militaire aujourd’hui ne peut pas changer la société et créer comme par magie un vivre-ensemble qui n’existe plus.

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La vraie raison, c’est évidemment les inquiétudes liées à la montée des tensions internationales. Emmanuel Macron dément avoir utilisé le terme « faire peur » que lui prête le JDD. Peut-être ces paroles n’ont pas été prononcées, mais on entendait quand même un peu la chanson. On n’ose croire comme le suggèrent certains que le président de la République veuille instrumentaliser les peurs pour bénéficier de l’effet drapeau. Donc, la seule question est : y a-t-il des raisons d’avoir peur ? Oui, et pas seulement des raisons venues de l’Est. À condition que cela ne nous paralyse pas et d’apprécier calmement les dangers, cette peur ne me semble pas absurde et il y a bien des raisons d’être au moins un peu inquiet. L’armée russe ne va pas déferler sur Paris. Mais il y a bien une menace russe sur la sécurité européenne. Et le désengagement américain nous oblige à nous réveiller.

Il faut raison garder. On ne nous demande pas aujourd’hui de payer le prix du sang, mais de sacrifier un peu de confort ou quelques mois de travail en plus à notre souveraineté. Faute de quoi on verra la France sortir de l’Histoire pour devenir un petit pays vassalisé. Et ça, ça devrait vraiment nous faire peur à tous.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio


[1] https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/exclusif-orphelins-du-soutien-americain-les-europeens-solidaires-de-lukraine-selon-une-etude-c4616aee-fba7-11ef-84e6-97a4d0833d6d

Ouzbékistan et France resserrent leurs liens

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Le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, effectuera une visite officielle à Paris les mercredi 12 et jeudi 13 mars. Engagé depuis plusieurs années dans une ouverture vers l’Occident afin de réduire la dépendance de son pays vis-à-vis de Moscou, il renforce ses relations avec la France. Une coopération mutuellement bénéfique, placée sous le signe du progrès et de la prospérité, comme l’explique le chercheur Sharif Akhmedov.


Dans le cadre de sa politique étrangère, l’Ouzbékistan renforce activement ses relations avec les États européens, considérant ces derniers comme des partenaires stratégiques clés pour le développement de projets économiques, politiques et humanitaires. Parmi eux, la France occupe une place particulière en raison de son influence en Europe et de sa volonté d’établir des liens solides avec l’Asie centrale.

Des racines historiques aux relations modernes

Les premières traces des relations entre l’Ouzbékistan et la France remontent au XIVe siècle, lorsque l’empereur timouride Amir Temur et le roi Charles VI ont jeté les bases d’un partenariat axé sur le commerce. Des archives historiques témoignent de leur correspondance et de leur volonté commune de favoriser les échanges économiques. Amir Temur soulignait déjà à l’époque : « Le monde prospère grâce aux marchands ».

Cette tradition de coopération a traversé les siècles et s’est renforcée après l’indépendance de l’Ouzbékistan. L’élection de Shavkat Mirziyoyev à la présidence en 2016 a marqué une nouvelle étape, avec un réel dynamisme dans les relations bilatérales. Symboliquement, son premier voyage officiel en Europe a été effectué en France, ouvrant la voie à plusieurs accords intergouvernementaux.

Un dialogue politique et économique renforcé

Depuis l’établissement des relations diplomatiques en 1992, six visites d’État ont été organisées, dont la moitié au cours des sept dernières années. Les rencontres entre les présidents Shavkat Mirziyoyev et Emmanuel Macron, en 2018, 2022 et 2023, témoignent de cette volonté d’approfondir la coopération. En parallèle, les ministères des Affaires étrangères et les Parlements des deux pays entretiennent un dialogue régulier, notamment à travers le groupe d’amitié « Ouzbékistan-France » au sein de l’Oliy Majlis et les groupes interparlementaires français liés à l’Asie centrale.

Sur le plan économique, la présence française en Ouzbékistan est de plus en plus visible, avec 50 entreprises implantées, dont certaines majeures dans des secteurs stratégiques comme les services publics (Veolia, Suez, Eiffage), l’énergie verte (EDF, Total Eren, Voltalia) et l’industrie agroalimentaire (Lactalis). Cette dynamique est soutenue par des mécanismes tels que la Commission intergouvernementale Ouzbékistan-France et la Chambre économique France-Ouzbékistan.

Des investissements et une coopération en expansion

Un programme de coopération, financé par l’Agence française de développement à hauteur de 1,07 milliard d’euros pour la période 2023-2025, illustre l’ampleur de l’engagement français. En parallèle, des forums d’affaires organisés à Samarcande et à Tachkent en 2023 et 2024 ont rassemblé des dizaines d’entreprises françaises, permettant la signature de nouveaux accords économiques.

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L’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et l’Ouzbékistan a facilité une augmentation significative du commerce bilatéral, qui a quintuplé en cinq ans pour atteindre 1,1 milliard de dollars en 2024. Les projets en cours dans des domaines tels que l’ingénierie et l’exploitation des ressources naturelles dépassent les 8 milliards d’euros.

Un axe culturel et éducatif en plein essor

Au-delà des relations économiques, la France et l’Ouzbékistan multiplient les initiatives dans les domaines culturels et éducatifs. Plus de 50 accords ont été signés ces dernières années dans des secteurs aussi variés que l’archéologie, la mode, la linguistique, la santé, le tourisme et le sport.

Le tourisme connaît une progression notable, avec près de 20 000 visiteurs français chaque année. Par ailleurs, 189 900 élèves et étudiants ouzbèkes apprennent aujourd’hui le français, renforçant ainsi les liens linguistiques et culturels.

La présence française se manifeste aussi à travers des projets symboliques, comme l’installation de monuments à la mémoire d’Abu Ali Ibn Sino et Mirzo Ulugbek en France, ou encore la création du « Jardin ouzbek » dans des espaces verts à Rueil-Malmaison et Toulouse.

Les expositions consacrées à l’Ouzbékistan au Louvre et à l’Institut du Monde Arabe entre 2022 et 2023 ont permis de mieux faire connaître le riche patrimoine culturel de l’Asie centrale au public français.

Vers un partenariat durable

En somme, les relations franco-ouzbèkes connaissent un véritable essor, portées par une volonté commune de renforcer les liens économiques, politiques et culturels. L’approche pragmatique de Tachkent et l’intérêt croissant de la France pour l’Asie centrale ouvrent la voie à un partenariat durable et mutuellement bénéfique.

Cryptomonnaies: l’actif préféré de Javier Milei et Donald Trump

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Le rappeur Kanye West refuse une arnaque crypto à 2 millions, mais balance tout, prouvant qu’un fou, ça parle vrai ! Pendant ce temps, Trump et Milei continuent de jouer aux influenceurs crypto… et certains investisseurs pleurent déjà. Gabriel Robin nous explique tout.


Lors d’une de ses phases maniaques où il a de nouveau multiplié les déclarations anti juives, se déclarant même « nazi », Kanye West a aussi révélé avoir été contacté pour arnaquer ses fans lors du lancement d’un « memecoin ». C’est l’avantage des fous, ils sont sans filtre et révèlent tout. Il a ainsi déclaré sur X : « On m’a proposé 2 millions de dollars pour escroquer ma communauté. J’ai dit non et j’ai arrêté de travailler avec la personne qui m’avait proposé ce deal ». Le message était illustré d’une capture d’écran avec une demande d’un professionnel des cryptomonnaies proposant à Kanye West 750.000 dollars pour publier un premier tweet de lancement d’un jeton Solana, puis 1.25 millions de dollars supplémentaires après qu’il ait effacé le tweet et déclaré avoir été victime d’un piratage quelques heures plus tard.

Il s’agissait donc d’une opération de « phishing » avec « retrait de tapis » par les créateurs de la monnaie. Appelée « rug and pull », l’opération consiste à pousser les petits investisseurs à faire monter le cours du jeton nouvellement créé avant que ses créateurs ne retirent brutalement leur mise, souvent à l’aide de robots qui automatisent la transaction, ce qui fait revenir à zéro le jeton. C’est un « ponzi » qui parfois ne prend pas plus de quelques heures. C’est exactement ce qui est arrivé… par le biais de deux chefs de l’Etat. L’Argentin Javier Milei et l’Américain Donald Trump.

Chefs d’Etats et influenceurs

À l’image de certains influenceurs, comme les frères Tate, les présidents peuvent aujourd’hui lancer leurs jetons de cryptomonnaies et enregistrer d’importants gains… ou être utilisés comme de banales pop-stars. Javier Milei est, par exemple, visé par plusieurs plaintes après avoir relayé sur X une cryptomonnaie qui s’est effondrée. Il a démenti lundi 17 février avoir « promu » quoi que ce soit, assurant avoir « agi de bonne foi ». « Je n’ai pas recommandé, je n’ai pas promu, j’ai diffusé » un message sur une devise numérique, a déclaré le président argentin. Cynique, il a ensuite dit que les perdants ne se plaignaient pas… après une sortie au casino ou des paris sportifs.

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C’est là toute l’ambiguïté du monde des monnaies numériques. Initialement pensé pour sortir du « système » des monnaies FIAT et du pouvoir des banques centrales, les cryptomonnaies sont en train d’être dévoyées de leur esprit d’origine. D’ailleurs, le nouveau converti Donald Trump n’y comprenait rien et y fut longtemps hostile. « La monnaie de réserve mondiale devrait être le dollar. Et je ne crois pas que nous devrions avoir des bitcoins. Il faudrait que les cryptomonnaies soient régulées de manière bien plus sérieuse. Le bitcoin menace le dollar ! C’est une fraude », avait déclaré Donald Trump en juin 2021 lors d’une interview accordée à Fox News. A cette période, le bitcoin voyait son prix redescendre à 35.000 dollars et causer de nombreuses faillites personnelles d’Américains paniqués qui se débarrassaient alors de cet actif.

La rencontre avec Elon Musk et les « tech bros » a changé le point de vue de Donald Trump, ainsi que les lucratives perspectives qu’offrent certains actifs « toxiques » bien moins stables que le Bitcoin. Le changement de cap de Donald Trump date officiellement de mai 2024, moment choisi par ses équipes pour annoncer que les dons en cryptomonnaies seraient acceptés pour le financement de sa campagne. Premier signe de ralliement des « cryptobros » autour du panache blond du New-yorkais, cette annonce a été suivie par de nombreuses décisions fracassantes. Ainsi, The Donald a déclaré il y a quelques mois que les bitcoins saisis par l’administration américaine pourraient être utilisés afin de constituer… une réserve stratégique en monnaies numériques. Si l’idée se concrétise, il s’agirait d’une première mondiale pour un pays du G20, seul le Salvador de Nayib Bukele ayant à ce jour une réserve monétaire numérique. Ce serait aussi un sceau de respectabilité pour les cryptomonnaies et le signe d’une future démocratisation. Seuls 40 millions d’Américains possèdent de ces actifs, ce qui est encore très peu.

Vers une institutionnalisation des cryptomonnaies ?

Pour l’heure, ces annonces n’ont pas encore été concrétisées par des actes. Nul doute toutefois que l’administration Trump s’attellera à cette tâche, extrêmement populaire auprès de l’électorat masculin mais aussi des minorités ethniques qui investissent plus que la moyenne en cryptomonnaies. La capitalisation totale de l’ensemble des cryptomonnaies s’élève aujourd’hui à un peu plus de 3 trilliards de dollars. Le bitcoin représente à lui seul 2 trilliards de dollars de capitalisation, soit l’équivalent de la valeur cumulée de tout le Cac 40. En août dernier, la capitalisation du bitcoin n’atteignait « que » 1.400 milliards de dollars, soit un accroissement de valeur de 100 milliards de dollars par mois depuis…  Nous n’en sommes pourtant qu’aux balbutiements d’actifs qui pourraient devenir demain la norme. La faiblesse structurelle de ces monnaies numériques est aussi leur force : elles ne sont adossées sur rien d’autre que l’énergie. Elles sont indépendantes des Etats, contrairement aux monnaies FIAT dont les valeurs fluctuent en fonction de l’économie de pays ou de groupes de pays – comme c’est le cas pour l’euro -. Il est néanmoins suggéré aux investisseurs de rester prudents, tant sur des portefeuilles de long terme que pour des opérations spéculatives de court terme. Extrêmement volatiles, les monnaies numériques ont un fort potentiel de croissance mais peuvent aussi faire perdre des fortunes…

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Le milieu est gangréné par les « insiders » qui contrôlent les échanges, mais aussi les plateformes telles que Binance ou Coinbase. Dans une telle jungle, le petit épargnant peut se trouver dans une situation très compliquée. Car la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. Les propriétaires des plateformes ne sont pas des banquiers, ce sont des traders. « Pile, je gagne. Face, tu perds » est leur mantra.


Les cryptomonnaies pour les nuls
Les monnaies cryptographiques sont des actifs numériques émis de « pair à pair » sans s’appuyer sur des banques centrales ou des intermédiaires. Elles sont représentatives du web dit « décentralisé » répondant aux idéaux libertariens et à la volonté d’une part croissante des populations de s’affranchir du contrôle des institutions. Le bitcoin est la cryptomonnaie de référence et la première d’entre toutes. L’émission des jetons de bitcoin se base sur la « blockchain » qui est cryptographiée. Les transactions et échanges se font aussi par le biais de ce système.
En plus du Bitcoin, monnaie numérique de référence, existent des monnaies utilisant des chaînes alternatives. Elles sont appelées « altcoins ». Les principales sont l’éthereum et le solana. Ces « alts » sont aussi utilisés pour l’émission de « jetons » ou « memecoins ». Ce sont des actifs lancés sur des écosystèmes préexistants, parfois sur des plateformes qu’on pourrait apparenter à des casinos numériques où tout un chacun peut créer sa propre monnaie, citons notamment PumPFun où en quelques jours à peine des petits jeunes ont pu devenir multimillionnaires grâce au jeton meme P-Nut représentant l’écureuil tué par les autorités vétérinaires durant la campagne électorale américaine • GR

Ce Karaté Kid en nous qui ne meurt jamais

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Netflix diffuse les derniers épisodes de la dernière saison de Cobra Kai depuis quelques jours. Une série régressive qui fait un peu la nique au wokisme sur la plateforme pourtant spécialisée dans le genre…


D.R.

La boucle est bouclée. Un immense billboard affiche à Los Angeles que « cela pourrait être un adieu, mais… Cobra Kai ne meurt jamais ! » alors que Netflix diffuse les derniers épisodes de sa série débutée en 2018.

Cobra Kai est une suite de la trilogie des films cultes des années 80 de la franchise Karaté Kid (1984, 1986 et 1989) dans laquelle on suit le parcours d’un gringalet souffre-douleur dans son lycée, Daniel LaRusso, devenir champion de karaté contre son persécuteur, Johnny Lawrence, grâce à l’aide de son sensei, Maître Miyagi.

Régression réconfortante

Surfant sur la vague de nostalgie voire de régression puérile mais réconfortante, alimentée par l’industrie du divertissement, Cobra Kai permet de retrouver l’ensemble des acteurs des films reprendre trois décennies plus tard leur rôle aux côtés de nouveaux protagonistes, avec une bande-son de rock FM et une imagerie californienne VHS.

La culture pop, dans sa version la plus universelle, donc hollywoodienne, est devenue le meilleur vecteur de continuité d’un sentiment d’appartenance transgénérationnel. Elle permet le partage d’émotions et de réminiscences, telles des petites madeleines de Proust, entre parents et enfants. Grâce aux productions contemporaines inspirées d’anciens films ou séries de leur enfance et adolescence, les parents retrouvent des souvenirs enfouis d’une époque idéalisée de leur vie. Tandis que les enfants assouvissent le « fantasme originaire » en découvrant ce qui a accompagné la jeunesse de leurs parents.

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Cette ficelle nostalgique et transgénérationnelle actuellement surexploitée par l’industrie du divertissement, fonctionne plus ou moins bien. C’est une réussite indéniable dans le cas de Karaté Kid et de Cobra Kai. Si l’utilisation de la nostalgie dans la narration cinématographique ou télévisuelle peut conduire à l’immobilisme et à la vacuité, cela peut également conduire à une dynamique positive, celle de la transmission. Aux côtés des personnages historiques des films, une nouvelle génération de lycéens va dans la série connaître un parcours initiatique similaire à celui de leurs aînés, fait de construction de soi et de recherche de figures parentales.

Comme dans beaucoup de productions hollywoodiennes des années 80, les films de la franchise de Karaté Kid sont assez manichéens et représentatifs de la philosophie western avec les « gentils » et les « méchants », même s’ils font déjà apparaître quelques fissures dans cette binarité simpliste propre à l’Amérique.

La série va encore plus loin en jouant à fond la partition de l’altérité, avec de l’empathie pour les « méchants » et l’exposition de la part sombre des « gentils ».

Le déclic « How I met your mother »

Les scénaristes de Cobra Kai ont confirmé dans une interview, qu’une sitcom ayant également eu un impact générationnel fort : How I Met Your Mother (2005 – 2014), avait eu une véritable influence sur leur propre série.

Un des épisodes est même considéré comme l’effet déclencheur de la rédaction du scénario de Cobra Kai et de l’accord des producteurs pour financer le projet ! Dans celui-ci, un des personnages réalise son rêve de rencontrer « Le » Karaté Kid, héros de son enfance, grâce à ses amis au cours de son enterrement de vie de garçon. Mais à leur grande surprise, quand il rencontre l’acteur Ralph Macchio qui interprète Daniel LaRusso, il pique une colère noire, car pour lui, le vrai héros ne peut être que Johnny Lawrence interprété par William Zabka, qui apparaîtra à la fin de l’épisode en tenue du dojo de Cobra Kai…

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Au-delà de la blague de cette scène, il s’agit d’un leitmotiv que vont garder les scénaristes de la série jusqu’à la fin. Les prétendus « méchants » ne le sont pas tous, ni totalement, et le choix du nom de la série, non pas le dojo des « gentils » le Miyagi-Do, mais celui des « méchants » le Cobra Kai, illustrait finalement dès le début ce parti pris sur un renversement du manichéisme et donc sur la compréhension et l’empathie pour « l’autre » malgré ses défauts.

Une altérité d’autant plus louable que le lancement de la série a lieu entre la fin des années 2010 et le début des années 2020, soit certainement le climax du wokisme et de sa fausse altérité bienveillante. Sur un thème de base, le karaté, qu’on peut difficilement faire plus « genré » (comme on dit de nos jours), Cobra Kai donne aux combats féminins sur le tatami et dans la vie, parfois davantage d’enjeux, avec des filles plus « burnées » que les garçons (comme ose encore le dire Johnny Lawrence), sans arriver au ridicule de l’effacement ou du remplacement intégral de la masculinité dans certaines productions actuelles… La série, avec parfois un mauvais esprit qui fait du bien, arrive à se moquer des travers des générations, que cela soit l’ironie cynique de la génération X ou la bien-pensance fragile des générations Y et Z. La leçon de plus de quarante ans de récit depuis le premier opus de Karaté Kid en 1984 jusqu’au dernier épisode de Cobra Kai en 2025 est donc celle d’une altérité générationnelle vue non pas comme un affrontement, mais comme un moyen de mieux se comprendre entre des générations que tout semble aujourd’hui opposer. Il s’agit de la meilleure conclusion possible d’une fiction adolescente, petit plaisir coupable et régressif, qui évite un compromis lâche entre générations, mais se construit au contraire dans la confrontation et donc le dialogue entre des adultes et des jeunes devenant adultes.

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Six Nations: net avantage aux Bleus

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La victoire écrasante de notre XV de France contre l’Irlande nous rapproche d’un possible sacre dans le tournoi des Six Nations. Un exploit terni par la blessure d’Antoine Dupont au genou, l’obligeant à s’éloigner des terrains pour une durée de six à huit mois, ce qui ne doit pas nous décourager pour le match décisif contre l’Écosse samedi prochain.


Très probablement, les Bleus regretteront amèrement samedi soir prochain leur très malencontreuse et frustrante défaite contre les Anglais lors de la deuxième journée du tournoi des Six nations.

Un tournoi en dents de scie

Alors qu’ils avaient match gagné à trente secondes du coup de sifflet final avec une avance hélas de seulement six points (25 à 19), un perfide joueur du XV de la Rose, à la suite d’une touche obtenue sur pénalité aux 5 mètres de l’en-but tricolore, esquiva un placage, parvint à s’infiltrer dans un mince interstice de la défense, et alla aplatir entre les poteaux assurant du même coup la transformation qui donnait une inespérée victoire, 26 à 25, à son équipe. Ce petit point à leur désavantage privera en conséquence les Français du grand chelem, objectif qu’ils s’étaient fixé.

En revanche, leur époustouflante et improbable victoire, 42 à 27, samedi dernier, à Dublin, contre les Irlandais, grands favoris de cette 25ᵉ édition, leur offre une très sérieuse option de décrocher le titre. Jusqu’alors, ces derniers faisaient figure d’invincibles sur leur terre. En effet, sur 31 matches disputés à domicile, le XV du Trèfle n’avait perdu que deux. Et sur les quinze rencontres dans le cadre des Six nations disputées ces trois dernières années, il n’a concédé également que deux défaites.

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En tête du classement après cet exploit inattendu en Irlande, les Bleus sont enfin en bonne posture pour décrocher le titre qui leur échappe depuis 2022, où ils avaient réalisé le grand chelem. Les deux années suivantes, ils ont terminé seconds derrière ces mêmes Irlandais. En vérité, tout se jouera au cordeau samedi qui vient entre trois équipes, France, Angleterre et Irlande qui affronteront respectivement l’Écosse, le Pays de Galles, et l’Italie. En principe, ces trois en lice pour le trophée devraient gagner leur match.

Victoire impérative

Dès lors, pour que la France conquière le Graal, elle doit vaincre l’Écosse (21 h au Stade de France) avec un bonus offensif. Ce qui est de l’ordre du possible au vu de la prestation samedi passé des Écossais contre les Gallois. Ces derniers n’ont aucune victoire à leur actif et seront gratifiés de la cuillère de bois qu’on décerne au dernier. Ils ont même été tenus en échec par l’Italie (22 -15).

Le XV écossais dont l’emblème est le chardon ne s’est imposé face au XV gallois qui a, lui, pour emblème le poireau, que par 35 à 29 alors que ces mêmes Rouges gallois n’avaient même pas inscrit la moindre pénalité contre les Bleus qui l’avaient emporté sur un implacable 43 à 0. Il s’en est en outre fallu de peu que les Gallois ne renversent la table dans les dernières minutes contre les Écossais. Ils ont raté d’un poil un essai qui leur aurait donné la victoire.

Si d’aventure, les Français ne s’octroient pas le bonus offensif face à ces derniers, le titre dépendra du «  goal-average  », à savoir la différence positive ou négative entre les points marqués et encaissés. À la condition expresse cependant que l’Angleterre ne décroche pas de son côté un bonus offensif face au Pays de Galles. Sur le papier, cela paraît hypothétique si on se fie au demeurant à deux résultats significatifs : l’Irlande a vaincu le Pays de Galles par 27 à 18 et l’Angleterre par 27 à 22, en somme Gallois et Anglais ont fait en la circonstance presque jeu égal entre eux. À cela s’ajoute que les Anglais se sont imposés face aux Italiens par 47 à 24 alors que les Français l’avaient emporté par 73 à 24, le score le plus élevé depuis la création des Six nations en 2000, ainsi que le second plus élevé cette fois contre l’Angleterre, un 53-10, en 2023.

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Digression pas superflue, le 73-24 est aussi le troisième score le plus élevé de toutes les compétitions internationales depuis la création de la coupe du monde en 1997. Les Bleus détiennent aussi le second plus élevé pour la même période, un 96-0 contre la Namibie lors de la coupe du monde de 2023. C’est l’Australie contre cette même Namibie, lors de cette même coupe, qui détient le record du score fleuve avec un 142 à 0. Juste un peu moins que sa victoire en 1995 par 145 à 7 contre le Japon en match amical, soit un rythme d’un essai toutes les quatre minutes. Autrement dit, remise en jeu et essai dans la foulée.

Si le titre doit dépendre du «  goal-average  », les Bleus ont un net avantage sur leurs deux sélections rivales. Avec une différence de 106 points en leur faveur, ils disposent d’une confortable avance sur les Anglais dont le solde positif est de 20 points et celui des Irlandais de 14. Comme le souligne L’Équipe de lundi, « on voit mal les Bleus, qui ont inscrit 26 essais lors des quatre premiers matchs, se faire rattraper ». En outre, avec ces 26 essais, ils ne sont qu’à trois de moins du record détenu par les Anglais de 29 qui pourrait donc tomber dans leur escarcelle si la victoire est au rendez-vous contre les Écossais. En revanche, la probabilité que l’Irlande l’emporte est très ténue. Il faudrait que la France perde ou fasse un nul et qu’elle fasse un score fleuve contre l’Italie qui joue à domicile.

Changement de stratégie !

Depuis 2010, l’Irlande s’est imposée cinq fois, Pays de Galles et Angleterre, quatre fois, et la France seulement deux fois. Si elle inscrit une troisième fois son nom au palmarès, elle le devra certes à ses joueurs mais surtout à son intrépide entraîneur Fabien Galthié qui, après la défaite contre l’Angleterre, n’a pas hésité à chambouler sa stratégie. Il s’est inspiré de celle de l’Afrique du Sud, actuelle championne du monde, qu’on qualifie de « bomb squad » (équipe bombe). Elle consiste à donner mission aux lignes d’avants de laminer, sans retenue, les premières lignes adverses pour ensuite lâcher la cavalerie légère des arrières pour que celle-ci aille à bride abattue et par rafales à l’assaut de l’en-but opposé.

Elle est en somme au rugby le pendant de la théorie de « la guerre absolue », de Clausewitz, à « savoir une montée aux extrêmes pour anéantir l’ennemi ». Nous y reviendrons sur cette option stratégique de Galthié, dont le choix avait été accueilli avec scepticisme, voire inquiétude, par les commentateurs, si sa pertinence est confirmée (ou non) samedi soir au Stade de France. Souvent les Écossais à défaut de ne l’avoir jamais gagné jouent les trouble-fête de ce tournoi.

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Derrière les « nouveaux beaufs », la révolution des parias

Depuis le réveil des enracinés, la France d’en haut est en apesanteur. Seuls 23% des citoyens disent avoir confiance dans le gouvernement. Pourtant, les dirigeants continuent d’accabler la piétaille.


Prophétiques gilets jaunes ! En déboulant, furax, sur les Champs-Élysées le 17 novembre 2018, la France oubliée ne disait pas autre chose que J. D. Vance s’adressant aux dirigeants européens, le 14 février à Berlin : « N’ayez pas peur du peuple ! » L’admonestation du vice-président des États-Unis a pétrifié l’auditoire. Il y a six ans, le soulèvement girondin avait essuyé les insultes du pouvoir jacobin, y compris des syndicats. Les foules provinciales étaient trop patriotes, trop blanches, trop françaises. Donc trop suspectes. Même le subtil Jacques Julliard y avait vu « les nouveaux beaufs » (Le Figaro, 7 janvier 2019), sans s’intéresser à leur critique d’une démocratie confisquée et d’une parole sous surveillance. Or, aucune solution n’a été depuis apportée à cette frustration populaire, commune à d’autres pays d’Europe soumis à la même caste mondialiste. Vance n’a fait qu’énoncer des évidences refoulées par la morgue des élites. Pressentent-elles la fragilité de leur statut ?

Réveil des enracinés

Depuis le réveil des enracinés, la France d’en haut reste en apesanteur. Seuls 23 % des citoyens disent avoir confiance dans le gouvernement (sondage Cevipof). Pourtant, les dirigeants continuent d’accabler la piétaille. La « politique de la ville » privilégie les cités au détriment de la ruralité. Les villages se voient imposer le trop-plein d’immigration, avec ses dealers et son insécurité. Les paysans disparaissent. Dans le budget 2025, les petits auto-entrepreneurs ont échappé in extremis à une taxation supplémentaire, introduite par réflexe. La généralisation des zones à faibles émissions (ZFE), qui interdisent l’accès des voitures anciennes dans les centres-villes, pénalise les conducteurs modestes. En appelant ces « gueux » à la fronde, comme en 2018 lorsqu’ils refusèrent la taxe carbone sur les carburants, Alexandre Jardin a le mérite de pointer des injustices.

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La « révolution du bon sens », lancée par Donald Trump, parle avec les mots des parias de la France périphérique. Certes, cette classe moyenne a échoué sur les ronds-points à enclencher une dynamique contestataire, détournée par l’extrême gauche. Depuis, les « ploucs » ont rejoint leur Aventin. Mais le calme est trompeur. Au-delà du mépris des faibles, c’est le peuple que redoute Emmanuel Macron. « Nous sommes en train d’inventer une nouvelle forme de démocratie », pérorait-il en avril 2019 avec ses « grands débats » censés remplacer les demandes de référendums d’initiative citoyenne. Le procédé a évidemment révélé ses artifices. Une consultation sur l’immigration reste inenvisageable pour l’Élysée. Les chaînes populaires C8 et NRJ12, trop rustiques, viennent d’être chassées comme des mouches par l’Arcom et le Conseil d’État. La Macronie, c’est la démocratie sans le peuple.

Trahison

Ce pouvoir est en sursis. Même les victimes de l’insécurité l’accusent. « La mort d’Elias démontre que l’État n’a pas su protéger ses citoyens », ont écrit les parents de l’adolescent tué à Paris le 25 janvier d’un coup de machette par un mineur récidiviste. « La France a tué mon époux », avait lancé en août la veuve du gendarme Éric Comyn. Ce n’est pas la Russie qui menace la France, comme l’affirme Emmanuel Macron tandis qu’il se tait devant l’Algérie batailleuse, qui retient Boualem Sansal en otage.

L’ennemi de la nation submergée est celui qui, en son sein, étouffe les protestations. Cette trahison ne peut plus durer.

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Richard Ferrand : fidèle casté

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Richard Ferrand, proposé par Emmanuel Macron à la présidence du Conseil constitutionnel, est auditionné par la commission des lois de l’Assemblée nationale, 19 février 2025 © Stéphane Lemouton/SIPA

Richard Ferrand a été élu à la présidence du Conseil constitutionnel à une voix près. Ce vieux briscard du PS sans expérience juridique n’a jamais été un brillant tacticien, pas plus qu’un illustre ministre ou président de l’Assemblée nationale, et il traîne derrière lui de sérieuses casseroles. Mais il est le protégé du chef de l’État


Jusqu’à présent, il suffisait, sous la Ve république, de regarder qui était nommé à la tête du Conseil constitutionnel pour dresser le bilan d’une présidence. Ainsi les choix de de Gaulle et de Pompidou se portèrent tout naturellement sur Gaston Palewski et Roger Frey. Le premier, flamboyant, le deuxième, secret. L’un féru d’affaires étrangères, l’autre pas étranger aux affaires.

François Mitterrand désigna ceux qui incarnaient la double face de son histoire et de ses septennats. « J’ai deux avocats, aimait-il à répéter, Robert Badinter pour le droit et Roland Dumas pour le tordu. » Les deux impétrants présidèrent donc les Sages.

Jacques Chirac plaça, lui, sur ce pavois convoité Jean-Louis Debré, digne et sympathique représentant de l’inaction en politique. François Hollande nomma Laurent Fabius, son rival et compère, symbole d’une social-démocratie sans cesse éditorialisée et toujours avortée. Mais avec Emmanuel Macron, le doute surgit : que pouvait-il bien avoir en tête en propulsant à la présidence du Conseil constitutionnel Richard Ferrand qui trouve là son bâton de maréchal ?

Il est clair qu’en présentant ce nom, il ne cherchait pas à reprendre la main. Il savait que la ratification parlementaire de ce fait du prince serait page peu glorieuse. Sans doute n’avait-il pas mesuré, en revanche, la puissance du rejet d’un président des Sages durablement affaibli avant même son entrée en fonction…

Un choix qui n’est pas disruptif

Pour rejeter la candidature de l’ancien président de l’Assemblée, il fallait le vote des trois cinquièmes des membres des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, soit, compte tenu de l’abstention des élus lepénistes, 59 voix. À l’arrivée, 58 parlementaires, sur les 97 qui se sont exprimés, se sont prononcés contre l’arrivée de Richard Ferrand et seulement 38 pour. Une voix, une seule voix, aura manqué pour renvoyer la rosse macronienne à son paddock.

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Emmanuel Macron n’a pas non plus vu en Ferrand un de ces choix disruptifs qu’il nous dit affectionner. S’il existe une date de péremption en politique, l’ancien député du Finistère l’a atteinte depuis un bon moment puisqu’il y a près d’un demi-siècle qu’il s’est encarté au Parti socialiste. Accroché à son Finistère d’adoption comme une patelle à son rocher, il y a vécu tous les ressacs de cette formation politique cabotant de congrès en universités d’été, de conseils nationaux en réunions de section. Il aura ainsi soutenu Mitterrand en 1988, Emmanuelli sept ans plus tard, rallié Hollande en 2007 et soutenu Aubry en 2011. Le député de Corrèze élu, Ferrand flirta avec les frondeurs avant de tomber dans la dévotion d’Emmanuel Macron comme tous les oubliés des remaniements du quinquennat Hollande. Sa conversion sera si rapide qu’il oubliera de faire le ménage dans ses engagements précédents comme son soutien actif à l’association France Palestine Solidarité soutenant le BDS, activité de boycott d’Israël, déclarée illégale en France.

Avec Ferrand, le chef de l’État n’a pas cherché à donner du lustre à ses deux mandats. On est même passé du tout fou de « c’est mon projeeeet ! » au tofu, ce truc fade que l’on s’emploie à introduire en douce dans les assiettes électorales sous l’appellation « en même temps ». Car si certains éditorialistes ont généreusement qualifié Ferrand d’« éminence grise », c’est aller un peu vite en besogne.

Courtisanerie contemporaine

Le fait qu’il parlerait vertement au président de la République, « d’homme à homme », est une légende urbaine opportunément réapparue au moment de sa candidature pour camoufler sa dépendance intégrale à l’Élysée. En cherchant bien, son titre de gloire aurait été d’avoir été prévenu de la dissolution avant Gabriel Attal et François Bayrou, excusez du (très) peu, pas de quoi édifier une saga politique.

Si l’on excepte son souhait exprimé dans un accès fébrile de courtisanerie de voir l’actuel locataire de l’Élysée effectuer un troisième mandat (ce qu’il a bien dit en dépit de ses pathétiques dénégations devant les commissions), son apport tactique ou stratégique au macronisme est aussi plat qu’une limande.

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Éphémère ministre de la Cohésion des territoires, mauvais président de groupe qui prit sous sa férule l’allure d’une pétaudière, évanescent président de l’Assemblée nationale parvenant à faire regretter François de Rugy, Ferrand est une éminence insipide, neutre, avec beaucoup d’aspirations (l’homme est plein de lui-même), mais aucune aspérité. Le type d’éminence dont raffole un président qui a claironné devant ses troupes ballottées par les conflits sociaux : « Soyez fiers d’être des amateurs ! »

Casseroles…

Sur ce point, le chef de l’État ne pourra pas être déçu. À l’inverse de ses prédécesseurs, Ferrand ne dispose pas de la moindre parcelle d’expertise alors que, depuis la fin des années 1970, tous les prédécesseurs de Laurent Fabius ont disposé d’une solide formation juridique. Certes, on nous répond qu’il a poursuivi des études de droit, mais était-il opportun de le nommer à la tête du Conseil constitutionnel pour lui permettre de les rattraper ? Rappelons, au passage, que cette noble institution exige pour les juges de proximité l’équivalent d’une capacité en droit.

Faut-il ajouter à ce tableau peu reluisant le bruit de casseroles persistant autour de l’intéressé, longuement rappelé par le député Olivier Marleix lors de son audition ? Il y a bien sûr l’affaire des Mutuelles de Bretagne, classée sans suite en 2022, en raison de la prescription des faits et non d’un procès en bonne et due forme. Rappelons que la même année, il nomma pour siéger parmi les Sages Véronique Malbec, procureur général près de la cour d’appel de Rennes, qui avait une première fois classé sans suite cette sombre affaire. Mais il y a aussi l’emploi de son fils ou le fait qu’il n’ait pas déclaré la moindre activité à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en dépit des 800 000 euros de chiffre d’affaires de son cabinet de conseil en 2023 et diverses autres broutilles.

Un rapport de 2021 de la commission des lois de l’Assemblée nationale soulignait combien le coquet montant des indemnités perçues par les Sages (15 000 euros nets pour leur président) ne reposait « sur aucune base légale ou transparente », évoluant dans la zone grise du droit. La loi organique qui devait mettre de la transparence dans ces petits arrangements entre amis a suivi un classement vertical, aucune formation politique n’ayant eu le courage d’irriter la noble institution. D’ailleurs, l’abrogation du régime fiscal si particulier de ses membres, il y a seulement quatre ans, fut immédiatement compensée par une indemnité complémentaire sur le fondement d’une décision illégale prise par l’exécutif macronien. Aurait-on nommé Richard Ferrand pour faire bénéficier ses collègues de la rue de Montpensier de ses lumières dans ce domaine ?

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Emmanuel Macron accusé de tirer profit de la guerre en Ukraine

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Palais de l'Elysée, 5 mars 2025 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Après le revirement américain dans le soutien à l’Ukraine et la multiplication d’ingérences russes, le président français est accusé de dramatiser la situation géopolitique pour redorer son blason auprès des Français et renforcer le projet fédéraliste européen. Le point de vue de Didier Desrimais


Conflit russo-ukrainien. En France, la propagande pro-guerre bat son plein sur la majorité des chaînes de télévision et de radio – sur l’audiovisuel public, c’est 100 % – et dans presque toute la presse écrite. L’examen approfondi des évènements se voit supplanté par les bêlements bellicistes du troupeau politico-médiatique. Ceux qui se tiennent à distance de la simplissime doxa de nos responsables politiques et des médias va-t-en guerre sont traités, au choix, de trumpistes, de poutiniens ou de munichois. Il s’agit de faire taire les récalcitrants, peu invités dans les médias mainstream mais quotidiennement sermonnés par Patrick Cohen sur France Inter. Ce dernier, bien au chaud dernier son micro, est prêt à en découdre. Quant au journaliste Darius Rochebin, il s’enthousiasme sur LCI, face à Oxana Melnychouk, présidente de l’association “Unis pour l’Ukraine” : « Donc, on peut être optimiste. Si les Européens prennent la relève, la guerre peut continuer ! »

La pensée unique a encore frappé

Aubaine : le « clash » entre Trump, Vance et Zelensky permet à Emmanuel Macron de se refaire une santé politique en France et en Europe. Il peut compter sur des soutiens de poids. François Hollande, Raphaël Glucksmann, Marine Tondelier, Olivier Faure et Édouard Philippe relaient les propos du plus macroniste et du plus obtus des eurodéputés français, Bernard Guetta : la Russie veut envahir l’Europe, Donald Trump est un imbécile à la solde de Poutine, l’Ukraine peut gagner la guerre si l’Europe la soutient. D’une seule voix, ils condamnent le président américain qui aurait « humilié » Volodymyr Zelensky. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, l’entretien qui s’est tenu à la Maison-Blanche a surtout montré que la nouvelle administration américaine désire, coûte que coûte, le retour de la paix en Europe – sur les cinquante minutes qu’il a duré, les médias complices n’ont montré que les huit dernières, c’est-à-dire le moment où Trump et Vance, exaspérés de voir que le président ukrainien n’est venu que pour quémander de l’argent et des armes, décident de lui dire ses quatre vérités : l’Ukraine a perdu la guerre, le pays est exsangue, son président n’est pas en position de dire aux Américains ce qu’ils doivent faire ou redouter ; soit il négocie la fin du conflit, soit les États-Unis le lâchent complètement et son pays subira une défaite totale et humiliante dont la population, déjà meurtrie par trois années de guerre, sera la principale victime.   

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Dans le Bureau ovale, Zelensky a commis plusieurs erreurs. Il a d’abord cru pouvoir dérouler sans être interrompu le discours qu’il tenait depuis des mois au gouvernement démocrate américain et à la Commission européenne : la Russie a attaqué l’Ukraine sans autre motif que de débuter une invasion impérialiste qui visera bientôt les pays baltes, la Roumanie, la Pologne et, pourquoi pas, l’Allemagne et la France. L’Ukraine est le dernier rempart. Sauvez-la pour vous sauver – donnez-lui les moyens financiers et militaires pour tenir tête au dictateur Poutine dans un conflit qui voit se confronter, ni plus ni moins, le camp du bien et celui du mal. Etc. Il a brandi les mêmes mensonges, en particulier sur le fait que lui, Zelensky, aurait respecté les accords de Minsk et que Poutine se serait assis dessus – cette contrevérité a été réitérée par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Rappelons que ces accords prévoyaient une relative autonomie des territoires russophones du Donbass, les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk, suite à une réforme constitutionnelle et à des élections qui n’ont jamais eu lieu. « Porochenko d’abord, puis Zelensky, ont accepté les principes de l’accord, mais ne l’ont finalement jamais appliqué », affirmait en 2022 Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France à Moscou. Angela Merkel et François Hollande, dont le rôle était de garantir le respect des accords de Minsk, ont avoué plus tard que ces accords n’avaient jamais eu pour objectif de régler le conflit dans le Donbass mais, au contraire, celui de donner du temps à Zelensky pour se renforcer militairement afin de conserver les territoires séparatistes, y compris en mettant en place, avec l’aide des États-Unis, 12 bases militaires de renseignement établies tout le long de la frontière avec la Russie, comme l’a révélé le New York Times. Durant cette période, le gouvernement ukrainien n’a pas ménagé ses efforts pour rendre la vie dure aux russophones des oblasts du Donbass. Le président Zelensky a muselé l’opposition, fait fermer trois chaînes de télévision sous prétexte d’enrayer la propagande russe sapant « les efforts de l’Ukraine sur le chemin de l’Union européenne et de l’intégration euro-atlantique », fait interdire par décret un site web extrêmement populaire (strana.ua), un des rares médias ukrainiens à avoir dénoncé la corruption massive et généralisée qui gangrène le pays depuis des décennies, y compris au sein des gouvernements successifs. Zelensky a également fait interdire, un mois après le début de la guerre, 11 partis d’opposition considérés comme « pro-russes », dont le parti Plateforme d’opposition – Pour la vie, la deuxième force politique du pays avec 43 députés.

DR

La nouvelle administration américaine n’ignore rien, ni des ingérences américaines dans la vie politique de l’Ukraine depuis la fameuse « révolution » de Maïdan, ni du rôle de l’administration Biden dans la poursuite de la guerre – entre autres, au moment où, en mars 2022, des négociations entre les belligérants laissant espérer une issue rapide furent annihilées par l’intervention de l’émissaire de l’Oncle Sam, Boris Johnson –, ni des investissements financiers et militaires américains avant et pendant la guerre. Elle veut y mettre un terme. Lors de sa campagne, Trump a annoncé clairement ce qu’il ferait en cas de victoire : 1) agir fermement pour que cesse rapidement la guerre ; 2) cesser d’agiter le chiffon rouge sous le nez de Poutine en laissant croire que l’Ukraine pourrait entrer un jour dans l’Otan ; 3) rétablir des relations apaisées avec le président russe, le but pouvant être de fragiliser les liens de la Russie avec la Chine ; 4) business is business : se faire rembourser, d’une manière ou d’une autre, les 180 milliards de dollars dépensés pour soutenir l’Ukraine et dont une bonne partie a été détournée pour finir dans les poches de Dieu seul sait qui, de l’aveu même de Zelensky ; 5) remettre en question le principe du « parapluie » militaire américain dans le cadre de l’Otan, au moins pour ce qui concerne la participation budgétaire de chaque État membre de l’organisation atlantiste. Zelensky a fait fi des déclarations de Trump. Poussé par des Européens que n’enthousiasme pas une possible cessation du conflit dû essentiellement à l’activisme forcené de Trump, il a cru pouvoir à nouveau obtenir ce qu’il réclamait après chaque rencontre avec Joe Biden : de l’argent, des armes, un discours de soutien inconditionnel. Très exactement le contraire de ce que Trump promet depuis des mois. 

A relire, Dominique Labarrière: Thé glacial à la Maison-Blanche

Menace principale et menaces secondaires

Dans le Bureau ovale, l’entretien s’est mal terminé – il aurait pu se terminer plus mal encore si Trump et Vance avaient compris l’expression russe « suka blyat » que Zelensky marmonne, après que le vice-président a évoqué la brutalité des agents chargés de « recruter » de jeunes Ukrainiens pour les envoyer de force sur le front, et qui signifie… « fils de pute ». Quoi qu’il en soit, le ton est monté au fur et à mesure que Zelensky est revenu à la charge pour obtenir les moyens de continuer la guerre en attendant de signer la paix à ses conditions. L’exaspération du président et du vice-président américains atteindra son comble lorsque Zelensky affirmera que les Ukrainiens « se battent seuls depuis 8 ans ». Après lui avoir fait remarquer que cela est faux et que l’investissement américain aurait mérité, a minima, des remerciements, Vance amorce la fin de l’échange – « Le président tente de sauver votre pays », en clair : vous ne gagnerez jamais cette guerre ; si vous continuez à vous acharner, votre pays, ruiné, à l’agonie, mettra des décennies à se relever ; il est plus que temps d’engager des négociations pour mettre fin à la guerre ; si vous refusez, les États-Unis ne vous soutiendront plus et, les Européens n’ayant pas les moyens de vous apporter une aide substantielle, l’Ukraine sombrera définitivement. Volodymyr Zelensky semble avoir entendu le message : « Mon équipe et moi-même sommes prêts à travailler sous la direction du président Trump pour obtenir une paix durable », écrit-il au président américain deux jours après avoir quitté Washington.  En prenant la tête de la horde belliciste, Emmanuel Macron ne sauve pas l’honneur du camp occidental mais tente de sauver les meubles de son double quinquennat désastreux – ou comment faire oublier les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Français, problèmes liés à la désindustrialisation, à l’écologisme, à la submersion migratoire, à l’insécurité, au narcotrafic, à l’endettement massif, à la soumission au régime algérien, à l’entrisme islamique, à l’effondrement des services publics, etc. Le discours grandiloquent devient délirant lorsque le président de la République affirme que « la Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe ». La veille, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, avait déjà évoqué une fantasmagorique « ligne de front qui s’approche » sans que personne ne réagisse dans le studio de France Inter, studio dans lequel Raphaël Glucksmann a pu marteler que les Russes étaient « la principale menace pesant sur la sécurité des Européens » et qu’il fallait par conséquent soutenir militairement l’Ukraine. La majorité des médias et des responsables politiques s’alignent, souvent par anti-trumpisme panurgique, sur un discours présidentiel guerrier qui a surtout pour but de redorer le blason d’un homme que les Français ne supportent plus et de raviver les couleurs d’une UE qui désespère les peuples européens. Car, bien entendu, l’idée d’une Europe fédérale et supra-nationale chère à Emmanuel Macron, Ursula Von der Leyen, Thierry Breton ou Raphaël Glucksmann, repointe le bout de son nez. Ces gens-là sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Emmanuel Macron a volontairement dramatisé la situation en utilisant un vocabulaire outrancier pour effrayer les Français. Il se dit prêt à envoyer des soldats en Ukraine et à « ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen » – deux folies pouvant engager notre pays dans des conflits dévastateurs. Tout à son objectif de promouvoir une Europe fédérale dans laquelle il espère tenir un jour un rôle majeur, il attise sciemment les peurs. Après l’urgence sanitaire face au Covid et l’urgence climatique face au réchauffement, l’urgence militaire face à la « menace russe » arrive à point nommé pour relancer le projet européo-fédéraliste. Emmanuel Macron et les instances bruxelloises annoncent de nouveaux « sacrifices » à venir, sacrifices qui augurent en vérité d’une accélération du déclin des nations européennes, de leur paupérisation, de leur relégation sur la scène internationale. La France ne se relèvera peut-être jamais des quinquennats d’Emmanuel Macron, président-matamore qui n’a pas de mots assez durs pour Poutine mais qui, après avoir dépecé notre pays, se laisse marcher dessus par le gouvernement algérien et M. Tebboune. Les nations européennes ne se relèveront peut-être pas, quant à elles, d’un demi-siècle de « construction européenne » qui n’aura servi que les intérêts de certaines oligarchies politiques, médiatiques, bruxelloises ou davosiennes prêtes à sacrifier les peuples pour que perdurent leurs privilèges.

Polar, caviar et propagande: Marignac revient en grande forme

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L'écrivain et traducteur français Thierry Marignac © Hannah Assouline

Depuis A Quai et Terminal Croisière, deux de ses précédents romans, je sais à quel point Thierry Marignac est fasciné par les zones portuaires, d’Anvers à Hambourg – aujourd’hui, au Havre, dont il propose dans L’Interprète une saisissante peinture. Dans cet Interprète, les lecteurs de son oeuvre retrouveront un personnage récurrent, probable porte-fantasmes de l’auteur, à savoir Thomas Dessaigne, traducteur et interprète de l’anglais et du russe, entre autres pour la police de Bruxelles, ex-facilitateur ONG en Russie, ex-employé de la Croix-Rouge expulsé de Moscou et lié naguère à la pègre des ghettos noirs de Harlem, en un mot comme en cent un « demi-solde d’une caste inférieure d’employés internationaux ».

Polar philologique

Ce Dessaigne, grand amateur de vodka Tsarskaïa devant l’Éternel, a roulé sa bosse de Kiev à Vilnius, de Bruxelles à Brooklyn. Comme Marignac, il est un linguiste-né, sensible aux accents et aux intonations, fin connaisseur des argots, jamaïcains ou ukrainiens, comme des vocabulaires techniques.

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L’Interprète peut d’ailleurs se lire aussi comme un polar « philologique », car son intrigue repose en partie sur le déchiffrement d’une devise en cyrillique orthodoxe gravée sur la lame damasquinée d’un poignard. Cette lame est retrouvée entre les côtes d’un cadavre découvert dans les bas-fonds du Havre, à quelques mètres d’un lugubre bar à hôtesses. Réquisitionné par un binôme de policiers locaux pour traduire cette mystérieuse inscription, Dessaigne fait vite le lien avec les vendettas du Caucase, attisées par les récentes guerres locales. La façon dont le cœur de la victime a été transpercé sans toucher les côtes trahit le coup de main d’un as du couteau – une exécution, comme dans les montagnes du Daghestan. En outre, l’enregistrement des dernières paroles de la victime au comptoir du bar interlope, alors qu’elle paie une tournée générale en livres sterling, met la puce à l’oreille du traducteur, puisque, à la question posée en anglais synthétique par une entraîneuse quant à ses occupations, l’homme se vante, dans le plus pur Oxbridge, « d’organiser des coups d’Etat ».

Subversif

Dessaigne va, comme il aime le faire depuis trente ans, naviguer en eaux troubles, plus ou moins téléguidé par les policiers havrais, eux-mêmes plus ou moins bien renseignés par la police britannique… comme par le consulat russe du Havre, car, rapidement, le cadavre est identifié comme celui d’un Caucasien, Ibraguim, ex-soudard reconverti dans la guerre de l’information en tant que « spécialiste » de Daesh. Le récit gagne alors en intensité et devient d’autant plus subversif, et donc marignacien pur sucre, quand, par le truchement d’un sympathique (?) galeriste russe et d’un redoutable « antiquaire » géorgien, un temps l’homme des Américains en Géorgie jusqu’à son exfiltration, nous apprenons que cet Ibraguim, le poignardé, travaillait pour une ONG émanant directement des services britaniques, qui s’est donné pour noble mission de « défendre la démocratie contre la désinformation », et ce à coups de millions.

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Parmi les cibles, un leader de l’opposition travailliste, accusé sur tous les tons d’être un agent russe – exactement comme tel président à l’inélégante coiffure. Là, Marignac n’invente plus rien, mais se fonde sur des faits avérés, quoique méconnus, relatifs à un réseau de propagande antirusse, Integrity Initiative, dénoncé à la Chambre des Communes et dans la presse anglaise, mais ignoré dans le monde francophone. D’un banal meurtre sous la pluie glacée du Havre, des soirées déjantées dans des galeries londoniennes d’art contemporain, le romancier passe, mine de rien, aux coulisses de l’actuelle guerre de l’information et éclaire, à sa manière implicite, les sources tout sauf pures de certain délire belliciste.

Thierry Marignac, L’Interprète, Konfident noir, 228 pages

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Ultra moderne solitude

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Gene Hackman et Betsy Arakawa, Beverly Hills, janvier 2003 © MARK J. TERRILL/AP/SIPA

Bonne nouvelle : les époux Hackman, retrouvés sans vie aux États-Unis, n’ont finalement pas été victimes d’un meurtre, comme on avait pu le redouter. Pourtant, leur sort demeure tragique. Même les stars, autrefois entourées de luxe et de succès, ne sont pas à l’abri d’une solitude absolue. La disparition du célèbre acteur illustre avec une cruauté saisissante la brutalité de l’isolement dans notre monde moderne.


Alain Souchon l’a chantée : « Pourquoi ces rivières / Soudain sur les joues qui coulent / Dans la fourmilière / C’est l’ultra moderne solitude. » Ces jours-ci, du côté de Santa Fé, USA, Etat du Nouveau Mexique, il semble bien qu’elle ait sévi.

Dans une immense et luxueuse villa des hauteurs de la ville, deux corps sont découverts le 26 février. Ceux du grand acteur Gene Hackman et de son épouse la pianiste Betsy Arakawa. Deux corps dans un état de décomposition avancé, comme il est dit pudiquement dans le rapport de police. Elle, l’épouse, serait morte depuis le 11 février, contaminée par un sale virus colporté par les excréments de souris, de rats dont – il faut bien le dire – on pourrait penser qu’on y serait davantage exposé dans les bas-fonds de la misère ordinaire que chez les stars. Lui, l’acteur et romancier, atteint d’une maladie d’Alzheimer elle aussi très avancée, serait mort sept jours plus tard, le 18 février. C’est du moins ce jour-là que son pace maker donne de lui un dernier signe de vie. Un de leurs trois chiens, réfugié dans un placard, passe lui aussi de vie à trépas dans ces moments-là. De faim ?

L’épouse est donc morte depuis quinze jours et le mari depuis une semaine entière lorsque, alertées par un employé, croit-on savoir, les autorités découvrent ce qu’il faut bien appeler un charnier.

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On imagine l’horreur des derniers jours, des dernières heures, des ultimes minutes, l’agonie d’épouvante qui traîne en longueur. Cette fin où l’un et l’autre, en fait, meurent comme crèvent les bêtes au fin fond des ravins et des forêts.

Ce qui glace d’effroi est justement l’évidente – et pourtant inimaginable – solitude de ce couple en ces derniers moments de vie. Personne. Personne ne s’est inquiété. Ni enfants, ni parents, ni proches. Oui, crever comme crèvent – hélas bien trop souvent ! – les très pauvres, les oubliés de l’humanité.

Dans les films, les stars et leurs villas fourmillent quasiment de gens, cuisinière, femmes de ménages, masseuses ou masseurs, jardiniers, gourous de ceci et de cela, piscinistes, livreurs, agents de sécurité nocturnes à grosses torches, partenaires de golf, de cocktails, de papotages, de garden party. Bref, des gens qui se succèdent presque sans discontinuer, ou qui appellent au téléphone, envoient des SMS, des mails et qui, donc, sont à même de donner l’alerte. Là, rien. Absolument rien. Aucune manifestation d’intérêt sur cette longue période de quinze jours. Comment cela est-il aujourd’hui possible ? C’est, selon moi, la violente, la glaçante question que posent ces décès, ces morts d’un temps où l’humain ne l’était pas encore tout à fait, humain.

De la camarde qui frappe, François de Malherbe, dans sa Consolation à M. Du Périer, écrit « La garde qui veille aux barrières du Louvre n’en défend pas les rois. » On vient de voir à Santa Fé que même le statut de star, les apparences de la fortune et du luxe, ne sauraient protéger de l’effroyable ultra moderne solitude lorsque s’avance le crépuscule de la vie. Et c’est proprement terrifiant…

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Fais ton service d’abord !

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Plumelec (56), 5 juin 2024 © Benoit Tessier/AP/SIPA

Le 5 mars, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a exhorté les Français au « courage » pour affronter une « nouvelle ère » marquée par un « monde de dangers ». Il a conclu sur un appel solennel : « La patrie a besoin de vous et de votre engagement. » Mais les Français sont-ils vraiment prêts à répondre à l’appel face à la menace russe ? À en croire les sondages, l’idée du retour du service militaire séduit… enfin, surtout ceux qui ne seraient pas concernés ! Le commentaire d’Élisabeth Lévy.


D’après un sondage, les Français sont favorables au rétablissement de la conscription.

La patrie vous appelle, a dit le président de la République. Et, à en croire un sondage Destin Commun/Ouest France[1], les Français répondent présent. 61 % seraient favorables au rétablissement d’une forme de service militaire obligatoire.

Un enjeu militaire, mais pas seulement

Faut-il en conclure qu’en une semaine nous avons retrouvé le sens du sacrifice ? Pas d’emballement. Primo dire ça à un sondeur, ça ne mange pas de pain et c’est bon pour l’estime de soi. Deuxio l’enthousiasme croit avec l’âge: si seulement 45 % des 18-24 répondent oui, c’est plus de 70% après 45 ans (!!). Armons-nous et partez ! Moins on est concerné, plus on approuve.

Certes, l’Ukraine rappelle que la guerre n’est pas seulement une question de technologie et d’armements (informatique, drônes…) mais aussi une affaire de soldats. Pour tenir un front, il faut des hommes. Plusieurs pays européens ont d’ailleurs déjà rétabli ou allongé le service. Peut-être faut-il vraiment y réfléchir, mais la priorité est de rendre ses moyens à l’armée professionnelle. Et de définir une stratégie. Rétablissement du service pour quoi faire exactement, et contre quelle menace ? Du reste, le président de la République n’en a nullement parlé. Il faut dire que lui ne l’a pas fait.

Comment s’explique ce retour en faveur de la conscription ?

Il y a tout d’abord une explication secondaire mais spécifiquement française. Il y a chez nous une mythologie du service militaire. Beaucoup de gens croient que le retour du service militaire ressusciterait l’assimilation, le creuset républicain d’autrefois. C’est peut être un peu illusoire. Le service prolongeait un processus alors à l’œuvre dans la société. Rétablir le service militaire aujourd’hui ne peut pas changer la société et créer comme par magie un vivre-ensemble qui n’existe plus.

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La vraie raison, c’est évidemment les inquiétudes liées à la montée des tensions internationales. Emmanuel Macron dément avoir utilisé le terme « faire peur » que lui prête le JDD. Peut-être ces paroles n’ont pas été prononcées, mais on entendait quand même un peu la chanson. On n’ose croire comme le suggèrent certains que le président de la République veuille instrumentaliser les peurs pour bénéficier de l’effet drapeau. Donc, la seule question est : y a-t-il des raisons d’avoir peur ? Oui, et pas seulement des raisons venues de l’Est. À condition que cela ne nous paralyse pas et d’apprécier calmement les dangers, cette peur ne me semble pas absurde et il y a bien des raisons d’être au moins un peu inquiet. L’armée russe ne va pas déferler sur Paris. Mais il y a bien une menace russe sur la sécurité européenne. Et le désengagement américain nous oblige à nous réveiller.

Il faut raison garder. On ne nous demande pas aujourd’hui de payer le prix du sang, mais de sacrifier un peu de confort ou quelques mois de travail en plus à notre souveraineté. Faute de quoi on verra la France sortir de l’Histoire pour devenir un petit pays vassalisé. Et ça, ça devrait vraiment nous faire peur à tous.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio


[1] https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/exclusif-orphelins-du-soutien-americain-les-europeens-solidaires-de-lukraine-selon-une-etude-c4616aee-fba7-11ef-84e6-97a4d0833d6d

Ouzbékistan et France resserrent leurs liens

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Le président Macron et le chef d'Etat ouzbek Shavkat Mirziyoyev, dans le centre historique de Samarcande, Est de l'Ouzbékistan, novembre 2023 © AP/SIPA

Le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, effectuera une visite officielle à Paris les mercredi 12 et jeudi 13 mars. Engagé depuis plusieurs années dans une ouverture vers l’Occident afin de réduire la dépendance de son pays vis-à-vis de Moscou, il renforce ses relations avec la France. Une coopération mutuellement bénéfique, placée sous le signe du progrès et de la prospérité, comme l’explique le chercheur Sharif Akhmedov.


Dans le cadre de sa politique étrangère, l’Ouzbékistan renforce activement ses relations avec les États européens, considérant ces derniers comme des partenaires stratégiques clés pour le développement de projets économiques, politiques et humanitaires. Parmi eux, la France occupe une place particulière en raison de son influence en Europe et de sa volonté d’établir des liens solides avec l’Asie centrale.

Des racines historiques aux relations modernes

Les premières traces des relations entre l’Ouzbékistan et la France remontent au XIVe siècle, lorsque l’empereur timouride Amir Temur et le roi Charles VI ont jeté les bases d’un partenariat axé sur le commerce. Des archives historiques témoignent de leur correspondance et de leur volonté commune de favoriser les échanges économiques. Amir Temur soulignait déjà à l’époque : « Le monde prospère grâce aux marchands ».

Cette tradition de coopération a traversé les siècles et s’est renforcée après l’indépendance de l’Ouzbékistan. L’élection de Shavkat Mirziyoyev à la présidence en 2016 a marqué une nouvelle étape, avec un réel dynamisme dans les relations bilatérales. Symboliquement, son premier voyage officiel en Europe a été effectué en France, ouvrant la voie à plusieurs accords intergouvernementaux.

Un dialogue politique et économique renforcé

Depuis l’établissement des relations diplomatiques en 1992, six visites d’État ont été organisées, dont la moitié au cours des sept dernières années. Les rencontres entre les présidents Shavkat Mirziyoyev et Emmanuel Macron, en 2018, 2022 et 2023, témoignent de cette volonté d’approfondir la coopération. En parallèle, les ministères des Affaires étrangères et les Parlements des deux pays entretiennent un dialogue régulier, notamment à travers le groupe d’amitié « Ouzbékistan-France » au sein de l’Oliy Majlis et les groupes interparlementaires français liés à l’Asie centrale.

Sur le plan économique, la présence française en Ouzbékistan est de plus en plus visible, avec 50 entreprises implantées, dont certaines majeures dans des secteurs stratégiques comme les services publics (Veolia, Suez, Eiffage), l’énergie verte (EDF, Total Eren, Voltalia) et l’industrie agroalimentaire (Lactalis). Cette dynamique est soutenue par des mécanismes tels que la Commission intergouvernementale Ouzbékistan-France et la Chambre économique France-Ouzbékistan.

Des investissements et une coopération en expansion

Un programme de coopération, financé par l’Agence française de développement à hauteur de 1,07 milliard d’euros pour la période 2023-2025, illustre l’ampleur de l’engagement français. En parallèle, des forums d’affaires organisés à Samarcande et à Tachkent en 2023 et 2024 ont rassemblé des dizaines d’entreprises françaises, permettant la signature de nouveaux accords économiques.

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L’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et l’Ouzbékistan a facilité une augmentation significative du commerce bilatéral, qui a quintuplé en cinq ans pour atteindre 1,1 milliard de dollars en 2024. Les projets en cours dans des domaines tels que l’ingénierie et l’exploitation des ressources naturelles dépassent les 8 milliards d’euros.

Un axe culturel et éducatif en plein essor

Au-delà des relations économiques, la France et l’Ouzbékistan multiplient les initiatives dans les domaines culturels et éducatifs. Plus de 50 accords ont été signés ces dernières années dans des secteurs aussi variés que l’archéologie, la mode, la linguistique, la santé, le tourisme et le sport.

Le tourisme connaît une progression notable, avec près de 20 000 visiteurs français chaque année. Par ailleurs, 189 900 élèves et étudiants ouzbèkes apprennent aujourd’hui le français, renforçant ainsi les liens linguistiques et culturels.

La présence française se manifeste aussi à travers des projets symboliques, comme l’installation de monuments à la mémoire d’Abu Ali Ibn Sino et Mirzo Ulugbek en France, ou encore la création du « Jardin ouzbek » dans des espaces verts à Rueil-Malmaison et Toulouse.

Les expositions consacrées à l’Ouzbékistan au Louvre et à l’Institut du Monde Arabe entre 2022 et 2023 ont permis de mieux faire connaître le riche patrimoine culturel de l’Asie centrale au public français.

Vers un partenariat durable

En somme, les relations franco-ouzbèkes connaissent un véritable essor, portées par une volonté commune de renforcer les liens économiques, politiques et culturels. L’approche pragmatique de Tachkent et l’intérêt croissant de la France pour l’Asie centrale ouvrent la voie à un partenariat durable et mutuellement bénéfique.

Cryptomonnaies: l’actif préféré de Javier Milei et Donald Trump

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Les employés de Coinbase sur Times Square à New York, le mercredi 14 avril 2021, alors que la plateforme d’échange de cryptomonnaies devient une entreprise cotée en bourse © Richard Drew/AP/SIPA

Le rappeur Kanye West refuse une arnaque crypto à 2 millions, mais balance tout, prouvant qu’un fou, ça parle vrai ! Pendant ce temps, Trump et Milei continuent de jouer aux influenceurs crypto… et certains investisseurs pleurent déjà. Gabriel Robin nous explique tout.


Lors d’une de ses phases maniaques où il a de nouveau multiplié les déclarations anti juives, se déclarant même « nazi », Kanye West a aussi révélé avoir été contacté pour arnaquer ses fans lors du lancement d’un « memecoin ». C’est l’avantage des fous, ils sont sans filtre et révèlent tout. Il a ainsi déclaré sur X : « On m’a proposé 2 millions de dollars pour escroquer ma communauté. J’ai dit non et j’ai arrêté de travailler avec la personne qui m’avait proposé ce deal ». Le message était illustré d’une capture d’écran avec une demande d’un professionnel des cryptomonnaies proposant à Kanye West 750.000 dollars pour publier un premier tweet de lancement d’un jeton Solana, puis 1.25 millions de dollars supplémentaires après qu’il ait effacé le tweet et déclaré avoir été victime d’un piratage quelques heures plus tard.

Il s’agissait donc d’une opération de « phishing » avec « retrait de tapis » par les créateurs de la monnaie. Appelée « rug and pull », l’opération consiste à pousser les petits investisseurs à faire monter le cours du jeton nouvellement créé avant que ses créateurs ne retirent brutalement leur mise, souvent à l’aide de robots qui automatisent la transaction, ce qui fait revenir à zéro le jeton. C’est un « ponzi » qui parfois ne prend pas plus de quelques heures. C’est exactement ce qui est arrivé… par le biais de deux chefs de l’Etat. L’Argentin Javier Milei et l’Américain Donald Trump.

Chefs d’Etats et influenceurs

À l’image de certains influenceurs, comme les frères Tate, les présidents peuvent aujourd’hui lancer leurs jetons de cryptomonnaies et enregistrer d’importants gains… ou être utilisés comme de banales pop-stars. Javier Milei est, par exemple, visé par plusieurs plaintes après avoir relayé sur X une cryptomonnaie qui s’est effondrée. Il a démenti lundi 17 février avoir « promu » quoi que ce soit, assurant avoir « agi de bonne foi ». « Je n’ai pas recommandé, je n’ai pas promu, j’ai diffusé » un message sur une devise numérique, a déclaré le président argentin. Cynique, il a ensuite dit que les perdants ne se plaignaient pas… après une sortie au casino ou des paris sportifs.

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C’est là toute l’ambiguïté du monde des monnaies numériques. Initialement pensé pour sortir du « système » des monnaies FIAT et du pouvoir des banques centrales, les cryptomonnaies sont en train d’être dévoyées de leur esprit d’origine. D’ailleurs, le nouveau converti Donald Trump n’y comprenait rien et y fut longtemps hostile. « La monnaie de réserve mondiale devrait être le dollar. Et je ne crois pas que nous devrions avoir des bitcoins. Il faudrait que les cryptomonnaies soient régulées de manière bien plus sérieuse. Le bitcoin menace le dollar ! C’est une fraude », avait déclaré Donald Trump en juin 2021 lors d’une interview accordée à Fox News. A cette période, le bitcoin voyait son prix redescendre à 35.000 dollars et causer de nombreuses faillites personnelles d’Américains paniqués qui se débarrassaient alors de cet actif.

La rencontre avec Elon Musk et les « tech bros » a changé le point de vue de Donald Trump, ainsi que les lucratives perspectives qu’offrent certains actifs « toxiques » bien moins stables que le Bitcoin. Le changement de cap de Donald Trump date officiellement de mai 2024, moment choisi par ses équipes pour annoncer que les dons en cryptomonnaies seraient acceptés pour le financement de sa campagne. Premier signe de ralliement des « cryptobros » autour du panache blond du New-yorkais, cette annonce a été suivie par de nombreuses décisions fracassantes. Ainsi, The Donald a déclaré il y a quelques mois que les bitcoins saisis par l’administration américaine pourraient être utilisés afin de constituer… une réserve stratégique en monnaies numériques. Si l’idée se concrétise, il s’agirait d’une première mondiale pour un pays du G20, seul le Salvador de Nayib Bukele ayant à ce jour une réserve monétaire numérique. Ce serait aussi un sceau de respectabilité pour les cryptomonnaies et le signe d’une future démocratisation. Seuls 40 millions d’Américains possèdent de ces actifs, ce qui est encore très peu.

Vers une institutionnalisation des cryptomonnaies ?

Pour l’heure, ces annonces n’ont pas encore été concrétisées par des actes. Nul doute toutefois que l’administration Trump s’attellera à cette tâche, extrêmement populaire auprès de l’électorat masculin mais aussi des minorités ethniques qui investissent plus que la moyenne en cryptomonnaies. La capitalisation totale de l’ensemble des cryptomonnaies s’élève aujourd’hui à un peu plus de 3 trilliards de dollars. Le bitcoin représente à lui seul 2 trilliards de dollars de capitalisation, soit l’équivalent de la valeur cumulée de tout le Cac 40. En août dernier, la capitalisation du bitcoin n’atteignait « que » 1.400 milliards de dollars, soit un accroissement de valeur de 100 milliards de dollars par mois depuis…  Nous n’en sommes pourtant qu’aux balbutiements d’actifs qui pourraient devenir demain la norme. La faiblesse structurelle de ces monnaies numériques est aussi leur force : elles ne sont adossées sur rien d’autre que l’énergie. Elles sont indépendantes des Etats, contrairement aux monnaies FIAT dont les valeurs fluctuent en fonction de l’économie de pays ou de groupes de pays – comme c’est le cas pour l’euro -. Il est néanmoins suggéré aux investisseurs de rester prudents, tant sur des portefeuilles de long terme que pour des opérations spéculatives de court terme. Extrêmement volatiles, les monnaies numériques ont un fort potentiel de croissance mais peuvent aussi faire perdre des fortunes…

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Le milieu est gangréné par les « insiders » qui contrôlent les échanges, mais aussi les plateformes telles que Binance ou Coinbase. Dans une telle jungle, le petit épargnant peut se trouver dans une situation très compliquée. Car la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. Les propriétaires des plateformes ne sont pas des banquiers, ce sont des traders. « Pile, je gagne. Face, tu perds » est leur mantra.


Les cryptomonnaies pour les nuls
Les monnaies cryptographiques sont des actifs numériques émis de « pair à pair » sans s’appuyer sur des banques centrales ou des intermédiaires. Elles sont représentatives du web dit « décentralisé » répondant aux idéaux libertariens et à la volonté d’une part croissante des populations de s’affranchir du contrôle des institutions. Le bitcoin est la cryptomonnaie de référence et la première d’entre toutes. L’émission des jetons de bitcoin se base sur la « blockchain » qui est cryptographiée. Les transactions et échanges se font aussi par le biais de ce système.
En plus du Bitcoin, monnaie numérique de référence, existent des monnaies utilisant des chaînes alternatives. Elles sont appelées « altcoins ». Les principales sont l’éthereum et le solana. Ces « alts » sont aussi utilisés pour l’émission de « jetons » ou « memecoins ». Ce sont des actifs lancés sur des écosystèmes préexistants, parfois sur des plateformes qu’on pourrait apparenter à des casinos numériques où tout un chacun peut créer sa propre monnaie, citons notamment PumPFun où en quelques jours à peine des petits jeunes ont pu devenir multimillionnaires grâce au jeton meme P-Nut représentant l’écureuil tué par les autorités vétérinaires durant la campagne électorale américaine • GR

Ce Karaté Kid en nous qui ne meurt jamais

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Martin Kove, Ralph Macchio et William Zabka à la première à Los Angeles, 13 février 2025 © ImageSpace/Sipa USA/SIPA

Netflix diffuse les derniers épisodes de la dernière saison de Cobra Kai depuis quelques jours. Une série régressive qui fait un peu la nique au wokisme sur la plateforme pourtant spécialisée dans le genre…


D.R.

La boucle est bouclée. Un immense billboard affiche à Los Angeles que « cela pourrait être un adieu, mais… Cobra Kai ne meurt jamais ! » alors que Netflix diffuse les derniers épisodes de sa série débutée en 2018.

Cobra Kai est une suite de la trilogie des films cultes des années 80 de la franchise Karaté Kid (1984, 1986 et 1989) dans laquelle on suit le parcours d’un gringalet souffre-douleur dans son lycée, Daniel LaRusso, devenir champion de karaté contre son persécuteur, Johnny Lawrence, grâce à l’aide de son sensei, Maître Miyagi.

Régression réconfortante

Surfant sur la vague de nostalgie voire de régression puérile mais réconfortante, alimentée par l’industrie du divertissement, Cobra Kai permet de retrouver l’ensemble des acteurs des films reprendre trois décennies plus tard leur rôle aux côtés de nouveaux protagonistes, avec une bande-son de rock FM et une imagerie californienne VHS.

La culture pop, dans sa version la plus universelle, donc hollywoodienne, est devenue le meilleur vecteur de continuité d’un sentiment d’appartenance transgénérationnel. Elle permet le partage d’émotions et de réminiscences, telles des petites madeleines de Proust, entre parents et enfants. Grâce aux productions contemporaines inspirées d’anciens films ou séries de leur enfance et adolescence, les parents retrouvent des souvenirs enfouis d’une époque idéalisée de leur vie. Tandis que les enfants assouvissent le « fantasme originaire » en découvrant ce qui a accompagné la jeunesse de leurs parents.

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Cette ficelle nostalgique et transgénérationnelle actuellement surexploitée par l’industrie du divertissement, fonctionne plus ou moins bien. C’est une réussite indéniable dans le cas de Karaté Kid et de Cobra Kai. Si l’utilisation de la nostalgie dans la narration cinématographique ou télévisuelle peut conduire à l’immobilisme et à la vacuité, cela peut également conduire à une dynamique positive, celle de la transmission. Aux côtés des personnages historiques des films, une nouvelle génération de lycéens va dans la série connaître un parcours initiatique similaire à celui de leurs aînés, fait de construction de soi et de recherche de figures parentales.

Comme dans beaucoup de productions hollywoodiennes des années 80, les films de la franchise de Karaté Kid sont assez manichéens et représentatifs de la philosophie western avec les « gentils » et les « méchants », même s’ils font déjà apparaître quelques fissures dans cette binarité simpliste propre à l’Amérique.

La série va encore plus loin en jouant à fond la partition de l’altérité, avec de l’empathie pour les « méchants » et l’exposition de la part sombre des « gentils ».

Le déclic « How I met your mother »

Les scénaristes de Cobra Kai ont confirmé dans une interview, qu’une sitcom ayant également eu un impact générationnel fort : How I Met Your Mother (2005 – 2014), avait eu une véritable influence sur leur propre série.

Un des épisodes est même considéré comme l’effet déclencheur de la rédaction du scénario de Cobra Kai et de l’accord des producteurs pour financer le projet ! Dans celui-ci, un des personnages réalise son rêve de rencontrer « Le » Karaté Kid, héros de son enfance, grâce à ses amis au cours de son enterrement de vie de garçon. Mais à leur grande surprise, quand il rencontre l’acteur Ralph Macchio qui interprète Daniel LaRusso, il pique une colère noire, car pour lui, le vrai héros ne peut être que Johnny Lawrence interprété par William Zabka, qui apparaîtra à la fin de l’épisode en tenue du dojo de Cobra Kai…

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Au-delà de la blague de cette scène, il s’agit d’un leitmotiv que vont garder les scénaristes de la série jusqu’à la fin. Les prétendus « méchants » ne le sont pas tous, ni totalement, et le choix du nom de la série, non pas le dojo des « gentils » le Miyagi-Do, mais celui des « méchants » le Cobra Kai, illustrait finalement dès le début ce parti pris sur un renversement du manichéisme et donc sur la compréhension et l’empathie pour « l’autre » malgré ses défauts.

Une altérité d’autant plus louable que le lancement de la série a lieu entre la fin des années 2010 et le début des années 2020, soit certainement le climax du wokisme et de sa fausse altérité bienveillante. Sur un thème de base, le karaté, qu’on peut difficilement faire plus « genré » (comme on dit de nos jours), Cobra Kai donne aux combats féminins sur le tatami et dans la vie, parfois davantage d’enjeux, avec des filles plus « burnées » que les garçons (comme ose encore le dire Johnny Lawrence), sans arriver au ridicule de l’effacement ou du remplacement intégral de la masculinité dans certaines productions actuelles… La série, avec parfois un mauvais esprit qui fait du bien, arrive à se moquer des travers des générations, que cela soit l’ironie cynique de la génération X ou la bien-pensance fragile des générations Y et Z. La leçon de plus de quarante ans de récit depuis le premier opus de Karaté Kid en 1984 jusqu’au dernier épisode de Cobra Kai en 2025 est donc celle d’une altérité générationnelle vue non pas comme un affrontement, mais comme un moyen de mieux se comprendre entre des générations que tout semble aujourd’hui opposer. Il s’agit de la meilleure conclusion possible d’une fiction adolescente, petit plaisir coupable et régressif, qui évite un compromis lâche entre générations, mais se construit au contraire dans la confrontation et donc le dialogue entre des adultes et des jeunes devenant adultes.

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Six Nations: net avantage aux Bleus

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Damien Penaud au moment de marquer un essai lors du match Irlande-France, Dublin, 8 mars 2025 © Niall Carson/AP/SIPA

La victoire écrasante de notre XV de France contre l’Irlande nous rapproche d’un possible sacre dans le tournoi des Six Nations. Un exploit terni par la blessure d’Antoine Dupont au genou, l’obligeant à s’éloigner des terrains pour une durée de six à huit mois, ce qui ne doit pas nous décourager pour le match décisif contre l’Écosse samedi prochain.


Très probablement, les Bleus regretteront amèrement samedi soir prochain leur très malencontreuse et frustrante défaite contre les Anglais lors de la deuxième journée du tournoi des Six nations.

Un tournoi en dents de scie

Alors qu’ils avaient match gagné à trente secondes du coup de sifflet final avec une avance hélas de seulement six points (25 à 19), un perfide joueur du XV de la Rose, à la suite d’une touche obtenue sur pénalité aux 5 mètres de l’en-but tricolore, esquiva un placage, parvint à s’infiltrer dans un mince interstice de la défense, et alla aplatir entre les poteaux assurant du même coup la transformation qui donnait une inespérée victoire, 26 à 25, à son équipe. Ce petit point à leur désavantage privera en conséquence les Français du grand chelem, objectif qu’ils s’étaient fixé.

En revanche, leur époustouflante et improbable victoire, 42 à 27, samedi dernier, à Dublin, contre les Irlandais, grands favoris de cette 25ᵉ édition, leur offre une très sérieuse option de décrocher le titre. Jusqu’alors, ces derniers faisaient figure d’invincibles sur leur terre. En effet, sur 31 matches disputés à domicile, le XV du Trèfle n’avait perdu que deux. Et sur les quinze rencontres dans le cadre des Six nations disputées ces trois dernières années, il n’a concédé également que deux défaites.

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En tête du classement après cet exploit inattendu en Irlande, les Bleus sont enfin en bonne posture pour décrocher le titre qui leur échappe depuis 2022, où ils avaient réalisé le grand chelem. Les deux années suivantes, ils ont terminé seconds derrière ces mêmes Irlandais. En vérité, tout se jouera au cordeau samedi qui vient entre trois équipes, France, Angleterre et Irlande qui affronteront respectivement l’Écosse, le Pays de Galles, et l’Italie. En principe, ces trois en lice pour le trophée devraient gagner leur match.

Victoire impérative

Dès lors, pour que la France conquière le Graal, elle doit vaincre l’Écosse (21 h au Stade de France) avec un bonus offensif. Ce qui est de l’ordre du possible au vu de la prestation samedi passé des Écossais contre les Gallois. Ces derniers n’ont aucune victoire à leur actif et seront gratifiés de la cuillère de bois qu’on décerne au dernier. Ils ont même été tenus en échec par l’Italie (22 -15).

Le XV écossais dont l’emblème est le chardon ne s’est imposé face au XV gallois qui a, lui, pour emblème le poireau, que par 35 à 29 alors que ces mêmes Rouges gallois n’avaient même pas inscrit la moindre pénalité contre les Bleus qui l’avaient emporté sur un implacable 43 à 0. Il s’en est en outre fallu de peu que les Gallois ne renversent la table dans les dernières minutes contre les Écossais. Ils ont raté d’un poil un essai qui leur aurait donné la victoire.

Si d’aventure, les Français ne s’octroient pas le bonus offensif face à ces derniers, le titre dépendra du «  goal-average  », à savoir la différence positive ou négative entre les points marqués et encaissés. À la condition expresse cependant que l’Angleterre ne décroche pas de son côté un bonus offensif face au Pays de Galles. Sur le papier, cela paraît hypothétique si on se fie au demeurant à deux résultats significatifs : l’Irlande a vaincu le Pays de Galles par 27 à 18 et l’Angleterre par 27 à 22, en somme Gallois et Anglais ont fait en la circonstance presque jeu égal entre eux. À cela s’ajoute que les Anglais se sont imposés face aux Italiens par 47 à 24 alors que les Français l’avaient emporté par 73 à 24, le score le plus élevé depuis la création des Six nations en 2000, ainsi que le second plus élevé cette fois contre l’Angleterre, un 53-10, en 2023.

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Digression pas superflue, le 73-24 est aussi le troisième score le plus élevé de toutes les compétitions internationales depuis la création de la coupe du monde en 1997. Les Bleus détiennent aussi le second plus élevé pour la même période, un 96-0 contre la Namibie lors de la coupe du monde de 2023. C’est l’Australie contre cette même Namibie, lors de cette même coupe, qui détient le record du score fleuve avec un 142 à 0. Juste un peu moins que sa victoire en 1995 par 145 à 7 contre le Japon en match amical, soit un rythme d’un essai toutes les quatre minutes. Autrement dit, remise en jeu et essai dans la foulée.

Si le titre doit dépendre du «  goal-average  », les Bleus ont un net avantage sur leurs deux sélections rivales. Avec une différence de 106 points en leur faveur, ils disposent d’une confortable avance sur les Anglais dont le solde positif est de 20 points et celui des Irlandais de 14. Comme le souligne L’Équipe de lundi, « on voit mal les Bleus, qui ont inscrit 26 essais lors des quatre premiers matchs, se faire rattraper ». En outre, avec ces 26 essais, ils ne sont qu’à trois de moins du record détenu par les Anglais de 29 qui pourrait donc tomber dans leur escarcelle si la victoire est au rendez-vous contre les Écossais. En revanche, la probabilité que l’Irlande l’emporte est très ténue. Il faudrait que la France perde ou fasse un nul et qu’elle fasse un score fleuve contre l’Italie qui joue à domicile.

Changement de stratégie !

Depuis 2010, l’Irlande s’est imposée cinq fois, Pays de Galles et Angleterre, quatre fois, et la France seulement deux fois. Si elle inscrit une troisième fois son nom au palmarès, elle le devra certes à ses joueurs mais surtout à son intrépide entraîneur Fabien Galthié qui, après la défaite contre l’Angleterre, n’a pas hésité à chambouler sa stratégie. Il s’est inspiré de celle de l’Afrique du Sud, actuelle championne du monde, qu’on qualifie de « bomb squad » (équipe bombe). Elle consiste à donner mission aux lignes d’avants de laminer, sans retenue, les premières lignes adverses pour ensuite lâcher la cavalerie légère des arrières pour que celle-ci aille à bride abattue et par rafales à l’assaut de l’en-but opposé.

Elle est en somme au rugby le pendant de la théorie de « la guerre absolue », de Clausewitz, à « savoir une montée aux extrêmes pour anéantir l’ennemi ». Nous y reviendrons sur cette option stratégique de Galthié, dont le choix avait été accueilli avec scepticisme, voire inquiétude, par les commentateurs, si sa pertinence est confirmée (ou non) samedi soir au Stade de France. Souvent les Écossais à défaut de ne l’avoir jamais gagné jouent les trouble-fête de ce tournoi.

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Derrière les « nouveaux beaufs », la révolution des parias

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Emmanuel Macron débat avec une femme membre des « gilets jaunes », Pessac, 28 février 2019 © UGO AMEZ/SIPA

Depuis le réveil des enracinés, la France d’en haut est en apesanteur. Seuls 23% des citoyens disent avoir confiance dans le gouvernement. Pourtant, les dirigeants continuent d’accabler la piétaille.


Prophétiques gilets jaunes ! En déboulant, furax, sur les Champs-Élysées le 17 novembre 2018, la France oubliée ne disait pas autre chose que J. D. Vance s’adressant aux dirigeants européens, le 14 février à Berlin : « N’ayez pas peur du peuple ! » L’admonestation du vice-président des États-Unis a pétrifié l’auditoire. Il y a six ans, le soulèvement girondin avait essuyé les insultes du pouvoir jacobin, y compris des syndicats. Les foules provinciales étaient trop patriotes, trop blanches, trop françaises. Donc trop suspectes. Même le subtil Jacques Julliard y avait vu « les nouveaux beaufs » (Le Figaro, 7 janvier 2019), sans s’intéresser à leur critique d’une démocratie confisquée et d’une parole sous surveillance. Or, aucune solution n’a été depuis apportée à cette frustration populaire, commune à d’autres pays d’Europe soumis à la même caste mondialiste. Vance n’a fait qu’énoncer des évidences refoulées par la morgue des élites. Pressentent-elles la fragilité de leur statut ?

Réveil des enracinés

Depuis le réveil des enracinés, la France d’en haut reste en apesanteur. Seuls 23 % des citoyens disent avoir confiance dans le gouvernement (sondage Cevipof). Pourtant, les dirigeants continuent d’accabler la piétaille. La « politique de la ville » privilégie les cités au détriment de la ruralité. Les villages se voient imposer le trop-plein d’immigration, avec ses dealers et son insécurité. Les paysans disparaissent. Dans le budget 2025, les petits auto-entrepreneurs ont échappé in extremis à une taxation supplémentaire, introduite par réflexe. La généralisation des zones à faibles émissions (ZFE), qui interdisent l’accès des voitures anciennes dans les centres-villes, pénalise les conducteurs modestes. En appelant ces « gueux » à la fronde, comme en 2018 lorsqu’ils refusèrent la taxe carbone sur les carburants, Alexandre Jardin a le mérite de pointer des injustices.

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La « révolution du bon sens », lancée par Donald Trump, parle avec les mots des parias de la France périphérique. Certes, cette classe moyenne a échoué sur les ronds-points à enclencher une dynamique contestataire, détournée par l’extrême gauche. Depuis, les « ploucs » ont rejoint leur Aventin. Mais le calme est trompeur. Au-delà du mépris des faibles, c’est le peuple que redoute Emmanuel Macron. « Nous sommes en train d’inventer une nouvelle forme de démocratie », pérorait-il en avril 2019 avec ses « grands débats » censés remplacer les demandes de référendums d’initiative citoyenne. Le procédé a évidemment révélé ses artifices. Une consultation sur l’immigration reste inenvisageable pour l’Élysée. Les chaînes populaires C8 et NRJ12, trop rustiques, viennent d’être chassées comme des mouches par l’Arcom et le Conseil d’État. La Macronie, c’est la démocratie sans le peuple.

Trahison

Ce pouvoir est en sursis. Même les victimes de l’insécurité l’accusent. « La mort d’Elias démontre que l’État n’a pas su protéger ses citoyens », ont écrit les parents de l’adolescent tué à Paris le 25 janvier d’un coup de machette par un mineur récidiviste. « La France a tué mon époux », avait lancé en août la veuve du gendarme Éric Comyn. Ce n’est pas la Russie qui menace la France, comme l’affirme Emmanuel Macron tandis qu’il se tait devant l’Algérie batailleuse, qui retient Boualem Sansal en otage.

L’ennemi de la nation submergée est celui qui, en son sein, étouffe les protestations. Cette trahison ne peut plus durer.

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