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Que nous est-il arrivé?

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Il ne nous a pas fallu une semaine après le 7-Octobre pour faire des victimes des bourreaux. Beaucoup dénient désormais à Israël le droit de se défendre, et l’antisémitisme est de retour, se désole notre contributeur.


Il y a deux jours Georges Malbrunot, journaliste reconnu pour son expertise du Proche-Orient écrivait sur X: « Mme la présidente de l’Assemblée nationale fait mine également d’ignorer que la France, loin de « désarmer Israël », continue de participer au « Dôme de fer » qui permet à Israël d’intercepter des missiles iraniens, par exemple. »

Ainsi pour un certain courant de pensée français favorable aux Palestiniens dont Malbrunot est un représentant éminent, il est convenu de penser et d’écrire qu’Israël n’aurait même pas le droit de se défendre, via le Dôme de fer, des missiles iraniens qui sont régulièrement envoyés en masse sur son territoire. Et il serait honteux que la France ne contribue pas au désarmement d’Israël et fournisse à l’Etat hébreu des composants pour son système de défense aérienne.

Hostilité croissante

Pour ce courant de pensée, donc, Israël n’a plus le droit de se défendre. Quelle est la prochaine étape ? Faudra-t-il interdire aussi aux forces de l’ordre en France de porter assistance aux juifs victimes d’actes antisémites ? J’avoue que ce soir, en découvrant ce tweet, j’ai été bouleversé. Je connaissais les opinions de Malbrunot, mais je ne pensais pas qu’on puisse, en France, en arriver à énoncer des choses pareilles, à l’abri de la pensée dominante. J’en ai pleuré pour mon pays, qui de toute évidence voit s’étendre comme un feu de savane l’hostilité à l’égard d’Israël, mais aussi des juifs.

De culture politique gaulliste, j’ai toujours fait mienne la philosophie politique concernant Israël telle que l’avait exprimée le général de Gaulle en 1967, bien que j’aie toujours regretté qu’il y glissât cette saillie qui peut sembler un peu antisémite, en tout cas injuste et inutile, en parlant du « peuple dominateur ». J’ai regretté aussi que les gouvernements israéliens successifs autorisent l’implantation de colonies juives en Cisjordanie. J’ai longtemps fait mienne, pour les mêmes raisons, la fameuse « solution à deux Etats » dont les chancelleries occidentales font la promotion depuis 40 ans.

Pourtant, bien des choses sont advenues depuis que Rabin et Arafat ont envisagé de faire la paix. Israël a commis des erreurs manifestes, en implantant des colonies, ou en favorisant le Hamas au détriment du Fatah et de l’OLP. Mais peut-on, au nom des erreurs passées, ne pas prendre en compte la nouvelle situation qui est advenue, même si elle résulte de ces erreurs ? Ainsi, beaucoup d’historiens remettent en cause les erreurs de la France dans la gestion du traité de Versailles et sa responsabilité indirecte dans la montée du nazisme. Fallait-il pour autant ne pas déclarer la guerre à l’Allemagne en 1939 ? De même, les occidentaux ont commis des erreurs manifestes vis-à-vis des Russes et les Ukrainiens, dans la gestion de la crise au Donbass depuis 2014. Fallait-il pour autant renoncer à aider l’Ukraine à se défendre contre l’invasion russe ? A l’évidence, non. Les situations créées par les erreurs passées sont là, et il faut les affronter pour les dangers qu’elles représentent aujourd’hui.

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A l’évidence, Israël est aujourd’hui, et plus que jamais depuis le 7 octobre 2023, entourée d’activistes, de miliciens, de terroristes, d’armées, qui lui sont profondément hostiles et qui veulent sa destruction. Au nord avec le Hezbollah, au sud avec le Hamas, au grand est avec l’Iran et dans une moindre mesure la Syrie. Peut-on imaginer dans le cadre de la « solution à deux États » que s’installe au cœur même de son territoire, en Cisjordanie, un État profondément hostile à Israël qui consacrerait toute son énergie et son économie à constituer des stocks de roquettes et de missiles, comme l’a fait depuis 20 ans le Hamas à Gaza redevenue indépendante ? La France accepterait-elle que s’installe en Seine-Saint-Denis un État inféodé à Daech qui enverrait tous les soirs une salve de missiles sur Notre-Dame ?

Les victimes devenues bourreaux

Peut-on faire comme si rien n’avait changé dans la ligne politique palestinienne depuis 2001, ne pas prendre en compte sa mutation d’un mouvement nationaliste arabe vers une idéologie islamiste irréductible pilotée et inspirée par des mollahs qui sèment la terreur au Moyen-Orient depuis 50 ans ? Peut-on demander à Israël de prendre le risque d’être totalement encerclé par des forces qui veulent sa destruction ? Tout honnête homme répondra non, et reconnaîtra à Israël le droit à se défendre et à desserrer l’étau qui l’oppresse. La solution à deux Etats est morte, et ne sert plus que d’élément de langage prêt à l’emploi au Quai d’Orsay ou au Département d’État américain. Un diplomate suisse évoquait récemment une confédération sur le modèle helvétique, dans laquelle deux peuples cohabiteraient dans un même État… C’est peut-être une piste à suivre, en tout cas elle n’est pas encore d’actualité.

Mais revenons à la France. J’ai dit que « tout honnête homme reconnaîtra à Israël le droit à se défendre »… En est-on certain ? Il n’a pas fallu une semaine après le 7 octobre 2023 pour faire des victimes les bourreaux. Et depuis un an monte comme une vague que rien ne semble arrêter l’hostilité à l’encontre d’Israël. Il suffit de parcourir les médias et les réseaux sociaux pour se rendre compte que cette hostilité s’étend aux « sionistes », nom de code pour désigner les juifs. Il serait naïf de penser que cette hostilité ne serait le fait que de la population musulmane qui réside en France. Elle s’implante dans plusieurs secteurs de la population. Chez les musulmans, on l’a dit, et ils sont nombreux. Dans l’extrême gauche, aussi, chez LFI notamment. Mais l’hostilité irradie largement chez ses alliés du PS. Elle fait aussi ressurgir l’antisémitisme de la droite conservatrice, j’en ai été témoin très récemment, en faisant remonter de vieux griefs sur la disparition des chrétiens orientaux. Et surtout, c’est là la masse la plus importante, elle s’implante dans le centre, ce qu’on appelait autrefois le marais, où politiques, médias, intellectuels ou universitaires cherchent des accommodements (ir)raisonnables avec les musulmans, parce qu’ils sont là « et qu’il faut bien faire avec eux » ; les juifs pourraient tout à fait jouer à nouveau ce rôle de bouc-émissaires, surtout dans la jeunesse qui n’a pas connu la Seconde Guerre mondiale et ses répercussions dans la vie politique des Trente glorieuses. Il naît aujourd’hui 23% de musulmans en France et moins de 1% de juifs… Ces chiffres cyniques emportent les calculs de ceux qui ne veulent pas de problèmes avec les banlieues. Les choix sont faits et se feront dans ce sens. Caroline Fourest révélait ainsi lundi 7 octobre sur LCI que Yassine Bellatar, l’activiste musulman bien connu, avait été reçu deux fois à l’Élysée dans la semaine précédant la grande manifestation contre l’antisémitisme en 2023. Il aurait convaincu Emmanuel Macron de ne pas s’y rendre « pour ne pas mécontenter les banlieues ». Le conflit au Proche-Orient a été de facto importé en France quand on a laissé entrer une masse de plus en plus importante et incontrôlée d’orientaux sur notre territoire. C’est une évidence. Mais plus encore ce conflit est révélateur des fractures qui traversent notre société. La culpabilité qui nous ronge (« les sanglots de l’homme blanc » comme l’écrivait Pascal Bruckner) nous divise en profondeur. Il n’est qu’à écouter le Pape qui vient d’inventer sept nouveaux péchés (!) dont « le péché contre les migrants » pour se rendre compte que nous n’avons plus rien à opposer d’autre que notre faiblesse à ceux qui nous stigmatisent à longueur de temps. Nous n’avons plus assez de joues à tendre aux coups de nos ennemis. Israël, lui, répond coup pour coup et révèle la force que nous avons perdue. Il nous reste la honte.

Kim le siphonneur

Des espions nord-coréens infiltrent les entreprises américaines grâce à des postes dans le secteur informatique à pourvoir en télétravail


Voici un argument de plus en défaveur du développement du télétravail que le patronat pourra exploiter pour faire revenir les salariés récalcitrants dans les bureaux…

Le Wall Street Journal vient de révéler que les services nord-coréens sont parvenus à infiltrer de nombreuses sociétés américaines, dans les secteurs de la tech, des médias et de la finance, grâce à des postes de développeur de logiciels à pourvoir en télétravail. À travers la création de faux profils sur LinkedIn ou le vol de l’identité de personnes réelles, des espions ont pu se faire passer pour des travailleurs américains. C’est ainsi que la Corée du Nord a dérobé des données sensibles et siphonné les salaires versés par les entreprises. Pyongyang, affamé de liquidités, notamment pour développer son programme nucléaire, pratique depuis longtemps le cyber-espionnage pour voler des propriétés intellectuelles à l’étranger. Mais si on peut se voir autoriser l’accès aux données directement par les entreprises yankees, et en plus se faire payer… Sans écarter, bien sûr, la possibilité d’installer à tout le moment des malwares dans les boîtes du « plus grand ennemi » du charismatique leader Kim Jong-un…

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Ce stratagème aurait rapporté des centaines de millions de dollars au régime reclus du petit Coréen joufflu, selon le département de la Justice des États-Unis, et ce malgré les sanctions financières internationales strictes qui le frappent. Pour tromper les employeurs, les télétravailleurs coréens se sont appuyés sur des fermes d’ordinateurs portables gérées par des intermédiaires, lesquels installent les logiciels de bureau à distance permettant aux espions de se connecter tout en créant l’impression qu’ils se trouvent aux États-Unis… En mai, des procureurs fédéraux ont dévoilé un acte d’accusation alléguant qu’une femme de l’Arizona faisait partie d’un de ces réseaux de « fermes de laptops », ayant à lui seul permis à plus de 300 entreprises américaines d’embaucher sans le savoir des personnes douteuses, et d’envoyer 6.8 millions de dollars en Corée en usurpant l’identité de soixante Américains.

Sollicitée par le WSJ, la mission diplomatique de la Corée du Nord aux Nations Unies n’a pas pris la peine de répondre… C’était peut-être leur jour de repos ?

«Les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché»

Profondément marqué par le 7-Octobre, le philosophe voit avec horreur un antisémitisme politique s’installer en France. Pour lui, protéger nos libertés et définir une règle du jeu commune avec les musulmans exige avant tout une réaffirmation de la communauté politique nationale qui s’est effacée devant les droits des individus.


Causeur. Dans Situation de la France, rédigé après les attentats de janvier 2015, vous vous interrogiez sur notre rapport à l’islam, devenu une réalité européenne. Et vous observiez le désaccord entre l’opinion moyenne occidentale et l’opinion moyenne musulmane. Or, dix ans après et singulièrement depuis le 7 octobre 2023, il est évident que ces désaccords sont des fractures abyssales. Pour prendre un seul exemple, selon une étude IFOP de décembre 2023, 45 % des Français musulmans considèrent que le 7 octobre est un acte de résistance. Est-il trop tard ?

Pierre Manent. Il était déjà tard en 2015, c’est encore plus tard aujourd’hui. Surtout qu’après le 7 octobre, la question n’est pas seulement l’islam, mais l’existence d’un parti politique démocratique qui a choisi délibérément, gratuitement, de faire de la haine d’Israël au sens large, c’est-à-dire à la fois de l’État d’Israël et du peuple juif, le fédérateur de son projet politique.

Gratuitement, c’est vite dit, car cette orientation répond à un calcul électoral. Ce qui nous ramène à l’islam ou à certaines expressions de l’islam. Si LFI flatte les sentiments antijuifs et anti-israéliens, c’est qu’ils existent.

En effet, ils travaillent avec le matériau disponible. Cela fait longtemps qu’ils ont choisi de s’appuyer sur l’immigration musulmane pour prospérer en faisant grandir ce nouveau peuple dont ils entendent prendre la direction. Cependant, ils n’étaient pas obligés d’aller aussi loin après le 7 octobre. Ils pouvaient flatter la clientèle musulmane, comme les politiques flattent leur clientèle mais là, ils ont fait vraiment un saut qualitatif, si j’ose dire. Maintenant qu’ils se tiennent clairement à cette nouvelle position, eh bien, en effet, la situation générale est changée. Pour la première fois depuis la guerre, nous avons affaire à un antisémitisme politique explicite. C’est une rupture délibérée avec les présupposés partagés jusqu’ici par tous les partis.

Quelle conséquence cela a-t-il pour la communauté nationale ?

Cela veut dire que nous avons un problème majeur à affronter. La réaction de l’opinion française n’a peut-être pas été particulièrement brillante, mais pas non plus particulièrement odieuse. En comparaison de ce qui s’est passé aux États-Unis et au Royaume-Uni, la population française dans sa grande majorité a été plutôt décente. Cependant, tout cela est très fragile, car d’un côté, il y a des gens qui savent ce qu’ils veulent, et qui le veulent vraiment, et d’autre part, le plus grand nombre des Français qui ne savent pas trop ce qu’ils veulent, parce qu’ils ne savent pas trop ce qu’ils pensent.

Depuis 1945, la politique européenne est surdéterminée, voire obsédée, par la mémoire de la Shoah. Et pourtant, même le 7 octobre n’a pas fait consensus.

À partir des années 1960, la Shoah est venue au centre de la conscience de soi des Occidentaux. Mouvement juste et nécessaire, mais exposé à des détournements. Par passion ou calcul, des militants de causes diverses voulurent s’approprier le crime par excellence. D’où l’importance du mot « génocide ». Aujourd’hui, dans beaucoup d’institutions universitaires, si on n’accepte pas de qualifier de génocide l’action du gouvernement israélien à Gaza, on est exclu de la discussion. Dès lors que le mal par excellence est devenu le critère exclusif d’orientation, toutes les misères de l’humanité sont happées par l’attraction de ce mal, et chaque groupe souffrant est entraîné à revendiquer d’être lui aussi victime de ce mal.

Depuis qu’on a vaincu Hitler, il est partout.

Pour être digne de votre haine, il faut que votre ennemi ressemble à Hitler.

Tout crime est Auschwitz en quelque sorte.

Voyez comment tout crime, tout délit même, est regardé à la lumière du crime ultime. Y compris dans des domaines qui n’ont aucun rapport direct à la politique. Ainsi, l’inconduite sexuelle est jugée dans l’horizon du viol. Quand on s’oriente sur le mal, tout est vu à la lumière de ce mal ultime. Le langage moral est remanié du point de vue exclusif de la victime. Les situations morales sont définies par les souffrances de ceux qui subissent, et non pas par l’action de ceux qui agissent. Et comme « toutes les victimes sont égales », on ne fait pas de différence entre celui qui meurt dans un bombardement et celui qui est tué sauvagement, visé délibérément. Dès lors qu’il y a une victime blessée, mutilée ou tuée, le crime est le même. Nous pensons avoir fait un grand progrès moral en regardant les choses du point de vue des victimes, sans voir qu’alors les distinctions les plus élémentaires sont effacées. Certains aujourd’hui refusent même de distinguer entre les victimes animales et les victimes humaines puisque « nous sommes tous » des animaux sensibles, vulnérables et souffrants.

Rima Hassan lors d’un rassemblement en soutien à la Palestine place de la Nation, Paris, 8 septembre 2024. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Cet antisémitisme politique qui renaît non pas en dépit de la centralité de la Shoah mais à travers elle, remet-il en cause la présence juive en Europe et en France ?

La présence juive en Europe et en France est en danger, et elle doit être défendue par tous. Je ne pouvais pas imaginer que cela arriverait si brutalement. Il y a quelques années, il m’est arrivé d’être légèrement agacé par des dénonciations de l’antisémitisme qui me paraissaient exagérément alarmistes. Mais plusieurs meurtres délibérés de personnes juives parce que juives, en particulier celui de Sarah Halimi, avec l’étrange traitement de ce crime par l’institution judiciaire, m’ont conduit à partager l’angoisse de mes compatriotes juifs. Aujourd’hui, des piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché. Plusieurs générations de Français, de toutes orientations, étaient convaincues d’avoir un devoir particulier à l’égard des juifs. Que restera-t-il de cette résolution sincère sous la pression combinée de l’humanitarisme sans frontières et de l’islamisme ?

Les atermoiements d’Emmanuel Macron en attestent. Donc, pour vous la menace la plus urgente, c’est moins la banalisation d’un certain antisémitisme musulman que la relégitimation de l’antisémitisme de gauche ?

Des mauvais sentiments, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Le danger, c’est la cristallisation opérée par l’antisémitisme politique. En plaçant la haine d’Israël en attracteur central, il fait se rejoindre et noue ensemble danger intérieur et menaces extérieures. On a beaucoup commenté, à juste titre, le jeu de LFI après le 7 octobre, beaucoup moins celui du recteur de la mosquée de Paris, qui a reçu en mai 2024 Rima Hassan avec des honneurs qui auraient mérité l’attention du gouvernement. Rien d’étonnant pourtant puisque la grande mosquée de Paris est une expression du gouvernement algérien et que celui-ci compte parmi les plus ardents soutiens du Hamas. Cette « cause commune » entre le recteur de la mosquée et l’égérie de LFI résume les pressions qui pèsent sur notre communauté politique et les déchirements qui la menacent. Les atermoiements du président ne sont pas sans lien avec cette configuration globale. Le problème que nous pose l’islam n’est pas métaphysique. On peut discuter indéfiniment de sa compatibilité, ou non, avec la démocratie. L’urgence est de discerner que ce nœud qui se noue entre l’intérieur et l’extérieur, en même temps qu’il menace la sécurité et la présence des juifs dans notre pays, met en péril l’indépendance de celui-ci.

Revenons à votre diagnostic de 2015. Ce qui nous avait passablement choqués, c’est votre postulat qu’on peut faire société sans avoir les mêmes mœurs.

Croyez-vous que, même en laissant de côté l’islam, les Français aient les « mêmes mœurs » ? D’ailleurs la question n’est pas le souhaitable, mais le possible. Nous partons d’une situation que ni vous ni moi n’avons choisie. Que fait-on ? Une certaine perspective irénique, très partagée dans les élites, soutient que les musulmans vont faire comme les autres, se fondre dans le grand bain de la démocratie européenne et du marché. En attendant, une laïcité ouverte et bienveillante assurera la transition. Et puis, il y a une conception moins irénique et plus militante de la laïcité. On souhaite intégrer les musulmans à condition qu’ils admettent une séparation bien nette entre le religieux et la vie politique et sociale, donc qu’ils renoncent à un certain nombre de conduites liées à leur religion. Cette proposition, qui a pour elle une certaine « logique laïque », me semble prisonnière de notre expérience, celle d’une religion dominante, puis d’une séparation et du caractère finalement satisfaisant de cette séparation. Or, entre 1905 et aujourd’hui, la religion n’est pas la même, la République n’est pas la même, et le rapport entre la religion et la République n’est pas non plus le même. Avec la IIIe République, la nation devient la communauté par excellence, non seulement politique, mais spirituelle. C’est l’autorité de la nation qui donne à la République le droit et la force d’imposer à l’Église la séparation. Après une période où la République s’est montrée passablement illibérale, on parvint à un accommodement réciproque, conduisant à ce qu’on a pu appeler une France « catho-laïque ». Avec l’islam, c’est tout autre chose, parce qu’il ne s’agit pas de séparer de l’État une vieille religion, mais d’accueillir une religion qui n’avait jamais fait partie de la vie nationale. L’autre grande différence, la plus décisive politiquement, c’est que notre République a cessé d’être l’organe politique de la nation française, pour se définir par les « valeurs de la République », c’est-à-dire par les droits humains dont elle se veut le champion – des droits humains qui délégitiment la communauté nationale.

Les valeurs de la République, écrivez-vous, c’est ce qui permet de vivre ensemble quand on n’a rien en commun.

Ce sont des procédures et des droits individuels. Par les évolutions de la jurisprudence, le Conseil constitutionnel, mais aussi les autres juridictions mettent en œuvre ce qui revient à une nouvelle Constitution qui se superpose à la Constitution de la République, et le gouvernement de la République se découvre lié par une foule de règles d’origines diverses – règles européennes, traités internationaux, etc., qui circonscrivent de plus en plus le champ de la loi politique. La nouvelle Constitution est un système d’empêchements. Bref, nous ne sommes plus vraiment dans une République représentative.

Peut-on dire que les droits se retournent contre la loi ? Aujourd’hui, le foisonnement des droits va contre l’idée même de la loi commune.

En effet, la République au sens classique, c’est le gouvernement de la chose commune, sur la base des droits humains certes, mais la fin, l’objectif, c’est bien d’organiser le gouvernement de soi par soi de la chose commune en décidant de la loi commune. Aujourd’hui, nous prétendons régler la vie des hommes simplement par l’administration impartiale de leurs droits, ce qui ne laisse aucune place pour la communauté politique. Il n’y a plus de commandement légitime du commun. Et c’est l’immigré qui fournit pour ainsi dire le test de cette nouvelle légitimité : il a un droit naturel opposable à la loi de la République.

Autrement dit, l’État de droit, tel qu’il est construit par les juges européens, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, c’est la défense des individus contre les États ?

Oui, spécialement contre la loi politique nationale. Il faut partir d’un fait très simple : notre hypothèse, l’hypothèse progressiste qui est au fond de toutes nos démarches, c’est que la condition naturelle des hommes est de vivre libres et égaux dans une paix profonde. Malheureusement, l’humanité s’est divisée en unités politiques distinctes qui ont fomenté toutes ces guerres dont il est temps de sortir. La cause de tous nos maux, c’est le corps politique indépendant, donc le corps national. La tâche urgente est donc de disparaître comme nation séparée en formant un espace libre et vide – « l’Europe » – dans lequel accueillir tous ceux qui désirent rejoindre cette humanité nouvelle en formation. De quel droit en effet le leur interdirions-nous ? Vouloir protéger nos frontières, c’est entrer en guerre contre le reste de l’humanité. Ainsi avons-nous transformé la « préférence nationale » en crime contre l’humanité. Mais sans préférence nationale, il n’y a pas de nation.

Revenons au défi que représente l’islam identitaire et politique. Selon vous, on ne va pas le changer, ni par l’autorité, ni par la séduction, il faut donc négocier et céder sur les mœurs. Deux objections : d’une part, là où l’islam est majoritaire, il a tendance à être hégémonique et à imposer et proscrire certaines conduites ; d’autre part le discours des Frères musulmans s’accompagne souvent d’un rejet de la France – je crache sur les flics et j’obéis à l’imam.

Tout cela est vrai, mais si on veut que quelque chose soit possible, il faut proposer aux musulmans une communauté à laquelle ils puissent avoir part, donc les intéresser à la nation. Après tout, s’ils vivent en France, pas en Algérie, pas en Tunisie, c’est qu’ils se sentent mieux en France. Je sais bien que leurs sentiments, comme les nôtres, sont souvent ambigus et mêlés mais enfin, ils ont choisi de vivre ici ! L’horizon pertinent en tout cas n’est pas selon moi l’homogénéité des mœurs, mais une communauté politique qui leur paraisse désirable et qui nous paraisse à nous aussi désirable. Ce qui suppose, en effet, certains accommodements. Mais ces accommodements présupposent, aujourd’hui comme en 2015, l’effectivité du fait national. Or, l’hypothèse de nos gouvernants et de l’opinion commune est qu’entre le Maghreb et nous, il y a une sorte de continuum, et donc qu’il y aurait quelque chose de scandaleux à insister sur l’intégrité du fait national. Je soutiens au contraire que, pour que les Français – les musulmans et les autres – retrouvent un peu de sécurité morale et de tranquillité civique, il faut bien distinguer les nations. Il est urgent de mettre un terme à cette espèce de continuum entre la France et l’Algérie, qui n’est pas traitée comme un pays indépendant, ce qui fait que nous ne sommes pas indépendants de l’Algérie.

Faut-il aller, selon vous, jusqu’à interdire la double nationalité ?

Spontanément, je pense que la double nationalité, surtout quand elle est à ce point répandue, est une mauvaise chose. Des spécialistes me disent que ce n’est pas très important, alors je ne sais pas. Je pense en tout cas que la déchéance de la nationalité française pour les binationaux coupables d’infractions terroristes est bien le moins que l’on puisse faire. Une nation suppose, plus encore qu’une préférence, une allégeance. Il n’y a pas de rupture plus complète de la loyauté que l’on doit à sa nation que l’acte terroriste. Il est important pour chaque citoyen de savoir clairement et fermement à quel pays va sa loyauté. La France aura, elle a déjà une partie musulmane. Si cette part continue de croître indéfiniment, il n’y aura de paix pour personne. Pardonnez-moi de le dire ainsi, mais la laïcité n’y fera rien. On ne peut faire sa part à l’islam sans limiter la part de l’islam, et on ne peut limiter cette part sans rétablir la légitimité politique de la nation.

Mais aujourd’hui, au nom de la liberté pédagogique et de l’égalité, l’État répugne même à définir ce qu’on doit transmettre. Comment créer du commun quand la transmission est assimilée à une domination du professeur sur l’élève ? Que nos députés ne savent plus parler ?

En effet, on demande à l’École d’enseigner la laïcité, mais elle n’arrive pas à enseigner le français, l’orthographe, l’histoire de France…

Et on s’emploie par ailleurs à nier ce que vous appelez la « marque chrétienne » ?

Juste une remarque sur ce sujet qui me tient tant à cœur. Les politiques et l’opinion, qui ne voient que le « progrès » que concrétiseraient les lois sociétales, devraient essayer de prendre une vue un peu large des choses. Telles qu’elles ont été proposées, défendues et sacralisées, ces lois signifient la liquidation d’une bonne partie de l’héritage moral du christianisme, jusqu’à il y a peu largement partagé par le reste du corps civique. En admettant qu’elles rendent justice à des minorités jusque-là lésées, n’est-ce rien de rejeter dans les ténèbres des siècles de civilisation et une forme de vie que beaucoup aujourd’hui parmi nous chérissent encore silencieusement ? Il n’y a pas que les « mœurs musulmanes » qui font obstacle à l’amitié civique.

Emmanuel Macron et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, signent à Alger une déclaration conjointe visant à établir un « partenariat renouvelé » entre les deux États, 27 août 2022. Algerian Presidency/Handout via Xinhua/Sipa

Depuis 2015, on n’a pas vraiment avancé vers ce pacte avec les musulmans que vous appeliez de vox vœux. Pensez-vous toujours que nous devons céder sur l’égalité des sexes ?

« Céder sur l’égalité des sexes », non bien sûr, mais que signifie « ne pas céder » ? Interdire efficacement la polygamie, les mutilations génitales, le voile intégral, assurément. Pour le reste, on entre dans un domaine d’appréciation morale et de jugement prudentiel qui n’est pas aisé à normer. La vie est un feuilleté si complexe… Est-ce que l’égalité stricte entre les sexes oblige à la mixité à tous âges et en toutes circonstances ? Franchement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il serait si scandaleux de renoncer à la mixité dans les piscines scolaires pour certaines tranches d’âge à certaines heures si des parents le demandent. Je vous avoue que quant à moi, à 13 ou 14 ans, j’aurais détesté la mixité à la piscine !

Et s’agissant du voile ?

En 2015, j’observais l’installation des mœurs musulmanes dans l’espace public ; aujourd’hui ce phénomène s’est encore considérablement accru. J’étais récemment à Roubaix. Une partie considérable des femmes que l’on croise dans la rue « portent le voile », ou un habit clairement distinctif. C’est une expérience un peu oppressante, car il est vrai que l’espace public en est profondément modifié. Mais que proposez-vous de faire ?

D’accord pour que les femmes qui le veulent se voilent. Mais que fait-on pour l’antisémitisme ?

On revient toujours à la question centrale de l’indépendance de la nation. Nous ne pouvons défendre les juifs que si nous défendons en même temps notre droit de les défendre, notre droit de décider comment nous souhaitons vivre. Non, on ne nous fera pas dire qu’il y a un génocide à Gaza et qu’Israël est le cœur de l’injustice dans le monde. C’est nous qui devons décider de ce que nous faisons, pensons et disons. Or, c’est ce présupposé qui nous fait défaut depuis des décennies. Nous n’avons eu le droit d’aimer la France que dans l’horizon de sa disparition prochaine dans l’« Europe » ou dans le « monde ». Ce qu’on peut reprocher à Emmanuel Macron, c’est de n’avoir pas employé le crédit qui lui était fait pour rétablir une certaine indépendance de la parole et de l’action politiques de la France, chaque mouvement dans cette direction étant immédiatement détourné et perdu dans les fausses symétries du « en même temps ». Ferons-nous enfin un effort sérieux pour desserrer l’étau mortel que j’évoquais plus haut, pris que nous sommes entre l’humanitarisme sans frontières et l’islamisme ? C’est ainsi seulement qu’on luttera sérieusement contre l’antisémitisme.

Vous observez qu’on ne peut plus rien imposer mais pourtant, il y a eu une période assimilationniste de la IIIe République qui imposait, aux Bretons comme aux Italiens, de parler français. Pourquoi n’est-ce plus possible ?

Nous nous sommes retiré le droit de commander, car nous ne pensons pas que ce qui est « à nous » soit bon et digne d’être défendu. Ni notre langue, ni notre histoire, ni notre indépendance, ni notre liberté… Sous la jactance des valeurs, je ne sens qu’un triste désir de mourir.

Foot/Ligue des nations: Israël contraint d’expatrier ses matchs à domicile

L’équipe de France affrontera Israël demain soir. La rencontre est organisée à Budapest.


En match aller de la Ligue des Nations, les Bleus rencontrent ce jeudi soir Israël. Contrairement à la règle, celui-ci ne se disputera pas en Israël mais… en Hongrie. C’est à la demande de l’UEFA, organisatrice de cette toute récente compétition, que la Fédération israélienne (IFA) a excepté d’expatrier ses matches à domicile, en raison du conflit au Proche-Orient. « Décision logique, a convenu son président Moshe Zuares auprès du Journal du dimanche. Nous sommes en état de guerre. Personne ne nous punit (…). C’est simplement la réalité actuelle dictée par la sécurité ». Cela se comprend aisément. Un match international à Tel-Aviv, c’était très certainement l’exposer à une rafale de roquettes depuis Gaza ou le Liban, voire à un tir de missile déclenché depuis le Yémen.

C’est ainsi que la sélection israélienne a déjà reçu son homologue belge le 6 septembre, à huis clos, au Nagyerdei Stadion de Debrecen (troisième plus grande ville hongroise), match qu’elle a perdu par 3 à 1, et l’italienne le 9 au Bozsik Arena de Budapest devant un public confidentiel d’à peine 2000 personnes, qu’elle a également perdu sur le score très honorable de 2 à 1. La France, vice-championne d’Europe et du monde, s’était inclinée au Stade de France devant l’Italie par 1 à 3.

Comme quoi, bien que limitée dans ses moyens, l’exilée équipe d’Israël, privée dès lors du soutien de ses supporters, a été capable de tenir la dragée haute à l’italienne, première de la poule qui regroupe ces quatre sélections nationales, le groupe B.

Kylian Mbappé et Antoine Greizmann ne seront pas présents sur la pelouse hongroise

Jeudi, les Bleus joueront dans le même stade que celui de l’Italie, mais sans Kylian Mbappé ni Antoine Griezmann, l’un non-sélectionné bien que capitaine pour une curieuse raison, l’autre ayant pris une soudaine et surprenante retraite anticipée. Peut-être une aubaine pour Israël et l’heure de la vérité pour la France confrontée à un renouvellement de génération.  

Pour revenir à cette sorte de bannissement dont est l’objet Israël, si on se fie aux déclarations de Moshe Zuares, toujours au JDD de dimanche dernier, il ne lui a pas été évident de se trouver une terre accueil. Même si très diplomatiquement, il dit que « de nombreux membres de l’UEFA se sont montrés courageux et véritables amis et nous ont ouvert la porte en ces temps difficiles » mais se sont en fait abstenus prudemment de passer de la parole à l’acte, à la différence de la Hongrie de Viktor Orban. Il est vrai que ce dernier, longtemps soupçonné d’antisémitisme, affiche son soutien à Benyamin Netanyahou. Ce qui n’est pas le cas des autres gouvernements d’Europe. Ceci expliquant donc cela… « Je remercie particulièrement la Hongrie qui est devenue notre deuxième maison », a tenu à souligner Moshe Zuares, confirmant ainsi indirectement que les autres membres se sont discrètement dérobés le moment venu. Le refus de la Belgique d’accueillir à Bruxelles le match retour et l’embarras dans lequel se trouve la France pour organiser le sien au Stade de France en sont la preuve.

Le match Belgique-Israël, prévu le 17 novembre, se déroulera au même stade hongrois, Nagyerdei Stadion, où avait eu lieu le premier, et sans doute encore à huis clos, et non au stade Roi Baudouin de Bruxelles. Pour justifier cette décision, l’adjoint aux sports de la capitale belge, un écologiste, a dit : « Accueillir Israël, c’est faire entrer la tension géopolitique maximale dans nos quartiers, et prendre un risque démesuré de voir un loup solitaire déclencher un nouvel acte terroriste ». En clair, et en peu de mots, cette déclaration entérine la capitulation de la puissance publique face à la menace islamiste. Bruxelles serait-elle donc déjà terre soumise à l’islamisme ?

Incertitude pour le match retour

La France, elle, hésite. Le dossier est entre les mains du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Vu ses positions fermes sur l’immigration et l’islamisme, on peut considérer que le match ne sera pas délocalisé en Hongrie, car ça serait pour lui un humiliant camouflet. Mais où donc aura-t-il lieu ? A l’origine, il était prévu le 14 novembre au Stade de France, situé en Seine-St-Denis. Or ce département est considéré comme un des fiefs du séparatisme islamiste dans l’Hexagone. Le souvenir des graves incidents du 28 mai 2022 qui avaient marqué la rencontre délocalisée Liverpool-Real de Madrid est toujours vivace. En conséquence, il serait envisagé qu’il se dispute au Parc des Princes. Si d’aventure, c’est cette solution de repli qui est retenue, ça serait, qu’on le veuille ou non, un affligeant message de faiblesse adressé à ce courant « antisioniste » de plus en plus ostentatoire qui se manifeste en France depuis le pogrom du 7-Octobre.

Quant à l’Italie, elle fera jouer le match à Udine, petite ville du Frioul, dans le nord-est de la péninsule, après bien des tergiversations. Mais, car il y a un mais, la municipalité de centre-gauche refuse de s’y associer pour ne pas « créer de la division » parmi ses habitants.

Si cette mise au ban déguisée du foot européen persiste, Israël pourrait tôt ou tard se poser la question de son maintien dans l’UEFA en conséquence, UEFA à laquelle le pays n’a adhéré qu’en 1994. De 1954 à 1974, Israël était, en raison de sa situation géographique, membre de la Confédération asiatique de football (CAF) sans que cela ne pose aucun problème à ses voisins musulmans qui en faisaient aussi partie. Son équipe remporta même en 1964 la Coupe d’Asie, équivalent pour la zone à une Coupe d’Europe. Son équipe junior la gagna six fois (1964, 65, 66, 67, 71, 72). Ce n’est qu’à compter des années 70 que le bloc des fédérations de la péninsule arabique, parmi lesquelles celles de Jordanie, d’Arabie saoudite, ou des Émirats firent pression et obtinrent son départ. Après deux décennies de purgatoire, l’UEFA accepta finalement son adhésion qui risque, si Israël est contraint de jouer ses matches à domicile à l’extérieur et est accueilli avec réticence lors des retours, de devenir intenable.

D’autant que la FIFA, l’autorité suprême du foot mondial, a été saisie le 17 mai, à Bangkok, lors de son congrès, par la Fédération palestinienne (oui, elle existe, bien que la Palestine ne soit pas un État reconnu) d’une plainte pour « débordements anti-palestiniens dans plusieurs stades israéliens » – des banderoles et des chants n’auraient pas été sanctionnés par la fédération israélienne. Pour l’instant, comme l’a titré à ce sujet L’Equipe de mardi, « la FIFA joue la montre ». Le quotidien sportif estime de source proche du dossier « qu’il ne faut pas s’attendre (…) à une mise à l’écart des sélections israéliennes », à l’instar des russes après l’intervention militaire en Ukraine en février 2022. La FIFA a rappelé, selon L’Equipe, « qu’il y a 70 conflits dans le monde » et que si elle devait sanctionner chaque fois, « elle ne ferait que ça. » Réflexion hors propos, pourquoi l’a-t-elle donc fait pour la Russie, si elle se garde de le faire les 70 autres fois ? En tout cas, pour Israël, il n’est pas question de quitter de son propre chef l’UEFA comme elle le fit avec la CFA. « L’UEFA est notre foyer, a dit au JDD, Moshe Zuares, nous sommes ici pour rester et grandir. » Si Israël était contraint à partir, le pays serait fatalement rayé de la planète foot, ce dont rêvent les adversaires de l’État juif, et ce qui serait pour lui est un signe avant-coureur de très mauvais augure. Car le sport est bien souvent aujourd’hui, pour reprendre une citation célèbre de Clausewitz, une manière pour d’aucuns de faire la guerre par d’autres moyens…

Enseignant à Tourcoing: un métier à rixe

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Dans la ville de Gérald Darmanin, les caméras de surveillance d’un lycée attestent qu’une enseignante a été vilipendée, puis molestée, parce qu’elle demandait à une élève musulmane de retirer son voile islamique. Les autres élèves ne se sont pas portés à son secours. La délinquante a été placée en garde à vue et a interdiction de mettre les pieds dans le lycée. Le député Darmanin monte au créneau pour dénoncer ces « faits extrêmement graves ». Mais bizarrement, il y a quelques jours, lancien ministre de l’Intérieur jouait la carte victimaire alors qu’il quittait la place Beauvau.


À Tourcoing, une jeune fille voilée a frappé son professeur dans l’enceinte du lycée Sévigné, car l’enseignante lui a demandé d’ôter son voile. L’histoire est révélatrice à bien des niveaux, et en rappelle beaucoup d’autres.

D’abord, cela fait partie de ces signaux récurrents qui montrent l’avancée de l’islamisation chez des jeunes Français. Cela témoigne surtout de leur détermination à imposer les marqueurs de l’islamisme et de la radicalité, là où ils n’ont rien à y faire, mais où leur capacité à l’imposer montre à la fois la force du religieux et la faiblesse de nos institutions.

Je parle de l’école.

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Cette jeune femme suivait une formation technique et médicale, dans le soin à la personne. Or, il y a déjà 10 ans, certaines IFSI, écoles d’infirmières et d’aides-soignantes étaient ciblées par les islamistes, car beaucoup de formations étant faites au sein des lycées, ils y voyaient l’opportunité d’imposer le voile dans ces établissements en jouant sur le fait que nombre de filles devenaient majeures durant la formation… Cela m’avait été signalé dès 2016, mais les professeurs qui ont voulu se battre contre le phénomène ont été sévèrement réprimandés par l’administration qui leur a fait comprendre que sous peine d’être considérés comme des suppôts fascistes, il fallait qu’ils se taisent et que parler à la presse aurait de lourdes conséquences.

Gérald Darmanin, un curieux équilibriste

Ensuite, cet épisode intervient peu de temps après la sortie récente de Gérald Darmanin, alors sur le départ de la place Beauvau, geignant que s’il avait mis en avant son deuxième prénom, Moussa, il n’aurait jamais été ministre de l’Intérieur. Pour régner à Tourcoing, mieux vaut ne pas miser sur la République, la ville est, comme Roubaix, aux mains des islamistes au point que l’on ne se sent plus en France dans certains quartiers. Curieusement, le fait que M. Darmanin l’ait dirigée et qu’il soit l’homme fort du secteur n’a rien changé à cette implantation radicale. Parce qu’il n’a rien fait contre ? C’est en tout cas ce que disent ses opposants. En attendant, la sortie médiatique de l’ancien ministre aux côtés de Bruno Retailleau ne devait rien au hasard. Elle était à la fois communautariste, victimaire et clientéliste. Il faut dire que Gérald « Moussa » Darmanin est double. Ministre de l’Intérieur, il revêt une robe de chambre d’autorité et se pare des insignes de la République. Mais pour garder son territoire de Tourcoing et sa baronnie locale, il n’hésite pas à donner des gages au communautarisme. Des gages identitaires et victimaires, en rejoignant la liste des pleureuses racialistes, donc. En expliquant que s’il avait mis en avant le prénom de Moussa, il n’aurait pu être ministre, Gérald Darmanin semble nous dire que la France est structurellement et hypocritement raciste, puisqu’elle systématiserait le refus d’accès aux responsabilités et qu’elle le ferait au nom de l’appartenance ethnico-religieuse de façon dissimulée pour mieux manipuler ceux qu’elle opprime. Gérald Darmanin a-t-il surjoué la posture républicaine lorsqu’il était au gouvernement, pour mettre moins d’un mois à relancer la carte communautariste et clientéliste en redevenant député de Tourcoing ? Les premiers à qui il semble donner des gages sont donc à aller chercher dans la communauté arabo-musulmane la plus radicalisée, car cette posture victimaire racialiste est évidemment la porte d’accès privilégiée de l’islamisme pour faire des ravages dans les banlieues. Cela ne peut que laisser envieux quant à la souplesse des adducteurs et la malléabilité de la conscience de M. Darmanin, mais démontre qu’il n’est sans doute pas l’homme dont la France a besoin pour résister à la pression du totalitarisme islamiste.

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On pouvait donc à bon droit sourire devant la prise de parole faussement indignée de l’ancien ministre de l’Intérieur. À lui comme aux autres politiciens qui pensent que l’on peut n’avoir aucune colonne vertébrale, car la politique c’est adapter son discours en fonction des intérêts du groupe constitué que l’on a en face, il serait temps de montrer la sortie. Ils sont plus qu’inutiles, ils sont destructeurs. Mais la question est moins celle des renoncements de Gérald Darmanin que la réaction du nouveau gouvernement.

Anne Genetet affiche une certaine fermeté, mais le gouvernement sera-t-il ferme ?

En effet, la fermeté ne se décrète pas, elle se montre. Et pas seulement dans les discours. Elle se base sur une doctrine, autrement dit un regard clair porté sur la montée de l’islamisme, sur la façon dont il s’en prend à la société, sur ses cibles privilégiées, et en face sur la manière dont les institutions peuvent le combattre. Le discours d’Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale, suite à l’agression, a été assez juste, mais, à la fin, on aimerait quand même des annonces un peu plus consistantes que : « l’élève ne retournera pas dans l’établissement jusqu’à son conseil de discipline ». Si on veut être efficace dans la lutte contre une idéologie politique totalitaire, il faut que cette lutte soit claire, visible et assumée.

Dans un cas pareil, la jeune fille doit évidemment être exclue d’office pour fait de violence et traduite en justice pour atteinte à l’intégrité physique de son professeur. Mais elle devrait aussi être interdite de se présenter à un concours de la fonction publique, et perdre temporairement ses droits citoyens. Bien sûr, tout cela doit être inscrit à son casier judiciaire et ne doit pas en être effacé. En règle générale, on ne devrait pas effacer les faits de violences sur une personne dans un casier judiciaire. Et, bien sûr il faut que l’affaire lui coûte cher, à elle et à sa famille. Une amende très lourde doit être exigée. Et si la jeune fille avait été mineure, il aurait été utile que sa famille perde un certain nombre d’aides (logement social si c’est le cas, aides sociales diverses). En effet, la solidarité nationale suppose que nous partagions un monde commun, que nous soyons unis à travers des principes structurants, comme l’égalité ou les libertés publiques. Ce n’est pas le fait que nous vivions sur le même territoire qui nous unit, mais le fait que nous ayons choisi de partager un destin parce que nous avons su nous doter d’un commun. Celui qui revendique violemment son appartenance à une idéologie qui fait de notre modèle culturel, politique et social, sa cible, n’a rien à faire parmi nous et ne devrait pas bénéficier de la solidarité citoyenne des hommes libres. Celui qui refuse le contrat social qui nous lie n’a pas à en bénéficier.

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Au vu de l’expérience des gouvernements Macron précédents, nous allons attendre pour voir si la promesse de fermeté affichée donne des résultats. Nous avons été habitués depuis trop longtemps à de la communication stérile pour pouvoir encore nous enthousiasmer, et si la réaction de la ministre de l’Éducation est forte, elle n’a en réalité rien de particulièrement disruptif. Nous verrons donc ce qui va concrètement arriver à la jeune islamiste, avant de louer ou de critiquer qui que ce soit. C’est dire à quel point de circonspection nous en sommes face à nos représentants politiques…

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Marseille: quand des gamins tueurs défient l’État désarmé

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La France se libanise. Marseille a pris une longueur d’avance.


Dans le séparatisme qui vient, Marseille a juste une longueur d’avance. La ville fétiche d’Emmanuel Macron, qui veut en faire avec la Seine-Saint-Denis le symbole de la diversité heureuse, n’en finit pas de sombrer dans le communautarisme criminalisé.

Uberisation du crime

Cette fois, ce sont des enfants tueurs, à la solde de narco-trafiquants, qui sèment l’horreur. Leur dernière victime était un paisible chauffeur VTC, Nessim Ramdame : il a été exécuté d’une balle dans la tête par un adolescent de 14 ans. L’assassin avait été recruté par un dealer, de sa prison grâce à l’un de ses quatre téléphones portables, pour liquider un concurrent en échange de 50000 euros. Le jeune sicaire n’a pas supporté que son conducteur, étranger au trafic de drogue, ait refusé de l’attendre, le temps qu’il aille tuer comme il irait livrer une pizza.


La génération des mineurs isolés, venus du Maghreb, est devenue le vivier des cartels, installés sous la protection des banlieues islamisées. Une ubérisation du crime s’y développe, sans rencontrer l’obstacle de la République désarmée. Ces bombes inhumaines, dénuées de toute empathie, pourraient aussi bien prendre les armes, demain, pour affronter les forces de l’ordre ou les gêneurs. Si une partie de Marseille est prisée pour ce qu’elle est encore dans sa diversité chaleureuse, force est de constater qu’une autre moitié de la ville s’est perdue dans une immigration de masse devenue incontrôlable. Deux mondes s’y affrontent désormais. Non seulement s’observe une libanisation de Marseille, mais la cité prend bien des aspects qui se retrouvent dans les pires narcos-États d’Amérique du Sud.

Une préfiguration de notre avenir

Ce naufrage marseillais préfigure celui de la France. Il ne peut être évité que si l’État décide d’entrer en guerre contre ses ennemis intérieurs. Un désarmement est assurément nécessaire. Mais c’est dans les cités qu’il devrait s’appliquer. La loi des truands s’accorde avec celle de l’islam subversif. Au Liban, le Hezbollah pratique ce même mélange des genres. Le gangsterrorisme en est le produit. Ce qui arrive à Marseille, avec ces démons recrutables sur l’internet, se retrouvera dans d’autres villes atteintes par la même gangrène de la lâcheté, qui affaiblit les autorités publiques. Mais ce naufrage marseillais est également celui du chef de l’État. Emmanuel Macron a échoué à faire de sa « ville de cœur » la pointe avancée et exemplaire de sa France de demain. Les envolées du président sur « Marseille en grand » et ses promesses de « Place nette XXL » sont restées des mots creux. Idem pour les engagements de Gérald Darmanin à « tuer la pieuvre ». Ici comme ailleurs, le récit officiel, qui voudrait faire croire en une cohabitation harmonieuse des cultures, est contredit par les réalités.

La fracture identitaire du pays, que votre serviteur décrivait en 2007[1], a pris des proportions dramatiques. C’est à Tourcoing, fief de Darmanin, qui se flattait de son action contre le séparatisme islamiste, qu’une élève voilée a frappé une enseignante qui lui demandait d’ôter son signe d’appartenance à l’islam. C’est à Sciences-Po Paris et dans certaines universités cornaquées par LFI que sont lancés des appels à l’intifada en France, c’est-à-dire à la guerre civile. Pour l’instant, rien n’arrête la dislocation de la nation. Le monde politique, qui s’empoigne actuellement sur le prix de l’électricité, n’est pas à la hauteur.


Elisabeth Lévy réagit à l’affaire du tueur à gages de Marseille : « Il faut réviser notre conception de l’État de droit »


[1] La fracture identitaire, Fayard

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«Joker 2»: dynamite ou pétard mouillé?

Le public attendait vraisemblablement autre chose de la suite du film Joker, laquelle a fait un four au box-office américain. En France, le film comptabilise toutefois 630 000 entrées lors de sa première semaine d’exploitation.


Après le succès critique et commercial mondial du premier opus sorti en 2019 (un milliard de dollars de recettes et une moisson de prix prestigieux : Oscars, Golden Globes, British Awards et Lion d’Or à Venise), il était impossible de résister aux vents flatteurs de l’inévitable « suite ». Le réalisateur madré Todd Phillips, autrefois spécialiste de comédies (trilogie Very Bad Trip, Date limite, Projet X, Retour à la fac, Starsky et Hutch) rempile donc, couvert d’or, contrairement à ses dires initiaux, pour nous livrer un étonnant matériau inclassable qui devrait en décontenancer plus d’un…

Pari risqué

La presse est dans son ensemble quasiment unanime : ce film serait une purge ! Mais contrairement à tout ce que l’on peut lire, ce deuxième opus se révèle fort intéressant et intrigant dans la mesure où il cherche systématiquement à désamorcer et décevoir volontairement les attentes les plus primaires et évidentes de la grande majorité des spectateurs qui s’étaient délectés des excès et des outrances, souvent faciles, du premier Joker, dans ce New York putrescent qui nous rappelait le cinéma désespéré et glauque du grand Martin Scorsese (Taxi Driver et La Valse des pantins, en tête).

Cinq ans plus tard, on est face à un objet artistique assez unique et insaisissable, complètement inattendu, prenant son monde à contre-pied, un blockbuster d’auteur « à 200 plaques » qui lorgne autant du côté du Nouvel Hollywood contestataire et libertaire de la décennie magique 70 (impossible de ne pas penser à Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, 1975) que de la grande comédie musicale classique des fifties portée en son temps par un Vincente Minnelli.

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La violence paroxystique clownesque attendue, espérée, célébrée, est ici toute intérieure, contenue, réfrénée dans l’esprit tantôt vacillant, tantôt lucide de notre attachant Dr Fleck and Mister Joker (Joaquin Phoenix, toujours aussi impeccable !). Le triste sire apparaît surtout comme une victime de la « société » dans son ensemble : d’une mère toxique, abusive et indigne, d’un père absent, des services sociaux défaillants dans un New York et une Amérique reaganienne en déliquescence, et d’une horde de brutes sauvages agresseurs responsable de sa démence. Et pour couronner le tout, le fragile Fleck est finalement victime du comportement sadique et inhumain des matons tortionnaires nazillons de la prison psychiatrique d’Arkham, en marge de Gotham City, alias Big Apple… Sans oublier le rôle délétère des médias sensationnalistes, qui, bien avant le règne des réseaux sociaux d’aujourd’hui, se nourrissaient déjà de la fabrication manichéenne et simplificatrice de la figure du « monstre » absolu, en réponse à la forte demande malsaine et perverse d’un auditoire surexcité et au Q.I proche de celui d’une huître.

Point de bascule

Alors que tout le monde attend sa transformation en monstre grimé « Joker », tant dans le film lors du procès de Fleck que dans les salles de cinéma, celle-ci n’arrive donc jamais. Elle ne se manifestera que sous forme de songes et de fantasmes donnant à l’ensemble une étrange patine d’engourdissement et de torpeur, à l’image des nombreux « médocs » qu’est forcé d’ingurgiter toute la journée notre anti-héros, rudoyé et humilié par les dépositaires officiels de l’ordre et de l’autorité. 

On se retrouve ainsi enserré en permanence dans cet esprit individuel malade et dysfonctionnel. Un esprit friable d’autant plus perturbé que l’Amour, avec un grand « A », celui que l’on ne rencontre qu’une fois dans une vie (et encore…) fait inopinément son apparition dans ce lieu de privation de liberté qu’est la prison. Et quel amour, lorsqu’il revêt le visage simultanément angélique et incandescent d’une certaine Harley Quinn, interprétée avec charme et souplesse par Lady Gaga herself ! Une femme toutefois beaucoup moins innocente et pure qu’elle en a l’air… Première fan de notre Joker aux troubles desseins, sa présence dans la chorale de la prison ne semble pas complètement fortuite. S’ensuivent de magnifiques scènes à deux, la plupart du temps chantées et chorégraphiées, faisant basculer le métrage dans un « méli-mélo » assez improbable et inhabituel, mais au final plutôt fascinant et divertissant.

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À la fois film carcéral, film de procès, drame psychologique (et psychiatrique), romance transgressive et comédie musicale, Joker : Folie à deux a désarçonné le public américain. La faute à un trop-plein de genres mélangés dans un métrage au rythme plutôt lent et parfois contemplatif, poétique et « poseur », sûrement. On pense en particulier à la longue scène du procès, déraisonnablement étirée…

Mais, on peut également considérer que cette hybridation renforce la singularité de cette petite « folie à deux »… Todd Phillips est un réalisateur qui fait preuve d’une grande audace, et qui devait savoir qu’il risquait gros sur ce coup. Il faut donc voir Joker : Folie à deux sur grand écran pour vous forger votre propre avis, loin de l’esprit moutonnier de la critique dominante.

2h18

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Harris-Trump : les enjeux fondamentaux de l’élection américaine. Un débat contradictoire. Avec Alain Destexhe, Gil Mihaely et Jeremy Stubbs.


Au cours de la campagne présidentielle aux Etats-Unis cette année, les deux camps – celui de Kamala Harris et celui de Donald Trump – ont accusé le candidat de l’autre de représenter une menace pour la démocratie au pays de l’oncle Sam. Ainsi, Kamala Harris serait une marxiste ayant l’intention de soviétiser les Etats-Unis, tandis que Donald Trump serait un fasciste préparant une insurrection populiste contre les institutions de l’Etat fédéral. Au-delà du caractère outrancier de la rhétorique politique qui est devenue habituelle outre-Atlantique, quelles sont les différences fondamentales entre les deux candidats concernant leur rapport à la démocratie, à la liberté d’expression et au rôle joué par les Etats-Unis sur la scène internationale? Alain Destexhe, Sénateur honoraire belge et ancien Secrétaire général de Médecins sans frontières, débat avec Gil Mihaely, Directeur de publication de Causeur.

Le président Macron inspire-t-il de la pitié ou de la colère?

Depuis la révolte des gilets jaunes, Emmanuel Macron a perdu la baraka. De dissolution calamiteuse en propos inadéquats ou surprenants, le président français continue de rallier les mécontents contre lui.


Rien de pire que d’inspirer de la pitié. Un sentiment détestable, surtout à l’égard d’un président de la République ayant une haute opinion de lui-même et persuadé de n’avoir jamais commis la moindre erreur politique. Pourtant je confirme la première branche de l’alternative de mon titre. De même que je maintiens la seconde, qui probablement va convaincre une majorité des lecteurs de ce billet.

Pas de chance

Le citoyen français peut accepter de laisser aller entre pitié et colère sa perception des actions d’Emmanuel Macron. Parfois il tentera de lui rendre justice mais, plus souvent, il sera dans l’incompréhension de ce président qui paraît demeurer étranger à l’impression qu’il donne, détaché de ce qui pourrait ressembler à une préoccupation démocratique. Cette sorte de superbe qu’il manifeste en toute occasion peut égarer, car elle masque le fait que sa présidence, lors du premier mandat et depuis sa réélection, a été confrontée à des crises dont il ne portait pas toujours la responsabilité. Sur le plan national comme dans le domaine international.

Faut-il rappeler les terribles épreuves liées au Covid-19, l’intense agitation des gilets jaunes, l’invasion de l’Ukraine par l’implacable Russie, le massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas ? Et les suites apparemment insolubles d’un conflit qui s’étend à cause de pays et de groupes qui n’ont que cette seule obsession : détruire « l’entité sioniste ».

Est-il choquant, à partir d’un tel inventaire, de considérer qu’un président ainsi accablé peut légitimement susciter de la pitié même si, avec Emmanuel Macron, rien n’est vraiment simple et tout d’une pièce ? Par exemple, pour les gilets jaunes, si leur mouvement – plus qu’une émeute, moins qu’une révolution – a pris une telle ampleur c’est d’abord à cause de la désinvolture condescendante avec laquelle initialement Emmanuel Macron l’a traité. Même si par la suite – trop tard ? – il en a fait l’analyse la plus exacte, la plus lucide, en soulignant que cet épisode allait marquer durablement la vie nationale.

Cette ambiguïté qui tient au caractère d’un président répugnant à ce que le réel impose sa loi tout de suite et se mobilisant seulement quand il l’a décidé, permet d’éprouver en même temps pitié et colère. Il n’a pas de chance mais il y met du sien pour que ce soit pire encore. Il s’égare mais le destin de notre pays ne lui a pas offert un chemin de roses. Ses prédécesseurs ont connu des tragédies, du terrorisme, des catastrophes mais lui, il a tout eu et sur une large échelle. On ne peut pas raisonner en oubliant cette terrible rançon qu’il a subie et assumée.

Dissolution calamiteuse

Le principal obstacle qui l’empêche d’entretenir un rapport serein avec le pays se rapporte moins à ses déconvenues politiques qu’à sa manière de les prendre à la légère ou même en se félicitant. Il n’a pas les échecs modestes ! Pourtant les élections européennes, la dissolution du 9 juin 2024, des élections législatives contrastées avec une Assemblée nationale en trois blocs : le Nouveau Front populaire, les macronistes et la droite républicaine, le Rassemblement national, ne peuvent pas apparaître comme un bilan exaltant… Avec en définitive le choix de Michel Barnier comme Premier ministre d’un gouvernement composite avec des ministres macronistes et peu de ministres parmi les Républicains. Emmanuel Macron, à la suite de cette dissolution calamiteuse, se trouve dans une situation unique dans notre histoire politique. Il n’y a pas à proprement parler de cohabitation mais une configuration où le président est censé laisser faire le gouvernement, sans s’immiscer mais avec l’obligation de ne pas adopter une posture de pur opposant. Car une majorité de ministres macronistes travaillent avec Michel Barnier, même si certains renâclent et que le groupe parlementaire EPR ne cesse de lui chercher des noises.

Depuis cette dissolution suicidaire, c’est indiscutablement la colère qui domine dans l’opinion publique. On ne pardonne pas au président d’avoir joué le destin du pays sans mesurer les conséquences probables, dangereuses. Le pire est qu’il continue à être satisfait de lui puisque, devant quelques députés de son camp reçus à l’Élysée, il a osé maintenir que la dissolution était la seule chose à faire… Laissant ses invités dépités, encore plus pessimistes qu’à leur arrivée !

Il y a chez notre président, par ailleurs, une absence totale d’intuition pour ce qui devrait être le moment juste et adéquat d’une décision. Son propos sur l’arrêt de la livraison d’armes à Israël, le 6 octobre – la veille donc de la commémoration de la barbarie du 7 octobre 2023 – relevait d’une pure indécence, d’un manque surprenant de délicatesse internationale et d’empathie pour Israël. Ce que les huées du Crif le 7 octobre, quand le Premier ministre a évoqué son nom, ont largement démontré.

Pitié et colère donc.

Et la reconnaissance surtout, chez cette personnalité d’exception (pour le meilleur comme pour le pire), d’une incroyable capacité à mettre de l’ivraie dans le bon grain et à sauver parfois le bon grain de l’ivraie.

Miroir, mon beau miroir!

C’est un beau roman, c’est une belle histoire…


Sur le site australien Mercatornet, nous apprenons que, dans certaines villes américaines et britanniques à la pointe du progressisme, la notion de « sologamie » fait fureur et qu’une nouvelle forme d’union maritale a vu le jour : le mariage avec soi-même ! « Vous êtes invité à marcher dans l’allée de votre propre cœur », peut-on lire sur le site de Self Marriage Ceremonies qui incite les futurs auto-mariés à s’inscrire, moyennant finances, à un programme d’aides et de conseils. L’équipe de I Married me propose, quant à elle, une « feuille de route vers la positivité » grâce à un kit de cérémonie avec des cartes de vœux et une bague qu’il est conseillé de porter pour se « rappeler chaque jour de s’aimer ».

La Britannique Sophie Tanner s’est mariée à elle-même en 2015 et a renouvelé publiquement ses vœux en 2019, au moment du lancement de son roman, Reader, I married me !, dans lequel l’héroïne décide de vivre une relation fusionnelle avec elle-même et, donc, de s’épouser. Dans la vraie vie, Sophie Tanner, qui est également professeur de yoga pour chiens, a avoué s’être « auto-trompée » en nouant une relation amoureuse avec un homme. Au bout de cinq mois de vie commune, ce dernier s’est aperçu qu’il s’aimait infiniment plus qu’il n’aimait sa nouvelle compagne. Il l’a par conséquent quittée pour… se marier à lui-même.

D’autres auto-mariages ont eu un retentissement médiatique. Il nous est ainsi révélé que, à 42 ans, l’Anglaise Sarah Wilkinson a dépensé 10 000 livres pour se couvrir de cadeaux en se passant la bague au doigt ; ou que, dans l’Ohio, Dorothy Fideli s’est mariée avec elle-même à l’âge de… 77 ans, devant ses trois enfants, dans sa maison de retraite, en poussant son déambulateur sur l’air de « Because You Loved Me » de Céline Dion. De son côté, l’entreprise de cosmétiques Lush est heureuse de faire savoir qu’elle offre, au nom de « la diversité et de l’inclusivité », des congés et des primes supplémentaires à ses employés auto-mariés. Décidément, ce monde ressemble de plus en plus à un asile d’aliénés. La preuve, les fabricants d’entonnoirs et les psychiatres n’ont jamais eu autant de travail.

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Que nous est-il arrivé?

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Marche contre l'antisémitisme, Paris, 12 novembre 2023 © Jacques Witt/SIPA

Il ne nous a pas fallu une semaine après le 7-Octobre pour faire des victimes des bourreaux. Beaucoup dénient désormais à Israël le droit de se défendre, et l’antisémitisme est de retour, se désole notre contributeur.


Il y a deux jours Georges Malbrunot, journaliste reconnu pour son expertise du Proche-Orient écrivait sur X: « Mme la présidente de l’Assemblée nationale fait mine également d’ignorer que la France, loin de « désarmer Israël », continue de participer au « Dôme de fer » qui permet à Israël d’intercepter des missiles iraniens, par exemple. »

Ainsi pour un certain courant de pensée français favorable aux Palestiniens dont Malbrunot est un représentant éminent, il est convenu de penser et d’écrire qu’Israël n’aurait même pas le droit de se défendre, via le Dôme de fer, des missiles iraniens qui sont régulièrement envoyés en masse sur son territoire. Et il serait honteux que la France ne contribue pas au désarmement d’Israël et fournisse à l’Etat hébreu des composants pour son système de défense aérienne.

Hostilité croissante

Pour ce courant de pensée, donc, Israël n’a plus le droit de se défendre. Quelle est la prochaine étape ? Faudra-t-il interdire aussi aux forces de l’ordre en France de porter assistance aux juifs victimes d’actes antisémites ? J’avoue que ce soir, en découvrant ce tweet, j’ai été bouleversé. Je connaissais les opinions de Malbrunot, mais je ne pensais pas qu’on puisse, en France, en arriver à énoncer des choses pareilles, à l’abri de la pensée dominante. J’en ai pleuré pour mon pays, qui de toute évidence voit s’étendre comme un feu de savane l’hostilité à l’égard d’Israël, mais aussi des juifs.

De culture politique gaulliste, j’ai toujours fait mienne la philosophie politique concernant Israël telle que l’avait exprimée le général de Gaulle en 1967, bien que j’aie toujours regretté qu’il y glissât cette saillie qui peut sembler un peu antisémite, en tout cas injuste et inutile, en parlant du « peuple dominateur ». J’ai regretté aussi que les gouvernements israéliens successifs autorisent l’implantation de colonies juives en Cisjordanie. J’ai longtemps fait mienne, pour les mêmes raisons, la fameuse « solution à deux Etats » dont les chancelleries occidentales font la promotion depuis 40 ans.

Pourtant, bien des choses sont advenues depuis que Rabin et Arafat ont envisagé de faire la paix. Israël a commis des erreurs manifestes, en implantant des colonies, ou en favorisant le Hamas au détriment du Fatah et de l’OLP. Mais peut-on, au nom des erreurs passées, ne pas prendre en compte la nouvelle situation qui est advenue, même si elle résulte de ces erreurs ? Ainsi, beaucoup d’historiens remettent en cause les erreurs de la France dans la gestion du traité de Versailles et sa responsabilité indirecte dans la montée du nazisme. Fallait-il pour autant ne pas déclarer la guerre à l’Allemagne en 1939 ? De même, les occidentaux ont commis des erreurs manifestes vis-à-vis des Russes et les Ukrainiens, dans la gestion de la crise au Donbass depuis 2014. Fallait-il pour autant renoncer à aider l’Ukraine à se défendre contre l’invasion russe ? A l’évidence, non. Les situations créées par les erreurs passées sont là, et il faut les affronter pour les dangers qu’elles représentent aujourd’hui.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Annus horribilis

A l’évidence, Israël est aujourd’hui, et plus que jamais depuis le 7 octobre 2023, entourée d’activistes, de miliciens, de terroristes, d’armées, qui lui sont profondément hostiles et qui veulent sa destruction. Au nord avec le Hezbollah, au sud avec le Hamas, au grand est avec l’Iran et dans une moindre mesure la Syrie. Peut-on imaginer dans le cadre de la « solution à deux États » que s’installe au cœur même de son territoire, en Cisjordanie, un État profondément hostile à Israël qui consacrerait toute son énergie et son économie à constituer des stocks de roquettes et de missiles, comme l’a fait depuis 20 ans le Hamas à Gaza redevenue indépendante ? La France accepterait-elle que s’installe en Seine-Saint-Denis un État inféodé à Daech qui enverrait tous les soirs une salve de missiles sur Notre-Dame ?

Les victimes devenues bourreaux

Peut-on faire comme si rien n’avait changé dans la ligne politique palestinienne depuis 2001, ne pas prendre en compte sa mutation d’un mouvement nationaliste arabe vers une idéologie islamiste irréductible pilotée et inspirée par des mollahs qui sèment la terreur au Moyen-Orient depuis 50 ans ? Peut-on demander à Israël de prendre le risque d’être totalement encerclé par des forces qui veulent sa destruction ? Tout honnête homme répondra non, et reconnaîtra à Israël le droit à se défendre et à desserrer l’étau qui l’oppresse. La solution à deux Etats est morte, et ne sert plus que d’élément de langage prêt à l’emploi au Quai d’Orsay ou au Département d’État américain. Un diplomate suisse évoquait récemment une confédération sur le modèle helvétique, dans laquelle deux peuples cohabiteraient dans un même État… C’est peut-être une piste à suivre, en tout cas elle n’est pas encore d’actualité.

Mais revenons à la France. J’ai dit que « tout honnête homme reconnaîtra à Israël le droit à se défendre »… En est-on certain ? Il n’a pas fallu une semaine après le 7 octobre 2023 pour faire des victimes les bourreaux. Et depuis un an monte comme une vague que rien ne semble arrêter l’hostilité à l’encontre d’Israël. Il suffit de parcourir les médias et les réseaux sociaux pour se rendre compte que cette hostilité s’étend aux « sionistes », nom de code pour désigner les juifs. Il serait naïf de penser que cette hostilité ne serait le fait que de la population musulmane qui réside en France. Elle s’implante dans plusieurs secteurs de la population. Chez les musulmans, on l’a dit, et ils sont nombreux. Dans l’extrême gauche, aussi, chez LFI notamment. Mais l’hostilité irradie largement chez ses alliés du PS. Elle fait aussi ressurgir l’antisémitisme de la droite conservatrice, j’en ai été témoin très récemment, en faisant remonter de vieux griefs sur la disparition des chrétiens orientaux. Et surtout, c’est là la masse la plus importante, elle s’implante dans le centre, ce qu’on appelait autrefois le marais, où politiques, médias, intellectuels ou universitaires cherchent des accommodements (ir)raisonnables avec les musulmans, parce qu’ils sont là « et qu’il faut bien faire avec eux » ; les juifs pourraient tout à fait jouer à nouveau ce rôle de bouc-émissaires, surtout dans la jeunesse qui n’a pas connu la Seconde Guerre mondiale et ses répercussions dans la vie politique des Trente glorieuses. Il naît aujourd’hui 23% de musulmans en France et moins de 1% de juifs… Ces chiffres cyniques emportent les calculs de ceux qui ne veulent pas de problèmes avec les banlieues. Les choix sont faits et se feront dans ce sens. Caroline Fourest révélait ainsi lundi 7 octobre sur LCI que Yassine Bellatar, l’activiste musulman bien connu, avait été reçu deux fois à l’Élysée dans la semaine précédant la grande manifestation contre l’antisémitisme en 2023. Il aurait convaincu Emmanuel Macron de ne pas s’y rendre « pour ne pas mécontenter les banlieues ». Le conflit au Proche-Orient a été de facto importé en France quand on a laissé entrer une masse de plus en plus importante et incontrôlée d’orientaux sur notre territoire. C’est une évidence. Mais plus encore ce conflit est révélateur des fractures qui traversent notre société. La culpabilité qui nous ronge (« les sanglots de l’homme blanc » comme l’écrivait Pascal Bruckner) nous divise en profondeur. Il n’est qu’à écouter le Pape qui vient d’inventer sept nouveaux péchés (!) dont « le péché contre les migrants » pour se rendre compte que nous n’avons plus rien à opposer d’autre que notre faiblesse à ceux qui nous stigmatisent à longueur de temps. Nous n’avons plus assez de joues à tendre aux coups de nos ennemis. Israël, lui, répond coup pour coup et révèle la force que nous avons perdue. Il nous reste la honte.

Kim le siphonneur

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DR.

Des espions nord-coréens infiltrent les entreprises américaines grâce à des postes dans le secteur informatique à pourvoir en télétravail


Voici un argument de plus en défaveur du développement du télétravail que le patronat pourra exploiter pour faire revenir les salariés récalcitrants dans les bureaux…

Le Wall Street Journal vient de révéler que les services nord-coréens sont parvenus à infiltrer de nombreuses sociétés américaines, dans les secteurs de la tech, des médias et de la finance, grâce à des postes de développeur de logiciels à pourvoir en télétravail. À travers la création de faux profils sur LinkedIn ou le vol de l’identité de personnes réelles, des espions ont pu se faire passer pour des travailleurs américains. C’est ainsi que la Corée du Nord a dérobé des données sensibles et siphonné les salaires versés par les entreprises. Pyongyang, affamé de liquidités, notamment pour développer son programme nucléaire, pratique depuis longtemps le cyber-espionnage pour voler des propriétés intellectuelles à l’étranger. Mais si on peut se voir autoriser l’accès aux données directement par les entreprises yankees, et en plus se faire payer… Sans écarter, bien sûr, la possibilité d’installer à tout le moment des malwares dans les boîtes du « plus grand ennemi » du charismatique leader Kim Jong-un…

A lire aussi, du même auteur: Zozos sociaux

Ce stratagème aurait rapporté des centaines de millions de dollars au régime reclus du petit Coréen joufflu, selon le département de la Justice des États-Unis, et ce malgré les sanctions financières internationales strictes qui le frappent. Pour tromper les employeurs, les télétravailleurs coréens se sont appuyés sur des fermes d’ordinateurs portables gérées par des intermédiaires, lesquels installent les logiciels de bureau à distance permettant aux espions de se connecter tout en créant l’impression qu’ils se trouvent aux États-Unis… En mai, des procureurs fédéraux ont dévoilé un acte d’accusation alléguant qu’une femme de l’Arizona faisait partie d’un de ces réseaux de « fermes de laptops », ayant à lui seul permis à plus de 300 entreprises américaines d’embaucher sans le savoir des personnes douteuses, et d’envoyer 6.8 millions de dollars en Corée en usurpant l’identité de soixante Américains.

Sollicitée par le WSJ, la mission diplomatique de la Corée du Nord aux Nations Unies n’a pas pris la peine de répondre… C’était peut-être leur jour de repos ?

«Les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché»

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Pierre Manent © Hannah Assouline

Profondément marqué par le 7-Octobre, le philosophe voit avec horreur un antisémitisme politique s’installer en France. Pour lui, protéger nos libertés et définir une règle du jeu commune avec les musulmans exige avant tout une réaffirmation de la communauté politique nationale qui s’est effacée devant les droits des individus.


Causeur. Dans Situation de la France, rédigé après les attentats de janvier 2015, vous vous interrogiez sur notre rapport à l’islam, devenu une réalité européenne. Et vous observiez le désaccord entre l’opinion moyenne occidentale et l’opinion moyenne musulmane. Or, dix ans après et singulièrement depuis le 7 octobre 2023, il est évident que ces désaccords sont des fractures abyssales. Pour prendre un seul exemple, selon une étude IFOP de décembre 2023, 45 % des Français musulmans considèrent que le 7 octobre est un acte de résistance. Est-il trop tard ?

Pierre Manent. Il était déjà tard en 2015, c’est encore plus tard aujourd’hui. Surtout qu’après le 7 octobre, la question n’est pas seulement l’islam, mais l’existence d’un parti politique démocratique qui a choisi délibérément, gratuitement, de faire de la haine d’Israël au sens large, c’est-à-dire à la fois de l’État d’Israël et du peuple juif, le fédérateur de son projet politique.

Gratuitement, c’est vite dit, car cette orientation répond à un calcul électoral. Ce qui nous ramène à l’islam ou à certaines expressions de l’islam. Si LFI flatte les sentiments antijuifs et anti-israéliens, c’est qu’ils existent.

En effet, ils travaillent avec le matériau disponible. Cela fait longtemps qu’ils ont choisi de s’appuyer sur l’immigration musulmane pour prospérer en faisant grandir ce nouveau peuple dont ils entendent prendre la direction. Cependant, ils n’étaient pas obligés d’aller aussi loin après le 7 octobre. Ils pouvaient flatter la clientèle musulmane, comme les politiques flattent leur clientèle mais là, ils ont fait vraiment un saut qualitatif, si j’ose dire. Maintenant qu’ils se tiennent clairement à cette nouvelle position, eh bien, en effet, la situation générale est changée. Pour la première fois depuis la guerre, nous avons affaire à un antisémitisme politique explicite. C’est une rupture délibérée avec les présupposés partagés jusqu’ici par tous les partis.

Quelle conséquence cela a-t-il pour la communauté nationale ?

Cela veut dire que nous avons un problème majeur à affronter. La réaction de l’opinion française n’a peut-être pas été particulièrement brillante, mais pas non plus particulièrement odieuse. En comparaison de ce qui s’est passé aux États-Unis et au Royaume-Uni, la population française dans sa grande majorité a été plutôt décente. Cependant, tout cela est très fragile, car d’un côté, il y a des gens qui savent ce qu’ils veulent, et qui le veulent vraiment, et d’autre part, le plus grand nombre des Français qui ne savent pas trop ce qu’ils veulent, parce qu’ils ne savent pas trop ce qu’ils pensent.

Depuis 1945, la politique européenne est surdéterminée, voire obsédée, par la mémoire de la Shoah. Et pourtant, même le 7 octobre n’a pas fait consensus.

À partir des années 1960, la Shoah est venue au centre de la conscience de soi des Occidentaux. Mouvement juste et nécessaire, mais exposé à des détournements. Par passion ou calcul, des militants de causes diverses voulurent s’approprier le crime par excellence. D’où l’importance du mot « génocide ». Aujourd’hui, dans beaucoup d’institutions universitaires, si on n’accepte pas de qualifier de génocide l’action du gouvernement israélien à Gaza, on est exclu de la discussion. Dès lors que le mal par excellence est devenu le critère exclusif d’orientation, toutes les misères de l’humanité sont happées par l’attraction de ce mal, et chaque groupe souffrant est entraîné à revendiquer d’être lui aussi victime de ce mal.

Depuis qu’on a vaincu Hitler, il est partout.

Pour être digne de votre haine, il faut que votre ennemi ressemble à Hitler.

Tout crime est Auschwitz en quelque sorte.

Voyez comment tout crime, tout délit même, est regardé à la lumière du crime ultime. Y compris dans des domaines qui n’ont aucun rapport direct à la politique. Ainsi, l’inconduite sexuelle est jugée dans l’horizon du viol. Quand on s’oriente sur le mal, tout est vu à la lumière de ce mal ultime. Le langage moral est remanié du point de vue exclusif de la victime. Les situations morales sont définies par les souffrances de ceux qui subissent, et non pas par l’action de ceux qui agissent. Et comme « toutes les victimes sont égales », on ne fait pas de différence entre celui qui meurt dans un bombardement et celui qui est tué sauvagement, visé délibérément. Dès lors qu’il y a une victime blessée, mutilée ou tuée, le crime est le même. Nous pensons avoir fait un grand progrès moral en regardant les choses du point de vue des victimes, sans voir qu’alors les distinctions les plus élémentaires sont effacées. Certains aujourd’hui refusent même de distinguer entre les victimes animales et les victimes humaines puisque « nous sommes tous » des animaux sensibles, vulnérables et souffrants.

Rima Hassan lors d’un rassemblement en soutien à la Palestine place de la Nation, Paris, 8 septembre 2024. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Cet antisémitisme politique qui renaît non pas en dépit de la centralité de la Shoah mais à travers elle, remet-il en cause la présence juive en Europe et en France ?

La présence juive en Europe et en France est en danger, et elle doit être défendue par tous. Je ne pouvais pas imaginer que cela arriverait si brutalement. Il y a quelques années, il m’est arrivé d’être légèrement agacé par des dénonciations de l’antisémitisme qui me paraissaient exagérément alarmistes. Mais plusieurs meurtres délibérés de personnes juives parce que juives, en particulier celui de Sarah Halimi, avec l’étrange traitement de ce crime par l’institution judiciaire, m’ont conduit à partager l’angoisse de mes compatriotes juifs. Aujourd’hui, des piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché. Plusieurs générations de Français, de toutes orientations, étaient convaincues d’avoir un devoir particulier à l’égard des juifs. Que restera-t-il de cette résolution sincère sous la pression combinée de l’humanitarisme sans frontières et de l’islamisme ?

Les atermoiements d’Emmanuel Macron en attestent. Donc, pour vous la menace la plus urgente, c’est moins la banalisation d’un certain antisémitisme musulman que la relégitimation de l’antisémitisme de gauche ?

Des mauvais sentiments, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Le danger, c’est la cristallisation opérée par l’antisémitisme politique. En plaçant la haine d’Israël en attracteur central, il fait se rejoindre et noue ensemble danger intérieur et menaces extérieures. On a beaucoup commenté, à juste titre, le jeu de LFI après le 7 octobre, beaucoup moins celui du recteur de la mosquée de Paris, qui a reçu en mai 2024 Rima Hassan avec des honneurs qui auraient mérité l’attention du gouvernement. Rien d’étonnant pourtant puisque la grande mosquée de Paris est une expression du gouvernement algérien et que celui-ci compte parmi les plus ardents soutiens du Hamas. Cette « cause commune » entre le recteur de la mosquée et l’égérie de LFI résume les pressions qui pèsent sur notre communauté politique et les déchirements qui la menacent. Les atermoiements du président ne sont pas sans lien avec cette configuration globale. Le problème que nous pose l’islam n’est pas métaphysique. On peut discuter indéfiniment de sa compatibilité, ou non, avec la démocratie. L’urgence est de discerner que ce nœud qui se noue entre l’intérieur et l’extérieur, en même temps qu’il menace la sécurité et la présence des juifs dans notre pays, met en péril l’indépendance de celui-ci.

Revenons à votre diagnostic de 2015. Ce qui nous avait passablement choqués, c’est votre postulat qu’on peut faire société sans avoir les mêmes mœurs.

Croyez-vous que, même en laissant de côté l’islam, les Français aient les « mêmes mœurs » ? D’ailleurs la question n’est pas le souhaitable, mais le possible. Nous partons d’une situation que ni vous ni moi n’avons choisie. Que fait-on ? Une certaine perspective irénique, très partagée dans les élites, soutient que les musulmans vont faire comme les autres, se fondre dans le grand bain de la démocratie européenne et du marché. En attendant, une laïcité ouverte et bienveillante assurera la transition. Et puis, il y a une conception moins irénique et plus militante de la laïcité. On souhaite intégrer les musulmans à condition qu’ils admettent une séparation bien nette entre le religieux et la vie politique et sociale, donc qu’ils renoncent à un certain nombre de conduites liées à leur religion. Cette proposition, qui a pour elle une certaine « logique laïque », me semble prisonnière de notre expérience, celle d’une religion dominante, puis d’une séparation et du caractère finalement satisfaisant de cette séparation. Or, entre 1905 et aujourd’hui, la religion n’est pas la même, la République n’est pas la même, et le rapport entre la religion et la République n’est pas non plus le même. Avec la IIIe République, la nation devient la communauté par excellence, non seulement politique, mais spirituelle. C’est l’autorité de la nation qui donne à la République le droit et la force d’imposer à l’Église la séparation. Après une période où la République s’est montrée passablement illibérale, on parvint à un accommodement réciproque, conduisant à ce qu’on a pu appeler une France « catho-laïque ». Avec l’islam, c’est tout autre chose, parce qu’il ne s’agit pas de séparer de l’État une vieille religion, mais d’accueillir une religion qui n’avait jamais fait partie de la vie nationale. L’autre grande différence, la plus décisive politiquement, c’est que notre République a cessé d’être l’organe politique de la nation française, pour se définir par les « valeurs de la République », c’est-à-dire par les droits humains dont elle se veut le champion – des droits humains qui délégitiment la communauté nationale.

Les valeurs de la République, écrivez-vous, c’est ce qui permet de vivre ensemble quand on n’a rien en commun.

Ce sont des procédures et des droits individuels. Par les évolutions de la jurisprudence, le Conseil constitutionnel, mais aussi les autres juridictions mettent en œuvre ce qui revient à une nouvelle Constitution qui se superpose à la Constitution de la République, et le gouvernement de la République se découvre lié par une foule de règles d’origines diverses – règles européennes, traités internationaux, etc., qui circonscrivent de plus en plus le champ de la loi politique. La nouvelle Constitution est un système d’empêchements. Bref, nous ne sommes plus vraiment dans une République représentative.

Peut-on dire que les droits se retournent contre la loi ? Aujourd’hui, le foisonnement des droits va contre l’idée même de la loi commune.

En effet, la République au sens classique, c’est le gouvernement de la chose commune, sur la base des droits humains certes, mais la fin, l’objectif, c’est bien d’organiser le gouvernement de soi par soi de la chose commune en décidant de la loi commune. Aujourd’hui, nous prétendons régler la vie des hommes simplement par l’administration impartiale de leurs droits, ce qui ne laisse aucune place pour la communauté politique. Il n’y a plus de commandement légitime du commun. Et c’est l’immigré qui fournit pour ainsi dire le test de cette nouvelle légitimité : il a un droit naturel opposable à la loi de la République.

Autrement dit, l’État de droit, tel qu’il est construit par les juges européens, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, c’est la défense des individus contre les États ?

Oui, spécialement contre la loi politique nationale. Il faut partir d’un fait très simple : notre hypothèse, l’hypothèse progressiste qui est au fond de toutes nos démarches, c’est que la condition naturelle des hommes est de vivre libres et égaux dans une paix profonde. Malheureusement, l’humanité s’est divisée en unités politiques distinctes qui ont fomenté toutes ces guerres dont il est temps de sortir. La cause de tous nos maux, c’est le corps politique indépendant, donc le corps national. La tâche urgente est donc de disparaître comme nation séparée en formant un espace libre et vide – « l’Europe » – dans lequel accueillir tous ceux qui désirent rejoindre cette humanité nouvelle en formation. De quel droit en effet le leur interdirions-nous ? Vouloir protéger nos frontières, c’est entrer en guerre contre le reste de l’humanité. Ainsi avons-nous transformé la « préférence nationale » en crime contre l’humanité. Mais sans préférence nationale, il n’y a pas de nation.

Revenons au défi que représente l’islam identitaire et politique. Selon vous, on ne va pas le changer, ni par l’autorité, ni par la séduction, il faut donc négocier et céder sur les mœurs. Deux objections : d’une part, là où l’islam est majoritaire, il a tendance à être hégémonique et à imposer et proscrire certaines conduites ; d’autre part le discours des Frères musulmans s’accompagne souvent d’un rejet de la France – je crache sur les flics et j’obéis à l’imam.

Tout cela est vrai, mais si on veut que quelque chose soit possible, il faut proposer aux musulmans une communauté à laquelle ils puissent avoir part, donc les intéresser à la nation. Après tout, s’ils vivent en France, pas en Algérie, pas en Tunisie, c’est qu’ils se sentent mieux en France. Je sais bien que leurs sentiments, comme les nôtres, sont souvent ambigus et mêlés mais enfin, ils ont choisi de vivre ici ! L’horizon pertinent en tout cas n’est pas selon moi l’homogénéité des mœurs, mais une communauté politique qui leur paraisse désirable et qui nous paraisse à nous aussi désirable. Ce qui suppose, en effet, certains accommodements. Mais ces accommodements présupposent, aujourd’hui comme en 2015, l’effectivité du fait national. Or, l’hypothèse de nos gouvernants et de l’opinion commune est qu’entre le Maghreb et nous, il y a une sorte de continuum, et donc qu’il y aurait quelque chose de scandaleux à insister sur l’intégrité du fait national. Je soutiens au contraire que, pour que les Français – les musulmans et les autres – retrouvent un peu de sécurité morale et de tranquillité civique, il faut bien distinguer les nations. Il est urgent de mettre un terme à cette espèce de continuum entre la France et l’Algérie, qui n’est pas traitée comme un pays indépendant, ce qui fait que nous ne sommes pas indépendants de l’Algérie.

Faut-il aller, selon vous, jusqu’à interdire la double nationalité ?

Spontanément, je pense que la double nationalité, surtout quand elle est à ce point répandue, est une mauvaise chose. Des spécialistes me disent que ce n’est pas très important, alors je ne sais pas. Je pense en tout cas que la déchéance de la nationalité française pour les binationaux coupables d’infractions terroristes est bien le moins que l’on puisse faire. Une nation suppose, plus encore qu’une préférence, une allégeance. Il n’y a pas de rupture plus complète de la loyauté que l’on doit à sa nation que l’acte terroriste. Il est important pour chaque citoyen de savoir clairement et fermement à quel pays va sa loyauté. La France aura, elle a déjà une partie musulmane. Si cette part continue de croître indéfiniment, il n’y aura de paix pour personne. Pardonnez-moi de le dire ainsi, mais la laïcité n’y fera rien. On ne peut faire sa part à l’islam sans limiter la part de l’islam, et on ne peut limiter cette part sans rétablir la légitimité politique de la nation.

Mais aujourd’hui, au nom de la liberté pédagogique et de l’égalité, l’État répugne même à définir ce qu’on doit transmettre. Comment créer du commun quand la transmission est assimilée à une domination du professeur sur l’élève ? Que nos députés ne savent plus parler ?

En effet, on demande à l’École d’enseigner la laïcité, mais elle n’arrive pas à enseigner le français, l’orthographe, l’histoire de France…

Et on s’emploie par ailleurs à nier ce que vous appelez la « marque chrétienne » ?

Juste une remarque sur ce sujet qui me tient tant à cœur. Les politiques et l’opinion, qui ne voient que le « progrès » que concrétiseraient les lois sociétales, devraient essayer de prendre une vue un peu large des choses. Telles qu’elles ont été proposées, défendues et sacralisées, ces lois signifient la liquidation d’une bonne partie de l’héritage moral du christianisme, jusqu’à il y a peu largement partagé par le reste du corps civique. En admettant qu’elles rendent justice à des minorités jusque-là lésées, n’est-ce rien de rejeter dans les ténèbres des siècles de civilisation et une forme de vie que beaucoup aujourd’hui parmi nous chérissent encore silencieusement ? Il n’y a pas que les « mœurs musulmanes » qui font obstacle à l’amitié civique.

Emmanuel Macron et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, signent à Alger une déclaration conjointe visant à établir un « partenariat renouvelé » entre les deux États, 27 août 2022. Algerian Presidency/Handout via Xinhua/Sipa

Depuis 2015, on n’a pas vraiment avancé vers ce pacte avec les musulmans que vous appeliez de vox vœux. Pensez-vous toujours que nous devons céder sur l’égalité des sexes ?

« Céder sur l’égalité des sexes », non bien sûr, mais que signifie « ne pas céder » ? Interdire efficacement la polygamie, les mutilations génitales, le voile intégral, assurément. Pour le reste, on entre dans un domaine d’appréciation morale et de jugement prudentiel qui n’est pas aisé à normer. La vie est un feuilleté si complexe… Est-ce que l’égalité stricte entre les sexes oblige à la mixité à tous âges et en toutes circonstances ? Franchement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il serait si scandaleux de renoncer à la mixité dans les piscines scolaires pour certaines tranches d’âge à certaines heures si des parents le demandent. Je vous avoue que quant à moi, à 13 ou 14 ans, j’aurais détesté la mixité à la piscine !

Et s’agissant du voile ?

En 2015, j’observais l’installation des mœurs musulmanes dans l’espace public ; aujourd’hui ce phénomène s’est encore considérablement accru. J’étais récemment à Roubaix. Une partie considérable des femmes que l’on croise dans la rue « portent le voile », ou un habit clairement distinctif. C’est une expérience un peu oppressante, car il est vrai que l’espace public en est profondément modifié. Mais que proposez-vous de faire ?

D’accord pour que les femmes qui le veulent se voilent. Mais que fait-on pour l’antisémitisme ?

On revient toujours à la question centrale de l’indépendance de la nation. Nous ne pouvons défendre les juifs que si nous défendons en même temps notre droit de les défendre, notre droit de décider comment nous souhaitons vivre. Non, on ne nous fera pas dire qu’il y a un génocide à Gaza et qu’Israël est le cœur de l’injustice dans le monde. C’est nous qui devons décider de ce que nous faisons, pensons et disons. Or, c’est ce présupposé qui nous fait défaut depuis des décennies. Nous n’avons eu le droit d’aimer la France que dans l’horizon de sa disparition prochaine dans l’« Europe » ou dans le « monde ». Ce qu’on peut reprocher à Emmanuel Macron, c’est de n’avoir pas employé le crédit qui lui était fait pour rétablir une certaine indépendance de la parole et de l’action politiques de la France, chaque mouvement dans cette direction étant immédiatement détourné et perdu dans les fausses symétries du « en même temps ». Ferons-nous enfin un effort sérieux pour desserrer l’étau mortel que j’évoquais plus haut, pris que nous sommes entre l’humanitarisme sans frontières et l’islamisme ? C’est ainsi seulement qu’on luttera sérieusement contre l’antisémitisme.

Vous observez qu’on ne peut plus rien imposer mais pourtant, il y a eu une période assimilationniste de la IIIe République qui imposait, aux Bretons comme aux Italiens, de parler français. Pourquoi n’est-ce plus possible ?

Nous nous sommes retiré le droit de commander, car nous ne pensons pas que ce qui est « à nous » soit bon et digne d’être défendu. Ni notre langue, ni notre histoire, ni notre indépendance, ni notre liberté… Sous la jactance des valeurs, je ne sens qu’un triste désir de mourir.

Foot/Ligue des nations: Israël contraint d’expatrier ses matchs à domicile

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Giacomo Raspadori (Italie) et Idan Nachmias (Israël), Budapest, 9 septembre 2024 © IPA/SIPA

L’équipe de France affrontera Israël demain soir. La rencontre est organisée à Budapest.


En match aller de la Ligue des Nations, les Bleus rencontrent ce jeudi soir Israël. Contrairement à la règle, celui-ci ne se disputera pas en Israël mais… en Hongrie. C’est à la demande de l’UEFA, organisatrice de cette toute récente compétition, que la Fédération israélienne (IFA) a excepté d’expatrier ses matches à domicile, en raison du conflit au Proche-Orient. « Décision logique, a convenu son président Moshe Zuares auprès du Journal du dimanche. Nous sommes en état de guerre. Personne ne nous punit (…). C’est simplement la réalité actuelle dictée par la sécurité ». Cela se comprend aisément. Un match international à Tel-Aviv, c’était très certainement l’exposer à une rafale de roquettes depuis Gaza ou le Liban, voire à un tir de missile déclenché depuis le Yémen.

C’est ainsi que la sélection israélienne a déjà reçu son homologue belge le 6 septembre, à huis clos, au Nagyerdei Stadion de Debrecen (troisième plus grande ville hongroise), match qu’elle a perdu par 3 à 1, et l’italienne le 9 au Bozsik Arena de Budapest devant un public confidentiel d’à peine 2000 personnes, qu’elle a également perdu sur le score très honorable de 2 à 1. La France, vice-championne d’Europe et du monde, s’était inclinée au Stade de France devant l’Italie par 1 à 3.

Comme quoi, bien que limitée dans ses moyens, l’exilée équipe d’Israël, privée dès lors du soutien de ses supporters, a été capable de tenir la dragée haute à l’italienne, première de la poule qui regroupe ces quatre sélections nationales, le groupe B.

Kylian Mbappé et Antoine Greizmann ne seront pas présents sur la pelouse hongroise

Jeudi, les Bleus joueront dans le même stade que celui de l’Italie, mais sans Kylian Mbappé ni Antoine Griezmann, l’un non-sélectionné bien que capitaine pour une curieuse raison, l’autre ayant pris une soudaine et surprenante retraite anticipée. Peut-être une aubaine pour Israël et l’heure de la vérité pour la France confrontée à un renouvellement de génération.  

Pour revenir à cette sorte de bannissement dont est l’objet Israël, si on se fie aux déclarations de Moshe Zuares, toujours au JDD de dimanche dernier, il ne lui a pas été évident de se trouver une terre accueil. Même si très diplomatiquement, il dit que « de nombreux membres de l’UEFA se sont montrés courageux et véritables amis et nous ont ouvert la porte en ces temps difficiles » mais se sont en fait abstenus prudemment de passer de la parole à l’acte, à la différence de la Hongrie de Viktor Orban. Il est vrai que ce dernier, longtemps soupçonné d’antisémitisme, affiche son soutien à Benyamin Netanyahou. Ce qui n’est pas le cas des autres gouvernements d’Europe. Ceci expliquant donc cela… « Je remercie particulièrement la Hongrie qui est devenue notre deuxième maison », a tenu à souligner Moshe Zuares, confirmant ainsi indirectement que les autres membres se sont discrètement dérobés le moment venu. Le refus de la Belgique d’accueillir à Bruxelles le match retour et l’embarras dans lequel se trouve la France pour organiser le sien au Stade de France en sont la preuve.

Le match Belgique-Israël, prévu le 17 novembre, se déroulera au même stade hongrois, Nagyerdei Stadion, où avait eu lieu le premier, et sans doute encore à huis clos, et non au stade Roi Baudouin de Bruxelles. Pour justifier cette décision, l’adjoint aux sports de la capitale belge, un écologiste, a dit : « Accueillir Israël, c’est faire entrer la tension géopolitique maximale dans nos quartiers, et prendre un risque démesuré de voir un loup solitaire déclencher un nouvel acte terroriste ». En clair, et en peu de mots, cette déclaration entérine la capitulation de la puissance publique face à la menace islamiste. Bruxelles serait-elle donc déjà terre soumise à l’islamisme ?

Incertitude pour le match retour

La France, elle, hésite. Le dossier est entre les mains du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Vu ses positions fermes sur l’immigration et l’islamisme, on peut considérer que le match ne sera pas délocalisé en Hongrie, car ça serait pour lui un humiliant camouflet. Mais où donc aura-t-il lieu ? A l’origine, il était prévu le 14 novembre au Stade de France, situé en Seine-St-Denis. Or ce département est considéré comme un des fiefs du séparatisme islamiste dans l’Hexagone. Le souvenir des graves incidents du 28 mai 2022 qui avaient marqué la rencontre délocalisée Liverpool-Real de Madrid est toujours vivace. En conséquence, il serait envisagé qu’il se dispute au Parc des Princes. Si d’aventure, c’est cette solution de repli qui est retenue, ça serait, qu’on le veuille ou non, un affligeant message de faiblesse adressé à ce courant « antisioniste » de plus en plus ostentatoire qui se manifeste en France depuis le pogrom du 7-Octobre.

Quant à l’Italie, elle fera jouer le match à Udine, petite ville du Frioul, dans le nord-est de la péninsule, après bien des tergiversations. Mais, car il y a un mais, la municipalité de centre-gauche refuse de s’y associer pour ne pas « créer de la division » parmi ses habitants.

Si cette mise au ban déguisée du foot européen persiste, Israël pourrait tôt ou tard se poser la question de son maintien dans l’UEFA en conséquence, UEFA à laquelle le pays n’a adhéré qu’en 1994. De 1954 à 1974, Israël était, en raison de sa situation géographique, membre de la Confédération asiatique de football (CAF) sans que cela ne pose aucun problème à ses voisins musulmans qui en faisaient aussi partie. Son équipe remporta même en 1964 la Coupe d’Asie, équivalent pour la zone à une Coupe d’Europe. Son équipe junior la gagna six fois (1964, 65, 66, 67, 71, 72). Ce n’est qu’à compter des années 70 que le bloc des fédérations de la péninsule arabique, parmi lesquelles celles de Jordanie, d’Arabie saoudite, ou des Émirats firent pression et obtinrent son départ. Après deux décennies de purgatoire, l’UEFA accepta finalement son adhésion qui risque, si Israël est contraint de jouer ses matches à domicile à l’extérieur et est accueilli avec réticence lors des retours, de devenir intenable.

D’autant que la FIFA, l’autorité suprême du foot mondial, a été saisie le 17 mai, à Bangkok, lors de son congrès, par la Fédération palestinienne (oui, elle existe, bien que la Palestine ne soit pas un État reconnu) d’une plainte pour « débordements anti-palestiniens dans plusieurs stades israéliens » – des banderoles et des chants n’auraient pas été sanctionnés par la fédération israélienne. Pour l’instant, comme l’a titré à ce sujet L’Equipe de mardi, « la FIFA joue la montre ». Le quotidien sportif estime de source proche du dossier « qu’il ne faut pas s’attendre (…) à une mise à l’écart des sélections israéliennes », à l’instar des russes après l’intervention militaire en Ukraine en février 2022. La FIFA a rappelé, selon L’Equipe, « qu’il y a 70 conflits dans le monde » et que si elle devait sanctionner chaque fois, « elle ne ferait que ça. » Réflexion hors propos, pourquoi l’a-t-elle donc fait pour la Russie, si elle se garde de le faire les 70 autres fois ? En tout cas, pour Israël, il n’est pas question de quitter de son propre chef l’UEFA comme elle le fit avec la CFA. « L’UEFA est notre foyer, a dit au JDD, Moshe Zuares, nous sommes ici pour rester et grandir. » Si Israël était contraint à partir, le pays serait fatalement rayé de la planète foot, ce dont rêvent les adversaires de l’État juif, et ce qui serait pour lui est un signe avant-coureur de très mauvais augure. Car le sport est bien souvent aujourd’hui, pour reprendre une citation célèbre de Clausewitz, une manière pour d’aucuns de faire la guerre par d’autres moyens…

Enseignant à Tourcoing: un métier à rixe

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Lors des questions au gouvernement, la ministre Anne Genetet a affirmé que "menacer un professeur, c'est menacer la République", Assemblée nationale, 8 octobre 2024. Capture La Chaine Parlementaire / Youtube.

Dans la ville de Gérald Darmanin, les caméras de surveillance d’un lycée attestent qu’une enseignante a été vilipendée, puis molestée, parce qu’elle demandait à une élève musulmane de retirer son voile islamique. Les autres élèves ne se sont pas portés à son secours. La délinquante a été placée en garde à vue et a interdiction de mettre les pieds dans le lycée. Le député Darmanin monte au créneau pour dénoncer ces « faits extrêmement graves ». Mais bizarrement, il y a quelques jours, lancien ministre de l’Intérieur jouait la carte victimaire alors qu’il quittait la place Beauvau.


À Tourcoing, une jeune fille voilée a frappé son professeur dans l’enceinte du lycée Sévigné, car l’enseignante lui a demandé d’ôter son voile. L’histoire est révélatrice à bien des niveaux, et en rappelle beaucoup d’autres.

D’abord, cela fait partie de ces signaux récurrents qui montrent l’avancée de l’islamisation chez des jeunes Français. Cela témoigne surtout de leur détermination à imposer les marqueurs de l’islamisme et de la radicalité, là où ils n’ont rien à y faire, mais où leur capacité à l’imposer montre à la fois la force du religieux et la faiblesse de nos institutions.

Je parle de l’école.

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Cette jeune femme suivait une formation technique et médicale, dans le soin à la personne. Or, il y a déjà 10 ans, certaines IFSI, écoles d’infirmières et d’aides-soignantes étaient ciblées par les islamistes, car beaucoup de formations étant faites au sein des lycées, ils y voyaient l’opportunité d’imposer le voile dans ces établissements en jouant sur le fait que nombre de filles devenaient majeures durant la formation… Cela m’avait été signalé dès 2016, mais les professeurs qui ont voulu se battre contre le phénomène ont été sévèrement réprimandés par l’administration qui leur a fait comprendre que sous peine d’être considérés comme des suppôts fascistes, il fallait qu’ils se taisent et que parler à la presse aurait de lourdes conséquences.

Gérald Darmanin, un curieux équilibriste

Ensuite, cet épisode intervient peu de temps après la sortie récente de Gérald Darmanin, alors sur le départ de la place Beauvau, geignant que s’il avait mis en avant son deuxième prénom, Moussa, il n’aurait jamais été ministre de l’Intérieur. Pour régner à Tourcoing, mieux vaut ne pas miser sur la République, la ville est, comme Roubaix, aux mains des islamistes au point que l’on ne se sent plus en France dans certains quartiers. Curieusement, le fait que M. Darmanin l’ait dirigée et qu’il soit l’homme fort du secteur n’a rien changé à cette implantation radicale. Parce qu’il n’a rien fait contre ? C’est en tout cas ce que disent ses opposants. En attendant, la sortie médiatique de l’ancien ministre aux côtés de Bruno Retailleau ne devait rien au hasard. Elle était à la fois communautariste, victimaire et clientéliste. Il faut dire que Gérald « Moussa » Darmanin est double. Ministre de l’Intérieur, il revêt une robe de chambre d’autorité et se pare des insignes de la République. Mais pour garder son territoire de Tourcoing et sa baronnie locale, il n’hésite pas à donner des gages au communautarisme. Des gages identitaires et victimaires, en rejoignant la liste des pleureuses racialistes, donc. En expliquant que s’il avait mis en avant le prénom de Moussa, il n’aurait pu être ministre, Gérald Darmanin semble nous dire que la France est structurellement et hypocritement raciste, puisqu’elle systématiserait le refus d’accès aux responsabilités et qu’elle le ferait au nom de l’appartenance ethnico-religieuse de façon dissimulée pour mieux manipuler ceux qu’elle opprime. Gérald Darmanin a-t-il surjoué la posture républicaine lorsqu’il était au gouvernement, pour mettre moins d’un mois à relancer la carte communautariste et clientéliste en redevenant député de Tourcoing ? Les premiers à qui il semble donner des gages sont donc à aller chercher dans la communauté arabo-musulmane la plus radicalisée, car cette posture victimaire racialiste est évidemment la porte d’accès privilégiée de l’islamisme pour faire des ravages dans les banlieues. Cela ne peut que laisser envieux quant à la souplesse des adducteurs et la malléabilité de la conscience de M. Darmanin, mais démontre qu’il n’est sans doute pas l’homme dont la France a besoin pour résister à la pression du totalitarisme islamiste.

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On pouvait donc à bon droit sourire devant la prise de parole faussement indignée de l’ancien ministre de l’Intérieur. À lui comme aux autres politiciens qui pensent que l’on peut n’avoir aucune colonne vertébrale, car la politique c’est adapter son discours en fonction des intérêts du groupe constitué que l’on a en face, il serait temps de montrer la sortie. Ils sont plus qu’inutiles, ils sont destructeurs. Mais la question est moins celle des renoncements de Gérald Darmanin que la réaction du nouveau gouvernement.

Anne Genetet affiche une certaine fermeté, mais le gouvernement sera-t-il ferme ?

En effet, la fermeté ne se décrète pas, elle se montre. Et pas seulement dans les discours. Elle se base sur une doctrine, autrement dit un regard clair porté sur la montée de l’islamisme, sur la façon dont il s’en prend à la société, sur ses cibles privilégiées, et en face sur la manière dont les institutions peuvent le combattre. Le discours d’Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale, suite à l’agression, a été assez juste, mais, à la fin, on aimerait quand même des annonces un peu plus consistantes que : « l’élève ne retournera pas dans l’établissement jusqu’à son conseil de discipline ». Si on veut être efficace dans la lutte contre une idéologie politique totalitaire, il faut que cette lutte soit claire, visible et assumée.

Dans un cas pareil, la jeune fille doit évidemment être exclue d’office pour fait de violence et traduite en justice pour atteinte à l’intégrité physique de son professeur. Mais elle devrait aussi être interdite de se présenter à un concours de la fonction publique, et perdre temporairement ses droits citoyens. Bien sûr, tout cela doit être inscrit à son casier judiciaire et ne doit pas en être effacé. En règle générale, on ne devrait pas effacer les faits de violences sur une personne dans un casier judiciaire. Et, bien sûr il faut que l’affaire lui coûte cher, à elle et à sa famille. Une amende très lourde doit être exigée. Et si la jeune fille avait été mineure, il aurait été utile que sa famille perde un certain nombre d’aides (logement social si c’est le cas, aides sociales diverses). En effet, la solidarité nationale suppose que nous partagions un monde commun, que nous soyons unis à travers des principes structurants, comme l’égalité ou les libertés publiques. Ce n’est pas le fait que nous vivions sur le même territoire qui nous unit, mais le fait que nous ayons choisi de partager un destin parce que nous avons su nous doter d’un commun. Celui qui revendique violemment son appartenance à une idéologie qui fait de notre modèle culturel, politique et social, sa cible, n’a rien à faire parmi nous et ne devrait pas bénéficier de la solidarité citoyenne des hommes libres. Celui qui refuse le contrat social qui nous lie n’a pas à en bénéficier.

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Au vu de l’expérience des gouvernements Macron précédents, nous allons attendre pour voir si la promesse de fermeté affichée donne des résultats. Nous avons été habitués depuis trop longtemps à de la communication stérile pour pouvoir encore nous enthousiasmer, et si la réaction de la ministre de l’Éducation est forte, elle n’a en réalité rien de particulièrement disruptif. Nous verrons donc ce qui va concrètement arriver à la jeune islamiste, avant de louer ou de critiquer qui que ce soit. C’est dire à quel point de circonspection nous en sommes face à nos représentants politiques…

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Marseille: quand des gamins tueurs défient l’État désarmé

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Funérailles du chauffeur de taxi Nessim Ramdame, Marseille, 8 octobre 2024 © Nessim Ramdane Alain ROBERT/SIPA

La France se libanise. Marseille a pris une longueur d’avance.


Dans le séparatisme qui vient, Marseille a juste une longueur d’avance. La ville fétiche d’Emmanuel Macron, qui veut en faire avec la Seine-Saint-Denis le symbole de la diversité heureuse, n’en finit pas de sombrer dans le communautarisme criminalisé.

Uberisation du crime

Cette fois, ce sont des enfants tueurs, à la solde de narco-trafiquants, qui sèment l’horreur. Leur dernière victime était un paisible chauffeur VTC, Nessim Ramdame : il a été exécuté d’une balle dans la tête par un adolescent de 14 ans. L’assassin avait été recruté par un dealer, de sa prison grâce à l’un de ses quatre téléphones portables, pour liquider un concurrent en échange de 50000 euros. Le jeune sicaire n’a pas supporté que son conducteur, étranger au trafic de drogue, ait refusé de l’attendre, le temps qu’il aille tuer comme il irait livrer une pizza.


La génération des mineurs isolés, venus du Maghreb, est devenue le vivier des cartels, installés sous la protection des banlieues islamisées. Une ubérisation du crime s’y développe, sans rencontrer l’obstacle de la République désarmée. Ces bombes inhumaines, dénuées de toute empathie, pourraient aussi bien prendre les armes, demain, pour affronter les forces de l’ordre ou les gêneurs. Si une partie de Marseille est prisée pour ce qu’elle est encore dans sa diversité chaleureuse, force est de constater qu’une autre moitié de la ville s’est perdue dans une immigration de masse devenue incontrôlable. Deux mondes s’y affrontent désormais. Non seulement s’observe une libanisation de Marseille, mais la cité prend bien des aspects qui se retrouvent dans les pires narcos-États d’Amérique du Sud.

Une préfiguration de notre avenir

Ce naufrage marseillais préfigure celui de la France. Il ne peut être évité que si l’État décide d’entrer en guerre contre ses ennemis intérieurs. Un désarmement est assurément nécessaire. Mais c’est dans les cités qu’il devrait s’appliquer. La loi des truands s’accorde avec celle de l’islam subversif. Au Liban, le Hezbollah pratique ce même mélange des genres. Le gangsterrorisme en est le produit. Ce qui arrive à Marseille, avec ces démons recrutables sur l’internet, se retrouvera dans d’autres villes atteintes par la même gangrène de la lâcheté, qui affaiblit les autorités publiques. Mais ce naufrage marseillais est également celui du chef de l’État. Emmanuel Macron a échoué à faire de sa « ville de cœur » la pointe avancée et exemplaire de sa France de demain. Les envolées du président sur « Marseille en grand » et ses promesses de « Place nette XXL » sont restées des mots creux. Idem pour les engagements de Gérald Darmanin à « tuer la pieuvre ». Ici comme ailleurs, le récit officiel, qui voudrait faire croire en une cohabitation harmonieuse des cultures, est contredit par les réalités.

La fracture identitaire du pays, que votre serviteur décrivait en 2007[1], a pris des proportions dramatiques. C’est à Tourcoing, fief de Darmanin, qui se flattait de son action contre le séparatisme islamiste, qu’une élève voilée a frappé une enseignante qui lui demandait d’ôter son signe d’appartenance à l’islam. C’est à Sciences-Po Paris et dans certaines universités cornaquées par LFI que sont lancés des appels à l’intifada en France, c’est-à-dire à la guerre civile. Pour l’instant, rien n’arrête la dislocation de la nation. Le monde politique, qui s’empoigne actuellement sur le prix de l’électricité, n’est pas à la hauteur.


Elisabeth Lévy réagit à l’affaire du tueur à gages de Marseille : « Il faut réviser notre conception de l’État de droit »


[1] La fracture identitaire, Fayard

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«Joker 2»: dynamite ou pétard mouillé?

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Lady Gaga et Joaquin Phoenix, "Joker: Folie à Deux" (2024) © Warner Bros. Pictures

Le public attendait vraisemblablement autre chose de la suite du film Joker, laquelle a fait un four au box-office américain. En France, le film comptabilise toutefois 630 000 entrées lors de sa première semaine d’exploitation.


Après le succès critique et commercial mondial du premier opus sorti en 2019 (un milliard de dollars de recettes et une moisson de prix prestigieux : Oscars, Golden Globes, British Awards et Lion d’Or à Venise), il était impossible de résister aux vents flatteurs de l’inévitable « suite ». Le réalisateur madré Todd Phillips, autrefois spécialiste de comédies (trilogie Very Bad Trip, Date limite, Projet X, Retour à la fac, Starsky et Hutch) rempile donc, couvert d’or, contrairement à ses dires initiaux, pour nous livrer un étonnant matériau inclassable qui devrait en décontenancer plus d’un…

Pari risqué

La presse est dans son ensemble quasiment unanime : ce film serait une purge ! Mais contrairement à tout ce que l’on peut lire, ce deuxième opus se révèle fort intéressant et intrigant dans la mesure où il cherche systématiquement à désamorcer et décevoir volontairement les attentes les plus primaires et évidentes de la grande majorité des spectateurs qui s’étaient délectés des excès et des outrances, souvent faciles, du premier Joker, dans ce New York putrescent qui nous rappelait le cinéma désespéré et glauque du grand Martin Scorsese (Taxi Driver et La Valse des pantins, en tête).

Cinq ans plus tard, on est face à un objet artistique assez unique et insaisissable, complètement inattendu, prenant son monde à contre-pied, un blockbuster d’auteur « à 200 plaques » qui lorgne autant du côté du Nouvel Hollywood contestataire et libertaire de la décennie magique 70 (impossible de ne pas penser à Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, 1975) que de la grande comédie musicale classique des fifties portée en son temps par un Vincente Minnelli.

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La violence paroxystique clownesque attendue, espérée, célébrée, est ici toute intérieure, contenue, réfrénée dans l’esprit tantôt vacillant, tantôt lucide de notre attachant Dr Fleck and Mister Joker (Joaquin Phoenix, toujours aussi impeccable !). Le triste sire apparaît surtout comme une victime de la « société » dans son ensemble : d’une mère toxique, abusive et indigne, d’un père absent, des services sociaux défaillants dans un New York et une Amérique reaganienne en déliquescence, et d’une horde de brutes sauvages agresseurs responsable de sa démence. Et pour couronner le tout, le fragile Fleck est finalement victime du comportement sadique et inhumain des matons tortionnaires nazillons de la prison psychiatrique d’Arkham, en marge de Gotham City, alias Big Apple… Sans oublier le rôle délétère des médias sensationnalistes, qui, bien avant le règne des réseaux sociaux d’aujourd’hui, se nourrissaient déjà de la fabrication manichéenne et simplificatrice de la figure du « monstre » absolu, en réponse à la forte demande malsaine et perverse d’un auditoire surexcité et au Q.I proche de celui d’une huître.

Point de bascule

Alors que tout le monde attend sa transformation en monstre grimé « Joker », tant dans le film lors du procès de Fleck que dans les salles de cinéma, celle-ci n’arrive donc jamais. Elle ne se manifestera que sous forme de songes et de fantasmes donnant à l’ensemble une étrange patine d’engourdissement et de torpeur, à l’image des nombreux « médocs » qu’est forcé d’ingurgiter toute la journée notre anti-héros, rudoyé et humilié par les dépositaires officiels de l’ordre et de l’autorité. 

On se retrouve ainsi enserré en permanence dans cet esprit individuel malade et dysfonctionnel. Un esprit friable d’autant plus perturbé que l’Amour, avec un grand « A », celui que l’on ne rencontre qu’une fois dans une vie (et encore…) fait inopinément son apparition dans ce lieu de privation de liberté qu’est la prison. Et quel amour, lorsqu’il revêt le visage simultanément angélique et incandescent d’une certaine Harley Quinn, interprétée avec charme et souplesse par Lady Gaga herself ! Une femme toutefois beaucoup moins innocente et pure qu’elle en a l’air… Première fan de notre Joker aux troubles desseins, sa présence dans la chorale de la prison ne semble pas complètement fortuite. S’ensuivent de magnifiques scènes à deux, la plupart du temps chantées et chorégraphiées, faisant basculer le métrage dans un « méli-mélo » assez improbable et inhabituel, mais au final plutôt fascinant et divertissant.

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À la fois film carcéral, film de procès, drame psychologique (et psychiatrique), romance transgressive et comédie musicale, Joker : Folie à deux a désarçonné le public américain. La faute à un trop-plein de genres mélangés dans un métrage au rythme plutôt lent et parfois contemplatif, poétique et « poseur », sûrement. On pense en particulier à la longue scène du procès, déraisonnablement étirée…

Mais, on peut également considérer que cette hybridation renforce la singularité de cette petite « folie à deux »… Todd Phillips est un réalisateur qui fait preuve d’une grande audace, et qui devait savoir qu’il risquait gros sur ce coup. Il faut donc voir Joker : Folie à deux sur grand écran pour vous forger votre propre avis, loin de l’esprit moutonnier de la critique dominante.

2h18

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Donald Trump et Kamala Harris se serrent la main avant le début du débat présidentiel organisé par ABC News au National Constitution Center, Philadelphie, le 10 septembre 2024. Alex Brandon/AP/SIPA

Harris-Trump : les enjeux fondamentaux de l’élection américaine. Un débat contradictoire. Avec Alain Destexhe, Gil Mihaely et Jeremy Stubbs.


Au cours de la campagne présidentielle aux Etats-Unis cette année, les deux camps – celui de Kamala Harris et celui de Donald Trump – ont accusé le candidat de l’autre de représenter une menace pour la démocratie au pays de l’oncle Sam. Ainsi, Kamala Harris serait une marxiste ayant l’intention de soviétiser les Etats-Unis, tandis que Donald Trump serait un fasciste préparant une insurrection populiste contre les institutions de l’Etat fédéral. Au-delà du caractère outrancier de la rhétorique politique qui est devenue habituelle outre-Atlantique, quelles sont les différences fondamentales entre les deux candidats concernant leur rapport à la démocratie, à la liberté d’expression et au rôle joué par les Etats-Unis sur la scène internationale? Alain Destexhe, Sénateur honoraire belge et ancien Secrétaire général de Médecins sans frontières, débat avec Gil Mihaely, Directeur de publication de Causeur.

Le président Macron inspire-t-il de la pitié ou de la colère?

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Emmanuel Macron à la "Station F", site réunissant des startups à Paris, 3 octobre 2024 © Lemouton / POOL/SIPA

Depuis la révolte des gilets jaunes, Emmanuel Macron a perdu la baraka. De dissolution calamiteuse en propos inadéquats ou surprenants, le président français continue de rallier les mécontents contre lui.


Rien de pire que d’inspirer de la pitié. Un sentiment détestable, surtout à l’égard d’un président de la République ayant une haute opinion de lui-même et persuadé de n’avoir jamais commis la moindre erreur politique. Pourtant je confirme la première branche de l’alternative de mon titre. De même que je maintiens la seconde, qui probablement va convaincre une majorité des lecteurs de ce billet.

Pas de chance

Le citoyen français peut accepter de laisser aller entre pitié et colère sa perception des actions d’Emmanuel Macron. Parfois il tentera de lui rendre justice mais, plus souvent, il sera dans l’incompréhension de ce président qui paraît demeurer étranger à l’impression qu’il donne, détaché de ce qui pourrait ressembler à une préoccupation démocratique. Cette sorte de superbe qu’il manifeste en toute occasion peut égarer, car elle masque le fait que sa présidence, lors du premier mandat et depuis sa réélection, a été confrontée à des crises dont il ne portait pas toujours la responsabilité. Sur le plan national comme dans le domaine international.

Faut-il rappeler les terribles épreuves liées au Covid-19, l’intense agitation des gilets jaunes, l’invasion de l’Ukraine par l’implacable Russie, le massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas ? Et les suites apparemment insolubles d’un conflit qui s’étend à cause de pays et de groupes qui n’ont que cette seule obsession : détruire « l’entité sioniste ».

Est-il choquant, à partir d’un tel inventaire, de considérer qu’un président ainsi accablé peut légitimement susciter de la pitié même si, avec Emmanuel Macron, rien n’est vraiment simple et tout d’une pièce ? Par exemple, pour les gilets jaunes, si leur mouvement – plus qu’une émeute, moins qu’une révolution – a pris une telle ampleur c’est d’abord à cause de la désinvolture condescendante avec laquelle initialement Emmanuel Macron l’a traité. Même si par la suite – trop tard ? – il en a fait l’analyse la plus exacte, la plus lucide, en soulignant que cet épisode allait marquer durablement la vie nationale.

Cette ambiguïté qui tient au caractère d’un président répugnant à ce que le réel impose sa loi tout de suite et se mobilisant seulement quand il l’a décidé, permet d’éprouver en même temps pitié et colère. Il n’a pas de chance mais il y met du sien pour que ce soit pire encore. Il s’égare mais le destin de notre pays ne lui a pas offert un chemin de roses. Ses prédécesseurs ont connu des tragédies, du terrorisme, des catastrophes mais lui, il a tout eu et sur une large échelle. On ne peut pas raisonner en oubliant cette terrible rançon qu’il a subie et assumée.

Dissolution calamiteuse

Le principal obstacle qui l’empêche d’entretenir un rapport serein avec le pays se rapporte moins à ses déconvenues politiques qu’à sa manière de les prendre à la légère ou même en se félicitant. Il n’a pas les échecs modestes ! Pourtant les élections européennes, la dissolution du 9 juin 2024, des élections législatives contrastées avec une Assemblée nationale en trois blocs : le Nouveau Front populaire, les macronistes et la droite républicaine, le Rassemblement national, ne peuvent pas apparaître comme un bilan exaltant… Avec en définitive le choix de Michel Barnier comme Premier ministre d’un gouvernement composite avec des ministres macronistes et peu de ministres parmi les Républicains. Emmanuel Macron, à la suite de cette dissolution calamiteuse, se trouve dans une situation unique dans notre histoire politique. Il n’y a pas à proprement parler de cohabitation mais une configuration où le président est censé laisser faire le gouvernement, sans s’immiscer mais avec l’obligation de ne pas adopter une posture de pur opposant. Car une majorité de ministres macronistes travaillent avec Michel Barnier, même si certains renâclent et que le groupe parlementaire EPR ne cesse de lui chercher des noises.

Depuis cette dissolution suicidaire, c’est indiscutablement la colère qui domine dans l’opinion publique. On ne pardonne pas au président d’avoir joué le destin du pays sans mesurer les conséquences probables, dangereuses. Le pire est qu’il continue à être satisfait de lui puisque, devant quelques députés de son camp reçus à l’Élysée, il a osé maintenir que la dissolution était la seule chose à faire… Laissant ses invités dépités, encore plus pessimistes qu’à leur arrivée !

Il y a chez notre président, par ailleurs, une absence totale d’intuition pour ce qui devrait être le moment juste et adéquat d’une décision. Son propos sur l’arrêt de la livraison d’armes à Israël, le 6 octobre – la veille donc de la commémoration de la barbarie du 7 octobre 2023 – relevait d’une pure indécence, d’un manque surprenant de délicatesse internationale et d’empathie pour Israël. Ce que les huées du Crif le 7 octobre, quand le Premier ministre a évoqué son nom, ont largement démontré.

Pitié et colère donc.

Et la reconnaissance surtout, chez cette personnalité d’exception (pour le meilleur comme pour le pire), d’une incroyable capacité à mettre de l’ivraie dans le bon grain et à sauver parfois le bon grain de l’ivraie.

Miroir, mon beau miroir!

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Rachel McAdams, "The Notebook". DR.

C’est un beau roman, c’est une belle histoire…


Sur le site australien Mercatornet, nous apprenons que, dans certaines villes américaines et britanniques à la pointe du progressisme, la notion de « sologamie » fait fureur et qu’une nouvelle forme d’union maritale a vu le jour : le mariage avec soi-même ! « Vous êtes invité à marcher dans l’allée de votre propre cœur », peut-on lire sur le site de Self Marriage Ceremonies qui incite les futurs auto-mariés à s’inscrire, moyennant finances, à un programme d’aides et de conseils. L’équipe de I Married me propose, quant à elle, une « feuille de route vers la positivité » grâce à un kit de cérémonie avec des cartes de vœux et une bague qu’il est conseillé de porter pour se « rappeler chaque jour de s’aimer ».

La Britannique Sophie Tanner s’est mariée à elle-même en 2015 et a renouvelé publiquement ses vœux en 2019, au moment du lancement de son roman, Reader, I married me !, dans lequel l’héroïne décide de vivre une relation fusionnelle avec elle-même et, donc, de s’épouser. Dans la vraie vie, Sophie Tanner, qui est également professeur de yoga pour chiens, a avoué s’être « auto-trompée » en nouant une relation amoureuse avec un homme. Au bout de cinq mois de vie commune, ce dernier s’est aperçu qu’il s’aimait infiniment plus qu’il n’aimait sa nouvelle compagne. Il l’a par conséquent quittée pour… se marier à lui-même.

D’autres auto-mariages ont eu un retentissement médiatique. Il nous est ainsi révélé que, à 42 ans, l’Anglaise Sarah Wilkinson a dépensé 10 000 livres pour se couvrir de cadeaux en se passant la bague au doigt ; ou que, dans l’Ohio, Dorothy Fideli s’est mariée avec elle-même à l’âge de… 77 ans, devant ses trois enfants, dans sa maison de retraite, en poussant son déambulateur sur l’air de « Because You Loved Me » de Céline Dion. De son côté, l’entreprise de cosmétiques Lush est heureuse de faire savoir qu’elle offre, au nom de « la diversité et de l’inclusivité », des congés et des primes supplémentaires à ses employés auto-mariés. Décidément, ce monde ressemble de plus en plus à un asile d’aliénés. La preuve, les fabricants d’entonnoirs et les psychiatres n’ont jamais eu autant de travail.

Reader I Married Me: A feel-good read for anyone in need of a boost!

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