Il y a un an, le 7-octobre; misère de la gauche néoféministe; haine de soi occidentale. Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.
Pourquoi le 7-octobre représente-t-il un jour sans fin, comme l’annonce la couverture du numéro d’octobre de Causeur? Parce que quelque chose s’est effondré ce jour-là, quelque chose qui n’était peut-être qu’une illusion mais qui tenait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: le « jamais plus ça ».
Le 7-octobre marque le retour d’une forme de totalitarisme, un totalitarisme qui trouve encore ses idiots utiles en Occident, en particulier chez les intellectuelles de la gauche néoféministe. Nous commentons les dernières imbécillités de Mona Chollet en France et de Naomi Klein dans le monde anglophone. L’Occident a lentement et patiemment construit un concept d’universalisme, en essayant de définir un certain nombre de principes moraux valables pour tout le monde. Sommes-nous aujourd’hui en train de capituler devant un nouveau tribalisme?
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe: la famille Arnault a racheté le Paris FC ! Deuxième club de la capitale, le Paris FC est actuellement leader de la Ligue 2. Aura-t-on demain un grand derby parisien entre, d’un côté, le PSG propriété du fonds souverain qatari, et, de l’autre, le PFC détenu par la plus grande fortune française? Daniel Riolo, le journaliste football de RMC qui n’a pas sa langue dans sa poche, en parle avec nous.
Causeur. Ce rachat du Paris FC par la famille Arnault en association avec Red Bull (85% des parts pour les Arnault à terme, et 15% pour le conglomérat de la boisson énergisante autrichienne) réunit deux de vos obsessions afteriennes[1]. Vous avez souvent affirmé que la France n’était pas un vrai pays de foot comme l’Angleterre ou l’Espagne, parce que ses grandes fortunes n’investissaient pas dedans. Vous avez aussi fréquemment regretté que nos voisins aient de grands derbys de villes (Manchester, Madrid, Milan ou encore Londres) et pas nous. J’imagine que l’arrivée des Arnault dans le foot français vous enthousiasme ?
Daniel Riolo. Oui, mais restons calmes ! Cela fait plusieurs années que le football francilien se développait. Le Paris FC faisait déjà bonne figure en Ligue 2, depuis près d’une dizaine d’années. Et le club a loupé de peu la montée en première division à différentes reprises. Au moment où nous nous parlons, ils sont d’ailleurs déjà en tête du championnat. Pierre Ferracci a bien travaillé, c’est un club sain qui est racheté. Par ailleurs, le Red Star, l’équipe de Saint-Ouen (93), est aussi en Ligue 2. Ce club n’est pas au même niveau, mais il est dans le ventre mou de la Ligue 2 et n’est pas menacé par une relégation.
Reste que dans l’imaginaire collectif, on demande depuis longtemps un autre gros club dans la capitale. Les grands derbys milanais ou madrilènes font partie de la mythologie du football. Il est donc logique d’en rêver aussi pour Paris, surtout avec la famille qui débarque et les moyens dont elle dispose ! Sur le papier, quand la plus grande fortune française et peut-être mondiale arrive dans le foot, on se dit que le Paris FC va rapidement grandir et que la capitale française rejoindra la norme européenne. Mais nous en sommes encore loin. Pour l’heure, c’est une promesse.
De fait, le travail qui s’annonce est important. J’ai trouvé intéressantes les déclarations qui ont filtré dans la presse sur la philosophie qui préside à ce rachat. Pendant deux saisons, Pierre Ferracci restera à la tête du club, avant qu’Antoine Arnault ne prenne la présidence. C’est bien : ils attendent, ils sont patients, ils ne vont pas d’entrée de jeu déverser une tonne d’oseille mais miser sur la jeunesse, construire des fondations solides pour espérer arriver au plus haut niveau. De plus, l’association avec Red Bull permettra de bénéficier de l’expérience sportive de ce groupe, de son savoir-faire qui ne peut qu’être bénéfique. Red Bull a su monter entièrement des clubs qui ont réussi, je pense notamment au RB Leipzig. En plus d’une façon de jouer, c’est aussi une façon de bien éduquer les jeunes joueurs du centre en leur donnant des fondamentaux sportifs et des valeurs humaines. Ils ont dû être séduits par ces aspects. Je note d’ailleurs que le Paris FC n’est que la deuxième participation minoritaire de Red Bull, après Leeds.
Vous les voyez donc miser sur le vivier francilien et la formation ?
Oui. Aujourd’hui, le PSG a tout pour lui, c’est là que sont les stars. Dans un premier temps, le PFC doit donc construire une aventure familiale en formant des jeunes. Cela ne signifie pas qu’ils ne feront pas rapidement des beaux transferts aussi, mais ils vont jouer sur deux tableaux. Par ailleurs, ils ne pourront pas fonctionner sur l’ancienne mode du trading de joueurs, l’arrêt Diarra vient de mettre un terme à cette pratique (voir vidéo ci-dessous NDLR). Un jour, le Paris FC pourra peut-être rivaliser avec le PSG. Mais tout cela prendra quelques saisons. Cela étant, je ne vois pas la famille Arnault arriver en Ligue 1 pour jouer les seconds rôles. Ils ont de grandes ambitions et un projet global déjà bien établi qui s’affinera avec le temps.
Il se dit qu’Antoine Arnault a eu des vues sur d’autres clubs (on parle de Bordeaux, de Lille et même de Milan). Ce serait donc une idée qui trotte dans sa tête depuis longtemps. Les Jeux Olympiques, sur lesquels le groupe LVMH a beaucoup investi, auraient-ils précipité les choses ?
Oui. Le bruit courait depuis un moment. Les Arnault avaient Lille en vue parce qu’ils ont leurs attaches familiales dans la région. Je crois aussi savoir qu’ils sont proches d’Amiens, et que la famille aime le football : c’est pour eux traditionnel. Bordeaux, ça faisait aussi sens, avec le vin. Mais c’est un grand club qui a souffert ces dernières années à cause de mauvais investisseurs. La rumeur milanaise, je pense qu’elle n’était pas tout à fait fondée, même s’il y aurait eu aussi une certaine logique économique.
Vous savez, je crois que c’est finalement un mariage assez naturel que nous observons. Antoine Arnault est un vrai passionné de foot. On le voit très souvent au Parc des Princes pour les matchs du PSG. Il connait d’ailleurs bien la direction du PSG, avec laquelle il s’entend très bien. La famille Arnault est de manière générale sportive. Bernard Arnault est proche de Roger Federer, c’est un fan de tennis. Un des fils est un malade de Formule 1, d’où les liens avec Red Bull. Et puis Lionel Messi a figuré dans des pubs Vuitton, et Mbappé a été souvent aperçu avec eux. Je pense que c’est un achat passion. Acheter un club de football, c’est toujours par passion. Ce n’est pas ça qui va leur faire gagner de l’argent. D’ailleurs, c’est la famille qui achète le club et pas le groupe LVMH. Gagner des titres procure des émotions incomparables. Je crois que c’est ce qu’ils sont venus chercher. Paris c’est le glamour, le luxe. On aura donc deux clubs avec cette image.
Mais le Paris FC est-il un club populaire, est-il suivi par le public ?
C’est un club qui a une base de supporters réduite, et qui est encore en recherche d’identité. Même si la star Raï en est déjà un des ambassadeurs ! Ils jouent à Charléty (13e arrondissement) cette année, et seront à Jean Bouin (16e) l’an prochain en colocation avec le rugby. Il y a évidemment la place pour deux clubs à Paris, bien que cela ne se fasse évidemment pas en claquant des doigts. Le Paris Saint-Germain est le club de la capitale aujourd’hui, c’est lui qui a l’histoire. Au PFC d’écrire la sienne en obtenant des résultats. Il faut investir immédiatement. Je pense qu’ils vont recruter quelques bons profils dès le mercato d’hiver, pour tenter de sécuriser la montée en Ligue 1 l’an prochain…
Le football français est paradoxal : il y a une crise à la Ligue professionnelle de foot, et dans le même temps de belles équipes de Ligue 1 arrivent à obtenir des résultats en Coupe d’Europe. Cet investissement du groupe Arnault démontre que le football français intéresse encore les investisseurs et est toujours porteur. Pourtant, on sent comme un désamour : le nouveau diffuseur DAZN ne parvient pas à décoller, les supporters ne s’abonnent plus…
Financièrement, le foot français ne vaut plus rien alors que les matchs du week-end sont magnifiques. Le niveau est formidable en comparaison avec ce qu’on voyait il y a 10 ans. On est presque revenu au niveau du championnat de France si excitant des années 90… Et en Coupe d’Europe, nous ne sommes plus ridicules. Lille tape le Real, et Brest met des cartons.
Le paradoxe que vous évoquez s’explique par le mauvais travail de la Ligue. Labrune est un incompétent qui s’est brouillé avec Canal + et a fait miroiter le « milliard » aux présidents de clubs. Canal aurait bien mis les 700 millions sur la table, mais la chaîne ne veut plus traiter avec Labrune. Rappelez-vous : quand l’espagnol Mediapro est venu investir en France, on avait des stars au PSG et à Monaco, Neymar venait d’arriver. Tout cela a fait gonfler bien des têtes qui toutes ont rêvé de l’or des GAFAM et de toutes ces conneries de plateformes de streaming… Les hauts dirigeants du foot hexagonal sont soi-disant conseillés par des spécialistes des médias, mais leurs résultats sont catastrophiques. Il y a un vrai risque financier à terme puisque DAZN est une coquille vide qui va tomber. Dans ce contexte, espérons que l’arrivée d’industriels importants comme les Arnault inspire d’autres fortunes.
Niki est un biopic plein d’émotion sur la plasticienne Niki de Saint Phalle. C’est le premier film de Céline Sallette. En salle depuis mercredi dernier.
Lors de son ouverture en 1977, le centre Georges-Pompidou avait mis en avant quelques œuvres révolutionnaires en sa possession, telle une Nana de Niki de Saint Phalle, représentation d’un corps féminin obèse et informe, aux couleurs criardes, qui trônait majestueusement au milieu du Musée d’art moderne. J’étais très jeune alors, et l’on m’avait emmené voir cette sculpture déjà renommée, parmi quelques autres qui sans doute me frappèrent moins.
J’en tirai l’idée préconçue que Niki de Saint Phalle s’était représentée elle-même, et qu’elle possédait dans la réalité ce physique monstrueux ! Cette conclusion enfantine perdura en moi très longtemps ‒ peut-être même jusqu’à aujourd’hui, où un film, un biopic, nous rend enfin, et pour l’éternité peut-être, la vraie silhouette, frêle et longiligne, de Niki, sa grâce innée et sa jeunesse pleine d’esprit.
Une ressemblance frappante
Il existe d’ailleurs entre Niki de Saint Phalle et l’actrice choisie pour l’incarner, la Québécoise Charlotte Le Bon, une ressemblance physique frappante. Cette incarnation est littéralement une réincarnation. Il faut savoir en plus que le parcours de Charlotte Le Bon n’est pas sans points communs avec celui de Niki : le mannequinat, et un grand intérêt pour les arts plastiques. Notons, dans ce sens, que Charlotte Le Bon a réalisé un long métrage, Falcon, en 2022, qui a reçu le prix Louis-Delluc du premier film la même année. Par sa seule présence dans Niki, Charlotte Le Bon, ancienne « miss météo » sur Canal+, apporte donc indirectement un démenti complet à ma première impression ressentie à Beaubourg en 1977, au sujet de laquelle je me perds évidemment en conjectures.
Niki est non seulement un premier film, mais le premier film d’une actrice. Céline Sallette, après avoir interprété un grand nombre de rôles au cinéma, s’est mise à ce biopic sur Niki de Saint Phalle avec une grande conviction et une certaine réussite. Il a été sélectionné à Cannes cette année dans la catégorie « Un certain regard ». Ce qui intéresse Céline Sallette, avant tout, c’est de montrer l’éclosion du génie artistique de Niki de Saint Phalle. Née en 1930 dans une famille étouffante de l’aristocratie, de mère américaine et de père français, la jeune Niki décide de s’enfuir en France, pays de la liberté. Elle révélera bien plus tard avoir été victime d’un inceste de la part de son père. Cet événement aggravera très probablement son état psychique, déjà fragile et vulnérable. Le médecin qui s’occupe d’elle, un psychiatre équivoque, la fera interner dans un service spécialisé. C’est là pourtant qu’elle découvrira sa vocation artistique, que rien ne laissait présager. « J’ai besoin de faire quelque chose… se lamente-t-elle. Je veux faire ma création à moi, c’est ma vocation… Je l’ai trouvée chez les fous. » Et en effet, la pratique de l’art viendra quasiment à bout de ses tentations suicidaires.
Mettre toute la gomme
De ses deux maris, Harry Mathews et Jean Tinguely, c’est sans conteste le second qui l’épaulera le plus et qui la comprendra le mieux. Elle créera même des œuvres avec lui. L’inspiration de Niki de Saint Phalle, quoique artiste autodidacte, est à rechercher dans les courants ultramodernistes des années soixante, comme les « Nouveaux Réalistes », et sans doute aussi chez un peintre comme Jean Dubuffet, inventeur de l’art brut. Niki excellait également dans la performance, par exemple dans les fameux Tirs, où elle déchargeait des cartouches de couleur avec un fusil de chasse sur des toiles peintes, pour se libérer, disait-elle au public, de la colère qu’il y avait en elle. Voulant s’imposer légitimement dans le monde de l’art, Niki de Saint Phalle dut faire preuve de beaucoup de persévérance, afin de lever les obstacles. Tout le monde, dans son entourage, avait tendance à lui signifier que sa sculpture ne valait rien, ou qu’elle n’était pour elle qu’une occupation de femme au foyer. À chaque fois, elle se remettait en question, décidant d’aller plus loin encore et de mettre toute la gomme, pour reprendre l’expression de Jean Tinguely.
La douleur d’être au monde
Niki ressentait une douleur à vivre, malgré les joies de la création. C’est cette douleur qu’elle exprime dans son travail et que le film fait si bien ressentir. Céline Sallette n’a pas eu le droit de montrer des œuvres de l’artiste, ce qui ne gêne, selon moi, en rien le bon déroulement de son film. Car au fond, Niki n’a fait que représenter, grâce à son génie, le monde qui l’entourait, certes au filtre de son âme. Et ce monde ne bouge pas, il est toujours le nôtre aujourd’hui encore. L’œuvre même de Niki de Saint Palle, c’est la réalité du « il y a », comme le proclamait déjà Rimbaud dans ses Illuminations (cf. « Enfance », § III): « Au bois, écrit Rimbaud, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. Etc., etc. »
Niki est un film sur l’enfance et la jeunesse, et le surgissement spécial d’une artiste particulièrement attachante. Céline Sallette y met beaucoup de vigueur et de mordant, notamment quand elle décrit les relations amoureuses à fleur de peau de Niki. On se dit alors que ce cinéma-là, quand il arrive ainsi à ces sortes de paroxysmes, se place dans la lignée de ceux de Pialat ou de Breillat. Niki n’est heureusement pas un biopic à l’américaine, mais un film subtil, de bonne foi, qui permet qu’une véritable rencontre se produise et que, donc, le spectateur ressorte de la projection meilleur qu’il n’y était entré.
Niki, film de Céline Sallette. Biopic, 1h 38. Avec Charlotte Le Bon. En salle depuis mercredi dernier.
Convaincu qu’il sait ce que veulent les Français, le ministre de l’Intérieur donne le sentiment de ne pas vouloir faire de langue de bois. Il entend porter le fer dans la plaie sur les sujets sécuritaires les plus brûlants: État de droit, prison, OQTF, aide médicale d’État, justice des mineurs… De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre: quand on veut, on peut ?
Un entretien dans Le Parisien. Une analyse fouillée dans Le Point sur « Le cas Retailleau » par Nathalie Schuck. Bruno Retailleau est omniprésent. Une exposition médiatique intense depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur. Parce qu’il est « l’homme fort du gouvernement (…), le ministre le plus puissant du gouvernement » ?
Il me semble que derrière cette apparence politique et médiatique, il y a comme un saisissement face à cette personnalité qu’on peut qualifier d’atypique, parce qu’elle se trouve impliquée dans un univers du pouvoir aux antipodes de ce qu’elle est.
Je n’appartiens pas à « sa galaxie » telle qu’elle est décrite, même si en son sein j’apprécie, parmi ceux que je connais, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, Christelle Morançais et Louis-Marie Le Roy.
Depuis qu’il est ministre, il maintient une ligne vigoureusement conservatrice
Cependant, les relations amicales que j’ai toujours entretenues avec lui me permettent, certes sur un point que d’aucuns jugeraient dérisoire mais qui ne l’est pas pour moi, de louer sa fiabilité et sa réactivité qui ne laissent jamais un SMS sans réponse, quel que soit son emploi du temps chargé, y compris depuis qu’il est ministre. C’est un signe révélateur d’une organisation intellectuelle et professionnelle structurée et cohérente.
Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique.
C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement Bruno Retailleau des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.
Retailleau, depuis qu’il est entré en politique, n’a pas dévié d’un pouce par rapport à une ligne intelligemment et vigoureusement conservatrice qui, miracle, s’est maintenue, encore plus assumée, depuis qu’il est ministre.
Sur l’immigration qu’on ne saurait qualifier aujourd’hui de « chance pour la France » au regard de quelques exceptions bienheureuses ; sur les OQTF, sur la durée des rétentions, sur l’excuse de minorité, sur l’État de droit qui évidemment ne doit pas être « intangible », sur l’obligation d’une politique dont le volontarisme n’a de sens que s’il sait mettre en actes les projets, Bruno Retailleau n’use pas de la langue de bois. Il n’hésite pas – tout en rappelant que celui qui décide est le Premier ministre – à porter le fer dans la plaie, à faire apparaître les conflits quand ils sont nécessaires et à invoquer une solidarité ministérielle qui sert trop souvent de prétexte à l’effacement. Comme pour l’aide médicale d’État qu’il aspire à remplacer par une aide médicale d’urgence, contre sa collègue MoDem de la Santé.
Quand on veut, on peut ?
Bruno Retailleau n’a peur de rien sur le plan intellectuel et politique. Aucune prétendue évidence ne lui résiste. Tous les poncifs que propage une droite gangrenée par la gauche, il les pourfend. Il est favorable aux courtes peines. Il démolit le slogan « tout sauf la prison », d’autant plus aberrant que, si la prison demeure un horizon indépassable, cela tient d’abord au fait que c’est la seule sanction dont la concrétisation peut être immédiate – à cause de la faiblesse du dispositif général d’exécution des peines. Le nouveau ministre de l’Intérieur ne fait pas de la politique en étant persuadé, comme tant d’autres, par un défaitisme anticipé et commode, de l’impuissance du politique. À peine a-t-il été nommé qu’il a durci deux circulaires de Gérald Darmanin : quand on veut, on peut ! Il contraint Didier Migaud à se poser, comme ministre de la Justice, les bonnes questions…
C’est ne rien comprendre à cette personnalité singulière que la placer sous le pavillon stupide du Vendéen réactionnaire et catholique, pour la discréditer. Ou à lui inventer dès aujourd’hui des desseins présidentiels… Bruno Retailleau est un homme qui a perçu, le premier, que la victoire de la droite ne serait définitive que si elle l’emportait sur le plan culturel. Il l’a affirmé notamment à mon micro en 2020.
Reprendre à la gauche ce dont elle a privé abusivement la droite, redonner sa fierté à cette dernière en cessant de la noyer dans des jeux et des « je » politiciens désastreux, comme Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, accomplir cette élémentaire coïncidence entre la pensée, la promesse et l’incarnation et ne pas se préoccuper d’un futur qui ne serait que l’expression d’une pure ambition.
Dans Le Point, Bruno Retailleau me permet une belle conclusion : « Hannah Arendt disait qu’en politique « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ». Dans l’action, on ne peut pas se payer de mots. Je sais que je serai jugé à mes résultats et que j’ai peu de temps ».
Bruno Retailleau n’est pas aujourd’hui « un cas » mais devrait être un exemple pour les ministres.
Le grand projet des conservateurs britanniques consistant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda semble compromis. Mais, d’autres nations européennes pourraient finalement le faire.
Sitôt élu début juillet, le travailliste Keir Starmer a annulé un projet conçu par le précédent gouvernement conservateur : celui consistant à externaliser au Rwanda les demandes d’asile de migrants entrés clandestinement sur le territoire britannique. Il a ainsi mis fin à une saga politico-judiciaire qui avait commencé en 2022. Boris Johnson avait alors annoncé un accord par lequel, en échange de fonds de développement et un financement pour accueillir les migrants, le Rwanda traiterait leurs demandes et leur donneraient asile. Le projet a été déclaré conforme à la loi par la Haute Cour de Londres en décembre 2022, mais non conforme par la Cour suprême britannique en novembre 2023. Un accord similaire de nature informelle entre le Rwanda et Israël, entre 2013 et 2018, y a été cité comme un mauvais précédent, certains réfugiés africains ayant été refoulés vers leur pays d’origine. En réponse, le gouvernement de Richi Sunak a signé un traité avec Kigali imposant des obligations et des contrôles aux Rwandais. En avril cette année, il a promulgué une loi parlementaire affirmant que le Rwanda était un pays sûr. Les élections sont intervenues avant que le nouveau projet puisse démarrer. Mais est-ce la fin ? Le Danemark avait signé un accord similaire avec le Rwanda en 2022, pour le suspendre en 2023. Lors d’un colloque européen en mai de cette année, son ministre de l’Immigration et de l’Intégration a déclaré qu’une telle coopération avec un pays tiers était souhaitable au niveau européen. En novembre 2023, le gouvernement autrichien a annoncé vouloir développer lui aussi un projet avec le Rwanda. Lors des élections européennes de juin, le groupe conservateur, le PPE, a fait campagne sur l’idée d’exploiter des pays tiers sûrs d’une façon similaire. Le gouvernement allemand de Scholz réfléchit depuis presque un an à une telle exploitation. Début septembre, son Représentant spécial pour les accords sur les migrations, Joachim Stamp, propose de faire un nouvel accord avec Kigali, en utilisant les installations que les Britanniques avaient fait construire – en vain – pour accueillir les migrants. Le Rwanda n’a pas fini de faire rêver les Européens.
«Honte à eux ! (…) Israël l’emportera avec ou sans leur soutien», s’agaçait Benjamin Netanyahou, samedi 5 octobre, après avoir pris connaissance des propos tenus par Emmanuel Macron diffusés un peu plus tôt sur France inter («Je pense qu’aujourd’hui, la priorité, c’est qu’on revienne à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes [à Israël] pour mener les combats à Gaza»). Le Premier ministre israélien se console depuis auprès du président américain Joe Biden, lequel le presse toutefois à «réduire au maximum l’impact sur les civils» lors de ses frappes au Liban. Analyse.
Le 7 octobre, le président Macron a reçu à Paris les familles d’Ohad Yahalomi et Nissan Kalderon, les deux otages français enlevés à Nir Oz et encore détenus par le Hamas. Il leur a dit sa compassion et les a assurées qu’il mettait tout en œuvre pour obtenir un accord permettant leur libération. Mais, par un en même temps dont pour une fois il n’était pas l’auteur, quelques heures plus tard le nom d’Emmanuel Macron a été sifflé au cours d’une cérémonie commémorative organisée par le Crif empreinte d’émotion, de dignité et de clarté.
Preuve de désamour
C’est en raison de cette clarté que, moi qui suis choqué par l’idée qu’on puisse siffler le nom du président de la République, moi qui ai apprécié plusieurs de ses initiatives telle la cérémonie d’hommages organisée aux Invalides, j’ai considéré que ces sifflements étaient compréhensibles sinon justifiés.
L’allocution du président prononcée deux jours auparavant avait ulcéré tous les amis d’Israël, Juifs ou non Juifs: il y avait déclaré que la priorité était désormais de cesser toute livraison d’armes à Israël.
Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Il ne suffit pas de dire ensuite comme le ministre des Affaires étrangères que la « France est indéfectiblement attachée » à la sécurité d’Israël, si la France pense que désarmer Israël est le meilleur moyen d’assurer sa sécurité. Ces mots ont été dits sur le site du festival Nova, de sinistre mémoire. Qui pouvait les croire après la déclaration présidentielle ? Qui pourrait espérer que le Hamas, voyant Israël affaibli, accepterait plus facilement des concessions pour libérer les otages? Car, quoi qu’on pense de la façon dont le Premier ministre israélien a géré la négociation sur les otages et quoi qu’on imagine de ses arrière-pensées, c’est l’intransigeance du Hamas qui a bloqué toute perspective.
Depuis le 7 octobre 2023, Israël est en guerre. Il est en guerre contre le Hamas et contre le Hezbollah qui par ses tirs lancés dès le 8 octobre a rendu le nord d’Israël inhabitable. Israël n’est en guerre ni contre le peuple palestinien, ni contre le peuple libanais, malgré les paroles parfois violentes de mise en garde. Les Israéliens se disputent sur le degré de priorité à attribuer aux otages, mais ils sont d’accord sur la destruction de la machine guerrière du Hamas et du Hezbollah, car ils savent ce que beaucoup refusent de comprendre: avec un fanatique, la diplomatie sans la force ne fonctionne pas.
Deux jours après l’attaque des bipeurs, Emmanuel Macron, dans un discours qui se voulait solennel, parlait comme si le Liban, et non le Hezbollah, avait été la cible de cette attaque. Il appelait à l’élection d’un président en oubliant que la France soutenait Soleimane Frangié, le candidat même du Hezbollah… Il ne prononçait pas le mot Hezbollah, comme si ce dernier n’était pour rien dans la déconfiture libanaise et comme s’il ne s’agissait pas d’un parti iranien voué à la destruction des valeurs dont se réclame notre société.
Incongruités
Il ne voulait pas admettre enfin qu’en frappant le Hezbollah, Israël faisait ce que la France n’avait pas osé faire après que celui-ci eut assassiné 58 parachutistes de notre pays. Outre sa conception très particulière de la défense indéfectible d’Israël, le président Macron a commis au moins quatre autres incongruités en appelant à ne plus livrer d’armes à Israël.
– La première se passe de commentaire: la France ne livre aucune arme significative à Israël ;
– La seconde, qui en est le corollaire, car c’est une leçon de morale que la France prétend aux États-Unis et au monde entier et c’est là une posture dont elle est trop coutumière… (« Si on appelle à un cessez-le-feu, la cohérence c’est de ne pas fournir les armes de la guerre ») ;
– La troisième est une incongruité de temps: prononcer un tel discours à 48h de la commémoration d’un acte terroriste d’une telle ampleur et d’une telle sauvagerie évoque soit l’autisme, soit la muflerie désinvolte ;
– La quatrième enfin est une incongruité de lieu. Le discours présidentiel a été prononcé au cours du XIXe Sommet de la Francophonie. Or l’Organisation Internationale de la Francophonie à laquelle appartiennent 88 pays, dont pour certains le nombre de francophones se compte sur les doigts d’une main, n’inclut pas Israël dont près de 20% de la population a un lien avec la langue française. La France, qui a pourtant signé la charte de l’iHRA indiquant que l’antisionisme est une variante d’antisémitisme, ne voudrait pas heurter son cher Liban. Ce lieu de la démission française n’était pas le meilleur pour appeler Israël à désarmer.
Netanyahou se console auprès de Biden et Starmer
Le en même temps, qui apportait tant d’espoirs au début du mandat présidentiel, semble s’être transformé en ce qui dans la littérature grecque s’appelait une palinodie, une pièce de vers dans laquelle le poète disait le contraire de ce qu’il avait dit précédemment.
L’exaspération d’Emmanuel Macron devant le flagrant refus de Benjamin Netanyahou de prendre en compte ses conseils est peut-être un des motifs de sa déclaration. Il avait d’autres moyens de le faire savoir que ces paroles théâtrales d’embargo contre Israël auxquelles le Premier ministre britannique lui-même n’a pas souscrit. L’entretien entre MM. Netanyahou et Biden du 9 octobre montre que les États-Unis expriment leur point de vue, mais qu’ils ne cherchent pas à exercer de chantage à l’embargo sur les armes. Nul n’ignore pourtant les tensions entre le président américain et le Premier ministre israélien dont l’adresse télévisée du 8 octobre sur le Liban a soulevé des torrents de critiques.
J’espère que les paroles spectaculaires du président de la République française n’avaient pas de visée électoraliste. Le 5 octobre 2024, elles ont en tout cas blessé inutilement et probablement durablement une communauté juive encore sous le choc de la terreur du 7-Octobre.
Inlassable défenseur de l’élitisme républicain, notre chroniqueur s’est intéressé à l’une des plus belles réussites de l’enseignement professionnel, ce mal-aimé des bobos et des ministres. En l’occurrence le lycée Lucas-de-Nehou à Paris.
Lucas-de-Nehou ? Ne cherchez pas : c’était un maître verrier du XVIIe siècle, qui a entre autres œuvré à la Galerie des Glaces, à Versailles. L’idée de donner son nom à un lycée spécialisé dans la verrerie d’art, et dont toutes les fenêtres sont des vitraux contemporains magnifiques, allait donc de soi.
L’établissement est installé au 4, rue des Feuillantines. Ne cherchez pas non plus : il occupe l’emplacement d’un ancien couvent où le petit Victor Hugo, 6 ans à l’époque, se dissipait avec ses frangins pendant que son père commandait l’armée napoléonienne en Espagne : « Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants… » Une plaque sur le mur de la rue le rappelle aux passants — et une seconde plaque indique que dans l’institution qui remplaça le couvent sous la Restauration, un certain Louis Pasteur fut élève.
Plaidoyer pour plus d’autonomie des chefs d’établissements
Des références que d’aucuns trouveraient écrasantes, mais que relève fièrement Mahi Traoré, proviseure, comme elle l’écrit dans un livre qui paraît aujourd’hui. Elle dirige un établissement qui, comme bien des lycées professionnels, recrute sur toute la France : l’excellence sans frontières ! Pour 200 places, elle croule sous les demandes : l’artisanat d’art a toujours la cote, et plusieurs des anciens élèves du lycée travaillent sur les vitraux futurs de Notre-Dame-de-Paris.
Incidemment, Lucas-de-Nehou a 100% de réussite au bac, et ses élèves sont immédiatement recrutés, le plus souvent dans les entreprises dans lesquelles ils ont fait leur stage. Et au-delà de la réussite scolaire et professionnelle, quel orgueil pour des élèves de CAP de réaliser un « chef d’œuvre », sur le modèle du compagnonnage !
Ce recrutement se fait naturellement sans distinction de classes (sociales) : Mahi Traoré se prononce clairement pour une mixité sociale basée sur les seules capacités, pas sur le portefeuille. Ses élèves sont globalement issus de classes moyennes — et non du très chic Vème arrondissement où se trouve la rue des Feuillantines, à deux pas de l’Ecole Normale Supérieure et du Panthéon. Si Henri-IV et Louis-le-Grand se sont accrochés, jusqu’à la réforme Affelnet, à leurs privilèges sociaux et ont rechigné à admettre en seconde des élèves issus d’établissements obscurément périphériques ; si Oudéa-Castéra — réflexe de caste — est entrée en conflit avec l’ancien recteur de Paris parce qu’il souhaitait créer des Prépas réservées aux bons élèves des lycées professionnels ; si nombre d’enseignants de gauche de l’Académie se sont élevés contre une initiative qui bousculait leurs privilèges, ce n’est pas le genre de Mahi Traoré : ses élèves sont sélectionnés en fonction de l’adéquation de leurs ambitions (et de leurs résultats) au projet de son établissement. Et c’est dans cette direction qu’elle plaide : un chef d’établissement devrait pouvoir recruter des enseignants eux-mêmes en harmonie avec le projet. Et éventuellement les remercier s’ils ne donnent pas satisfaction.
Vitrail républicain
Avant qu’une bonne fée du Rectorat de Paris distingue ses mérites, elle a eu une longue carrière dans des établissements fort variés. Elle n’est dupe ni des avancées du communautarisme (les élèves qui ailleurs s’avancent voilées le font peut-être, feint-elle de s’interroger, « à l’instigation d’une association religieuse »), ni de la difficulté à enseigner la laïcité — alors que c’est un vitrail de l’une de ses élèves qui a été installé au Rectorat pour célébrer la devise de la République ; et que Madame la proviseure, qui a rejoint l’équipe Valeurs de la République animée par mon ami Alain Seksig, a décidé, de sa propre autorité, de consacrer une semaine entière, et pas une minute de silence, à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Et sa parodie toute récente, au micro de RTL, de l’anaphore de François Hollande (« Moi, président ») sonne d’une façon autrement glorieuse que les mensonges du soi-disant socialiste.
Et au final, quelle satisfaction de constater qu’il est des Franco-Maliennes plus à l’aise avec la langue française qu’Aya Nakamura !
Mahi Traoré, Moi, proviseure…, Robert Laffont, octobre 2024, 210 p.
Les charges contre Hugo Auradou et Oscar Jegou, poursuivis par la justice argentine après une accusation de viol qui serait survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet dans un hôtel à Mendoza, pourraient être abandonnées. Mais, Didier Codorniou, candidat à la présidence de la Fédération Française de Rugby (FFR), estime qu’ils devraient tout de même être sanctionnés.
Je crois bien avoir levé un lièvre. Je m’aventure sur des terres habituellement réservées à d’autres sur Sud Radio : le rugby. L’affaire Auradou-Jégou va susciter un nouveau débat : faut-il supprimer la troisième mi-temps ?
Une affaire judiciaire qui percute une élection capitale
Les deux rugbymen français qui devraient obtenir un non-lieu le 18 octobre prochain ont déjà réintégré leurs clubs. Mais cette affaire percute l’élection du président de la FFR. L’occasion pour le sortant Florian Grill et le challenger, Didier Codorniou, de se lancer dans une compétition de vertu. C’est à celui qui sera le plus raide.
Hier, M. Codorniou donne un entretien à l’AFP. Selon lui, MM. Auradou et Jégou n’auraient pas dû recommencer à jouer : « Deux joueurs qui portent le maillot de l’équipe de France et rentrent alcoolisés à cinq heures du matin doivent être sanctionnés. J’aurais aimé que la fédération puisse le faire ». Tout le monde a bien compris que c’était en réalité une pique, une pierre lancée dans le jardin de M. Grill, lequel expliquait lundi, toujours à l’AFP, qu’il n’avait pas sanctionné les deux joueurs faute de règles : « Le cadre n’était pas clair et une forme de cadre souple était même admise ». Traduction: c’était la troisième mi-temps, et ça ne choquait personne… Prenez garde, ça va changer ! Si Florian Grill est reconduit, il annonce qu’il fixera « un cadre clair qui permettra de sanctionner. Nous n’aurons pas la main qui tremble ». Le résultat d’accusations de viol très probablement fausses et opportunistes, c’est donc que tout le rugby français va être mis au régime sec.
Un peu de tenue !
On peut exiger une certaine tenue de la part des joueurs, dira-t-on, quand ils portent le maillot de l’équipe de France. Oui, mais uniquement quand ils sont dans une position de représentation (rappelez-vous de nos footballeurs débraillés, les écouteurs dans les oreilles, c’était assez déplorable, par exemple).
Mais j’imagine que nos rugbymen ne portent pas le maillot bleu en boite de nuit… À l’étranger, ils devraient surtout être plus prudents, car ils sont des proies pour les chasseuses de primes. Il faut aussi qu’ils soient un peu discrets, qu’ils se méfient des réseaux sociaux et ne fassent pas preuve de trop de vantardise. Mais le reste, c’est leur vie privée. Je vous vois venir avec l’exemplarité… Nos sportifs doivent être des exemples pour la jeunesse. Admettons : ce sont des exemples de courage et de dépassement de soi. Mais certainement pas des exemples de morale et de vertu. Qui décide de ce qui est moral ou vertueux, d’ailleurs ? Ce n’est quand même pas la FFR ! Désolé, pour ma part, je ne trouve pas immoral d’aller en boite de nuit, d’avoir des relations sexuelles consenties et même de boire. C’est peut-être stupide, nocif et concernant l’alcool il faut bien sûr le boire avec modération, mais nos sportifs sont des adultes.
Je ne vous refais pas ici le coup de la « tradition ». Les sacrifices humains étaient une tradition chez les incas, et je ne vais pas les recommander pour autant. Ce n’est donc pas au nom de la tradition qu’il faut défendre la troisième mi-temps, mais au nom de la liberté. Ras-le-bol des dames patronnesses et des ligues de vertu. Si le plaisir est souvent déraisonnable, il n’est pas immoral.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin
Selon le linguiste Alain Bentolila, il est aberrant d’enseigner le français à des enfants qui ne maîtrisent même pas les fondamentaux de leur langue maternelle. En continuant sur cette voie, les pays dits francophones ne produiront plus que des analphabètes.
Un enfant ne peut apprendre à lire et à écrire dans une langue qu’il ne parle pas. Quelle que soit la méthode de lecture choisie, quelle que soit la démarche pédagogique empruntée, cet enfant aura fort peu de chance de parvenir à maîtriser la langue écrite, tout simplement parce qu’il ne maîtrisera pas suffisamment la langue orale.
Être confronté à des mots écrits qui ne correspondent à rien dans son intelligence est en effet pour un élève la promesse de ne jamais apprendre à lire. Avant même d’apprendre à lire, un enfant devrait en effet posséder, en moyenne, un répertoire de quelque 1850 mots oraux liés chacun au sens qui lui correspond. C’est cela qui lui permet, lorsqu’on lui parle, de reconnaître le « bruit d’un mot » et d’en comprendre le sens en interrogeant le petit «dictionnaire mental oral » qu’il s’est progressivement constitué. C’est ce même dictionnaire de mots oraux qu’il pourra questionner une fois que son enseignant lui aura appris à traduire en sons ce qu’il aura découvert en lettres. Mais si l’enfant ne possède pas, dans son petit dictionnaire, le mot qu’il a « déchiffré », il n’y aura aucun sens derrière le bruit qu’il a mis tant de soin à construire. Adieu le sens des phrases ! Adieu le sens des textes !
Cette situation dramatique, qui met en difficulté, en France, environ 10% d’enfants, en concerne plus de 50% au Sénégal, au Maroc, en Haïti et dans la plupart des pays dits francophones. Dans ces pays, des maîtres d’école peu formés tentent d’inculquer à leurs élèves les mécanismes qui relient les lettres qui composent les mots aux sons qui leur correspondent. Ces élèves vont ainsi parvenir à mémoriser ces correspondances et être plus ou moins capables de traduire laborieusement en sons ce qu’ils découvrent en lettres. Mais à quoi rime cette capacité de déchiffrage, difficilement acquise, si le bruit du mot fabriqué avec effort par les élèves sénégalais ou haïtiens n’active rien dans des cerveaux qui ne possèdent pas le moindre vocabulaire français ? À rien, bien sûr. Car, ne l’oublions pas, apprendre à lire ce n’est pas apprendre une langue nouvelle, mais retrouver, sous une autre forme, une langue que l’on pratique déjà. Si la pénurie de vocabulaire promet à certains élèves français d’être en difficulté de lecture, la quasi-inexistence de vocabulaire assure à l’immense majorité des élèves des pays dits francophones de devenir analphabètes.
Une École digne de ce nom – où qu’elle soit – doit ainsi enseigner ses apprentissages fondamentaux dans la langue que parlent et comprennent ses élèves. Dans tous les pays où les élèves parlent une langue différente de la langue d’enseignement, c’est leur langue maternelle qui doit leur permettre d’accéder à la lecture et à l’écriture, sauf à confondre récitation et lecture. C’est sur cette base solide qui met la compréhension au centre des apprentissages qu’ils pourront ensuite accéder aux langues d’ouverture. En bref, il y a urgence pédagogique à instaurer en Haïti, au Sénégal, au Maroc… la langue maternelle comme première langue d’apprentissage de l’écrit. Ce n’est qu’une fois satisfaite la nécessité d’appuyer l’apprentissage de la lecture sur la langue maternelle de chaque enfant que l’on pourra envisager avec sagesse la maîtrise de la langue française afin qu’elle constitue une chance supplémentaire de promotion culturelle et sociale.
Les systèmes éducatifs de certains pays dits francophones sont ainsi des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec parce qu’ils n’ont jamais voulu (ou su) résoudre la question qui les détruit : celles des choix linguistiques. Arriver à cinq ou six ans dans une école et y être accueilli dans une langue que sa mère ne lui a pas apprise est pour un enfant une violence intolérable. Être confronté à des mots écrits qui ne correspondent à rien dans son intelligence est pour un élève la promesse de ne jamais apprendre à lire.
Mais ne confondons pas le cas du petit Haïtien, du petit Sénégalais ou du petit Guyanais qui ne parlent souvent pas un mot de français lorsqu’ils poussent la porte de l’école avec celui du petit Breton, du petit Occitan ou de bien des élèves martiniquais et réunionnais des centres-villes qui parlent convenablement le français et qui, en revanche, maîtrisent fort mal la langue régionale. Dans le premier cas il y a « urgence pédagogique » à instaurer la langue maternelle comme première langue d’apprentissage parce qu’elle est le seul instrument de communication. Mais, pour des élèves qui parlent français, utiliser les langues régionales comme langues d’enseignement n’est justifié ni d’un point de vue politique ni d’un point de vue cognitif. C’est confondre, au nom d’une « diversité linguistique sublimée », une nécessité pédagogique et un respect légitime des identités culturelles. En aucun cas un décret instaurant l’usage d’une langue régionale à l’école (breton, occitan, basque) n’aura le pouvoir de bouleverser la hiérarchie des langues que l’histoire a imposée sur notre territoire. Si l’introduction de la langue catalane dans les écoles de l’Autonomie fut légitime, c’est parce qu’elle fut l’aboutissement d’un processus de transformation politique, administrative et sociale. Alors que la création d’isolats scolaires en Bretagne, en Occitanie ou ailleurs ne se justifie ni sur le plan pédagogique (la plupart des élèves ont pour langue maternelle le français) ni sur le plan social (la langue de promotion est le français). Il s’agit d’une revendication purement idéologique qui ne concerne d’ailleurs qu’une minorité d’enfants plutôt favorisés. Ce qui est étrange, c’est que ce sont les mêmes « bons apôtres » qui encensent la francophonie – dont ils refusent de voir les effets pervers – qui chantent par ailleurs les louanges d’une diversité linguistique mettant en péril l’unité de notre pays.
Mardi, alors que tout le monde avait les yeux rivés sur la motion de censure visant le malheureux Michel Barnier, Gabriel Attal et Elisabeth Borne étaient introuvables.
On connaît l’expression « Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné ». Cela se dit lorsque deux personnes, agissant par intérêt, se prétendent disposées à s’accorder mutuellement quelques faveurs. Tout cela se fait le plus souvent sous le manteau, le procédé – effectivement entaché d’un fort esprit de magouille – ne sentant pas très bon. Le séné et la rhubarbe, ne l’oublions pas, sont classés laxatifs dans la pharmacopée traditionnelle. Nonobstant, le recours à cet usage est des plus fréquents en politique, domaine, il est vrai, où les professionnels de la profession ne sont pas du genre à se pincer le nez devant ce qui pue. Edouard Herriot, qui n’était pas avare de formules hilarantes et décapantes, n’avait-il pas coutume de lâcher : « La politique, c’est comme l’andouille. Ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop » ? Sur ce point, il faut bien dire que depuis le grand festival séné-rhubarbe de l’entre deux tours des législatives, nous sommes servis. On pourrait même affirmer sans crainte aucune d’être démenti que le « sentir mais pas trop » recommandé par le fin connaisseur Herriot est dépassé de beaucoup.
Rendez-vous secret
Nous en avons eu une – nouvelle et anecdotique – illustration ces jours derniers à l’occasion d’une tractation de ce genre, en catimini, entre deux personnalités de premier rang, puisque passées par Matignon. Nous sommes mardi dernier. L’actuel hôte de ce même Matignon se trouve confronté à sa première motion de censure. Il est 16h. Il pourrait s’offrir une petite sieste, la gesticulation parlementaire de la gauche fera long feu. Motion rejetée. Les deux prédécesseurs de l’actuel Premier ministre brillaient par leur absence. Ils avaient – ensemble – ce rendez-vous secret. Une entrevue où devait être discutée quelque chose comme la teneur précise de la rhubarbe et du séné. En jeu, la candidature au poste de secrétaire général du parti Renaissance. Élection prévue en novembre prochain.
Élisabeth Borne s’est déclarée candidate de longtemps. Mais voilà bien que le jeune et remuant Gabriel Attal se prend à lorgner aussi sur ce trophée, bien qu’il soit déjà président du groupe parlementaire à l’Assemblée. Depuis qu’il a dû lâcher l’os (à moelle) de Matignon, on ne retient plus l’Attal cannibale. Il veut tout. Et tout de suite. L’homme a les belles dents de la jeunesse et il les a très longues. Or, Madame Borne n’entend pas renoncer aussi aisément. Elle trouve que trop c’est trop et que l’Attal, justement, les dépasse, les bornes (Je sais, facile. Mais tellement tentant…). D’où l’entrevue secrète. Elle a pour cadre le domicile d’un proche du président Macron. Ce qui a intrigué les observateurs à l’affût de ces choses-là, c’est que la rencontre ait eu lieu justement loin des territoires habituels où se jouent les affaires de la politique. Là, on franchissait la Seine, carrément, on s’aventurait dans un de ces quartiers où il n’y a ni ministères, ni institutions d’État. Bref, si vous préférez, là où les gens vivent de leur travail.
Une élection dont les modalités seront connues ce jeudi 10 octobre dans la soirée
Il est clair que l’ambitieux Attal n’est pas venu à ce quatre à cinq sans biscuits, sans quelque arôme particulièrement entêtant à fourrer dans la vapoteuse de Mme Borne. Aura-t-elle été sensible à ses arguments, à ses offres de dédommagement ? Aura-t-il suffi que son challenger se fende d’un mix bien corsé Séné / Rhubarbe ? Nous devrions le savoir très vite. Après ce sont les militants qui, lors du congrès, auront à se prononcer. Sans surprise aucune, ils le feront dans le sens qui aura été décidé à leur insu, en catimini, lors de cet énième épisode de l’interminable, l’indémodable feuilleton « la démocratie dans le boudoir ». De plus, ils se verront priés d’applaudir très fort et de trouver que tout cela sent malgré tout très bon.
Il y a un an, le 7-octobre; misère de la gauche néoféministe; haine de soi occidentale. Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.
Pourquoi le 7-octobre représente-t-il un jour sans fin, comme l’annonce la couverture du numéro d’octobre de Causeur? Parce que quelque chose s’est effondré ce jour-là, quelque chose qui n’était peut-être qu’une illusion mais qui tenait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: le « jamais plus ça ».
Le 7-octobre marque le retour d’une forme de totalitarisme, un totalitarisme qui trouve encore ses idiots utiles en Occident, en particulier chez les intellectuelles de la gauche néoféministe. Nous commentons les dernières imbécillités de Mona Chollet en France et de Naomi Klein dans le monde anglophone. L’Occident a lentement et patiemment construit un concept d’universalisme, en essayant de définir un certain nombre de principes moraux valables pour tout le monde. Sommes-nous aujourd’hui en train de capituler devant un nouveau tribalisme?
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe: la famille Arnault a racheté le Paris FC ! Deuxième club de la capitale, le Paris FC est actuellement leader de la Ligue 2. Aura-t-on demain un grand derby parisien entre, d’un côté, le PSG propriété du fonds souverain qatari, et, de l’autre, le PFC détenu par la plus grande fortune française? Daniel Riolo, le journaliste football de RMC qui n’a pas sa langue dans sa poche, en parle avec nous.
Causeur. Ce rachat du Paris FC par la famille Arnault en association avec Red Bull (85% des parts pour les Arnault à terme, et 15% pour le conglomérat de la boisson énergisante autrichienne) réunit deux de vos obsessions afteriennes[1]. Vous avez souvent affirmé que la France n’était pas un vrai pays de foot comme l’Angleterre ou l’Espagne, parce que ses grandes fortunes n’investissaient pas dedans. Vous avez aussi fréquemment regretté que nos voisins aient de grands derbys de villes (Manchester, Madrid, Milan ou encore Londres) et pas nous. J’imagine que l’arrivée des Arnault dans le foot français vous enthousiasme ?
Le journaliste de RMC Daniel Riolo publie « Chaos Football Club ». Photo : D.R.
Daniel Riolo. Oui, mais restons calmes ! Cela fait plusieurs années que le football francilien se développait. Le Paris FC faisait déjà bonne figure en Ligue 2, depuis près d’une dizaine d’années. Et le club a loupé de peu la montée en première division à différentes reprises. Au moment où nous nous parlons, ils sont d’ailleurs déjà en tête du championnat. Pierre Ferracci a bien travaillé, c’est un club sain qui est racheté. Par ailleurs, le Red Star, l’équipe de Saint-Ouen (93), est aussi en Ligue 2. Ce club n’est pas au même niveau, mais il est dans le ventre mou de la Ligue 2 et n’est pas menacé par une relégation.
Reste que dans l’imaginaire collectif, on demande depuis longtemps un autre gros club dans la capitale. Les grands derbys milanais ou madrilènes font partie de la mythologie du football. Il est donc logique d’en rêver aussi pour Paris, surtout avec la famille qui débarque et les moyens dont elle dispose ! Sur le papier, quand la plus grande fortune française et peut-être mondiale arrive dans le foot, on se dit que le Paris FC va rapidement grandir et que la capitale française rejoindra la norme européenne. Mais nous en sommes encore loin. Pour l’heure, c’est une promesse.
De fait, le travail qui s’annonce est important. J’ai trouvé intéressantes les déclarations qui ont filtré dans la presse sur la philosophie qui préside à ce rachat. Pendant deux saisons, Pierre Ferracci restera à la tête du club, avant qu’Antoine Arnault ne prenne la présidence. C’est bien : ils attendent, ils sont patients, ils ne vont pas d’entrée de jeu déverser une tonne d’oseille mais miser sur la jeunesse, construire des fondations solides pour espérer arriver au plus haut niveau. De plus, l’association avec Red Bull permettra de bénéficier de l’expérience sportive de ce groupe, de son savoir-faire qui ne peut qu’être bénéfique. Red Bull a su monter entièrement des clubs qui ont réussi, je pense notamment au RB Leipzig. En plus d’une façon de jouer, c’est aussi une façon de bien éduquer les jeunes joueurs du centre en leur donnant des fondamentaux sportifs et des valeurs humaines. Ils ont dû être séduits par ces aspects. Je note d’ailleurs que le Paris FC n’est que la deuxième participation minoritaire de Red Bull, après Leeds.
Vous les voyez donc miser sur le vivier francilien et la formation ?
Oui. Aujourd’hui, le PSG a tout pour lui, c’est là que sont les stars. Dans un premier temps, le PFC doit donc construire une aventure familiale en formant des jeunes. Cela ne signifie pas qu’ils ne feront pas rapidement des beaux transferts aussi, mais ils vont jouer sur deux tableaux. Par ailleurs, ils ne pourront pas fonctionner sur l’ancienne mode du trading de joueurs, l’arrêt Diarra vient de mettre un terme à cette pratique (voir vidéo ci-dessous NDLR). Un jour, le Paris FC pourra peut-être rivaliser avec le PSG. Mais tout cela prendra quelques saisons. Cela étant, je ne vois pas la famille Arnault arriver en Ligue 1 pour jouer les seconds rôles. Ils ont de grandes ambitions et un projet global déjà bien établi qui s’affinera avec le temps.
Il se dit qu’Antoine Arnault a eu des vues sur d’autres clubs (on parle de Bordeaux, de Lille et même de Milan). Ce serait donc une idée qui trotte dans sa tête depuis longtemps. Les Jeux Olympiques, sur lesquels le groupe LVMH a beaucoup investi, auraient-ils précipité les choses ?
Oui. Le bruit courait depuis un moment. Les Arnault avaient Lille en vue parce qu’ils ont leurs attaches familiales dans la région. Je crois aussi savoir qu’ils sont proches d’Amiens, et que la famille aime le football : c’est pour eux traditionnel. Bordeaux, ça faisait aussi sens, avec le vin. Mais c’est un grand club qui a souffert ces dernières années à cause de mauvais investisseurs. La rumeur milanaise, je pense qu’elle n’était pas tout à fait fondée, même s’il y aurait eu aussi une certaine logique économique.
Vous savez, je crois que c’est finalement un mariage assez naturel que nous observons. Antoine Arnault est un vrai passionné de foot. On le voit très souvent au Parc des Princes pour les matchs du PSG. Il connait d’ailleurs bien la direction du PSG, avec laquelle il s’entend très bien. La famille Arnault est de manière générale sportive. Bernard Arnault est proche de Roger Federer, c’est un fan de tennis. Un des fils est un malade de Formule 1, d’où les liens avec Red Bull. Et puis Lionel Messi a figuré dans des pubs Vuitton, et Mbappé a été souvent aperçu avec eux. Je pense que c’est un achat passion. Acheter un club de football, c’est toujours par passion. Ce n’est pas ça qui va leur faire gagner de l’argent. D’ailleurs, c’est la famille qui achète le club et pas le groupe LVMH. Gagner des titres procure des émotions incomparables. Je crois que c’est ce qu’ils sont venus chercher. Paris c’est le glamour, le luxe. On aura donc deux clubs avec cette image.
Mais le Paris FC est-il un club populaire, est-il suivi par le public ?
C’est un club qui a une base de supporters réduite, et qui est encore en recherche d’identité. Même si la star Raï en est déjà un des ambassadeurs ! Ils jouent à Charléty (13e arrondissement) cette année, et seront à Jean Bouin (16e) l’an prochain en colocation avec le rugby. Il y a évidemment la place pour deux clubs à Paris, bien que cela ne se fasse évidemment pas en claquant des doigts. Le Paris Saint-Germain est le club de la capitale aujourd’hui, c’est lui qui a l’histoire. Au PFC d’écrire la sienne en obtenant des résultats. Il faut investir immédiatement. Je pense qu’ils vont recruter quelques bons profils dès le mercato d’hiver, pour tenter de sécuriser la montée en Ligue 1 l’an prochain…
Le football français est paradoxal : il y a une crise à la Ligue professionnelle de foot, et dans le même temps de belles équipes de Ligue 1 arrivent à obtenir des résultats en Coupe d’Europe. Cet investissement du groupe Arnault démontre que le football français intéresse encore les investisseurs et est toujours porteur. Pourtant, on sent comme un désamour : le nouveau diffuseur DAZN ne parvient pas à décoller, les supporters ne s’abonnent plus…
Financièrement, le foot français ne vaut plus rien alors que les matchs du week-end sont magnifiques. Le niveau est formidable en comparaison avec ce qu’on voyait il y a 10 ans. On est presque revenu au niveau du championnat de France si excitant des années 90… Et en Coupe d’Europe, nous ne sommes plus ridicules. Lille tape le Real, et Brest met des cartons.
Le paradoxe que vous évoquez s’explique par le mauvais travail de la Ligue. Labrune est un incompétent qui s’est brouillé avec Canal + et a fait miroiter le « milliard » aux présidents de clubs. Canal aurait bien mis les 700 millions sur la table, mais la chaîne ne veut plus traiter avec Labrune. Rappelez-vous : quand l’espagnol Mediapro est venu investir en France, on avait des stars au PSG et à Monaco, Neymar venait d’arriver. Tout cela a fait gonfler bien des têtes qui toutes ont rêvé de l’or des GAFAM et de toutes ces conneries de plateformes de streaming… Les hauts dirigeants du foot hexagonal sont soi-disant conseillés par des spécialistes des médias, mais leurs résultats sont catastrophiques. Il y a un vrai risque financier à terme puisque DAZN est une coquille vide qui va tomber. Dans ce contexte, espérons que l’arrivée d’industriels importants comme les Arnault inspire d’autres fortunes.
Niki est un biopic plein d’émotion sur la plasticienne Niki de Saint Phalle. C’est le premier film de Céline Sallette. En salle depuis mercredi dernier.
Lors de son ouverture en 1977, le centre Georges-Pompidou avait mis en avant quelques œuvres révolutionnaires en sa possession, telle une Nana de Niki de Saint Phalle, représentation d’un corps féminin obèse et informe, aux couleurs criardes, qui trônait majestueusement au milieu du Musée d’art moderne. J’étais très jeune alors, et l’on m’avait emmené voir cette sculpture déjà renommée, parmi quelques autres qui sans doute me frappèrent moins.
Nana, Hanovre (Allemagne). DR.
J’en tirai l’idée préconçue que Niki de Saint Phalle s’était représentée elle-même, et qu’elle possédait dans la réalité ce physique monstrueux ! Cette conclusion enfantine perdura en moi très longtemps ‒ peut-être même jusqu’à aujourd’hui, où un film, un biopic, nous rend enfin, et pour l’éternité peut-être, la vraie silhouette, frêle et longiligne, de Niki, sa grâce innée et sa jeunesse pleine d’esprit.
Une ressemblance frappante
Il existe d’ailleurs entre Niki de Saint Phalle et l’actrice choisie pour l’incarner, la Québécoise Charlotte Le Bon, une ressemblance physique frappante. Cette incarnation est littéralement une réincarnation. Il faut savoir en plus que le parcours de Charlotte Le Bon n’est pas sans points communs avec celui de Niki : le mannequinat, et un grand intérêt pour les arts plastiques. Notons, dans ce sens, que Charlotte Le Bon a réalisé un long métrage, Falcon, en 2022, qui a reçu le prix Louis-Delluc du premier film la même année. Par sa seule présence dans Niki, Charlotte Le Bon, ancienne « miss météo » sur Canal+, apporte donc indirectement un démenti complet à ma première impression ressentie à Beaubourg en 1977, au sujet de laquelle je me perds évidemment en conjectures.
Niki est non seulement un premier film, mais le premier film d’une actrice. Céline Sallette, après avoir interprété un grand nombre de rôles au cinéma, s’est mise à ce biopic sur Niki de Saint Phalle avec une grande conviction et une certaine réussite. Il a été sélectionné à Cannes cette année dans la catégorie « Un certain regard ». Ce qui intéresse Céline Sallette, avant tout, c’est de montrer l’éclosion du génie artistique de Niki de Saint Phalle. Née en 1930 dans une famille étouffante de l’aristocratie, de mère américaine et de père français, la jeune Niki décide de s’enfuir en France, pays de la liberté. Elle révélera bien plus tard avoir été victime d’un inceste de la part de son père. Cet événement aggravera très probablement son état psychique, déjà fragile et vulnérable. Le médecin qui s’occupe d’elle, un psychiatre équivoque, la fera interner dans un service spécialisé. C’est là pourtant qu’elle découvrira sa vocation artistique, que rien ne laissait présager. « J’ai besoin de faire quelque chose… se lamente-t-elle. Je veux faire ma création à moi, c’est ma vocation… Je l’ai trouvée chez les fous. » Et en effet, la pratique de l’art viendra quasiment à bout de ses tentations suicidaires.
Mettre toute la gomme
De ses deux maris, Harry Mathews et Jean Tinguely, c’est sans conteste le second qui l’épaulera le plus et qui la comprendra le mieux. Elle créera même des œuvres avec lui. L’inspiration de Niki de Saint Phalle, quoique artiste autodidacte, est à rechercher dans les courants ultramodernistes des années soixante, comme les « Nouveaux Réalistes », et sans doute aussi chez un peintre comme Jean Dubuffet, inventeur de l’art brut. Niki excellait également dans la performance, par exemple dans les fameux Tirs, où elle déchargeait des cartouches de couleur avec un fusil de chasse sur des toiles peintes, pour se libérer, disait-elle au public, de la colère qu’il y avait en elle. Voulant s’imposer légitimement dans le monde de l’art, Niki de Saint Phalle dut faire preuve de beaucoup de persévérance, afin de lever les obstacles. Tout le monde, dans son entourage, avait tendance à lui signifier que sa sculpture ne valait rien, ou qu’elle n’était pour elle qu’une occupation de femme au foyer. À chaque fois, elle se remettait en question, décidant d’aller plus loin encore et de mettre toute la gomme, pour reprendre l’expression de Jean Tinguely.
La douleur d’être au monde
Niki ressentait une douleur à vivre, malgré les joies de la création. C’est cette douleur qu’elle exprime dans son travail et que le film fait si bien ressentir. Céline Sallette n’a pas eu le droit de montrer des œuvres de l’artiste, ce qui ne gêne, selon moi, en rien le bon déroulement de son film. Car au fond, Niki n’a fait que représenter, grâce à son génie, le monde qui l’entourait, certes au filtre de son âme. Et ce monde ne bouge pas, il est toujours le nôtre aujourd’hui encore. L’œuvre même de Niki de Saint Palle, c’est la réalité du « il y a », comme le proclamait déjà Rimbaud dans ses Illuminations (cf. « Enfance », § III): « Au bois, écrit Rimbaud, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. Etc., etc. »
Niki est un film sur l’enfance et la jeunesse, et le surgissement spécial d’une artiste particulièrement attachante. Céline Sallette y met beaucoup de vigueur et de mordant, notamment quand elle décrit les relations amoureuses à fleur de peau de Niki. On se dit alors que ce cinéma-là, quand il arrive ainsi à ces sortes de paroxysmes, se place dans la lignée de ceux de Pialat ou de Breillat. Niki n’est heureusement pas un biopic à l’américaine, mais un film subtil, de bonne foi, qui permet qu’une véritable rencontre se produise et que, donc, le spectateur ressorte de la projection meilleur qu’il n’y était entré.
Niki, film de Céline Sallette. Biopic, 1h 38. Avec Charlotte Le Bon. En salle depuis mercredi dernier.
Convaincu qu’il sait ce que veulent les Français, le ministre de l’Intérieur donne le sentiment de ne pas vouloir faire de langue de bois. Il entend porter le fer dans la plaie sur les sujets sécuritaires les plus brûlants: État de droit, prison, OQTF, aide médicale d’État, justice des mineurs… De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre: quand on veut, on peut ?
Un entretien dans Le Parisien. Une analyse fouillée dans Le Point sur « Le cas Retailleau » par Nathalie Schuck. Bruno Retailleau est omniprésent. Une exposition médiatique intense depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur. Parce qu’il est « l’homme fort du gouvernement (…), le ministre le plus puissant du gouvernement » ?
Il me semble que derrière cette apparence politique et médiatique, il y a comme un saisissement face à cette personnalité qu’on peut qualifier d’atypique, parce qu’elle se trouve impliquée dans un univers du pouvoir aux antipodes de ce qu’elle est.
Je n’appartiens pas à « sa galaxie » telle qu’elle est décrite, même si en son sein j’apprécie, parmi ceux que je connais, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, Christelle Morançais et Louis-Marie Le Roy.
Depuis qu’il est ministre, il maintient une ligne vigoureusement conservatrice
Cependant, les relations amicales que j’ai toujours entretenues avec lui me permettent, certes sur un point que d’aucuns jugeraient dérisoire mais qui ne l’est pas pour moi, de louer sa fiabilité et sa réactivité qui ne laissent jamais un SMS sans réponse, quel que soit son emploi du temps chargé, y compris depuis qu’il est ministre. C’est un signe révélateur d’une organisation intellectuelle et professionnelle structurée et cohérente.
Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique.
C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement Bruno Retailleau des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.
Retailleau, depuis qu’il est entré en politique, n’a pas dévié d’un pouce par rapport à une ligne intelligemment et vigoureusement conservatrice qui, miracle, s’est maintenue, encore plus assumée, depuis qu’il est ministre.
Sur l’immigration qu’on ne saurait qualifier aujourd’hui de « chance pour la France » au regard de quelques exceptions bienheureuses ; sur les OQTF, sur la durée des rétentions, sur l’excuse de minorité, sur l’État de droit qui évidemment ne doit pas être « intangible », sur l’obligation d’une politique dont le volontarisme n’a de sens que s’il sait mettre en actes les projets, Bruno Retailleau n’use pas de la langue de bois. Il n’hésite pas – tout en rappelant que celui qui décide est le Premier ministre – à porter le fer dans la plaie, à faire apparaître les conflits quand ils sont nécessaires et à invoquer une solidarité ministérielle qui sert trop souvent de prétexte à l’effacement. Comme pour l’aide médicale d’État qu’il aspire à remplacer par une aide médicale d’urgence, contre sa collègue MoDem de la Santé.
Quand on veut, on peut ?
Bruno Retailleau n’a peur de rien sur le plan intellectuel et politique. Aucune prétendue évidence ne lui résiste. Tous les poncifs que propage une droite gangrenée par la gauche, il les pourfend. Il est favorable aux courtes peines. Il démolit le slogan « tout sauf la prison », d’autant plus aberrant que, si la prison demeure un horizon indépassable, cela tient d’abord au fait que c’est la seule sanction dont la concrétisation peut être immédiate – à cause de la faiblesse du dispositif général d’exécution des peines. Le nouveau ministre de l’Intérieur ne fait pas de la politique en étant persuadé, comme tant d’autres, par un défaitisme anticipé et commode, de l’impuissance du politique. À peine a-t-il été nommé qu’il a durci deux circulaires de Gérald Darmanin : quand on veut, on peut ! Il contraint Didier Migaud à se poser, comme ministre de la Justice, les bonnes questions…
C’est ne rien comprendre à cette personnalité singulière que la placer sous le pavillon stupide du Vendéen réactionnaire et catholique, pour la discréditer. Ou à lui inventer dès aujourd’hui des desseins présidentiels… Bruno Retailleau est un homme qui a perçu, le premier, que la victoire de la droite ne serait définitive que si elle l’emportait sur le plan culturel. Il l’a affirmé notamment à mon micro en 2020.
Reprendre à la gauche ce dont elle a privé abusivement la droite, redonner sa fierté à cette dernière en cessant de la noyer dans des jeux et des « je » politiciens désastreux, comme Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, accomplir cette élémentaire coïncidence entre la pensée, la promesse et l’incarnation et ne pas se préoccuper d’un futur qui ne serait que l’expression d’une pure ambition.
Dans Le Point, Bruno Retailleau me permet une belle conclusion : « Hannah Arendt disait qu’en politique « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ». Dans l’action, on ne peut pas se payer de mots. Je sais que je serai jugé à mes résultats et que j’ai peu de temps ».
Bruno Retailleau n’est pas aujourd’hui « un cas » mais devrait être un exemple pour les ministres.
Le grand projet des conservateurs britanniques consistant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda semble compromis. Mais, d’autres nations européennes pourraient finalement le faire.
Sitôt élu début juillet, le travailliste Keir Starmer a annulé un projet conçu par le précédent gouvernement conservateur : celui consistant à externaliser au Rwanda les demandes d’asile de migrants entrés clandestinement sur le territoire britannique. Il a ainsi mis fin à une saga politico-judiciaire qui avait commencé en 2022. Boris Johnson avait alors annoncé un accord par lequel, en échange de fonds de développement et un financement pour accueillir les migrants, le Rwanda traiterait leurs demandes et leur donneraient asile. Le projet a été déclaré conforme à la loi par la Haute Cour de Londres en décembre 2022, mais non conforme par la Cour suprême britannique en novembre 2023. Un accord similaire de nature informelle entre le Rwanda et Israël, entre 2013 et 2018, y a été cité comme un mauvais précédent, certains réfugiés africains ayant été refoulés vers leur pays d’origine. En réponse, le gouvernement de Richi Sunak a signé un traité avec Kigali imposant des obligations et des contrôles aux Rwandais. En avril cette année, il a promulgué une loi parlementaire affirmant que le Rwanda était un pays sûr. Les élections sont intervenues avant que le nouveau projet puisse démarrer. Mais est-ce la fin ? Le Danemark avait signé un accord similaire avec le Rwanda en 2022, pour le suspendre en 2023. Lors d’un colloque européen en mai de cette année, son ministre de l’Immigration et de l’Intégration a déclaré qu’une telle coopération avec un pays tiers était souhaitable au niveau européen. En novembre 2023, le gouvernement autrichien a annoncé vouloir développer lui aussi un projet avec le Rwanda. Lors des élections européennes de juin, le groupe conservateur, le PPE, a fait campagne sur l’idée d’exploiter des pays tiers sûrs d’une façon similaire. Le gouvernement allemand de Scholz réfléchit depuis presque un an à une telle exploitation. Début septembre, son Représentant spécial pour les accords sur les migrations, Joachim Stamp, propose de faire un nouvel accord avec Kigali, en utilisant les installations que les Britanniques avaient fait construire – en vain – pour accueillir les migrants. Le Rwanda n’a pas fini de faire rêver les Européens.
«Honte à eux ! (…) Israël l’emportera avec ou sans leur soutien», s’agaçait Benjamin Netanyahou, samedi 5 octobre, après avoir pris connaissance des propos tenus par Emmanuel Macron diffusés un peu plus tôt sur France inter («Je pense qu’aujourd’hui, la priorité, c’est qu’on revienne à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes [à Israël] pour mener les combats à Gaza»). Le Premier ministre israélien se console depuis auprès du président américain Joe Biden, lequel le presse toutefois à «réduire au maximum l’impact sur les civils» lors de ses frappes au Liban. Analyse.
Le 7 octobre, le président Macron a reçu à Paris les familles d’Ohad Yahalomi et Nissan Kalderon, les deux otages français enlevés à Nir Oz et encore détenus par le Hamas. Il leur a dit sa compassion et les a assurées qu’il mettait tout en œuvre pour obtenir un accord permettant leur libération. Mais, par un en même temps dont pour une fois il n’était pas l’auteur, quelques heures plus tard le nom d’Emmanuel Macron a été sifflé au cours d’une cérémonie commémorative organisée par le Crif empreinte d’émotion, de dignité et de clarté.
Preuve de désamour
C’est en raison de cette clarté que, moi qui suis choqué par l’idée qu’on puisse siffler le nom du président de la République, moi qui ai apprécié plusieurs de ses initiatives telle la cérémonie d’hommages organisée aux Invalides, j’ai considéré que ces sifflements étaient compréhensibles sinon justifiés.
L’allocution du président prononcée deux jours auparavant avait ulcéré tous les amis d’Israël, Juifs ou non Juifs: il y avait déclaré que la priorité était désormais de cesser toute livraison d’armes à Israël.
Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Il ne suffit pas de dire ensuite comme le ministre des Affaires étrangères que la « France est indéfectiblement attachée » à la sécurité d’Israël, si la France pense que désarmer Israël est le meilleur moyen d’assurer sa sécurité. Ces mots ont été dits sur le site du festival Nova, de sinistre mémoire. Qui pouvait les croire après la déclaration présidentielle ? Qui pourrait espérer que le Hamas, voyant Israël affaibli, accepterait plus facilement des concessions pour libérer les otages? Car, quoi qu’on pense de la façon dont le Premier ministre israélien a géré la négociation sur les otages et quoi qu’on imagine de ses arrière-pensées, c’est l’intransigeance du Hamas qui a bloqué toute perspective.
Depuis le 7 octobre 2023, Israël est en guerre. Il est en guerre contre le Hamas et contre le Hezbollah qui par ses tirs lancés dès le 8 octobre a rendu le nord d’Israël inhabitable. Israël n’est en guerre ni contre le peuple palestinien, ni contre le peuple libanais, malgré les paroles parfois violentes de mise en garde. Les Israéliens se disputent sur le degré de priorité à attribuer aux otages, mais ils sont d’accord sur la destruction de la machine guerrière du Hamas et du Hezbollah, car ils savent ce que beaucoup refusent de comprendre: avec un fanatique, la diplomatie sans la force ne fonctionne pas.
Deux jours après l’attaque des bipeurs, Emmanuel Macron, dans un discours qui se voulait solennel, parlait comme si le Liban, et non le Hezbollah, avait été la cible de cette attaque. Il appelait à l’élection d’un président en oubliant que la France soutenait Soleimane Frangié, le candidat même du Hezbollah… Il ne prononçait pas le mot Hezbollah, comme si ce dernier n’était pour rien dans la déconfiture libanaise et comme s’il ne s’agissait pas d’un parti iranien voué à la destruction des valeurs dont se réclame notre société.
Incongruités
Il ne voulait pas admettre enfin qu’en frappant le Hezbollah, Israël faisait ce que la France n’avait pas osé faire après que celui-ci eut assassiné 58 parachutistes de notre pays. Outre sa conception très particulière de la défense indéfectible d’Israël, le président Macron a commis au moins quatre autres incongruités en appelant à ne plus livrer d’armes à Israël.
– La première se passe de commentaire: la France ne livre aucune arme significative à Israël ;
– La seconde, qui en est le corollaire, car c’est une leçon de morale que la France prétend aux États-Unis et au monde entier et c’est là une posture dont elle est trop coutumière… (« Si on appelle à un cessez-le-feu, la cohérence c’est de ne pas fournir les armes de la guerre ») ;
– La troisième est une incongruité de temps: prononcer un tel discours à 48h de la commémoration d’un acte terroriste d’une telle ampleur et d’une telle sauvagerie évoque soit l’autisme, soit la muflerie désinvolte ;
– La quatrième enfin est une incongruité de lieu. Le discours présidentiel a été prononcé au cours du XIXe Sommet de la Francophonie. Or l’Organisation Internationale de la Francophonie à laquelle appartiennent 88 pays, dont pour certains le nombre de francophones se compte sur les doigts d’une main, n’inclut pas Israël dont près de 20% de la population a un lien avec la langue française. La France, qui a pourtant signé la charte de l’iHRA indiquant que l’antisionisme est une variante d’antisémitisme, ne voudrait pas heurter son cher Liban. Ce lieu de la démission française n’était pas le meilleur pour appeler Israël à désarmer.
Netanyahou se console auprès de Biden et Starmer
Le en même temps, qui apportait tant d’espoirs au début du mandat présidentiel, semble s’être transformé en ce qui dans la littérature grecque s’appelait une palinodie, une pièce de vers dans laquelle le poète disait le contraire de ce qu’il avait dit précédemment.
L’exaspération d’Emmanuel Macron devant le flagrant refus de Benjamin Netanyahou de prendre en compte ses conseils est peut-être un des motifs de sa déclaration. Il avait d’autres moyens de le faire savoir que ces paroles théâtrales d’embargo contre Israël auxquelles le Premier ministre britannique lui-même n’a pas souscrit. L’entretien entre MM. Netanyahou et Biden du 9 octobre montre que les États-Unis expriment leur point de vue, mais qu’ils ne cherchent pas à exercer de chantage à l’embargo sur les armes. Nul n’ignore pourtant les tensions entre le président américain et le Premier ministre israélien dont l’adresse télévisée du 8 octobre sur le Liban a soulevé des torrents de critiques.
J’espère que les paroles spectaculaires du président de la République française n’avaient pas de visée électoraliste. Le 5 octobre 2024, elles ont en tout cas blessé inutilement et probablement durablement une communauté juive encore sous le choc de la terreur du 7-Octobre.
Inlassable défenseur de l’élitisme républicain, notre chroniqueur s’est intéressé à l’une des plus belles réussites de l’enseignement professionnel, ce mal-aimé des bobos et des ministres. En l’occurrence le lycée Lucas-de-Nehou à Paris.
Lucas-de-Nehou ? Ne cherchez pas : c’était un maître verrier du XVIIe siècle, qui a entre autres œuvré à la Galerie des Glaces, à Versailles. L’idée de donner son nom à un lycée spécialisé dans la verrerie d’art, et dont toutes les fenêtres sont des vitraux contemporains magnifiques, allait donc de soi.
L’établissement est installé au 4, rue des Feuillantines. Ne cherchez pas non plus : il occupe l’emplacement d’un ancien couvent où le petit Victor Hugo, 6 ans à l’époque, se dissipait avec ses frangins pendant que son père commandait l’armée napoléonienne en Espagne : « Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants… » Une plaque sur le mur de la rue le rappelle aux passants — et une seconde plaque indique que dans l’institution qui remplaça le couvent sous la Restauration, un certain Louis Pasteur fut élève.
Plaidoyer pour plus d’autonomie des chefs d’établissements
Des références que d’aucuns trouveraient écrasantes, mais que relève fièrement Mahi Traoré, proviseure, comme elle l’écrit dans un livre qui paraît aujourd’hui. Elle dirige un établissement qui, comme bien des lycées professionnels, recrute sur toute la France : l’excellence sans frontières ! Pour 200 places, elle croule sous les demandes : l’artisanat d’art a toujours la cote, et plusieurs des anciens élèves du lycée travaillent sur les vitraux futurs de Notre-Dame-de-Paris.
Incidemment, Lucas-de-Nehou a 100% de réussite au bac, et ses élèves sont immédiatement recrutés, le plus souvent dans les entreprises dans lesquelles ils ont fait leur stage. Et au-delà de la réussite scolaire et professionnelle, quel orgueil pour des élèves de CAP de réaliser un « chef d’œuvre », sur le modèle du compagnonnage !
Ce recrutement se fait naturellement sans distinction de classes (sociales) : Mahi Traoré se prononce clairement pour une mixité sociale basée sur les seules capacités, pas sur le portefeuille. Ses élèves sont globalement issus de classes moyennes — et non du très chic Vème arrondissement où se trouve la rue des Feuillantines, à deux pas de l’Ecole Normale Supérieure et du Panthéon. Si Henri-IV et Louis-le-Grand se sont accrochés, jusqu’à la réforme Affelnet, à leurs privilèges sociaux et ont rechigné à admettre en seconde des élèves issus d’établissements obscurément périphériques ; si Oudéa-Castéra — réflexe de caste — est entrée en conflit avec l’ancien recteur de Paris parce qu’il souhaitait créer des Prépas réservées aux bons élèves des lycées professionnels ; si nombre d’enseignants de gauche de l’Académie se sont élevés contre une initiative qui bousculait leurs privilèges, ce n’est pas le genre de Mahi Traoré : ses élèves sont sélectionnés en fonction de l’adéquation de leurs ambitions (et de leurs résultats) au projet de son établissement. Et c’est dans cette direction qu’elle plaide : un chef d’établissement devrait pouvoir recruter des enseignants eux-mêmes en harmonie avec le projet. Et éventuellement les remercier s’ils ne donnent pas satisfaction.
Vitrail républicain
Avant qu’une bonne fée du Rectorat de Paris distingue ses mérites, elle a eu une longue carrière dans des établissements fort variés. Elle n’est dupe ni des avancées du communautarisme (les élèves qui ailleurs s’avancent voilées le font peut-être, feint-elle de s’interroger, « à l’instigation d’une association religieuse »), ni de la difficulté à enseigner la laïcité — alors que c’est un vitrail de l’une de ses élèves qui a été installé au Rectorat pour célébrer la devise de la République ; et que Madame la proviseure, qui a rejoint l’équipe Valeurs de la République animée par mon ami Alain Seksig, a décidé, de sa propre autorité, de consacrer une semaine entière, et pas une minute de silence, à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Et sa parodie toute récente, au micro de RTL, de l’anaphore de François Hollande (« Moi, président ») sonne d’une façon autrement glorieuse que les mensonges du soi-disant socialiste.
Et au final, quelle satisfaction de constater qu’il est des Franco-Maliennes plus à l’aise avec la langue française qu’Aya Nakamura !
Mahi Traoré, Moi, proviseure…, Robert Laffont, octobre 2024, 210 p.
Les charges contre Hugo Auradou et Oscar Jegou, poursuivis par la justice argentine après une accusation de viol qui serait survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet dans un hôtel à Mendoza, pourraient être abandonnées. Mais, Didier Codorniou, candidat à la présidence de la Fédération Française de Rugby (FFR), estime qu’ils devraient tout de même être sanctionnés.
Je crois bien avoir levé un lièvre. Je m’aventure sur des terres habituellement réservées à d’autres sur Sud Radio : le rugby. L’affaire Auradou-Jégou va susciter un nouveau débat : faut-il supprimer la troisième mi-temps ?
Une affaire judiciaire qui percute une élection capitale
Les deux rugbymen français qui devraient obtenir un non-lieu le 18 octobre prochain ont déjà réintégré leurs clubs. Mais cette affaire percute l’élection du président de la FFR. L’occasion pour le sortant Florian Grill et le challenger, Didier Codorniou, de se lancer dans une compétition de vertu. C’est à celui qui sera le plus raide.
Hier, M. Codorniou donne un entretien à l’AFP. Selon lui, MM. Auradou et Jégou n’auraient pas dû recommencer à jouer : « Deux joueurs qui portent le maillot de l’équipe de France et rentrent alcoolisés à cinq heures du matin doivent être sanctionnés. J’aurais aimé que la fédération puisse le faire ». Tout le monde a bien compris que c’était en réalité une pique, une pierre lancée dans le jardin de M. Grill, lequel expliquait lundi, toujours à l’AFP, qu’il n’avait pas sanctionné les deux joueurs faute de règles : « Le cadre n’était pas clair et une forme de cadre souple était même admise ». Traduction: c’était la troisième mi-temps, et ça ne choquait personne… Prenez garde, ça va changer ! Si Florian Grill est reconduit, il annonce qu’il fixera « un cadre clair qui permettra de sanctionner. Nous n’aurons pas la main qui tremble ». Le résultat d’accusations de viol très probablement fausses et opportunistes, c’est donc que tout le rugby français va être mis au régime sec.
Un peu de tenue !
On peut exiger une certaine tenue de la part des joueurs, dira-t-on, quand ils portent le maillot de l’équipe de France. Oui, mais uniquement quand ils sont dans une position de représentation (rappelez-vous de nos footballeurs débraillés, les écouteurs dans les oreilles, c’était assez déplorable, par exemple).
Mais j’imagine que nos rugbymen ne portent pas le maillot bleu en boite de nuit… À l’étranger, ils devraient surtout être plus prudents, car ils sont des proies pour les chasseuses de primes. Il faut aussi qu’ils soient un peu discrets, qu’ils se méfient des réseaux sociaux et ne fassent pas preuve de trop de vantardise. Mais le reste, c’est leur vie privée. Je vous vois venir avec l’exemplarité… Nos sportifs doivent être des exemples pour la jeunesse. Admettons : ce sont des exemples de courage et de dépassement de soi. Mais certainement pas des exemples de morale et de vertu. Qui décide de ce qui est moral ou vertueux, d’ailleurs ? Ce n’est quand même pas la FFR ! Désolé, pour ma part, je ne trouve pas immoral d’aller en boite de nuit, d’avoir des relations sexuelles consenties et même de boire. C’est peut-être stupide, nocif et concernant l’alcool il faut bien sûr le boire avec modération, mais nos sportifs sont des adultes.
Je ne vous refais pas ici le coup de la « tradition ». Les sacrifices humains étaient une tradition chez les incas, et je ne vais pas les recommander pour autant. Ce n’est donc pas au nom de la tradition qu’il faut défendre la troisième mi-temps, mais au nom de la liberté. Ras-le-bol des dames patronnesses et des ligues de vertu. Si le plaisir est souvent déraisonnable, il n’est pas immoral.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin
Selon le linguiste Alain Bentolila, il est aberrant d’enseigner le français à des enfants qui ne maîtrisent même pas les fondamentaux de leur langue maternelle. En continuant sur cette voie, les pays dits francophones ne produiront plus que des analphabètes.
Un enfant ne peut apprendre à lire et à écrire dans une langue qu’il ne parle pas. Quelle que soit la méthode de lecture choisie, quelle que soit la démarche pédagogique empruntée, cet enfant aura fort peu de chance de parvenir à maîtriser la langue écrite, tout simplement parce qu’il ne maîtrisera pas suffisamment la langue orale.
Être confronté à des mots écrits qui ne correspondent à rien dans son intelligence est en effet pour un élève la promesse de ne jamais apprendre à lire. Avant même d’apprendre à lire, un enfant devrait en effet posséder, en moyenne, un répertoire de quelque 1850 mots oraux liés chacun au sens qui lui correspond. C’est cela qui lui permet, lorsqu’on lui parle, de reconnaître le « bruit d’un mot » et d’en comprendre le sens en interrogeant le petit «dictionnaire mental oral » qu’il s’est progressivement constitué. C’est ce même dictionnaire de mots oraux qu’il pourra questionner une fois que son enseignant lui aura appris à traduire en sons ce qu’il aura découvert en lettres. Mais si l’enfant ne possède pas, dans son petit dictionnaire, le mot qu’il a « déchiffré », il n’y aura aucun sens derrière le bruit qu’il a mis tant de soin à construire. Adieu le sens des phrases ! Adieu le sens des textes !
Cette situation dramatique, qui met en difficulté, en France, environ 10% d’enfants, en concerne plus de 50% au Sénégal, au Maroc, en Haïti et dans la plupart des pays dits francophones. Dans ces pays, des maîtres d’école peu formés tentent d’inculquer à leurs élèves les mécanismes qui relient les lettres qui composent les mots aux sons qui leur correspondent. Ces élèves vont ainsi parvenir à mémoriser ces correspondances et être plus ou moins capables de traduire laborieusement en sons ce qu’ils découvrent en lettres. Mais à quoi rime cette capacité de déchiffrage, difficilement acquise, si le bruit du mot fabriqué avec effort par les élèves sénégalais ou haïtiens n’active rien dans des cerveaux qui ne possèdent pas le moindre vocabulaire français ? À rien, bien sûr. Car, ne l’oublions pas, apprendre à lire ce n’est pas apprendre une langue nouvelle, mais retrouver, sous une autre forme, une langue que l’on pratique déjà. Si la pénurie de vocabulaire promet à certains élèves français d’être en difficulté de lecture, la quasi-inexistence de vocabulaire assure à l’immense majorité des élèves des pays dits francophones de devenir analphabètes.
Une École digne de ce nom – où qu’elle soit – doit ainsi enseigner ses apprentissages fondamentaux dans la langue que parlent et comprennent ses élèves. Dans tous les pays où les élèves parlent une langue différente de la langue d’enseignement, c’est leur langue maternelle qui doit leur permettre d’accéder à la lecture et à l’écriture, sauf à confondre récitation et lecture. C’est sur cette base solide qui met la compréhension au centre des apprentissages qu’ils pourront ensuite accéder aux langues d’ouverture. En bref, il y a urgence pédagogique à instaurer en Haïti, au Sénégal, au Maroc… la langue maternelle comme première langue d’apprentissage de l’écrit. Ce n’est qu’une fois satisfaite la nécessité d’appuyer l’apprentissage de la lecture sur la langue maternelle de chaque enfant que l’on pourra envisager avec sagesse la maîtrise de la langue française afin qu’elle constitue une chance supplémentaire de promotion culturelle et sociale.
Les systèmes éducatifs de certains pays dits francophones sont ainsi des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec parce qu’ils n’ont jamais voulu (ou su) résoudre la question qui les détruit : celles des choix linguistiques. Arriver à cinq ou six ans dans une école et y être accueilli dans une langue que sa mère ne lui a pas apprise est pour un enfant une violence intolérable. Être confronté à des mots écrits qui ne correspondent à rien dans son intelligence est pour un élève la promesse de ne jamais apprendre à lire.
Mais ne confondons pas le cas du petit Haïtien, du petit Sénégalais ou du petit Guyanais qui ne parlent souvent pas un mot de français lorsqu’ils poussent la porte de l’école avec celui du petit Breton, du petit Occitan ou de bien des élèves martiniquais et réunionnais des centres-villes qui parlent convenablement le français et qui, en revanche, maîtrisent fort mal la langue régionale. Dans le premier cas il y a « urgence pédagogique » à instaurer la langue maternelle comme première langue d’apprentissage parce qu’elle est le seul instrument de communication. Mais, pour des élèves qui parlent français, utiliser les langues régionales comme langues d’enseignement n’est justifié ni d’un point de vue politique ni d’un point de vue cognitif. C’est confondre, au nom d’une « diversité linguistique sublimée », une nécessité pédagogique et un respect légitime des identités culturelles. En aucun cas un décret instaurant l’usage d’une langue régionale à l’école (breton, occitan, basque) n’aura le pouvoir de bouleverser la hiérarchie des langues que l’histoire a imposée sur notre territoire. Si l’introduction de la langue catalane dans les écoles de l’Autonomie fut légitime, c’est parce qu’elle fut l’aboutissement d’un processus de transformation politique, administrative et sociale. Alors que la création d’isolats scolaires en Bretagne, en Occitanie ou ailleurs ne se justifie ni sur le plan pédagogique (la plupart des élèves ont pour langue maternelle le français) ni sur le plan social (la langue de promotion est le français). Il s’agit d’une revendication purement idéologique qui ne concerne d’ailleurs qu’une minorité d’enfants plutôt favorisés. Ce qui est étrange, c’est que ce sont les mêmes « bons apôtres » qui encensent la francophonie – dont ils refusent de voir les effets pervers – qui chantent par ailleurs les louanges d’une diversité linguistique mettant en péril l’unité de notre pays.
Mardi, alors que tout le monde avait les yeux rivés sur la motion de censure visant le malheureux Michel Barnier, Gabriel Attal et Elisabeth Borne étaient introuvables.
On connaît l’expression « Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné ». Cela se dit lorsque deux personnes, agissant par intérêt, se prétendent disposées à s’accorder mutuellement quelques faveurs. Tout cela se fait le plus souvent sous le manteau, le procédé – effectivement entaché d’un fort esprit de magouille – ne sentant pas très bon. Le séné et la rhubarbe, ne l’oublions pas, sont classés laxatifs dans la pharmacopée traditionnelle. Nonobstant, le recours à cet usage est des plus fréquents en politique, domaine, il est vrai, où les professionnels de la profession ne sont pas du genre à se pincer le nez devant ce qui pue. Edouard Herriot, qui n’était pas avare de formules hilarantes et décapantes, n’avait-il pas coutume de lâcher : « La politique, c’est comme l’andouille. Ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop » ? Sur ce point, il faut bien dire que depuis le grand festival séné-rhubarbe de l’entre deux tours des législatives, nous sommes servis. On pourrait même affirmer sans crainte aucune d’être démenti que le « sentir mais pas trop » recommandé par le fin connaisseur Herriot est dépassé de beaucoup.
Rendez-vous secret
Nous en avons eu une – nouvelle et anecdotique – illustration ces jours derniers à l’occasion d’une tractation de ce genre, en catimini, entre deux personnalités de premier rang, puisque passées par Matignon. Nous sommes mardi dernier. L’actuel hôte de ce même Matignon se trouve confronté à sa première motion de censure. Il est 16h. Il pourrait s’offrir une petite sieste, la gesticulation parlementaire de la gauche fera long feu. Motion rejetée. Les deux prédécesseurs de l’actuel Premier ministre brillaient par leur absence. Ils avaient – ensemble – ce rendez-vous secret. Une entrevue où devait être discutée quelque chose comme la teneur précise de la rhubarbe et du séné. En jeu, la candidature au poste de secrétaire général du parti Renaissance. Élection prévue en novembre prochain.
Élisabeth Borne s’est déclarée candidate de longtemps. Mais voilà bien que le jeune et remuant Gabriel Attal se prend à lorgner aussi sur ce trophée, bien qu’il soit déjà président du groupe parlementaire à l’Assemblée. Depuis qu’il a dû lâcher l’os (à moelle) de Matignon, on ne retient plus l’Attal cannibale. Il veut tout. Et tout de suite. L’homme a les belles dents de la jeunesse et il les a très longues. Or, Madame Borne n’entend pas renoncer aussi aisément. Elle trouve que trop c’est trop et que l’Attal, justement, les dépasse, les bornes (Je sais, facile. Mais tellement tentant…). D’où l’entrevue secrète. Elle a pour cadre le domicile d’un proche du président Macron. Ce qui a intrigué les observateurs à l’affût de ces choses-là, c’est que la rencontre ait eu lieu justement loin des territoires habituels où se jouent les affaires de la politique. Là, on franchissait la Seine, carrément, on s’aventurait dans un de ces quartiers où il n’y a ni ministères, ni institutions d’État. Bref, si vous préférez, là où les gens vivent de leur travail.
Une élection dont les modalités seront connues ce jeudi 10 octobre dans la soirée
Il est clair que l’ambitieux Attal n’est pas venu à ce quatre à cinq sans biscuits, sans quelque arôme particulièrement entêtant à fourrer dans la vapoteuse de Mme Borne. Aura-t-elle été sensible à ses arguments, à ses offres de dédommagement ? Aura-t-il suffi que son challenger se fende d’un mix bien corsé Séné / Rhubarbe ? Nous devrions le savoir très vite. Après ce sont les militants qui, lors du congrès, auront à se prononcer. Sans surprise aucune, ils le feront dans le sens qui aura été décidé à leur insu, en catimini, lors de cet énième épisode de l’interminable, l’indémodable feuilleton « la démocratie dans le boudoir ». De plus, ils se verront priés d’applaudir très fort et de trouver que tout cela sent malgré tout très bon.