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Assassinat de Matisse: le biotope français menacé d’une catastrophe écologique

Rahim, le mineur afghan mis en examen pour le meurtre de Matisse, 15 ans, à Châteauroux (36), a été mis sous les verrous dans l’attente de son procès. Plus que tout, l’exécutif qui se vantait que les Afghans soient les premiers bénéficiaires du droit d’asile, semble craindre la récupération politique de l’affaire par l’opposition.


Inlassablement, le même scénario se décline : à la campagne, à la ville ou dans les banlieues. Des gamins finissent assassinés, violentés, harcelés ou violés dans nos rues, sans que jamais l’accumulation des drames ne sorte le bon peuple de sa torpeur. On rouspète, on proteste, mais guère plus. Un jour prochain, la lassitude deviendra peut-être habitude et l’hésitation cèdera finalement la place au renoncement. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Il est toujours temps de s’indigner, d’enfin tirer les conclusions que la situation impose.

Un “Papy Voise” par jour

Un peu moins d’un mois en arrière, j’écrivais ici-même un article1 relatant le passage à tabac ayant entrainé la mort de Shemseddine, un collégien qui avait eu le malheur d’échanger quelques mots avec une fille de son âge vivant dans une cité voisine. Comme à l’accoutumée, les élus locaux n’avaient pas assez de mots pour exprimer leur surprise, leur effroi face à ce drame qui touchait une ville de Viry-Châtillon (91) décrite comme habituellement « paisible ». Comment serait-ce donc possible qu’en République égalitaire et bienveillante des adolescents en viennent à se tuer pour des messages téléphoniques ? La faute aux réseaux sociaux ? Aux vilains jeux-vidéos ? Ils n’ont toutefois pas osé désigner le rap – il faut dire que le business est juteux. Rien sur les véritables raisons : le gouffre anthropologique qui sépare notre société de droit, fondée sur la culture de la culpabilité, de réflexes tribalistes où « l’honneur » est placé au-dessus de toutes autres considérations.

Bardella affirme que “Matisse est la nouvelle victime d’une politique migratoire insensée”

Ils ne l’ont pas fait parce qu’il est trop douloureux de contempler l’échec total d’une politique migratoire aveugle additionnée au laxisme et au rejet de tous les instincts humains. Le Français ne doit pas être seulement civilisé, il doit être domestiqué et émasculé, dépouillé de ses plus petites émotions. Il lui est enseigné dès le berceau que « la violence ne résout rien », qu’il faut « tendre la joue gauche », « dire à la maîtresse » ou « rapporter aux parents ». Dans ces conditions, le fait que des « enfants de la République » ne se conforment pas à ces injonctions est profondément intolérable à tous ces gens qui ont cru qu’on pourrait, du jour au lendemain, faire de parfaits petits Républicains avec des Afghans fraichement débarqués de zones de guerre ou des Tchétchènes descendus des farouches montagnes du Caucase.

Tout serait parti d’une improvisation de rap

En face, on se rend soi-même justice pour la plus petite offense. La violence est décuplée quand l’orgueil est touché, car perdre la face est pour certains de ces gens une peine bien plus grave que perdre un procès tenu par un juge encarté au Syndicat de la magistrature. Matisse, gamin de 15 ans, a été tué par un migrant afghan de son âge accompagné de sa propre mère. Il a aussi été tué par un système permissif et ouvert aux quatre vents, que le maire de Châteauroux a parfaitement incarné ces derniers jours. Rappel des faits. Rahman, réfugié afghan dans l’Indre, a été vexé après s’être ridiculisé lors d’un « freestyle » de rap improvisé auquel assistait sa future victime. Excédé par les taquineries de Matisse, il lui a asséné un coup de poing. Mais le jeune Français savait se défendre. Il a répliqué et lui a cassé le nez. Plutôt que de prendre sur lui et d’encaisser une leçon de vie, Rahman a foncé chez lui pour récupérer un couteau puis est revenu sur les lieux accompagné de sa mère. Il a alors donné quatre coups de couteau pour « laver l’affront », avant que sa génitrice ne finisse le travail en assénant deux claques à Matisse qui agonisait au sol.

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Les bourreaux se victimisent

Pire encore, les deux psychopathes ont joué la carte du « racisme ». Nos Afghans ont bien compris une chose en arrivant dans notre pays : la « victime » systémique a toujours raison. Le « racisme » est un tel tabou, devenu le crime de la pensée le plus radical de notre époque, que pour certains un « retourne dans ton pays » justifierait bien un meurtre. Ils ont donc tenté leur chance. Et ça a marché quelques heures auprès de ces mêmes populations qui ayant saccagé la France une semaine entière pour Nahel, qui avait pourtant refusé d’obtempérer et conduisait une voiture de sport alors qu’il était mineur, se sont empressés de dire que finalement « l’injure raciste » pouvait se payer au prix fort… Las, la vérité est désormais sue grâce au Parquet et aux témoins : Matisse n’a pas été « raciste », il s’est simplement défendu courageusement face au voyou du quartier qui terrorisait même certains ilotiers.

Nos gouvernants s’enorgueillissent de voir les Afghans premiers bénéficiaires du droit d’asile

Il s’est si honorablement défendu qu’il a réveillé l’ire de barbares qui n’ont pas leur place chez nous. Pas parce qu’ils seraient « islamistes », la famille semblant plus portée sur l’alcool et la débauche que la prière, mais parce qu’ils proviennent d’une culture tribale portée sur la violence, archaïque et inadaptable à une société d’ordre. Ces gens ne sont pas transposables dans le biotope français. Alors oui, il y a parmi eux des personnes très biens et de véritables réfugiés, mais le risque est trop grand et rien ne justifie que la France accueille des Afghans, Soudanais ou autres Pakistanais venus de cultures totalement différentes, pas même intégrées à l’espace francophone ou occidental. Songeons par ailleurs que la famille de Rahman avait pris le commandement présidentiel appelant au réarmement démographique au pied de la lettre, puisque la mère est présentement enceinte de son… septième enfant. Comment lutter face à une natalité si débridée, inconsciente ?

Certainement pas avec les éléments de langage de Gil Avérous, maire divers droite de Châteauroux qui a immédiatement demandé à ce que le cas ne soit pas « récupéré » sur demande du cabinet du ministère de l’Intérieur. L’information m’a été donnée par une personne qui suit au plus près le dossier. N’est-il pas infâme de ne penser qu’aux conséquences politiques de ces horribles crimes ? N’est-ce pas là la plus abjecte récupération ? Et c’est, du reste, le meilleur moyen de faire progresser leurs adversaires politiques… Le crime ne paie jamais. Surtout que ce gouvernement devrait en la matière se faire vraiment tout petit. Les chiffres rapportés par le compte de Marc Vanguard sur Twitter sont édifiants. Ainsi, le nombre de coups et blessures volontaires enregistrés dans les données policières de l’année 2023 a encore battu un record. 384 000 victimes ont pu être recensées cette année contre 110 000 en moyenne lors de la période où Lionel Jospin était Premier ministre. Sur la période 2012-2021, les violences ont augmenté de 47 % en France alors qu’elles ont diminué respectivement de 14 et 13% en Italie et en Allemagne. Depuis que Gérald Darmanin est ministre de l’Intérieur, nous assistons à une véritable flambée. Que fait-il en dehors de parader ?


  1.  https://www.causeur.fr/shemseddine-tue-devant-son-college-de-la-culture-de-la-honte-280566
    ↩︎

Paul Auster, le romancier du hasard, s’est éteint à Brooklyn


Salman Rushdie, dans son dernier livre autobiographique, Le Couteau (éditions Gallimard), nous donnait des nouvelles de Paul Auster. Elles n’étaient pas très bonnes, après l’annonce de son cancer en 2022. Rushdie écrivait de son ami : « Je rendis visite à Paul Auster dans sa maison de Park Slope à Brooklyn. Quelle année il avait vécue. […] Et maintenant, le cancer. Il avait entamé une chimiothérapie et avait perdu ses cheveux. » Rushdie se permet une blague amicale sur son état de santé, ce qui fait rire Auster. « C’était bon, écrit Rushdie, de le voir et de l’entendre rire. J’étais heureux de le voir si optimiste. Mais le cancer était sournois. »
La mort de Paul Auster à 77 ans, hier soir dans cette maison de Brooklyn dont parle Salman Rushdie, a eu raison des relations étroites qui unissaient les deux hommes. Ils avaient en commun l’exigence de l’amitié, ainsi que cet amour de la littérature qui, à chaque fois qu’une telle disparition se produit, fait dire à celui qui reste : « Mort à jamais, qui peut le dire ? »

Un écrivain américain francophile

Dans le cas de Paul Auster, nous avons affaire à l’un des romanciers américains les plus francophiles qui fût jamais. Durant sa vie, il n’a cessé de rendre hommage à notre littérature, dont il était un grand connaisseur. Encore enfant, il avait subi l’influence bienfaisante d’un oncle lettré, traducteur de Virgile, qui lui avait ouvert l’esprit aux langues étrangères, et sans doute au français. Quand il intègre l’Université Columbia, à New York, il sait déjà que c’est cette littérature raffinée qui l’intéresse. En 1971, Paul Auster vient s’installer en France pour plusieurs années, et il y rencontre notamment le poète André du Bouchet.

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Quand il revient à New York, il traduit des auteurs de chez nous comme Mallarmé, Breton ou Simenon. Pour gagner sa vie, il fait de la critique littéraire et tente en vain de publier un manuscrit de roman policier. C’est alors que son père meurt subitement, ce qui le bouleverse profondément. Cet évènement, qui se révélera fondateur pour lui, lui inspire en 1982 un livre ambitieux, L’Invention de la solitude. Au début, le succès se fait encore attendre, mais finit par arriver. La suite de sa brillante carrière d’écrivain se développe à partir de cette publication : Moon Palace (1990) confirme son aura de romancier, ainsi que Léviathan (1993), qui reçoit le prix Médicis étranger.

Le romancier du hasard

Au total, Paul Auster aura écrit une œuvre considérable, plus de quarante livres traduits dans autant de langues. Il aborda des domaines très divers, puisqu’il fut aussi poète (depuis l’âge de douze ans), essayiste et scénariste. Nombreux sont ses ouvrages autobiographiques, également. Il se consacra un temps au cinéma, d’abord en collaborant avec le metteur en scène Wayne Wang pour plusieurs films, dont Smoke, Ours d’argent à Berlin en 1995. Il passa ensuite à la réalisation, avec par exemple Lulu on the Bridge (1998). Paul Auster fut sans conteste un touche-à-tout de génie, disposant d’une palette de talents d’une grande amplitude, qui fait penser aux Lumières du XVIIIe siècle. Moon Palace, attachant roman d’initiation, en porte par exemple la trace évidente. En plus d’être un exceptionnel raconteur d’histoires, Paul Auster était un philosophe hanté par l’idée implacable du hasard. Il avait fait sienne la devise mallarméenne, selon laquelle « jamais un coup de dés n’abolira le hasard ». Dans son roman 4 3 2 1 (2018), Paul Auster avait choisi de présenter les quatre vies possibles d’un Juif russe émigré à New York. Paul Auster était le petit-fils de Juifs originaires d’Europe centrale. La question cruciale de l’identité revenait par conséquent souvent sous sa plume, et donnait à son propos une intensité très vive, dans laquelle beaucoup de lecteurs d’aujourd’hui se reconnaissaient.
Dans son ultime roman, Baumgartner, sorti très récemment chez Actes Sud (l’éditeur de tous ses livres), Auster renouait avec cette problématique typiquement moderne de la perte d’identité. Il y posait une dernière fois la question : « Qu’est-ce qu’un homme ? », et donc, finalement : « Qui suis-je ? ».

Le moment ultime

Comme tous les grands écrivains, Paul Auster s’est demandé souvent ce qu’était la mort.
Dans ses romans, en particulier, il n’a pas esquivé cette question difficile, voire insoluble. Maintenant qu’il n’est plus parmi nous, l’heure a sonné de revenir sur ses livres, pour y découvrir un sens nouveau, comme si son art romanesque résidait aussi dans la préfiguration, certes métaphorique, du moment ultime. Les dernières lignes de Moon Palace répondent peut-être secrètement à cette interrogation, en particulier lorsqu’il écrit : « J’étais arrivé au bout du monde, et au-delà ne se trouvaient que de l’air et des vagues, un vide qui s’étendait sans obstacle jusqu’aux rives de la Chine. C’est ici que je commence, me dis-je, c’est ici que débute ma vie. » ‒ Car j’ai oublié de le dire : l’œuvre de Paul Auster est de celles qui redonnent espoir.


Tous les livres de Paul Auster sont publiés en France par les éditions Actes Sud.

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Salman Rushdie, Le Couteau, Réflexions suite à une tentative d’assassinat. Traduit de l’anglais par Gérard Meudal. Éd. Gallimard, 2024.

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Féminité, le temps des évidences

Le nouveau livre d’Isabelle Muller est un pied de nez aux doctrines qui visent à abolir les spécificités féminines et masculines. Avec talent et audace, elle réveille les esprits anesthésiés.


Voici le livre de la nécessaire réhabilitation des évidences perverties, le guide salutaire de la reconquête des territoires perdus de la raison.

L’auteur, Isabelle Muller (nous nous épargnerons ici les balourdises du type autrice), accompagnant un jour de 2018 la philosophe Marianne Durano à l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut (France Culture), entend avec stupeur l’autre intervenante invitée prophétiser l’avènement des temps de l’« autoengendrement à plusieurs », une bizarrerie dont on doit comprendre qu’elle consacrerait la phase ultime de l’abolition tant promise de la différenciation des sexes. On me pardonnera de ne pas développer plus avant cette révélation, l’autoengendrement, fût-il à plusieurs, s’inscrivant pour moi dans le registre des jargonnantes inepties du moment si prisées des maîtres à penser de ces territoires perdus de la raison évoqués plus haut.

Sentiment d’urgence

Face à cela, l’auteur est saisi de l’urgence de prendre la plume. On la comprend. Elle le fait avec une audace intellectuelle que les doctrines successives visant à l’abolition des spécificités féminines et masculines ont fini par chasser peu ou prou de nos esprits anesthésiés. Pensez donc ! Isabelle Muller ose la question : « Qu’est-ce qu’une femme ? » On entend d’ici les ricanements, les sarcasmes des wokistes d’en face. « Persister à s’interroger sur un truc qui n’existe pas, qui n’existe plus ? On ne fait pas plus ringard ! Comment peut-on ? » Or, notre auteur ne s’en tient pas à cela en matière d’audace conceptuelle, elle va jusqu’à développer le thème de la spécificité de l’âme féminine. Déjà, en soi, parler de l’âme ne court pas les pages de la littérature actuelle. Quant à lui accoler le qualificatif « féminine », cela frise le crime d’hérésie. Le bûcher n’est pas loin.

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Or, ne serait-ce qu’en référence à ces deux thèmes – centraux, il est vrai – du livre d’Isabelle Muller, je me permettrai, moi qui suis un homme (on me pardonnera aussi cette obscène revendication), de recommander la lecture du Temps de la féminité en premier à mes semblables, masculins, donc. (La lâcheté étant un de nos travers marquants, si cela les arrange, qu’ils le lisent en cachette. Mais qu’ils le lisent.)

Non seulement, ils renoueront avec l’évidence aujourd’hui pervertie de l’absolue spécificité du féminin, mais ils ne pourront que se laisser convaincre que cette spécificité ressortit tout simplement au sublime. « Une femme, par sa biologie et le corps qui lui est donné, écrit Isabelle Muller, peut accueillir la vie en son sein, faire grandir un être qui n’est pas complètement le sien, et donner naissance à une personne […] Elle engendre dans son propre corps, ce que l’homme ne peut pas. (Il engendre dans le corps d’autrui). » Et de convoquer Aristote en appui de son propos : « De cette différence essentielle, vertigineuse, naît tout le reste », conclut notre philosophe tutélaire. (Sur ce point, s’opposent donc la pensée d’Aristote et celle de Sandrine Rousseau. Arbitrage ô combien difficile).

Puis l’auteur se réfère à Marianne Durano, la jeune philosophe qu’elle accompagnait le jour de la révélation du « réengendrement » en réunion. « Qu’est-ce qu’être une femme? interroge cette dernière. C’est vivre dans sa chair la possibilité d’un autre, redouté et désiré, dont la virtualité même scande son avenir. C’est rejouer chaque mois le rythme des saisons, l’effervescence du printemps et la décomposition de l’automne, savoir intimement que l’humain est un être de nature, et que la vie en lui veut se transmettre avant de mourir. »

Tout est dit. Poétiquement dit, qui plus est. (À ce propos, le texte d’Isabelle Muller s’enrichit de poèmes éclairants et, en fin d’ouvrage, de textes d’auteurs de référence.)

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Dès lors, on se convainc sans peine que la très forte évidence ainsi affirmée – ou réaffirmée, ayant été oubliée, gommée, chassée – n’est autre que ce qui fonde la « supériorité métaphysique de la femme » et que, partant, elle devrait s’imposer à tous. Tranquillement, sereinement. Joyeusement. Dans la magie d’une adhésion à une sorte d’Amor Fati, d’amour du destin.

Être une femme, c’est vivre dans sa chair la possibilité d’un autre, venons-nous de lire. Cela exprime tout simplement que, à elle seule, cette possibilité constitue la condition nécessaire et suffisante de la féminité, quand bien même, pour telle ou telle raison, cette possibilité ne serait pas suivie d’effet. Nous sommes donc loin ici d’une quelconque injonction à procréer, cette interprétation biaisée et caricaturale que l’idéologie woko-féministe se complaît à agiter tel un épouvantail à peine est murmuré le beau mot de féminité.

Le féminisme fait désormais des femmes des victimes permanentes

Tout aussi caricatural serait de cantonner le champ d’excellence de l’âme féminine dans la sauvegarde, la protection du foyer compris dans sa seule dimension domestique, le bien fondé et la noblesse de celle-ci n’étant d’ailleurs nullement contestables. Mais le foyer en tant que territoire de féminité me semble devoir s’étendre évidemment bien au-delà. Lorsque la petite bergère de Lorraine s’engage et prend les armes, c’est au secours du foyer national, de la Patrie qu’elle vole. Ainsi de ses continuatrices de la Résistance, pour ne prendre que cet exemple. Quant à celles, innombrables, qui au sein du foyer – domestique cette fois – déployaient dans le même temps des trésors d’ingéniosité pour faire bouillir le rutabaga et nourrir le gosse et l’aïeul, il est bien clair qu’elles faisaient l’acceptation du même devoir sacré. Assurer la pérennité du foyer.

« Il revient à la femme de poser des choix conscients, écrit encore Isabelle Muller […] Rien ne justifie que les femmes se laissent imposer des parcours qui ne sont pas les leurs, des choix inconscients qui les empêcheraient de remplir leur mission essentielle. » Aujourd’hui le spectre de ces choix est ouvert au plus large. « De justes et nécessaires changements sont intervenus », se félicite-t-elle. Mais, à l’inverse, elle ne peut que déplorer la dérive délétère actuellement en marche : « Alors que les femmes ont acquis une juste égalité, une place et un rayonnement dans la société sans doute jamais égalés, notre époque cherche à déconstruire la différence des sexes […] Elle fait d’elle [la femme] une victime permanente qui serait sans cesse discriminée. »

Voilà donc le piètre résultat d’un féminisme, sans doute originellement profitable et légitime sur le plan social, mais qui, s’ingéniant à nier la féminité n’aurait réussi, au fil de dévoiements et d’errements multiples, qu’à nier la femme même.

Refermant le livre d’Isabelle Muller, surgit tout naturellement une autre évidence. Le temps du féminisme ayant produit ce que l’on sait, n’y aurait-il pas urgence à passer à celui de la féminité ? 

Isabelle Muller, Le temps de la féminité, Éditions Boleine, 2024.

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En France, ça fait shit

Pendant qu’en France, Gérald Darmanin multipliait ses fameuses opérations « Place nette XXL », l’Allemagne légalisait le cannabis. « Salauds de Boches » ? 


L’Allemagne, constatant l’impossibilité de mettre fin au trafic ou d’emprisonner les millions de fumeurs de shit teutons, vient de décider d’une légalisation du cannabis au 1er avril 2024. Les mineurs auront toujours interdiction de s’en procurer. En revanche, les adultes pourront en détenir jusqu’à 50 grammes, faire pousser trois plants de « beuh » ou adhérer à des associations ayant pour objet d’en cultiver. Les objectifs sont multiples et incluent un contrôle de la qualité et de la teneur en THC, ainsi et surtout qu’une diminution du commerce illégal. Non content de cette évolution lucide, on semble vouloir outre-Rhin évaluer dans quelque temps les résultats de cette nouvelle approche – si ça se trouve, ça va marcher, ce serait horrible pour la Place Beauvau.

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« Salauds de Boches ! » doit en effet se lamenter Darmanin. Fidèle à la politique française de « guerre à la drogue » menée depuis cinquante ans (avec le succès que l’on sait), notre ministre mène des descentes de police très médiatisées, les fameuses « place nette XXL ». Inspirée des opérations « coup de poing » de jadis, cette mise en scène sous les caméras permet de donner l’illusion que notre État contrôle encore vaguement le territoire. Tout en offrant une distraction aux chefs de réseau emprisonnés qui peuvent commenter (en se gondolant) les opérations de police, ainsi que les quelques kilos de drogue saisis – prises dérisoires au regard de l’ampleur de la consommation.

« Salauds de Fridolins ! » entonnent néanmoins, à l’unisson du ministre XXS, les mafieux des cités. Il ne manquerait plus qu’une partie de ce commerce soit légalisée en France comme en Allemagne. Qu’ils se rassurent : comme dans bien d’autres domaines, la France ne change pas une politique qui a lamentablement échoué. Continuons le combat que nous avons perdu à plates coutures il y a une trentaine d’années. Mais chut ! On ne réveille pas un ministre qui roupille.

Causeur: Intégristes contre intégrés. Dernière chance avant la charia

Découvrez le sommaire de notre numéro de mai


Samara tabassée à Montpellier, Shemseddine battu à mort à Viry-Châtillon, Rachid poignardé à Bordeaux. Dans de nombreux quartiers de France, la charia devient la norme commune et l’islam, la véritable nationalité d’une grande partie de la jeunesse musulmane. Si Gabriel Attal a osé nommer le mal, la Macronie s’est empressée de noyer le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes. Devant cette islamisation de la société française, comme le fait remarquer Elisabeth Lévy, « les militants de l’aveuglement ont pris de sérieux coups de réel sur la caboche ». Car, dans les endroits où l’islam est majoritaire, ce dernier représente, bien plus qu’une religion, « une frontière identitaire ». Se confiant à Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou, l’écrivain Omar Youssef Souleimane, auteur de Etre français et d’Une chambre en exil (2023), affirme avoir retrouvé en France ce qu’il pensait ne plus voir en fuyant la Syrie : l’islam politique. Il s’alarme d’observer qu’en France, toute une jeunesse endoctrinée considère que l’islam est sa nationalité.

Le magazine Causeur est disponible à la vente maintenant sur la boutique en ligne et jeudi 2 mai en kiosques.

Dans le combat contre l’islamisme, toutes les forces sont nécessaires, selon Ivan Rioufol, qu’elles viennent de gauche ou de droite. Lâcher Mila – comme l’ont fait certaines figures de la « gauche républicaine » – au prétexte de ses fréquentations s’apparente à une trahison. Les querelles intestines affaiblissent la riposte et consolident notre ennemi. Il y a vingt ans, Jean-Pierre Obin, à l’époque inspecteur général de l’Éducation nationale, mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Interrogé par Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, l’auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (2020) et Les Profs ont peur (2023) livrent un jugement négatif sur notre présent : la tendance séparatiste s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité. Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie et auteur de Le Frérisme et ses réseaux (2023), ne se montre guère plus optimiste. Se confiant à Céline Pina, elle soutient que la police des mœurs islamiques est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats. Jean-Baptiste Roques dresse une liste des intimidations, agressions et assassinats commis au nom d’Allah qui, depuis une trentaine d’années, rythment la vie en France. Corinne Berger analyse la manière dont l’École en est venue à priver toute une jeunesse de notre culture et à laisser prospérer la loi du clan et l’hyperviolence. Les deux normaliens Pierre Vermeren, qui a récemment co-dirigé Les Frères musulmans à l’épreuve du pouvoir, et Jean-Loup Bonnamy, qui vient de publier L’Occident déboussolé, une critique implacable de la pensée décoloniale, dialoguent avec Jean-Baptiste Roques en brossant le portrait de l’islamo-gauchisme.

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Dans son édito du mois, notre Directrice de la rédaction revient sur la question des couvre-feux pour les enfants de moins de 13 ans. Bien qu’une majorité des Français y soit favorable, que la droite soit enthousiaste et que même à gauche on ne proteste que mollement, cette idée constitue un terrible aveu d’impuissance publique. Car « qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives ». Dans un grand entretien, Sarah Knafo, la stratège et compagne d’Éric Zemmour, nous parle de sa descente dans l’arène électorale. Désormais candidate en troisième place sur la liste conduite aux européennes par Marion Maréchal, cette patriote passée par l’ENA connaît ses dossiers. Immigration, islam, économie, elle est convaincue que les graves problèmes du pays appellent des solutions simples. Sur son rôle, souvent contesté, comme sur les frères ennemis, elle parle sans détour. Et refuse la fatalité.

Olivier Dartigolles nous parle de son amour pour les livres de Salman Rushdie mais avoue que, à la lecture de son nouveau volume Le Couteau, qui raconte comment l’écrivain a surmonté l’épreuve de la tentative d’assassinat en 2022, il a surtout été frappé par l’impuissance des mots, face à l’extrémisme, et le besoin d’action concrète. Racontant sa vie à l’Assemblée, Emmanuelle Ménard partage avec nous une de ces petites victoires qui, de temps en temps, permettent de reprendre confiance dans la politique. Stéphane Germain analyse les modalités du débat sur notre politique économique et trouve qu’il est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Selon lui, seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel. Jean-Michel Delacomptée a lu les nouveaux livres de Bernard-Henri Lévy (Solitude d’Israël) et de Gérard Araud (Israël, le piège de l’histoire) qui livre deux réflexions complémentaires sur l’État juif mais se rejoignent dans un même idéal de justice. Dans La République, c’était lui !, Éric Naulleau brosse le portrait de Jean-Luc Mélenchon en lider minimo et, selon Frédéric Magellan, montre comment un laïcard pur jus s’est mué en islamo-gauchiste convaincu, aussi séduit par les dictatures comme par la France des imams et des caïds.

Côté culture, nous risquons en ce moment de subir une overdose impressionniste, nous avertit Pierre Lamalattie. Jusqu’au 14 juillet, le musée d’Orsay célèbre les 150 ans de l’impressionnisme. Pour l’occasion, toutes les stars des cimaises sont réunies, Monet, Degas, Renoir, Morisot, Pissarro… et une partie du Salon de 1874 est reconstituée pour montrer l’ennui de la peinture académique. Résultat ? Une vision binaire de la création à la Belle Époque. Jonathan Siksou nous apprend que la mairie de Paris a une nouvelle cible dans son viseur : la place de la Concorde. Les ayatollahs de l’Hôtel de Ville sont déterminés à en bannir les voitures après les JO et à la « végétaliser » pour la rendre forcément plus festive. Une aberration urbaine et un affront à l’histoire de notre capitale. Nos intellos réunis s’apprêtent à commémorer le mois prochain les quarante ans de la mort de Michel Foucault. Pour Georgia Ray, le penseur de l’exclusion et de la prison, de la folie et du parricide, est aussi le coupable théoricien de la destruction de l’école, du savoir, de l’autorité, et de la détestation de la culture occidentale.

Un livre sur Depardieu écrit par deux journalistes du Monde ? On s’attendrait à une analyse haineuse et malhonnête. Pas du tout ! nous dit Yannis Ezziadi. L’enquête de Raphaëlle Bacqué et de Samuel Blumenfeld retrace la vie mouvementée, les blessures et le génie d’un géant français. Patrick Mandon a visité une exposition à Lunéville qui retrace la carrière fulgurante et le destin tragique de l’architecte le plus prisé de la fin de l’Ancien Régime. Si le nom de Richard Mique est tombé dans l’oubli, il est pourtant associé à Versailles et au Trianon : le style Marie-Antoinette, c’est lui ! Le nouveau roman de Caroline de Mulder expose un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : les Lebensborns. Dans ces bétaillères, des femmes sélectionnées et engrossées par de bons soldats devaient perpétuer la race aryenne. Pour Alexandra Lemasson, La Pouponnière d’Himmler est un roman glaçant mené de main de maître. Sophie Chauveau rend hommage à notre confrère, le journaliste et écrivain Benoît Rayski qui est mort le 20 mars. Fils d’Adam Rayski, chef politique de l’Affiche rouge, il a entretenu la mémoire de la Résistance communiste. Mais nombre de ses confrères ne lui ont pas pardonné d’avoir « viré à droite ». La prospère petite commune de Truchtersheim, en Alsace, recèle un secret connu par une poignée d’initiés – mais qu’Emmanuel Tresmontant partage avec nous –, à savoir son Super U ! Michel Nopper a transformé sa supérette franchisée en une épicerie fine dotée d’une cave féérique. Les plus grands crus y sont vendus à des prix très attractifs, ou presque.

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Enfin, Gilles-William Goldnadel, le président d’Avocats Sans Frontières, revient sur le succès qu’il vient de remporter auprès du gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom. Ce dernier a admonesté France-Inter pour avoir cité un chiffre représentant le nombre de morts supposés à Gaza le 8 janvier sans préciser que ce chiffre avait été fourni par le Hamas. Étrangement, ni France-Inter, ni Le Monde, ni Libé, ni Télérama n’ont parlé de cette admonestation. Mais Gilles-William Goldnadel en a parlé, et Causeur en a parlé. Car dans la lutte contre l’odieux visuel de sévices publics, il n’y a pas de petite victoire !

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Tant qu’il y aura des films

Une variation brillante sur le marché de l’art, un téléfilm à la gloire de José Bové et un western qui détourne les codes du genre, ainsi va le cinéma sur les écrans, tandis que Cannes s’apprête pour le Festival.


Adjugé !

Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, sortie le 1er mai

On connaît le grand talent de Pascal Bonitzer, d’abord comme scénariste (pour René Allio, André Téchiné, Barbet Schroeder, Jacques Rivette et Raoul Ruiz, entre autres) puis comme réalisateur depuis Encore en 1996. Suivront notamment Rien sur Robert, l’un des meilleurs films de Fabrice Luchini, Petites coupures avec un Daniel Auteuil en grande forme ou encore Cherchez Hortense où Jean-Pierre Bacri et Claude Rich excellaient littéralement. C’est d’ailleurs l’un des atouts de cet écrivain de cinéma surdoué : son goût pour les acteurs et sa capacité manifeste à les diriger. Le plaisir du spectateur est au rendez-vous : de bons comédiens servant un bon scénario aux dialogues ciselés. Qui dit mieux ? On pourrait presque parler d’une martingale Bonitzer qui lui fait occuper une place à part dans le paysage cinématographique français. Ses comédies sont subtiles, élégantes et mélancoliques. Pour les plus réussies d’entre elles, elles font d’ailleurs songer à celles de Jean-Paul Rappeneau, même si nul ne sait atteindre le sens du rythme de ce dernier.

© Pyramide Distribution

Le nouvel opus de Bonitzer, Le Tableau volé, prend d’ores et déjà une bonne place dans sa filmographie. Avec en premier lieu et comme il se doit une distribution impeccable, d’où émergent Alex Lutz, Louise Chevillote, Léa Drucker, Nora Hamzawi et, dans un second rôle plus que parfait, l’étonnant Alain Chamfort. Bonitzer a cette fois tricoté une sombre histoire de tableau volé par les nazis, offert à un collabo et retrouvé par hasard par un jeune ouvrier. Le tout inspiré d’une histoire vraie : la découverte, au début des années 2000, d’un tableau d’Egon Schiele, dans le pavillon d’un jeune ouvrier chimiste de la banlieue de Mulhouse, par un spécialiste d’art moderne d’une grande maison de vente internationale. Mais le tableau s’est révélé être une œuvre spoliée durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le film, cet expert, nommé André Masson, comme le peintre, est joué à la perfection par un Alex Lutz tout à la fois génialement odieux, professionnellement brillant et définitivement intéressé par l’argent et le profit. Dans son précédent film, Tout de suite maintenant, Bonitzer avait dressé le portrait sans concession des golden boys et girls de la finance internationale. La description du petit monde du marché de l’art haut de gamme est tout aussi corrosive. C’est un jeu de massacre d’autant plus efficace que Bonitzer manie le scalpel sans avoir l’air d’y toucher.

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Le mensonge, la dissimulation, l’hypocrisie sont au cœur du scénario, reléguant à l’arrière-plan le fameux tableau volé, remake funèbre des Tournesols de Van Gogh. Et Bonitzer réussit le pari de sortir de sa zone de confort habituelle, celle de la bonne bourgeoisie parisienne, pour dépeindre une autre classe sociale, défavorisée, aux antipodes des autres protagonistes du film. Si les deux camps se côtoient le temps de cette improbable rencontre, il est manifeste qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Avec pertinence, Bonitzer ne fait pas le coup de l’Art qui réunit les contraires : chacun, finalement, rejoint qui, son loft et qui, son pavillon de banlieue. Le tableau volé ne les a rassemblés que le temps d’une vente aux enchères record. Entretemps, le cinéaste a développé avec son brio habituel quelques thèmes transversaux, comme cette relation tumultueuse entre une fille et son père. Ce dernier lâche, en point d’orgue, un constat désabusé tiré d’un texte de Virginia Woolf selon lequel, vivre, se résume à « encaisser, lâcher du lest, tout revoir à la baisse ». Ainsi va le cinéma de Bonitzer : une légèreté grave qui fait mouche.


Refusé

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault, sortie le 1er mai

© Pascal Chantier

Est-il raisonnable de faire de José Bové un personnage « de fiction » sous les traits de Bouli Lanners – par ailleurs talentueux acteur et cinéaste belge ? On est persuadé du contraire en sortant de la projection du film d’Antoine Raimbault, Une affaire de principe. On a l’impression que pour ce cinéaste, la vie ressemble à un numéro de « Complément d’enquête » aux dialogues ciselés par Élise Lucet. Certes, nul ne peut contester l’extrême efficacité des groupes de pression qui, à Bruxelles, œuvrent au quotidien pour la défense de l’industrie du tabac. On se gardera bien d’ouvrir ici le débat sur la nocivité dudit tabac et ses dégâts sur la santé publique. Mais à force de bons sentiments, de caricatures et de clichés en tous genres, à force, surtout, de faire de Bové et des assistants parlementaires des sortes de nouveaux résistants contre l’occupant, le film sombre dans un prêchi-prêcha sans intérêt. Quitte à jouer avec la réalité jusqu’au grotesque quand, dans certaines scènes, on peut se croire dans Le Parrain avec un commissaire européen affaibli dans le rôle de Brando.


Réussi

Jusqu’au bout du monde, de Viggo Mortensen, sortie le 1er mai

© Metropolitan FilmExport

Avec la réalisation de ce deuxième long métrage après Falling, l’acteur américano-danois Viggo Mortensen prouve qu’il est un cinéaste talentueux. Adoptant les codes du western traditionnel pour mieux les détourner, il raconte l’histoire de Vivienne Le Coudy, une Canadienne d’origine française (incarnée par la toujours impeccable Vicky Creeps) qui, en 1860, à San Francisco, tombe amoureuse d’un immigrant danois nommé Holger Olsen (Mortensen lui-même). Mais la guerre de Sécession va se charger de perturber leur relation… En faisant porter son regard sur le personnage principal féminin, le cinéaste joue non sans malice avec la doxa du western en vigueur à Hollywood depuis l’invention du cinématographe. Sans tomber dans la caricature ou l’anachronisme, il fait le portrait d’une femme qui refuse les conventions sociales et décide seule de son destin. On pense à Sur la route de Madison, de Clint Eastwood, mais Viggo Mortensen assume un romantisme et un romanesque sincères et sans esbroufe larmoyante. Le tout à travers une mise en scène aussi sobre qu’efficace. Autrement dit, du cinéma classique et qui fait du bien.

Duhamel vs. Knafo: quand la politique-spectacle produit un petit chef-d’œuvre

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Face à Benjamin Duhamel sur BFMTV, c’était la toute première fois pour Sarah Knafo, la-conseillère-de-l-ombre d’Éric Zemmour, dimanche. Elle a dû faire face aux questions acides du journaliste. Replay.


Retrouvez un entretien de Sarah Knafo avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, dans le nouveau magazine Causeur (6 pages) NDLR•

Je me dois de vous confesser un vice majeur : les grands débats télévisés de la politique française sont mon sport préféré. Je ne m’en lasse jamais. J’ai vu les deux Mitterrand-Giscard, le Mitterrand-Chirac, le Sarkozy-Royal et le Hollande-Sarkozy un nombre incalculable de fois.

J’aime détecter les pièges que se tendent les candidats, je me délecte de regarder – parfois même au ralenti ou en arrêt sur image – les mains trembler, les regards vaciller, les voix trébucher dans les instants de tension maximale. J’aime la peur sur les visages, la panique qui perce sous l’impassibilité, la stupéfaction du favori quand il s’aperçoit qu’il est encerclé par les arguments du challenger et qu’il n’a pas de plan B. Les réputations détruites en une phrase. Les gaffes irréparables. J’aime voir la méchanceté partir à l’assaut et l’honnêteté se défendre bec et ongles. Et, maintenant que trois jours ont passé, je dois dire que le choc frontal entre Benjamin Duhamel et Sarah Knafo, dimanche dernier sur BFM, fut un modèle du genre. Revivons-le ensemble.

Théoriquement, les choses devraient bien se passer. C’est le premier vrai passage télé de Sarah Knafo, compagne et conseillère d’Éric Zemmour, et architecte de la campagne présidentielle de Reconquête en 2022. Elle se lance dans les élections européennes, à la troisième place sur la liste de Marion Maréchal. Précédée d’une réputation énigmatique de femme de l’ombre, que les anti-Zemmour se plaisent à trouver sulfureuse, elle choisit de faire ses débuts chez Benjamin Duhamel, un des intervieweurs-vedettes du moment.

Dans ce genre de cas de figure, le scénario est plus ou moins écrit d’avance. Comme il sait si bien le faire, Duhamel va commencer piano, laissant à son invitée le temps de se présenter, de prendre un peu ses aises, puis il va la titiller crescendo, mais sans forcer le trait : étant novice dans la domaine publique, Knafo ne traîne pas encore de casseroles. Il est bien trop tôt pour instruire son procès. Et puis, elle est jolie, souriante: impossible de la faire passer pour une sorcière au moment où elle entre en scène. La pendre haut et court et sans préliminaires serait fort mal élevé, inconvenant, voire même indécent : il ne prendra donc pas le risque.

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Sauf que, pour des raisons mystérieuses, Benjamin le subtil, l’habile, le rusé, décide de déchiqueter Knafo d’entrée, sans politesses ni tour de chauffe. En effet, l’interview commence et, au bout de trente-huit secondes, pas une de plus, la guerre est déclarée. Il lance, soulignant la difficulté pour la jeune Sarah de se présenter devant les électeurs alors même que les sondages donnent Reconquête en mauvaise position : « Vous avez le sens du sacrifice, ou c’est de la naïveté ? » Boum. Devant son écran plasma, l’habitué des joutes télévisées se dit alors : « Ok. Il veut la tuer. »

Gros plan sur Sarah Knafo. Il faut avoir figé l’image en cet instant très précis pour savoir ce qu’est le courage médiatique. Sarah Knafo lance à Benjamin Duhamel un sourire serein, bienveillant, presque maternel. Elle est surprise par la question et par son acidité, évidemment, mais elle n’en montre rien. On dirait une bonne copine à qui son meilleur pote vient de raconter une bonne blague.

Il faut s’arrêter sur cette très brève séquence parce qu’elle explique ce qui va suivre. Confrontés à une question introductive aussi ostensiblement mal intentionnée, Sarkozy aurait pris un air dégoûté, Mélenchon aurait enragé, Maréchal se serait indigné, Marine aurait botté en touche avec dédain, Bellamy aurait brandi un code de bonne conduite. Immobile, Sarah Knafo rigole silencieusement pendant deux secondes et lâche les premiers mots de sa carrière politique en plantant ses yeux revolver dans ceux, délavés jusqu’à l’absence, de Duhamel : « D’abord, c’est quand c’est difficile qu’il faut y aller. Ça, c’est mon caractère. » Badaboum. Elle a tout dit. 1. Tu ne me fais pas peur. 2. Si tu m’infirmes je m’affirme. 3. Prends garde à toi, petit d’homme : méfie-toi de mon côté panthère.

Le petit d’homme ne va pas prendre cet avertissement au sérieux. À mesure que les minutes, désormais extraordinairement tendues, s’accumulent, ses intentions se voient de mieux en mieux – de pire en pire -, comme la méchanceté au milieu de la figure. Il n’a pas de plan B et va se tenir à son plan A jusqu’au bout : détruire Sarah Knafo de façon systématique, acharnée, réellement stupéfiante. De mémoire de fin connaisseur du spectacle politique français, je n’ai jamais vu un journaliste mainstream agresser à ce point et aussi rapidement une personnalité politique. Pourtant, Zemmour lui-même, par exemple, en a vu des vertes et des pas mûres en 2021 et 2022… sauf qu’il était un expert surentraîné de la rixe à couteaux tirés. Ici, question venimeuse après question vénéneuse, Duhamel tente d’assassiner la soliste dans l’œuf. Que l’on me passe l’horreur de cette métaphore, car elle est juste : il veut faire de la naissance médiatique de Sarah Knafo un avortement.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter », écrit Emmanuel Kant. Benjamin Duhamel enferme Sarah Knafo dans une nasse de piques, de coups de dague qui perforent et lacèrent, il tape, il frappe, il tabasse. Qu’on me comprenne bien : pas une seule de ses questions n’est honnête ou objective, selon moi. Tout est à contrepied, à contretemps, par-derrière, savamment prémédité pour faire craquer la nouvelle venue. À croire qu’il espère la voir pleurer ou quitter le plateau. Et donc, à mon immense surprise, et très certainement à celle de nombreux spectateurs, Sarah Knafo est d’une magnifique intelligence au sens kantien: elle danse avec l’incertitude, elle enlace l’imprévisible, joue avec le prédateur, se joue de lui, déjoue toutes ses vilénies.

Je m’en voudrais de spoiler ce thriller de haut niveau. Indiquons tout de même la grande scène, celle qui restera dans les mémoires. Benjamin sort la chevrotine et vise en plein cœur.

Duhamel : « Vous êtes la compagne d’Éric Zemmour. On connaissait au Rassemblement National la politique de père en fille. À Reconquête, la politique se fait en couple ? »
Knafo : « La question m’étonne beaucoup venant de vous, Benjamin. »
Duhamel : « Pourquoi ? »
Knafo : « Parce que je sais que, vous aussi, vous subissez beaucoup d’accusations. »
Duhamel : « C’est-à-dire ? »
Knafo : « C’est-à-dire du piston. Vous êtes le fils de, le neveu de, etc. Donc, ça m’étonne beaucoup venant de vous. »
Duhamel : « Il ne vous a pas échappé que je ne me soumets pas au suffrage des Français. »
Knafo : « Ça change quelque chose ? »
Duhamel : « Non, mais je vous pose la question. »
Knafo : « Est-ce que vous êtes d’accord que les accusations qu’on vous fait sont tout à fait injustes ? Vous avez votre talent propre. Alors, si vous voulez, on peut aborder mon parcours ? »
Duhamel : « Attendez. Excusez-moi. Puisque vous mettez en cause ma probité… »
Knafo : « Non, votre question. »

Au terme de ce bras-de-fer-éclair initié avec une inélégance qui lui est peu coutumière, Benjamin Duhamel s’est fait déboîter le coude et Sarah Knafo ne s’est jamais départie de son sourire terriblement candide. Le comble est qu’en prononçant le mot « probité », complètement hors-sujet, tentant de poser son honneur sur la table au moment le moins opportun, l’intervieweur s’est fracassé au fond du piège qu’il avait creusé sous les pieds de son invitée. Quand on mord jusqu’au sang, il ne faut pas geindre si l’on se fait éclabousser. Il se déconsidère. Échec et mat, le match est plié.

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Car ce n’est pas un interview. C’est bel et bien un match de boxe, un guet-apens, un duel, une tuerie. Sarah Knafo n’y était pas préparée, mais elle a pris le dessus au moment crucial. Elle a maintenant l’initiative et la conservera. Mieux : visiblement, elle le comprend et y prend plaisir.

On n’a encore vu que le premier quart du temps de l’interview et Benjamin Duhamel ne s’avoue pas vaincu, alors qu’il l’est déjà à plate couture. Il va donc revenir à la charge inlassablement, ses assauts se brisant péniblement, sans espoir, sur le sourire de Sarah Knafo, son sens de la répartie, son flair et sa décontraction. Certains témoins se disent : cette femme est brillante et dangereuse, elle est une promesse pour l’avenir. La droite se dote d’une nouvelle combattante. La nouvelle Marie-France Garaud verrait-elle le jour en direct ? Alors, il faut remercier chaleureusement, sincèrement, Benjamin Duhamel. En jouant salement, comme on dit en football, en tentant de blesser Sarah Knafo, de lui faire mal, de la sortir du terrain et de la handicaper pour très longtemps, il a permis à la candidate de montrer, dès sa première fois et en un temps record, sa solidité, sa dureté quand c’est nécessaire, son enjôlante douceur sous l’orage, sa franchise en acier trempé, son humour dominateur, comme jamais un Pascal Praud, forcément plus complice, ou une Christine Kelly, nécessairement plus humaine, n’y seraient parvenu. En voulant faire de Knafo un macchabée, il lui a offert une stature, et même érigé une statue. Il a été l’ennemi idéal de la nouvelle amie des patriotes et des républicains. Félicitations, Benjamin. La France reconnaissante. À tous les amateurs d’empoignades verbales au cordeau, je ne peux que recommander ce one-woman-show qui peut-être, si Sarah Knafo continue sur cette voie et persiste à dévorer les carnassiers, laissera une trace dans les livres d’histoire de la télévision française et, pourquoi pas, j’aime rêver, de celle de la Cinquième République…


A voir également, Elisabeth Lévy : « On devrait se réjouir que des jeunes gens brillants comme Sarah Knafo s’engagent »

Une soupe et au lit!

Plusieurs maires ont annoncé leur intention de mettre en place un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.


C’est la dernière mode à droite. Contre la violence des jeunes, on a trouvé la solution : leur interdire de sortir de chez eux. De Gabriel Attal à Marion Maréchal en passant par Gérald Darmanin et Robert Ménard, le couvre-feu pour les mineurs se porte en bandoulière. Gérald Darmanin a ouvert le bal à Pointe-à-Pitre, Robert Ménard a embrayé, en édictant un couvre-feu pour les moins de 13 ans, de 23 heures à 6 h 30 dans trois quartiers de Béziers, suivi par le maire de Nice, Christian Estrosi. Même à Causeur, les forces de la réaction gagnent du terrain. À l’issue d’un joyeux pugilat, le camp de la liberté, emmené par votre servante, a été mis en minorité. Et à gauche, le braillomètre est plutôt mou du genou. Alexis Corbière parle du Béziers de son enfance où il pouvait jouer à l’ombre des lampadaires, L’Huma fustige les maires antijeunes, quelques associations biterroises manifestent contre les idées d’extrême droite, la Ligue des droits de l’homme rumine des poursuites. Mais le cœur n’y est pas. Peut-être parce que les électeurs, eux, approuvent massivement – d’après un sondage 67 % des Français, et 80 % des électeurs de droite sont favorables à la généralisation d’un couvre-feu pour les mineurs à partir de 23 heures afin « d’éloigner les jeunes de la délinquance ». On se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt.

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L’argument sans appel des partisans du couvre-feu, c’est qu’il est frappé au coin du bon sens. Qui peut s’opposer au bon sens – sinon les idéologues qui, depuis des décennies, s’emploient à maquiller le désastre ? Et pourtant. On pense à cette blague où un philosophe français dit à un confrère anglais : « Votre système est formidable en pratique. Mais en théorie ? » Eh bien, même si le couvre-feu était formidable en pratique, ce qui reste à démontrer, il n’en demeurerait pas moins dangereusement liberticide en théorie.

En prime, nous acceptons d’en rabattre sur nos libertés fondamentales pour un résultat des plus incertains. Sauf à être assorti de véritables sanctions, cette règle à dormir debout a peu de chances de dissuader les premiers concernés, c’est-à-dire les racailles qui pourrissent la vie de leurs cités. Certes, la main de mon cher Ménard ne tremblera pas. À Béziers, des parents devront récupérer leurs chers bambins au commissariat. Fort bien, et après ?

Je vous entends rouspéter. Des enfants de 13 ans n’ont rien à faire le soir dans la rue. Ça ressemble à une évidence, même si elle souffre de nombreuses exceptions. L’objectif concret, qui est de ne plus voir dans nos rues des jeunes incontrôlables, est légitime. Ce qui pose problème, c’est qu’on prétende y arriver en édictant des mesures générales de privation de liberté. Que celles-ci soient aussi populaires inquiète à défaut d’étonner – cela fait longtemps que les Français, avides de protection, ont pour la liberté un goût modéré.

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Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai pas la moindre compassion pour ces jeunes privés de sortie. Si on m’écoutait, on interdirait les enfants au restaurant, ou au moins on leur interdirait d’y parler[1]. Blague à part, il est vrai que les enfants, qui ne jouissent pas d’une pleine autonomie, ne sont pas titulaires des mêmes droits que les adultes, même si à 12 ou 13 ans, on bénéficie déjà d’une certaine liberté d’aller et venir. L’instauration de couvre-feux n’en est pas moins un terrible aveu d’impuissance publique : faute de pouvoir venir à bout des fauteurs de troubles, on décrète un confinement général. Au passage, cette punition collective prive des adultes responsables de leur autorité parentale. Cela rappelle ces féministes suédoises qui avaient inventé une arme radicale contre les violeurs : interdire aux hommes de sortir. On pourrait aussi fermer les magasins pour juguler l’inflation ou les bistrots pour éradiquer l’alcoolisme.

Qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives. À ce compte-là, il faudra un jour des lois pour imposer le port de chaussures, le brossage de dents ou le vousoiement des inconnus. Alors qu’on a exigé de l’Etat qu’il devienne notre mère, on lui demande désormais de se substituer aux parents défaillants, autrement dit d’être le dernier refuge d’une puissance paternelle qu’on s’acharne à destituer partout ailleurs. Ordonner à un ado de rester dans sa chambre et lui demander s’il veut être une fille ou un garçon, c’est une double injonction qui peut rendre fou. On ne redressera pas la France en sacrifiant la liberté à l’ordre. Du reste, si les sujets du roi Charles aiment tant la liberté, c’est peut-être qu’elle procure encore plus de satisfactions en pratique qu’en théorie.


[1] Que personne ne me balance au Parquet, je blague. Quoique.

LFI: Voltaire a bon dos…

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Si les propos actuels des Insoumis parvenaient à ses oreilles, le philosophe des Lumières pourrait se retourner dans sa tombe !


Ecouter Mathilde Panot le 28 avril au Grand Jury, avec une animation sans complaisance d’Olivier Bost, et Manon Aubry le 29 sur Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin, c’est d’abord constater la pensée rigoureusement unique de LFI, l’identité des réponses, la similitude des ambiguïtés et le caractère monotone de répliques gangrenées par le caporalisme partisan. Au-delà de cette impression de désolation répétitive, j’ai été frappé par l’argumentation développée sur l’enquête ordonnée par le Parquet de Paris à la suite d’un communiqué de Mathilde Panot engageant le groupe parlementaire. Il assimilait le terrorisme du Hamas à la normalité d’une armée régulière. Était visé le délit d’apologie de terrorisme. Pour Mmes Panot et Aubry, et sans doute pour la globalité des députés LFI, cette enquête serait une honte puisqu’elle concernerait la responsable d’un groupe parlementaire d’opposition et que ce serait une atteinte gravissime à la démocratie.

Une enquête dont on aurait pu se passer

Je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas républicain, face à un tel communiqué, même émanant d’une présidente de groupe parlementaire, d’ordonner une enquête pour établir ou non la réalité de l’infraction concernée. Qu’elle puisse être éventuellement imputable à Mathilde Panot, en sa qualité de présidente de groupe, ne rend pas la démarche honteuse. Sa légitimité judiciaire demeure entière.

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Cela dit, pour ma part, je me serais bien gardé, en responsabilité, d’avoir une telle réaction. J’aurais considéré d’emblée qu’aussi perverse et contestable que soit la formulation incriminée, elle relevait d’une approche partisane, de nature purement politique, et qu’en démocratie, on avait le droit d’en faire usage. Faute de quoi la liberté d’expression serait vite réduite, trop vite assujettie à une qualification pénale.

Il n’est donc pas contradictoire de défendre le droit d’ordonner une enquête et celui de considérer qu’au fond, on aurait peut-être dû s’en dispenser. Il est fondamental, quel que soit le parti concerné, de veiller à ne pas empiéter par la loi sur ce qui constitue la liberté d’opinion. La frontière est parfois mince, elle appelle une vigilance toute particulière.

Comme un boomerang

Il est piquant alors, de la part de LFI qui exige à son bénéfice une liberté d’expression pleine et entière, sans la moindre entrave, d’entendre les mêmes, au nom d’une conception idéologique et hémiplégique de ce beau concept démocratique, réclamer contre ses adversaires censures, éradications, ostracismes. Faut-il rappeler Aymeric Caron[1] laissant CNews être insulté et boycotté sans réagir à Sciences Po ? On a encore en mémoire la diatribe de Jean-Luc Mélenchon contre la même chaîne!

A lire aussi: Columbia, Sciences-Po: les étudiants, les idiots utiles du Hamas

Ainsi, conscients ou non du caractère schizophrénique de leurs positions, ils viennent, la bouche en cœur, au nom du pluralisme et de la liberté, exiger des droits pour eux mais les refuser sans vergogne à leurs contradicteurs. Si on suivait Saint-Just et son « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », LFI serait bien mal lotie!

Le comble est d’entendre Manon Aubry se réfugier derrière la phrase tellement exploitée attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Invoquer cette splendide définition d’une confrontation civilisée et républicaine a une saveur saumâtre quand, trop souvent, chez LFI, à l’encontre de ceux qui ne pensent pas comme eux, la haine, l’outrance et le désir de disparition ont remplacé l’humanisme élémentaire. Alors, que ceux qui au quotidien méconnaissent le principe que Voltaire aurait édicté au moins se taisent!

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[1] https://www.causeur.fr/aymeric-caron-sciences-po-lfi-contre-cnews-enieme-episode-281797

Aimez-vous la choucroute?

Notre chroniqueuse a-t-elle bien fait d’aller voir Back to Black au cinéma ? Aurait-elle mieux fait de rester chez elle, à réécouter l’album légendaire d’Amy Winehouse sorti en 2006 ? Réponse.


Le film sur la vie de la dernière élue du Club des 27, Amy Winehouse, Back to Black, sorti mercredi dernier, n’a pas bonne presse. Le biopic est un genre cinématographique mal-aimé, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. On lui reproche de nous proposer une version d’Amy Winehouse idéalisée, d’éluder ses démons. Cependant, la réalisatrice a pris le parti de nous montrer un aspect de la star plus méconnu: la midinette londonienne qui hantait les pubs pour y écouter de la musique et y trouver l’amour.

Back to Black, aucun rapport avec la choucroute, a carrément titré Libération au sujet du film réalisé par Sam Taylor-Johnson. L’ensemble de la presse est plus que mitigée au sujet de ce film. On lui reproche, notamment, d’être trop édulcoré, et de ne pas mettre assez l’accent sur la noirceur et le tragique du parcours de la chanteuse londonienne (1983-2011). Certains vont même jusqu’à dire que la réalisatrice en a fait une rom-com (comédie romantique) ! Allons, allons…

On sait déjà tout d’Amy Winehouse

Avant d’y aller de ma (modeste) analyse, je voudrais quand même répondre à Olivier Lamm, l’auteur de l’article de Libé précité1. Félicitons d’abord l’auteur de la titraille, digne des plus belles heures de Libération… Mais, qu’est-ce-que l’auteur y connaît, à la « choucroute » ? Qui est-il, pour donner des leçons de rock’n’roll et de tout ce qui va avec ? Il nous joue l’éternelle ritournelle sex, drugs and rock’n’roll, c’est bien ça ? Jusqu’à affirmer que le film est un « condensé d’indécence ». Ce journaliste se pose en expert en « malheurs » et « descente aux enfers », comme s’il était un quelconque dépositaire de l’âme damnée d’Amy Winehouse. Et si c’était plutôt cela, qui était indécent ?

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D’autant plus que le parcours tragique et magnifique de celle que les journaux ont appelé la « diva soul » est déjà très bien montré dans le documentaire d’Asif Kapadia : Amy, datant de 2015. Tout y est : la gloire, la chute, les quantités astronomiques de drogues qu’elle consommait (jusqu’à impressionner Peter Doherty, pourtant expert en la matière), les paparazzis, le boy-friend toxique, le père qui était loin d’être blanc-bleu, les concerts ratés, ceux où les Dieux de la soul music étaient avec elle… Rien ne manque. L’excellent travail accompli par le réalisateur de ce documentaire m’a donc fait douter moi aussi du bien fondé d’un biopic. Qu’allions nous apprendre de plus ?

Il semble que le parti pris de la réalisatrice ait été celui-ci : montrer une autre Amy, moins tapageuse, moins scandaleuse. Celle qui chantait lors des fêtes de famille, qui était championne de snooker, qui avait décoré sa chambre de jeune fille comme une bonbonnière et qui adorait sa grand-mère Cynthia, son « role model » qui lui inspira son look vintage et sa choucroute.

Ils m’ont dit qu’il était mauvais…

L’été 2021, pour commémorer les 10 ans de sa mort, Arte avait diffusé un autre excellent documentaire : Amy Winehouse : Back to Black, que j’avais chroniqué dans ces colonnes. Il s’agissait du making of de l’album aux 16 millions d’exemplaires vendus Back to Black. Le producteur de l’album, Mark Ronson, y parlait de la star comme d’une midinette qui aimait les girls bands des années 60, ceux qui vendaient « des cœurs brisés au kilomètres » et qui nous offraient une musique de juke box qu’Amy écoutait dans les pubs de Nord de Londres lorsqu’elle n’était pas encore célèbre.

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Une des plus jolies scènes du film est la rencontre d’Amy Winehouse avec le fameux Blake Fielder-Civil, ce lad, ce semi-voyou cockney qu’elle voyait comme un demi-dieu. Blake y fait justement jouer au juke-box The leader of the pack, le tube des Shangri-Las. Les yeux d’Amy brillent (excellente Marisa Abela) : « They told me he was bad, but I knew he was sad / That’s why I fell for the leader of pack »2, dit la chanson. Et l’histoire d’amour entre la diva et son bad boy peut commencer…

Ma petite morale de l’histoire : c’est certainement en mettant bouts à bouts les deux documentaires et ce biopic que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que fut Amy : une jeune fille rêveuse et frêle, qui abritait en elle une voix d’un autre monde qui a fini par avoir sa peau. À ce titre, le biopic un peu sucré actuellement sur nos écrans n’est pas complètement futile.


  1. https://www.liberation.fr/culture/cinema/back-to-black-le-biopic-damy-winehouse-aucun-rapport-avec-la-choucroute-20240423_4U6DAF5I3JGF5NMXPVQDBTDFGM/ ↩︎
  2. Ils m’ont dit qu’il était mauvais, mais je savais qu’il était triste / c’est pour cela que j’ai succombé au chef de bande. ↩︎

Assassinat de Matisse: le biotope français menacé d’une catastrophe écologique

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DR

Rahim, le mineur afghan mis en examen pour le meurtre de Matisse, 15 ans, à Châteauroux (36), a été mis sous les verrous dans l’attente de son procès. Plus que tout, l’exécutif qui se vantait que les Afghans soient les premiers bénéficiaires du droit d’asile, semble craindre la récupération politique de l’affaire par l’opposition.


Inlassablement, le même scénario se décline : à la campagne, à la ville ou dans les banlieues. Des gamins finissent assassinés, violentés, harcelés ou violés dans nos rues, sans que jamais l’accumulation des drames ne sorte le bon peuple de sa torpeur. On rouspète, on proteste, mais guère plus. Un jour prochain, la lassitude deviendra peut-être habitude et l’hésitation cèdera finalement la place au renoncement. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Il est toujours temps de s’indigner, d’enfin tirer les conclusions que la situation impose.

Un “Papy Voise” par jour

Un peu moins d’un mois en arrière, j’écrivais ici-même un article1 relatant le passage à tabac ayant entrainé la mort de Shemseddine, un collégien qui avait eu le malheur d’échanger quelques mots avec une fille de son âge vivant dans une cité voisine. Comme à l’accoutumée, les élus locaux n’avaient pas assez de mots pour exprimer leur surprise, leur effroi face à ce drame qui touchait une ville de Viry-Châtillon (91) décrite comme habituellement « paisible ». Comment serait-ce donc possible qu’en République égalitaire et bienveillante des adolescents en viennent à se tuer pour des messages téléphoniques ? La faute aux réseaux sociaux ? Aux vilains jeux-vidéos ? Ils n’ont toutefois pas osé désigner le rap – il faut dire que le business est juteux. Rien sur les véritables raisons : le gouffre anthropologique qui sépare notre société de droit, fondée sur la culture de la culpabilité, de réflexes tribalistes où « l’honneur » est placé au-dessus de toutes autres considérations.

Bardella affirme que “Matisse est la nouvelle victime d’une politique migratoire insensée”

Ils ne l’ont pas fait parce qu’il est trop douloureux de contempler l’échec total d’une politique migratoire aveugle additionnée au laxisme et au rejet de tous les instincts humains. Le Français ne doit pas être seulement civilisé, il doit être domestiqué et émasculé, dépouillé de ses plus petites émotions. Il lui est enseigné dès le berceau que « la violence ne résout rien », qu’il faut « tendre la joue gauche », « dire à la maîtresse » ou « rapporter aux parents ». Dans ces conditions, le fait que des « enfants de la République » ne se conforment pas à ces injonctions est profondément intolérable à tous ces gens qui ont cru qu’on pourrait, du jour au lendemain, faire de parfaits petits Républicains avec des Afghans fraichement débarqués de zones de guerre ou des Tchétchènes descendus des farouches montagnes du Caucase.

Tout serait parti d’une improvisation de rap

En face, on se rend soi-même justice pour la plus petite offense. La violence est décuplée quand l’orgueil est touché, car perdre la face est pour certains de ces gens une peine bien plus grave que perdre un procès tenu par un juge encarté au Syndicat de la magistrature. Matisse, gamin de 15 ans, a été tué par un migrant afghan de son âge accompagné de sa propre mère. Il a aussi été tué par un système permissif et ouvert aux quatre vents, que le maire de Châteauroux a parfaitement incarné ces derniers jours. Rappel des faits. Rahman, réfugié afghan dans l’Indre, a été vexé après s’être ridiculisé lors d’un « freestyle » de rap improvisé auquel assistait sa future victime. Excédé par les taquineries de Matisse, il lui a asséné un coup de poing. Mais le jeune Français savait se défendre. Il a répliqué et lui a cassé le nez. Plutôt que de prendre sur lui et d’encaisser une leçon de vie, Rahman a foncé chez lui pour récupérer un couteau puis est revenu sur les lieux accompagné de sa mère. Il a alors donné quatre coups de couteau pour « laver l’affront », avant que sa génitrice ne finisse le travail en assénant deux claques à Matisse qui agonisait au sol.

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Les bourreaux se victimisent

Pire encore, les deux psychopathes ont joué la carte du « racisme ». Nos Afghans ont bien compris une chose en arrivant dans notre pays : la « victime » systémique a toujours raison. Le « racisme » est un tel tabou, devenu le crime de la pensée le plus radical de notre époque, que pour certains un « retourne dans ton pays » justifierait bien un meurtre. Ils ont donc tenté leur chance. Et ça a marché quelques heures auprès de ces mêmes populations qui ayant saccagé la France une semaine entière pour Nahel, qui avait pourtant refusé d’obtempérer et conduisait une voiture de sport alors qu’il était mineur, se sont empressés de dire que finalement « l’injure raciste » pouvait se payer au prix fort… Las, la vérité est désormais sue grâce au Parquet et aux témoins : Matisse n’a pas été « raciste », il s’est simplement défendu courageusement face au voyou du quartier qui terrorisait même certains ilotiers.

Nos gouvernants s’enorgueillissent de voir les Afghans premiers bénéficiaires du droit d’asile

Il s’est si honorablement défendu qu’il a réveillé l’ire de barbares qui n’ont pas leur place chez nous. Pas parce qu’ils seraient « islamistes », la famille semblant plus portée sur l’alcool et la débauche que la prière, mais parce qu’ils proviennent d’une culture tribale portée sur la violence, archaïque et inadaptable à une société d’ordre. Ces gens ne sont pas transposables dans le biotope français. Alors oui, il y a parmi eux des personnes très biens et de véritables réfugiés, mais le risque est trop grand et rien ne justifie que la France accueille des Afghans, Soudanais ou autres Pakistanais venus de cultures totalement différentes, pas même intégrées à l’espace francophone ou occidental. Songeons par ailleurs que la famille de Rahman avait pris le commandement présidentiel appelant au réarmement démographique au pied de la lettre, puisque la mère est présentement enceinte de son… septième enfant. Comment lutter face à une natalité si débridée, inconsciente ?

Certainement pas avec les éléments de langage de Gil Avérous, maire divers droite de Châteauroux qui a immédiatement demandé à ce que le cas ne soit pas « récupéré » sur demande du cabinet du ministère de l’Intérieur. L’information m’a été donnée par une personne qui suit au plus près le dossier. N’est-il pas infâme de ne penser qu’aux conséquences politiques de ces horribles crimes ? N’est-ce pas là la plus abjecte récupération ? Et c’est, du reste, le meilleur moyen de faire progresser leurs adversaires politiques… Le crime ne paie jamais. Surtout que ce gouvernement devrait en la matière se faire vraiment tout petit. Les chiffres rapportés par le compte de Marc Vanguard sur Twitter sont édifiants. Ainsi, le nombre de coups et blessures volontaires enregistrés dans les données policières de l’année 2023 a encore battu un record. 384 000 victimes ont pu être recensées cette année contre 110 000 en moyenne lors de la période où Lionel Jospin était Premier ministre. Sur la période 2012-2021, les violences ont augmenté de 47 % en France alors qu’elles ont diminué respectivement de 14 et 13% en Italie et en Allemagne. Depuis que Gérald Darmanin est ministre de l’Intérieur, nous assistons à une véritable flambée. Que fait-il en dehors de parader ?


  1.  https://www.causeur.fr/shemseddine-tue-devant-son-college-de-la-culture-de-la-honte-280566
    ↩︎

Paul Auster, le romancier du hasard, s’est éteint à Brooklyn

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L'écrivain américain Paul Auster photographié en 2017 © DAVID HARTLEY/Shutterst/SIPA

Salman Rushdie, dans son dernier livre autobiographique, Le Couteau (éditions Gallimard), nous donnait des nouvelles de Paul Auster. Elles n’étaient pas très bonnes, après l’annonce de son cancer en 2022. Rushdie écrivait de son ami : « Je rendis visite à Paul Auster dans sa maison de Park Slope à Brooklyn. Quelle année il avait vécue. […] Et maintenant, le cancer. Il avait entamé une chimiothérapie et avait perdu ses cheveux. » Rushdie se permet une blague amicale sur son état de santé, ce qui fait rire Auster. « C’était bon, écrit Rushdie, de le voir et de l’entendre rire. J’étais heureux de le voir si optimiste. Mais le cancer était sournois. »
La mort de Paul Auster à 77 ans, hier soir dans cette maison de Brooklyn dont parle Salman Rushdie, a eu raison des relations étroites qui unissaient les deux hommes. Ils avaient en commun l’exigence de l’amitié, ainsi que cet amour de la littérature qui, à chaque fois qu’une telle disparition se produit, fait dire à celui qui reste : « Mort à jamais, qui peut le dire ? »

Un écrivain américain francophile

Dans le cas de Paul Auster, nous avons affaire à l’un des romanciers américains les plus francophiles qui fût jamais. Durant sa vie, il n’a cessé de rendre hommage à notre littérature, dont il était un grand connaisseur. Encore enfant, il avait subi l’influence bienfaisante d’un oncle lettré, traducteur de Virgile, qui lui avait ouvert l’esprit aux langues étrangères, et sans doute au français. Quand il intègre l’Université Columbia, à New York, il sait déjà que c’est cette littérature raffinée qui l’intéresse. En 1971, Paul Auster vient s’installer en France pour plusieurs années, et il y rencontre notamment le poète André du Bouchet.

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Quand il revient à New York, il traduit des auteurs de chez nous comme Mallarmé, Breton ou Simenon. Pour gagner sa vie, il fait de la critique littéraire et tente en vain de publier un manuscrit de roman policier. C’est alors que son père meurt subitement, ce qui le bouleverse profondément. Cet évènement, qui se révélera fondateur pour lui, lui inspire en 1982 un livre ambitieux, L’Invention de la solitude. Au début, le succès se fait encore attendre, mais finit par arriver. La suite de sa brillante carrière d’écrivain se développe à partir de cette publication : Moon Palace (1990) confirme son aura de romancier, ainsi que Léviathan (1993), qui reçoit le prix Médicis étranger.

Le romancier du hasard

Au total, Paul Auster aura écrit une œuvre considérable, plus de quarante livres traduits dans autant de langues. Il aborda des domaines très divers, puisqu’il fut aussi poète (depuis l’âge de douze ans), essayiste et scénariste. Nombreux sont ses ouvrages autobiographiques, également. Il se consacra un temps au cinéma, d’abord en collaborant avec le metteur en scène Wayne Wang pour plusieurs films, dont Smoke, Ours d’argent à Berlin en 1995. Il passa ensuite à la réalisation, avec par exemple Lulu on the Bridge (1998). Paul Auster fut sans conteste un touche-à-tout de génie, disposant d’une palette de talents d’une grande amplitude, qui fait penser aux Lumières du XVIIIe siècle. Moon Palace, attachant roman d’initiation, en porte par exemple la trace évidente. En plus d’être un exceptionnel raconteur d’histoires, Paul Auster était un philosophe hanté par l’idée implacable du hasard. Il avait fait sienne la devise mallarméenne, selon laquelle « jamais un coup de dés n’abolira le hasard ». Dans son roman 4 3 2 1 (2018), Paul Auster avait choisi de présenter les quatre vies possibles d’un Juif russe émigré à New York. Paul Auster était le petit-fils de Juifs originaires d’Europe centrale. La question cruciale de l’identité revenait par conséquent souvent sous sa plume, et donnait à son propos une intensité très vive, dans laquelle beaucoup de lecteurs d’aujourd’hui se reconnaissaient.
Dans son ultime roman, Baumgartner, sorti très récemment chez Actes Sud (l’éditeur de tous ses livres), Auster renouait avec cette problématique typiquement moderne de la perte d’identité. Il y posait une dernière fois la question : « Qu’est-ce qu’un homme ? », et donc, finalement : « Qui suis-je ? ».

Le moment ultime

Comme tous les grands écrivains, Paul Auster s’est demandé souvent ce qu’était la mort.
Dans ses romans, en particulier, il n’a pas esquivé cette question difficile, voire insoluble. Maintenant qu’il n’est plus parmi nous, l’heure a sonné de revenir sur ses livres, pour y découvrir un sens nouveau, comme si son art romanesque résidait aussi dans la préfiguration, certes métaphorique, du moment ultime. Les dernières lignes de Moon Palace répondent peut-être secrètement à cette interrogation, en particulier lorsqu’il écrit : « J’étais arrivé au bout du monde, et au-delà ne se trouvaient que de l’air et des vagues, un vide qui s’étendait sans obstacle jusqu’aux rives de la Chine. C’est ici que je commence, me dis-je, c’est ici que débute ma vie. » ‒ Car j’ai oublié de le dire : l’œuvre de Paul Auster est de celles qui redonnent espoir.


Tous les livres de Paul Auster sont publiés en France par les éditions Actes Sud.

Moon Palace

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L'Invention de la solitude

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Léviathan

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Baumgartner

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4 3 2 1

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Salman Rushdie, Le Couteau, Réflexions suite à une tentative d’assassinat. Traduit de l’anglais par Gérard Meudal. Éd. Gallimard, 2024.

Le Couteau: Réflexions suite à une tentative d'assassinat

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Féminité, le temps des évidences

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Isabelle Muller © Anh de France

Le nouveau livre d’Isabelle Muller est un pied de nez aux doctrines qui visent à abolir les spécificités féminines et masculines. Avec talent et audace, elle réveille les esprits anesthésiés.


Voici le livre de la nécessaire réhabilitation des évidences perverties, le guide salutaire de la reconquête des territoires perdus de la raison.

L’auteur, Isabelle Muller (nous nous épargnerons ici les balourdises du type autrice), accompagnant un jour de 2018 la philosophe Marianne Durano à l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut (France Culture), entend avec stupeur l’autre intervenante invitée prophétiser l’avènement des temps de l’« autoengendrement à plusieurs », une bizarrerie dont on doit comprendre qu’elle consacrerait la phase ultime de l’abolition tant promise de la différenciation des sexes. On me pardonnera de ne pas développer plus avant cette révélation, l’autoengendrement, fût-il à plusieurs, s’inscrivant pour moi dans le registre des jargonnantes inepties du moment si prisées des maîtres à penser de ces territoires perdus de la raison évoqués plus haut.

Sentiment d’urgence

Face à cela, l’auteur est saisi de l’urgence de prendre la plume. On la comprend. Elle le fait avec une audace intellectuelle que les doctrines successives visant à l’abolition des spécificités féminines et masculines ont fini par chasser peu ou prou de nos esprits anesthésiés. Pensez donc ! Isabelle Muller ose la question : « Qu’est-ce qu’une femme ? » On entend d’ici les ricanements, les sarcasmes des wokistes d’en face. « Persister à s’interroger sur un truc qui n’existe pas, qui n’existe plus ? On ne fait pas plus ringard ! Comment peut-on ? » Or, notre auteur ne s’en tient pas à cela en matière d’audace conceptuelle, elle va jusqu’à développer le thème de la spécificité de l’âme féminine. Déjà, en soi, parler de l’âme ne court pas les pages de la littérature actuelle. Quant à lui accoler le qualificatif « féminine », cela frise le crime d’hérésie. Le bûcher n’est pas loin.

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Or, ne serait-ce qu’en référence à ces deux thèmes – centraux, il est vrai – du livre d’Isabelle Muller, je me permettrai, moi qui suis un homme (on me pardonnera aussi cette obscène revendication), de recommander la lecture du Temps de la féminité en premier à mes semblables, masculins, donc. (La lâcheté étant un de nos travers marquants, si cela les arrange, qu’ils le lisent en cachette. Mais qu’ils le lisent.)

Non seulement, ils renoueront avec l’évidence aujourd’hui pervertie de l’absolue spécificité du féminin, mais ils ne pourront que se laisser convaincre que cette spécificité ressortit tout simplement au sublime. « Une femme, par sa biologie et le corps qui lui est donné, écrit Isabelle Muller, peut accueillir la vie en son sein, faire grandir un être qui n’est pas complètement le sien, et donner naissance à une personne […] Elle engendre dans son propre corps, ce que l’homme ne peut pas. (Il engendre dans le corps d’autrui). » Et de convoquer Aristote en appui de son propos : « De cette différence essentielle, vertigineuse, naît tout le reste », conclut notre philosophe tutélaire. (Sur ce point, s’opposent donc la pensée d’Aristote et celle de Sandrine Rousseau. Arbitrage ô combien difficile).

Puis l’auteur se réfère à Marianne Durano, la jeune philosophe qu’elle accompagnait le jour de la révélation du « réengendrement » en réunion. « Qu’est-ce qu’être une femme? interroge cette dernière. C’est vivre dans sa chair la possibilité d’un autre, redouté et désiré, dont la virtualité même scande son avenir. C’est rejouer chaque mois le rythme des saisons, l’effervescence du printemps et la décomposition de l’automne, savoir intimement que l’humain est un être de nature, et que la vie en lui veut se transmettre avant de mourir. »

Tout est dit. Poétiquement dit, qui plus est. (À ce propos, le texte d’Isabelle Muller s’enrichit de poèmes éclairants et, en fin d’ouvrage, de textes d’auteurs de référence.)

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Dès lors, on se convainc sans peine que la très forte évidence ainsi affirmée – ou réaffirmée, ayant été oubliée, gommée, chassée – n’est autre que ce qui fonde la « supériorité métaphysique de la femme » et que, partant, elle devrait s’imposer à tous. Tranquillement, sereinement. Joyeusement. Dans la magie d’une adhésion à une sorte d’Amor Fati, d’amour du destin.

Être une femme, c’est vivre dans sa chair la possibilité d’un autre, venons-nous de lire. Cela exprime tout simplement que, à elle seule, cette possibilité constitue la condition nécessaire et suffisante de la féminité, quand bien même, pour telle ou telle raison, cette possibilité ne serait pas suivie d’effet. Nous sommes donc loin ici d’une quelconque injonction à procréer, cette interprétation biaisée et caricaturale que l’idéologie woko-féministe se complaît à agiter tel un épouvantail à peine est murmuré le beau mot de féminité.

Le féminisme fait désormais des femmes des victimes permanentes

Tout aussi caricatural serait de cantonner le champ d’excellence de l’âme féminine dans la sauvegarde, la protection du foyer compris dans sa seule dimension domestique, le bien fondé et la noblesse de celle-ci n’étant d’ailleurs nullement contestables. Mais le foyer en tant que territoire de féminité me semble devoir s’étendre évidemment bien au-delà. Lorsque la petite bergère de Lorraine s’engage et prend les armes, c’est au secours du foyer national, de la Patrie qu’elle vole. Ainsi de ses continuatrices de la Résistance, pour ne prendre que cet exemple. Quant à celles, innombrables, qui au sein du foyer – domestique cette fois – déployaient dans le même temps des trésors d’ingéniosité pour faire bouillir le rutabaga et nourrir le gosse et l’aïeul, il est bien clair qu’elles faisaient l’acceptation du même devoir sacré. Assurer la pérennité du foyer.

« Il revient à la femme de poser des choix conscients, écrit encore Isabelle Muller […] Rien ne justifie que les femmes se laissent imposer des parcours qui ne sont pas les leurs, des choix inconscients qui les empêcheraient de remplir leur mission essentielle. » Aujourd’hui le spectre de ces choix est ouvert au plus large. « De justes et nécessaires changements sont intervenus », se félicite-t-elle. Mais, à l’inverse, elle ne peut que déplorer la dérive délétère actuellement en marche : « Alors que les femmes ont acquis une juste égalité, une place et un rayonnement dans la société sans doute jamais égalés, notre époque cherche à déconstruire la différence des sexes […] Elle fait d’elle [la femme] une victime permanente qui serait sans cesse discriminée. »

Voilà donc le piètre résultat d’un féminisme, sans doute originellement profitable et légitime sur le plan social, mais qui, s’ingéniant à nier la féminité n’aurait réussi, au fil de dévoiements et d’errements multiples, qu’à nier la femme même.

Refermant le livre d’Isabelle Muller, surgit tout naturellement une autre évidence. Le temps du féminisme ayant produit ce que l’on sait, n’y aurait-il pas urgence à passer à celui de la féminité ? 

Isabelle Muller, Le temps de la féminité, Éditions Boleine, 2024.

Le temps de la féminité

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En France, ça fait shit

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D.R

Pendant qu’en France, Gérald Darmanin multipliait ses fameuses opérations « Place nette XXL », l’Allemagne légalisait le cannabis. « Salauds de Boches » ? 


L’Allemagne, constatant l’impossibilité de mettre fin au trafic ou d’emprisonner les millions de fumeurs de shit teutons, vient de décider d’une légalisation du cannabis au 1er avril 2024. Les mineurs auront toujours interdiction de s’en procurer. En revanche, les adultes pourront en détenir jusqu’à 50 grammes, faire pousser trois plants de « beuh » ou adhérer à des associations ayant pour objet d’en cultiver. Les objectifs sont multiples et incluent un contrôle de la qualité et de la teneur en THC, ainsi et surtout qu’une diminution du commerce illégal. Non content de cette évolution lucide, on semble vouloir outre-Rhin évaluer dans quelque temps les résultats de cette nouvelle approche – si ça se trouve, ça va marcher, ce serait horrible pour la Place Beauvau.

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« Salauds de Boches ! » doit en effet se lamenter Darmanin. Fidèle à la politique française de « guerre à la drogue » menée depuis cinquante ans (avec le succès que l’on sait), notre ministre mène des descentes de police très médiatisées, les fameuses « place nette XXL ». Inspirée des opérations « coup de poing » de jadis, cette mise en scène sous les caméras permet de donner l’illusion que notre État contrôle encore vaguement le territoire. Tout en offrant une distraction aux chefs de réseau emprisonnés qui peuvent commenter (en se gondolant) les opérations de police, ainsi que les quelques kilos de drogue saisis – prises dérisoires au regard de l’ampleur de la consommation.

« Salauds de Fridolins ! » entonnent néanmoins, à l’unisson du ministre XXS, les mafieux des cités. Il ne manquerait plus qu’une partie de ce commerce soit légalisée en France comme en Allemagne. Qu’ils se rassurent : comme dans bien d’autres domaines, la France ne change pas une politique qui a lamentablement échoué. Continuons le combat que nous avons perdu à plates coutures il y a une trentaine d’années. Mais chut ! On ne réveille pas un ministre qui roupille.

Causeur: Intégristes contre intégrés. Dernière chance avant la charia

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de mai


Samara tabassée à Montpellier, Shemseddine battu à mort à Viry-Châtillon, Rachid poignardé à Bordeaux. Dans de nombreux quartiers de France, la charia devient la norme commune et l’islam, la véritable nationalité d’une grande partie de la jeunesse musulmane. Si Gabriel Attal a osé nommer le mal, la Macronie s’est empressée de noyer le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes. Devant cette islamisation de la société française, comme le fait remarquer Elisabeth Lévy, « les militants de l’aveuglement ont pris de sérieux coups de réel sur la caboche ». Car, dans les endroits où l’islam est majoritaire, ce dernier représente, bien plus qu’une religion, « une frontière identitaire ». Se confiant à Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou, l’écrivain Omar Youssef Souleimane, auteur de Etre français et d’Une chambre en exil (2023), affirme avoir retrouvé en France ce qu’il pensait ne plus voir en fuyant la Syrie : l’islam politique. Il s’alarme d’observer qu’en France, toute une jeunesse endoctrinée considère que l’islam est sa nationalité.

Le magazine Causeur est disponible à la vente maintenant sur la boutique en ligne et jeudi 2 mai en kiosques.

Dans le combat contre l’islamisme, toutes les forces sont nécessaires, selon Ivan Rioufol, qu’elles viennent de gauche ou de droite. Lâcher Mila – comme l’ont fait certaines figures de la « gauche républicaine » – au prétexte de ses fréquentations s’apparente à une trahison. Les querelles intestines affaiblissent la riposte et consolident notre ennemi. Il y a vingt ans, Jean-Pierre Obin, à l’époque inspecteur général de l’Éducation nationale, mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Interrogé par Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, l’auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (2020) et Les Profs ont peur (2023) livrent un jugement négatif sur notre présent : la tendance séparatiste s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité. Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie et auteur de Le Frérisme et ses réseaux (2023), ne se montre guère plus optimiste. Se confiant à Céline Pina, elle soutient que la police des mœurs islamiques est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats. Jean-Baptiste Roques dresse une liste des intimidations, agressions et assassinats commis au nom d’Allah qui, depuis une trentaine d’années, rythment la vie en France. Corinne Berger analyse la manière dont l’École en est venue à priver toute une jeunesse de notre culture et à laisser prospérer la loi du clan et l’hyperviolence. Les deux normaliens Pierre Vermeren, qui a récemment co-dirigé Les Frères musulmans à l’épreuve du pouvoir, et Jean-Loup Bonnamy, qui vient de publier L’Occident déboussolé, une critique implacable de la pensée décoloniale, dialoguent avec Jean-Baptiste Roques en brossant le portrait de l’islamo-gauchisme.

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Dans son édito du mois, notre Directrice de la rédaction revient sur la question des couvre-feux pour les enfants de moins de 13 ans. Bien qu’une majorité des Français y soit favorable, que la droite soit enthousiaste et que même à gauche on ne proteste que mollement, cette idée constitue un terrible aveu d’impuissance publique. Car « qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives ». Dans un grand entretien, Sarah Knafo, la stratège et compagne d’Éric Zemmour, nous parle de sa descente dans l’arène électorale. Désormais candidate en troisième place sur la liste conduite aux européennes par Marion Maréchal, cette patriote passée par l’ENA connaît ses dossiers. Immigration, islam, économie, elle est convaincue que les graves problèmes du pays appellent des solutions simples. Sur son rôle, souvent contesté, comme sur les frères ennemis, elle parle sans détour. Et refuse la fatalité.

Olivier Dartigolles nous parle de son amour pour les livres de Salman Rushdie mais avoue que, à la lecture de son nouveau volume Le Couteau, qui raconte comment l’écrivain a surmonté l’épreuve de la tentative d’assassinat en 2022, il a surtout été frappé par l’impuissance des mots, face à l’extrémisme, et le besoin d’action concrète. Racontant sa vie à l’Assemblée, Emmanuelle Ménard partage avec nous une de ces petites victoires qui, de temps en temps, permettent de reprendre confiance dans la politique. Stéphane Germain analyse les modalités du débat sur notre politique économique et trouve qu’il est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Selon lui, seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel. Jean-Michel Delacomptée a lu les nouveaux livres de Bernard-Henri Lévy (Solitude d’Israël) et de Gérard Araud (Israël, le piège de l’histoire) qui livre deux réflexions complémentaires sur l’État juif mais se rejoignent dans un même idéal de justice. Dans La République, c’était lui !, Éric Naulleau brosse le portrait de Jean-Luc Mélenchon en lider minimo et, selon Frédéric Magellan, montre comment un laïcard pur jus s’est mué en islamo-gauchiste convaincu, aussi séduit par les dictatures comme par la France des imams et des caïds.

Côté culture, nous risquons en ce moment de subir une overdose impressionniste, nous avertit Pierre Lamalattie. Jusqu’au 14 juillet, le musée d’Orsay célèbre les 150 ans de l’impressionnisme. Pour l’occasion, toutes les stars des cimaises sont réunies, Monet, Degas, Renoir, Morisot, Pissarro… et une partie du Salon de 1874 est reconstituée pour montrer l’ennui de la peinture académique. Résultat ? Une vision binaire de la création à la Belle Époque. Jonathan Siksou nous apprend que la mairie de Paris a une nouvelle cible dans son viseur : la place de la Concorde. Les ayatollahs de l’Hôtel de Ville sont déterminés à en bannir les voitures après les JO et à la « végétaliser » pour la rendre forcément plus festive. Une aberration urbaine et un affront à l’histoire de notre capitale. Nos intellos réunis s’apprêtent à commémorer le mois prochain les quarante ans de la mort de Michel Foucault. Pour Georgia Ray, le penseur de l’exclusion et de la prison, de la folie et du parricide, est aussi le coupable théoricien de la destruction de l’école, du savoir, de l’autorité, et de la détestation de la culture occidentale.

Un livre sur Depardieu écrit par deux journalistes du Monde ? On s’attendrait à une analyse haineuse et malhonnête. Pas du tout ! nous dit Yannis Ezziadi. L’enquête de Raphaëlle Bacqué et de Samuel Blumenfeld retrace la vie mouvementée, les blessures et le génie d’un géant français. Patrick Mandon a visité une exposition à Lunéville qui retrace la carrière fulgurante et le destin tragique de l’architecte le plus prisé de la fin de l’Ancien Régime. Si le nom de Richard Mique est tombé dans l’oubli, il est pourtant associé à Versailles et au Trianon : le style Marie-Antoinette, c’est lui ! Le nouveau roman de Caroline de Mulder expose un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : les Lebensborns. Dans ces bétaillères, des femmes sélectionnées et engrossées par de bons soldats devaient perpétuer la race aryenne. Pour Alexandra Lemasson, La Pouponnière d’Himmler est un roman glaçant mené de main de maître. Sophie Chauveau rend hommage à notre confrère, le journaliste et écrivain Benoît Rayski qui est mort le 20 mars. Fils d’Adam Rayski, chef politique de l’Affiche rouge, il a entretenu la mémoire de la Résistance communiste. Mais nombre de ses confrères ne lui ont pas pardonné d’avoir « viré à droite ». La prospère petite commune de Truchtersheim, en Alsace, recèle un secret connu par une poignée d’initiés – mais qu’Emmanuel Tresmontant partage avec nous –, à savoir son Super U ! Michel Nopper a transformé sa supérette franchisée en une épicerie fine dotée d’une cave féérique. Les plus grands crus y sont vendus à des prix très attractifs, ou presque.

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Enfin, Gilles-William Goldnadel, le président d’Avocats Sans Frontières, revient sur le succès qu’il vient de remporter auprès du gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom. Ce dernier a admonesté France-Inter pour avoir cité un chiffre représentant le nombre de morts supposés à Gaza le 8 janvier sans préciser que ce chiffre avait été fourni par le Hamas. Étrangement, ni France-Inter, ni Le Monde, ni Libé, ni Télérama n’ont parlé de cette admonestation. Mais Gilles-William Goldnadel en a parlé, et Causeur en a parlé. Car dans la lutte contre l’odieux visuel de sévices publics, il n’y a pas de petite victoire !

Notre magazine de mai est en vente dès maintenant dans la boutique en ligne, et jeudi 2 mai chez votre marchand de journaux.


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Tant qu’il y aura des films

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©Metropolitan FilmExport

Une variation brillante sur le marché de l’art, un téléfilm à la gloire de José Bové et un western qui détourne les codes du genre, ainsi va le cinéma sur les écrans, tandis que Cannes s’apprête pour le Festival.


Adjugé !

Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, sortie le 1er mai

On connaît le grand talent de Pascal Bonitzer, d’abord comme scénariste (pour René Allio, André Téchiné, Barbet Schroeder, Jacques Rivette et Raoul Ruiz, entre autres) puis comme réalisateur depuis Encore en 1996. Suivront notamment Rien sur Robert, l’un des meilleurs films de Fabrice Luchini, Petites coupures avec un Daniel Auteuil en grande forme ou encore Cherchez Hortense où Jean-Pierre Bacri et Claude Rich excellaient littéralement. C’est d’ailleurs l’un des atouts de cet écrivain de cinéma surdoué : son goût pour les acteurs et sa capacité manifeste à les diriger. Le plaisir du spectateur est au rendez-vous : de bons comédiens servant un bon scénario aux dialogues ciselés. Qui dit mieux ? On pourrait presque parler d’une martingale Bonitzer qui lui fait occuper une place à part dans le paysage cinématographique français. Ses comédies sont subtiles, élégantes et mélancoliques. Pour les plus réussies d’entre elles, elles font d’ailleurs songer à celles de Jean-Paul Rappeneau, même si nul ne sait atteindre le sens du rythme de ce dernier.

© Pyramide Distribution

Le nouvel opus de Bonitzer, Le Tableau volé, prend d’ores et déjà une bonne place dans sa filmographie. Avec en premier lieu et comme il se doit une distribution impeccable, d’où émergent Alex Lutz, Louise Chevillote, Léa Drucker, Nora Hamzawi et, dans un second rôle plus que parfait, l’étonnant Alain Chamfort. Bonitzer a cette fois tricoté une sombre histoire de tableau volé par les nazis, offert à un collabo et retrouvé par hasard par un jeune ouvrier. Le tout inspiré d’une histoire vraie : la découverte, au début des années 2000, d’un tableau d’Egon Schiele, dans le pavillon d’un jeune ouvrier chimiste de la banlieue de Mulhouse, par un spécialiste d’art moderne d’une grande maison de vente internationale. Mais le tableau s’est révélé être une œuvre spoliée durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le film, cet expert, nommé André Masson, comme le peintre, est joué à la perfection par un Alex Lutz tout à la fois génialement odieux, professionnellement brillant et définitivement intéressé par l’argent et le profit. Dans son précédent film, Tout de suite maintenant, Bonitzer avait dressé le portrait sans concession des golden boys et girls de la finance internationale. La description du petit monde du marché de l’art haut de gamme est tout aussi corrosive. C’est un jeu de massacre d’autant plus efficace que Bonitzer manie le scalpel sans avoir l’air d’y toucher.

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Le mensonge, la dissimulation, l’hypocrisie sont au cœur du scénario, reléguant à l’arrière-plan le fameux tableau volé, remake funèbre des Tournesols de Van Gogh. Et Bonitzer réussit le pari de sortir de sa zone de confort habituelle, celle de la bonne bourgeoisie parisienne, pour dépeindre une autre classe sociale, défavorisée, aux antipodes des autres protagonistes du film. Si les deux camps se côtoient le temps de cette improbable rencontre, il est manifeste qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Avec pertinence, Bonitzer ne fait pas le coup de l’Art qui réunit les contraires : chacun, finalement, rejoint qui, son loft et qui, son pavillon de banlieue. Le tableau volé ne les a rassemblés que le temps d’une vente aux enchères record. Entretemps, le cinéaste a développé avec son brio habituel quelques thèmes transversaux, comme cette relation tumultueuse entre une fille et son père. Ce dernier lâche, en point d’orgue, un constat désabusé tiré d’un texte de Virginia Woolf selon lequel, vivre, se résume à « encaisser, lâcher du lest, tout revoir à la baisse ». Ainsi va le cinéma de Bonitzer : une légèreté grave qui fait mouche.


Refusé

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault, sortie le 1er mai

© Pascal Chantier

Est-il raisonnable de faire de José Bové un personnage « de fiction » sous les traits de Bouli Lanners – par ailleurs talentueux acteur et cinéaste belge ? On est persuadé du contraire en sortant de la projection du film d’Antoine Raimbault, Une affaire de principe. On a l’impression que pour ce cinéaste, la vie ressemble à un numéro de « Complément d’enquête » aux dialogues ciselés par Élise Lucet. Certes, nul ne peut contester l’extrême efficacité des groupes de pression qui, à Bruxelles, œuvrent au quotidien pour la défense de l’industrie du tabac. On se gardera bien d’ouvrir ici le débat sur la nocivité dudit tabac et ses dégâts sur la santé publique. Mais à force de bons sentiments, de caricatures et de clichés en tous genres, à force, surtout, de faire de Bové et des assistants parlementaires des sortes de nouveaux résistants contre l’occupant, le film sombre dans un prêchi-prêcha sans intérêt. Quitte à jouer avec la réalité jusqu’au grotesque quand, dans certaines scènes, on peut se croire dans Le Parrain avec un commissaire européen affaibli dans le rôle de Brando.


Réussi

Jusqu’au bout du monde, de Viggo Mortensen, sortie le 1er mai

© Metropolitan FilmExport

Avec la réalisation de ce deuxième long métrage après Falling, l’acteur américano-danois Viggo Mortensen prouve qu’il est un cinéaste talentueux. Adoptant les codes du western traditionnel pour mieux les détourner, il raconte l’histoire de Vivienne Le Coudy, une Canadienne d’origine française (incarnée par la toujours impeccable Vicky Creeps) qui, en 1860, à San Francisco, tombe amoureuse d’un immigrant danois nommé Holger Olsen (Mortensen lui-même). Mais la guerre de Sécession va se charger de perturber leur relation… En faisant porter son regard sur le personnage principal féminin, le cinéaste joue non sans malice avec la doxa du western en vigueur à Hollywood depuis l’invention du cinématographe. Sans tomber dans la caricature ou l’anachronisme, il fait le portrait d’une femme qui refuse les conventions sociales et décide seule de son destin. On pense à Sur la route de Madison, de Clint Eastwood, mais Viggo Mortensen assume un romantisme et un romanesque sincères et sans esbroufe larmoyante. Le tout à travers une mise en scène aussi sobre qu’efficace. Autrement dit, du cinéma classique et qui fait du bien.

Duhamel vs. Knafo: quand la politique-spectacle produit un petit chef-d’œuvre

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Sarah Knafo, "Reconquête". DR.

Face à Benjamin Duhamel sur BFMTV, c’était la toute première fois pour Sarah Knafo, la-conseillère-de-l-ombre d’Éric Zemmour, dimanche. Elle a dû faire face aux questions acides du journaliste. Replay.


Retrouvez un entretien de Sarah Knafo avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, dans le nouveau magazine Causeur (6 pages) NDLR•

Je me dois de vous confesser un vice majeur : les grands débats télévisés de la politique française sont mon sport préféré. Je ne m’en lasse jamais. J’ai vu les deux Mitterrand-Giscard, le Mitterrand-Chirac, le Sarkozy-Royal et le Hollande-Sarkozy un nombre incalculable de fois.

J’aime détecter les pièges que se tendent les candidats, je me délecte de regarder – parfois même au ralenti ou en arrêt sur image – les mains trembler, les regards vaciller, les voix trébucher dans les instants de tension maximale. J’aime la peur sur les visages, la panique qui perce sous l’impassibilité, la stupéfaction du favori quand il s’aperçoit qu’il est encerclé par les arguments du challenger et qu’il n’a pas de plan B. Les réputations détruites en une phrase. Les gaffes irréparables. J’aime voir la méchanceté partir à l’assaut et l’honnêteté se défendre bec et ongles. Et, maintenant que trois jours ont passé, je dois dire que le choc frontal entre Benjamin Duhamel et Sarah Knafo, dimanche dernier sur BFM, fut un modèle du genre. Revivons-le ensemble.

Théoriquement, les choses devraient bien se passer. C’est le premier vrai passage télé de Sarah Knafo, compagne et conseillère d’Éric Zemmour, et architecte de la campagne présidentielle de Reconquête en 2022. Elle se lance dans les élections européennes, à la troisième place sur la liste de Marion Maréchal. Précédée d’une réputation énigmatique de femme de l’ombre, que les anti-Zemmour se plaisent à trouver sulfureuse, elle choisit de faire ses débuts chez Benjamin Duhamel, un des intervieweurs-vedettes du moment.

Dans ce genre de cas de figure, le scénario est plus ou moins écrit d’avance. Comme il sait si bien le faire, Duhamel va commencer piano, laissant à son invitée le temps de se présenter, de prendre un peu ses aises, puis il va la titiller crescendo, mais sans forcer le trait : étant novice dans la domaine publique, Knafo ne traîne pas encore de casseroles. Il est bien trop tôt pour instruire son procès. Et puis, elle est jolie, souriante: impossible de la faire passer pour une sorcière au moment où elle entre en scène. La pendre haut et court et sans préliminaires serait fort mal élevé, inconvenant, voire même indécent : il ne prendra donc pas le risque.

A ne pas manquer: Causeur #123: Intégristes contre intégrés. Dernière chance avant la charia

Sauf que, pour des raisons mystérieuses, Benjamin le subtil, l’habile, le rusé, décide de déchiqueter Knafo d’entrée, sans politesses ni tour de chauffe. En effet, l’interview commence et, au bout de trente-huit secondes, pas une de plus, la guerre est déclarée. Il lance, soulignant la difficulté pour la jeune Sarah de se présenter devant les électeurs alors même que les sondages donnent Reconquête en mauvaise position : « Vous avez le sens du sacrifice, ou c’est de la naïveté ? » Boum. Devant son écran plasma, l’habitué des joutes télévisées se dit alors : « Ok. Il veut la tuer. »

Gros plan sur Sarah Knafo. Il faut avoir figé l’image en cet instant très précis pour savoir ce qu’est le courage médiatique. Sarah Knafo lance à Benjamin Duhamel un sourire serein, bienveillant, presque maternel. Elle est surprise par la question et par son acidité, évidemment, mais elle n’en montre rien. On dirait une bonne copine à qui son meilleur pote vient de raconter une bonne blague.

Il faut s’arrêter sur cette très brève séquence parce qu’elle explique ce qui va suivre. Confrontés à une question introductive aussi ostensiblement mal intentionnée, Sarkozy aurait pris un air dégoûté, Mélenchon aurait enragé, Maréchal se serait indigné, Marine aurait botté en touche avec dédain, Bellamy aurait brandi un code de bonne conduite. Immobile, Sarah Knafo rigole silencieusement pendant deux secondes et lâche les premiers mots de sa carrière politique en plantant ses yeux revolver dans ceux, délavés jusqu’à l’absence, de Duhamel : « D’abord, c’est quand c’est difficile qu’il faut y aller. Ça, c’est mon caractère. » Badaboum. Elle a tout dit. 1. Tu ne me fais pas peur. 2. Si tu m’infirmes je m’affirme. 3. Prends garde à toi, petit d’homme : méfie-toi de mon côté panthère.

Le petit d’homme ne va pas prendre cet avertissement au sérieux. À mesure que les minutes, désormais extraordinairement tendues, s’accumulent, ses intentions se voient de mieux en mieux – de pire en pire -, comme la méchanceté au milieu de la figure. Il n’a pas de plan B et va se tenir à son plan A jusqu’au bout : détruire Sarah Knafo de façon systématique, acharnée, réellement stupéfiante. De mémoire de fin connaisseur du spectacle politique français, je n’ai jamais vu un journaliste mainstream agresser à ce point et aussi rapidement une personnalité politique. Pourtant, Zemmour lui-même, par exemple, en a vu des vertes et des pas mûres en 2021 et 2022… sauf qu’il était un expert surentraîné de la rixe à couteaux tirés. Ici, question venimeuse après question vénéneuse, Duhamel tente d’assassiner la soliste dans l’œuf. Que l’on me passe l’horreur de cette métaphore, car elle est juste : il veut faire de la naissance médiatique de Sarah Knafo un avortement.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter », écrit Emmanuel Kant. Benjamin Duhamel enferme Sarah Knafo dans une nasse de piques, de coups de dague qui perforent et lacèrent, il tape, il frappe, il tabasse. Qu’on me comprenne bien : pas une seule de ses questions n’est honnête ou objective, selon moi. Tout est à contrepied, à contretemps, par-derrière, savamment prémédité pour faire craquer la nouvelle venue. À croire qu’il espère la voir pleurer ou quitter le plateau. Et donc, à mon immense surprise, et très certainement à celle de nombreux spectateurs, Sarah Knafo est d’une magnifique intelligence au sens kantien: elle danse avec l’incertitude, elle enlace l’imprévisible, joue avec le prédateur, se joue de lui, déjoue toutes ses vilénies.

Je m’en voudrais de spoiler ce thriller de haut niveau. Indiquons tout de même la grande scène, celle qui restera dans les mémoires. Benjamin sort la chevrotine et vise en plein cœur.

Duhamel : « Vous êtes la compagne d’Éric Zemmour. On connaissait au Rassemblement National la politique de père en fille. À Reconquête, la politique se fait en couple ? »
Knafo : « La question m’étonne beaucoup venant de vous, Benjamin. »
Duhamel : « Pourquoi ? »
Knafo : « Parce que je sais que, vous aussi, vous subissez beaucoup d’accusations. »
Duhamel : « C’est-à-dire ? »
Knafo : « C’est-à-dire du piston. Vous êtes le fils de, le neveu de, etc. Donc, ça m’étonne beaucoup venant de vous. »
Duhamel : « Il ne vous a pas échappé que je ne me soumets pas au suffrage des Français. »
Knafo : « Ça change quelque chose ? »
Duhamel : « Non, mais je vous pose la question. »
Knafo : « Est-ce que vous êtes d’accord que les accusations qu’on vous fait sont tout à fait injustes ? Vous avez votre talent propre. Alors, si vous voulez, on peut aborder mon parcours ? »
Duhamel : « Attendez. Excusez-moi. Puisque vous mettez en cause ma probité… »
Knafo : « Non, votre question. »

Au terme de ce bras-de-fer-éclair initié avec une inélégance qui lui est peu coutumière, Benjamin Duhamel s’est fait déboîter le coude et Sarah Knafo ne s’est jamais départie de son sourire terriblement candide. Le comble est qu’en prononçant le mot « probité », complètement hors-sujet, tentant de poser son honneur sur la table au moment le moins opportun, l’intervieweur s’est fracassé au fond du piège qu’il avait creusé sous les pieds de son invitée. Quand on mord jusqu’au sang, il ne faut pas geindre si l’on se fait éclabousser. Il se déconsidère. Échec et mat, le match est plié.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Une soupe et au lit!

Car ce n’est pas un interview. C’est bel et bien un match de boxe, un guet-apens, un duel, une tuerie. Sarah Knafo n’y était pas préparée, mais elle a pris le dessus au moment crucial. Elle a maintenant l’initiative et la conservera. Mieux : visiblement, elle le comprend et y prend plaisir.

On n’a encore vu que le premier quart du temps de l’interview et Benjamin Duhamel ne s’avoue pas vaincu, alors qu’il l’est déjà à plate couture. Il va donc revenir à la charge inlassablement, ses assauts se brisant péniblement, sans espoir, sur le sourire de Sarah Knafo, son sens de la répartie, son flair et sa décontraction. Certains témoins se disent : cette femme est brillante et dangereuse, elle est une promesse pour l’avenir. La droite se dote d’une nouvelle combattante. La nouvelle Marie-France Garaud verrait-elle le jour en direct ? Alors, il faut remercier chaleureusement, sincèrement, Benjamin Duhamel. En jouant salement, comme on dit en football, en tentant de blesser Sarah Knafo, de lui faire mal, de la sortir du terrain et de la handicaper pour très longtemps, il a permis à la candidate de montrer, dès sa première fois et en un temps record, sa solidité, sa dureté quand c’est nécessaire, son enjôlante douceur sous l’orage, sa franchise en acier trempé, son humour dominateur, comme jamais un Pascal Praud, forcément plus complice, ou une Christine Kelly, nécessairement plus humaine, n’y seraient parvenu. En voulant faire de Knafo un macchabée, il lui a offert une stature, et même érigé une statue. Il a été l’ennemi idéal de la nouvelle amie des patriotes et des républicains. Félicitations, Benjamin. La France reconnaissante. À tous les amateurs d’empoignades verbales au cordeau, je ne peux que recommander ce one-woman-show qui peut-être, si Sarah Knafo continue sur cette voie et persiste à dévorer les carnassiers, laissera une trace dans les livres d’histoire de la télévision française et, pourquoi pas, j’aime rêver, de celle de la Cinquième République…


A voir également, Elisabeth Lévy : « On devrait se réjouir que des jeunes gens brillants comme Sarah Knafo s’engagent »

Une soupe et au lit!

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La journaliste Elisabeth Lévy © Eric Fougère

Plusieurs maires ont annoncé leur intention de mettre en place un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.


C’est la dernière mode à droite. Contre la violence des jeunes, on a trouvé la solution : leur interdire de sortir de chez eux. De Gabriel Attal à Marion Maréchal en passant par Gérald Darmanin et Robert Ménard, le couvre-feu pour les mineurs se porte en bandoulière. Gérald Darmanin a ouvert le bal à Pointe-à-Pitre, Robert Ménard a embrayé, en édictant un couvre-feu pour les moins de 13 ans, de 23 heures à 6 h 30 dans trois quartiers de Béziers, suivi par le maire de Nice, Christian Estrosi. Même à Causeur, les forces de la réaction gagnent du terrain. À l’issue d’un joyeux pugilat, le camp de la liberté, emmené par votre servante, a été mis en minorité. Et à gauche, le braillomètre est plutôt mou du genou. Alexis Corbière parle du Béziers de son enfance où il pouvait jouer à l’ombre des lampadaires, L’Huma fustige les maires antijeunes, quelques associations biterroises manifestent contre les idées d’extrême droite, la Ligue des droits de l’homme rumine des poursuites. Mais le cœur n’y est pas. Peut-être parce que les électeurs, eux, approuvent massivement – d’après un sondage 67 % des Français, et 80 % des électeurs de droite sont favorables à la généralisation d’un couvre-feu pour les mineurs à partir de 23 heures afin « d’éloigner les jeunes de la délinquance ». On se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt.

À lire aussi : Glucksmann, le candidat des gnangnans de la mondialisation?

L’argument sans appel des partisans du couvre-feu, c’est qu’il est frappé au coin du bon sens. Qui peut s’opposer au bon sens – sinon les idéologues qui, depuis des décennies, s’emploient à maquiller le désastre ? Et pourtant. On pense à cette blague où un philosophe français dit à un confrère anglais : « Votre système est formidable en pratique. Mais en théorie ? » Eh bien, même si le couvre-feu était formidable en pratique, ce qui reste à démontrer, il n’en demeurerait pas moins dangereusement liberticide en théorie.

En prime, nous acceptons d’en rabattre sur nos libertés fondamentales pour un résultat des plus incertains. Sauf à être assorti de véritables sanctions, cette règle à dormir debout a peu de chances de dissuader les premiers concernés, c’est-à-dire les racailles qui pourrissent la vie de leurs cités. Certes, la main de mon cher Ménard ne tremblera pas. À Béziers, des parents devront récupérer leurs chers bambins au commissariat. Fort bien, et après ?

Je vous entends rouspéter. Des enfants de 13 ans n’ont rien à faire le soir dans la rue. Ça ressemble à une évidence, même si elle souffre de nombreuses exceptions. L’objectif concret, qui est de ne plus voir dans nos rues des jeunes incontrôlables, est légitime. Ce qui pose problème, c’est qu’on prétende y arriver en édictant des mesures générales de privation de liberté. Que celles-ci soient aussi populaires inquiète à défaut d’étonner – cela fait longtemps que les Français, avides de protection, ont pour la liberté un goût modéré.

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Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai pas la moindre compassion pour ces jeunes privés de sortie. Si on m’écoutait, on interdirait les enfants au restaurant, ou au moins on leur interdirait d’y parler[1]. Blague à part, il est vrai que les enfants, qui ne jouissent pas d’une pleine autonomie, ne sont pas titulaires des mêmes droits que les adultes, même si à 12 ou 13 ans, on bénéficie déjà d’une certaine liberté d’aller et venir. L’instauration de couvre-feux n’en est pas moins un terrible aveu d’impuissance publique : faute de pouvoir venir à bout des fauteurs de troubles, on décrète un confinement général. Au passage, cette punition collective prive des adultes responsables de leur autorité parentale. Cela rappelle ces féministes suédoises qui avaient inventé une arme radicale contre les violeurs : interdire aux hommes de sortir. On pourrait aussi fermer les magasins pour juguler l’inflation ou les bistrots pour éradiquer l’alcoolisme.

Qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives. À ce compte-là, il faudra un jour des lois pour imposer le port de chaussures, le brossage de dents ou le vousoiement des inconnus. Alors qu’on a exigé de l’Etat qu’il devienne notre mère, on lui demande désormais de se substituer aux parents défaillants, autrement dit d’être le dernier refuge d’une puissance paternelle qu’on s’acharne à destituer partout ailleurs. Ordonner à un ado de rester dans sa chambre et lui demander s’il veut être une fille ou un garçon, c’est une double injonction qui peut rendre fou. On ne redressera pas la France en sacrifiant la liberté à l’ordre. Du reste, si les sujets du roi Charles aiment tant la liberté, c’est peut-être qu’elle procure encore plus de satisfactions en pratique qu’en théorie.


[1] Que personne ne me balance au Parquet, je blague. Quoique.

LFI: Voltaire a bon dos…

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Manon Aubry, tête de liste de la France insoumise aux élections européennes, Villepinte, 16 mars 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Si les propos actuels des Insoumis parvenaient à ses oreilles, le philosophe des Lumières pourrait se retourner dans sa tombe !


Ecouter Mathilde Panot le 28 avril au Grand Jury, avec une animation sans complaisance d’Olivier Bost, et Manon Aubry le 29 sur Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin, c’est d’abord constater la pensée rigoureusement unique de LFI, l’identité des réponses, la similitude des ambiguïtés et le caractère monotone de répliques gangrenées par le caporalisme partisan. Au-delà de cette impression de désolation répétitive, j’ai été frappé par l’argumentation développée sur l’enquête ordonnée par le Parquet de Paris à la suite d’un communiqué de Mathilde Panot engageant le groupe parlementaire. Il assimilait le terrorisme du Hamas à la normalité d’une armée régulière. Était visé le délit d’apologie de terrorisme. Pour Mmes Panot et Aubry, et sans doute pour la globalité des députés LFI, cette enquête serait une honte puisqu’elle concernerait la responsable d’un groupe parlementaire d’opposition et que ce serait une atteinte gravissime à la démocratie.

Une enquête dont on aurait pu se passer

Je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas républicain, face à un tel communiqué, même émanant d’une présidente de groupe parlementaire, d’ordonner une enquête pour établir ou non la réalité de l’infraction concernée. Qu’elle puisse être éventuellement imputable à Mathilde Panot, en sa qualité de présidente de groupe, ne rend pas la démarche honteuse. Sa légitimité judiciaire demeure entière.

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Cela dit, pour ma part, je me serais bien gardé, en responsabilité, d’avoir une telle réaction. J’aurais considéré d’emblée qu’aussi perverse et contestable que soit la formulation incriminée, elle relevait d’une approche partisane, de nature purement politique, et qu’en démocratie, on avait le droit d’en faire usage. Faute de quoi la liberté d’expression serait vite réduite, trop vite assujettie à une qualification pénale.

Il n’est donc pas contradictoire de défendre le droit d’ordonner une enquête et celui de considérer qu’au fond, on aurait peut-être dû s’en dispenser. Il est fondamental, quel que soit le parti concerné, de veiller à ne pas empiéter par la loi sur ce qui constitue la liberté d’opinion. La frontière est parfois mince, elle appelle une vigilance toute particulière.

Comme un boomerang

Il est piquant alors, de la part de LFI qui exige à son bénéfice une liberté d’expression pleine et entière, sans la moindre entrave, d’entendre les mêmes, au nom d’une conception idéologique et hémiplégique de ce beau concept démocratique, réclamer contre ses adversaires censures, éradications, ostracismes. Faut-il rappeler Aymeric Caron[1] laissant CNews être insulté et boycotté sans réagir à Sciences Po ? On a encore en mémoire la diatribe de Jean-Luc Mélenchon contre la même chaîne!

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Ainsi, conscients ou non du caractère schizophrénique de leurs positions, ils viennent, la bouche en cœur, au nom du pluralisme et de la liberté, exiger des droits pour eux mais les refuser sans vergogne à leurs contradicteurs. Si on suivait Saint-Just et son « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », LFI serait bien mal lotie!

Le comble est d’entendre Manon Aubry se réfugier derrière la phrase tellement exploitée attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Invoquer cette splendide définition d’une confrontation civilisée et républicaine a une saveur saumâtre quand, trop souvent, chez LFI, à l’encontre de ceux qui ne pensent pas comme eux, la haine, l’outrance et le désir de disparition ont remplacé l’humanisme élémentaire. Alors, que ceux qui au quotidien méconnaissent le principe que Voltaire aurait édicté au moins se taisent!

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[1] https://www.causeur.fr/aymeric-caron-sciences-po-lfi-contre-cnews-enieme-episode-281797

Aimez-vous la choucroute?

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Marisa Abela dans "Back to Black" (2024) de Sam Taylor-Johnson © Studio Canal

Notre chroniqueuse a-t-elle bien fait d’aller voir Back to Black au cinéma ? Aurait-elle mieux fait de rester chez elle, à réécouter l’album légendaire d’Amy Winehouse sorti en 2006 ? Réponse.


Le film sur la vie de la dernière élue du Club des 27, Amy Winehouse, Back to Black, sorti mercredi dernier, n’a pas bonne presse. Le biopic est un genre cinématographique mal-aimé, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. On lui reproche de nous proposer une version d’Amy Winehouse idéalisée, d’éluder ses démons. Cependant, la réalisatrice a pris le parti de nous montrer un aspect de la star plus méconnu: la midinette londonienne qui hantait les pubs pour y écouter de la musique et y trouver l’amour.

Back to Black, aucun rapport avec la choucroute, a carrément titré Libération au sujet du film réalisé par Sam Taylor-Johnson. L’ensemble de la presse est plus que mitigée au sujet de ce film. On lui reproche, notamment, d’être trop édulcoré, et de ne pas mettre assez l’accent sur la noirceur et le tragique du parcours de la chanteuse londonienne (1983-2011). Certains vont même jusqu’à dire que la réalisatrice en a fait une rom-com (comédie romantique) ! Allons, allons…

On sait déjà tout d’Amy Winehouse

Avant d’y aller de ma (modeste) analyse, je voudrais quand même répondre à Olivier Lamm, l’auteur de l’article de Libé précité1. Félicitons d’abord l’auteur de la titraille, digne des plus belles heures de Libération… Mais, qu’est-ce-que l’auteur y connaît, à la « choucroute » ? Qui est-il, pour donner des leçons de rock’n’roll et de tout ce qui va avec ? Il nous joue l’éternelle ritournelle sex, drugs and rock’n’roll, c’est bien ça ? Jusqu’à affirmer que le film est un « condensé d’indécence ». Ce journaliste se pose en expert en « malheurs » et « descente aux enfers », comme s’il était un quelconque dépositaire de l’âme damnée d’Amy Winehouse. Et si c’était plutôt cela, qui était indécent ?

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D’autant plus que le parcours tragique et magnifique de celle que les journaux ont appelé la « diva soul » est déjà très bien montré dans le documentaire d’Asif Kapadia : Amy, datant de 2015. Tout y est : la gloire, la chute, les quantités astronomiques de drogues qu’elle consommait (jusqu’à impressionner Peter Doherty, pourtant expert en la matière), les paparazzis, le boy-friend toxique, le père qui était loin d’être blanc-bleu, les concerts ratés, ceux où les Dieux de la soul music étaient avec elle… Rien ne manque. L’excellent travail accompli par le réalisateur de ce documentaire m’a donc fait douter moi aussi du bien fondé d’un biopic. Qu’allions nous apprendre de plus ?

Il semble que le parti pris de la réalisatrice ait été celui-ci : montrer une autre Amy, moins tapageuse, moins scandaleuse. Celle qui chantait lors des fêtes de famille, qui était championne de snooker, qui avait décoré sa chambre de jeune fille comme une bonbonnière et qui adorait sa grand-mère Cynthia, son « role model » qui lui inspira son look vintage et sa choucroute.

Ils m’ont dit qu’il était mauvais…

L’été 2021, pour commémorer les 10 ans de sa mort, Arte avait diffusé un autre excellent documentaire : Amy Winehouse : Back to Black, que j’avais chroniqué dans ces colonnes. Il s’agissait du making of de l’album aux 16 millions d’exemplaires vendus Back to Black. Le producteur de l’album, Mark Ronson, y parlait de la star comme d’une midinette qui aimait les girls bands des années 60, ceux qui vendaient « des cœurs brisés au kilomètres » et qui nous offraient une musique de juke box qu’Amy écoutait dans les pubs de Nord de Londres lorsqu’elle n’était pas encore célèbre.

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Une des plus jolies scènes du film est la rencontre d’Amy Winehouse avec le fameux Blake Fielder-Civil, ce lad, ce semi-voyou cockney qu’elle voyait comme un demi-dieu. Blake y fait justement jouer au juke-box The leader of the pack, le tube des Shangri-Las. Les yeux d’Amy brillent (excellente Marisa Abela) : « They told me he was bad, but I knew he was sad / That’s why I fell for the leader of pack »2, dit la chanson. Et l’histoire d’amour entre la diva et son bad boy peut commencer…

Ma petite morale de l’histoire : c’est certainement en mettant bouts à bouts les deux documentaires et ce biopic que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que fut Amy : une jeune fille rêveuse et frêle, qui abritait en elle une voix d’un autre monde qui a fini par avoir sa peau. À ce titre, le biopic un peu sucré actuellement sur nos écrans n’est pas complètement futile.


  1. https://www.liberation.fr/culture/cinema/back-to-black-le-biopic-damy-winehouse-aucun-rapport-avec-la-choucroute-20240423_4U6DAF5I3JGF5NMXPVQDBTDFGM/ ↩︎
  2. Ils m’ont dit qu’il était mauvais, mais je savais qu’il était triste / c’est pour cela que j’ai succombé au chef de bande. ↩︎