Le nouveau roman de Céline Laurens se lit d’une traite, autant parce que l’on veut savoir qui a incendié cette maison de maître dans laquelle les propriétaires ont trouvé la mort, que pour son style.
Céline Laurens nous revient avec un troisième roman, La maison Dieu, aussi magnétique que les deux premiers : Là où la caravane passe (prix Roger Nimier 2022) et Sous un ciel de faïence (2023), publiés aux Éditions Albin Michel. La couverture et le titre du livre font référence à une carte – une lame – du tarot de Marseille. Elle représente une tour moyenâgeuse foudroyée – foudroiement surnaturel ? – de laquelle deux personnages tombent. Ce qui étonne, c’est que leurs regards expriment une certaine sérénité. Le feu détruit, mais il libère également. Comme s’il fallait mourir pour mieux renaître. La carte du tarot est une mise en abîme de l’histoire du roman.
Nous sommes en Ariège, au début du siècle, où la lutte entre le Bien et le Mal n’épargne personne. Chacun s’épie dans ce village si bien décrit par Abel, l’un des habitants de La maison Dieu. Ce dernier refuse de grandir, tandis que sa sœur jumelle, Mallora, ne rêve que de fuite à grandes enjambées vers des contrées inconnues. Il y a également Élise, la domestique, arrivée grâce à une lettre de recommandation du curé de la paroisse. On la soupçonne d’être un peu sorcière. Quant au couple propriétaire de la maison à la funeste destinée, le temps a érodé leur amour. Madame passe ses journées à regarder par la fenêtre les lentes variations de la nature, tandis que Monsieur vit, reclus, dans son bureau. Il ne faut pas oublier Justin, le voisin, ancien amoureux éconduit de la maîtresse de maison. Il pêche et picole. Il raconte à Abel qu’il évite d’attraper le silure millénaire qui se cache dans les eaux de l’Hers. « Ce silure, dit-il, transporte dans son ventre un livre sur lequel est consigné l’histoire du passé et du futur de l’humanité. » Céline Laurens se délecte à narrer, non sans humour, la suite de l’anecdote. Ainsi apprend-on que cette pêche diabolique a déjà déclenché le courroux de sorcières hirsutes qui chevauchaient leur balai dans un ciel de suie.
Le roman s’ouvre sur les décombres de la maison ravagée par un incendie. Madame et Monsieur sont morts. La piste criminelle semble ne faire aucun doute. On accuse le « Mérou », un pyromane qui sévit dans la région. Mais chaque personnage peut avoir fait le coup, et le « Mérou » joue peut-être le rôle du bouc émissaire. Le roman devient polyphonique. Chacun prend la parole pour exprimer sa vérité et révéler sa personnalité névrotique. La prouesse de Céline Laurens est de se glisser dans la tête de chaque protagoniste, tout en adoptant le principe de neutralité. On se rapproche de la méthode Simenon utilisée dans les enquêtes du commissaire Maigret.
Du romanesque pur jus jusqu’à l’immorale chute.
Céline Laurens, La maison Dieu, Albin Michel. 240 pages
Un an déjà que nous sommes en guerre. On pourrait presque tracer une courbe ou définir une équation toute simple : le cercle des agresseurs contre Israël ne cesse de s’élargir en même temps que s’agrandit celui de nos détracteurs et de nos censeurs. Bref une formule inédite dans l’histoire des relations internationales : plus on nous attaque, plus on nous blâme. Plus on nous bombarde, plus on nous condamne. Plus on nous harcèle, plus on nous accuse. C’est en effet à ce jeu affligeant que s’est prêté le président Macron en commettant trois fautes essentielles.
La première est celle de l’appel à l’embargo. Outre son caractère révoltant qui consiste à tenter de désarmer un pays ami et allié en proie à une lutte de survie avec les pires ennemis qui soient, Emmanuel Macron a enfoncé le clou de la défiance vis-à-vis de la France pour tous ceux qui en Israël n’ont jamais vraiment oublié l’abandon de la France en 1967 lorsque le Général de Gaulle avait décidé l’embargo sur les armes livrées à Israël en pleine guerre de survie. J’ai été diplomate israélien et servi plusieurs fois à notre ambassade à Paris. Je sais combien l’ombre de la défection gaullienne de 1967 continuait d’alimenter des craintes à Jérusalem vis-à-vis de Paris. Emmanuel Macron vient de rallumer la flame de la trahison française et je souhaite beaucoup de courage à mes collègues des deux côtés de la Méditerranée qui devront travailler très dur pour rétablir la confiance dans notre relation bilatérale.
La seconde faute concerne le Liban qu’il appelle “à ne pas devenir un nouveau Gaza”. Or justement c’est là le cœur du problème car le Liban, dans sa partie sud à tout le moins est Gaza. C’est-à-dire un territoire entièrement contrôlé par une organisation terroriste qui y a installé patiemment et sciemment son infrastructure de terreur en toute impunité au sein de la population civile et de ses institutions : immeubles d’habitation, crèches et écoles, hôpitaux et autres bâtiments publics. Le Hezbollah a creusé au Sud Liban les mêmes tunnels que le Hamas à Gaza, a entreposé les mêmes quantités d’armes, de munitions et de missiles, préparé et mis au point le même plan d’attaque que celui du 7-Octobre pour en amplifier la démesure et massacrer, supplicier et s’apprêtait à “célébrer” le premier anniversaire du 7-Octobre en commettant dans le Nord d’Israël un pogrom qui aurait fait rougir de honte leurs alliés du Hamas tant il aurait été sanglant et abominable. Donc que veut dire le président français ? Quelles sont ses attentes ? Qu’un Israël désarmé et isolé abandonne sa population aux hordes terroristes djihadistes du Hezbollah ? Depuis un an, le Hezbollah a lancé des milliers de missiles contre les populations et localités israéliennes du Nord. Combien de fois la France a-t-elle appelé à un cessez-le-feu ? Combien de fois a-t-elle demandé l’application immédiate des résolutions de l’ONU qui ont exigé le démantèlement du Hezbollah ? Zéro. Pas une seule fois. Mais depuis qu’Israël, après avoir fait preuve d’une retenue sans précédent pendant uneannée entière à avoir été bombardé et harcelé, se lance dans une opération qui pourrait non seulement éliminer la menace au Nord d’Israël mais aussi permettre au Liban ce pays si cher à la France de se débarrasser du Hezbollah, Paris appelle au cessez-le-feu !
La troisième faute consiste à appeler à une solution politique alors que nous sommes en pleine guerre contre des mouvements terroristes manipulés par l’Iran. Quelle aberration! Les Etats Unis ont-ils proposé une solution politique à Al-Qaïda après le 11 septembre ? Ont-ils envoyé des émissaires pour dialoguer et chercher ensemble une “solution politique” ? Non évidemment. Ils ont bombardé pendant 20 ans l’Afghanistan jusqu’à l’élimination physique de Ben Laden.
La France a-t-elle proposé une “solution politique” à l’Etat islamique après l’attentat du Bataclan? A-t-elle tenté de négocier avec Daesh un accord de cessez-le-feu? Non. La France et ses alliés ont bombardé pendant des années Mossoul, Raqqa, Falloujah et autres villes du Califat pour écraser les terroristes de Daesh. C’est exactement ce que nous faisons Monsieur le président de la République, à une différence près : Daesh était à des milliers de kilomètres de vos frontières. Les djihadistes du Hezbollah et du Hamas sont à nos portes….
Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.
Tourne. Tourne. Tourne. Depuis plus de soixante jours, le manège politico-médiatique tourne sur lui-même. De la soirée électorale du second tour des élections législatives à aujourd’hui, j’ai participé à ce carrousel. Débats télés, radios, tweets, billets… Un œil rivé sur le fil de l’AFP et sur les réseaux sociaux, l’autre sur la presse, les SMS et les groupes WhatsApp. Deux mois pour trouver un Premier ministre : qui de Castets, Cazeneuve, Bertrand, Beaudet, Baroin ou alors un profil plus techno ? Un grand serviteur de l’État ? ALERTE ! On a vu Larcher sortir discrètement par la grille du Coq de l’Élysée.
Tourne. Tourne. Tourne. Barnier ! Alors le carrousel s’est emballé pour décrire la passation de pouvoirs entre « le plus jeune » et « le plus âgé ». Il y a eu le moment où le Savoyard madré a réglé son compte au jeune marquis courroucé. « Cela laissera des traces », ont dit des petits chevaux du manège. « Après le soutien sans participation de LR, va-t-on sur la participation sans soutien du groupe macroniste ? », ont dit les autres.
Tourne. Tourne. Tourne. Nous venons d’assister, depuis début juillet, à une spectaculaire sécession de la classe politique, quasiment dans son ensemble, ainsi que de la classe médiatique vis-à-vis du pays réel. Certes, quand ils sont consultés, les citoyens continuent de répondre aux instituts de sondage. Ce qui peut donner l’illusion d’une connexion avec le carrousel. Mais rien de tel. L’écrasante majorité a très vite détourné le regard. Après le « a voté » du dernier dimanche électoral, de nouveau, rien n’a changé. Le macronisme est encore plus à droite, sa pente naturelle, quand le pays regarde ailleurs. Il est faux de dire et de répéter que la France est à droite quand un examen sérieux des différentes enquêtes d’opinion au cours des dernières années démontre, à chaque fois, l’exigence de justice sociale et d’égalité. Voyez la réforme des retraites ! Et l’immigration ? La sécurité ? La gauche devrait prendre d’autant plus ces questions à bras-le-corps pour ne pas les laisser à d’autres qui, dans le même temps, encouragent à une nouvelle saignée budgétaire des services publics pourtant indispensables à la mise en œuvre des missions de l’État.
Tourne. Tourne. Tourne. J’ai souvenir du manège lors de la campagne référendaire de 2005 sur le traité constitutionnel européen. Après Maastricht, qui a signé l’abandon de notre souveraineté, le peuple a très nettement dit « NON ». Le carrousel a voulu éjecter ceux qui ont dénoncé le passage en force, le déni de démocratie. À l’aune de cette rupture et du choix majoritaire du peuple souverain, il ne peut y avoir de « cohabitation », ni même de « coexistence exigeante » entre Macronie et LR. Ils sont d’accord sur l’essentiel. Une nouveauté cependant : le RN a décidé d’accepter le jeu, de ne pas s’opposer à Barnier, ancien commissaire européen. Le RN est désormais sur le manège qui tourne.
Les circonstances précises de la mort du jeune Kylian, poignardé dans le Calvados, restent mystérieuses.
Le 29 septembre, à Subles, petite commune du Calvados, un môme de dix-sept ans trouve la mort sur le parking d’une discothèque, l’Octavia. Il meurt saigné à blanc, lardé de coups de couteau. Dans le dos et à hauteur de la nuque. On se souvient du drame de Crépol, dans la Drôme, et de Thomas, seize ans, lui aussi poignardé à mort. À croire que, aujourd’hui, l’accessoire indispensable pour une virée réussie en boîte serait le couteau, le surin comme on disait dans les romans d’Albert Simonin à une époque où l’artifice de conquête au Bal à Jo et au pince-fesses du chef-lieu étaient la Gomina et le simili Perfecto. Avec franges aux manches et clous un peu partout, bien entendu.
Dix-sept ans, la vie devant soi, la mort dans le dos. Qui frappe en traître. Au petit matin, à la sortie de ce qui aurait dû être une fête et qui se termine en bagarre générale – violente – sur le parking. Une soirée spécial célibataires, semble-t-il. Alléchant à l’âge où Cupidon se plaît à titiller les sens en éveil.
L’enfant qui a perdu la vie – car Kylian était un enfant – à dix-sept ans on l’est encore – a été tué par un gars un peu plus âgé, vingt-quatre ans. Intérimaire dans le bâtiment, précise le procureur de la République. Les gendarmes de Bayeux l’ont trouvé sur place, les mains et les vêtements couverts de sang. D’après des témoins, il aurait ramassé l’arme par terre. C’est dans sa poche que les gendarmes la retrouvent. Tout d’abord, l’interpellé nie toute implication. Puis il reconnaît s’être saisi du couteau, avoir déplié la lame et, voulant s’interposer dans la mêlée, ayant lui-même reçu coups de poing et jet de lacrymogène, il se serait mis à frapper le premier gars qui se trouvait devant lui, à l’aveugle en fait. « Sans intention de tuer » précise aussi le procureur. Poignarder, à plusieurs reprises, sans intention de tuer, on entend déjà l’argumentation passablement frelatée de l’avocat. Cela viendra en son temps.
Pour l’heure, l’auteur présumé des faits est mis en examen et placé en détention provisoire.
Kylian était un jeune sans histoires, amateur de boxe, sport dans lequel il était bon, selon son coach. Un garçon plutôt introverti, qu’on trouvait sympa, discret, qui donnait envie « d’aller vers lui » disent ceux qui le fréquentaient. « Un garçon qui aimait la vie et qui voulait en profiter », confie sa maman. Cela dit, même turbulent, antipathique au dernier degré ou semeur de pagaille, rien ne justifie qu’on meure à dix-sept ans vidé de son sang une fin de nuit sur un parking de discothèque. Rien.
En cela, nous ne sommes pas ici devant un simple, un regrettable mais banal fait divers, mais face à un drame épouvantable, inacceptable qui devrait tous nous concerner : quelle société avons-nous fini par fabriquer pour qu’on en arrive à ce point de violence, où le coup de couteau devient la réponse ordinaire à tout différend, même le plus bénin, le plus idiot ? Quelle société avons-nous engendrée dans laquelle un gars de vingt-quatre ans, avec boulot et sans passé délinquant, semble-t-il, se laisse aller à commettre le pire du pire, gâchant lui aussi sa vie, cela dit en passant ?
Oui, comment en est-on arrivé-là ? D’ailleurs, l’histoire ne se limite peut-être pas à ce qu’on croit en savoir. Elle pourrait être en effet plus complexe. Pour ne pas dire, plus tordue, plus terrifiante encore. Sinon pourquoi les gendarmes de Bayeux, dix jours après les faits, lanceraient-ils un appel à témoins ? Ils souhaitent entendre toutes les personnes présentes à cette soirée. Afin, naturellement, que toute la lumière soit faite. Lumière noire, très noire, peut-être bien. Mais nécessaire. Le temps est venu enfin que nous regardions en face notre monde tel que nous l’avons fait. Ne serait-ce pour que de tels actes soient jugés en parfaite connaissance de cause, et que nous puissions exiger de notre société deux choses primordiales. Premièrement que la justice, en ces matières, passe avec toute la rigueur indispensable. Deuxièmement : que soit enseigné partout, en tout lieu d’éducation, le prix de la vie. La vie qui, dans tant de films, de jeux vidéos, de vomissures haineuses sur les réseaux anti-sociaux, ne semble plus avoir la moindre valeur. Oui, faire la lumière, toute la lumière, pour qu’au moins, Thomas, Kylian, des enfants – nos enfants – ne soient pas morts pour rien.
Lors de la deuxième semaine du procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN / RN, la défense s’est appliquée à dénoncer une instruction à charge. Récit.
Tant que le FN n’était qu’un acteur folklorique de la vie politique, les instances européennes et la Justice ne trouvaient pas grand-chose à redire sur son mode de fonctionnement au parlement de Strasbourg. Maintenant que c’est un poids lourd de la politique, on lui reproche d’avoir détourné les fonds européens destinés à l’embauche d’assistants parlementaires pour ses activités politiques. Cette semaine, au tribunal, Bruno Gollnisch a tout fait pour démontrer que Guillaume L’Huillier avait bien travaillé pour lui. Par ailleurs, l’ancien garde du corps et la secrétaire de Jean-Marie Le Pen ont également été entendus à la barre. Récit.
L’ancien garde du corps et la secrétaire de Jean-Marie Le Pen à la barre
L’accusation reproche à M. Gollnisch d’avoir signé des contrats d’assistants parlementaires locaux avec Mme Bruna et M. L’Huillier, ayant les fonctions respectives de secrétaire et directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen sur l’organigramme fonctionnel du Front national publié en 2005. Bruno Gollnisch a dénoncé une persécution “ad hominem, voire ad hominibus ». Après les débats techniques autour des contestations juridiques de la défense, les auditions des prévenus ont débuté ce lundi. M. Fernand Le Rachinel est le premier à être appelé à la barre. L’ancien apprenti typographe déroule sa carrière riche d’expériences. Il a créé de nombreuses entreprises, et des milliers d’emplois. Il a été vingt ans conseiller municipal, puis encore vingt ans élu au Conseil régional de Basse-Normandie, avant d’être élu député à deux reprises au Parlement européen. L’industriel normand est mis en cause pour les contrats de ses assistants parlementaires lors de la 6è législature (2004-2009), signés avec Mme Micheline Bruna et M. Thierry Légier. L’octogénaire reconnaît avoir signé lesdits contrats, pour lesquels il n’aurait jamais pu se douter de leur irrégularité. D’autant que, explique-t-il, cela se pratiquait déjà ainsi lors de son précédent mandat durant la 4e législature (1994-1999). Il s’étonne qu’aucun fonctionnaire ne l’ait jamais alerté, alors que tous les contrats étaient validés par l’administration du Parlement européen. Il l’assure : « Tout le monde connaissait le fonctionnement de notre groupe en pool », même si l’ancien eurodéputé, en tant que rapporteur de la commission des transports, aurait préféré avoir plusieurs assistants parlementaires qui lui soient entièrement dédiés. Mais, il a naturellement accepté l’organisation commune de la délégation, même si « M. Légier était plus souvent au service de M. Le Pen parce qu’il était le chef et à ce titre plus exposé ».
Ancien militaire parachutiste, puis garde du corps de princes saoudiens et de stars américaines, Thierry Légier raconte avoir pris la succession de son prédécesseur en signant un contrat d’agent temporaire directement avec le Parlement européen, dès 1992, ce qui faisait de lui un fonctionnaire du Parlement européen engagé « en qualité d’agent de sécurité du président Jean-Marie Le Pen.» En 1995, la législation européenne change, et le colosse d’1m90 signe alors un contrat avec le « groupe des droites européennes » au Parlement européen, contrat qui court jusqu’en 2005. Au 1er janvier 2005, la législation européenne change une nouvelle fois, et le contrat avec le groupe devient alors un contrat d’assistant parlementaire. Me Solange Doumic, sa factuelle avocate, lit à haute voix l’article 1 sur lequel il est écrit : « Il s’agit de la reprise du contrat anciennement conclu entre le salarié, l’association des groupes des droites européennes et le Parlement européen ». Donc toujours en sa qualité d’agent de sécurité du président Jean-Marie Le Pen, conclut-elle. Le Parlement européen ne pouvait donc ignorer les fonctions de sécurité de M. Légier, argument de l’accusation à l’endroit de l’agent de sécurité, d’autant que celui-ci déposait son arme en entrant dans l’enceinte des institutions européennes.
L’accusation pointe le fait que les contrats d’assistants parlementaires de M. Légier, ainsi que celui de Mme Bruna, connue comme la secrétaire du député Jean-Marie Le Pen, étaient signés avec M. Le Rachinel et non avec M. Le Pen. Pour contrer ces objections, la défense se réfère à l’article 14 du règlement FID alors applicable au Parlement européen, qui stipulait que « les députés peuvent engager conjointement un même assistant ». Pour les avocats de la défense, M. Légier et Mme Bruna étaient au service de tout le groupe d’élus sur la liste du Front national qui était un groupement de fait. Le Ministère public s’étonne par ailleurs des augmentations de salaire de l’assistant parlementaire responsable de la sécurité. Thierry Légier justifie l’équivalence de son salaire avec celle d’un député européen « à hauteur des heures et du risque ». Le Parquet s’interroge sur les changements de contrat de M. Légier qui passe de contrat d’assistant parlementaire à un contrat inclus dans les comptes de campagne lors d’une élection. « C’est la loi ! » tempête Marine le Pen, assise au premier rang des prévenus.
Bruno Gollnisch agacé par les questions tatillonnes du tribunal
Les accusations de détournement de fonds public et recel du Tribunal s’appuient sur la publication en 2005 d’un « organigramme fonctionnel du Front National ». Le Tribunal cherche à faire coïncider les fonctions militantes qui y sont mentionnées avec des preuves de salariat caché, même si l’organigramme projeté lors de l’audience porte la mention « fonctionnel ». Bénédicte de Perthuis, la magistrate qui préside l’audience, s’interroge sur le véritable emploi de M. L’Huillier déclaré sur l’organigramme « directeur de cabinet » de Jean-Marie Le Pen, à Montretout, « siège politique et parlementaire » et domicile de M. Le Pen. M. L’Huillier se définit avant tout comme un militant, il a collé ses premières affiches en 1997, il a été candidat à toutes les élections pendant une dizaine d’années, il a aussi été tour à tour responsable du RNJ, secrétaire départemental FN des Hauts-de-Seine. Il déclare s’être occupé des relations avec les médias pour Jean-Marie Le Pen « une à deux heures par jour » en plus de son travail d’assistant parlementaire. « Coller des affiches ou (être) assistant parlementaire, c’est la même chose » estime le militant. Il y a des choses à faire, il les fait. Et comme en 2009, « il n’y avait que trois députés, il fallait travailler pour les trois, on mutualisait le travail entre assistants » explique-t-il. Concernant son contrat d’assistant parlementaire signé avec l’eurodéputé Bruno Gollnisch, M. L’Huillier déclare qu’il s’occupait de rédiger des articles, préparer des notes, faire des recherches, etc. Celui qui est aujourd’hui assistant parlementaire accrédité au Parlement européen explique qu’il collaborait à la rédaction du journal Identité, édité par Bruno Gollnisch, et rédigeait les articles postés sur son blog. Le nom de Guillaume L’Huillier apparaît effectivement dans l’ours dudit “journal”, comme le montre Me Bosselut. « Mais qu’est-ce qui prouve que c’est bien Guillaume L’Huillier qui a écrit les articles ? A-t-il gardé des traces ? », questionne la magistrate qui avoue « ne pas avoir un point de vue différent de l’OLAF (Office européen de lutte antifraude) sur les documents présentés » lors de l’enquête par Bruno Gollnisch pour justifier du travail de son assistant. Le rédacteur des chroniques européennes publiées sur le blog gollnisch.com explique qu’il rédigeait le contenu directement sur l’interface du site. Pour appuyer ses dires, Me Bosselut présente une preuve de cette activité électronique au nom de l’assistant, preuve qui ne semble pas convaincre le tribunal quant à la paternité de ce travail.
Bruno Gollnisch fulmine et remet en cause la procédure même. « Le premier élément de contestation du travail de M. L’Huillier date de 2015 », raconte-t-il, « c’est-à-dire mettant en cause un travail effectué dix ans plus tôt ». L’ancien professeur de droit public dénonce une persécution car « ceci excède la notion de délai raisonnable telle qu’elle est retenue par la jurisprudence du tribunal et de la cour (de justice) de l’Union européenne, et excède aussi les délais de prescription de droit français ». Faisant fi de ces objections juridiques, Bénédicte de Perthuis insiste : « Y-a-t-il des documents qui seraient de nature à établir la participation de M. L’Huillier entre 2005 et 2008 à votre travail de député européen ?» M. Gollnisch le répète, il n’a pas souvenir des dates, mais il peut présenter des cartons entiers de travail de son assistant. Pourquoi n’y-a-t-il alors aucune mention du nom de Guillaume L’Huillier dans tous ces documents ? Si quasiment aucun document contenu dans les tonnes d’archives de l’universitaire et homme politique ne sont signés du nom de M. L’Huillier, c’est que l’assistant est au service du député qui signe de son nom, comme il est d’usage pour tout collaborateur que ce soit dans les cabinets d’avocat ou toute autre profession, explique le candidat malheureux à la présidence du Front national en 2011 face à Marine Le Pen. L’assistant s’efface derrière son chef. M. Gollnisch enrage. Il avait tout le loisir, dit-il, de mettre les initiales de Guillaume Lhuillier sur chaque document, si cela eut pu prouver quoique ce soit. L’aurait-il fait qu’on lui aurait encore retourné que ce n’était pas une preuve que son assistant ait effectué tout ce travail. « Quel document prouve que j’étais le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen à plein temps ?, renchérit Guillaume L’Huillier. Il n’y en a pas, et pour cause, il n’y avait pas de cabinet de Jean-Marie Le Pen ». Selon le prévenu, l’organigramme était une publication politique destinée aux médias. « De la com’ », initiée du temps de Florian Philippot.
Durant l’enquête de l’OLAF, un constat d’huissier a été établi à la demande de M. Gollnisch afin de certifier que M. L’Huillier connaissait le contenu de ses archives concernant l’Europe parmi plus de 400 cartons. « Mais pourquoi ne trouve-t-on pas même un post-it de l’écriture de L’Huillier ? Pas un mail ? Pas un brouillon ? Aucune trace ? » insiste le Procureur. Qui garde ses brouillons ? Qui garde ses post-its ? Bruno Gollnisch s’offusque que le Parlement européen réclame des preuves datant de plus de dix ans avant les faits, alors que le contenu des boîtes mails du Parlement européen est écrasé au bout de 90 jours. « Pourquoi M. L’Huillier aurait gardé trace de toutes ses communications, après toutes ces années ? » Qui garde ses mails datant de plus de dix ans ? Guillaume L’Huillier explique avoir changé de fournisseur d’accès à internet et ne plus disposer de la boîte mail de l’époque. La défense renvoie le Tribunal à ses interrogations : « Mais alors si ce n’est lui, qui a fait tout ce travail ?» Guillaume L’Huillier renchérit : « Oui, si ce n’est pas le travail d’un aloc (comprendre : assistant parlementaire local), je me demande de qui c’est le travail alors ? » Soit, mais alors comment faisait-il pour cumuler la fonction de directeur de cabinet et cet emploi d’assistant parlementaire ? L’Huillier raconte qu’il ne comptait pas ses heures : « Je travaillais de 60 à 70 heures par semaine. » En politique, les militants, qu’ils soient colleurs d’affiches, élus, ou cadres, ne sont pas au service du parti : c’est le parti qui est au service des militants, du colleur d’affiches jusqu’à son leader. Et il n’y a que sous les régimes autoritaires que les membres du Parti sont au service du Parti… En démocratie, militants et sympathisants sont les forces vives de la politique. Ce n’est pas le salaire ou le contrat qui font le militant, c’est son engagement, soirées et week-end compris. Le doute de l’accusation sur la paternité de tout le travail présenté au nom de son assistant rend Bruno Gollnisch furieux. Il dénonce avoir « déjà été racketté par le Parlement européen » qui a ponctionné un pourcentage de son indemnité d’eurodéputé à cette époque. « Quelles preuves vous faut-il ? » s’énerve Bruno Gollnisch qui se voit récuser toutes les preuves apportées. Me Bosselut vient en soutien à l’ancien eurodéputé : « M. Gollnisch, sur les feuilles de vote, y-a-t-il le nom de l’assistant, ou sont-elles anonymisées ? » Les feuilles de vote comme toutes les notes sont anonymes et ne portent que très rarement le nom de l’assistant parlementaire. Bruno Gollnisch s’éclaire : « Il y aurait des preuves incontestables de nos communications de cette période de 2005/2009, je téléphonais régulièrement à Montretout où était le bureau des assistants locaux. Il suffit de demander aux PTT la liste de mes appels. » Rires dans la salle. « Et, sur la période 2011/2016, puisqu’il faut des preuves physiques », Bruno Gollnisch présente un DVD où Guillaume L’Huillier l’interroge sur ses activités parlementaires européennes. N’est-ce pas là une preuve de leur collaboration ? Que nenni, la date de publication n’entre pas dans la case incriminée. Du reste, conclut M. Gollnisch, « Si M. L’Huillier avait été fautif au regard de son travail pour le Parlement européen, aurait-il été aujourd’hui même sous contrat d’assistant parlementaire accrédité par le Parlement européen lui-même ?» Lors des recours, l’administration européenne elle-même n’a-t-elle pas signifié qu’elle n’avait aucun grief contre M. L’Huillier ? Bruno Gollnisch dénonce donc des attaques politiques ad hominem, ou ad hominibus, déclenchées à partir du moment où le Front national était en progression. Car, raconte-t-il, bien d’autres assistants parlementaires de députés européens ont eu eux aussi des fonctions au sein de leur parti, voire de très hautes fonctions, et ils n’ont jamais été inquiétés. « Alors que l’OLAF se permet de reprocher à M. L’Huillier d’avoir été lui-même candidat, comme si le statut d’assistant parlementaire interdisait d’être candidat à des élections ! Il y a même un député polonais, ajoute l’ancien eurodéputé, qui a déclaré vingt-deux assistants sans que l’administration n’y trouve à redire. »
Marine Le Pen cherche la sortie du labyrinthe
Combattante, Marine Le Pen, qui a écouté les arguments de l’accusation, s’avance à la barre pour clore cette seconde semaine de procès assez kafkaïenne à ses yeux. Elle tient à contextualiser les différents changements de contrats en rapport avec des élections, externes ou internes. Elle rappelle les crises de succession à partir de 2011 au sein de son mouvement politique. Comment aurait-elle alors pu accepter que des assistants parlementaires travaillent pour le seul compte de Jean-Marie Le Pen avec qui elle était en conflit ouvert, interroge-t-elle. Concernant les ruptures de contrat et leur bascule sur le mouvement, Marine Le Pen affirme qu’il n’y a rien de suspect à ce qu’un assistant parlementaire signe un contrat de conseiller ou autre dans le cadre d’une campagne électorale – « c’est la loi qui nous y oblige » insiste l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2012 – puis que ce dernier redevienne assistant parlementaire après la campagne. Marine Le Pen assure que l’administration européenne connaissait tout de la gestion des contrats des assistants parlementaires. Elle en veut pour preuve les nombreux mails échangés entre l’administration du Parlement européen et le tiers payant concernant les déclarations à enregistrer. La présidente du premier groupe à l’Assemblée nationale dénonce « une instruction faite uniquement à charge », et reprend l’adage populaire « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » pour illustrer l’acharnement subi. L’actuelle députée du Pas-de-Calais décrit « un tunnel qui devient de plus en plus un labyrinthe d’où personne ne peut sortir ».
Celle qui trône actuellement en tête des sondages politiques aura trois jours la semaine prochaine pour dérouler son fil d’Ariane lorsque le tribunal soumettra à la question les contrats d’assistants parlementaires pour lesquels elle a été elle-même mise en examen en juin 2017 pour « abus de confiance » et « complicité », des poursuites requalifiées plus tard en « détournement de fonds publics ».
Quoi qu’en disent les médias, nous n’avons peut-être jamais été aussi nombreux, de Paris à Téhéran, à vouloir écraser l’internationale islamiste. À l’avant-garde de la lutte contre les barbus, l’ancien patron de France Inter estime que nous sommes à un point de rupture : le moment n’est plus à l’apaisement, mais à la bataille victorieuse.
Causeur. Qu’avez-vous pensé ou ressenti le 7-Octobre ?
Philippe Val. Ce jour-là, j’ai pensé à l’histoire d’Israël. Quand on connaît un peu l’enchaînement des événements depuis la déclaration Balfour de 1917, on sait bien que ce n’est pas la première fois qu’il y a sur cette terre des populations arabes qui ne veulent pas de la population juive et qui commettent hélas des pogroms. Seulement, entre-temps, un événement universel a eu lieu, la Shoah, qui nous a montré à quelle tragédie absolue peut mener la haine envers les juifs. Le 7 octobre m’a semblé être une réplique de cette tragédie absolue.
Mais n’y a-t-il pas une différence entre le l’antisémitisme des années 1930 et 1940 et l’antisémitisme d’aujourd’hui ?
C’est vrai, l’antisémitisme a muté. Il avait déjà muté au xixe siècle, passant d’un antisémitisme chrétien à un antisémitisme idéologique, notamment sous l’influence paradoxale de Karl Marx. Dans certains textes, ce petit-fils de rabbin dépeint les juifs comme des capitalistes cosmopolites qui ruinent les pauvres. Sa responsabilité est immense. En France, de nombreux théoriciens socialistes et anarchistes, comme Blanqui ou Proudhon, ont repris ses clichés mais aussi, plus tard, des écrivains comme Gide. Cet antisémitisme d’avant le nazisme n’est pas innocent, il est déjà criminel, surtout dans un pays comme le nôtre où on en trouve la trace chez une certaine élite culturelle. Il faut cependant reconnaître que, quand on a découvert les camps de la mort, la totalité des intellectuels français a rompu avec l’antisémitisme, sauf bien sûr une poignée d’anciens collabos qui étaient quand même des animaux exotiques et faisaient l’objet de la réprobation massive de l’opinion. Le répit a été de courte durée, et assez vite l’antisémitisme a fait, sous une autre forme, son retour sur la scène des idées. Des gens de gauche, qui ne s’étaient pas toujours bien comportés sous l’Occupation, se sont trouvé un héroïsme de rechange en s’engageant pour le FLN et en épousant l’antisémitisme masqué du nationalisme algérien. Il est devenu géopolitique : ne pouvant plus s’exprimer de façon religieuse ni idéologique, il s’est manifesté dans la haine d’Israël. Les codes pour formuler la chose ont ainsi changé. Mais la nature de la chose est restée la même. La preuve, c’est l’incroyable vitesse avec laquelle l’horreur de ce qui s’est passé le 7 octobre a été recouverte par une violente propagande antijuive, qui s’est surtout déchaînée à gauche. Heureusement pas dans toute la gauche.
C’est pourtant en France toute la gauche qui vient de s’allier avec LFI, ce mouvement sur lequel il n’est plus possible d’avoir de doutes. Les donneurs de leçons sempiternels, qui s’écrient « vous pactisez avec le diable ! » dès qu’un élu de droite prend un café avec un élu RN, sont allés à la soupe.
J’ai regardé cela avec effarement. Quand Raphaël Glucksmann a fait son bon score aux élections européennes, j’étais content, je pensais que la gauche intelligente et libérale prenait le dessus. Et puis j’ai vu se former le Nouveau Front populaire. Avec par-dessus le marché un François Hollande qui toute honte bue se réconcilie avec la gauche radicale, antisioniste, dont je sais à quel point il la déteste. C’est hallucinant. Heureusement Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont restés à l’écart de cette honte. Ils ont sauvé l’honneur.
Sans doute, même s’ils continuent à psalmodier que le danger prioritaire est à l’extrême droite, agitant ainsi un fantasme qui occulte les vrais combats.
Je ne suis pas certain que l’extrême droite antisémite soit complètement un fantasme.
Peut-être, mais vous nous parlez de sentiments. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la sécurité des juifs. Or, avec leur baratin sur la tenaille identitaire, surtout destiné à assurer leur estime de soi, vos amis ont favorisé les atermoiements face à l’islamisme. Il y a des priorités. Pour battre Hitler, il a bien fallu s’allier avec Staline.
La condition humaine ne consiste pas à choisir entre le pur et l’impur mais à choisir, au cœur de la tragédie, la meilleure opportunité qui se présente… Je suis un admirateur de Churchill. Il avait Hitler en horreur et il éprouvait une détestation viscérale pour Staline. Il a choisi l’alliance stratégique la plus sûre pour atteindre son but : la défaite de l’Allemagne nazie. Je crois à la politique, qui est affaire de traîtres, et je ne crois nullement à l’idéologie, qui est affaire de crétins.
Reste un fait incontestable : Marine Le Pen a viré son père. Je ne voterai jamais pour elle, car j’ai une aversion philosophique profonde pour les partis radicaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Mais cela ne m’interdit pas de voir que le problème massif de l’antisémitisme n’est plus au RN, mais à gauche. Non seulement pour les raisons historiques que j’ai rappelées, mais aussi parce que l’extrême gauche, par opportunisme, mise sur l’antisémitisme supposé de la communauté musulmane établie dans les pays européens, et notamment en France.
Ce n’est pas un « antisémitisme supposé » ! Toutes les études montrent que l’antisémitisme concerne à peu près la moitié des musulmans européens.
Ce qui veut dire que l’autre moitié n’est pas antisémite.
Halleluyah !
N’ironisez pas. Ceux-là existent, et ils sont nombreux. Il ne faut pas les insulter. Je vous dis cela parce que je sais ce que c’est que d’être insulté. À Charlie Hebdo, Cabu et moi avons toujours été très fermes sur la défense de l’existence d’Israël et sur la lutte contre l’antisémitisme, y compris à gauche. Raison pour laquelle nous n’avons pas arrêté de nous faire traiter de fachos.
Par qui ?
Par cette gauche mélenchoniste qui pue et qui sévit notamment dans les écoles de journalisme et à l’Université. Si vous allez dans les provinces, les gens ne sont pas antisémites, ils s’en foutent ; c’est seulement une obsession au sein d’une petite élite enseignante et médiatique. Aujourd’hui, par exemple, je pense que le positionnement du Monde est un gros problème. Si ce n’était pas le journal de référence, je m’en foutrais, mais leur influence est considérable, ils dictent beaucoup de choses au reste de la presse, notamment aux chaînes publiques, or leur positionnement géopolitique est très violemment anti-israélien. Ils n’ont pratiquement rien publié sur les otages juifs retrouvés assassinés après avoir été torturés ! Je pense que le général de Gaulle a bien résumé les choses avec cette formule : « Dans Le Monde, tout est faux, même la date. » C’est tellement vrai… Cela dit, je le lis tous les jours, parce qu’on y trouve aussi des articles de grande qualité, sans doute écrits par des rédacteurs très malheureux.
Au rang des médias anti-israéliens, il y a aussi France Inter, dont vous avez été le directeur. Il s’y est passé pourtant des choses intéressantes cette année, puisqu’ils ont viré Guillaume Meurice, décision qui ne nous a pas enthousiasmés. Et vous ?
Par principe, je ne m’exprime pas au sujet de l’action de mes successeurs. Mais je peux quand même faire un commentaire général. Un directeur ou une directrice d’un média quelconque a le droit de dire « ça me plaît » ou « ça ne me plaît pas », sinon il n’y a pas de direction. Si Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, n’aime pas l’humour de Guillaume Meurice, elle a le droit de ne pas renouveler son contrat.
Vous savez bien que ce n’est pas pour ça qu’il a été limogé…
En tous les cas, je sais qu’il n’a pas été limogé parce qu’il était follement drôle.
Le « roman » d’Aurélien Bellanger qui accuse la gauche laïque et républicaine en général et feu Laurent Bouvet en particulier de crypto-maurassisme, enchante France Inter et toutes les sacristies de la gauche médiatique. L’avez-vous lu ?
Je ne l’ai pas lu, mais on m’en a beaucoup parlé puisqu’il paraît qu’un des personnages me ressemble beaucoup. J’y vois plutôt un bon signe. Cela veut dire que l’extrême gauche panique. On peut les comprendre. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet en 2006, on était très seuls. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout vrai. Une très grande partie de la société française, et même de nombreux médias, sont avec nous. Malgré les apparences, j’ai l’impression qu’on approche de la fin d’un cycle. Je pense que les antisionistes qui se prennent pour une avant-garde sont en réalité une arrière-garde vermoulue et conformiste. Alors ce livre sort pour nous défoncer, de même Le Monde publie régulièrement des papiers pour nous défoncer. On a l’habitude, la guerre est ouverte.
Moins seuls, d’accord. Emmanuel Macron est-il de votre, de nôtre côté ?
Dans La Citadelle, le livre de Jean-Michel Blanquer, on comprend comment le logiciel d’Emmanuel Macron fonctionne : se conformer en fin de compte au magistère intellectuel de l’extrême gauche. Quelle déception ! Surtout que la plupart des Français refusent ce magistère. D’où leur défiance vis-à-vis du personnel politique, qui n’ose pas traiter le problème de l’islamisme, non seulement par conformisme intellectuel, mais aussi par affairisme, parce que notre pays fait du commerce avec le monde arabe. Tout cela donne un enrobage anesthésiant, confortable, tiédasse dans lequel les dirigeants se réfugient dès que ça commence à chauffer. Si seulement nos politiques voyageaient un peu plus, ils verraient combien l’esprit européen fait envie au reste du monde. J’ai fait des reportages pendant dix ou quinze ans à travers la planète, et j’ai rencontré partout des gens intelligents qui me suppliaient : « Tenez bon, parce que l’Europe est notre seul espoir. On veut vous ressembler ! » Ils désirent parler librement, avoir les relations sexuelles qu’ils veulent, lire des livres qu’ils aiment, voyager, pouvoir s’exprimer, boire quand ils en ont envie.
L’esprit européen, dites-vous. N’est-ce pas une fiction consolatrice ?
Pour moi, il y a un peuple européen : Mozart, Fellini, Chaplin, Proust, Goethe, Dante, Cervantes, Érasme, Kundera. Je n’ai pas d’état d’âme à proclamer qu’il faut défendre l’esprit européen, qui a à voir avec la façon dont on rit sur notre continent depuis l’Antiquité. C’est pour cela que j’ai écrit un livre sur le sujet.
Suffit-il de grandes déclarations d’amour pour défendre ce qu’on admire ?
Non vous avez raison. Le 7 octobre marque une rupture. Le ton doit changer. On ne doit plus se défendre de la même façon, il faut attaquer. Il faut dire : « On va se battre » – intellectuellement bien sûr. Le moment n’est plus venu d’apaiser, mais de gagner. C’est-à-dire de ne pas perdre notre héritage commun.
Vous donnez à l’attaque antisémite du 7 octobre une portée européenne, si ce n’est mondiale. Ne faudrait-il pas en finir avec la centralité de la question juive ? Tout ne tourne pas autour des juifs !
Mais elle est centrale ! L’Europe s’est fondée, construite, inventée avec la pensée juive et la pensée grecque. L’antisémitisme est toujours un suicide européen, une forme de haine de soi. C’est central, car c’est par là que ça commence et par là que ça finit.
On approche des dix ans des attentats de 2015 et on va avoir un festival de proclamations. On répétera en boucle que « s’attaquer à un dessinateur de Charlie, à un Parisien qui boit un verre en terrasse, à un fan de rock, à un juif qui fait son marché dans un supermarché casher, c’est s’attaquer à la France ». On en a marre ! Pour mener le combat intellectuel, comme vous dites, commençons par le sujet qui fâche, l’immigration ?
Cela fait partie du combat, je suis d’accord. Il faut ramener tout cela dans le débat, sinon ça ne sert à rien. Je ne peux plus entendre non plus des raisonnements comme : « L’islamisme, ce n’est pas bien, mais ça n’a rien à voir avec l’islam. » L’islamisme a tout à voir avec l’islam. Il y a un problème au sein de cette religion, si on ne le dit pas, on ne dit rien. Je ne dis pas que tous les musulmans sont des terroristes, mais que tous les terroristes sont musulmans.
Vous le dîtes, mais qui veut l’entendre ? Vous ne pensez jamais que c’est foutu ?
Je ne sais pas si c’est foutu ou pas mais de toute façon, on n’a pas le droit de baisser les bras. Et puis je voudrais finir par une note d’espoir. On devrait davantage observer ce qui se passe en Iran. Je pense que si le régime des mollahs, par bonheur, s’effondrait, cela changerait tout, car c’est le vrai bastion des Frères musulmans. Cela semble étrange de dire cela puisque l’Iran est chiite alors que les Frères musulmans sont sunnites. Mais la révolution de Khomeini était en réalité beaucoup plus sunnite qu’on ne le pense. Tandis que le peuple iranien est, lui, culturellement beaucoup plus proche de nous et d’Israël. Si demain l’Iran se débarrassait des mollahs, il y aurait tout un pan de l’antisémitisme qui s’effondrerait, j’en suis certain.
Notre chroniqueur dit au revoir au champion de tennis espagnol qui prend sa retraite sportive
Voilà, c’est fini. Le corps a dit stop, même si la tête d’un gaucher n’abdique jamais. Trop de blessures, trop de semaines passées sur le circuit ATP, trop de balles frappées avec l’énergie et la fougue d’un possédé, trop de litres de sueur et d’entraînements à la limite. Il aura consacré la première partie de sa jeune existence au tennis, à ce jeu diabolique, éreintant, superbe d’arabesques et d’engagements physiques ; à ce jeu machiavélique où l’adversaire n’est pas un ennemi et où l’œil et la main travaillent de concert, dans un même mouvement libératoire. À 38 ans, Nadal raccrochera sa raquette en novembre prochain après la Coupe Davis à Malaga. Dans son pays, il est adoré et respecté pour sa carrière au meilleur niveau mondial et son fair-play d’hidalgo courtois. Il comptabilise 1 080 victoires. Il est la fierté de l’Espagne, son enfant chéri. Là-bas, il est intouchable. Rafa est apparu un jour de printemps sur nos postes de télé. Il portait les cheveux longs et un débardeur qui laissait dévoiler des biceps musculeux. Depuis ce jour-là, sur la terre ocre de la Porte d’Auteuil, nous l’avons aimé d’instinct, sans réfléchir, comme un petit cousin par alliance qui débarque dans la famille. Il fut d’abord le prince, puis le roi et l’empereur de Roland-Garros avec ses 14 titres. Il est arrivé à un moment de notre tennis national où nous avions des joueurs de tout premier plan mais où la perspective de gagner un grand chelem relevait de l’utopie. La marche était trop haute pour nos tricolores alors nous avons rabattu notre enthousiasme et nos espoirs sur ce latin aux belles manières et au punch ravageur. À force de briller chaque mois de mai, dans le XVIème arrondissement, Rafa était devenu un Parisien d’adoption. Durant deux semaines, tour après tour, Rafa était toujours au rendez-vous. Il y a les sportifs épisodiques qui brillent une saison puis s’évanouissent dans les profondeurs du classement. Et puis, il y a Rafa qui, année après année, sacrifice après sacrifice, a maintenu un niveau tennistique hors du commun. Il était une borne temporelle dans nos vies. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, l’irruption de Rafa sur le Central était tout de même la promesse d’un beau tournoi. Ses frappes ont soulevé une telle ferveur à travers le monde. Les abonnés du Camp Nou connaissent intimement ce sentiment de plénitude, les soirs de match. Il avait quelque peu changé physiquement, il n’était plus le gosse de 2005. Son visage s’était affermi, ses déplacements moins stratosphériques, il restait cependant l’essentiel, ce regard concentré, pénétré par l’âme du tennis. Cette soif avide de gagner et cette résistance à l’effort extrême concouraient à la même détermination. Intacte. Imperturbable et émancipatrice. Il avait bien perdu des cheveux mais l’abandon ne fit jamais partie de son vocabulaire. On l’aimait pour son sens du dévouement dans une époque qui renie toute forme d’engagement. Quand il pénétrait sur un court, il savait que seule la victoire est belle. Au moment de quitter l’avant-scène, on pense à Richard Gasquet qui a annoncé prendre sa retraite à la fin de Roland-Garros, l’année prochaine. Ces deux-là se fréquentent depuis le tournoi des Petits As à Tarbes. On pense aussi à Roger Federer, le danseur étoile au pied léger, leur affrontement tenait de l’exercice de style et du gentlemen’s agreement. D’un côté, le taureau tempétueux, broutant la terre, massacrant la balle jaune ; de l’autre, la leçon de tennis à l’état pur, le geste dans l’expression d’une fluidité irréelle. Et puis, on pense fatalement à Djoko, le plus étincelant palmarès de l’histoire du tennis, le dernier des mohicans, qui semble courir après l’amour du public. Ce triumvirat cachait en fait un couple d’amis.
Pour comprendre l’effet Rafa, il faut l’avoir vu jouer de nombreuses fois à Roland. Depuis l’âge de douze ans, je foule les Internationaux de France, j’ai vu Connors, Noah, Leconte, Sampras, Edberg, des artistes, des cabots, des cogneurs, des relanceurs, des défenseurs patients et des attaquants suicidaires, aucun n’a réussi à arrêter le temps comme Rafa. Il entrait sur le Chatrier comme Johnny survolait le Stade de France. Les spectateurs étaient venus pour lui, le voir, sentir le frisson de son coup droit et s’inspirer de son attitude. Je me souviendrai de ces premières minutes où le match démarre souvent sur un faux rythme. Avec Rafa, de la première balle jusqu’à la balle de match, chaque coup était catapulté avec une vigueur et une joie communicatives.
Laure Adler adore le dernier livre de Judith Butler, laquelle est admirée par Mona Cholet. Halte au massacre!
Le dernier livre de Judith Butler, Qui a peur du genre ?, vient de sortir. Enthousiasmée, Pascale Fautrier en a fait la publicité dans un article paru le 19 septembre dernier dans L’Humanité. Et ça démarre sur les chapeaux de roue: « Partoutla diabolisation de “l’idéologie du genre” et des “théories critiques de la race” est le symptôme de tendances fascisantes [qui] défendent des politiques d’exclusion racistes, homophobes et anti-trans, ouvrant les conditions à (sic) la multiplication des ratonnades et des crimes ». Passons rapidement sur la langue négligée avec laquelle est écrit cet article, d’autant plus regrettable que son auteur est… docteure agrégée de Lettres modernes, et sur cette énième et banale accusation de fascisme pour nous intéresser au rapprochement opéré naturellement par Mme Fautrier entre l’idéologie du genre et l’idéologie « racialiste ». Ces deux branches du wokisme œuvrent effectivement de concert et travaillent conjointement à la « déconstruction », c’est-à-dire à la destruction des valeurs occidentales.
Philosophies de l’émancipation
« De la théorie du genre à la théorie critique de la race, en passant par l’épistémologie du point de vue, le but des wokes est de “déconstruire” tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être “systématiquement” sexiste, raciste et colonialiste », rappelle Jean-François Braunsteindans La religion woke (Grasset). Ce n’est pas un hasard si le journal de stricte obédience gaucho-wokiste Mediapart, après avoir créé en son sein un poste de « responsable éditorial aux questions de genre », vient de nommer une « responsable éditoriale aux questions raciales ». Sabrina Kassa, la responsable en question, a annoncé qu’elle veillera entre autres à ce que les notions racialistes et les mots « race », « racialisation », « racisation », « blanchité » et « privilèges », soient assidûment employés afin que ne perdure pas l’idée (fausse, bien entendu, selon elle) que la France est « indifférente à la couleur ». Au moment de la création de SOS Racisme, Jean Baudrillard avait déjà compris de quoi il retournait : « SOS Racisme. SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiracistecomme dernier vestige des passions politiques ». En plus du racialisme, dansent aujourd’hui sur ce tas de ruines politiques tous les co-locataires de l’idéologie woke : le néo-féminisme, le transgenrisme et l’écologisme.
Pour les idéologues du genre et du racialisme, l’adversaire à abattre a dès lors des contours précis : il est un individu occidental, plutôt hétérosexuel, plutôt blanc, plutôt ordinaire. Imperméable aux chants des sirènes butlériennes et aux accusations de racisme des racialistes, souvent désireux de fonder une famille – « une famille hétéronormée », précisent avec une moue de dégoût Judith Butler et Pascale Fautrier à sa suite –, aspirant à des relations apaisées, voire amicales, avec ses voisins ou ses collègues de travail – que ceux-ci soient blancs, jaunes ou noirs –, cet individu, bien qu’estomaqué par l’obscénité des comportements ou la bêtise des propos de ceux qui se revendiquent bruyamment des mouvements queer ou des associations obsédées par la race, n’a pas vraiment pour habitude de se livrer à « des ratonnades et des crimes » ; il ferait même plutôt partie de ceux qui, à juste titre, craignent de devenir les victimes d’une nouvelle et grandissante délinquance. Il n’empêche, trop conservateur dans ses mœurs, peu enclin à suivre les préceptes butlériens et, par conséquent, à « multiplier les possibilités d’existence » – c’est-à-dire à se prendre pour autre chose que ce qu’il est, homme ou femme, à se teindre les cheveux en vert ou à vivre en trouple – cet individu-là est, aux yeux de Mme Fautrier, un réactionnaire, un privilégié effrayé par le prétendu « combat anticapitaliste » de Judith Butler, cette « philosophe de l’émancipation ». Ce suppôt du libéralisme, écrit-elle en substance, a du mouron à se faire car « la professeure de Berkeley appelle la gauche à nouer partout les alliances les plus larges possibles pour contrer cette offensive réactionnaire, en associant“la lutte pour les droits et la liberté du genre à la critique du capitalisme” ». Au cimetière londonien de Highgate, il paraît qu’on a vu dernièrement l’imposante tombe de Marx bouger dans tous les sens…
L’éveil de Laure Adler
« Le combat pour la reconnaissance des désirs, des genres, loin des assignations hétéronormées, ne fait que commencer », écrit de son côté, dans Les Inrocks, l’impayable Laure Adler, une des plus éminentes propagatrices de la culture gauchisante et des élucubrations pseudo-intellectuelles en vogue. Selon elle, le dernier opus de Judith Butler est « magistral ». Pensez donc, la théoricienne du genre y analyse « comment des forces d’extrême droite peuvent instrumentaliser des consciences en s’appuyant sur des peurs construites de fin de civilisation car l’ordre patriarcal est menacé ». Laure Adler – qui, soit dit en passant, écrit maintenant ses articles dans un style de plus en plus débraillé et en écriture inclusive – est tombée dans la théorie du genre comme d’autres tombent, parfois tardivement, dans la religion. La lecture des écrits alambiqués de la papesse du genre et de ses cardinaux – Éric Fassin & Co – l’a plongée dans une torpeur intellectuelle qu’elle imagine être un « éveil de la conscience ».
Enivrée par les thèses et le style amphigouriques de la théoricienne idolâtrée et par les purées verbeuses de ses zélateurs, Laure Adler a reçu il y a quelques mois sur France Inter le très butlérien et très transgenré meneur de revues intellectuelles queer Paul B. Preciado. Ce dernier l’envoûta grâce à une formule magique connue des seuls initiés aux nouveaux rites butléro-deleuziens : « La transition est un acte somato-politique de décolonisation, pour essayer d’extraire les instances, donc les technologies de subjectivation, qui essaient de capturer la puissance désirante qui nous habite. » La buée que ce brouillard ésotérique déposa sur les lunettes bleues de la journaliste ne l’empêcha pas d’avoir une vision ; un nouveau commandement s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit : « Dorénavant, l’ordre hétéro-patriarco-colonial tu combattras ! » Depuis, l’ex-directrice de France Culture croit dur comme fer que le genre n’est qu’une « construction sociale », que le sexe est « assigné à la naissance », que le patriarcat de souche perdure en France, que les hommes sont élevés dans la « culture du viol », que la « sororité » et le « métissage des genres et des cultures » sauveront le monde et que « la culture queer et trans peut être l’avant-garde du combat contre tout système de domination ». Adhérer, même par pur conformisme, au wokisme, finit par esquinter l’intelligence, quel que soit son niveau initial. L’essayiste qui admira naguère la vie et la pensée de Hannah Arendt ou celles de Simone Weil, affirme aujourd’hui que la dernière entourloupe pseudo-philosophique de Judith Butler « fera date ». Cela aurait pu n’être qu’un égarement momentané. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit-on. Malheureusement, et au grand dam de certains insectes, Laure Adler persévère…
En plus de prêcher la bonne parole tous les soirs, sur France 5, dans l’émission bienpensante “C ce soir” animée par le très politiquement correct Karim Rissouli, Mme Adler vient en effet de concocter pour La Chaîne Parlementaire (LCP) un programme d’entretiens intitulé “Paroles de femmes”. Les femmes reçues par la journaliste sont conviées à donner « leur vision du féminisme » ; le nom de certaines invitées laisse augurer de grands moments d’ennui, d’irrépressibles bâillements, de possibles somnolences. Le 6 octobre, par exemple, l’invitée a été… Ovidie. L’ex-star du porno reconvertie dans le féminisme a livré à cette occasion, apprend-on sur le site de LCP, ses réflexions sur la « politisation de l’intime qui associe la femme à un sentiment de désir dans la société sexiste qui est la nôtre ». L’assoupissement nous gagne déjà… Profitons de cette pénible expérience pour en appeler solennellement au député Aymeric Caron : ne serait-il pas temps d’ouvrir un véritable débat et d’envisager des mesures énergiques pour que cessent les actes de cruauté sexuelle sur les coléoptères dans certaines émissions de l’audiovisuel public ?
Le 20 octobre, Laure Adler recevra… Mona Chollet, cette autre penseuse de haut vol plané qui estime que « considérée froidement, l’hétérosexualité est une aberration »[1], promeut en ce moment sa dernière production, un nouveau livre plein de vide, comme son précédent, inutile et superflu, comme l’ensemble de son œuvre. Dans Résister à la culpabilisation, Mme Chollet avoue avoir « commencé à entendre des voix dans [sa] tête il y a environ huit ans », alors que, vivant seule dans son appartement, sans avoir à recourir à un travail salarié pour profiter pleinement de la vie, elle était confrontée à des « interrogations existentielles » en même temps qu’à une « conscience aiguë de [sa] situation privilégiée ». Une de ces voix, avoue-t-elle, lui aurait dit à plusieurs reprises : « Ce n’est pas possible d’être aussi conne. » Il n’est pas absolument certain que le passage à l’écriture inclusive dont se vante Mme Chollet adoucisse ce jugement. Il paraît que, lors de son entretien avec Laure Adler, cette autrice « partagera ses réflexions sur les défis actuels du féminisme et interrogera les normes sociales et les mécanismes de pouvoir en place ». D’où notre appel réitéré au député Caron.
Enfin, Laure Adler s’entretiendra le 3 novembre avec… Alice Coffin. Il est prévu que cette dernière explique « comment ses idéaux devraient se traduire en actions concrètes dans la société ». Les coléoptères auront intérêt, plus que jamais, à serrer les miches. Notre ultime appel au député Caron sera, nous en sommes convaincus, entendu – un homme qui n’a pas hésité à s’opposer au meurtre des mamans moustiques ne saurait rester indifférent au sort des coléoptères, des mouches et autres diptères, victimes innocentes des byzantins missionnaires du néo-féminisme et de la religion woke. Halte au massacre !
À un mois de l’élection, les faiblesses de la campagne de Kamala Harris sont de plus en plus visibles. Un décrochage de la candidate est-il inéluctable ?
La bulle médiatique autour de Kamala Harris pourrait bientôt finir par éclater. À un mois du scrutin, la candidate Démocrate semble avoir terminé sa lune de miel avec l’opinion publique américaine.
Les sondages restent serrés, en particulier dans les Etats clefs, et chacun s’accorde pour dire que le scrutin demeure incertain, malgré une avance nationale de 2 ou 3 points pour les Démocrates. Mais, depuis la rentrée, Kamala Harris ne progresse plus. Son état-major est donc un peu fébrile. Le score de Trump a été gravement sous-estimé dans les sondages en 2016 et 2020. Aussi, les 1 ou 2 points d’avance qu’affiche Kamala Harris dans les Etats pivots de Pennsylvanie et du Nevada ou les 0.5 point d’avance dans le Wisconsin ne sont pas une avance très confortable. D’autant que dans le Michigan, des sondeurs disent que Trump est de nouveau en tête.
La vice-présidente de Joe Biden doit d’abord assumer un bilan très critiqué. Les Américains ont eu le sentiment (légitime) de voir leur niveau de vie se dégrader sous l’administration Démocrate, que l’immigration n’était pas maîtrisée, alors que progressaient à l’international les désordres en tous genres. Après le retrait chaotique d’Afghanistan, le déclenchement de la guerre en Ukraine ou le retour de la guerre en Israël, les Républicains ont beau jeu de critiquer un bilan diplomatique désastreux. Et il est très difficile pour Kamala Harris d’incarner le renouveau, quand Joe Biden dans ses interventions admet lui avoir transmis « les clés du camion » en matière de politique internationale et que l’on est soi-même numéro deux de son administration.
Une campagne virtuelle déconnectée de la réalité
Dans ce contexte, la stratégie de communication des Démocrates reste très hésitante. En 2020, l’équipe de campagne de Joe Biden avait revendiqué un temps de déconnexion numérique : c’en était fini de Twitter où l’on ne trouvait que des journalistes et des militants politiques ! Place alors à la vraie vie, place alors aux propositions concrètes visant à améliorer le quotidien des Américains, place à l’économie et au pouvoir d’achat plutôt qu’aux habituelles dénonciations de l’adversaire honni ! Pour la cuvée 2024, étrangement, les Démocrates misent de nouveau sur une stratégie virale, axée principalement sur Tiktok, espérant capter l’attention des jeunes électeurs avec des vidéos courtes et accrocheuses souvent assez vides de propositions voire de tout contenu politique. James Carville, l’ancien conseiller de Bill Clinton, a critiqué ouvertement l’équipe de campagne de Harris, l’accusant de ne pas être en prise avec la réalité. Cette remarque met en lumière un fossé entre la réalité politique et une stratégie de communication aseptisée qui n’a pour seul atout qu’une modernité numérique supposée. Côté Trump, les Républicains mènent une campagne de terrain tournée vers l’action militante ; et ils progressent, notamment dans la collecte de bulletins de vote – un élément devenu clef pour la victoire comme l’a montré le scrutin de 2020.
Le choix du colistier : un handicap politique ?
Le choix du colistier de Mme Harrius, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, n’a rien arrangé, et l’ensemble de la campagne peine à susciter l’enthousiasme. En témoignent les sondages dans ce fameux Minnesota, fief Démocrate qui semblait solide et n’avait pas voté Républicain depuis le raz-de-marée Reagan de 1980. L’avance du ticket Démocrate s’y est réduite à seulement cinq points dans les derniers sondages. Un signal d’alarme qui peut d’autant plus inquiéter l’équipe de campagne de Harris que le choix d’un colistier permet d’ordinaire de sécuriser l’Etat d’origine du potentiel vice-président… Le Minnesota fait partie de cette ceinture industrielle des Grands Lacs, où les électeurs de la classe ouvrière américaine sont nombreux à pencher pour Trump depuis 2016. Beaucoup y sont sensibles au discours de Trump sur le retour du protectionnisme et la défense des frontières.
Les syndicats de travailleurs, traditionnellement acquis aux Démocrates, voient certains de leurs adhérents virer leur cuti. Une consultation interne des membres du syndicat International Brotherhood of Teamsters a révélé que 60% d’entre eux préféreraient le ticket Républicain. Si J.D Vance, le colistier de Trump, reste un personnage controversé, le public a pu mesurer ses qualités intellectuelles lors du débat qui l’opposait à Walz, et son statut de fils d’ouvrier appalachien demeure un formidable atout.
Splendeurs et misères d’un plan média
Si les élites Démocrates des grandes métropoles ont depuis longtemps négligé le vote ouvrier, elles pouvaient jusqu’à ce jour au moins se consoler avec le soutien des grandes figures du show-biz et les célébrités hollywoodiennes. Il ne faut cependant pas négliger l’effet de scandales répétés sur l’image de ces dernières. L’affaire qui affecte ces derniers jours le rappeur P Diddy, accusé de trafic sexuel, fait beaucoup de bruit. Il sera jugé en mai 2025, et reste pour l’instant en prison. La star avait appelé à voter Obama et Biden par le passé. Pareils soutiens sont-ils encore pourvoyeurs de voix ? Rien n’est moins sûr. Faute de pouvoir accrocher de nouveaux électeurs avec de beaux récits hoolywoodiens, les candidats Démocrates tentent d’élaborer le leur, au prix de certaines exagérations. Kamala Harris a ainsi tenté de faire pleurer dans les chaumières en se disant issue de la classe moyenne (avec une mère universitaire et chercheuse en biologie, et un père lui aussi universitaire et économiste, quand même), et en rappelant qu’elle travaillait durement chez McDonald’s dans sa jeunesse. Son récit a paru au public quelque peu enjolivé. Tim Walz, de son côté, a voulu exhiber ses faits d’armes glorieux, prétendant avoir été déployé dans des zones de combat rapprochés et avoir assisté aux évènements de la place Tiananmen. La véracité de son récit a été depuis remise en cause.
Harris et Walz ont par ailleurs fait le choix d’une communication strictement verticale, sans véritables interactions avec les journalistes ou entretiens. Les relations de l’équipe avec la presse sont extrêmement limitées et cadrées. À quoi attribuer ce mutisme ? Cherchent-ils à fuir les sujets sensibles pour dérouler ce roman d’existences imaginaires ? Ou cherchent-ils tout bonnement à dissimuler leur absence de propositions concrètes ? Ils ne préfèrent quand même pas l’eau tiède des discours candides sur les prétendues réussites du président Biden ? Les adversaires de Trump ont en tout cas bien de la peine à le faire passer pour un dégonflé, lui qui n’a jamais craint l’algarade médiatique. Son message est certes clivant, mais il a le mérite d’une certaine clarté.
Une campagne qui peine à convaincre
A quoi attribuer toutes les faiblesses de la candidature Harris ? Rappelons que Kamala Harris n’était pas le premier choix des Démocrates. Brièvement candidate à l’investiture en 2020, elle avait dû renoncer avant même la primaire de l’Iowa, faute de soutien populaire (ses intentions de vote plafonnaient à 1% des voix). Le renoncement précipité de Joe Biden fut l’épilogue d’un tour de passe-passe inédit dans l’histoire politique américaine. Conscients du vieillissement du président sortant, les stratèges Démocrates ne se résignaient pourtant pas à le débrancher avant l’élection primaire, de peur que des candidats contestataires se saisissent du vote pour imposer leur ligne au parti. Bernie Sanders avait manqué par deux fois (et de très peu) d’être investi en 2016 et en 2020. Dans les métropoles, la base Démocrate penche plus nettement à gauche. Beaucoup d’électeurs Démocrates traditionnels reprochent par ailleurs l’abandon de la classe ouvrière par la direction du parti. Une primaire aurait été l’occasion d’une grande et douloureuse explication collective, que l’establishment progressiste américain voulait à tout prix éviter. Moyennant quoi, ni la question du libre-échange, ni celle de l’immigration, ni celle de la sécurité ou encore de la fiscalité n’ont pu être franchement tranchées par les électeurs. Or, à ne jamais évoquer les questions qui fâchent, on finit par ne plus parler de rien. Faute de légitimité populaire, Kamala Harris est contrainte de rester floue pour ne contrarier aucun de ses soutiens. Une primaire aurait à tout le moins permis à un candidat d’avancer un message clair et offert aux Etats-Unis un véritable débat démocratique. Bien mal acquis ne profite finalement jamais…
Sans nos ex-gouvernants, on ne rirait plus en France…
On aura deviné, je l’espère, que je ne souhaite évidemment la mort de personne, même pas de quelques ministres présents ou récemment remerciés. Comment se passer, en effet, de leur ridicule, de leurs postures, de leur caquetage de basse-cour dorée, de leurs grands airs de « Monsieur (ou Madame) Je-sais-tout », de leurs pensées et convictions à peu près aussi vides que les caisses de l’État et que le seront nos poches dans un futur proche ? Comment se passer de ces gens qui au fond prêteraient à rire s’ils ne nous coûtaient aussi cher ? La chose n’est pas nouvelle. Déjà en son temps, Sébastien-Roch Nicolas, dit Chamfort – de si gratifiante lecture – s’en faisait l’écho : « Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France ». Rire jaune, le plus souvent. Très jaune même, ces temps-ci.
L’une des raisons pour lesquelles ces gens-là pourraient déclencher un soupçon d’hilarité est l’aptitude plutôt bizarre qu’ils ont de n’être compétents qu’une fois morts, je veux dire que lorsqu’ils ne sont plus aux affaires, aux manettes.
On dirait bien qu’il suffit d’éjecter un ministre de son confortable fauteuil pour que, soudain visité par la grâce, touché par la lumière de l’intelligence la plus créatrice, il sache très précisément ce qu’il convient de faire pour la prospérité du pays et le bonheur de ses populations. C’est fou ! À peine virés – dans le cas présent – pour résultats pis que calamiteux, voilà que, toute honte bue, avec une arrogance à se tordre de rire tellement elle donne dans le grotesque, ils courent les plateaux TV pour faire la leçon aux successeurs, leur expliquer en long, en large et en travers la bonne méthode, exposer les mesures de courage et d’impérieuse nécessité à prendre pour remédier aux maux qu’au prix de sept ans d’errements accumulés avec un zèle digne d’éloges ils ont eux-mêmes causés ou aggravés. Splendide ! On applaudit à tout rompre. Le courage politique seulement lorsqu’on n’est plus en position de l’exercer, voilà leur truc. C’est malin. Confortable et malin. À se tordre, non ?
Oscarisables dans cet exercice, nous avons comme tout premiers nominés MM. Attal et Darmanin, duettistes au culot à peu près aussi énorme que le déficit et la dette conjugués. L’un et l’autre ne craignent pas de présenter comme indispensables et vitales des mesures – temps de travail, fiscalité, etc. – qu’on n’avait jamais entendues de leur bouche du temps de leur gloire ministérielle. L’indécence, le mépris de l’intelligence « citoyenne » seraient nobelisables, nous aurions-là le duo finaliste. Duo converti en tiercé si l’on veut bien lui associer M. Hollande (La France devenue « pays bas » sous son règne. On aurait dû s’y attendre). M. Hollande, disais-je, dont tout le monde – à part lui-même apparemment – se souvient qu’il fut président de la République. Avec à la sortie le bilan éblouissant que nul n’ignore. Lui aussi, déchu, viré, auto-limogé pour résultats catastrophiques, aurait vu la lumière. Sans rire, voilà même qu’il revendique à présent le mérite, la gloire immense d’avoir sauvé la Grèce de sa disparition pure et simple dans les poubelles de l’économie mondialisée. Je suis bien certain que, entendant cela, Jupiter, l’autre le vrai, le grand, celui des Grecs anciens, se roule par terre de rire.
Puisque ces jours-ci tout le monde y va de son conseil pour aider à la guérison du malade France, pourquoi m’en priverais-je ? Je préconise que soit inscrit dans la Constitution – oui, dans le marbre de la Constitution – l’obligation faite à tout ministre ou président débarqué, premièrement de la boucler pendant deux ou trois ans. Deuxièmement, de se rendre enfin utile au pays, utile pour de bon. En pompiers volontaires pour Attal et Darmanin, ils sont en âge. En clown-visiteur en EHPAD pour Hollande. Lui aussi est en âge, et il semblerait qu’il ait un certain talent pour faire rigoler l’entourage. Ce serait déjà cela.
Le nouveau roman de Céline Laurens se lit d’une traite, autant parce que l’on veut savoir qui a incendié cette maison de maître dans laquelle les propriétaires ont trouvé la mort, que pour son style.
Céline Laurens nous revient avec un troisième roman, La maison Dieu, aussi magnétique que les deux premiers : Là où la caravane passe (prix Roger Nimier 2022) et Sous un ciel de faïence (2023), publiés aux Éditions Albin Michel. La couverture et le titre du livre font référence à une carte – une lame – du tarot de Marseille. Elle représente une tour moyenâgeuse foudroyée – foudroiement surnaturel ? – de laquelle deux personnages tombent. Ce qui étonne, c’est que leurs regards expriment une certaine sérénité. Le feu détruit, mais il libère également. Comme s’il fallait mourir pour mieux renaître. La carte du tarot est une mise en abîme de l’histoire du roman.
Nous sommes en Ariège, au début du siècle, où la lutte entre le Bien et le Mal n’épargne personne. Chacun s’épie dans ce village si bien décrit par Abel, l’un des habitants de La maison Dieu. Ce dernier refuse de grandir, tandis que sa sœur jumelle, Mallora, ne rêve que de fuite à grandes enjambées vers des contrées inconnues. Il y a également Élise, la domestique, arrivée grâce à une lettre de recommandation du curé de la paroisse. On la soupçonne d’être un peu sorcière. Quant au couple propriétaire de la maison à la funeste destinée, le temps a érodé leur amour. Madame passe ses journées à regarder par la fenêtre les lentes variations de la nature, tandis que Monsieur vit, reclus, dans son bureau. Il ne faut pas oublier Justin, le voisin, ancien amoureux éconduit de la maîtresse de maison. Il pêche et picole. Il raconte à Abel qu’il évite d’attraper le silure millénaire qui se cache dans les eaux de l’Hers. « Ce silure, dit-il, transporte dans son ventre un livre sur lequel est consigné l’histoire du passé et du futur de l’humanité. » Céline Laurens se délecte à narrer, non sans humour, la suite de l’anecdote. Ainsi apprend-on que cette pêche diabolique a déjà déclenché le courroux de sorcières hirsutes qui chevauchaient leur balai dans un ciel de suie.
Le roman s’ouvre sur les décombres de la maison ravagée par un incendie. Madame et Monsieur sont morts. La piste criminelle semble ne faire aucun doute. On accuse le « Mérou », un pyromane qui sévit dans la région. Mais chaque personnage peut avoir fait le coup, et le « Mérou » joue peut-être le rôle du bouc émissaire. Le roman devient polyphonique. Chacun prend la parole pour exprimer sa vérité et révéler sa personnalité névrotique. La prouesse de Céline Laurens est de se glisser dans la tête de chaque protagoniste, tout en adoptant le principe de neutralité. On se rapproche de la méthode Simenon utilisée dans les enquêtes du commissaire Maigret.
Du romanesque pur jus jusqu’à l’immorale chute.
Céline Laurens, La maison Dieu, Albin Michel. 240 pages
Un an déjà que nous sommes en guerre. On pourrait presque tracer une courbe ou définir une équation toute simple : le cercle des agresseurs contre Israël ne cesse de s’élargir en même temps que s’agrandit celui de nos détracteurs et de nos censeurs. Bref une formule inédite dans l’histoire des relations internationales : plus on nous attaque, plus on nous blâme. Plus on nous bombarde, plus on nous condamne. Plus on nous harcèle, plus on nous accuse. C’est en effet à ce jeu affligeant que s’est prêté le président Macron en commettant trois fautes essentielles.
La première est celle de l’appel à l’embargo. Outre son caractère révoltant qui consiste à tenter de désarmer un pays ami et allié en proie à une lutte de survie avec les pires ennemis qui soient, Emmanuel Macron a enfoncé le clou de la défiance vis-à-vis de la France pour tous ceux qui en Israël n’ont jamais vraiment oublié l’abandon de la France en 1967 lorsque le Général de Gaulle avait décidé l’embargo sur les armes livrées à Israël en pleine guerre de survie. J’ai été diplomate israélien et servi plusieurs fois à notre ambassade à Paris. Je sais combien l’ombre de la défection gaullienne de 1967 continuait d’alimenter des craintes à Jérusalem vis-à-vis de Paris. Emmanuel Macron vient de rallumer la flame de la trahison française et je souhaite beaucoup de courage à mes collègues des deux côtés de la Méditerranée qui devront travailler très dur pour rétablir la confiance dans notre relation bilatérale.
La seconde faute concerne le Liban qu’il appelle “à ne pas devenir un nouveau Gaza”. Or justement c’est là le cœur du problème car le Liban, dans sa partie sud à tout le moins est Gaza. C’est-à-dire un territoire entièrement contrôlé par une organisation terroriste qui y a installé patiemment et sciemment son infrastructure de terreur en toute impunité au sein de la population civile et de ses institutions : immeubles d’habitation, crèches et écoles, hôpitaux et autres bâtiments publics. Le Hezbollah a creusé au Sud Liban les mêmes tunnels que le Hamas à Gaza, a entreposé les mêmes quantités d’armes, de munitions et de missiles, préparé et mis au point le même plan d’attaque que celui du 7-Octobre pour en amplifier la démesure et massacrer, supplicier et s’apprêtait à “célébrer” le premier anniversaire du 7-Octobre en commettant dans le Nord d’Israël un pogrom qui aurait fait rougir de honte leurs alliés du Hamas tant il aurait été sanglant et abominable. Donc que veut dire le président français ? Quelles sont ses attentes ? Qu’un Israël désarmé et isolé abandonne sa population aux hordes terroristes djihadistes du Hezbollah ? Depuis un an, le Hezbollah a lancé des milliers de missiles contre les populations et localités israéliennes du Nord. Combien de fois la France a-t-elle appelé à un cessez-le-feu ? Combien de fois a-t-elle demandé l’application immédiate des résolutions de l’ONU qui ont exigé le démantèlement du Hezbollah ? Zéro. Pas une seule fois. Mais depuis qu’Israël, après avoir fait preuve d’une retenue sans précédent pendant uneannée entière à avoir été bombardé et harcelé, se lance dans une opération qui pourrait non seulement éliminer la menace au Nord d’Israël mais aussi permettre au Liban ce pays si cher à la France de se débarrasser du Hezbollah, Paris appelle au cessez-le-feu !
La troisième faute consiste à appeler à une solution politique alors que nous sommes en pleine guerre contre des mouvements terroristes manipulés par l’Iran. Quelle aberration! Les Etats Unis ont-ils proposé une solution politique à Al-Qaïda après le 11 septembre ? Ont-ils envoyé des émissaires pour dialoguer et chercher ensemble une “solution politique” ? Non évidemment. Ils ont bombardé pendant 20 ans l’Afghanistan jusqu’à l’élimination physique de Ben Laden.
La France a-t-elle proposé une “solution politique” à l’Etat islamique après l’attentat du Bataclan? A-t-elle tenté de négocier avec Daesh un accord de cessez-le-feu? Non. La France et ses alliés ont bombardé pendant des années Mossoul, Raqqa, Falloujah et autres villes du Califat pour écraser les terroristes de Daesh. C’est exactement ce que nous faisons Monsieur le président de la République, à une différence près : Daesh était à des milliers de kilomètres de vos frontières. Les djihadistes du Hezbollah et du Hamas sont à nos portes….
Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.
Tourne. Tourne. Tourne. Depuis plus de soixante jours, le manège politico-médiatique tourne sur lui-même. De la soirée électorale du second tour des élections législatives à aujourd’hui, j’ai participé à ce carrousel. Débats télés, radios, tweets, billets… Un œil rivé sur le fil de l’AFP et sur les réseaux sociaux, l’autre sur la presse, les SMS et les groupes WhatsApp. Deux mois pour trouver un Premier ministre : qui de Castets, Cazeneuve, Bertrand, Beaudet, Baroin ou alors un profil plus techno ? Un grand serviteur de l’État ? ALERTE ! On a vu Larcher sortir discrètement par la grille du Coq de l’Élysée.
Tourne. Tourne. Tourne. Barnier ! Alors le carrousel s’est emballé pour décrire la passation de pouvoirs entre « le plus jeune » et « le plus âgé ». Il y a eu le moment où le Savoyard madré a réglé son compte au jeune marquis courroucé. « Cela laissera des traces », ont dit des petits chevaux du manège. « Après le soutien sans participation de LR, va-t-on sur la participation sans soutien du groupe macroniste ? », ont dit les autres.
Tourne. Tourne. Tourne. Nous venons d’assister, depuis début juillet, à une spectaculaire sécession de la classe politique, quasiment dans son ensemble, ainsi que de la classe médiatique vis-à-vis du pays réel. Certes, quand ils sont consultés, les citoyens continuent de répondre aux instituts de sondage. Ce qui peut donner l’illusion d’une connexion avec le carrousel. Mais rien de tel. L’écrasante majorité a très vite détourné le regard. Après le « a voté » du dernier dimanche électoral, de nouveau, rien n’a changé. Le macronisme est encore plus à droite, sa pente naturelle, quand le pays regarde ailleurs. Il est faux de dire et de répéter que la France est à droite quand un examen sérieux des différentes enquêtes d’opinion au cours des dernières années démontre, à chaque fois, l’exigence de justice sociale et d’égalité. Voyez la réforme des retraites ! Et l’immigration ? La sécurité ? La gauche devrait prendre d’autant plus ces questions à bras-le-corps pour ne pas les laisser à d’autres qui, dans le même temps, encouragent à une nouvelle saignée budgétaire des services publics pourtant indispensables à la mise en œuvre des missions de l’État.
Tourne. Tourne. Tourne. J’ai souvenir du manège lors de la campagne référendaire de 2005 sur le traité constitutionnel européen. Après Maastricht, qui a signé l’abandon de notre souveraineté, le peuple a très nettement dit « NON ». Le carrousel a voulu éjecter ceux qui ont dénoncé le passage en force, le déni de démocratie. À l’aune de cette rupture et du choix majoritaire du peuple souverain, il ne peut y avoir de « cohabitation », ni même de « coexistence exigeante » entre Macronie et LR. Ils sont d’accord sur l’essentiel. Une nouveauté cependant : le RN a décidé d’accepter le jeu, de ne pas s’opposer à Barnier, ancien commissaire européen. Le RN est désormais sur le manège qui tourne.
Les circonstances précises de la mort du jeune Kylian, poignardé dans le Calvados, restent mystérieuses.
Le 29 septembre, à Subles, petite commune du Calvados, un môme de dix-sept ans trouve la mort sur le parking d’une discothèque, l’Octavia. Il meurt saigné à blanc, lardé de coups de couteau. Dans le dos et à hauteur de la nuque. On se souvient du drame de Crépol, dans la Drôme, et de Thomas, seize ans, lui aussi poignardé à mort. À croire que, aujourd’hui, l’accessoire indispensable pour une virée réussie en boîte serait le couteau, le surin comme on disait dans les romans d’Albert Simonin à une époque où l’artifice de conquête au Bal à Jo et au pince-fesses du chef-lieu étaient la Gomina et le simili Perfecto. Avec franges aux manches et clous un peu partout, bien entendu.
Dix-sept ans, la vie devant soi, la mort dans le dos. Qui frappe en traître. Au petit matin, à la sortie de ce qui aurait dû être une fête et qui se termine en bagarre générale – violente – sur le parking. Une soirée spécial célibataires, semble-t-il. Alléchant à l’âge où Cupidon se plaît à titiller les sens en éveil.
L’enfant qui a perdu la vie – car Kylian était un enfant – à dix-sept ans on l’est encore – a été tué par un gars un peu plus âgé, vingt-quatre ans. Intérimaire dans le bâtiment, précise le procureur de la République. Les gendarmes de Bayeux l’ont trouvé sur place, les mains et les vêtements couverts de sang. D’après des témoins, il aurait ramassé l’arme par terre. C’est dans sa poche que les gendarmes la retrouvent. Tout d’abord, l’interpellé nie toute implication. Puis il reconnaît s’être saisi du couteau, avoir déplié la lame et, voulant s’interposer dans la mêlée, ayant lui-même reçu coups de poing et jet de lacrymogène, il se serait mis à frapper le premier gars qui se trouvait devant lui, à l’aveugle en fait. « Sans intention de tuer » précise aussi le procureur. Poignarder, à plusieurs reprises, sans intention de tuer, on entend déjà l’argumentation passablement frelatée de l’avocat. Cela viendra en son temps.
Pour l’heure, l’auteur présumé des faits est mis en examen et placé en détention provisoire.
Kylian était un jeune sans histoires, amateur de boxe, sport dans lequel il était bon, selon son coach. Un garçon plutôt introverti, qu’on trouvait sympa, discret, qui donnait envie « d’aller vers lui » disent ceux qui le fréquentaient. « Un garçon qui aimait la vie et qui voulait en profiter », confie sa maman. Cela dit, même turbulent, antipathique au dernier degré ou semeur de pagaille, rien ne justifie qu’on meure à dix-sept ans vidé de son sang une fin de nuit sur un parking de discothèque. Rien.
En cela, nous ne sommes pas ici devant un simple, un regrettable mais banal fait divers, mais face à un drame épouvantable, inacceptable qui devrait tous nous concerner : quelle société avons-nous fini par fabriquer pour qu’on en arrive à ce point de violence, où le coup de couteau devient la réponse ordinaire à tout différend, même le plus bénin, le plus idiot ? Quelle société avons-nous engendrée dans laquelle un gars de vingt-quatre ans, avec boulot et sans passé délinquant, semble-t-il, se laisse aller à commettre le pire du pire, gâchant lui aussi sa vie, cela dit en passant ?
Oui, comment en est-on arrivé-là ? D’ailleurs, l’histoire ne se limite peut-être pas à ce qu’on croit en savoir. Elle pourrait être en effet plus complexe. Pour ne pas dire, plus tordue, plus terrifiante encore. Sinon pourquoi les gendarmes de Bayeux, dix jours après les faits, lanceraient-ils un appel à témoins ? Ils souhaitent entendre toutes les personnes présentes à cette soirée. Afin, naturellement, que toute la lumière soit faite. Lumière noire, très noire, peut-être bien. Mais nécessaire. Le temps est venu enfin que nous regardions en face notre monde tel que nous l’avons fait. Ne serait-ce pour que de tels actes soient jugés en parfaite connaissance de cause, et que nous puissions exiger de notre société deux choses primordiales. Premièrement que la justice, en ces matières, passe avec toute la rigueur indispensable. Deuxièmement : que soit enseigné partout, en tout lieu d’éducation, le prix de la vie. La vie qui, dans tant de films, de jeux vidéos, de vomissures haineuses sur les réseaux anti-sociaux, ne semble plus avoir la moindre valeur. Oui, faire la lumière, toute la lumière, pour qu’au moins, Thomas, Kylian, des enfants – nos enfants – ne soient pas morts pour rien.
Lors de la deuxième semaine du procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN / RN, la défense s’est appliquée à dénoncer une instruction à charge. Récit.
Tant que le FN n’était qu’un acteur folklorique de la vie politique, les instances européennes et la Justice ne trouvaient pas grand-chose à redire sur son mode de fonctionnement au parlement de Strasbourg. Maintenant que c’est un poids lourd de la politique, on lui reproche d’avoir détourné les fonds européens destinés à l’embauche d’assistants parlementaires pour ses activités politiques. Cette semaine, au tribunal, Bruno Gollnisch a tout fait pour démontrer que Guillaume L’Huillier avait bien travaillé pour lui. Par ailleurs, l’ancien garde du corps et la secrétaire de Jean-Marie Le Pen ont également été entendus à la barre. Récit.
L’ancien garde du corps et la secrétaire de Jean-Marie Le Pen à la barre
L’accusation reproche à M. Gollnisch d’avoir signé des contrats d’assistants parlementaires locaux avec Mme Bruna et M. L’Huillier, ayant les fonctions respectives de secrétaire et directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen sur l’organigramme fonctionnel du Front national publié en 2005. Bruno Gollnisch a dénoncé une persécution “ad hominem, voire ad hominibus ». Après les débats techniques autour des contestations juridiques de la défense, les auditions des prévenus ont débuté ce lundi. M. Fernand Le Rachinel est le premier à être appelé à la barre. L’ancien apprenti typographe déroule sa carrière riche d’expériences. Il a créé de nombreuses entreprises, et des milliers d’emplois. Il a été vingt ans conseiller municipal, puis encore vingt ans élu au Conseil régional de Basse-Normandie, avant d’être élu député à deux reprises au Parlement européen. L’industriel normand est mis en cause pour les contrats de ses assistants parlementaires lors de la 6è législature (2004-2009), signés avec Mme Micheline Bruna et M. Thierry Légier. L’octogénaire reconnaît avoir signé lesdits contrats, pour lesquels il n’aurait jamais pu se douter de leur irrégularité. D’autant que, explique-t-il, cela se pratiquait déjà ainsi lors de son précédent mandat durant la 4e législature (1994-1999). Il s’étonne qu’aucun fonctionnaire ne l’ait jamais alerté, alors que tous les contrats étaient validés par l’administration du Parlement européen. Il l’assure : « Tout le monde connaissait le fonctionnement de notre groupe en pool », même si l’ancien eurodéputé, en tant que rapporteur de la commission des transports, aurait préféré avoir plusieurs assistants parlementaires qui lui soient entièrement dédiés. Mais, il a naturellement accepté l’organisation commune de la délégation, même si « M. Légier était plus souvent au service de M. Le Pen parce qu’il était le chef et à ce titre plus exposé ».
Ancien militaire parachutiste, puis garde du corps de princes saoudiens et de stars américaines, Thierry Légier raconte avoir pris la succession de son prédécesseur en signant un contrat d’agent temporaire directement avec le Parlement européen, dès 1992, ce qui faisait de lui un fonctionnaire du Parlement européen engagé « en qualité d’agent de sécurité du président Jean-Marie Le Pen.» En 1995, la législation européenne change, et le colosse d’1m90 signe alors un contrat avec le « groupe des droites européennes » au Parlement européen, contrat qui court jusqu’en 2005. Au 1er janvier 2005, la législation européenne change une nouvelle fois, et le contrat avec le groupe devient alors un contrat d’assistant parlementaire. Me Solange Doumic, sa factuelle avocate, lit à haute voix l’article 1 sur lequel il est écrit : « Il s’agit de la reprise du contrat anciennement conclu entre le salarié, l’association des groupes des droites européennes et le Parlement européen ». Donc toujours en sa qualité d’agent de sécurité du président Jean-Marie Le Pen, conclut-elle. Le Parlement européen ne pouvait donc ignorer les fonctions de sécurité de M. Légier, argument de l’accusation à l’endroit de l’agent de sécurité, d’autant que celui-ci déposait son arme en entrant dans l’enceinte des institutions européennes.
L’accusation pointe le fait que les contrats d’assistants parlementaires de M. Légier, ainsi que celui de Mme Bruna, connue comme la secrétaire du député Jean-Marie Le Pen, étaient signés avec M. Le Rachinel et non avec M. Le Pen. Pour contrer ces objections, la défense se réfère à l’article 14 du règlement FID alors applicable au Parlement européen, qui stipulait que « les députés peuvent engager conjointement un même assistant ». Pour les avocats de la défense, M. Légier et Mme Bruna étaient au service de tout le groupe d’élus sur la liste du Front national qui était un groupement de fait. Le Ministère public s’étonne par ailleurs des augmentations de salaire de l’assistant parlementaire responsable de la sécurité. Thierry Légier justifie l’équivalence de son salaire avec celle d’un député européen « à hauteur des heures et du risque ». Le Parquet s’interroge sur les changements de contrat de M. Légier qui passe de contrat d’assistant parlementaire à un contrat inclus dans les comptes de campagne lors d’une élection. « C’est la loi ! » tempête Marine le Pen, assise au premier rang des prévenus.
Bruno Gollnisch agacé par les questions tatillonnes du tribunal
Les accusations de détournement de fonds public et recel du Tribunal s’appuient sur la publication en 2005 d’un « organigramme fonctionnel du Front National ». Le Tribunal cherche à faire coïncider les fonctions militantes qui y sont mentionnées avec des preuves de salariat caché, même si l’organigramme projeté lors de l’audience porte la mention « fonctionnel ». Bénédicte de Perthuis, la magistrate qui préside l’audience, s’interroge sur le véritable emploi de M. L’Huillier déclaré sur l’organigramme « directeur de cabinet » de Jean-Marie Le Pen, à Montretout, « siège politique et parlementaire » et domicile de M. Le Pen. M. L’Huillier se définit avant tout comme un militant, il a collé ses premières affiches en 1997, il a été candidat à toutes les élections pendant une dizaine d’années, il a aussi été tour à tour responsable du RNJ, secrétaire départemental FN des Hauts-de-Seine. Il déclare s’être occupé des relations avec les médias pour Jean-Marie Le Pen « une à deux heures par jour » en plus de son travail d’assistant parlementaire. « Coller des affiches ou (être) assistant parlementaire, c’est la même chose » estime le militant. Il y a des choses à faire, il les fait. Et comme en 2009, « il n’y avait que trois députés, il fallait travailler pour les trois, on mutualisait le travail entre assistants » explique-t-il. Concernant son contrat d’assistant parlementaire signé avec l’eurodéputé Bruno Gollnisch, M. L’Huillier déclare qu’il s’occupait de rédiger des articles, préparer des notes, faire des recherches, etc. Celui qui est aujourd’hui assistant parlementaire accrédité au Parlement européen explique qu’il collaborait à la rédaction du journal Identité, édité par Bruno Gollnisch, et rédigeait les articles postés sur son blog. Le nom de Guillaume L’Huillier apparaît effectivement dans l’ours dudit “journal”, comme le montre Me Bosselut. « Mais qu’est-ce qui prouve que c’est bien Guillaume L’Huillier qui a écrit les articles ? A-t-il gardé des traces ? », questionne la magistrate qui avoue « ne pas avoir un point de vue différent de l’OLAF (Office européen de lutte antifraude) sur les documents présentés » lors de l’enquête par Bruno Gollnisch pour justifier du travail de son assistant. Le rédacteur des chroniques européennes publiées sur le blog gollnisch.com explique qu’il rédigeait le contenu directement sur l’interface du site. Pour appuyer ses dires, Me Bosselut présente une preuve de cette activité électronique au nom de l’assistant, preuve qui ne semble pas convaincre le tribunal quant à la paternité de ce travail.
Bruno Gollnisch fulmine et remet en cause la procédure même. « Le premier élément de contestation du travail de M. L’Huillier date de 2015 », raconte-t-il, « c’est-à-dire mettant en cause un travail effectué dix ans plus tôt ». L’ancien professeur de droit public dénonce une persécution car « ceci excède la notion de délai raisonnable telle qu’elle est retenue par la jurisprudence du tribunal et de la cour (de justice) de l’Union européenne, et excède aussi les délais de prescription de droit français ». Faisant fi de ces objections juridiques, Bénédicte de Perthuis insiste : « Y-a-t-il des documents qui seraient de nature à établir la participation de M. L’Huillier entre 2005 et 2008 à votre travail de député européen ?» M. Gollnisch le répète, il n’a pas souvenir des dates, mais il peut présenter des cartons entiers de travail de son assistant. Pourquoi n’y-a-t-il alors aucune mention du nom de Guillaume L’Huillier dans tous ces documents ? Si quasiment aucun document contenu dans les tonnes d’archives de l’universitaire et homme politique ne sont signés du nom de M. L’Huillier, c’est que l’assistant est au service du député qui signe de son nom, comme il est d’usage pour tout collaborateur que ce soit dans les cabinets d’avocat ou toute autre profession, explique le candidat malheureux à la présidence du Front national en 2011 face à Marine Le Pen. L’assistant s’efface derrière son chef. M. Gollnisch enrage. Il avait tout le loisir, dit-il, de mettre les initiales de Guillaume Lhuillier sur chaque document, si cela eut pu prouver quoique ce soit. L’aurait-il fait qu’on lui aurait encore retourné que ce n’était pas une preuve que son assistant ait effectué tout ce travail. « Quel document prouve que j’étais le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen à plein temps ?, renchérit Guillaume L’Huillier. Il n’y en a pas, et pour cause, il n’y avait pas de cabinet de Jean-Marie Le Pen ». Selon le prévenu, l’organigramme était une publication politique destinée aux médias. « De la com’ », initiée du temps de Florian Philippot.
Durant l’enquête de l’OLAF, un constat d’huissier a été établi à la demande de M. Gollnisch afin de certifier que M. L’Huillier connaissait le contenu de ses archives concernant l’Europe parmi plus de 400 cartons. « Mais pourquoi ne trouve-t-on pas même un post-it de l’écriture de L’Huillier ? Pas un mail ? Pas un brouillon ? Aucune trace ? » insiste le Procureur. Qui garde ses brouillons ? Qui garde ses post-its ? Bruno Gollnisch s’offusque que le Parlement européen réclame des preuves datant de plus de dix ans avant les faits, alors que le contenu des boîtes mails du Parlement européen est écrasé au bout de 90 jours. « Pourquoi M. L’Huillier aurait gardé trace de toutes ses communications, après toutes ces années ? » Qui garde ses mails datant de plus de dix ans ? Guillaume L’Huillier explique avoir changé de fournisseur d’accès à internet et ne plus disposer de la boîte mail de l’époque. La défense renvoie le Tribunal à ses interrogations : « Mais alors si ce n’est lui, qui a fait tout ce travail ?» Guillaume L’Huillier renchérit : « Oui, si ce n’est pas le travail d’un aloc (comprendre : assistant parlementaire local), je me demande de qui c’est le travail alors ? » Soit, mais alors comment faisait-il pour cumuler la fonction de directeur de cabinet et cet emploi d’assistant parlementaire ? L’Huillier raconte qu’il ne comptait pas ses heures : « Je travaillais de 60 à 70 heures par semaine. » En politique, les militants, qu’ils soient colleurs d’affiches, élus, ou cadres, ne sont pas au service du parti : c’est le parti qui est au service des militants, du colleur d’affiches jusqu’à son leader. Et il n’y a que sous les régimes autoritaires que les membres du Parti sont au service du Parti… En démocratie, militants et sympathisants sont les forces vives de la politique. Ce n’est pas le salaire ou le contrat qui font le militant, c’est son engagement, soirées et week-end compris. Le doute de l’accusation sur la paternité de tout le travail présenté au nom de son assistant rend Bruno Gollnisch furieux. Il dénonce avoir « déjà été racketté par le Parlement européen » qui a ponctionné un pourcentage de son indemnité d’eurodéputé à cette époque. « Quelles preuves vous faut-il ? » s’énerve Bruno Gollnisch qui se voit récuser toutes les preuves apportées. Me Bosselut vient en soutien à l’ancien eurodéputé : « M. Gollnisch, sur les feuilles de vote, y-a-t-il le nom de l’assistant, ou sont-elles anonymisées ? » Les feuilles de vote comme toutes les notes sont anonymes et ne portent que très rarement le nom de l’assistant parlementaire. Bruno Gollnisch s’éclaire : « Il y aurait des preuves incontestables de nos communications de cette période de 2005/2009, je téléphonais régulièrement à Montretout où était le bureau des assistants locaux. Il suffit de demander aux PTT la liste de mes appels. » Rires dans la salle. « Et, sur la période 2011/2016, puisqu’il faut des preuves physiques », Bruno Gollnisch présente un DVD où Guillaume L’Huillier l’interroge sur ses activités parlementaires européennes. N’est-ce pas là une preuve de leur collaboration ? Que nenni, la date de publication n’entre pas dans la case incriminée. Du reste, conclut M. Gollnisch, « Si M. L’Huillier avait été fautif au regard de son travail pour le Parlement européen, aurait-il été aujourd’hui même sous contrat d’assistant parlementaire accrédité par le Parlement européen lui-même ?» Lors des recours, l’administration européenne elle-même n’a-t-elle pas signifié qu’elle n’avait aucun grief contre M. L’Huillier ? Bruno Gollnisch dénonce donc des attaques politiques ad hominem, ou ad hominibus, déclenchées à partir du moment où le Front national était en progression. Car, raconte-t-il, bien d’autres assistants parlementaires de députés européens ont eu eux aussi des fonctions au sein de leur parti, voire de très hautes fonctions, et ils n’ont jamais été inquiétés. « Alors que l’OLAF se permet de reprocher à M. L’Huillier d’avoir été lui-même candidat, comme si le statut d’assistant parlementaire interdisait d’être candidat à des élections ! Il y a même un député polonais, ajoute l’ancien eurodéputé, qui a déclaré vingt-deux assistants sans que l’administration n’y trouve à redire. »
Marine Le Pen cherche la sortie du labyrinthe
Combattante, Marine Le Pen, qui a écouté les arguments de l’accusation, s’avance à la barre pour clore cette seconde semaine de procès assez kafkaïenne à ses yeux. Elle tient à contextualiser les différents changements de contrats en rapport avec des élections, externes ou internes. Elle rappelle les crises de succession à partir de 2011 au sein de son mouvement politique. Comment aurait-elle alors pu accepter que des assistants parlementaires travaillent pour le seul compte de Jean-Marie Le Pen avec qui elle était en conflit ouvert, interroge-t-elle. Concernant les ruptures de contrat et leur bascule sur le mouvement, Marine Le Pen affirme qu’il n’y a rien de suspect à ce qu’un assistant parlementaire signe un contrat de conseiller ou autre dans le cadre d’une campagne électorale – « c’est la loi qui nous y oblige » insiste l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2012 – puis que ce dernier redevienne assistant parlementaire après la campagne. Marine Le Pen assure que l’administration européenne connaissait tout de la gestion des contrats des assistants parlementaires. Elle en veut pour preuve les nombreux mails échangés entre l’administration du Parlement européen et le tiers payant concernant les déclarations à enregistrer. La présidente du premier groupe à l’Assemblée nationale dénonce « une instruction faite uniquement à charge », et reprend l’adage populaire « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » pour illustrer l’acharnement subi. L’actuelle députée du Pas-de-Calais décrit « un tunnel qui devient de plus en plus un labyrinthe d’où personne ne peut sortir ».
Celle qui trône actuellement en tête des sondages politiques aura trois jours la semaine prochaine pour dérouler son fil d’Ariane lorsque le tribunal soumettra à la question les contrats d’assistants parlementaires pour lesquels elle a été elle-même mise en examen en juin 2017 pour « abus de confiance » et « complicité », des poursuites requalifiées plus tard en « détournement de fonds publics ».
Quoi qu’en disent les médias, nous n’avons peut-être jamais été aussi nombreux, de Paris à Téhéran, à vouloir écraser l’internationale islamiste. À l’avant-garde de la lutte contre les barbus, l’ancien patron de France Inter estime que nous sommes à un point de rupture : le moment n’est plus à l’apaisement, mais à la bataille victorieuse.
Causeur. Qu’avez-vous pensé ou ressenti le 7-Octobre ?
Philippe Val. Ce jour-là, j’ai pensé à l’histoire d’Israël. Quand on connaît un peu l’enchaînement des événements depuis la déclaration Balfour de 1917, on sait bien que ce n’est pas la première fois qu’il y a sur cette terre des populations arabes qui ne veulent pas de la population juive et qui commettent hélas des pogroms. Seulement, entre-temps, un événement universel a eu lieu, la Shoah, qui nous a montré à quelle tragédie absolue peut mener la haine envers les juifs. Le 7 octobre m’a semblé être une réplique de cette tragédie absolue.
Mais n’y a-t-il pas une différence entre le l’antisémitisme des années 1930 et 1940 et l’antisémitisme d’aujourd’hui ?
C’est vrai, l’antisémitisme a muté. Il avait déjà muté au xixe siècle, passant d’un antisémitisme chrétien à un antisémitisme idéologique, notamment sous l’influence paradoxale de Karl Marx. Dans certains textes, ce petit-fils de rabbin dépeint les juifs comme des capitalistes cosmopolites qui ruinent les pauvres. Sa responsabilité est immense. En France, de nombreux théoriciens socialistes et anarchistes, comme Blanqui ou Proudhon, ont repris ses clichés mais aussi, plus tard, des écrivains comme Gide. Cet antisémitisme d’avant le nazisme n’est pas innocent, il est déjà criminel, surtout dans un pays comme le nôtre où on en trouve la trace chez une certaine élite culturelle. Il faut cependant reconnaître que, quand on a découvert les camps de la mort, la totalité des intellectuels français a rompu avec l’antisémitisme, sauf bien sûr une poignée d’anciens collabos qui étaient quand même des animaux exotiques et faisaient l’objet de la réprobation massive de l’opinion. Le répit a été de courte durée, et assez vite l’antisémitisme a fait, sous une autre forme, son retour sur la scène des idées. Des gens de gauche, qui ne s’étaient pas toujours bien comportés sous l’Occupation, se sont trouvé un héroïsme de rechange en s’engageant pour le FLN et en épousant l’antisémitisme masqué du nationalisme algérien. Il est devenu géopolitique : ne pouvant plus s’exprimer de façon religieuse ni idéologique, il s’est manifesté dans la haine d’Israël. Les codes pour formuler la chose ont ainsi changé. Mais la nature de la chose est restée la même. La preuve, c’est l’incroyable vitesse avec laquelle l’horreur de ce qui s’est passé le 7 octobre a été recouverte par une violente propagande antijuive, qui s’est surtout déchaînée à gauche. Heureusement pas dans toute la gauche.
C’est pourtant en France toute la gauche qui vient de s’allier avec LFI, ce mouvement sur lequel il n’est plus possible d’avoir de doutes. Les donneurs de leçons sempiternels, qui s’écrient « vous pactisez avec le diable ! » dès qu’un élu de droite prend un café avec un élu RN, sont allés à la soupe.
J’ai regardé cela avec effarement. Quand Raphaël Glucksmann a fait son bon score aux élections européennes, j’étais content, je pensais que la gauche intelligente et libérale prenait le dessus. Et puis j’ai vu se former le Nouveau Front populaire. Avec par-dessus le marché un François Hollande qui toute honte bue se réconcilie avec la gauche radicale, antisioniste, dont je sais à quel point il la déteste. C’est hallucinant. Heureusement Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont restés à l’écart de cette honte. Ils ont sauvé l’honneur.
Sans doute, même s’ils continuent à psalmodier que le danger prioritaire est à l’extrême droite, agitant ainsi un fantasme qui occulte les vrais combats.
Je ne suis pas certain que l’extrême droite antisémite soit complètement un fantasme.
Peut-être, mais vous nous parlez de sentiments. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la sécurité des juifs. Or, avec leur baratin sur la tenaille identitaire, surtout destiné à assurer leur estime de soi, vos amis ont favorisé les atermoiements face à l’islamisme. Il y a des priorités. Pour battre Hitler, il a bien fallu s’allier avec Staline.
La condition humaine ne consiste pas à choisir entre le pur et l’impur mais à choisir, au cœur de la tragédie, la meilleure opportunité qui se présente… Je suis un admirateur de Churchill. Il avait Hitler en horreur et il éprouvait une détestation viscérale pour Staline. Il a choisi l’alliance stratégique la plus sûre pour atteindre son but : la défaite de l’Allemagne nazie. Je crois à la politique, qui est affaire de traîtres, et je ne crois nullement à l’idéologie, qui est affaire de crétins.
Reste un fait incontestable : Marine Le Pen a viré son père. Je ne voterai jamais pour elle, car j’ai une aversion philosophique profonde pour les partis radicaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Mais cela ne m’interdit pas de voir que le problème massif de l’antisémitisme n’est plus au RN, mais à gauche. Non seulement pour les raisons historiques que j’ai rappelées, mais aussi parce que l’extrême gauche, par opportunisme, mise sur l’antisémitisme supposé de la communauté musulmane établie dans les pays européens, et notamment en France.
Ce n’est pas un « antisémitisme supposé » ! Toutes les études montrent que l’antisémitisme concerne à peu près la moitié des musulmans européens.
Ce qui veut dire que l’autre moitié n’est pas antisémite.
Halleluyah !
N’ironisez pas. Ceux-là existent, et ils sont nombreux. Il ne faut pas les insulter. Je vous dis cela parce que je sais ce que c’est que d’être insulté. À Charlie Hebdo, Cabu et moi avons toujours été très fermes sur la défense de l’existence d’Israël et sur la lutte contre l’antisémitisme, y compris à gauche. Raison pour laquelle nous n’avons pas arrêté de nous faire traiter de fachos.
Par qui ?
Par cette gauche mélenchoniste qui pue et qui sévit notamment dans les écoles de journalisme et à l’Université. Si vous allez dans les provinces, les gens ne sont pas antisémites, ils s’en foutent ; c’est seulement une obsession au sein d’une petite élite enseignante et médiatique. Aujourd’hui, par exemple, je pense que le positionnement du Monde est un gros problème. Si ce n’était pas le journal de référence, je m’en foutrais, mais leur influence est considérable, ils dictent beaucoup de choses au reste de la presse, notamment aux chaînes publiques, or leur positionnement géopolitique est très violemment anti-israélien. Ils n’ont pratiquement rien publié sur les otages juifs retrouvés assassinés après avoir été torturés ! Je pense que le général de Gaulle a bien résumé les choses avec cette formule : « Dans Le Monde, tout est faux, même la date. » C’est tellement vrai… Cela dit, je le lis tous les jours, parce qu’on y trouve aussi des articles de grande qualité, sans doute écrits par des rédacteurs très malheureux.
Au rang des médias anti-israéliens, il y a aussi France Inter, dont vous avez été le directeur. Il s’y est passé pourtant des choses intéressantes cette année, puisqu’ils ont viré Guillaume Meurice, décision qui ne nous a pas enthousiasmés. Et vous ?
Par principe, je ne m’exprime pas au sujet de l’action de mes successeurs. Mais je peux quand même faire un commentaire général. Un directeur ou une directrice d’un média quelconque a le droit de dire « ça me plaît » ou « ça ne me plaît pas », sinon il n’y a pas de direction. Si Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, n’aime pas l’humour de Guillaume Meurice, elle a le droit de ne pas renouveler son contrat.
Vous savez bien que ce n’est pas pour ça qu’il a été limogé…
En tous les cas, je sais qu’il n’a pas été limogé parce qu’il était follement drôle.
Le « roman » d’Aurélien Bellanger qui accuse la gauche laïque et républicaine en général et feu Laurent Bouvet en particulier de crypto-maurassisme, enchante France Inter et toutes les sacristies de la gauche médiatique. L’avez-vous lu ?
Je ne l’ai pas lu, mais on m’en a beaucoup parlé puisqu’il paraît qu’un des personnages me ressemble beaucoup. J’y vois plutôt un bon signe. Cela veut dire que l’extrême gauche panique. On peut les comprendre. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet en 2006, on était très seuls. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout vrai. Une très grande partie de la société française, et même de nombreux médias, sont avec nous. Malgré les apparences, j’ai l’impression qu’on approche de la fin d’un cycle. Je pense que les antisionistes qui se prennent pour une avant-garde sont en réalité une arrière-garde vermoulue et conformiste. Alors ce livre sort pour nous défoncer, de même Le Monde publie régulièrement des papiers pour nous défoncer. On a l’habitude, la guerre est ouverte.
Moins seuls, d’accord. Emmanuel Macron est-il de votre, de nôtre côté ?
Dans La Citadelle, le livre de Jean-Michel Blanquer, on comprend comment le logiciel d’Emmanuel Macron fonctionne : se conformer en fin de compte au magistère intellectuel de l’extrême gauche. Quelle déception ! Surtout que la plupart des Français refusent ce magistère. D’où leur défiance vis-à-vis du personnel politique, qui n’ose pas traiter le problème de l’islamisme, non seulement par conformisme intellectuel, mais aussi par affairisme, parce que notre pays fait du commerce avec le monde arabe. Tout cela donne un enrobage anesthésiant, confortable, tiédasse dans lequel les dirigeants se réfugient dès que ça commence à chauffer. Si seulement nos politiques voyageaient un peu plus, ils verraient combien l’esprit européen fait envie au reste du monde. J’ai fait des reportages pendant dix ou quinze ans à travers la planète, et j’ai rencontré partout des gens intelligents qui me suppliaient : « Tenez bon, parce que l’Europe est notre seul espoir. On veut vous ressembler ! » Ils désirent parler librement, avoir les relations sexuelles qu’ils veulent, lire des livres qu’ils aiment, voyager, pouvoir s’exprimer, boire quand ils en ont envie.
L’esprit européen, dites-vous. N’est-ce pas une fiction consolatrice ?
Pour moi, il y a un peuple européen : Mozart, Fellini, Chaplin, Proust, Goethe, Dante, Cervantes, Érasme, Kundera. Je n’ai pas d’état d’âme à proclamer qu’il faut défendre l’esprit européen, qui a à voir avec la façon dont on rit sur notre continent depuis l’Antiquité. C’est pour cela que j’ai écrit un livre sur le sujet.
Suffit-il de grandes déclarations d’amour pour défendre ce qu’on admire ?
Non vous avez raison. Le 7 octobre marque une rupture. Le ton doit changer. On ne doit plus se défendre de la même façon, il faut attaquer. Il faut dire : « On va se battre » – intellectuellement bien sûr. Le moment n’est plus venu d’apaiser, mais de gagner. C’est-à-dire de ne pas perdre notre héritage commun.
Vous donnez à l’attaque antisémite du 7 octobre une portée européenne, si ce n’est mondiale. Ne faudrait-il pas en finir avec la centralité de la question juive ? Tout ne tourne pas autour des juifs !
Mais elle est centrale ! L’Europe s’est fondée, construite, inventée avec la pensée juive et la pensée grecque. L’antisémitisme est toujours un suicide européen, une forme de haine de soi. C’est central, car c’est par là que ça commence et par là que ça finit.
On approche des dix ans des attentats de 2015 et on va avoir un festival de proclamations. On répétera en boucle que « s’attaquer à un dessinateur de Charlie, à un Parisien qui boit un verre en terrasse, à un fan de rock, à un juif qui fait son marché dans un supermarché casher, c’est s’attaquer à la France ». On en a marre ! Pour mener le combat intellectuel, comme vous dites, commençons par le sujet qui fâche, l’immigration ?
Cela fait partie du combat, je suis d’accord. Il faut ramener tout cela dans le débat, sinon ça ne sert à rien. Je ne peux plus entendre non plus des raisonnements comme : « L’islamisme, ce n’est pas bien, mais ça n’a rien à voir avec l’islam. » L’islamisme a tout à voir avec l’islam. Il y a un problème au sein de cette religion, si on ne le dit pas, on ne dit rien. Je ne dis pas que tous les musulmans sont des terroristes, mais que tous les terroristes sont musulmans.
Vous le dîtes, mais qui veut l’entendre ? Vous ne pensez jamais que c’est foutu ?
Je ne sais pas si c’est foutu ou pas mais de toute façon, on n’a pas le droit de baisser les bras. Et puis je voudrais finir par une note d’espoir. On devrait davantage observer ce qui se passe en Iran. Je pense que si le régime des mollahs, par bonheur, s’effondrait, cela changerait tout, car c’est le vrai bastion des Frères musulmans. Cela semble étrange de dire cela puisque l’Iran est chiite alors que les Frères musulmans sont sunnites. Mais la révolution de Khomeini était en réalité beaucoup plus sunnite qu’on ne le pense. Tandis que le peuple iranien est, lui, culturellement beaucoup plus proche de nous et d’Israël. Si demain l’Iran se débarrassait des mollahs, il y aurait tout un pan de l’antisémitisme qui s’effondrerait, j’en suis certain.
Notre chroniqueur dit au revoir au champion de tennis espagnol qui prend sa retraite sportive
Voilà, c’est fini. Le corps a dit stop, même si la tête d’un gaucher n’abdique jamais. Trop de blessures, trop de semaines passées sur le circuit ATP, trop de balles frappées avec l’énergie et la fougue d’un possédé, trop de litres de sueur et d’entraînements à la limite. Il aura consacré la première partie de sa jeune existence au tennis, à ce jeu diabolique, éreintant, superbe d’arabesques et d’engagements physiques ; à ce jeu machiavélique où l’adversaire n’est pas un ennemi et où l’œil et la main travaillent de concert, dans un même mouvement libératoire. À 38 ans, Nadal raccrochera sa raquette en novembre prochain après la Coupe Davis à Malaga. Dans son pays, il est adoré et respecté pour sa carrière au meilleur niveau mondial et son fair-play d’hidalgo courtois. Il comptabilise 1 080 victoires. Il est la fierté de l’Espagne, son enfant chéri. Là-bas, il est intouchable. Rafa est apparu un jour de printemps sur nos postes de télé. Il portait les cheveux longs et un débardeur qui laissait dévoiler des biceps musculeux. Depuis ce jour-là, sur la terre ocre de la Porte d’Auteuil, nous l’avons aimé d’instinct, sans réfléchir, comme un petit cousin par alliance qui débarque dans la famille. Il fut d’abord le prince, puis le roi et l’empereur de Roland-Garros avec ses 14 titres. Il est arrivé à un moment de notre tennis national où nous avions des joueurs de tout premier plan mais où la perspective de gagner un grand chelem relevait de l’utopie. La marche était trop haute pour nos tricolores alors nous avons rabattu notre enthousiasme et nos espoirs sur ce latin aux belles manières et au punch ravageur. À force de briller chaque mois de mai, dans le XVIème arrondissement, Rafa était devenu un Parisien d’adoption. Durant deux semaines, tour après tour, Rafa était toujours au rendez-vous. Il y a les sportifs épisodiques qui brillent une saison puis s’évanouissent dans les profondeurs du classement. Et puis, il y a Rafa qui, année après année, sacrifice après sacrifice, a maintenu un niveau tennistique hors du commun. Il était une borne temporelle dans nos vies. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, l’irruption de Rafa sur le Central était tout de même la promesse d’un beau tournoi. Ses frappes ont soulevé une telle ferveur à travers le monde. Les abonnés du Camp Nou connaissent intimement ce sentiment de plénitude, les soirs de match. Il avait quelque peu changé physiquement, il n’était plus le gosse de 2005. Son visage s’était affermi, ses déplacements moins stratosphériques, il restait cependant l’essentiel, ce regard concentré, pénétré par l’âme du tennis. Cette soif avide de gagner et cette résistance à l’effort extrême concouraient à la même détermination. Intacte. Imperturbable et émancipatrice. Il avait bien perdu des cheveux mais l’abandon ne fit jamais partie de son vocabulaire. On l’aimait pour son sens du dévouement dans une époque qui renie toute forme d’engagement. Quand il pénétrait sur un court, il savait que seule la victoire est belle. Au moment de quitter l’avant-scène, on pense à Richard Gasquet qui a annoncé prendre sa retraite à la fin de Roland-Garros, l’année prochaine. Ces deux-là se fréquentent depuis le tournoi des Petits As à Tarbes. On pense aussi à Roger Federer, le danseur étoile au pied léger, leur affrontement tenait de l’exercice de style et du gentlemen’s agreement. D’un côté, le taureau tempétueux, broutant la terre, massacrant la balle jaune ; de l’autre, la leçon de tennis à l’état pur, le geste dans l’expression d’une fluidité irréelle. Et puis, on pense fatalement à Djoko, le plus étincelant palmarès de l’histoire du tennis, le dernier des mohicans, qui semble courir après l’amour du public. Ce triumvirat cachait en fait un couple d’amis.
Pour comprendre l’effet Rafa, il faut l’avoir vu jouer de nombreuses fois à Roland. Depuis l’âge de douze ans, je foule les Internationaux de France, j’ai vu Connors, Noah, Leconte, Sampras, Edberg, des artistes, des cabots, des cogneurs, des relanceurs, des défenseurs patients et des attaquants suicidaires, aucun n’a réussi à arrêter le temps comme Rafa. Il entrait sur le Chatrier comme Johnny survolait le Stade de France. Les spectateurs étaient venus pour lui, le voir, sentir le frisson de son coup droit et s’inspirer de son attitude. Je me souviendrai de ces premières minutes où le match démarre souvent sur un faux rythme. Avec Rafa, de la première balle jusqu’à la balle de match, chaque coup était catapulté avec une vigueur et une joie communicatives.
Laure Adler adore le dernier livre de Judith Butler, laquelle est admirée par Mona Cholet. Halte au massacre!
Le dernier livre de Judith Butler, Qui a peur du genre ?, vient de sortir. Enthousiasmée, Pascale Fautrier en a fait la publicité dans un article paru le 19 septembre dernier dans L’Humanité. Et ça démarre sur les chapeaux de roue: « Partoutla diabolisation de “l’idéologie du genre” et des “théories critiques de la race” est le symptôme de tendances fascisantes [qui] défendent des politiques d’exclusion racistes, homophobes et anti-trans, ouvrant les conditions à (sic) la multiplication des ratonnades et des crimes ». Passons rapidement sur la langue négligée avec laquelle est écrit cet article, d’autant plus regrettable que son auteur est… docteure agrégée de Lettres modernes, et sur cette énième et banale accusation de fascisme pour nous intéresser au rapprochement opéré naturellement par Mme Fautrier entre l’idéologie du genre et l’idéologie « racialiste ». Ces deux branches du wokisme œuvrent effectivement de concert et travaillent conjointement à la « déconstruction », c’est-à-dire à la destruction des valeurs occidentales.
Philosophies de l’émancipation
« De la théorie du genre à la théorie critique de la race, en passant par l’épistémologie du point de vue, le but des wokes est de “déconstruire” tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être “systématiquement” sexiste, raciste et colonialiste », rappelle Jean-François Braunsteindans La religion woke (Grasset). Ce n’est pas un hasard si le journal de stricte obédience gaucho-wokiste Mediapart, après avoir créé en son sein un poste de « responsable éditorial aux questions de genre », vient de nommer une « responsable éditoriale aux questions raciales ». Sabrina Kassa, la responsable en question, a annoncé qu’elle veillera entre autres à ce que les notions racialistes et les mots « race », « racialisation », « racisation », « blanchité » et « privilèges », soient assidûment employés afin que ne perdure pas l’idée (fausse, bien entendu, selon elle) que la France est « indifférente à la couleur ». Au moment de la création de SOS Racisme, Jean Baudrillard avait déjà compris de quoi il retournait : « SOS Racisme. SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiracistecomme dernier vestige des passions politiques ». En plus du racialisme, dansent aujourd’hui sur ce tas de ruines politiques tous les co-locataires de l’idéologie woke : le néo-féminisme, le transgenrisme et l’écologisme.
Pour les idéologues du genre et du racialisme, l’adversaire à abattre a dès lors des contours précis : il est un individu occidental, plutôt hétérosexuel, plutôt blanc, plutôt ordinaire. Imperméable aux chants des sirènes butlériennes et aux accusations de racisme des racialistes, souvent désireux de fonder une famille – « une famille hétéronormée », précisent avec une moue de dégoût Judith Butler et Pascale Fautrier à sa suite –, aspirant à des relations apaisées, voire amicales, avec ses voisins ou ses collègues de travail – que ceux-ci soient blancs, jaunes ou noirs –, cet individu, bien qu’estomaqué par l’obscénité des comportements ou la bêtise des propos de ceux qui se revendiquent bruyamment des mouvements queer ou des associations obsédées par la race, n’a pas vraiment pour habitude de se livrer à « des ratonnades et des crimes » ; il ferait même plutôt partie de ceux qui, à juste titre, craignent de devenir les victimes d’une nouvelle et grandissante délinquance. Il n’empêche, trop conservateur dans ses mœurs, peu enclin à suivre les préceptes butlériens et, par conséquent, à « multiplier les possibilités d’existence » – c’est-à-dire à se prendre pour autre chose que ce qu’il est, homme ou femme, à se teindre les cheveux en vert ou à vivre en trouple – cet individu-là est, aux yeux de Mme Fautrier, un réactionnaire, un privilégié effrayé par le prétendu « combat anticapitaliste » de Judith Butler, cette « philosophe de l’émancipation ». Ce suppôt du libéralisme, écrit-elle en substance, a du mouron à se faire car « la professeure de Berkeley appelle la gauche à nouer partout les alliances les plus larges possibles pour contrer cette offensive réactionnaire, en associant“la lutte pour les droits et la liberté du genre à la critique du capitalisme” ». Au cimetière londonien de Highgate, il paraît qu’on a vu dernièrement l’imposante tombe de Marx bouger dans tous les sens…
L’éveil de Laure Adler
« Le combat pour la reconnaissance des désirs, des genres, loin des assignations hétéronormées, ne fait que commencer », écrit de son côté, dans Les Inrocks, l’impayable Laure Adler, une des plus éminentes propagatrices de la culture gauchisante et des élucubrations pseudo-intellectuelles en vogue. Selon elle, le dernier opus de Judith Butler est « magistral ». Pensez donc, la théoricienne du genre y analyse « comment des forces d’extrême droite peuvent instrumentaliser des consciences en s’appuyant sur des peurs construites de fin de civilisation car l’ordre patriarcal est menacé ». Laure Adler – qui, soit dit en passant, écrit maintenant ses articles dans un style de plus en plus débraillé et en écriture inclusive – est tombée dans la théorie du genre comme d’autres tombent, parfois tardivement, dans la religion. La lecture des écrits alambiqués de la papesse du genre et de ses cardinaux – Éric Fassin & Co – l’a plongée dans une torpeur intellectuelle qu’elle imagine être un « éveil de la conscience ».
Enivrée par les thèses et le style amphigouriques de la théoricienne idolâtrée et par les purées verbeuses de ses zélateurs, Laure Adler a reçu il y a quelques mois sur France Inter le très butlérien et très transgenré meneur de revues intellectuelles queer Paul B. Preciado. Ce dernier l’envoûta grâce à une formule magique connue des seuls initiés aux nouveaux rites butléro-deleuziens : « La transition est un acte somato-politique de décolonisation, pour essayer d’extraire les instances, donc les technologies de subjectivation, qui essaient de capturer la puissance désirante qui nous habite. » La buée que ce brouillard ésotérique déposa sur les lunettes bleues de la journaliste ne l’empêcha pas d’avoir une vision ; un nouveau commandement s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit : « Dorénavant, l’ordre hétéro-patriarco-colonial tu combattras ! » Depuis, l’ex-directrice de France Culture croit dur comme fer que le genre n’est qu’une « construction sociale », que le sexe est « assigné à la naissance », que le patriarcat de souche perdure en France, que les hommes sont élevés dans la « culture du viol », que la « sororité » et le « métissage des genres et des cultures » sauveront le monde et que « la culture queer et trans peut être l’avant-garde du combat contre tout système de domination ». Adhérer, même par pur conformisme, au wokisme, finit par esquinter l’intelligence, quel que soit son niveau initial. L’essayiste qui admira naguère la vie et la pensée de Hannah Arendt ou celles de Simone Weil, affirme aujourd’hui que la dernière entourloupe pseudo-philosophique de Judith Butler « fera date ». Cela aurait pu n’être qu’un égarement momentané. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit-on. Malheureusement, et au grand dam de certains insectes, Laure Adler persévère…
En plus de prêcher la bonne parole tous les soirs, sur France 5, dans l’émission bienpensante “C ce soir” animée par le très politiquement correct Karim Rissouli, Mme Adler vient en effet de concocter pour La Chaîne Parlementaire (LCP) un programme d’entretiens intitulé “Paroles de femmes”. Les femmes reçues par la journaliste sont conviées à donner « leur vision du féminisme » ; le nom de certaines invitées laisse augurer de grands moments d’ennui, d’irrépressibles bâillements, de possibles somnolences. Le 6 octobre, par exemple, l’invitée a été… Ovidie. L’ex-star du porno reconvertie dans le féminisme a livré à cette occasion, apprend-on sur le site de LCP, ses réflexions sur la « politisation de l’intime qui associe la femme à un sentiment de désir dans la société sexiste qui est la nôtre ». L’assoupissement nous gagne déjà… Profitons de cette pénible expérience pour en appeler solennellement au député Aymeric Caron : ne serait-il pas temps d’ouvrir un véritable débat et d’envisager des mesures énergiques pour que cessent les actes de cruauté sexuelle sur les coléoptères dans certaines émissions de l’audiovisuel public ?
Le 20 octobre, Laure Adler recevra… Mona Chollet, cette autre penseuse de haut vol plané qui estime que « considérée froidement, l’hétérosexualité est une aberration »[1], promeut en ce moment sa dernière production, un nouveau livre plein de vide, comme son précédent, inutile et superflu, comme l’ensemble de son œuvre. Dans Résister à la culpabilisation, Mme Chollet avoue avoir « commencé à entendre des voix dans [sa] tête il y a environ huit ans », alors que, vivant seule dans son appartement, sans avoir à recourir à un travail salarié pour profiter pleinement de la vie, elle était confrontée à des « interrogations existentielles » en même temps qu’à une « conscience aiguë de [sa] situation privilégiée ». Une de ces voix, avoue-t-elle, lui aurait dit à plusieurs reprises : « Ce n’est pas possible d’être aussi conne. » Il n’est pas absolument certain que le passage à l’écriture inclusive dont se vante Mme Chollet adoucisse ce jugement. Il paraît que, lors de son entretien avec Laure Adler, cette autrice « partagera ses réflexions sur les défis actuels du féminisme et interrogera les normes sociales et les mécanismes de pouvoir en place ». D’où notre appel réitéré au député Caron.
Enfin, Laure Adler s’entretiendra le 3 novembre avec… Alice Coffin. Il est prévu que cette dernière explique « comment ses idéaux devraient se traduire en actions concrètes dans la société ». Les coléoptères auront intérêt, plus que jamais, à serrer les miches. Notre ultime appel au député Caron sera, nous en sommes convaincus, entendu – un homme qui n’a pas hésité à s’opposer au meurtre des mamans moustiques ne saurait rester indifférent au sort des coléoptères, des mouches et autres diptères, victimes innocentes des byzantins missionnaires du néo-féminisme et de la religion woke. Halte au massacre !
À un mois de l’élection, les faiblesses de la campagne de Kamala Harris sont de plus en plus visibles. Un décrochage de la candidate est-il inéluctable ?
La bulle médiatique autour de Kamala Harris pourrait bientôt finir par éclater. À un mois du scrutin, la candidate Démocrate semble avoir terminé sa lune de miel avec l’opinion publique américaine.
Les sondages restent serrés, en particulier dans les Etats clefs, et chacun s’accorde pour dire que le scrutin demeure incertain, malgré une avance nationale de 2 ou 3 points pour les Démocrates. Mais, depuis la rentrée, Kamala Harris ne progresse plus. Son état-major est donc un peu fébrile. Le score de Trump a été gravement sous-estimé dans les sondages en 2016 et 2020. Aussi, les 1 ou 2 points d’avance qu’affiche Kamala Harris dans les Etats pivots de Pennsylvanie et du Nevada ou les 0.5 point d’avance dans le Wisconsin ne sont pas une avance très confortable. D’autant que dans le Michigan, des sondeurs disent que Trump est de nouveau en tête.
La vice-présidente de Joe Biden doit d’abord assumer un bilan très critiqué. Les Américains ont eu le sentiment (légitime) de voir leur niveau de vie se dégrader sous l’administration Démocrate, que l’immigration n’était pas maîtrisée, alors que progressaient à l’international les désordres en tous genres. Après le retrait chaotique d’Afghanistan, le déclenchement de la guerre en Ukraine ou le retour de la guerre en Israël, les Républicains ont beau jeu de critiquer un bilan diplomatique désastreux. Et il est très difficile pour Kamala Harris d’incarner le renouveau, quand Joe Biden dans ses interventions admet lui avoir transmis « les clés du camion » en matière de politique internationale et que l’on est soi-même numéro deux de son administration.
Une campagne virtuelle déconnectée de la réalité
Dans ce contexte, la stratégie de communication des Démocrates reste très hésitante. En 2020, l’équipe de campagne de Joe Biden avait revendiqué un temps de déconnexion numérique : c’en était fini de Twitter où l’on ne trouvait que des journalistes et des militants politiques ! Place alors à la vraie vie, place alors aux propositions concrètes visant à améliorer le quotidien des Américains, place à l’économie et au pouvoir d’achat plutôt qu’aux habituelles dénonciations de l’adversaire honni ! Pour la cuvée 2024, étrangement, les Démocrates misent de nouveau sur une stratégie virale, axée principalement sur Tiktok, espérant capter l’attention des jeunes électeurs avec des vidéos courtes et accrocheuses souvent assez vides de propositions voire de tout contenu politique. James Carville, l’ancien conseiller de Bill Clinton, a critiqué ouvertement l’équipe de campagne de Harris, l’accusant de ne pas être en prise avec la réalité. Cette remarque met en lumière un fossé entre la réalité politique et une stratégie de communication aseptisée qui n’a pour seul atout qu’une modernité numérique supposée. Côté Trump, les Républicains mènent une campagne de terrain tournée vers l’action militante ; et ils progressent, notamment dans la collecte de bulletins de vote – un élément devenu clef pour la victoire comme l’a montré le scrutin de 2020.
Le choix du colistier : un handicap politique ?
Le choix du colistier de Mme Harrius, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, n’a rien arrangé, et l’ensemble de la campagne peine à susciter l’enthousiasme. En témoignent les sondages dans ce fameux Minnesota, fief Démocrate qui semblait solide et n’avait pas voté Républicain depuis le raz-de-marée Reagan de 1980. L’avance du ticket Démocrate s’y est réduite à seulement cinq points dans les derniers sondages. Un signal d’alarme qui peut d’autant plus inquiéter l’équipe de campagne de Harris que le choix d’un colistier permet d’ordinaire de sécuriser l’Etat d’origine du potentiel vice-président… Le Minnesota fait partie de cette ceinture industrielle des Grands Lacs, où les électeurs de la classe ouvrière américaine sont nombreux à pencher pour Trump depuis 2016. Beaucoup y sont sensibles au discours de Trump sur le retour du protectionnisme et la défense des frontières.
Les syndicats de travailleurs, traditionnellement acquis aux Démocrates, voient certains de leurs adhérents virer leur cuti. Une consultation interne des membres du syndicat International Brotherhood of Teamsters a révélé que 60% d’entre eux préféreraient le ticket Républicain. Si J.D Vance, le colistier de Trump, reste un personnage controversé, le public a pu mesurer ses qualités intellectuelles lors du débat qui l’opposait à Walz, et son statut de fils d’ouvrier appalachien demeure un formidable atout.
Splendeurs et misères d’un plan média
Si les élites Démocrates des grandes métropoles ont depuis longtemps négligé le vote ouvrier, elles pouvaient jusqu’à ce jour au moins se consoler avec le soutien des grandes figures du show-biz et les célébrités hollywoodiennes. Il ne faut cependant pas négliger l’effet de scandales répétés sur l’image de ces dernières. L’affaire qui affecte ces derniers jours le rappeur P Diddy, accusé de trafic sexuel, fait beaucoup de bruit. Il sera jugé en mai 2025, et reste pour l’instant en prison. La star avait appelé à voter Obama et Biden par le passé. Pareils soutiens sont-ils encore pourvoyeurs de voix ? Rien n’est moins sûr. Faute de pouvoir accrocher de nouveaux électeurs avec de beaux récits hoolywoodiens, les candidats Démocrates tentent d’élaborer le leur, au prix de certaines exagérations. Kamala Harris a ainsi tenté de faire pleurer dans les chaumières en se disant issue de la classe moyenne (avec une mère universitaire et chercheuse en biologie, et un père lui aussi universitaire et économiste, quand même), et en rappelant qu’elle travaillait durement chez McDonald’s dans sa jeunesse. Son récit a paru au public quelque peu enjolivé. Tim Walz, de son côté, a voulu exhiber ses faits d’armes glorieux, prétendant avoir été déployé dans des zones de combat rapprochés et avoir assisté aux évènements de la place Tiananmen. La véracité de son récit a été depuis remise en cause.
Harris et Walz ont par ailleurs fait le choix d’une communication strictement verticale, sans véritables interactions avec les journalistes ou entretiens. Les relations de l’équipe avec la presse sont extrêmement limitées et cadrées. À quoi attribuer ce mutisme ? Cherchent-ils à fuir les sujets sensibles pour dérouler ce roman d’existences imaginaires ? Ou cherchent-ils tout bonnement à dissimuler leur absence de propositions concrètes ? Ils ne préfèrent quand même pas l’eau tiède des discours candides sur les prétendues réussites du président Biden ? Les adversaires de Trump ont en tout cas bien de la peine à le faire passer pour un dégonflé, lui qui n’a jamais craint l’algarade médiatique. Son message est certes clivant, mais il a le mérite d’une certaine clarté.
Une campagne qui peine à convaincre
A quoi attribuer toutes les faiblesses de la candidature Harris ? Rappelons que Kamala Harris n’était pas le premier choix des Démocrates. Brièvement candidate à l’investiture en 2020, elle avait dû renoncer avant même la primaire de l’Iowa, faute de soutien populaire (ses intentions de vote plafonnaient à 1% des voix). Le renoncement précipité de Joe Biden fut l’épilogue d’un tour de passe-passe inédit dans l’histoire politique américaine. Conscients du vieillissement du président sortant, les stratèges Démocrates ne se résignaient pourtant pas à le débrancher avant l’élection primaire, de peur que des candidats contestataires se saisissent du vote pour imposer leur ligne au parti. Bernie Sanders avait manqué par deux fois (et de très peu) d’être investi en 2016 et en 2020. Dans les métropoles, la base Démocrate penche plus nettement à gauche. Beaucoup d’électeurs Démocrates traditionnels reprochent par ailleurs l’abandon de la classe ouvrière par la direction du parti. Une primaire aurait été l’occasion d’une grande et douloureuse explication collective, que l’establishment progressiste américain voulait à tout prix éviter. Moyennant quoi, ni la question du libre-échange, ni celle de l’immigration, ni celle de la sécurité ou encore de la fiscalité n’ont pu être franchement tranchées par les électeurs. Or, à ne jamais évoquer les questions qui fâchent, on finit par ne plus parler de rien. Faute de légitimité populaire, Kamala Harris est contrainte de rester floue pour ne contrarier aucun de ses soutiens. Une primaire aurait à tout le moins permis à un candidat d’avancer un message clair et offert aux Etats-Unis un véritable débat démocratique. Bien mal acquis ne profite finalement jamais…
Sans nos ex-gouvernants, on ne rirait plus en France…
On aura deviné, je l’espère, que je ne souhaite évidemment la mort de personne, même pas de quelques ministres présents ou récemment remerciés. Comment se passer, en effet, de leur ridicule, de leurs postures, de leur caquetage de basse-cour dorée, de leurs grands airs de « Monsieur (ou Madame) Je-sais-tout », de leurs pensées et convictions à peu près aussi vides que les caisses de l’État et que le seront nos poches dans un futur proche ? Comment se passer de ces gens qui au fond prêteraient à rire s’ils ne nous coûtaient aussi cher ? La chose n’est pas nouvelle. Déjà en son temps, Sébastien-Roch Nicolas, dit Chamfort – de si gratifiante lecture – s’en faisait l’écho : « Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France ». Rire jaune, le plus souvent. Très jaune même, ces temps-ci.
L’une des raisons pour lesquelles ces gens-là pourraient déclencher un soupçon d’hilarité est l’aptitude plutôt bizarre qu’ils ont de n’être compétents qu’une fois morts, je veux dire que lorsqu’ils ne sont plus aux affaires, aux manettes.
On dirait bien qu’il suffit d’éjecter un ministre de son confortable fauteuil pour que, soudain visité par la grâce, touché par la lumière de l’intelligence la plus créatrice, il sache très précisément ce qu’il convient de faire pour la prospérité du pays et le bonheur de ses populations. C’est fou ! À peine virés – dans le cas présent – pour résultats pis que calamiteux, voilà que, toute honte bue, avec une arrogance à se tordre de rire tellement elle donne dans le grotesque, ils courent les plateaux TV pour faire la leçon aux successeurs, leur expliquer en long, en large et en travers la bonne méthode, exposer les mesures de courage et d’impérieuse nécessité à prendre pour remédier aux maux qu’au prix de sept ans d’errements accumulés avec un zèle digne d’éloges ils ont eux-mêmes causés ou aggravés. Splendide ! On applaudit à tout rompre. Le courage politique seulement lorsqu’on n’est plus en position de l’exercer, voilà leur truc. C’est malin. Confortable et malin. À se tordre, non ?
Oscarisables dans cet exercice, nous avons comme tout premiers nominés MM. Attal et Darmanin, duettistes au culot à peu près aussi énorme que le déficit et la dette conjugués. L’un et l’autre ne craignent pas de présenter comme indispensables et vitales des mesures – temps de travail, fiscalité, etc. – qu’on n’avait jamais entendues de leur bouche du temps de leur gloire ministérielle. L’indécence, le mépris de l’intelligence « citoyenne » seraient nobelisables, nous aurions-là le duo finaliste. Duo converti en tiercé si l’on veut bien lui associer M. Hollande (La France devenue « pays bas » sous son règne. On aurait dû s’y attendre). M. Hollande, disais-je, dont tout le monde – à part lui-même apparemment – se souvient qu’il fut président de la République. Avec à la sortie le bilan éblouissant que nul n’ignore. Lui aussi, déchu, viré, auto-limogé pour résultats catastrophiques, aurait vu la lumière. Sans rire, voilà même qu’il revendique à présent le mérite, la gloire immense d’avoir sauvé la Grèce de sa disparition pure et simple dans les poubelles de l’économie mondialisée. Je suis bien certain que, entendant cela, Jupiter, l’autre le vrai, le grand, celui des Grecs anciens, se roule par terre de rire.
Puisque ces jours-ci tout le monde y va de son conseil pour aider à la guérison du malade France, pourquoi m’en priverais-je ? Je préconise que soit inscrit dans la Constitution – oui, dans le marbre de la Constitution – l’obligation faite à tout ministre ou président débarqué, premièrement de la boucler pendant deux ou trois ans. Deuxièmement, de se rendre enfin utile au pays, utile pour de bon. En pompiers volontaires pour Attal et Darmanin, ils sont en âge. En clown-visiteur en EHPAD pour Hollande. Lui aussi est en âge, et il semblerait qu’il ait un certain talent pour faire rigoler l’entourage. Ce serait déjà cela.