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Choc des savoirs, extrême droite : ils ne passeront pas!

Les syndicats d’enseignants s’opposent au programme du « choc des savoirs » lancé par Gabriel Attal quand il était ministre de l’Education. De la même façon, ils prétendent s’opposer à l’élection des candidats du Rassemblement national. Et s’ils se consacraient plutôt à l’enseignement? Témoignage.


« « Choc des savoirs » : ni amendable, ni négociable! Exigeons son abrogation! » clame le Syndicat National Force Ouvrière des Lycées et Collèges. Fédération SGEN-CFDT, CGT Educ’action, SNES-FSU…, tous ont défilé le 25 mai, braillé leur colère, brandi l’étendard de la révolte: « Non au choc des savoirs, pour l’école publique! Pour la défense de l’école publique, contre le choc des savoirs! ¡No pasará! »

Les syndicats de l’Éducation nationale combattent le bon combat. Ce n’est plus à prouver. Mais pourquoi cette offensive printanière? L’école de la République, bienveillante, nivelante, bêtifiante, serait-elle en danger? Le savoir menacerait-il de faire son grand retour? Si la formule « choc » et la rhétorique guerrière de Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation – « bataille des savoirs », « mobilisation générale pour élever le niveau de l’école »… –  pouvaient nourrir les peurs, Belloubet s’est vite montrée rassurante : priorité donnée à « la lutte contre le harcèlement scolaire, afin que l’école soit pour chaque élève un lieu d’épanouissement et de bien-être ».  Et de substituer aux groupes de « niveau » en français et en mathématiques prévus au collège pour la rentrée 2024 des groupes de « besoins », histoire de parler pour ne rien dire et de réformer pour ne surtout rien changer.

Que les syndicats, donc, dorment sur leurs deux oreilles! Nous toucherons bien le fond des classements PISA et enverrons des cohortes d’analphabètes au bac dans les années qui viennent.

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Dans mon collège, on s’applique à ne pas appliquer la réforme. Les groupes de besoins? « « Besoins » ne signifie pas « niveau ». D’ailleurs les classes de niveau stigmatisent les élèves en difficulté. Nous ne ferons pas le tri des élèves ». C’est là qu’interviennent les inspecteurs, mandatés pour prêcher (mollement) le choc des savoirs, à coup d’« animations pédagogiques » : «Il n’y pas d’élèves en difficulté mais des élèves en situation de difficulté, il faut donc des groupes flexibles dans la stabilité, de l’hétérogénéité dans l’homogénéité, il s’agit de tenir les deux principes, en même temps…» Alors, après «avoir proposé et non pas imposé», puis «posé les jalons pour un travail harmonisé», avant le goudron et les plumes (parce que la réforme Attal-Belloubet met surtout un joyeux bazar dans les emplois du temps et que c’est un sujet sur lequel les profs ne plaisantent pas), ils se retirent précautionneusement. À la cheffe de finir le boulot et de faire non plus des classes hétérogènes, mais des groupes hétérogènes. Pour une révolution copernicienne, on repassera.

Nos petits élèves qui ont connu une scolarité sporadique au temps de la Covid-19 et dont les connaissances en français et en mathématiques tutoient les abîmes seront donc protégés du choc des savoirs. Ouf. Leurs professeurs aussi, d’ailleurs, si l’on en croit le niveau de recrutement, la barre d’admissibilité ayant été de 5,13/20 au CAPES de mathématiques en 2022.

Mais le seront-ils de l’extrême droite? L’intersyndicale veille et poursuit le combat. Après le 25 mai, le 15 juin. Puis le 23 juin. «Toutes et tous ensemble contre l’extrême droite!»

«L’extrême droite a toujours été, et demeure plus que jamais l’ennemie mortelle des travailleurs et des travailleuses, des étranger⋅ères, des personnes racisées, des LGBTQIA+ et de la démocratie. Son programme conduit à une accélération de la crise écologique. Au niveau de l’école, ses offensives se font déjà de plus en plus visibles : parents vigilants, pression sur les enseignant·es, « Redresser les corps, redresser les esprits, pour redresser la nation », le projet éducatif de l’extrême droite est à l’image de son idéologie et de ses valeurs : inégalitaire, autoritaire et identitaire».

Ça fait froid dans le dos. ¡No pasarán!

Cessons d’écouter la morale des déracinés

Que le peuple refuse de voter majoritairement pour la gauche, l’extrême-gauche ou le centre ne fait qu’accroître encore le mépris que ressentent les élites à son égard. Tribune de Philippe B. Grimbert.


« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple » disait en son temps le facétieux Bertolt Brecht. C’était mal connaitre notre cher président, seigneur et maître du en même temps qui s’acharne, lui, avec l’agilité qu’on lui connait aux deux tâches : la dissolution de l’Assemblée contiguë à celle de cet « âne qui se cabre, cet éternel mineur » qu’est le peuple, le bon ou le mauvais selon qu’il est virtuel, romanesque ou bien qu’il vote (mal).

Cette chose qui grossit à vue d’œil ou du moins d’élection puisqu’il n’y a plus que ces dernières pour l’éprouver, cette moitié de France qui s’abstient ou cette autre presque moitié votante mais qui vote rance, hier ouvrière, puis paysanne, puis cadre, fonctionnaire, rang C, rang B, retraités, le temps est venu malgré l’ampleur de la tache et de la tâche sinon de pouvoir totalement les dissoudre, du moins de les néantiser. A tous les déclassés qui viennent en grossir les rangs, à tous ces ahuris qui peinent à en finir avec la réalité, comme d’autres avec des punaises de lits, qui comptent les centimes dans les allées des supermarchés, qui font le plein une fois par semaine dans les stations-services des Zones d’Aménagement Commercial, qui osent souffrir moins de la fonte du permafrost que de celle de leur pouvoir d’achat, qui rechignent encore à aimer l’Autre comme la chance de leur terne existence, ou leur descendance anémique, il est temps de s’adresser durant quatre semaines, de leur faire l’aumône d’une pédagogie que les écoles de la république hélas ne dispensent plus le reste du temps.

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Les tenants vertueux ont pour cela ressorti leurs vieux oripeaux, ceux qui ont fait leur preuve et vous rhabille un Gilet Jaune égaré en soldat de la Wehrmacht. Habitant du peuple, (l’ancien), apprend-le, ta nostalgie est fasciste, ta précarité est nazie, tu t’extremedroitises sans le savoir comme Mr Jourdan faisait de la prose. Car il te manque depuis toujours cette chose qui ne s’apprend que dans les grands appartements et les grandes écoles de la nation : le sens du discernement, le bon goût en quelque sorte. Et cette chose-là ne s’apprend pas dans les zones pavillonnaires ou les territoires non pas perdus mais égarés de la France qui perd et, à vrai dire, qui nous fait un peu honte, ici et hors de nos frontières que nous souhaitons ouvertes pour qu’un autre peuple vienne laver les assiettes de nos bobuns, chercher nos enfants à la sortie de leur école privée et construire les logements sociaux où ils habiterons, près de chez nous, puisque nous somme ainsi faits, accueillants, cordicoles, partisans du (bien) vivre ensemble, que nous avons le sens de la décence, celle que contrairement à ce que pensait Orwell, le vieux peuple a depuis bien longtemps perdue. Ce même Orwell qui par ailleurs nous rappelait que si la gauche a toujours été anti-fasciste, elle n’a jamais été anti-totalitaire, toujours prompte à repérer le mal absolu sous ses couleurs brunes mais jamais chez Staline, Mao, Pol Pot et consorts, comme elle est aujourd’hui incapable de la repérer dans l’idéologie de La France Insoumise, préférant s’en tenir à ses bons vieux fétiches, ses anachronismes, recycler sa morale aux valeurs sûres du bien et du mal.

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Pour qui voter?

Donner sa voix à un candidat du Nouveau Front populaire n’est pas une option pour un Français juif, car l’« antisionisme » affiché par les membres de cette alliance de gauche et de l’extrême gauche cache mal une judéophobie fondée sur l’opportunisme électoral. Pourtant, dans les élections législatives, tous les extrêmes sont à éviter. L’analyse de Richard Prasquier, ancien président du Crif.


Les élections européennes ont réveillé des spectres divers, dont plusieurs parcourent l’Europe et dont d’autres sont spécifiques à la France. Dans une impression globale de déclassement régalien, économique, politique, éducatif, scientifique, culturel et social contre laquelle les affirmations volontaristes et martiales ressemblent à autant de coups d’épée dans l’eau, s’insinue l’idée d’un conflit de civilisation pouvant conduire à la guerre civile que certains dépeignent et beaucoup redoutent, dont d’aucuns exploitent la menace et que la plupart escamotent de leur esprit.

La minuscule communauté juive française (0,5% peut-être de la population), qui est pourtant la plus importante et probablement la mieux structurée d’Europe, ne compte électoralement que dans un nombre minime de circonscriptions. Alors que notre pays affiche la laïcité, aujourd’hui trop souvent brocardée, comme une de ses valeurs fondamentales, on doit constater que dans d’autres démocraties, le choix du multiculturalisme a finalement rendu la situation des Juifs plus difficile. Par ailleurs, si la communauté juive française n’est pas monolithique, elle est, contrairement à d’autres pays, comme les États-Unis, presque exclusivement sioniste. C’est dire si la situation en Israël influe sur les choix électoraux.

Sur les Juifs de France, l’impact du 7 octobre 2023 a été massif. Ils ont été choqués de constater que la manipulation de l’information a rendu certains de leurs amis imperméables à la profondeur de cette blessure. A notre époque d’information au bout du clic, la vérité est devenue d’autant moins précieuse qu’elle est plus facile à obtenir. Mais encore plus stupéfiant a été le fait qu’un parti, la France Insoumise, a pris la guerre de Gaza comme thème électoral majeur d’élections européennes où bien d’autres sujets eussent été plus pertinents.

Cette dérive a été amplement commentée. La lutte contre le racisme a été dévoyée en un chantage à l’islamophobie lui-même gangrené par un antisémitisme qui n’ose pas dire son nom et qui a fini par aboutir là d’où tous les Frères Musulmans (dont le Hamas, faut-il le rappeler, est la filiale palestinienne) sont partis : il n’y a plus de mot pour Israélien, on ne connait plus que le Juif, pardon, le « sioniste », condensé de toutes les vilenies.

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Parti d’une judéophobie très courante au XIXe siècle dans la gauche révolutionnaire, Jean Jaurès avait su corriger ses opinions à l’occasion de l’affaire Dreyfus. Jean-Luc Mélenchon a suivi le chemin inverse. Aujourd’hui, ses remarques relèvent d’un antisémitisme de plus en plus débridé, où il imite son idole, le vénézuélien Hugo Chavez.

Le philosophe Jean-Claude Milner distingue un antisémitisme de passion et un antisémitisme de calcul. Dans ce second cas, on est antisémite parce qu’on y trouve des avantages : parcours de carrière, adhésion à un groupe ou plus souvent encore désir de ne pas avoir d’ennuis. Mais pour qu’un individu garde une cohérence psychologique interne, moteur de son estime de soi, passion et calcul finissent par s’alimenter l’un l’autre. C’est pourquoi le démontage de ce que Mélenchon pense au fond de lui-même est sans intérêt. Le discours de haine d’Israël, produit d’appel électoral destiné à aspirer les votes des « quartiers difficiles » s’est mué, et c’était inévitable, en discours antisémite. 

Cette stratégie a malheureusement été plutôt efficace. Le score européen de LFI a augmenté de 55% par rapport à 2019. Il est générationnel et communautariste, dépendant de facteurs interconnectés, le pourcentage de musulmans dans la population, la jeunesse des électeurs et le degré de leur ressentiment face à un présent et un avenir difficiles.

A moyen terme, plus inquiétante encore est l’influence d’un parti dont les méthodes prennent peu à peu un caractère stalinien. La jeunesse est le terrain d’action privilégié des dictatures auxquelles les inclusives aberrations du wokisme offrent un réservoir inépuisable de militants décervelés. Tous risquent d’être les idiots utiles de l’islamisme, qui, s’il parvient au pouvoir, se débarrassera, comme Khomeini l’avait fait, de ces alliés du début et de leurs oripeaux idéologiques qui ne pèse guère devant ce qu’on prétend être des injonctions divines.

Dans le court terme de l’élection législative, un parti dans une dérive morale aussi évidente que la LFI ne devrait que susciter le rejet. Il n’empêche : le Parti socialiste qui a pourtant obtenu bien plus de voix aux européennes, non seulement accepte des candidatures uniques dans chaque circonscription dès le premier tour des législatives, mais laisse aux candidats LFI un nombre plus élevé de circonscriptions. Le Mélenchon nouveau est arrivé, qui ne « s’élimine pas, mais ne s’impose pas » et qui endosse le costume de rempart de la démocratie après avoir pris jusque-là celui de chef de file du chaos. Mathilde Panot s’érige en défenseur des Juifs et même Rima Hassan n’écrit plus ses tweets incendiaires sur les Israéliens. La ficelle est grosse. En choisissant de faire alliance avec LFI et même avec un parti NPA qui s’est révélé dès le 8 octobre comme un admirateur du Hamas, Olivier Faure proclame que l’antisémitisme n’a pas beaucoup d’importance. 

Les Juifs ont souvent servi dans le passé de variable d’ajustement. C’est entre autres pour ne plus être les objets d’une histoire qui les passait jusque-là par profits et pertes qu’ils ont créé l’État d’Israël. Olivier Faure, quelles que soient ses opinions personnelles, agit en antisémite de calcul.

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A Raphael Glucksmann qui avait rejeté l’alliance avec LFI et qui n’avait pourtant pas épargné Israël pendant sa campagne, les manifestants de la Place de la République ont réservé un de ces qualificatifs tout en nuances dont ils ont le secret : « Israël assassin, Glucksmann complice ». A son corps défendant, ce dernier est finalement venu à résipiscence…

C’est un avant-goût de la liberté d’opinion telle que la conçoit LFI. Honneur à ceux parmi les socialistes qui ont refusé de vendre leurs principes contre un plat de lentilles électoral…

L’irruption d’Emmanuel Macron dans le jeu politique a conduit à une tripolarisation. Un centre « enmêmetempiste » taillait des croupières aux partis de gauche et de droite en aspirant leurs électeurs modérés mais déportait mécaniquement les opposants vers les extrêmes. Le bon score du candidat socialiste aux européennes provient d’un espace électoral momentanément élargi par la déception des électeurs de gauche modérée qui avaient voté pour Emmanuel Macron et qui ont constaté que sa politique économique et sociale était de droite. A cela s’est ajoutée l’impéritie d’un parti écologiste incarné par de ternes dirigeants, dont certains(-es) sombrent dans le gaucho-wokisme. Ce relatif succès rend l’accord de premier tour avec LFI d’autant plus scandaleux.

Du côté droit de l’échiquier politique, la déroute des LR traduit la perte d’espace politique entre un gouvernement dont ils sont proches sur le plan économique et un Rassemblement National qui peut se targuer d’une ancienneté supérieure à tirer la sonnette d’alarme sécuritaire. La réaction d’Éric Ciotti témoigne de cette asphyxie d’un parti qui a été depuis plus de soixante ans, sous des noms divers, le pivot de la droite et du gaullisme. Nul ne peut dire aujourd’hui si sa décision historique de briser, contre l’avis de la majorité des cadres du parti, le cordon sanitaire autour du RN aura des incidences électorales, mais il est probable que beaucoup d’électeurs LR, les jeunes surtout, le suivront, malgré les grandes différences programmatiques entre le LR et le RN (on rappelle que Marine Le Pen se veut « ni-ni », ni droite-ni gauche).

Le contraste est cuisant entre ce parti LR en crise et le succès de la droite modérée qui va dominer le Parlement européen. C’est le résultat de la stratégie macronienne de tripolarisation électorale. Chacun y trouve une carte à jouer :  LFI redorant à bas prix son blason sous le slogan éculé du  Front populaire contre l’extrême droite, le RN se présentant comme le défenseur d’une France en insécurité et Emmanuel Macron comme le parti de la République de raison contre les extrêmes.

Mais cette initiative est lourde de risques car la dévalorisation actuelle de la parole présidentielle, qui a beaucoup perdu de son aura de 2017, risque d’amener les extrêmes au pouvoir et plus probablement encore de rendre l’Assemblée Nationale ingouvernable. Le succès du RN, en particulier, est possible mais son échec économique, probable, disent de plus compétents que moi dans ce domaine, donnerait un tremplin à l’extrême gauche. La pyromanie dissolutive, celle du 21 avril 1997 par Jacques Chirac, ou, il y a bien plus longtemps, celle du 25 juin 1877, par le Président Mac Mahon (Mac Macron, diront évidemment les humoristes), a parfois carbonisé ses auteurs.

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Dans cette élection législative, où ira le vote des Français juifs ? Très rarement, c’est certain, en faveur d’un candidat adoubé par Jean-Luc Mélenchon. En revanche, la possibilité d’un vote sanction en faveur du RN (je ne parle pas d’un Éric Zemmour en perdition électorale…) se pose pour un nombre significatif d’entre eux. Ils observent qu’on n’a jamais pu relever contre Marine Le Pen de paroles antisémites et que, depuis le début de la guerre de Gaza, son discours sur Israël a été d’une clarté parfaite. Traumatisés par les horreurs du 7 octobre, ils ne comprennent pas la complaisance au sujet du Hamas et des dangers de l’islamisme, les valses hésitations moralisatrices de la diplomatie française, le parti pris anti-israélien et les accusations pseudo-génocidaires d’une grande part de l’intelligentsia, des médias et des leaders d’opinion, l’euphémisation de l’antisémitisme qui provient de la gauche et, enfin, pour ceux qui y sont géographiquement exposés, l’impression d’être abandonnés dans des territoires perdus de la République, du nom de ce livre écrit il y a plus de vingt ans et soigneusement ignoré par tous les gouvernements de l’époque.

Le Président du Crif, soutenu par son exécutif, s’est exprimé clairement contre un vote pour les partis extrémistes. Comme on s’en doute, cela lui a valu des critiques. Je soutiens sa position.

L’indifférence à l’histoire est aujourd’hui à la mode, mais je ne peux pas voter pour un parti qui, tout en ayant changé son nom et son discours, et apparemment rejeté le parrainage de son fondateur, est l’héritier direct du Front National. Quoi qu’en dise Jordan Bardella, Jean Marie Le Pen, à sa grande époque, bien qu’il maniât avec brio l’imparfait du subjonctif, était une brute antisémite dont les multiples plaisanteries sur fond de Shoah et l’admiration pour les Waffen SS et leurs viriles chansons, révélait le fond de ses passions.

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Je me félicite, comme Serge Klarsfeld, de l’évolution du RN, je n’ai pas d’argument pour accuser Marine Le Pen d’arrière-pensées et je pense que l’antisémitisme est le cadet des soucis de la plupart de ses électeurs. Mais pas de tous ! De très anciens amis de la présidente du RN, tels Frédéric Chatillon et Axel Loustau, toujours actifs autour d’elle, ont un palmarès édifiant d’accointances avec le nazi Degrelle, Bachar el Assad, Soral, Dieudonné et consorts. En 2012 à Vienne, le 27 janvier (jour de la libération d’Auschwitz) Marine le Pen avait fait la fête avec ce qu’il y avait de pire dans l’extrême droite locale. Certes, elle a aussi organisé récemment l’exclusion du groupe européen « Identité et Démocratie » de l’AfD allemande, mais cela signifie qu’elle avait accepté jusque-là de coopérer avec ce parti rempli de néo-nazis. Ce qu’on dit de certaines soirées intimes du RN et des plaisanteries qui y ont lieu banalement sur le thème des races, des Juifs ou de la Shoah confirme que la prudence doit rester de mise.

En France, chacun exprime ses préférences dans son bulletin de vote. Certains Juifs voteront pour le RN parce qu’ils pensent que sur les sujets qui leur importent, pouvoir d’achat, sécurité, lutte contre l’islamisme ou défense d’Israël, il représente leur meilleur choix. Le Crif n’a pas pour vocation d’être un calque de ces options politiques, mais de défendre les valeurs pour lesquelles il a été créé, la lutte contre l’antisémitisme, à laquelle j’adjoins la lutte contre tous les racismes, la défense d’Israël et la mémoire de la Shoah. Ce n’est que dans la certitude que ces objectifs sont communs que des relations avec un parti politique peuvent être fructueuses. 

Compréhensible est l’exaspération de certains Français juifs face à la politique d’aller-retour de la France à l’égard d’Israël, ses ambiguïtés, ses silences et parfois ses hypocrisies (l’exclusion d’Israël lors du récent salon de la défense…) mais, sur un simple plan pragmatique et non pas moral, un vote sanction au profit du RN serait une mauvaise réponse à une véritable angoisse : c’est à l’ensemble des citoyens de notre pays qu’il faut faire comprendre que le combat d’Israël contre l’islamisme les  concerne tous. Ce combat ne doit pas être adossé à un seul parti, dont l’éventuelle victoire risquerait de toute façon d’être éphémère et dont le programme et les antécédents sont si problématiques. Une telle orientation par ailleurs ne rend pas justice aux nombreux Français non-juifs qui témoignent, souvent malgré les menaces et les insultes, de leur rejet du terrorisme islamique et de leur amitié envers Israël, mais qui ne se résolvent pas au compagnonnage de l’extrême droite. Nous ne devons pas en même temps fustiger les socialistes qui signent une alliance honteuse avec LFI pour le mirage de profits électoraux et faire fi de nos inquiétudes quant aux idiosyncrasies du RN : ce sont des valeurs qui font la fierté du judaïsme que nous risquerions pour le coup de brader pour un plat de lentilles…

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Conseil constitutionnel, attention danger…

Par une décision du 28 mai, le Conseil constitutionnel, contredisant la loi du 10 juillet 1991, a permis aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le Conseil des Sages, auquel on peut être nommé sans aucune compétence juridique particulière, se comporte comme une institution politique plutôt que constitutionnelle. L’analyse de l’universitaire Raphaël Piastra.


Dans l’un de ses tous derniers ouvrages, Jean-Éric Schoettl mettait en garde sur La démocratie au péril des prétoires (Gallimard, 2022). Selon l’auteur, haut fonctionnaire et ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, un hiatus s’est fait jour depuis quelques années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier porte atteinte à la seconde. L’emprise du juge sur la démocratie revêt deux aspects distincts : le droit se construit désormais en dehors de la loi, voire contre elle ; la pénalisation de la vie publique est croissante. Un exemple ? Au nom de la protection, légitime, des femmes, on surmultiplie les actions judiciaires pénales en tous genres. Ces deux aspects sont liés car ils conduisent tous deux à quelque chose de grave : la dégradation de la figure du Représentant. Le premier en restreignant toujours davantage son champ d’action ; le second en en faisant un perpétuel suspect. Le mal qui ronge aujourd’hui la démocratie paraît se situer beaucoup plus là – c’est-à-dire dans l’abaissement du Représentant, dans le rétrécissement de la souveraineté du peuple, dans la rétraction de l’autorité publique – que dans les réactions allergiques que provoque cet affaiblissement de l’État : abstention, populisme, remise en cause du libéralisme. Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique ? Nullement. Il se découvre chaque jour un peu plus qu’il n’a fait que remplacer le caprice du prince par le caprice du juge. D’où la question suprême : quid de la séparation des pouvoirs ?

Un Conseil des sages ?

Alors qu’en est-il de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2024 ? La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique exclut (sauf dans quelques cas) du bénéfice de l’aide juridictionnelle les étrangers – autres que les ressortissants de l’Union européenne – en situation irrégulière. Statuant sur trois « questions prioritaires de constitutionnalité » que lui avait transmises la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel censure, le 28 mai, cette condition relative à la régularité du séjour. L’aide juridictionnelle devra désormais bénéficier aux étrangers en situation irrégulière comme aux Français et aux étrangers en situation régulière. Le lecteur a bien lu ! Le CC, guidé par l’infernal duo Fabius/Juppé, a donc décidé de charger la barque coulante de notre déficit social. Le déficit de la Sécurité sociale a été plus important que prévu en 2023. Attendu à 8,7 milliards d’euros, il a terminé l’année dernière proche de 11 milliards d’euros. Les pseudos sages ont donc décidé aussi d’un appel d’air incalculable pour notre pays déjà si attirant socialement. Et puis, par cette décision inique, le Conseil va aussi permettre d’établir une corrélation supplémentaire (que des esprits idiots refusent) entre immigration et délinquance. Et pourtant elle existe. De plus en plus irréfutable, inexorable même. Plus de 60% des délinquants dans nos prisons sont d’origine, directe ou indirecte, étrangère (Institut pour la Justice).  Mesurons bien comme le dit encore Jean-Eric Schoettl que cette censure prenant effet, par la volonté du Conseil, dès la publication de sa décision, sont concernées toutes les procédures juridictionnelles dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière sont parties, qu’il s’agisse des instances relatives au séjour ou des autres contentieux, civils ou pénaux. L’impact pratique est considérable dans l’immédiat. Il l’est aussi sur la longue durée, tant par l’effet incitatif du bénéfice de l’aide juridictionnelle que par le coût budgétaire de la décision et par ses conséquences sur la charge des cours et tribunaux. Rappelons donc que si vous êtes français, que vous gagnez à peine plus que le SMIC, vous n’avez pas d’aide juridictionnelle. Dorénavant un étranger sans papiers, si.. Et s’il commet un délit, comme ce sera le cas à un moment ou à un autre (ne serait-ce que pour survivre), il sera défendu aux frais de la princesse. Notamment contre une très hypothétique OQTF (qui ne sera de toute façon pas exécutée…).

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Comment a argumenté le Conseil ? Il a mis en exergue l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Si, considère-t-il, le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution et, en particulier, pour se conformer au principe d’égalité devant la justice, d’assurer des garanties égales à tous les justiciables. Le Conseil en déduit que, en privant (dans la plupart des cas et ce qui est légitime) les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables et qu’elles méconnaissent donc le principe d’égalité devant la justice. Précisons que l’aide juridictionnelle, comme son nom l’indique, est une aide. Elle ne touche pas aux règles de fond et ne touche qu’extérieurement aux règles de procédure. Il s’agit en fait d’une aide sociale que le législateur devrait être libre de déterminer s’agissant non de citoyens français, mais d’étrangers sans titre. Le délit de défaut de titre pour un étranger (supprimé en 2012 et rétabli en 2023) ne parviendra pas à endiguer les choses. D’autant que les contrevenants ne sont en général pas en mesure de payer la seule sanction qui soit, une amende.

Humanisme ou pragmatisme, quel rôle pour le juge ?

En matière d’aides, le législateur peut certes faire bénéficier les étrangers, y compris les étrangers sans titre, de la solidarité nationale, mais c’est parce qu’il l’estime équitable. Et chacun sait que la France est le pays d’Europe qui est le plus généreux. D’ailleurs est-ce un hasard si toute la misère du monde veut s’y réfugier ?… Un proverbe de notre Bourbonnais natal dit que « les malheureux, le bon Dieu ne les fait pas tous »

Cette aide généreuse que prodigue la France à ceux qui viennent sur son sol, relève uniquement de l’humanité, de l’équité voire de la fraternité. Il s’agit là d’une appréciation souveraine, éminemment politique, non d’une obligation inscrite dans un texte constitutionnel. Et donc en aucun cas juridique. Il s’avère que la souveraineté nationale commande essentiellement le contrôle des flux migratoires, son premier attribut étant la pérennité de la Nation par la maîtrise de ses frontières. On pourrait se dire ne doit venir chez nous l’étranger que nous choisissons en vertu de nos lois et non celui qu’introduit le passeur par lucre ou que fait entrer le militant pour satisfaire sa conscience. Le délit d’assistance à étranger sans papier, s’il est parfois relevé, est très peu sanctionné par le juge droitdel’hommiste. Rappelons que c’est le traité de Schengen, adopté en 1985 et 1990, qui consacre le principe de la liberté de circulation des personnes (art. 3 du traité sur l’Union européenne – TUE) et implique que tout individu (ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers), une fois entré sur le territoire de l’un des pays membres, peut franchir les frontières des autres pays sans subir de contrôles. Dès lors qu’un immigré en situation irrégulière pénètre sur le sol européen, il va partout où il veut. Et c’est alors la vague porteuse notamment de la délinquance. Et, dorénavant, il a par la grâce du CC, droit à une aide juridictionnelle. Aide d’Etat donc financée par le contribuable…  Ah ce contribuable que l’Etat aime tant à saigner telle une bête d’abattoir avec l’aval du juge en plus !

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La tendance jurisprudentielle à faire bénéficier également Français et étrangers de la solidarité nationale, au nom d’un devoir de fraternité universelle, satisfait certes notre conscience humanitaire. Il est des gens dont nous sommes qui deviennent de plus en plus indifférents à çà et qui préfèrent se soucier de combien cela va encore nous coûter…  A ce titre un récent rapport de la Cour des Comptes a souligné que le budget de l’aide juridictionnelle a fortement augmenté, les dépenses passant de 342 millions d’euros en 2017 à 630 millions en 2022 (soit +13% l’an).

« Le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur »

L’humanitaire n’a selon nous rien à faire à ce niveau. Trop d’impératifs sont en effet en cause qui appellent l’arbitrage du législateur et devraient inspirer au juge de la loi un comportement moins prétorien : le consentement à l’impôt, la maîtrise des finances publiques, la régulation des flux migratoires, la confiance de nos concitoyens dans la capacité des pouvoirs publics à régler les problèmes qui les préoccupent. La solidarité ou la fraternité automatiques que le CC impose à la Nation va indisposer nos compatriotes contre nos politiques d’accueil, voire contre l’Etat providence.

Il y a quelques années déjà, David Kessler conseiller d’Etat, avait appelé ses pairs à un « nécessaire réalisme » notamment sur des décisions régaliennes. On doit noter que le Conseil d’Etat en fait preuve assez souvent (ex : fermeture de mosquées salafistes, expulsions d’imams); le CC, jamais. Cette décision sur l’aide juridictionnelle le prouve. Il n’a aucune idée de l’impact de ses décisions. Rappelons ici la loi de 2021 imposant une « surveillance » des terroristes sortis de prison. Le Conseil censura ce texte attentatoire aux droits de ces individus. Comme si ces individus n’avaient pas fait assez de mal, comme s’il n’y avait pas un risque de récidive énorme… Comme s’ils étaient des individus voire même des êtres normaux, ordinaires. Ils sont des criminels à vie programmés pour imposer leur jihad et vaincre les mécréants que nous sommes. Le CC n’a rien compris sur ce point. Alors oui, personne ne contestera qu’il y a nos droits et libertés gravés dans le marbre de 1789 et 1946. Mais, nous le redisons ici, les réalités de ces époques n’ont strictement plus rien à voir avec celles de 2024. Deux mots devraient habiter celles et ceux qui siègent au CC : le réalisme et l’adaptation.

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Donc voilà, une fois encore le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur. Il commet de plus en plus d’appels d’air à HPN (haut potentiel nuisible). Il faut en ce sens poser tout de même une question sur le mode nomination. Il est exclusivement politique puisque réalisé par le chef de l’Etat et les présidents du Parlement. Présentement, si l’on excepte A. Juppé (tout de même rallié au macronisme en vue de sa nomination), tous les autres sont gauchistes, centre gauchistes ou macronistes. En toute certitude, ils sont aussi toutes et tous droitdelhommistes. Sauf incident, les prochaines nominations se feront en 2025. On est en droit d’espérer que le président du Sénat pourra envisager quelqu’un qui soit d’inspiration libérale ?! Mme Braun-Pivet et M. Macron, de leur côté, feront certainement encore droit à des fidèles !

Précisons encore qu’aucune condition de compétence en matière juridique n’est exigée par la Constitution pour pouvoir être nommé, ce qui distingue le Conseil constitutionnel de toutes les autres cours constitutionnelles des grandes démocraties libérales. A ce titre depuis le départ de Mme Belloubet (2017), il n’y a plus aucun professeur de droit dans ce cénacle. Certes il y a des juristes (anciens hauts magistrats en recyclage, avocats sans cause). Rappelons quand même qu’y ont siégé le doyen Georges Vedel et Robert Badinter. Les décisions y étaient d’une toute autre tenue. Dans la majorité des pays de l’UE qui ont un contrôle de constitutionnalité, il y a des professeurs de droit notamment public qui siègent. Incontestablement, ça ne nuit pas ! 

Lorsqu’il présenta la Constitution en 1958 M. Debré précisa qu’« il n’est ni dans l’esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française de donner à chaque justiciable le droit d’examiner la valeur de la loi ». Donnez une question de priorité constitutionnelle (2008 N. Sarkozy) à un CC politisé et voilà le résultat….

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Crime d’indifférence

Le crime de Courbevoie devrait nous choquer tous au plus profond de nous-mêmes. Mais au lieu de répondre à cette horreur par une journée de deuil nationale, la République poursuit son chemin dans une relative indifférence. Tribune de Dominique Labarrière.


Très franchement, je devrais avoir mieux à faire que d’écrire ces lignes. Je devrais être en train de rejoindre les centaines de milliers, les millions de Français rassemblés partout à travers le pays pour crier leur dégoût, leur colère, leur révolte devant l’ignoble barbarie dont, à Courbevoie, Ville de France, de nos jours en 2024, une petite fille de douze ans a été victime. Enfant martyre – innocente, forcément innocente – sacrifiée parce que coupable d’être juive. Quoi de plus abject ! Je pose la question ! Quoi de plus abominable ?

Où sommes-nous, qui devrions avoir envahi les places, les rues, les cités pour dire non. Non pour aujourd’hui, pour demain. Non à jamais !

Lors de sa visite apostolique à Marseille, le Pape François, non sans raison, a fustigé le « fanatisme de l’indifférence ». Il évoquait alors le sort des migrants noyés en Méditerranée. Aujourd’hui, tout se passe comme si « le fanatisme du silence » devait, tout tranquillement, prendre le relais.

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Où sont les femmes et hommes de bonne volonté de la communauté musulmane de France ?

Où sont les bataillons féministes si prompts à dresser tant et tant de bûchers en sorcellerie à la moindre broutille exploitable ?

Où est le verbe d’imprécation de celui qui, pourtant, parle tout le temps de tout et de rien, à tort et à travers ?

Où est la journée de deuil nationale qui aurait dû être décrétée dans l’heure ? Mobilisation solennelle, officielle afin que le Pays, le Pays tout entier, dans sa diversité, soit enfin sommé de prendre conscience de la pourriture mentale, morale, culturelle, intellectuelle, politique qu’est l’antisémitisme.

Combien faudra-t-il encore de vies bousillées dès l’enfance par de furieux monstres instrumentalisés, eux aussi, dès l’enfance pour que les consciences se réveillent ? Pour que les actes supplantent enfin les belles paroles, les bougies, les mines attristées juste le temps de la photo ?

Enfin, quand serons-nous à la hauteur de ce que nous sommes ? Ou tout au moins de ce que nous devrions être ?

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Un cinéma dans la circulation des temps

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Avec Hors du temps, Olivier Assayas revisite l’expérience du confinement qu’il a passé dans sa maison d’enfance. Une rétrospective à la Cinémathèque permet de redécouvrir l’intégralité de son oeuvre jusqu’à présent.


Hors du temps, vraiment ? C’est là le titre du dernier film d’Olivier Assayas. Il se replonge dans le temps suspendu qu’a constitué pour presque tous le confinement : dans l’attente d’un vaccin, les autorités ont tenu captif un peuple entier, dans l’incertitude des modes de contagion d’une maladie somme toute bénigne dans la plupart des cas… Assayas a ce privilège de posséder une  maison dans la vallée de Chevreuse, celle de feu ses parents, isolée par le grand parc du château attenant, qui toute son enfance était ouvert à ses jeux et à sa rêverie. La voix off du cinéaste aujourd’hui âgé de 69 ans décrit ce paradis perdu et retrouvé, commentaire d’un film qui semble emprunter de prime abord au documentaire. Car c’est bien dans cet ermitage intact qu’il a pu trouver refuge en ce printemps 2021 tellement ensoleillé, où chacun, par force, vivait cloîtré.

Pétrie de nostalgie et de facture toute classique, cette approche se redouble, en alternance, d’un film de fiction dans lequel Assayas emprunte avec esprit les traits forts différents, au physique, du comédien Vincent Macaigne (lequel a déjà joué dans trois de ses longs métrages), et Michel Lescot ceux de son frère musicien, Micka : ici prénommés Paul et Etienne. S’y greffent leurs compagnes respectives, Morgane (Nina d’Urso) et Carole (Nora Hamzawi)…  Hors du temps navigue ainsi, avec une certaine fantaisie qui touche parfois au burlesque (cf. le sketch désopilant du récurage sans fin de la casserole), dans ce microcosme qui ranime, sous la contrainte de la distanciation, des fameux gestes barrière et de ces protocoles prophylactiques (rétrospectivement insensés !), les vieilles rancœurs entre frangins mal assortis, les névroses affleurantes (l’excellente comédienne Dominique Reymond, qu’on regrette de ne pas voir assez à l’écran, mais qui n’a pas eu que des seconds rôles dans plusieurs films d’Assayas, campe ici la psy en télé-séances minutées avec Paul). Tout en déployant les rituels propres aux familles dites recomposées – la fille adolescente de Paul, en garde partagée, sur d’éducation de laquelle veille tour à tour chaque parent…

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Le vaudeville familial se combine adroitement, mais de façon insolite, au regard contemplatif de l’artiste Assayas, sur la Nature dont il déplore, avec David Hockney, son peintre contemporain favori, qu’elle déserte aujourd’hui la pensée poétique – l’écologie relevant d’un autre champ de réflexion. Nourri dès son plus jeune âge d’une belle culture plastique (son père n’était-il pas collectionneur, et ne fut-il pas lui-même graphiste à ses débuts ?), le cinéaste reste autant esthète que politique : chez lui, tout circule.

L’intéressant, chez Assayas, c’est précisément cet éclectisme qui, de film en film, et de façon à chaque fois singulière, authentique et très personnelle, lui fait regarder le monde sous toutes les coutures. De Demonlover (2002) à la série Carlos (2010), d’Irma Vep (1996) à Sils Maria (2014), son cinéma touche à tous les genres, du thriller à l’anticipation, en passant par la saga historique. Mais ce qui frappe, toujours, c’est ce don d’observation qui lui fait voir les choses attentivement, telles qu’elles sont, sans faux-semblants et sans le moindre anachronisme, jamais.

Dans cette optique, Hors du temps mérite d’être remis en perspective, comme nous y invite à présent la Cinémathèque française, avec cette rétrospective intégrale de la filmographie d’Olivier Assayas : il faut revoir absolument Les destinées sentimentales (2000), par exemple – film magnifique, sur la réussite industrielle d’une famille bourgeoise au tournant du XIXème siècle. Ou encore L’heure d’été (2008), qui interroge avec une grande subtilité la question de l’héritage patrimonial.

Assayas est un moderne qui sait regarder le passé. C’est une promesse d’avenir : on attend de voir en 2025 Le Mage du Kremlin, son prochain film, adaptation du roman de Giuliano da Empoli, sur un scénario signé Emmanuel Carrère, avec Jude Law au casting…


Hors du temps. Film d’Olivier Assayas. Avec Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nino d’Urso, Nora Hamzawi. France, couleur, 2024. Durée : 1h45.
En salles le 19 juin
Rétrospective intégrale des films d’Olivier Assayas. Cinémathèque française.
Jusqu’au 4 juillet

Les Français face à l’absence de vergogne à gauche et de courage à droite

La grande faiblesse des sociétés tolérantes, c’est qu’elles laissent exploiter cette tolérance par des fanatiques sans scrupules. C’est ce qui est arrivé et continue à arriver en France, face aux violences et menaces des islamistes. La même faiblesse se révèle aujourd’hui dans le discours idéologique du Nouveau Front populaire. Tribune de Jérôme Serri.


Que dit-on quand on dit que les Français souhaitent le retour de la droite ? Laissons de côté un instant les catégories politiques qui, pour commodes qu’elles soient, servent aux partis de gauche et aux médias à minimiser le sérieux des attentes d’une grande majorité de nos concitoyens. Droite, gauche, peu importe ! C’est le retour d’une conscience nationale et républicaine avec tout ce que cela exige de courage et d’honnêteté dans les orientations et les décisions que les Français espèrent depuis des années. Or, il y a longtemps que nos responsables politiques ne savent plus ce que signifie une telle conscience et encore moins ce qu’elle implique. Même si la classe politique s’obstine à fermer les yeux, la vulgarité sans précédent du chef de l’Etat dans l’exercice de la magistrature suprême annonçait, presque plus sûrement que la violence à l’égard des Français durant les crises des gilets jaunes, du covid-19 et des agriculteurs, que tout cela finirait mal.

Cette conscience – c’est bien là le drame – a même déserté le parti des héritiers du gaullisme tant est efficace le chantage électoral de leurs alliés centristes dont l’idéologie n’a rien à envier à celle des socialistes avec lesquels ils se retrouvent pour dénoncer l’idée de nation et croire pouvoir adapter les principes républicains à sa disparition. Comment la restauration du couple Nation/République, comme cadre pertinent de l’exercice de la démocratie, pourrait-il ne pas apparaître aux yeux des Français comme un projet d’une extrême urgence face à l’ignominie du Nouveau Front populaire ? Ne faut-il pas que le Parti socialiste soit devenu d’une extrême inconsistance pour qu’il se compromette avec l’antisémitisme islamo-gauchiste de La France Insoumise (LFI) et du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ?

On s’indigne à juste raison des récentes investitures d’un fiché S ou d’un ancien dealer par le Nouveau Front populaire. Mais il y a pire. En passant honteusement l’éponge sur le soutien apporté par LFI au Hamas, le Nouveau Front populaire passe également l’éponge sur la responsabilité d’un certain mouvement pro-Hamas impliqué dans l’assassinat de Samuel Paty.

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Le 19 octobre 2020, le journal La Dépêche apprenait par une source proche du Gouvernement qu’un nommé Abdelhakim Sefrioui, le fondateur du Collectif Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas), avait accompagné au collège de Conflans-Sainte-Honorine le père d’une élève pour demander le renvoi de Samuel Paty qui avait montré des caricatures du prophète. Se présentant comme « membre du Conseil des imams de France », il avait aussi diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il dénonçait le professeur en le qualifiant de « voyou ». C’est également lui qui avait interrogé, dans une autre vidéo, la fille du parent d’élève et appelé à la mobilisation. Si le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard n’avait fait devant la presse aucune connexion entre cet homme et le tueur, le préfet de Police de Paris, Laurent Nunez, considérait toutefois qu’il existait sans aucun doute « un lien indirect ». Fin juin 2021, Abdelhakim Sefrioui, détenu depuis octobre 2020, sera finalement poursuivi pour « complicité d’assassinat terroriste » et accusé d’avoir ciblé publiquement la victime et d’avoir « facilité la définition du projet criminel par le tueur ». Il sera jugé, avec sept autres adultes, devant la cour d’assises spéciale de Paris dans quelques mois, fin 2024.

L’actualité quotidienne chassant jour après jour celle qui la précède, la mise en perspective des événements qui seule permet d’en mesurer la gravité, est d’autant plus difficile que nos responsables politiques sont aujourd’hui peu pressés de dire la vérité aux Français tant ils savent qu’à force de petites lâchetés ils se sont mis dans l’incapacité de faire face à l’aggravation de la situation.

Le mouvement d’Abdelhakim Sefrioui que les services surveillent depuis les années 1980 a géré « le site de l’association cultuelle Ansar-al Haqq, une plateforme de recrutement pour partir faire le jihad ». Avec ce Franco-Marocain nous sommes en présence d’un activiste musulman fanatique devant lequel, comme devant d’autres, on a eu tort de ne pas se souvenir d’une mise en garde de Thomas Mann datant de 1935 mais toujours d’actualité : « Tout humanisme comporte un élément de faiblesse, qui tient à son mépris du fanatisme, à sa tolérance et à son penchant pour le doute, bref, à sa bonté naturelle et peut, dans certains cas, lui être fatal. Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est un humanisme militant, un humanisme qui découvrirait sa virilité et se convaincrait que le principe de liberté, de tolérance et de doute ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme ».

En brandissant par deux fois le drapeau palestinien dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale les 28 mai et 4 juin derniers, c’est l’emblème sous lequel eut lieu le pogrom islamiste dans le sud d’Israël que brandissaient les parlementaires de La France Insoumise. C’est sous cette bannière que s’était rangé Abdelhakim Sefrioui, responsable avec d’autres, même indirectement, de la décapitation de Samuel Paty. On comprend mieux que Philippe Poutou, malgré sa déclaration sur « la police qui tue », ait reçu l’investiture du Nouveau Front populaire pour se présenter à Trèbes, la ville où le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui avait pris la place d’un otage, avait été assassiné par un terroriste islamiste.

Toujours le 19 octobre 2020, dans une interview accordée à Europe 1, Gérald Darmanin désignant le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) comme « ennemi de la République », déclara : « le père qui a lancé une ‘fatwa’ contre ce professeur fait référence clairement à cette association, c’est une association qui touche des subventions d’État, des déductions fiscales et qui dénonce l’islamophobie d’État ». Aussi la dissolution du CCIF sera-t-elle prononcée le 2 décembre 2020 en Conseil des ministres.

Sans marcher bien sûr sur les pas de La France Insoumise, le Sénat s’est toutefois déshonoré en acceptant, sans rien dire, un camouflet de ce CCIF. Celui-ci en effet ne s’était pas présenté – les Français le savent-ils ? – à l’audition à laquelle il avait été convoqué par la commission d’enquête sénatoriale sur « la radicalisation islamiste ». A l’un des sénateurs qui demanda à la présidente de cette commission : « N’est-ce pas obligatoire de se présenter devant la commission d’enquête ? », celle-ci répondit : « Oui, c’est une obligation à laquelle on ne peut se soustraire. Nous nous réservons le droit d’envisager des suites ». Le rapport fut remis au président Gérard Larcher début juillet 2020, quelques semaines avant l’assassinat de Samuel Paty. Il n’y eut bien entendu, manque de courage oblige, aucune suite.

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De cette lâcheté qui eut lieu dans le huis clos de la Chambre-haute du Parlement, les Français n’ont pas été au courant. Comme ils ne l’ont pas été non plus du refus de l’ancien président du Sénat Christian Poncelet (ancien RPR, puis UMP) d’installer le drapeau de la Nation dans l’hémicycle. Parce que le bureau du Sénat, consulté, n’avait pas été unanime. On imagine que les voix qui s’y opposèrent n’étaient pas les moins intéressées par le projet de faire de l’Europe une fédération dont la souveraineté annulerait celle de la France. Cette installation du drapeau tricolore dans l’hémicycle fut repoussée jusqu’à ce que Gérard Larcher, à son tour sollicité, finisse par le faire installer à contre-cœur, et comme en catimini, en usant d’un stratagème qui lui permettait de ne pas être considéré comme l’auteur de cette décision par ses amis centristes dont les voix lui sont nécessaires pour se faire réélire à la Présidence du Sénat.

Le manque de courage devant l’islamisme radical qui ne cesse de s’en prendre gravement à la République et recrute ses collaborateurs à gauche, allié à une incessante abdication devant un extrême centre qu’indispose l’idée d’une Europe des nations, cette double soumission assortie de trahisons a annihilé à droite toute conscience nationale et républicaine, et amené le pays au chaos politique, social, économique, culturel et peut-être demain institutionnel.

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Une Vestale pour un Empire

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A l’Opéra Bastille, Lydia Steiler met en scène avec un éclectisme décoratif sombre et décadent La Vestale, opéra composé par Spontini pour l’impératrice quand Napoléon était au sommet de sa gloire.


Le spectre de Napoléon ne s’évanouit décidément jamais : dédié à Joséphine de Beauharnais, l’épouse de l’Empereur en premières noces, laquelle assista d’ailleurs à la première représentation, le 15 décembre 1807, à l’Académie impériale de Musique (son mari était alors en pleine campagne de Pologne), La Vestale fut un immense succès. L’œuvre devait ensuite triompher sur la scène lyrique européenne jusqu’au couchant du XIXème siècle, avant d’être progressivement mise au rancart. En 1954, l’année même où son film Senso sort sur les écrans, Luchino Visconti en ranimera la flamme, portant ce drame lyrique oublié à la Scala, en italien, avec la Callas dans le rôle-titre.

Pour nous, rétrospectivement, il est difficile d’imaginer ce qui fondait jadis la notoriété de cet opéra, la postérité lui préférant un Bellini, un Verdi, etc. Toujours est-il qu’à la charnière entre Gluck et Beethoven (Fidelio lui est quasiment contemporain), La vestale, annonçant déjà Berlioz, inaugure le grand opéra « à la française », c’est à dire chanté en français (et pas en italien), avec ballet, décor pharaonique, orchestre géant, chœur pléthorique, dont Meyerbeer sera la figure imposée…  Etienne de Jouy, le librettiste (1764-1846), était une célébrité très recherchée. Quant à Spontini, quoique transalpin d’origine, il est établi à Paris depuis 1803. Nommé « compositeur particulier de la chambre de Sa Majesté l’Impératrice », il écrira même en 1806 une cantate à la gloire de l’Empereur, et trois ans plus tard un Fernand Cortez, transparente célébration de l’épopée napoléonienne. Installé en Allemagne à partir de 1820, il voyagera pas mal avant de mourir en 1851, à 76 ans, fortuné et sans descendance, retiré en sa ville natale de Maiolati, qui en ce temps-là appartient aux Etats pontificaux.

Revenons à La Vestale. L’action se situe dans la Rome antique qui est aussi celle de l’invasion de la Gaule. Licinius, un général romain, retour de la guerre, avoue à son fidèle ami Cinna son projet d’enlever la vestale Julia. Car ayant fait vœu de chasteté, elle a trahi son amour : la voilà chargée par la Grande Vestale de veiller la flamme éternelle du temple. Si elle rompt sa promesse, la punition sera d’être enterrée vivante. La flamme s’éteint. L’amant dévasté implore le Souverain Pontife d’être supplicié à la place de Julia. Refus de l’intéressé. Mais si par miracle le voile de Julia prend feu, c’est que Vesta pardonne. L’orage éclate, un éclair embrase le voile…

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L’américaine Lydia Steiler, qui tout récemment signait dans cette même salle de l’Opéra Bastille une mise en scène controversée de Salomé, opte cette fois encore pour la transposition dystopique, dans une semblable magnificence décorative. Après un prélude orchestral où l’on voit les suppliciés, visage recouvert d’un sac, pendus par les pieds sur le mur d’enceinte, la paroi glisse latéralement pour nous découvrir un plateau où se reconnaît la somptueuse architecture ornementée de l’Amphithéâtre de la Sorbonne, avec sa coupole peinte par Puvis de Chavannes. Mais laissée ici dans un état décati :  les bibliothèques de bois sombre ont été vidées, les livres forment l’autodafé nourrissant l’âtre du temple de Vespa. Les caciques portent un uniforme noir, aux épaulettes à franges dorées de style Empire, le Pontife lui-même offre une mise plus martiale qu’ecclésiastique, les femmes du culte vont lourdement voilées de noir, le peuple nippé de vêtements aux couleurs passées paraît sortir tout droit d’un film néo-réaliste. La soldatesque – géants juvéniles et glabres, sanglés de noir, coiffés de casquettes façon SS, mitraillette en bandoulière – renvoie à l’imaginaire esthétique des totalitarismes du XXème siècle, tandis que sont convoquées les références aux pompes de l’Eglise catholique, aux tenues de l’Inquisition et au kitsch des processions idolâtres, dans un décorum associant encensoirs, bannières estampillées de symboles religieux, char de la vierge statufiée, chamarrée d’or, figurant le culte de Vespa, etc. Cet appareil décoratif fusionnel est la toile de fond sur laquelle se répand une débauche de crachats, de coups de fouets, de rafales, d’anatomies sanguinolentes…  

La Vestale, Opéra Bastille, 2024. © Guergana-Damianova/OnP

A la noirceur de l’intrigue, Lydia Seiler n’hésite pas à ajouter quelques éléments de son cru, telle la traîtrise finale du Cinna peroxydé envers Licinius, ou l’exécution par balles de la cynique Grande vestale, hors champ, au tomber de rideau… Pourquoi pas ? La touffeur, la rutilance morbide, le chromatisme à la fois luxuriant et subtil d’une régie se délectant à répandre à foison les insignes de la domination et du pouvoir (sans faire l’économie d’une vidéo exhumant quelques séquences issues du répertoire des actualités filmées) s’accorde bien, reconnaissons-le, avec l’intention qui préside au drame : un plaidoyer contre les fanatismes de tous bords.

Au service de cet éclectisme visuellement spectaculaire, une direction musicale hiératique et homogène de Bertrand de Billy, vieil habitué de l’orchestre de l’opéra de Paris, dont les chœurs revêtent ici une place tout à fait prépondérante. Dans le rôle-titre, on regrettera que le soir de la première la soprano Elza van den Heever, souffrante, ait dû céder la place à Elodie Hache, qui en particulier dans le troisième acte peinait à surmonter l’extrême difficulté d’une partition exigeant un souffle, une puissance vocale et un ambitus exceptionnels. Si défaillait de façon par moments agaçante la diction de la mezzo Eve-Maud Hubeaux, en méchante Grande vestale (la tradition lyrique veut que les r soient roulés), Michael Spyres et Julien Behr, les deux ténors campant respectivement Licinius et Cinna, ont recueilli, à raison, les suffrages du public : phrasé impeccable, timbre à la sonorité souveraine, présence scénique éblouissante.  Quant au Souverain Pontife, la basse française Jean Tieten en projette toute l’épaisseur funèbre, avec une aisance confondante.

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Tant et si bien qu’au salut final, les quelques huées émises des balcons, samedi dernier, ne s’adressaient certes pas à la distribution, mais à la metteuse en scène dès l’instant de son apparition. Celles-ci toutefois ne couvraient pas les applaudissements nourris portés à un spectacle qui, quoiqu’on puisse penser de sa facture tape-à l’œil, n’en reste pas moins cohérent avec lui-même : un grand Empire français vaut bien une Vestale hyperbolique.  

La Vestale. Opéra en trois actes de Gaspare Spontini (1807). Direction : Bertrand de Billy. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris. Avec : Michael Spryres, Julien Behr, Jean Tietgen, Elza van der Heever, Eve-Maud Hubeaux. Opéra Bastille les 19, 26, 29 juin, 2, 5, 8, 11 juillet à 19h. Le 23 juin à 14h. Durée : 3h40.

Abolissons les banques centrales !

Selon l’entrepreneur et essayiste Charles Gave, qui est aussi actionnaire de Causeur, il est urgent d’abolir les banques centrales, qui ne font qu’entretenir des Etats de plus en plus dépensiers et mauvais payeurs. Il prône leur fusion avec les ministères des Finances et l’adoption de lois bannissant tout déficit budgétaire.


La thèse que je vais défendre ici est que les banques centrales de nos pays n’ont fait que des dégâts depuis un siècle, ne servent plus à rien et devraient donc être fermées. Pour expliquer cette position, il me faut d’abord expliquer pourquoi elles ont été créées.

Revenons en arrière, au début du capitalisme et donc à mon schéma de base, où coexistent trois acteurs.

1. Le rentier, qui ne veut pas perdre d’argent et qui dépose cet argent à la banque.

2. Le banquier, qui reçoit ces dépôts et garantit leur remboursement en mettant en face son capital, investi en or.

3.  L’entrepreneur, qui a toujours besoin d’argent et dont tout le monde sait qu’il peut tout perdre.

Le rôle du banquier est d’intermédier le risque de la faillite de l’entrepreneur entre ce dernier et le rentier. Par exemple, le banquier prêterait à 6 % à l’entrepreneur, tout en versant 2 % au rentier. La différence sert à faire tourner sa boutique et couvrir les pertes des entrepreneurs qui ne pourraient pas le rembourser.

Le banquier est devenu un vil spéculateur !

Mais le banquier se rend compte assez vite que tous les déposants n’ont pas besoin de leur argent en même temps et que seulement 10 % d’entre eux réclament du cash à tout moment. Il va donc se transformer en vil spéculateur et prêter des sommes dix fois plus importantes que les dépôts. En ce faisant, il se met à créer de la monnaie, ce qui amène à ce qu’il est convenu d’appeler le cycle du crédit.

Cette monnaie nouvellement créée se transforme en dépôts chez lui ou chez ses concurrents, ce qui permet aux taux d’intérêt de baisser et donc à plus d’entrepreneurs d’emprunter, ce qui crée plus de dépôts et ainsi de suite, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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Mais, à chaque cycle arrive un moment où des affaires font faillite, ce qui conduit à une baisse des fonds propres du banquier, qui demande aux autres entrepreneurs de le rembourser, ce qu’ils ne peuvent pas tous faire, ce qui amène à de nouvelles faillites. La masse monétaire se met à baisser, les taux montent brutalement, ce qui entraîne de nouveaux dépôts de bilan. Les banques elles-mêmes commencent à sauter, les épargnants retirent leur argent de la banque, des affaires parfaitement saines disparaissent brutalement et une déflation-dépression se met en place, qui d’habitude dure une dizaine d’années.

Et c’est à cause de ce cycle du crédit que les banques centrales ont été créées pour remplir deux rôles.

1.  Vérifier que les fonds propres des banques sont au minimum à 10 % des prêts consentis à tout moment.

2.  En cas de crise de liquidité, fournir des liquidités aux banques commerciales en escomptant les créances qu’elles détiennent sur les entrepreneurs, ce qui permet aux banques de rembourser (ou rassurer) les déposants et ne pas sauter.

Le plus souvent, ces banques centrales étaient de droit privé et n’avaient rien à voir avec l’État.

Depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or

Arrive le xxe siècle, siècle des totalitarismes, des guerres mondiales et du social-clientélisme. Les besoins financiers des États explosent, et bien entendu, le contrôle de la monnaie, et donc des banques commerciales et des banques centrales, passe à l’État. Et ce qui devait arriver arriva. La monnaie n’est plus créée pour financer des investissements, mais pour servir les besoins de l’État, et ces prêts ne sont jamais remboursés à la différence des prêts au secteur privé. La masse monétaire explose et la hausse des prix suit.

Bientôt, il faut couper le lien entre la valeur de la monnaie et l’or, les monnaies deviennent des monnaies « FIAT » n’ayant de valeur que les unes par rapport aux autres. Le cours de l’or, quant à lui, passe au travers du toit.

Et comme augmenter les impôts est trop impopulaire, si le politicien cherche à se faire réélire, la solution est de fabriquer de la monnaie en créant de la dette qui sera achetée par la banque centrale.

Et du coup, les monnaies FIAT qui devraient servir de moyen d’échange, étalon de valeur et réserve de valeur, perdent d’abord leur fonction de réserve, avant de perdre celle d’étalon de valeur, et cela se termine en général avec le refus d’utiliser la monnaie dans les transactions, et donc la perte de la troisième fonction.

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Imaginons que mon grand-père ait mis dans son coffre, il y a cent dix ans, 100 dollars en billets de banque et la contre-valeur de 100 dollars en pièces d’or. Si je déflate la valeur des deux aujourd’hui par l’indice des prix de détail américain, mes 100 dollars en billets ont aujourd’hui un pouvoir d’achat de 3,2 dollars, tandis que mes pièces d’or valent 345,6 dollars.

Si je fais l’hypothèse qu’un gramme d’or vaut toujours un gramme d’or, alors cela veut dire que depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or. Le dollar n’a pas été une réserve de valeur. Du coup, les pays exportateurs de pétrole demandent à être payés en autre chose que du dollar, ce qui veut dire que le dollar cesse d’être un étalon de valeur. L’étape finale est bien entendu que le dollar cesse d’être un moyen d’échange, ce qui se traduira par une fuite devant la monnaie et une hyperinflation galopante.

Que faire ? Le plus simple est de fusionner les BC avec les ministères des Finances, pour en finir une fois pour toutes avec la fiction de la compétence des banques centrales, et de bannir dans la foulée tout déficit budgétaire par des lois constitutionnelles, tout en interdisant aux banques commerciales d’acheter des obligations d’État.

La monnaie est une chose trop sérieuse pour en laisser le contrôle à des banquiers centraux. Les essais par les Brics de créer une monnaie alternative et l’émergence du Bitcoin sont la preuve que de nouvelles forces sont en train d’entrer en jeu.

En attendant, ne conservez rien dans vos portefeuilles qui dépende de la garantie d’un État de l’OCDE, rien.

Le vert dans le fruit

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Aux élections législatives fédérales du 9 juin en Belgique, les Ecolos – selon la désignation officielle du parti – ont essuyé un camouflet. Mais grâce aux règles électorales belges, leur doctrine a encore de beaux jours devant elle. L’analyse de Sophie Flamand.


Tandis que la France fait ce qu’elle fait le mieux, c’est-à-dire parler politique, que la NUPES se reconstitue en un étrange mariage polygame de raison et que Bardella se tâte pour savoir s’il va tirer la langue ou pas à Zemmour, de l’autre côté de la frontière, ça boit le champagne ! Et pour cause, les Belges sont enfin parvenus à envoyer les Ecolos sur les roses. Ça devrait, pensent-ils, rendre l’air plus respirable et soulager les porte-monnaie. Ce en quoi ils se trompent, pour deux raisons.

D’abord, il existe toujours l’éternel cailloux dans la chaussure : Bruxelles. Région à part entière, elle a souffert plus que tout le reste de la Belgique des délires bobos, piétonniers, rues cyclables, interdiction du diesel, paupérisation, insécurité normalisée, services publics indigents, immigration massive, potagers urbains, et autres singeries. On y trouve même une rue où le trafic automobile est limité à 10km/heure ! Qui dit mieux ? Bien entendu cette gestion de la ville fait fuir les habitants, les commerces et les entreprises mais les autorités brandissent le taux de fécondité des immigrés pour masquer cet exode, pourtant bien réel. Or donc à Bruxelles, région bilingue, les Ecolos ont eux aussi plongé mais pas leur alter égo néerlandophone, Groen. Certes, selon l’administration fiscale, seul indicateur fiable puisque le recensement linguistique a été interdit, les Flamands représentent à peu près 8% de la population, ça ne devrait pas donc peser lourd. Mais l’imagination débridée du législateur belge a prévu une représentation garantie des Flamands au législatif et à l’exécutif de la Région Bruxelloise. Autrement dit, que l’électeur le veuille ou pas, il devra composer avec le parti Groen et celui-ci n’a pas l’intention d’en démordre. La Ministre sortante de la mobilité, Elke Van den Brandt, à l’origine du « Plan Good Move » qui paralyse la ville, rend les riverains cinglés, enlaidit l’espace public et a été désavoué par ses partenaires, Elke Van den Brandt, donc, entend bien persévérer dans sa folie. Autrement dit, côté bruxellois, c’est pas gagné ! Ils n’ont visiblement pas fini de se prendre des « quartiers apaisés » et des mosquées salafistes à tous les coins de rue.

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Mais il n’y a pas que Bruxelles. Et le problème dépasse d’ailleurs largement les frontières belges. Depuis que Dieu est mort, à la charnière des dix-neuvième et vingtième siècles, l’homo occidentalis en mal de mea culpa se cherche de nouvelles idoles. Comme il a déjà beaucoup donné pour la complexité, trinitaire et autre, du christianisme, il les souhaite simples, lisibles et sans malices.

Et c’est là qu’apparait l’écologie politique, nimbée de coton bio et parfumée au patchouli. Avec ses rituels, ses processions, ses archidiacres, ses coûteuses indulgences, sa parole sacrée et ses grenouilles de bénitier, cette nouvelle doxa fait regretter l’ancienne et l’on attend toujours qu’elle produise à son tour la cathédrale de Reims, les œuvres de Bach, les théories de Copernic ou les toiles du Caravage.

Mais en bonne religion, elle s’est déjà émancipée de toute réalité, surtout scientifique, et, distillant tout à la fois la peur et l’espérance, elle irrigue le monde politique. Peu importe finalement que les Verts soient élus, qu’ils siègent ou pas dans les hémicycles. En Belgique comme ailleurs, il n’y a pas un seul programme politique, de gauche, du centre, de droite ou d’ailleurs, qui n’ait son chapitre « Défense de l’environnement ». Malgré 150 députés fédéraux, 78 sénateurs, 398 députés provinciaux, 89 députés régionaux à Bruxelles, 75 en Wallonie et 124 en Flandre, on n’en a toujours pas entendu un seul pour oser questionner le dogme du « réchauffement climatique ». Avec ou sans élus verts, la Belgique et plus généralement l’Europe n’a pas fini de boire le bouillon végan, de payer des écotaxes à tout propos, de financer des éoliennes, de restreindre son train de vie, de se prendre des bouchons de bouteille en plastique dans l’œil, de grelotter en hiver et de faire sa génuflexion devant Greta… Carbo !

Choc des savoirs, extrême droite : ils ne passeront pas!

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Les enseignants en grève manifestent le 6 fevrier 2024 à Paris. ISA HARSIN/SIPA

Les syndicats d’enseignants s’opposent au programme du « choc des savoirs » lancé par Gabriel Attal quand il était ministre de l’Education. De la même façon, ils prétendent s’opposer à l’élection des candidats du Rassemblement national. Et s’ils se consacraient plutôt à l’enseignement? Témoignage.


« « Choc des savoirs » : ni amendable, ni négociable! Exigeons son abrogation! » clame le Syndicat National Force Ouvrière des Lycées et Collèges. Fédération SGEN-CFDT, CGT Educ’action, SNES-FSU…, tous ont défilé le 25 mai, braillé leur colère, brandi l’étendard de la révolte: « Non au choc des savoirs, pour l’école publique! Pour la défense de l’école publique, contre le choc des savoirs! ¡No pasará! »

Les syndicats de l’Éducation nationale combattent le bon combat. Ce n’est plus à prouver. Mais pourquoi cette offensive printanière? L’école de la République, bienveillante, nivelante, bêtifiante, serait-elle en danger? Le savoir menacerait-il de faire son grand retour? Si la formule « choc » et la rhétorique guerrière de Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation – « bataille des savoirs », « mobilisation générale pour élever le niveau de l’école »… –  pouvaient nourrir les peurs, Belloubet s’est vite montrée rassurante : priorité donnée à « la lutte contre le harcèlement scolaire, afin que l’école soit pour chaque élève un lieu d’épanouissement et de bien-être ».  Et de substituer aux groupes de « niveau » en français et en mathématiques prévus au collège pour la rentrée 2024 des groupes de « besoins », histoire de parler pour ne rien dire et de réformer pour ne surtout rien changer.

Que les syndicats, donc, dorment sur leurs deux oreilles! Nous toucherons bien le fond des classements PISA et enverrons des cohortes d’analphabètes au bac dans les années qui viennent.

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Dans mon collège, on s’applique à ne pas appliquer la réforme. Les groupes de besoins? « « Besoins » ne signifie pas « niveau ». D’ailleurs les classes de niveau stigmatisent les élèves en difficulté. Nous ne ferons pas le tri des élèves ». C’est là qu’interviennent les inspecteurs, mandatés pour prêcher (mollement) le choc des savoirs, à coup d’« animations pédagogiques » : «Il n’y pas d’élèves en difficulté mais des élèves en situation de difficulté, il faut donc des groupes flexibles dans la stabilité, de l’hétérogénéité dans l’homogénéité, il s’agit de tenir les deux principes, en même temps…» Alors, après «avoir proposé et non pas imposé», puis «posé les jalons pour un travail harmonisé», avant le goudron et les plumes (parce que la réforme Attal-Belloubet met surtout un joyeux bazar dans les emplois du temps et que c’est un sujet sur lequel les profs ne plaisantent pas), ils se retirent précautionneusement. À la cheffe de finir le boulot et de faire non plus des classes hétérogènes, mais des groupes hétérogènes. Pour une révolution copernicienne, on repassera.

Nos petits élèves qui ont connu une scolarité sporadique au temps de la Covid-19 et dont les connaissances en français et en mathématiques tutoient les abîmes seront donc protégés du choc des savoirs. Ouf. Leurs professeurs aussi, d’ailleurs, si l’on en croit le niveau de recrutement, la barre d’admissibilité ayant été de 5,13/20 au CAPES de mathématiques en 2022.

Mais le seront-ils de l’extrême droite? L’intersyndicale veille et poursuit le combat. Après le 25 mai, le 15 juin. Puis le 23 juin. «Toutes et tous ensemble contre l’extrême droite!»

«L’extrême droite a toujours été, et demeure plus que jamais l’ennemie mortelle des travailleurs et des travailleuses, des étranger⋅ères, des personnes racisées, des LGBTQIA+ et de la démocratie. Son programme conduit à une accélération de la crise écologique. Au niveau de l’école, ses offensives se font déjà de plus en plus visibles : parents vigilants, pression sur les enseignant·es, « Redresser les corps, redresser les esprits, pour redresser la nation », le projet éducatif de l’extrême droite est à l’image de son idéologie et de ses valeurs : inégalitaire, autoritaire et identitaire».

Ça fait froid dans le dos. ¡No pasarán!

Cessons d’écouter la morale des déracinés

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Rassemblement contre l'extrême droite à Paris, le 11 juin 2024. © SEVGI/SIPA

Que le peuple refuse de voter majoritairement pour la gauche, l’extrême-gauche ou le centre ne fait qu’accroître encore le mépris que ressentent les élites à son égard. Tribune de Philippe B. Grimbert.


« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple » disait en son temps le facétieux Bertolt Brecht. C’était mal connaitre notre cher président, seigneur et maître du en même temps qui s’acharne, lui, avec l’agilité qu’on lui connait aux deux tâches : la dissolution de l’Assemblée contiguë à celle de cet « âne qui se cabre, cet éternel mineur » qu’est le peuple, le bon ou le mauvais selon qu’il est virtuel, romanesque ou bien qu’il vote (mal).

Cette chose qui grossit à vue d’œil ou du moins d’élection puisqu’il n’y a plus que ces dernières pour l’éprouver, cette moitié de France qui s’abstient ou cette autre presque moitié votante mais qui vote rance, hier ouvrière, puis paysanne, puis cadre, fonctionnaire, rang C, rang B, retraités, le temps est venu malgré l’ampleur de la tache et de la tâche sinon de pouvoir totalement les dissoudre, du moins de les néantiser. A tous les déclassés qui viennent en grossir les rangs, à tous ces ahuris qui peinent à en finir avec la réalité, comme d’autres avec des punaises de lits, qui comptent les centimes dans les allées des supermarchés, qui font le plein une fois par semaine dans les stations-services des Zones d’Aménagement Commercial, qui osent souffrir moins de la fonte du permafrost que de celle de leur pouvoir d’achat, qui rechignent encore à aimer l’Autre comme la chance de leur terne existence, ou leur descendance anémique, il est temps de s’adresser durant quatre semaines, de leur faire l’aumône d’une pédagogie que les écoles de la république hélas ne dispensent plus le reste du temps.

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Les tenants vertueux ont pour cela ressorti leurs vieux oripeaux, ceux qui ont fait leur preuve et vous rhabille un Gilet Jaune égaré en soldat de la Wehrmacht. Habitant du peuple, (l’ancien), apprend-le, ta nostalgie est fasciste, ta précarité est nazie, tu t’extremedroitises sans le savoir comme Mr Jourdan faisait de la prose. Car il te manque depuis toujours cette chose qui ne s’apprend que dans les grands appartements et les grandes écoles de la nation : le sens du discernement, le bon goût en quelque sorte. Et cette chose-là ne s’apprend pas dans les zones pavillonnaires ou les territoires non pas perdus mais égarés de la France qui perd et, à vrai dire, qui nous fait un peu honte, ici et hors de nos frontières que nous souhaitons ouvertes pour qu’un autre peuple vienne laver les assiettes de nos bobuns, chercher nos enfants à la sortie de leur école privée et construire les logements sociaux où ils habiterons, près de chez nous, puisque nous somme ainsi faits, accueillants, cordicoles, partisans du (bien) vivre ensemble, que nous avons le sens de la décence, celle que contrairement à ce que pensait Orwell, le vieux peuple a depuis bien longtemps perdue. Ce même Orwell qui par ailleurs nous rappelait que si la gauche a toujours été anti-fasciste, elle n’a jamais été anti-totalitaire, toujours prompte à repérer le mal absolu sous ses couleurs brunes mais jamais chez Staline, Mao, Pol Pot et consorts, comme elle est aujourd’hui incapable de la repérer dans l’idéologie de La France Insoumise, préférant s’en tenir à ses bons vieux fétiches, ses anachronismes, recycler sa morale aux valeurs sûres du bien et du mal.

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Pour qui voter?

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Affiches électorales pour les européennes, Montpellier, le 9 juin 2023. Alain ROBERT/SIPA

Donner sa voix à un candidat du Nouveau Front populaire n’est pas une option pour un Français juif, car l’« antisionisme » affiché par les membres de cette alliance de gauche et de l’extrême gauche cache mal une judéophobie fondée sur l’opportunisme électoral. Pourtant, dans les élections législatives, tous les extrêmes sont à éviter. L’analyse de Richard Prasquier, ancien président du Crif.


Les élections européennes ont réveillé des spectres divers, dont plusieurs parcourent l’Europe et dont d’autres sont spécifiques à la France. Dans une impression globale de déclassement régalien, économique, politique, éducatif, scientifique, culturel et social contre laquelle les affirmations volontaristes et martiales ressemblent à autant de coups d’épée dans l’eau, s’insinue l’idée d’un conflit de civilisation pouvant conduire à la guerre civile que certains dépeignent et beaucoup redoutent, dont d’aucuns exploitent la menace et que la plupart escamotent de leur esprit.

La minuscule communauté juive française (0,5% peut-être de la population), qui est pourtant la plus importante et probablement la mieux structurée d’Europe, ne compte électoralement que dans un nombre minime de circonscriptions. Alors que notre pays affiche la laïcité, aujourd’hui trop souvent brocardée, comme une de ses valeurs fondamentales, on doit constater que dans d’autres démocraties, le choix du multiculturalisme a finalement rendu la situation des Juifs plus difficile. Par ailleurs, si la communauté juive française n’est pas monolithique, elle est, contrairement à d’autres pays, comme les États-Unis, presque exclusivement sioniste. C’est dire si la situation en Israël influe sur les choix électoraux.

Sur les Juifs de France, l’impact du 7 octobre 2023 a été massif. Ils ont été choqués de constater que la manipulation de l’information a rendu certains de leurs amis imperméables à la profondeur de cette blessure. A notre époque d’information au bout du clic, la vérité est devenue d’autant moins précieuse qu’elle est plus facile à obtenir. Mais encore plus stupéfiant a été le fait qu’un parti, la France Insoumise, a pris la guerre de Gaza comme thème électoral majeur d’élections européennes où bien d’autres sujets eussent été plus pertinents.

Cette dérive a été amplement commentée. La lutte contre le racisme a été dévoyée en un chantage à l’islamophobie lui-même gangrené par un antisémitisme qui n’ose pas dire son nom et qui a fini par aboutir là d’où tous les Frères Musulmans (dont le Hamas, faut-il le rappeler, est la filiale palestinienne) sont partis : il n’y a plus de mot pour Israélien, on ne connait plus que le Juif, pardon, le « sioniste », condensé de toutes les vilenies.

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Parti d’une judéophobie très courante au XIXe siècle dans la gauche révolutionnaire, Jean Jaurès avait su corriger ses opinions à l’occasion de l’affaire Dreyfus. Jean-Luc Mélenchon a suivi le chemin inverse. Aujourd’hui, ses remarques relèvent d’un antisémitisme de plus en plus débridé, où il imite son idole, le vénézuélien Hugo Chavez.

Le philosophe Jean-Claude Milner distingue un antisémitisme de passion et un antisémitisme de calcul. Dans ce second cas, on est antisémite parce qu’on y trouve des avantages : parcours de carrière, adhésion à un groupe ou plus souvent encore désir de ne pas avoir d’ennuis. Mais pour qu’un individu garde une cohérence psychologique interne, moteur de son estime de soi, passion et calcul finissent par s’alimenter l’un l’autre. C’est pourquoi le démontage de ce que Mélenchon pense au fond de lui-même est sans intérêt. Le discours de haine d’Israël, produit d’appel électoral destiné à aspirer les votes des « quartiers difficiles » s’est mué, et c’était inévitable, en discours antisémite. 

Cette stratégie a malheureusement été plutôt efficace. Le score européen de LFI a augmenté de 55% par rapport à 2019. Il est générationnel et communautariste, dépendant de facteurs interconnectés, le pourcentage de musulmans dans la population, la jeunesse des électeurs et le degré de leur ressentiment face à un présent et un avenir difficiles.

A moyen terme, plus inquiétante encore est l’influence d’un parti dont les méthodes prennent peu à peu un caractère stalinien. La jeunesse est le terrain d’action privilégié des dictatures auxquelles les inclusives aberrations du wokisme offrent un réservoir inépuisable de militants décervelés. Tous risquent d’être les idiots utiles de l’islamisme, qui, s’il parvient au pouvoir, se débarrassera, comme Khomeini l’avait fait, de ces alliés du début et de leurs oripeaux idéologiques qui ne pèse guère devant ce qu’on prétend être des injonctions divines.

Dans le court terme de l’élection législative, un parti dans une dérive morale aussi évidente que la LFI ne devrait que susciter le rejet. Il n’empêche : le Parti socialiste qui a pourtant obtenu bien plus de voix aux européennes, non seulement accepte des candidatures uniques dans chaque circonscription dès le premier tour des législatives, mais laisse aux candidats LFI un nombre plus élevé de circonscriptions. Le Mélenchon nouveau est arrivé, qui ne « s’élimine pas, mais ne s’impose pas » et qui endosse le costume de rempart de la démocratie après avoir pris jusque-là celui de chef de file du chaos. Mathilde Panot s’érige en défenseur des Juifs et même Rima Hassan n’écrit plus ses tweets incendiaires sur les Israéliens. La ficelle est grosse. En choisissant de faire alliance avec LFI et même avec un parti NPA qui s’est révélé dès le 8 octobre comme un admirateur du Hamas, Olivier Faure proclame que l’antisémitisme n’a pas beaucoup d’importance. 

Les Juifs ont souvent servi dans le passé de variable d’ajustement. C’est entre autres pour ne plus être les objets d’une histoire qui les passait jusque-là par profits et pertes qu’ils ont créé l’État d’Israël. Olivier Faure, quelles que soient ses opinions personnelles, agit en antisémite de calcul.

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A Raphael Glucksmann qui avait rejeté l’alliance avec LFI et qui n’avait pourtant pas épargné Israël pendant sa campagne, les manifestants de la Place de la République ont réservé un de ces qualificatifs tout en nuances dont ils ont le secret : « Israël assassin, Glucksmann complice ». A son corps défendant, ce dernier est finalement venu à résipiscence…

C’est un avant-goût de la liberté d’opinion telle que la conçoit LFI. Honneur à ceux parmi les socialistes qui ont refusé de vendre leurs principes contre un plat de lentilles électoral…

L’irruption d’Emmanuel Macron dans le jeu politique a conduit à une tripolarisation. Un centre « enmêmetempiste » taillait des croupières aux partis de gauche et de droite en aspirant leurs électeurs modérés mais déportait mécaniquement les opposants vers les extrêmes. Le bon score du candidat socialiste aux européennes provient d’un espace électoral momentanément élargi par la déception des électeurs de gauche modérée qui avaient voté pour Emmanuel Macron et qui ont constaté que sa politique économique et sociale était de droite. A cela s’est ajoutée l’impéritie d’un parti écologiste incarné par de ternes dirigeants, dont certains(-es) sombrent dans le gaucho-wokisme. Ce relatif succès rend l’accord de premier tour avec LFI d’autant plus scandaleux.

Du côté droit de l’échiquier politique, la déroute des LR traduit la perte d’espace politique entre un gouvernement dont ils sont proches sur le plan économique et un Rassemblement National qui peut se targuer d’une ancienneté supérieure à tirer la sonnette d’alarme sécuritaire. La réaction d’Éric Ciotti témoigne de cette asphyxie d’un parti qui a été depuis plus de soixante ans, sous des noms divers, le pivot de la droite et du gaullisme. Nul ne peut dire aujourd’hui si sa décision historique de briser, contre l’avis de la majorité des cadres du parti, le cordon sanitaire autour du RN aura des incidences électorales, mais il est probable que beaucoup d’électeurs LR, les jeunes surtout, le suivront, malgré les grandes différences programmatiques entre le LR et le RN (on rappelle que Marine Le Pen se veut « ni-ni », ni droite-ni gauche).

Le contraste est cuisant entre ce parti LR en crise et le succès de la droite modérée qui va dominer le Parlement européen. C’est le résultat de la stratégie macronienne de tripolarisation électorale. Chacun y trouve une carte à jouer :  LFI redorant à bas prix son blason sous le slogan éculé du  Front populaire contre l’extrême droite, le RN se présentant comme le défenseur d’une France en insécurité et Emmanuel Macron comme le parti de la République de raison contre les extrêmes.

Mais cette initiative est lourde de risques car la dévalorisation actuelle de la parole présidentielle, qui a beaucoup perdu de son aura de 2017, risque d’amener les extrêmes au pouvoir et plus probablement encore de rendre l’Assemblée Nationale ingouvernable. Le succès du RN, en particulier, est possible mais son échec économique, probable, disent de plus compétents que moi dans ce domaine, donnerait un tremplin à l’extrême gauche. La pyromanie dissolutive, celle du 21 avril 1997 par Jacques Chirac, ou, il y a bien plus longtemps, celle du 25 juin 1877, par le Président Mac Mahon (Mac Macron, diront évidemment les humoristes), a parfois carbonisé ses auteurs.

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Dans cette élection législative, où ira le vote des Français juifs ? Très rarement, c’est certain, en faveur d’un candidat adoubé par Jean-Luc Mélenchon. En revanche, la possibilité d’un vote sanction en faveur du RN (je ne parle pas d’un Éric Zemmour en perdition électorale…) se pose pour un nombre significatif d’entre eux. Ils observent qu’on n’a jamais pu relever contre Marine Le Pen de paroles antisémites et que, depuis le début de la guerre de Gaza, son discours sur Israël a été d’une clarté parfaite. Traumatisés par les horreurs du 7 octobre, ils ne comprennent pas la complaisance au sujet du Hamas et des dangers de l’islamisme, les valses hésitations moralisatrices de la diplomatie française, le parti pris anti-israélien et les accusations pseudo-génocidaires d’une grande part de l’intelligentsia, des médias et des leaders d’opinion, l’euphémisation de l’antisémitisme qui provient de la gauche et, enfin, pour ceux qui y sont géographiquement exposés, l’impression d’être abandonnés dans des territoires perdus de la République, du nom de ce livre écrit il y a plus de vingt ans et soigneusement ignoré par tous les gouvernements de l’époque.

Le Président du Crif, soutenu par son exécutif, s’est exprimé clairement contre un vote pour les partis extrémistes. Comme on s’en doute, cela lui a valu des critiques. Je soutiens sa position.

L’indifférence à l’histoire est aujourd’hui à la mode, mais je ne peux pas voter pour un parti qui, tout en ayant changé son nom et son discours, et apparemment rejeté le parrainage de son fondateur, est l’héritier direct du Front National. Quoi qu’en dise Jordan Bardella, Jean Marie Le Pen, à sa grande époque, bien qu’il maniât avec brio l’imparfait du subjonctif, était une brute antisémite dont les multiples plaisanteries sur fond de Shoah et l’admiration pour les Waffen SS et leurs viriles chansons, révélait le fond de ses passions.

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Je me félicite, comme Serge Klarsfeld, de l’évolution du RN, je n’ai pas d’argument pour accuser Marine Le Pen d’arrière-pensées et je pense que l’antisémitisme est le cadet des soucis de la plupart de ses électeurs. Mais pas de tous ! De très anciens amis de la présidente du RN, tels Frédéric Chatillon et Axel Loustau, toujours actifs autour d’elle, ont un palmarès édifiant d’accointances avec le nazi Degrelle, Bachar el Assad, Soral, Dieudonné et consorts. En 2012 à Vienne, le 27 janvier (jour de la libération d’Auschwitz) Marine le Pen avait fait la fête avec ce qu’il y avait de pire dans l’extrême droite locale. Certes, elle a aussi organisé récemment l’exclusion du groupe européen « Identité et Démocratie » de l’AfD allemande, mais cela signifie qu’elle avait accepté jusque-là de coopérer avec ce parti rempli de néo-nazis. Ce qu’on dit de certaines soirées intimes du RN et des plaisanteries qui y ont lieu banalement sur le thème des races, des Juifs ou de la Shoah confirme que la prudence doit rester de mise.

En France, chacun exprime ses préférences dans son bulletin de vote. Certains Juifs voteront pour le RN parce qu’ils pensent que sur les sujets qui leur importent, pouvoir d’achat, sécurité, lutte contre l’islamisme ou défense d’Israël, il représente leur meilleur choix. Le Crif n’a pas pour vocation d’être un calque de ces options politiques, mais de défendre les valeurs pour lesquelles il a été créé, la lutte contre l’antisémitisme, à laquelle j’adjoins la lutte contre tous les racismes, la défense d’Israël et la mémoire de la Shoah. Ce n’est que dans la certitude que ces objectifs sont communs que des relations avec un parti politique peuvent être fructueuses. 

Compréhensible est l’exaspération de certains Français juifs face à la politique d’aller-retour de la France à l’égard d’Israël, ses ambiguïtés, ses silences et parfois ses hypocrisies (l’exclusion d’Israël lors du récent salon de la défense…) mais, sur un simple plan pragmatique et non pas moral, un vote sanction au profit du RN serait une mauvaise réponse à une véritable angoisse : c’est à l’ensemble des citoyens de notre pays qu’il faut faire comprendre que le combat d’Israël contre l’islamisme les  concerne tous. Ce combat ne doit pas être adossé à un seul parti, dont l’éventuelle victoire risquerait de toute façon d’être éphémère et dont le programme et les antécédents sont si problématiques. Une telle orientation par ailleurs ne rend pas justice aux nombreux Français non-juifs qui témoignent, souvent malgré les menaces et les insultes, de leur rejet du terrorisme islamique et de leur amitié envers Israël, mais qui ne se résolvent pas au compagnonnage de l’extrême droite. Nous ne devons pas en même temps fustiger les socialistes qui signent une alliance honteuse avec LFI pour le mirage de profits électoraux et faire fi de nos inquiétudes quant aux idiosyncrasies du RN : ce sont des valeurs qui font la fierté du judaïsme que nous risquerions pour le coup de brader pour un plat de lentilles…

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Conseil constitutionnel, attention danger…

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Siège du Conseil Constitutionnel à Paris, le 13 avril 2023 © Lewis Joly/AP/SIPA

Par une décision du 28 mai, le Conseil constitutionnel, contredisant la loi du 10 juillet 1991, a permis aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le Conseil des Sages, auquel on peut être nommé sans aucune compétence juridique particulière, se comporte comme une institution politique plutôt que constitutionnelle. L’analyse de l’universitaire Raphaël Piastra.


Dans l’un de ses tous derniers ouvrages, Jean-Éric Schoettl mettait en garde sur La démocratie au péril des prétoires (Gallimard, 2022). Selon l’auteur, haut fonctionnaire et ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, un hiatus s’est fait jour depuis quelques années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier porte atteinte à la seconde. L’emprise du juge sur la démocratie revêt deux aspects distincts : le droit se construit désormais en dehors de la loi, voire contre elle ; la pénalisation de la vie publique est croissante. Un exemple ? Au nom de la protection, légitime, des femmes, on surmultiplie les actions judiciaires pénales en tous genres. Ces deux aspects sont liés car ils conduisent tous deux à quelque chose de grave : la dégradation de la figure du Représentant. Le premier en restreignant toujours davantage son champ d’action ; le second en en faisant un perpétuel suspect. Le mal qui ronge aujourd’hui la démocratie paraît se situer beaucoup plus là – c’est-à-dire dans l’abaissement du Représentant, dans le rétrécissement de la souveraineté du peuple, dans la rétraction de l’autorité publique – que dans les réactions allergiques que provoque cet affaiblissement de l’État : abstention, populisme, remise en cause du libéralisme. Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique ? Nullement. Il se découvre chaque jour un peu plus qu’il n’a fait que remplacer le caprice du prince par le caprice du juge. D’où la question suprême : quid de la séparation des pouvoirs ?

Un Conseil des sages ?

Alors qu’en est-il de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2024 ? La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique exclut (sauf dans quelques cas) du bénéfice de l’aide juridictionnelle les étrangers – autres que les ressortissants de l’Union européenne – en situation irrégulière. Statuant sur trois « questions prioritaires de constitutionnalité » que lui avait transmises la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel censure, le 28 mai, cette condition relative à la régularité du séjour. L’aide juridictionnelle devra désormais bénéficier aux étrangers en situation irrégulière comme aux Français et aux étrangers en situation régulière. Le lecteur a bien lu ! Le CC, guidé par l’infernal duo Fabius/Juppé, a donc décidé de charger la barque coulante de notre déficit social. Le déficit de la Sécurité sociale a été plus important que prévu en 2023. Attendu à 8,7 milliards d’euros, il a terminé l’année dernière proche de 11 milliards d’euros. Les pseudos sages ont donc décidé aussi d’un appel d’air incalculable pour notre pays déjà si attirant socialement. Et puis, par cette décision inique, le Conseil va aussi permettre d’établir une corrélation supplémentaire (que des esprits idiots refusent) entre immigration et délinquance. Et pourtant elle existe. De plus en plus irréfutable, inexorable même. Plus de 60% des délinquants dans nos prisons sont d’origine, directe ou indirecte, étrangère (Institut pour la Justice).  Mesurons bien comme le dit encore Jean-Eric Schoettl que cette censure prenant effet, par la volonté du Conseil, dès la publication de sa décision, sont concernées toutes les procédures juridictionnelles dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière sont parties, qu’il s’agisse des instances relatives au séjour ou des autres contentieux, civils ou pénaux. L’impact pratique est considérable dans l’immédiat. Il l’est aussi sur la longue durée, tant par l’effet incitatif du bénéfice de l’aide juridictionnelle que par le coût budgétaire de la décision et par ses conséquences sur la charge des cours et tribunaux. Rappelons donc que si vous êtes français, que vous gagnez à peine plus que le SMIC, vous n’avez pas d’aide juridictionnelle. Dorénavant un étranger sans papiers, si.. Et s’il commet un délit, comme ce sera le cas à un moment ou à un autre (ne serait-ce que pour survivre), il sera défendu aux frais de la princesse. Notamment contre une très hypothétique OQTF (qui ne sera de toute façon pas exécutée…).

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Comment a argumenté le Conseil ? Il a mis en exergue l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Si, considère-t-il, le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution et, en particulier, pour se conformer au principe d’égalité devant la justice, d’assurer des garanties égales à tous les justiciables. Le Conseil en déduit que, en privant (dans la plupart des cas et ce qui est légitime) les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables et qu’elles méconnaissent donc le principe d’égalité devant la justice. Précisons que l’aide juridictionnelle, comme son nom l’indique, est une aide. Elle ne touche pas aux règles de fond et ne touche qu’extérieurement aux règles de procédure. Il s’agit en fait d’une aide sociale que le législateur devrait être libre de déterminer s’agissant non de citoyens français, mais d’étrangers sans titre. Le délit de défaut de titre pour un étranger (supprimé en 2012 et rétabli en 2023) ne parviendra pas à endiguer les choses. D’autant que les contrevenants ne sont en général pas en mesure de payer la seule sanction qui soit, une amende.

Humanisme ou pragmatisme, quel rôle pour le juge ?

En matière d’aides, le législateur peut certes faire bénéficier les étrangers, y compris les étrangers sans titre, de la solidarité nationale, mais c’est parce qu’il l’estime équitable. Et chacun sait que la France est le pays d’Europe qui est le plus généreux. D’ailleurs est-ce un hasard si toute la misère du monde veut s’y réfugier ?… Un proverbe de notre Bourbonnais natal dit que « les malheureux, le bon Dieu ne les fait pas tous »

Cette aide généreuse que prodigue la France à ceux qui viennent sur son sol, relève uniquement de l’humanité, de l’équité voire de la fraternité. Il s’agit là d’une appréciation souveraine, éminemment politique, non d’une obligation inscrite dans un texte constitutionnel. Et donc en aucun cas juridique. Il s’avère que la souveraineté nationale commande essentiellement le contrôle des flux migratoires, son premier attribut étant la pérennité de la Nation par la maîtrise de ses frontières. On pourrait se dire ne doit venir chez nous l’étranger que nous choisissons en vertu de nos lois et non celui qu’introduit le passeur par lucre ou que fait entrer le militant pour satisfaire sa conscience. Le délit d’assistance à étranger sans papier, s’il est parfois relevé, est très peu sanctionné par le juge droitdel’hommiste. Rappelons que c’est le traité de Schengen, adopté en 1985 et 1990, qui consacre le principe de la liberté de circulation des personnes (art. 3 du traité sur l’Union européenne – TUE) et implique que tout individu (ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers), une fois entré sur le territoire de l’un des pays membres, peut franchir les frontières des autres pays sans subir de contrôles. Dès lors qu’un immigré en situation irrégulière pénètre sur le sol européen, il va partout où il veut. Et c’est alors la vague porteuse notamment de la délinquance. Et, dorénavant, il a par la grâce du CC, droit à une aide juridictionnelle. Aide d’Etat donc financée par le contribuable…  Ah ce contribuable que l’Etat aime tant à saigner telle une bête d’abattoir avec l’aval du juge en plus !

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La tendance jurisprudentielle à faire bénéficier également Français et étrangers de la solidarité nationale, au nom d’un devoir de fraternité universelle, satisfait certes notre conscience humanitaire. Il est des gens dont nous sommes qui deviennent de plus en plus indifférents à çà et qui préfèrent se soucier de combien cela va encore nous coûter…  A ce titre un récent rapport de la Cour des Comptes a souligné que le budget de l’aide juridictionnelle a fortement augmenté, les dépenses passant de 342 millions d’euros en 2017 à 630 millions en 2022 (soit +13% l’an).

« Le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur »

L’humanitaire n’a selon nous rien à faire à ce niveau. Trop d’impératifs sont en effet en cause qui appellent l’arbitrage du législateur et devraient inspirer au juge de la loi un comportement moins prétorien : le consentement à l’impôt, la maîtrise des finances publiques, la régulation des flux migratoires, la confiance de nos concitoyens dans la capacité des pouvoirs publics à régler les problèmes qui les préoccupent. La solidarité ou la fraternité automatiques que le CC impose à la Nation va indisposer nos compatriotes contre nos politiques d’accueil, voire contre l’Etat providence.

Il y a quelques années déjà, David Kessler conseiller d’Etat, avait appelé ses pairs à un « nécessaire réalisme » notamment sur des décisions régaliennes. On doit noter que le Conseil d’Etat en fait preuve assez souvent (ex : fermeture de mosquées salafistes, expulsions d’imams); le CC, jamais. Cette décision sur l’aide juridictionnelle le prouve. Il n’a aucune idée de l’impact de ses décisions. Rappelons ici la loi de 2021 imposant une « surveillance » des terroristes sortis de prison. Le Conseil censura ce texte attentatoire aux droits de ces individus. Comme si ces individus n’avaient pas fait assez de mal, comme s’il n’y avait pas un risque de récidive énorme… Comme s’ils étaient des individus voire même des êtres normaux, ordinaires. Ils sont des criminels à vie programmés pour imposer leur jihad et vaincre les mécréants que nous sommes. Le CC n’a rien compris sur ce point. Alors oui, personne ne contestera qu’il y a nos droits et libertés gravés dans le marbre de 1789 et 1946. Mais, nous le redisons ici, les réalités de ces époques n’ont strictement plus rien à voir avec celles de 2024. Deux mots devraient habiter celles et ceux qui siègent au CC : le réalisme et l’adaptation.

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Donc voilà, une fois encore le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur. Il commet de plus en plus d’appels d’air à HPN (haut potentiel nuisible). Il faut en ce sens poser tout de même une question sur le mode nomination. Il est exclusivement politique puisque réalisé par le chef de l’Etat et les présidents du Parlement. Présentement, si l’on excepte A. Juppé (tout de même rallié au macronisme en vue de sa nomination), tous les autres sont gauchistes, centre gauchistes ou macronistes. En toute certitude, ils sont aussi toutes et tous droitdelhommistes. Sauf incident, les prochaines nominations se feront en 2025. On est en droit d’espérer que le président du Sénat pourra envisager quelqu’un qui soit d’inspiration libérale ?! Mme Braun-Pivet et M. Macron, de leur côté, feront certainement encore droit à des fidèles !

Précisons encore qu’aucune condition de compétence en matière juridique n’est exigée par la Constitution pour pouvoir être nommé, ce qui distingue le Conseil constitutionnel de toutes les autres cours constitutionnelles des grandes démocraties libérales. A ce titre depuis le départ de Mme Belloubet (2017), il n’y a plus aucun professeur de droit dans ce cénacle. Certes il y a des juristes (anciens hauts magistrats en recyclage, avocats sans cause). Rappelons quand même qu’y ont siégé le doyen Georges Vedel et Robert Badinter. Les décisions y étaient d’une toute autre tenue. Dans la majorité des pays de l’UE qui ont un contrôle de constitutionnalité, il y a des professeurs de droit notamment public qui siègent. Incontestablement, ça ne nuit pas ! 

Lorsqu’il présenta la Constitution en 1958 M. Debré précisa qu’« il n’est ni dans l’esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française de donner à chaque justiciable le droit d’examiner la valeur de la loi ». Donnez une question de priorité constitutionnelle (2008 N. Sarkozy) à un CC politisé et voilà le résultat….

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Crime d’indifférence

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Manifestation contre l'antisémitisme devant l'Hotel de Ville de Paris, le 19 juin, après le viol d'une fille de 12 ans à Courbevoie. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Le crime de Courbevoie devrait nous choquer tous au plus profond de nous-mêmes. Mais au lieu de répondre à cette horreur par une journée de deuil nationale, la République poursuit son chemin dans une relative indifférence. Tribune de Dominique Labarrière.


Très franchement, je devrais avoir mieux à faire que d’écrire ces lignes. Je devrais être en train de rejoindre les centaines de milliers, les millions de Français rassemblés partout à travers le pays pour crier leur dégoût, leur colère, leur révolte devant l’ignoble barbarie dont, à Courbevoie, Ville de France, de nos jours en 2024, une petite fille de douze ans a été victime. Enfant martyre – innocente, forcément innocente – sacrifiée parce que coupable d’être juive. Quoi de plus abject ! Je pose la question ! Quoi de plus abominable ?

Où sommes-nous, qui devrions avoir envahi les places, les rues, les cités pour dire non. Non pour aujourd’hui, pour demain. Non à jamais !

Lors de sa visite apostolique à Marseille, le Pape François, non sans raison, a fustigé le « fanatisme de l’indifférence ». Il évoquait alors le sort des migrants noyés en Méditerranée. Aujourd’hui, tout se passe comme si « le fanatisme du silence » devait, tout tranquillement, prendre le relais.

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Où sont les femmes et hommes de bonne volonté de la communauté musulmane de France ?

Où sont les bataillons féministes si prompts à dresser tant et tant de bûchers en sorcellerie à la moindre broutille exploitable ?

Où est le verbe d’imprécation de celui qui, pourtant, parle tout le temps de tout et de rien, à tort et à travers ?

Où est la journée de deuil nationale qui aurait dû être décrétée dans l’heure ? Mobilisation solennelle, officielle afin que le Pays, le Pays tout entier, dans sa diversité, soit enfin sommé de prendre conscience de la pourriture mentale, morale, culturelle, intellectuelle, politique qu’est l’antisémitisme.

Combien faudra-t-il encore de vies bousillées dès l’enfance par de furieux monstres instrumentalisés, eux aussi, dès l’enfance pour que les consciences se réveillent ? Pour que les actes supplantent enfin les belles paroles, les bougies, les mines attristées juste le temps de la photo ?

Enfin, quand serons-nous à la hauteur de ce que nous sommes ? Ou tout au moins de ce que nous devrions être ?

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Un cinéma dans la circulation des temps

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L'actrice Nine d’Urso dans le film « Hors du temps ». © Carole Bethuel

Avec Hors du temps, Olivier Assayas revisite l’expérience du confinement qu’il a passé dans sa maison d’enfance. Une rétrospective à la Cinémathèque permet de redécouvrir l’intégralité de son oeuvre jusqu’à présent.


Hors du temps, vraiment ? C’est là le titre du dernier film d’Olivier Assayas. Il se replonge dans le temps suspendu qu’a constitué pour presque tous le confinement : dans l’attente d’un vaccin, les autorités ont tenu captif un peuple entier, dans l’incertitude des modes de contagion d’une maladie somme toute bénigne dans la plupart des cas… Assayas a ce privilège de posséder une  maison dans la vallée de Chevreuse, celle de feu ses parents, isolée par le grand parc du château attenant, qui toute son enfance était ouvert à ses jeux et à sa rêverie. La voix off du cinéaste aujourd’hui âgé de 69 ans décrit ce paradis perdu et retrouvé, commentaire d’un film qui semble emprunter de prime abord au documentaire. Car c’est bien dans cet ermitage intact qu’il a pu trouver refuge en ce printemps 2021 tellement ensoleillé, où chacun, par force, vivait cloîtré.

Pétrie de nostalgie et de facture toute classique, cette approche se redouble, en alternance, d’un film de fiction dans lequel Assayas emprunte avec esprit les traits forts différents, au physique, du comédien Vincent Macaigne (lequel a déjà joué dans trois de ses longs métrages), et Michel Lescot ceux de son frère musicien, Micka : ici prénommés Paul et Etienne. S’y greffent leurs compagnes respectives, Morgane (Nina d’Urso) et Carole (Nora Hamzawi)…  Hors du temps navigue ainsi, avec une certaine fantaisie qui touche parfois au burlesque (cf. le sketch désopilant du récurage sans fin de la casserole), dans ce microcosme qui ranime, sous la contrainte de la distanciation, des fameux gestes barrière et de ces protocoles prophylactiques (rétrospectivement insensés !), les vieilles rancœurs entre frangins mal assortis, les névroses affleurantes (l’excellente comédienne Dominique Reymond, qu’on regrette de ne pas voir assez à l’écran, mais qui n’a pas eu que des seconds rôles dans plusieurs films d’Assayas, campe ici la psy en télé-séances minutées avec Paul). Tout en déployant les rituels propres aux familles dites recomposées – la fille adolescente de Paul, en garde partagée, sur d’éducation de laquelle veille tour à tour chaque parent…

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Le vaudeville familial se combine adroitement, mais de façon insolite, au regard contemplatif de l’artiste Assayas, sur la Nature dont il déplore, avec David Hockney, son peintre contemporain favori, qu’elle déserte aujourd’hui la pensée poétique – l’écologie relevant d’un autre champ de réflexion. Nourri dès son plus jeune âge d’une belle culture plastique (son père n’était-il pas collectionneur, et ne fut-il pas lui-même graphiste à ses débuts ?), le cinéaste reste autant esthète que politique : chez lui, tout circule.

L’intéressant, chez Assayas, c’est précisément cet éclectisme qui, de film en film, et de façon à chaque fois singulière, authentique et très personnelle, lui fait regarder le monde sous toutes les coutures. De Demonlover (2002) à la série Carlos (2010), d’Irma Vep (1996) à Sils Maria (2014), son cinéma touche à tous les genres, du thriller à l’anticipation, en passant par la saga historique. Mais ce qui frappe, toujours, c’est ce don d’observation qui lui fait voir les choses attentivement, telles qu’elles sont, sans faux-semblants et sans le moindre anachronisme, jamais.

Dans cette optique, Hors du temps mérite d’être remis en perspective, comme nous y invite à présent la Cinémathèque française, avec cette rétrospective intégrale de la filmographie d’Olivier Assayas : il faut revoir absolument Les destinées sentimentales (2000), par exemple – film magnifique, sur la réussite industrielle d’une famille bourgeoise au tournant du XIXème siècle. Ou encore L’heure d’été (2008), qui interroge avec une grande subtilité la question de l’héritage patrimonial.

Assayas est un moderne qui sait regarder le passé. C’est une promesse d’avenir : on attend de voir en 2025 Le Mage du Kremlin, son prochain film, adaptation du roman de Giuliano da Empoli, sur un scénario signé Emmanuel Carrère, avec Jude Law au casting…


Hors du temps. Film d’Olivier Assayas. Avec Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nino d’Urso, Nora Hamzawi. France, couleur, 2024. Durée : 1h45.
En salles le 19 juin
Rétrospective intégrale des films d’Olivier Assayas. Cinémathèque française.
Jusqu’au 4 juillet

Les Français face à l’absence de vergogne à gauche et de courage à droite

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Inauguration du square Samuel Paty à Bordeaux, trois ans après l'assassinat du professeur par un islamiste. 16/10/2023 UGO AMEZ/SIPA

La grande faiblesse des sociétés tolérantes, c’est qu’elles laissent exploiter cette tolérance par des fanatiques sans scrupules. C’est ce qui est arrivé et continue à arriver en France, face aux violences et menaces des islamistes. La même faiblesse se révèle aujourd’hui dans le discours idéologique du Nouveau Front populaire. Tribune de Jérôme Serri.


Que dit-on quand on dit que les Français souhaitent le retour de la droite ? Laissons de côté un instant les catégories politiques qui, pour commodes qu’elles soient, servent aux partis de gauche et aux médias à minimiser le sérieux des attentes d’une grande majorité de nos concitoyens. Droite, gauche, peu importe ! C’est le retour d’une conscience nationale et républicaine avec tout ce que cela exige de courage et d’honnêteté dans les orientations et les décisions que les Français espèrent depuis des années. Or, il y a longtemps que nos responsables politiques ne savent plus ce que signifie une telle conscience et encore moins ce qu’elle implique. Même si la classe politique s’obstine à fermer les yeux, la vulgarité sans précédent du chef de l’Etat dans l’exercice de la magistrature suprême annonçait, presque plus sûrement que la violence à l’égard des Français durant les crises des gilets jaunes, du covid-19 et des agriculteurs, que tout cela finirait mal.

Cette conscience – c’est bien là le drame – a même déserté le parti des héritiers du gaullisme tant est efficace le chantage électoral de leurs alliés centristes dont l’idéologie n’a rien à envier à celle des socialistes avec lesquels ils se retrouvent pour dénoncer l’idée de nation et croire pouvoir adapter les principes républicains à sa disparition. Comment la restauration du couple Nation/République, comme cadre pertinent de l’exercice de la démocratie, pourrait-il ne pas apparaître aux yeux des Français comme un projet d’une extrême urgence face à l’ignominie du Nouveau Front populaire ? Ne faut-il pas que le Parti socialiste soit devenu d’une extrême inconsistance pour qu’il se compromette avec l’antisémitisme islamo-gauchiste de La France Insoumise (LFI) et du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ?

On s’indigne à juste raison des récentes investitures d’un fiché S ou d’un ancien dealer par le Nouveau Front populaire. Mais il y a pire. En passant honteusement l’éponge sur le soutien apporté par LFI au Hamas, le Nouveau Front populaire passe également l’éponge sur la responsabilité d’un certain mouvement pro-Hamas impliqué dans l’assassinat de Samuel Paty.

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Le 19 octobre 2020, le journal La Dépêche apprenait par une source proche du Gouvernement qu’un nommé Abdelhakim Sefrioui, le fondateur du Collectif Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas), avait accompagné au collège de Conflans-Sainte-Honorine le père d’une élève pour demander le renvoi de Samuel Paty qui avait montré des caricatures du prophète. Se présentant comme « membre du Conseil des imams de France », il avait aussi diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il dénonçait le professeur en le qualifiant de « voyou ». C’est également lui qui avait interrogé, dans une autre vidéo, la fille du parent d’élève et appelé à la mobilisation. Si le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard n’avait fait devant la presse aucune connexion entre cet homme et le tueur, le préfet de Police de Paris, Laurent Nunez, considérait toutefois qu’il existait sans aucun doute « un lien indirect ». Fin juin 2021, Abdelhakim Sefrioui, détenu depuis octobre 2020, sera finalement poursuivi pour « complicité d’assassinat terroriste » et accusé d’avoir ciblé publiquement la victime et d’avoir « facilité la définition du projet criminel par le tueur ». Il sera jugé, avec sept autres adultes, devant la cour d’assises spéciale de Paris dans quelques mois, fin 2024.

L’actualité quotidienne chassant jour après jour celle qui la précède, la mise en perspective des événements qui seule permet d’en mesurer la gravité, est d’autant plus difficile que nos responsables politiques sont aujourd’hui peu pressés de dire la vérité aux Français tant ils savent qu’à force de petites lâchetés ils se sont mis dans l’incapacité de faire face à l’aggravation de la situation.

Le mouvement d’Abdelhakim Sefrioui que les services surveillent depuis les années 1980 a géré « le site de l’association cultuelle Ansar-al Haqq, une plateforme de recrutement pour partir faire le jihad ». Avec ce Franco-Marocain nous sommes en présence d’un activiste musulman fanatique devant lequel, comme devant d’autres, on a eu tort de ne pas se souvenir d’une mise en garde de Thomas Mann datant de 1935 mais toujours d’actualité : « Tout humanisme comporte un élément de faiblesse, qui tient à son mépris du fanatisme, à sa tolérance et à son penchant pour le doute, bref, à sa bonté naturelle et peut, dans certains cas, lui être fatal. Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est un humanisme militant, un humanisme qui découvrirait sa virilité et se convaincrait que le principe de liberté, de tolérance et de doute ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme ».

En brandissant par deux fois le drapeau palestinien dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale les 28 mai et 4 juin derniers, c’est l’emblème sous lequel eut lieu le pogrom islamiste dans le sud d’Israël que brandissaient les parlementaires de La France Insoumise. C’est sous cette bannière que s’était rangé Abdelhakim Sefrioui, responsable avec d’autres, même indirectement, de la décapitation de Samuel Paty. On comprend mieux que Philippe Poutou, malgré sa déclaration sur « la police qui tue », ait reçu l’investiture du Nouveau Front populaire pour se présenter à Trèbes, la ville où le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui avait pris la place d’un otage, avait été assassiné par un terroriste islamiste.

Toujours le 19 octobre 2020, dans une interview accordée à Europe 1, Gérald Darmanin désignant le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) comme « ennemi de la République », déclara : « le père qui a lancé une ‘fatwa’ contre ce professeur fait référence clairement à cette association, c’est une association qui touche des subventions d’État, des déductions fiscales et qui dénonce l’islamophobie d’État ». Aussi la dissolution du CCIF sera-t-elle prononcée le 2 décembre 2020 en Conseil des ministres.

Sans marcher bien sûr sur les pas de La France Insoumise, le Sénat s’est toutefois déshonoré en acceptant, sans rien dire, un camouflet de ce CCIF. Celui-ci en effet ne s’était pas présenté – les Français le savent-ils ? – à l’audition à laquelle il avait été convoqué par la commission d’enquête sénatoriale sur « la radicalisation islamiste ». A l’un des sénateurs qui demanda à la présidente de cette commission : « N’est-ce pas obligatoire de se présenter devant la commission d’enquête ? », celle-ci répondit : « Oui, c’est une obligation à laquelle on ne peut se soustraire. Nous nous réservons le droit d’envisager des suites ». Le rapport fut remis au président Gérard Larcher début juillet 2020, quelques semaines avant l’assassinat de Samuel Paty. Il n’y eut bien entendu, manque de courage oblige, aucune suite.

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De cette lâcheté qui eut lieu dans le huis clos de la Chambre-haute du Parlement, les Français n’ont pas été au courant. Comme ils ne l’ont pas été non plus du refus de l’ancien président du Sénat Christian Poncelet (ancien RPR, puis UMP) d’installer le drapeau de la Nation dans l’hémicycle. Parce que le bureau du Sénat, consulté, n’avait pas été unanime. On imagine que les voix qui s’y opposèrent n’étaient pas les moins intéressées par le projet de faire de l’Europe une fédération dont la souveraineté annulerait celle de la France. Cette installation du drapeau tricolore dans l’hémicycle fut repoussée jusqu’à ce que Gérard Larcher, à son tour sollicité, finisse par le faire installer à contre-cœur, et comme en catimini, en usant d’un stratagème qui lui permettait de ne pas être considéré comme l’auteur de cette décision par ses amis centristes dont les voix lui sont nécessaires pour se faire réélire à la Présidence du Sénat.

Le manque de courage devant l’islamisme radical qui ne cesse de s’en prendre gravement à la République et recrute ses collaborateurs à gauche, allié à une incessante abdication devant un extrême centre qu’indispose l’idée d’une Europe des nations, cette double soumission assortie de trahisons a annihilé à droite toute conscience nationale et républicaine, et amené le pays au chaos politique, social, économique, culturel et peut-être demain institutionnel.

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Une Vestale pour un Empire

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La Vestale, Opéra Bastille, 2024. © Guergana-Damianova/OnP

A l’Opéra Bastille, Lydia Steiler met en scène avec un éclectisme décoratif sombre et décadent La Vestale, opéra composé par Spontini pour l’impératrice quand Napoléon était au sommet de sa gloire.


Le spectre de Napoléon ne s’évanouit décidément jamais : dédié à Joséphine de Beauharnais, l’épouse de l’Empereur en premières noces, laquelle assista d’ailleurs à la première représentation, le 15 décembre 1807, à l’Académie impériale de Musique (son mari était alors en pleine campagne de Pologne), La Vestale fut un immense succès. L’œuvre devait ensuite triompher sur la scène lyrique européenne jusqu’au couchant du XIXème siècle, avant d’être progressivement mise au rancart. En 1954, l’année même où son film Senso sort sur les écrans, Luchino Visconti en ranimera la flamme, portant ce drame lyrique oublié à la Scala, en italien, avec la Callas dans le rôle-titre.

Pour nous, rétrospectivement, il est difficile d’imaginer ce qui fondait jadis la notoriété de cet opéra, la postérité lui préférant un Bellini, un Verdi, etc. Toujours est-il qu’à la charnière entre Gluck et Beethoven (Fidelio lui est quasiment contemporain), La vestale, annonçant déjà Berlioz, inaugure le grand opéra « à la française », c’est à dire chanté en français (et pas en italien), avec ballet, décor pharaonique, orchestre géant, chœur pléthorique, dont Meyerbeer sera la figure imposée…  Etienne de Jouy, le librettiste (1764-1846), était une célébrité très recherchée. Quant à Spontini, quoique transalpin d’origine, il est établi à Paris depuis 1803. Nommé « compositeur particulier de la chambre de Sa Majesté l’Impératrice », il écrira même en 1806 une cantate à la gloire de l’Empereur, et trois ans plus tard un Fernand Cortez, transparente célébration de l’épopée napoléonienne. Installé en Allemagne à partir de 1820, il voyagera pas mal avant de mourir en 1851, à 76 ans, fortuné et sans descendance, retiré en sa ville natale de Maiolati, qui en ce temps-là appartient aux Etats pontificaux.

Revenons à La Vestale. L’action se situe dans la Rome antique qui est aussi celle de l’invasion de la Gaule. Licinius, un général romain, retour de la guerre, avoue à son fidèle ami Cinna son projet d’enlever la vestale Julia. Car ayant fait vœu de chasteté, elle a trahi son amour : la voilà chargée par la Grande Vestale de veiller la flamme éternelle du temple. Si elle rompt sa promesse, la punition sera d’être enterrée vivante. La flamme s’éteint. L’amant dévasté implore le Souverain Pontife d’être supplicié à la place de Julia. Refus de l’intéressé. Mais si par miracle le voile de Julia prend feu, c’est que Vesta pardonne. L’orage éclate, un éclair embrase le voile…

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L’américaine Lydia Steiler, qui tout récemment signait dans cette même salle de l’Opéra Bastille une mise en scène controversée de Salomé, opte cette fois encore pour la transposition dystopique, dans une semblable magnificence décorative. Après un prélude orchestral où l’on voit les suppliciés, visage recouvert d’un sac, pendus par les pieds sur le mur d’enceinte, la paroi glisse latéralement pour nous découvrir un plateau où se reconnaît la somptueuse architecture ornementée de l’Amphithéâtre de la Sorbonne, avec sa coupole peinte par Puvis de Chavannes. Mais laissée ici dans un état décati :  les bibliothèques de bois sombre ont été vidées, les livres forment l’autodafé nourrissant l’âtre du temple de Vespa. Les caciques portent un uniforme noir, aux épaulettes à franges dorées de style Empire, le Pontife lui-même offre une mise plus martiale qu’ecclésiastique, les femmes du culte vont lourdement voilées de noir, le peuple nippé de vêtements aux couleurs passées paraît sortir tout droit d’un film néo-réaliste. La soldatesque – géants juvéniles et glabres, sanglés de noir, coiffés de casquettes façon SS, mitraillette en bandoulière – renvoie à l’imaginaire esthétique des totalitarismes du XXème siècle, tandis que sont convoquées les références aux pompes de l’Eglise catholique, aux tenues de l’Inquisition et au kitsch des processions idolâtres, dans un décorum associant encensoirs, bannières estampillées de symboles religieux, char de la vierge statufiée, chamarrée d’or, figurant le culte de Vespa, etc. Cet appareil décoratif fusionnel est la toile de fond sur laquelle se répand une débauche de crachats, de coups de fouets, de rafales, d’anatomies sanguinolentes…  

La Vestale, Opéra Bastille, 2024. © Guergana-Damianova/OnP

A la noirceur de l’intrigue, Lydia Seiler n’hésite pas à ajouter quelques éléments de son cru, telle la traîtrise finale du Cinna peroxydé envers Licinius, ou l’exécution par balles de la cynique Grande vestale, hors champ, au tomber de rideau… Pourquoi pas ? La touffeur, la rutilance morbide, le chromatisme à la fois luxuriant et subtil d’une régie se délectant à répandre à foison les insignes de la domination et du pouvoir (sans faire l’économie d’une vidéo exhumant quelques séquences issues du répertoire des actualités filmées) s’accorde bien, reconnaissons-le, avec l’intention qui préside au drame : un plaidoyer contre les fanatismes de tous bords.

Au service de cet éclectisme visuellement spectaculaire, une direction musicale hiératique et homogène de Bertrand de Billy, vieil habitué de l’orchestre de l’opéra de Paris, dont les chœurs revêtent ici une place tout à fait prépondérante. Dans le rôle-titre, on regrettera que le soir de la première la soprano Elza van den Heever, souffrante, ait dû céder la place à Elodie Hache, qui en particulier dans le troisième acte peinait à surmonter l’extrême difficulté d’une partition exigeant un souffle, une puissance vocale et un ambitus exceptionnels. Si défaillait de façon par moments agaçante la diction de la mezzo Eve-Maud Hubeaux, en méchante Grande vestale (la tradition lyrique veut que les r soient roulés), Michael Spyres et Julien Behr, les deux ténors campant respectivement Licinius et Cinna, ont recueilli, à raison, les suffrages du public : phrasé impeccable, timbre à la sonorité souveraine, présence scénique éblouissante.  Quant au Souverain Pontife, la basse française Jean Tieten en projette toute l’épaisseur funèbre, avec une aisance confondante.

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Tant et si bien qu’au salut final, les quelques huées émises des balcons, samedi dernier, ne s’adressaient certes pas à la distribution, mais à la metteuse en scène dès l’instant de son apparition. Celles-ci toutefois ne couvraient pas les applaudissements nourris portés à un spectacle qui, quoiqu’on puisse penser de sa facture tape-à l’œil, n’en reste pas moins cohérent avec lui-même : un grand Empire français vaut bien une Vestale hyperbolique.  

La Vestale. Opéra en trois actes de Gaspare Spontini (1807). Direction : Bertrand de Billy. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris. Avec : Michael Spryres, Julien Behr, Jean Tietgen, Elza van der Heever, Eve-Maud Hubeaux. Opéra Bastille les 19, 26, 29 juin, 2, 5, 8, 11 juillet à 19h. Le 23 juin à 14h. Durée : 3h40.

Abolissons les banques centrales !

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Charles Gave. © Hannah Assouline

Selon l’entrepreneur et essayiste Charles Gave, qui est aussi actionnaire de Causeur, il est urgent d’abolir les banques centrales, qui ne font qu’entretenir des Etats de plus en plus dépensiers et mauvais payeurs. Il prône leur fusion avec les ministères des Finances et l’adoption de lois bannissant tout déficit budgétaire.


La thèse que je vais défendre ici est que les banques centrales de nos pays n’ont fait que des dégâts depuis un siècle, ne servent plus à rien et devraient donc être fermées. Pour expliquer cette position, il me faut d’abord expliquer pourquoi elles ont été créées.

Revenons en arrière, au début du capitalisme et donc à mon schéma de base, où coexistent trois acteurs.

1. Le rentier, qui ne veut pas perdre d’argent et qui dépose cet argent à la banque.

2. Le banquier, qui reçoit ces dépôts et garantit leur remboursement en mettant en face son capital, investi en or.

3.  L’entrepreneur, qui a toujours besoin d’argent et dont tout le monde sait qu’il peut tout perdre.

Le rôle du banquier est d’intermédier le risque de la faillite de l’entrepreneur entre ce dernier et le rentier. Par exemple, le banquier prêterait à 6 % à l’entrepreneur, tout en versant 2 % au rentier. La différence sert à faire tourner sa boutique et couvrir les pertes des entrepreneurs qui ne pourraient pas le rembourser.

Le banquier est devenu un vil spéculateur !

Mais le banquier se rend compte assez vite que tous les déposants n’ont pas besoin de leur argent en même temps et que seulement 10 % d’entre eux réclament du cash à tout moment. Il va donc se transformer en vil spéculateur et prêter des sommes dix fois plus importantes que les dépôts. En ce faisant, il se met à créer de la monnaie, ce qui amène à ce qu’il est convenu d’appeler le cycle du crédit.

Cette monnaie nouvellement créée se transforme en dépôts chez lui ou chez ses concurrents, ce qui permet aux taux d’intérêt de baisser et donc à plus d’entrepreneurs d’emprunter, ce qui crée plus de dépôts et ainsi de suite, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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Mais, à chaque cycle arrive un moment où des affaires font faillite, ce qui conduit à une baisse des fonds propres du banquier, qui demande aux autres entrepreneurs de le rembourser, ce qu’ils ne peuvent pas tous faire, ce qui amène à de nouvelles faillites. La masse monétaire se met à baisser, les taux montent brutalement, ce qui entraîne de nouveaux dépôts de bilan. Les banques elles-mêmes commencent à sauter, les épargnants retirent leur argent de la banque, des affaires parfaitement saines disparaissent brutalement et une déflation-dépression se met en place, qui d’habitude dure une dizaine d’années.

Et c’est à cause de ce cycle du crédit que les banques centrales ont été créées pour remplir deux rôles.

1.  Vérifier que les fonds propres des banques sont au minimum à 10 % des prêts consentis à tout moment.

2.  En cas de crise de liquidité, fournir des liquidités aux banques commerciales en escomptant les créances qu’elles détiennent sur les entrepreneurs, ce qui permet aux banques de rembourser (ou rassurer) les déposants et ne pas sauter.

Le plus souvent, ces banques centrales étaient de droit privé et n’avaient rien à voir avec l’État.

Depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or

Arrive le xxe siècle, siècle des totalitarismes, des guerres mondiales et du social-clientélisme. Les besoins financiers des États explosent, et bien entendu, le contrôle de la monnaie, et donc des banques commerciales et des banques centrales, passe à l’État. Et ce qui devait arriver arriva. La monnaie n’est plus créée pour financer des investissements, mais pour servir les besoins de l’État, et ces prêts ne sont jamais remboursés à la différence des prêts au secteur privé. La masse monétaire explose et la hausse des prix suit.

Bientôt, il faut couper le lien entre la valeur de la monnaie et l’or, les monnaies deviennent des monnaies « FIAT » n’ayant de valeur que les unes par rapport aux autres. Le cours de l’or, quant à lui, passe au travers du toit.

Et comme augmenter les impôts est trop impopulaire, si le politicien cherche à se faire réélire, la solution est de fabriquer de la monnaie en créant de la dette qui sera achetée par la banque centrale.

Et du coup, les monnaies FIAT qui devraient servir de moyen d’échange, étalon de valeur et réserve de valeur, perdent d’abord leur fonction de réserve, avant de perdre celle d’étalon de valeur, et cela se termine en général avec le refus d’utiliser la monnaie dans les transactions, et donc la perte de la troisième fonction.

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Imaginons que mon grand-père ait mis dans son coffre, il y a cent dix ans, 100 dollars en billets de banque et la contre-valeur de 100 dollars en pièces d’or. Si je déflate la valeur des deux aujourd’hui par l’indice des prix de détail américain, mes 100 dollars en billets ont aujourd’hui un pouvoir d’achat de 3,2 dollars, tandis que mes pièces d’or valent 345,6 dollars.

Si je fais l’hypothèse qu’un gramme d’or vaut toujours un gramme d’or, alors cela veut dire que depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or. Le dollar n’a pas été une réserve de valeur. Du coup, les pays exportateurs de pétrole demandent à être payés en autre chose que du dollar, ce qui veut dire que le dollar cesse d’être un étalon de valeur. L’étape finale est bien entendu que le dollar cesse d’être un moyen d’échange, ce qui se traduira par une fuite devant la monnaie et une hyperinflation galopante.

Que faire ? Le plus simple est de fusionner les BC avec les ministères des Finances, pour en finir une fois pour toutes avec la fiction de la compétence des banques centrales, et de bannir dans la foulée tout déficit budgétaire par des lois constitutionnelles, tout en interdisant aux banques commerciales d’acheter des obligations d’État.

La monnaie est une chose trop sérieuse pour en laisser le contrôle à des banquiers centraux. Les essais par les Brics de créer une monnaie alternative et l’émergence du Bitcoin sont la preuve que de nouvelles forces sont en train d’entrer en jeu.

En attendant, ne conservez rien dans vos portefeuilles qui dépende de la garantie d’un État de l’OCDE, rien.

Le vert dans le fruit

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La coprésidente de Groen, Nadia Naji, et Elke Van den Brandt d'Ecolo-Groen, lors d'un meeting post-électoral à Bruxelles, le 9 juin 2024. Shutterstock/SIPA

Aux élections législatives fédérales du 9 juin en Belgique, les Ecolos – selon la désignation officielle du parti – ont essuyé un camouflet. Mais grâce aux règles électorales belges, leur doctrine a encore de beaux jours devant elle. L’analyse de Sophie Flamand.


Tandis que la France fait ce qu’elle fait le mieux, c’est-à-dire parler politique, que la NUPES se reconstitue en un étrange mariage polygame de raison et que Bardella se tâte pour savoir s’il va tirer la langue ou pas à Zemmour, de l’autre côté de la frontière, ça boit le champagne ! Et pour cause, les Belges sont enfin parvenus à envoyer les Ecolos sur les roses. Ça devrait, pensent-ils, rendre l’air plus respirable et soulager les porte-monnaie. Ce en quoi ils se trompent, pour deux raisons.

D’abord, il existe toujours l’éternel cailloux dans la chaussure : Bruxelles. Région à part entière, elle a souffert plus que tout le reste de la Belgique des délires bobos, piétonniers, rues cyclables, interdiction du diesel, paupérisation, insécurité normalisée, services publics indigents, immigration massive, potagers urbains, et autres singeries. On y trouve même une rue où le trafic automobile est limité à 10km/heure ! Qui dit mieux ? Bien entendu cette gestion de la ville fait fuir les habitants, les commerces et les entreprises mais les autorités brandissent le taux de fécondité des immigrés pour masquer cet exode, pourtant bien réel. Or donc à Bruxelles, région bilingue, les Ecolos ont eux aussi plongé mais pas leur alter égo néerlandophone, Groen. Certes, selon l’administration fiscale, seul indicateur fiable puisque le recensement linguistique a été interdit, les Flamands représentent à peu près 8% de la population, ça ne devrait pas donc peser lourd. Mais l’imagination débridée du législateur belge a prévu une représentation garantie des Flamands au législatif et à l’exécutif de la Région Bruxelloise. Autrement dit, que l’électeur le veuille ou pas, il devra composer avec le parti Groen et celui-ci n’a pas l’intention d’en démordre. La Ministre sortante de la mobilité, Elke Van den Brandt, à l’origine du « Plan Good Move » qui paralyse la ville, rend les riverains cinglés, enlaidit l’espace public et a été désavoué par ses partenaires, Elke Van den Brandt, donc, entend bien persévérer dans sa folie. Autrement dit, côté bruxellois, c’est pas gagné ! Ils n’ont visiblement pas fini de se prendre des « quartiers apaisés » et des mosquées salafistes à tous les coins de rue.

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Mais il n’y a pas que Bruxelles. Et le problème dépasse d’ailleurs largement les frontières belges. Depuis que Dieu est mort, à la charnière des dix-neuvième et vingtième siècles, l’homo occidentalis en mal de mea culpa se cherche de nouvelles idoles. Comme il a déjà beaucoup donné pour la complexité, trinitaire et autre, du christianisme, il les souhaite simples, lisibles et sans malices.

Et c’est là qu’apparait l’écologie politique, nimbée de coton bio et parfumée au patchouli. Avec ses rituels, ses processions, ses archidiacres, ses coûteuses indulgences, sa parole sacrée et ses grenouilles de bénitier, cette nouvelle doxa fait regretter l’ancienne et l’on attend toujours qu’elle produise à son tour la cathédrale de Reims, les œuvres de Bach, les théories de Copernic ou les toiles du Caravage.

Mais en bonne religion, elle s’est déjà émancipée de toute réalité, surtout scientifique, et, distillant tout à la fois la peur et l’espérance, elle irrigue le monde politique. Peu importe finalement que les Verts soient élus, qu’ils siègent ou pas dans les hémicycles. En Belgique comme ailleurs, il n’y a pas un seul programme politique, de gauche, du centre, de droite ou d’ailleurs, qui n’ait son chapitre « Défense de l’environnement ». Malgré 150 députés fédéraux, 78 sénateurs, 398 députés provinciaux, 89 députés régionaux à Bruxelles, 75 en Wallonie et 124 en Flandre, on n’en a toujours pas entendu un seul pour oser questionner le dogme du « réchauffement climatique ». Avec ou sans élus verts, la Belgique et plus généralement l’Europe n’a pas fini de boire le bouillon végan, de payer des écotaxes à tout propos, de financer des éoliennes, de restreindre son train de vie, de se prendre des bouchons de bouteille en plastique dans l’œil, de grelotter en hiver et de faire sa génuflexion devant Greta… Carbo !