Accueil Site Page 19

Une révocation politique?

0

Réflexion sur la lourde sentence du Conseil d’État qui s’est abattue sur le professeur Jean-Luc Coronel de Boissezon, à la suite de l’évacuation musclée d’étudiants gauchistes de la fac de Montpellier, en 2018.


Vendredi 27 septembre 2024, aux termes d’une décision très discutable, le Conseil d’État a révoqué définitivement de ses fonctions Monsieur Jean-Luc Coronel de Boissezon, professeur agrégé d’histoire du droit à l’université de Montpellier (CE, 27 septembre 2024, Université de Montpellier, req. n°488978).

Pour rappel, il est reproché à Monsieur Coronel de Boissezon d’avoir participé, dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, à l’évacuation musclée d’un amphithéâtre de la faculté de droit, occupé par un « collectif » d’organisations d’extrême-gauche dans le cadre d’un mouvement d’opposition à la loi ORE.

Une peine sensiblement aggravée

Si l’on peut entendre que des poursuites judiciaires et disciplinaires aient été diligentées, on relèvera que la sanction de révocation – la plus grave – est l’aboutissement d’un acharnement certain à l’encontre du professeur, qui avait le défaut supplémentaire d’avoir un cœur penchant à droite.

Le déroulé de la procédure disciplinaire est significatif de cet acharnement. Après une première décision de révocation de la section disciplinaire de Sorbonne Université, le CNESER[1] – juridiction compétente à l’égard des enseignants-chercheurs – a sensiblement allégé la sanction en prononçant, le 23 mars 2022, une interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement pour une durée de quatre ans avec privation de traitement. Le 30 décembre 2022, le Conseil d’État, saisi par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, juge la sanction prononcée par le CNESER trop clémente. Mais le 4 septembre 2023, sur renvoi du Conseil d’Etat, l’indocile CNESER a prononcé une sanction identique à celle du 23 mars 2022. Mauvais joueurs, le président de l’université de Montpellier et la ministre chargée de l’Enseignement supérieur se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État, qui a révoqué définitivement Jean-Luc Coronel de Boissezon.

Cette dernière décision soulève un certain nombre questions.

Tout d’abord, celle des pouvoirs du juge de cassation. En matière de révocation, le juge a de longue date introduit un critère de proportionnalité : la révocation doit être en adéquation avec la gravité des faits reprochés au fonctionnaire, condition dont l’appréciation appartient aux juges du fond (CE, 21 juin 2000, Ville de Paris, req. n°179218). Ainsi, lorsque le juge de cassation intervient, il peut certes annuler la décision prise par la juridiction d’appel s’il la juge disproportionnée par rapport à la gravité des faits, mais toujours pour prononcer une sanction moins sévère. Or, en prononçant la révocation définitive de Monsieur Coronel de Boissezon, le Conseil d’État a substitué son appréciation à celle, en principe souveraine, du CNESER, pour aggraver sensiblement la peine.

Ensuite, comme cela avait été souligné par Anne-Marie Le Pourhiet et François-Xavier Lucas à propos de la précédente décision du 30 décembre 2022 (cf. Le Figaro, 17 janvier 2023) ; la motivation du Conseil d’État est bâclée, car elle occulte la question de la responsabilité personnelle du professeur, qui n’était ni armé ni cagoulé, en retenant une forme de responsabilité collective. Le Conseil d’État se contente en effet de retenir que Monsieur Coronel de Boissezon a « participé, à la tête d’un groupe comprenant des personnes extérieures à l’université, pour certaines cagoulées et munies de planches de bois et d’un pistolet à impulsion électrique, et en portant lui-même des coups, à l’expulsion violente des occupants d’un amphithéâtre de l’UFR de droit et science politique de l’université de Montpellier ». Or, cette notion de « responsabilité collective » qui sous-tend le raisonnement, est en décalage avec la propre jurisprudence du Conseil d’État en matière de révocation. Il s’attache en effet habituellement à identifier de manière très circonstanciée la responsabilité personnelle de l’auteur des faits. Il en va ainsi, par exemple, d’un agent public ayant agressé sexuellement une mineure handicapée (CAA Douai, 6 octobre 2011, req. n°10DA01437) ; ou d’un médecin ayant porté des mentions mensongères, en termes de vaccination, sur le carnet de santé d’un enfant (CE, 22 décembre 2017, M.X, req. n°406360).

Phalange factieuse 

Enfin, le point le plus confondant vient des conclusions du rapporteur public. Pour justifier la révocation, il est indiqué que le professeur a « pris la tête d’une phalange factieuse » (cf. conclusions de Monsieur Jean-François de Montgolfier, p. 9). On reste interdit devant l’usage de ces termes, qui n’ont pas été choisis au hasard et qui travestissent la réalité. Si l’on se réfère à une définition simple donnée par le Trésor de la langue française, l’adjectif « factieux » s’entend d’un groupe « qui exerce ou tente d’exercer contre un gouvernement légalement établi une action violente visant à provoquer des troubles » (passons sur le terme « phalange », si ridiculement outrancier qu’il ne mérite pas que l’on s’y attarde).

Or, comme cela a été souligné par le rapport de l’IGAENR[2], l’occupation de l’amphithéâtre « par des étudiants » et « quelques personnes extérieures, qui n’ont pas le statut d’usager […] est illégale » (Rapport IGAENR n° 2018-036, mai 2018, page 9). Cette occupation illégale a en outre été émaillée de déprédations, violences, injures et brutalités. Quelques exemples, non exhaustifs :

  • « Un enseignant reçoit un coup de poing au visage, sa montre est arrachée. Un syndicaliste, postier, secrétaire départemental de l’union syndicale Solidaires a ses lunettes de vue cassées » (Rapport IGAENR, p. 8) ;
  • « Vers 23 heures, des étudiantes accrochent des tampons et des serviettes hygiéniques souillées à la barrière qui ferme l’accès au sous-sol où se trouvent les toilettes, elles en brandissent sous le nez du doyen. Une jeune fille met une serviette hygiénique dans la poche de son veston. Un tampon est jeté à la tête d’un agent de sécurité, un autre à celle du doyen. » (Rapport IGAENR, p. 8) ;
  • « Une personne présente une bouteille d’urine à la responsable administrative qui préfère la prendre de peur qu’elle ne la lui jette. La vice-doyenne et une enseignante sont également présentes et assistent à cette scène. » (Rapport IGAENR, p. 8).

Ainsi, pour le rapporteur public, il n’y a pas de factieux du côté de ceux qui occupent un amphithéâtre sans droit ni titre, qui insultent, méprisent, violentent et dégradent ; mais exclusivement du côté de ceux qui ont cherché à redonner à un amphithéâtre sa vocation naturelle. D’ailleurs, les premiers n’ont fait l’objet d’aucune poursuite pénale, civile ou disciplinaire. On comprend que si Monsieur de Boissezon avait apporté son concours à l’occupation illégale, aux insultes et déprédations, il n’aurait pas été inquiété.

Il est donc difficile de voir autre chose, dans cette décision de révocation obtenue au forceps, qu’une volonté de juger Jean-Luc Coronel de Boissezon au pied du mur de l’exemple. Il n’est pas non plus certain que cette décision, adoptée sur pourvoi de la ministre de l’Enseignement supérieur et de l’université de Montpellier, eux-mêmes soumis à la pression de certains syndicats étudiants, soit de nature à tempérer le sentiment de partialité idéologique des juridictions françaises.

Penser la démocratie sociale

Price: 36,00 €

6 used & new available from 36,00 €


[1] Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche

[2] Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

7-Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime

0

Un an après le 7 octobre 2023, un hommage a été rendu à la synagogue Copernic aux morts, aux blessés et aux otages du Hamas.

Y sont intervenus, entre autres, un Georges Bensoussan étincelant, un Manuel Valls bouleversant de sincérité et de fraternité, un Mohamed Sifaoui désespérant de lucidité.

Mais avant eux, discret, timide, l’éditeur David Reinharc avait présenté l’ouvrage initié par Guy Bensoussan, sur lequel il a travaillé, avec Sarah Fainberg (notre photo) pendant onze mois et qu’il publie en partenariat avec les Éditions Descartes : 7-Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime.

Un best-seller dont chaque exemplaire est unique

Il s’agit d’une encyclopédie en 285 pages, dont tous les exemplaires sont uniques, car chacun porte, sur la couverture, le nom d’une des victimes du pogrom et sur le rabat, sa biographie : un livre, un nom. Mille cent soixante noms. 1160 êtres humains dans leur unicité.

Qu’est-ce qui a motivé les concepteurs de cette œuvre ? 

« C’est un livre en deux mouvements », explique Sarah Fainberg. Normale sup, Doctorat de Sciences-Po, directrice de recherches à l’université de Tel Aviv, spécialiste des questions de défense et de sécurité, auteur d’un livre sur l’antisémitisme soviétique post-stalinien[1], elle a pourtant été « sidérée par le décalage entre le pogrom que les Israéliens étaient en train de vivre et le masquage du crime sur les médias d’État français, dès les premières heures qui l’ont suivi. J’étais suffoquée par l’écart entre des enfants brûlés vifs et la phraséologie bienpensante qui a recouvert le réel, y compris au sein des centres du savoir. »

« Il fallait revenir sur la façon dont les Israéliens ont été suppliciés, avant d’être tués », enchaîne David Reinharc, qui rappelle que les terroristes, sur les vidéos qu’ils ont eux-mêmes mis en ligne, parlaient de « juifs », pas « d’Israéliens ». Et ce Juif non croyant d’ajouter que le sens premier du projet « Un livre, un nom » qu’il a initié est de « remettre au langage et au monde les sans-nom et sans-visage du 7-Octobre, qui furent exclus du symbolique tout court, et ainsi permettre de réciter le Kaddish, la prière des morts. » 

A ne pas manquer: Causeur #127: 7-Octobre, un jour sans fin

D’où les deux mouvements de ce livre kaléidoscope de voix plurielles, juives, non juives, croyants, athées, qui pensent ensemble cette question de l’effacement : d’une part, pour l’annuler en restaurant le crime masqué, voire excusé, et d’autre part, pour réfléchir, articuler et analyser ses raisons multiples en le prenant par tous les angles. C’est aussi une œuvre de création puisqu’elle redonne vie à chacune des victimes, « afin qu’ils ne soient pas réduits à leur mort et qu’on ne les oublie jamais. C’est un monument de papier ».

« Il s’agit pour la première fois d’un crime contre l’humanité contemporain de sa négation », affirment les deux promoteurs, « une négation aussi insidieuse que perverse, en ce qu’elle justifie subrepticement les massacres en les contextualisant. »

Best-of des 80 contributeurs

Rendons à César les politiques : la sincérité de Manuel Valls et de Gérard Larcher, le courage de Jean-Eric Schoettl, la constance de François Zimeray, l’opportunisme d’Anne Hidalgo ;

Le troisième pouvoir, celui des avocats, souvent du diable, mais pas toujours, puisque plusieurs signent, dont Nathanaël Majster et deux Klarsfeld, sans oublier ceux qui ont une double casquette ;

Des psychanalystes, juifs comme Daniel Sibony, Michel-Gad Wolkowicz et Judith Cohen-Solal (la différence entre un tailleur juif et un psychanalyste ? Une génération) et non juifs comme Sonya Zadig, qui explique le 7-Octobre par « un changement de paradigme : ce qu’on a pris pour un conflit territorial n’est qu’un conflit de civilisation, un choc entre des visions diamétralement opposées du monde » ;

Des citoyens courageux qui risquent leur vie : Hassen Chalghoumi (imam sur qui pèse une fatwa), Nora Bussigny (journaliste qui va vraiment sur le terrain), Patrick Desbois (prêtre dénonciateur de la Shoah par balles), Robert Redeker (professeur menacé de mort pour blasphème… en France), Boualem Sansal (traité de « dhimmi de l’Occident, le protégé des sionistes[2] », autant dire mort en sursis, pour avoir émis une opinion haram sur le conflit israélo-palestinien) ;

Et juste avant les raton-laveurs, enfin, des intellectuels sincères et lucides, plus nombreux qu’on imagine :

Georges Bensoussan, historien des faits, des chiffres, pas des fantasmes,

Abnousse Shalmani, Irano-française chevelue, laïque et écrivain[3],

Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de l’Éducation nationale qui donne la meilleure définition du crime contre l’humanité, quelle qu’en soit la forme : il est commis « dans une logique exterminatrice… et il massacre des personnes pour ce qu’elles sont ou sont censées être et non pour ce qu’elles font ou sont censées avoir fait ».

Renée Fregosi qui, après n’avoir pas fait carrière au PS[4], a étudié les 50 nuances de la dictature[5],

Gilles-William Goldnadel, avocat dont la parole est d’or et l’esprit vif argent, qui résume « la détestation du Juif au fait qu’il n’est plus le « métèque » des années 1930. Il est jugé nationaliste et belliqueux. »

Martine Gozlan, journaliste, note que « l’État d’Israël est le seul au monde que l’on veut détruire pour le sauver. »

A lire aussi, Alain Finkielkraut: «On n’a pas le droit de s’installer dans la tragédie»

Yana Grinshpun, une Mohammed Ali juive dans un corps de Marylin Monroe brune,

Michel Houellebecq, qui se signale par son malin plaisir à Anéantir[6] les cons de tout poil avec sa plume,

Marc Knobel, spécialiste de la haine des juifs sous toutes ses formes, dont la Cyberhaine[7],

Éric Naulleau, qui a vu « de fort distinguées représentantes de la classe bobo descendre un instant de leur bicyclette pour arracher les photographies des otages du Hamas… »

Eric Marty, professeur émérite, militant non juif contre la délégitimation d’Israël[8],

Iannis Roder,[9] prof d’Histoire-Géo dans le 9-3, encore vivant,

Georges-Elia Sarfati, philosophe, linguiste, poète et psychanalyste français et juif, comme son nom l’indique[10],

Jean Szlamowicz, normalien, professeur des universités, linguiste, traducteur, qui traduit le 7-Octobre à la lumière d’un narratif : « le récit politique contemporain fait (des Juifs) les bourreaux nécessaires des Arabes de Palestine (pour contrer) l’évidence de l’agression arabe et du sadisme antijuif » ;

Pierre-André Taguieff, dont une citation vaut mille images : « Du pédantisme déconstructionniste est né ce monstre qu’est le “wokisme“»[11],

Jacques Tarnero, ex-soixante-huitard, publié abondamment par Le Monde jusqu’à son coming-out comme sioniste. « Les nazis n’ont pas cherché à immortaliser leurs exploits. Le Hamas, oui », dit-il.

Sylvain Tesson, écrivain voyageur qui porte haut l’étoile[12] (de David),

Shmuel Trigano, philosophe et sociologue, spécialiste de l’exclusion des Juifs du monde arabe[13], encore plus pessimiste qu’un ashkénaze, qui rappelle que « les amis d’Israël… lui ont imposé, après le massacre, de nourrir son ennemi, de lui fournir de l’essence pour aérer ses tunnels et lui permettre de résister plus longtemps, sous la menace d’une condamnation internationale, qui effacerait le scandale de sa déshumanisation sous la main du Hamas. »

Alexandre del Valle, Docteur en histoire contemporaine, lanceur d’alerte sur l’entrisme islamiste depuis plus de 20 ans…

Pour ne pas être complice du silence qui finira par nous tuer aussi, car « l’antisémitisme, c’est aussi la haine de la France et de ses valeurs » (Gérard Larcher), il faut lire 7 Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime – David Reinharc éditeur. Et réagir.

285 pages.

7 octobre, manifeste contre l'effacement d'un crime

Price: 20,00 €

7 used & new available from 20,00 €


[1] www.amazon.fr/discrimin%C3%A9s-Lantis%C3%A9mitisme-sovi%C3%A9tique-apr%C3%A8s-Staline/dp/2213662843/

[2] www.lnr-dz.com/2023/12/11/le-pro-israelien-boualem-sansal-profere-de-graves-accusations-contre-lalgerie/

[3] www.amazon.fr/La%C3%AFcit%C3%A9-j%C3%A9cris-ton-Abnousse-Shalmani/dp/B0CTQ9VHRW/

[4] www.amazon.fr/Comment-nai-fait-carri%C3%A8re-social-d%C3%A9mocratie/dp/2940632723

[5] www.youtube.com/watch?v=RA0FwO3rdjU

[6] www.amazon.fr/An%C3%A9antir-Michel-Houellebecq/dp/2290404330/

[7] www.amazon.fr/Cyberhaine-propagande-antis%C3%A9mitisme-sur-Internet-ebook/dp/B09N7KRR23/

[8] www.amazon.fr/Bref-s%C3%A9jour-J%C3%A9rusalem-%C3%89ric-Marty/dp/2070768961/

[9] www.amazon.fr/Sortir-l%C3%A8re-victimaire-Iannis-Roder/dp/2738150756/

[10] « Sarfati » veut dire « français » en hébreu.

[11] www.lefigaro.fr/vox/culture/pierre-andre-taguieff-du-pedantisme-deconstructionniste-est-ne-ce-monstre-qu-est-le-wokisme-20220107

[12] www.jforum.fr/porter-haut-letoile-sylvain-tesson.html

[13] www.amazon.fr/LExclusion-juifs-arabes-contentieux-isra%C3%A9lo-arabe/dp/2848350113/ref

Check-point Olaf

Les annonces du chancelier allemand pour contrôler l’immigration rompent avec une décennie de politique d’accueil inconditionnel. Mais la plupart d’entre elles sont conformes au traité de Schengen. Nos voisins pourront, sans se contredire, rouvrir les vannes de travailleurs étrangers lorsque leur économie le jugera utile.


Touchée ces derniers mois par une série d’attaques terroristes commises par des ressortissants étrangers (dont la plus récente et meurtrière, un attentat au couteau perpétré par un Syrien ayant demandé l’asile dans le pays, a coûté la vie à trois personnes), l’Allemagne semble aujourd’hui chercher à reprendre en main sa politique migratoire – en apparente rupture avec la décennie écoulée.

Au cours des années 2010, notre voisin d’outre-Rhin a pratiqué une politique de l’asile largement ouverte, dont les justifications mêlaient considérations humanitaires et calculs économiques, l’accélération des flux étant perçue comme une opportunité d’apport en main-d’œuvre et une solution de mitigation du vieillissement démographique. Entre 2013 et 2023, on estime que près de 2,8 millions de primo-demandeurs d’asile ont été reçus en Allemagne, soit l’équivalent de la population cumulée des villes de Cologne et Hambourg (et un tiers du total des demandes dans l’UE). Le record annuel sur cette période a été atteint en 2016, avec 722 000 premières demandes d’asile en douze mois. Après un tassement observable durant les années qui ont suivi, cette dynamique semble aujourd’hui repartir fortement à la hausse, avec 329 120 premières demandes d’asile enregistrées en 2023 – ce qui représente une augmentation de 51 % par rapport à 2022.

Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz multiplie les « annonces fortes » depuis plusieurs semaines, destinées explicitement à endiguer ce redémarrage rapide des flux d’asile : suppression des aides pour les demandeurs entrés dans un autre pays de l’UE avant l’Allemagne ; réexamen de l’asile accordé si les intéressés voyagent dans leur pays d’origine ; recherche de solutions pour reprendre les expulsions de criminels dangereux vers l’Afghanistan et la Syrie. Mais la plus commentée et la plus symbolique de ces décisions réside dans le rétablissement des contrôles à l’ensemble des frontières terrestres allemandes, depuis le 16 septembre et pour une durée de dix mois. Selon les mots de la ministre sociale-démocrate de l’Intérieur Nancy Faeser, l’objectif est « de limiter davantage l’immigration irrégulière et de nous protéger des dangers aigus du terrorisme islamiste et de la grande criminalité ».

Mais s’agit-il là d’une véritable révolution copernicienne accomplie par la nation du « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ! »), ou de simples effets de communication visant des citoyens allemands déboussolés – qui seraient tentés d’amplifier les succès électoraux de l’AfD ?

Tout d’abord, rappelons que la plupart de ces mesures ne sont pas aussi spectaculaires qu’elles y paraissent. Si l’expulsion de ressortissants afghans et syriens vers leur pays d’origine pourrait se heurter à certains obstacles du droit européen (ces pays étant en guerre), le rétablissement des contrôles aux « frontières intérieures » – entre États européens – est quant à lui parfaitement conforme au Code Schengen, en cas de menaces pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, et à condition d’être limité dans le temps. Pour preuve : au moins un quart des États membres de Schengen ont activé ce type de clause en 2023, à l’instar de la France depuis les attentats de 2015.

De manière plus large, la constance très relative des dirigeants allemands en matière migratoire invite à la prudence. En 2010, au cœur d’un débat politique enflammé par la parution de l’essai L’Allemagne disparaît de Thilo Sarrazin (haut fonctionnaire développant une approche radicalement critique de l’immigration reçue par le pays depuis les années 1970), la chancelière Angela Merkel avait prononcé l’oraison funèbre de la société multiculturelle allemande devant les jeunes de la CDU, en affirmant que la nation allemande n’avait « pas besoin d’une immigration qui pèse sur notre système social ». Quelques années plus tard, au cœur de la crise migratoire de 2015-2016, la même Angela Merkel ouvrait largement les frontières allemandes à près de 1,2 million de demandeurs d’asile en deux ans (venus notamment de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran et d’Érythrée).

En janvier dernier encore, le chancelier Scholz faisait adopter une loi visant à faciliter les naturalisations, en abaissant la durée du séjour préalable de huit à cinq ans et en autorisant désormais la double nationalité pour les ressortissants extra-européens (notamment au bénéfice des 1,5 million de ressortissants turcs). Le gouvernement du même Scholz a fait adopter la loi du 23 juin 2023, qui facilite l’immigration de travailleurs extra-européens en Allemagne – ignorant ainsi la corrélation nette entre la hausse des flux légaux et celle de l’immigration illégale, qui s’observe partout en Europe.

Tergiversations à poser un diagnostic, incohérences dans les politiques mises en œuvre, mise en balance de la volonté populaire et d’intérêts économiques de court-terme… Un même mal étrange semble frapper les responsables politiques des deux rives du Rhin. Il n’en demeure pas moins que plusieurs de nos voisins européens ont annoncé des mesures migratoires restrictives ces dernières semaines, quelles que soient les majorités politiques au pouvoir : après le Danemark, l’Italie, la Suède, les Pays-Bas, ou encore le Royaume-Uni, une véritable réaction en chaîne semble être à l’œuvre.

Dans ce contexte, la France court le risque d’être, en comparaison, toujours plus attractive pour les candidats à l’immigration, alors qu’elle subit déjà aujourd’hui d’importants « flux migratoires secondaires ». Dans un avis de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2018, le ministère de l’Intérieur avait souligné que près de la moitié des demandeurs d’asile qui se présentaient en France étaient déjà connus ailleurs en Europe et que près de 500 000 déboutés du droit d’asile circulaient de pays en pays dans l’espace Schengen.

En définitive, c’est un choix crucial que doit opérer le nouveau gouvernement français : répondre aux attentes de l’opinion publique et s’inscrire dans la dynamique européenne engagée sur ces sujets, ou se résigner à l’immobilisme et accroître ainsi la vulnérabilité migratoire de la France.

Qui a cramé la caisse?

0

Nous sommes tous responsables du dérapage des comptes publics, observe notre directrice de la rédaction


La commission des Finances de l’Assemblée nationale se transforme en commission d’enquête sur le dérapage des comptes publics.
Rappel de quelques chiffres, désormais connus de presque tout le monde: dans le précédent budget, le déficit du présent exercice était annoncé à 4,4% du PIB. Il a ensuite été relevé à 5,1% en cours d’exercice. Finalement, nous sommes à 6%. Résultat : une différence de 60 milliards d’euros à trouver en urgence.

Menteurs

Certes, il faudra effectivement savoir comment ce dérapage budgétaire a été possible. Mais en attendant, l’affaire est déjà devenue une nouvelle arme de notre guéguerre politique. On entend tous la petite musique qui monte: « ils ont menti, voire maquillé. Ils savaient et n’ont rien dit… » Ces trémolos sur la transparence et le mensonge sont rigolos. En dehors de ces questions, le mensonge est en temps normal l’huile dans les rouages de la vie sociale et publique. Chers lecteurs, essayez donc de dire tout ce que vous pensez pendant une journée ! Le mensonge est aussi parfois une stratégie politique. Par exemple, la gauche a raconté durant des semaines qu’elle avait gagné les élections législatives, ce qui est faux, et pourtant personne ne hurle qu’on doit la vérité aux électeurs. Donc il faut arrêter le délire. En l’occurrence, je ne crois pas que nos dirigeants aient menti volontairement, et encore moins falsifié : ils ont laissé filer et regardé ailleurs. Bruno Le Maire avait demandé un collectif budgétaire en cours de route; le président Macron a refusé parce qu’il a un peu pris cela par-dessus la jambe (l’intendance suivra…) et que les européennes arrivaient.

Le droit de savoir

Ensuite, nous avons connu deux mois de vacance du pouvoir. Personne ne se sentait responsable du sujet, et il n’y avait pas de Premier ministre à qui rendre compte. Bref, nos gouvernants sont peut-être incompétents – il ne faut pas l’exclure(!) – mais j’en ai assez d’entendre dire qu’ils sont malhonnêtes. Les Français ont bien le droit de savoir, dit-on. Encore faudrait-il qu’ils veuillent savoir. Tout le monde veut réduire la dette… à condition que ça tape sur les autres. Et on adore croire qu’en taxant les riches, tout changera. La commission d’enquête nous dira quels postes précisément (c’est la polémique du jour…) ont dérapé. Et c’est important de le savoir. Mais, elle devrait aussi s’intéresser aux gabegies structurelles. On ferait de sacrées économies en supprimant d’un décret tous les doublons, triplons et quadruplons d’officines inutiles. Le CESE par exemple ne sert à rien, mais pourtant il existe aussi des doublons à l’échelle des régions et parfois des intercommunalités ! La vérité, c’est que nous sommes tous responsables. De la distribution d’argent public contre rien, du clientélisme… Si les dépenses ont dérapé, ce n’est pas parce que Bruno Le Maire et les autres s’en sont mis plein les poches, mais parce qu’ils ont répondu à de multiples pressions, demandes et revendications. Elles sont souvent légitimes: moi aussi, je voudrais plus de profs, plus de médecins, plus de flics et plus de magistrats. Moi aussi, je ne veux que le bonheur des retraités, des étudiants ou des chômeurs.
Mais j’aimerais aussi qu’on sorte de ce rapport névrotique à l’État, considéré comme l’Oncle Picsou à qui il faut arracher son magot. Désolée: il n’y a pas d’Oncle Picsou. Et pas de solution indolore. Si nous voulons nous en sortir, il faudra travailler plus et moins attendre de la collectivité.

Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

L’irresponsabilité en politique mériterait la sanction judiciaire

0

L’impéritie scandaleuse de nos dirigeants, tant en matière sécuritaire qu’économique, donne envie à bien des citoyens de réclamer des comptes, observe notre chroniqueur.


L’Élysée haut perché est redescendu sur terre. Mardi, Emmanuel Macron a renoncé à la hausse de dotation de la présidence pour 2025. L’Assemblée nationale et le Sénat ont emboité le pas, en annulant leurs revalorisations budgétaires. La veille, sur RTL, Didier Migaud, Garde des Sceaux, avait jugé « démagogiques » les indignations face à la légèreté des trois institutions priant les Français de se serrer la ceinture sans donner l’exemple. Ce sursaut de bon sens, symbolique, dit l’amateurisme qui prévaut trop souvent dans les sphères du pouvoir. « Présumez toujours l’incompétence avant de rechercher un complot », avait prévenu Machiavel. En l’occurrence, l’irresponsabilité au sommet est telle que se pose la question de la mise en cause judiciaire des plus hautes autorités. Cet été, Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel Paty, le professeur décapité le 16 octobre 2020 par un islamiste qui n’avait rien à faire en France, a saisi le tribunal administratif afin d’obtenir la condamnation de l’Etat pour ses manquements dans la protection élémentaire d’un enseignant clairement menacé depuis onze jours. L’État a déjà été condamné, après des recours intentés par des écologistes, pour inaction climatique. Il y aurait de multiples raisons de le condamner pour inaction sécuritaire, après les meurtres de tant d’innocents par des étrangers, souvent multirécidivistes ou fichés S, qui auraient dû être expulsés. Mais sa même désinvolture, appliquée en matière économique et budgétaire, devient elle aussi un possible sujet de plaintes devant la justice. Le trou de 100 milliards d’euros supplémentaires, découvert par Michel Barnier, pourrait ainsi relever pénalement de la forfaiture si une volonté de dissimulation en haut lieu devait apparaître. Bruno Le Maire assure avoir, en vain, alerté le président sur ces dérapages non avoués…

A lire aussi, Elisabeth Lévy: De la guimauve pour Dominique Bernard

L’ouverture de l’examen, ce mercredi, du projet de loi de finance 2025 par les députés pourrait être l’occasion de révéler, par une commission d’enquête spécifique, la mascarade de la gestion financière et budgétaire de la France par le chef de l’État et son ministre de l’Économie, qui s’est vanté à son départ d’avoir « sauvé l’économie française ». Le « Mozart de la finance », installé à l’Elysée sous le parrainage d’influents acteurs du monde économique, a en réalité conduit le pays, chéquier ouvert, dans une permanente fuite en avant. Au point d’avoir augmenté la dette de 1000 milliards d’euros (3250 milliards au total), ce qui représente, au titre du remboursement annuel du seul intérêt de la dette, 55 milliards d’euros (soit 800 euros par Français, enfants compris). Le déficit public, annoncé à 3,7% du PIB pour 2024 par Elisabeth Borne, est passé à 6,1%. Aucune économie dans le fonctionnement de l’État n’a été faite. Le nombre de fonctionnaires (près de 6 millions) n’a cessé d’augmenter. Le « quoi qu’il en coûte », présenté par les flagorneurs comme le trait de génie de la macronie, s’est révélé être ce qu’il était pour le jugement commun : une folle addiction à l’emprunt afin de feindre un progressisme à crédit sur le dos des contribuables. Le confinement sanitaire, décrété dans l’hystérie du Covid, a été une mesure irrationnelle dont la France aurait pu faire l’économie, à l’image de la Suède.

Bref, le monde politique, depuis des décennies, a multiplié les mesures les plus absurdes, les plus irréfléchies, les plus sottes. Il serait temps que les plus grands fautifs rendent des comptes, devant la justice administrative, mais aussi pénale.

Le NFP, dernière gauche immigrationniste d’Europe?

Du Danemark à l’Allemagne, en passant par la Grande-Bretagne et la Slovaquie, des partis de gauche sont rattrapés par le réel : ils défendent un strict contrôle des frontières pour enrayer l’immigration de masse. En France, la gauche qui continue de voir un électeur en chaque immigré ne change rien à sa doctrine.


Et si le grand tour de vis contre l’immigration venait, en Europe, de la gauche ? L’exemple danois attire depuis plusieurs années la curiosité de ses voisins. En mai 2023, Éric Ciotti, qui n’était pas encore démissionnaire de la présidence de LR ni allié du RN, se rendait à Copenhague, en quête de recettes nordiques. Pour comprendre le tête-à-queue danois sur les questions migratoires, il faut remonter à 2001, quand le Parti populaire, classé comme nationaliste, a soutenu une coalition de droite plus modérée, en échange d’un durcissement des règles migratoires. C’est ainsi que le camp conservateur a pu garder les commandes du pays pendant dix ans, de 2001 à 2011, puis de 2015 à 2019. Au prix de 135 modifications de la loi sur les étrangers, le pays de la Petite Sirène peut se vanter aujourd’hui d’avoir la politique d’accueil la plus ferme d’Europe occidentale. Lors de son premier retour aux affaires après 2011, la gauche danoise s’est certes efforcée d’assouplir les règles mises en place pendant la décennie 2000. Elle ne s’y aventure plus désormais et depuis sa victoire de 2019, elle assume l’héritage législatif de la droite. En janvier 2021, la Première ministre Mette Frederiksen tenait ainsi devant le Parlement le discours que toutes les droites populistes d’Europe rêvent d’entendre : « Nous devons nous assurer que peu de gens viennent dans notre pays, sinon notre cohésion sociale sera menacée. » En 2017, dans l’opposition, elle promettait déjà de déplacer les demandeurs d’asile dans des centres délocalisés en Afrique. Désormais, il y a consensus des principales formations politiques danoises pour estimer que, si le pays veut maintenir son modèle social, il doit drastiquement limiter l’accès à la nationalité et aux aides sociales. Le bloc de gauche est en train de récolter les fruits électoraux de sa stratégie : aux Européennes de 2024, les partis de la coalition de Mette Frederiksen rassemblaient 35 % des voix, tandis que le Parti populaire redescendait à un famélique score de 6,37 %. La formation de droite classique est pour sa part en plein déclin. Aux législatives de 2022, elle était même passé sous la barre des 3 %, très loin des 21 % réalisés en 2015. Deux paradoxes à observer : pour renaître politiquement, la gauche danoise a dû intégrer une bonne partie du programme de la droite nationale ; et celle-ci, pour avoir su imposer ses thèmes depuis vingt ans, est désormais renvoyée aux marges de la vie politique locale.

Un thé avec Meloni

Le modèle danois peut-il inspirer les gauches européennes ? Lors de la campagne des législatives britanniques de juillet 2024, le candidat travailliste Keir Starmer, rompant avec l’islamo-gauchisme des années Jeremy Corbyn, s’est engagé à réduire l’immigration. « Si vous m’accordez votre confiance, je vous fais cette promesse : je contrôlerai nos frontières et ferai en sorte que les entreprises britanniques soient aidées à embaucher en priorité des Britanniques », déclarait-il au Sun avant le scrutin. Il faut dire que, malgré le Brexit, le Royaume-Uni semble ne plus contrôler grand-chose à ses frontières. Ce sont désormais 1,2 million d’étrangers, extra-européens pour l’écrasante majorité, qui affluent chaque année dans le pays. Ménageant la chèvre et le chou, Keir Starmer annonçait dans le même temps qu’il renonçait au projet controversé de déplacement des demandeurs d’asile au Rwanda, cher au Premier ministre conservateur sortant Rishi Sunak et fort inspiré par le modèle danois – mais ce projet pourrait être redéployé en Albanie (voir le texte de Frédéric de Natal et Jeremy Stubbs). En septembre 2024, alors que le Royaume-Uni sortait d’un été marqué par des violences ethniques, le nouveau locataire du 10 Downing Street faisait sensation en s’affichant aux côtés de la Première ministre de droite italienne Giorgia Meloni et surtout en louant les résultats de cette dernière en matière de lutte contre l’immigration illégale. « Vous avez fait des progrès remarquables, en travaillant d’égal à égal avec les pays se trouvant sur les routes migratoires afin de traiter, à la source, les facteurs de la migration et de contrer les réseaux, et le résultat est que les arrivées illégales par la mer en Italie ont baissé de 60 % depuis 2022 », faisait-il remarquer à son hôtesse romaine. Une visite qui n’a pas plu à tout le monde au sein de la gauche britannique ; Kim Johnson, députée travailliste de Liverpool, a regretté que le nouveau Premier ministre « aille chercher des enseignements auprès d’un gouvernement néofasciste ». Malgré la survivance d’une aile gauche aux thèmes proches de notre LFI nationale, le Labour ne peut plus se permettre de se présenter devant les électeurs britanniques sans un minimum de fermeté sur ces sujets.

AfD et BSW, la tenaille identitaire

Outre-Rhin aussi, l’heure est au raidissement après l’annonce faite par le chancelier social-démocrate Olaf Scholtz du rétablissement des contrôles aux frontières pour une période minimale de six mois (voir l’article de Nicolas Pouvreau-Monti de l’Observatoire de l’Immigration et de la démographie dans notre magazine #127). La fin du mois d’août a été ensanglantée en Allemagne par l’attaque au couteau commise en plein « Festival de la Diversité » (ça ne s’invente pas…), à Solingen, coûtant la vie à trois personnes et faisant huit blessés. L’assaillant était un Syrien de 26 ans. En Allemagne, la droite de la droite a le vent en poupe – comme un peu partout en Europe. On l’a vu en Thuringe, en plein cœur de l’ancienne RDA, lors des dernières élections régionales, au cours desquelles l’AfD (qui a réussi à effrayer le Rassemblement national au point d’entraîner une rupture avec lui au Parlement européen) est arrivé nettement en tête, dépassant les 32 %. On l’a vu également aux Européennes de juin, où le parti a obtenu 15 sièges – malgré des dérapages de campagne qui nous ont rappelé les pires heures de Jean-Marie Le Pen.

Toutefois, l’AfD ne monopolise plus le créneau anti-immigrationniste. Un nouvel objet politique non identifié est apparu cette année en Allemagne : le BSW, c’est-à-dire « l’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice ». Issue d’une scission de Die Linke (l’extrême gauche germanique) et menée, comme son nom l’indique, par Sahra Wagenknecht, la nouvelle formation se réclame d’une « gauche conservatrice », à contre-courant du wokisme généralisé en Occident. À gauche toute en économie, le parti souhaite mettre un coup d’arrêt à l’immigration incontrôlée, à l’origine selon lui de l’explosion de la criminalité. Prorusse par ailleurs, le parti joue sur la corde « ostalgique » d’une partie des Est-Allemands. Aux régionales de Thuringe, il vient d’obtenir un score de 15,77 %, dépassant Die Linke. Aux Européennes, pour sa première participation à un scrutin national, le BSW a obtenu 6,2 % et six sièges. Sur le Stadtplatz, pris en tenaille entre une droite et une gauche « radicales » qui se rejoignent peu ou prou sur les questions migratoires, le chancelier de centre gauche n’a pas d’autre choix que de durcir le ton. Les mesures prises sur le contrôle des frontières ont toutes les chances de s’inscrire dans le temps. S’il ne s’agit pas d’une condamnation à mort de Schengen, c’est tout de même un coup de canif contre son esprit.

Ailleurs en Europe, une forme de national-populisme de gauche s’exprime en Slovaquie avec Robert Fico, Premier ministre grièvement blessé lors d’une tentative d’assassinat en mai 2024. Sorte de cousin « de gauche » de Viktor Orban, il avait accédé aux commandes de la République grâce à une alliance étonnante, en 2006, avec des partis de droite nationaliste et populiste. Il s’est signalé par des prises de position très hostiles à l’immigration et à l’apparition d’une hypothétique « communauté musulmane » en Slovaquie.

La gauche chauvine française existe, elle s’appelle Marine

Alors que la gauche du Nord de l’Europe, rattrapée par le réel, revient peu à peu de l’angélisme du sans-frontiérisme, la gauche française rame imperturbablement à contre-courant. Conçue sur la rive droite du PS du début des années 2010, la stratégie Terra Nova qui consistait à délaisser l’électorat ouvrier au profit des minorités a été pleinement récupérée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Pour LFI, le calcul cynique est simple : la victoire électorale est possible, à condition que la vague migratoire continue. Pas question de barrer la route à de futurs électeurs. Sur le terrain, l’affaire du tractage au faciès révélée par François Ruffin dans son dernier livre montre à quel point la question ethnique est au cœur de la stratégie (et des obsessions) du parti d’extrême gauche. Mais alors, si LFI ne parle plus qu’à la gauche Vélib’ de l’Est parisien et aux « quartiers », qu’est-ce qui empêche l’émergence d’un BSW à la française ?

Sahra Wagenknecht, lors d’une conférence de presse de l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), Reichstag, Berlin, 9 septembre 2024 snapshot/Future Image/ /Shutterstock/Sipa

On pourrait se demander si, effectivement, l’effondrement du secteur industriel en France, dont la part dans le PIB est passée à 17 % en 2022 (alors qu’il est encore de 30 % en Allemagne) ne rend pas saugrenue toute tentative de séduction d’une classe ouvrière old school, plus proche de l’habitus de Georges Marchais que de Mona Chollet. Il est vrai que les maigres tentatives à gauche n’ont guère été couronnées de succès. Georges Kuzmanovic, en rupture avec Mélenchon après 2017 et fondateur du parti République souveraine, a connu pour le moment des résultats électoraux plus proches de Jacques Cheminade que de Sahra Wagenknecht. En 2018, encore membre de LFI, il répondait à une interview au Nouvel Obs, dans laquelle il signalait déjà à l’époque sa sympathie pour la dirigeante allemande et sa volonté de convertir LFI à la lutte contre l’immigration massive. Il fut aussitôt diabolisé par le grand chef Mélenchon. Tous ceux qui se sont aventurés, à gauche, à exprimer un point de vue réaliste sur les questions migratoires n’ont pas tardé à être brocardés par leurs petits camarades. Fin 2021, alors que la campagne présidentielle s’annonçait, Arnaud Montebourg avait proposé de couper les flux de transferts d’argent privé (en gros, Western Union) pour les pays peu coopératifs quant au rapatriement de leurs propres ressortissants. Que n’avait-il pas dit là ? L’ancien député de Saône-et-Loire dut faire son mea culpa quelques heures plus tard, après une volée de bois vert et des tweets de Guillaume Meurice. Plus récemment, c’est François Ruffin qui a été comparé à Jacques Doriot, collaborationniste qui a porté l’uniforme allemand sur le front de l’Est. Doriot, Déat… La gauche rejoue à chaque fois les années 1930 et 1940 ; elle a dernièrement convoqué ses grands mythes en appelant « Nouveau Front populaire » son alliance de bric et de broc de juin dernier. En oubliant un peu vite qu’en avril 1937, Marx Dormoy, ministre de l’Intérieur du Front populaire, donnait instruction aux préfets de « refouler impitoyablement tout étranger qui cherchera à s’introduire sans passeport ou titre de voyage valable ».

Au début des années 2010, Régis Debray, ancien compagnon de Che Guevara, écrit un Éloge des frontières. Mais, cette année-là, c’est Stéphane Hessel et son navrant Indignez-vous qui émoustillent la jeunesse de la place de la République. Sur le terrain des idées et des ventes de livres, le « frontiérisme » de gauche avait perdu la première manche. Dans le socle idéologique de base du militant progressiste de 2024, la mystique des damnés de la terre est puissante ; impossible d’imaginer une remise en cause des flux humains, effet de la mondialisation au même titre que les flux de capitaux et de marchandises. En Allemagne, Thilo Sarrazin a pu écrire en 2010 un livre tout à fait hostile à l’immigration musulmane, et participer à des meetings de l’AfD, sans se faire virer du SPD pour autant. Quid d’un petit plaisantin, encarté au PS français, qui s’amuserait à en faire autant ? Alors, l’apparition d’une gauche à la BSW est-elle définitivement impossible de ce côté du Rhin ? En réalité, cette formation existe depuis cinquante ans. Dès les années 1980, bien avant les efforts de Marine Le Pen et de Florian Philippot, le Front national avait commencé à rafler la mise au sein de la classe ouvrière, sur fond de slogan « Trois millions de chômeurs = trois millions d’immigrés ». La gauche chauvine française existe, elle s’appelle Marine.

Prêt à tout?

0

Et si le film « The Apprentice », que le candidat Trump qualifie de diffamatoire, boostait finalement sa fin de campagne?


À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, plus serrée que jamais, vient de sortir au cinéma le biopic tant attendu sur la fulgurante et irrésistible ascension du jeune Donald J. Trump, portée par les conseils avisés et cyniques d’un célèbre avocat new-yorkais dont les plaidoiries et les méthodes de travail, au-delà de toute éthique, sentaient le soufre. Loin de la satire un peu lourdingue annoncée, le film dépeint au contraire la formidable trajectoire initiatique d’un fonceur ambitieux et intelligent, du début des années 70 au milieu des eighties reaganiennes, complètement en phase avec les attentes et les codes de la société de son temps…

Pourquoi l’inénarrable chef du fameux « MAGA Movement » pourrait-il gagner la prochaine élection présidentielle américaine du 5 novembre? Pour le savoir, il faut courir voir l’excellent film de l’Américano-dano-iranien Ali Abbasi (déjà auteur des très réussis Border et Les Nuits de Mashhad) qui, parait-il, était censé être une « satire » anti-Trump… What ? Pardon ? On ne doit pas avoir la même définition de la satire alors, tant ce biopic nous dépeint un homme ambitieux, intelligent, acharné, persévérant, téméraire, stratège, efficace, « hard-worker » (« Dormir est une perte de temps car on ne peut pas signer de contrats ! »)… Le jeune Trump est prêt à tout pour réussir et devenir le meilleur dans tous les domaines, en dépit de sérieux handicaps de départ. En ce sens, il épouse parfaitement l’idéologie profonde capitaliste et individualiste américaine et paraît complètement en phase avec les attentes de la fameuse « majorité silencieuse » du pays, celle qui a fait gagner en son temps les Nixon et Reagan (le véritable inventeur du slogan « Make America Great Again », au passage), abondamment cités et montrés dans le film, à travers les postes de télévision, les ondes radios, les portraits ou affiches publicitaires.

Le sens des affaires

« L’Amérique est mon meilleur client. Nous sommes les derniers remparts du monde libre face à l’enfer totalitaire », lui inculque son mentor et éminence grise, le très méphistophélique avocat new-yorkais Roy Cohn (parfaitement incarné à l’écran par Jeremy Strong, véritable co-star du film). Un Victor Frankenstein, en somme, qui va rapidement être vampirisé et croqué par son étonnante et insolite créature (incarnée par Sebastian Stan)… Laquelle ne va pas rechigner à passer plusieurs fois sur le billard, endurant, plus que de raison, les coups de scalpels pour des liposuccions et reconstructions capillaires… Hollywood est allé chercher le très inspiré et finalement relativement méconnu acteur roumano-américain pour incarner un Trump plus vrai que nature.

Sebastian Stan incarne le jeune Donald Trump. Metropolitan Films

Un acteur qui accède à la célébrité internationale, après avoir endossé des rôles de super-héros dans les univers Marvel comme celui de James « Bucky » Barnes dans la trilogie des Captain America.

A lire aussi, du même auteur: American dystopia

Trump, super-héros d’une Amérique en crise ? C’est en tout cas ce que l’on ressent dans sa farouche et indéfectible volonté de remettre de l’ordre et de la propreté dans les quartiers les plus glauques et mal famés de Big Apple et Atlantic City, à travers son ambitieux programme immobilier et ludique (l’empire Trump, c’est aussi les casinos). Même s’il connaît évidemment des échecs, il faut lui reconnaître une certaine prescience lorsqu’il comprend avant tout le monde que la rénovation de Grand Central et de Manhattan permettra d’attirer de nombreux touristes, venant du monde entier… transformant ainsi le plomb en or !

« Ce qui compte, c’est gagner ! »

Alors, certes, tous les coups sont permis (même les plus bas) pour écraser la concurrence, s’asseoir sur une certaine déontologie (« La réalité et la vérité ne sont que construction et abstraction ») et se hisser au sommet des fameuses Trump Towers, les plus hautes du pays avec celles du World Trade Center (beaucoup y voient un simple délire phallique). Mais il ne faut pas voir ce film à travers un prisme français déformant ou nos œillères européennes… Et encore moins écouter les critiques professionnels de la profession démolir ce métrage en raison de sa trop grande glamourisation de l’irrésistible ascension trumpienne. Le film dépeint au contraire une authentique success story à l’américaine en montrant comment ce jeune homme « aux cheveux d’or », sous le joug d’un père autoritaire, endetté et peu stratège, s’est progressivement affranchi de cette tutelle nuisible en se faisant un point d’honneur à réhabiliter une ville… puis un pays en déliquescence. Jusqu’à devenir milliardaire, avoir forcément les chevilles qui gonflent un peu, lâcher son mentor (qui plus est, atteint du virus du Sida, la « maladie des gays », véritable spectre hantant la moitié du métrage) ou maltraiter sa première femme d’origine tchèque Ivana (le film présente une terrible scène de viol conjugal – dans les faits, Ivana a retiré sa plainte)… et céder aux sirènes des joutes politiques (« Tous des losers au gouvernement ! ») en assénant cet aphorisme définitif : « Tout le monde rêve de devenir riche et de se faire sucer dans Air Force One ! »

Trump va jusqu’à comparer son art de la négociation à une œuvre d’art, à l’instar d’un Leonard de Vinci imaginant et réalisant La Joconde ! D’où la co-écriture avec le journaliste Tony Schwarz du best-seller (évoqué dans le film) L’art de la négociation (The Art of Deal) qui s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde entier.

A lire aussi: Les années Bronson

« The Apprentice » est un film fort et intense qui se regarde comme un thriller tourné dans le New York des années 70, captivant et sans temps mort. La pellicule est volontairement jaunie et vintage, et le montage hyper rapide comme dans un vidéo-clip. Le tout au rythme des grands tubes disco/new wave/rock de l’époque, et ancré dans ce contexte explosif de propagation du Sida et de la révélation d’une nouvelle icône politique nommée Reagan faisant de la réduction des impôts et des taxes fédérales l’un de ses grands chevaux de bataille dans un pays alors écrasé par la concurrence internationale, notamment japonaise.

Terminons avec l’énoncé des trois fameuses règles intemporelles pour réussir dans la vie :

1) Face à l’adversité, toujours attaquer, attaquer, attaquer ;
2) Face aux attaques, toujours nier et ne jamais rien avouer ;
3) Même dans une défaite, toujours prétendre avoir remporté le combat et avoir gagné !

Pour spectateurs non-moutonniers seulement. Merci, M. Abbasi !

2 heures. En salles depuis le 9 octobre.

Trump: The Art of the Deal

Price: 12,51 €

11 used & new available from 5,47 €

Marine Le Pen tient bon la barre

C’est la liberté parlementaire qui est traînée devant la justice, assure Madame Le Pen au tribunal.


Marine Le Pen comparaissait lundi pour trois jours d’audience devant la 11è chambre du Tribunal correctionnel de Paris, dans l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés FN/RN. L’enjeu est de taille. La triple candidate à la présidentielle risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende, et de cinq à dix ans d’inéligibilité. Une peine qui, prononcée avec exécution provisoire, lui barrerait la voie de l’élection présidentielle de 2027 pour laquelle la présidente du premier groupe à l’Assemblée nationale est donnée en tête dans tous les sondages.

« Les deux, mon capitaine ! »

L’ancienne avocate est sur le pont à chaque audience, prête à batailler et démontrer sa bonne foi. Elle le répète en aparté : « Il n’y a à aucun moment accusation d’enrichissement personnel ou d’emploi fictif. La question fondamentale est la liberté parlementaire dans l’exercice du mandat de député. » Face à la vision bureaucratique du Parlement européen, l’ancienne eurodéputée oppose une défense toute politique. Pour Marine Le Pen, cette affaire révèle une méconnaissance de la vie politique qui confond engagement militant et salariat. Or le titre de chef de cabinet de Catherine Griset dans l’organigramme du parti n’est que la mise en valeur politique de son travail d’assistante parlementaire de Marine Le Pen. La magistrate interroge justement la relation entre les deux femmes. Comment se sont-elles connues ? Catherine Griset est devenue l’assistante de Marine Le Pen lorsque celle-ci était avocate. L’assistante l’a ensuite suivie quand l’ancienne avocate a créé le service juridique du Front national, lors de la scission avec Bruno Mégret et les batailles juridiques autour du nom du parti. Et, « c’est tout naturellement » que Catherine Griset devient son assistante parlementaire lorsque Marine Le Pen est élue eurodéputée. La chef de l’opposition souligne « le travail indispensable » de son assistante qui a la main haute sur toutes ses boîtes mails. « Je ne touche pas à ma boîte (mail) au Parlement européen, ni à ma boîte officielle, la seule que j’utilise c’est ma boîte personnelle. Elle s’occupe de mon agenda -ce qui n’est pas une mince affaire- elle s’occupe d’être en contact avec les autres assistants parlementaires, avec les autres députés, elle organise mes déplacements, réserve mes hôtels quand je vais au Parlement européen… Elle est la destinataire des informations, elle archive les mails… » Marine Le Pen assure que « tout le monde sait que Catherine Griset est (son) assistante parlementaire. Il n’y a pas de volonté de dissimulation. » La présence de Catherine Griset sur les organigrammes du parti politique se justifie comme un outil de communication. Tous les titres de l’organigramme sont des fonctions non rémunérées, comme dans toute association loi 1901, souligne l’élue. Et, comme Catherine Griset était son assistante parlementaire, il était « naturel qu’elle devienne (sa) chef de cabinet, elle a la haute main sur mon agenda parlementaire. » Me Maisonneuve, avocat de la partie civile, renvoie l’ancienne eurodéputée à l’une de ses déclarations lors de l’instruction où elle indiquait que « lorsque les assistants parlementaires ne sont pas strictement occupés à des tâches parlementaires, ils peuvent faire des tâches pour le parti ». Face au tribunal, Marine Le Pen souhaite affiner ce propos. Il faut entendre dans cette phrase le mot “parti” en tant que mouvement politique. « Je considère que les députés travaillent au bénéfice de leurs idées. Et qui portent leurs idées ? Le mouvement politique, ou le parti. Le député ne travaille pas à son propre bénéfice », explicite-t-elle.

Alors, Catherine Griset a-t-elle travaillé pour Marine Le Pen, eurodéputée, ou pour Marine Le Pen, femme politique et présidente du Front national ? « Les deux, mon capitaine !» répond vaillamment l’élue du Pas-de-Calais. Comment peut-on distinguer la femme politique de l’élue ? Quand Marine Le Pen est eurodéputée, son assistante parlementaire est chargée de prioriser à son agenda toutes les questions européennes. Et quand, à partir de 2009, la législation européenne oblige les assistants parlementaires accrédités à être domiciliés en Belgique, l’assistante parlementaire accréditée se domicilie chez l’assistant parlementaire belge Charles Van Houtte, dans une chambre d’amie qu’elle occupe lorsqu’elle se rend dans la capitale européenne, en attendant de trouver un appartement. Fallait-il vivre à Bruxelles ? Rien ne l’indiquait. Comme l’explique M. Klethi, directeur financier du Parlement européen, cette décision a été prise pour que les assistants accrédités paient leurs impôts en Belgique et non dans leurs pays, car sinon cela représentait un manque à gagner pour le Trésor belge. La réglementation stipule aussi que l’assistant accrédité doit travailler au Parlement européen. Mais la badgeuse du Parlement européen ne confirme la présence de l’assistante accréditée qu’environ douze heures entre octobre 2014 et août 2015. Marine Le Pen recontextualise cette période précise durant laquelle son assistante souhaitait redevenir assistante locale pour des raisons personnelles. L’ancienne eurodéputée rappelle l’écrasement des autres données par le Parlement européen, lesquelles montreraient le contraire sur d’autres périodes. On met la loupe sur un élément, sans regarder tout le reste, dénonce-t-elle. Par ailleurs, la présidente de groupe ajoute qu’en entrant en voiture dans le parking du Parlement européen, seul le véhicule était badgé et non tous ces occupants. M. Klethi, de son côté, affirme que « tout le monde doit badger, que c’est même un ennui pour les fonctionnaires en poste depuis plusieurs années. Seuls les députés n’ont pas besoin de badger. » Me Bosselut, le conseil de Marine Le Pen, lit un constat d’huissier qui démontre le contraire, tout du moins dans l’enceinte de Strasbourg. Si cela est possible à Strasbourg, pourquoi cela ne le serait-il pas à Bruxelles ?

Tiens bon la vague, tiens bon le vent…

Debout à la barre pendant plus de six heures, Marine Le Pen garde son cap. « Il y a des députés qui participent à l’animation du mouvement, et parfois il y a des profils d’experts qui sont très peu intéressés par le mouvement. Il y a également des assistants parlementaires qui ont des goûts, des appétences, des différences », explicite-t-elle pour justifier les nominations d’untel à telle ou telle fonction dans l’organigramme, « fonctions toutes bénévoles », répète-t-elle. Les changements de contrats sont parfois liés à la vie privée. Certains assistants peuvent préférer, selon les aléas de leur vie personnelle ou de leurs motivations, être à telle période plutôt assistant accrédité à Bruxelles, et à d’autres moments plutôt assistant local. Mais qu’ils soient « APA » (assistant parlementaire accrédité) ou « aloc » (assistant local), ils sont assistants parlementaires du député qui donne les tâches à effectuer. Et Catherine Griset est indispensable à son activité de parlementaire, où qu’elle soit. L’ancienne eurodéputée tient bon la barre et défend bec et ongle le travail de son assistante. Marine Le Pen relève d’ailleurs les incohérences de l’accusation concernant ce contrat. Elle cite en exemple le contrat d’assistant parlementaire de M. De Danne qui ne pose lui aucun problème au Parlement européen bien que celui-ci figure aussi dans l’organigramme du parti comme conseiller aux affaires européennes. Alors, la parlementaire s’interroge. Pourquoi cela serait-il autorisé dans un cas, et pas dans un autre qui est pourtant similaire ? Est-ce le fait que Catherine Griset soit l’assistante de Marine Le Pen qui pose problème ?

L’ancienne présidente du Rassemblement national rappelle par ailleurs que les députés européens sont élus lors de scrutins de liste. Chaque député doit son élection à tous les militants du mouvement politique, « tous ceux qui ont fait campagne, qui ont collé des affiches, sous la pluie, la neige, qui se sont fait agresser…» Aussi, un député qui, une fois élu, stopperait son engagement politique, en n’allant plus rendre compte de son activité dans les médias, lors des réunions publiques ou à la rencontre des militants et des électeurs, ne serait tout simplement pas réinvesti par le mouvement. Car « le mandat, c’est aussi l’activité politique, revendique haut et fort la chef de l’opposition qui trouve « qu’il est regrettable de ne pas faire un comparatif de la vision du mandat entre l’administration du parlement national et la vision du mandat du Parlement européen ; car l’Assemblée nationale est, elle, extrêmement claire : elle considère que l’activité politique du député fait partie intégrante de son mandat. » Pour conclure, l’ancienne avocate conteste avec force la lecture rétrospective que fait le Parlement européen de réglementations qui n’étaient pas alors applicables. Enfin, Marine Le Pen clame sa bonne foi et soutient qu’elle n’a jamais eu conscience de commettre une quelconque irrégularité, car « tout était clair, connu de tous et déclaré au Parlement européen. Rien n’était caché. »

Cette première et très longue journée d’audition de Marine Le Pen n’a pas permis au tribunal, faute de temps, d’entendre Catherine Griset, mise en cause pour ses contrats d’assistant parlementaire accrédité. Son audition est donc renvoyée au lendemain. Ironie du sort, Catherine Griset, qui est elle-même aujourd’hui eurodéputée, ne pourra donc se rendre au Parlement européen comme elle l’avait prévu…

ACAB! All Cops Are Bastards!

Auriez-vous déjà oublié l’attaque du commissariat de Cavaillon, il y a huit jours ? Notre chroniqueur, qui vit dans une ville soumise au narco-trafic — rappelez-vous Bac Nord —, et base arrière de l’islamisme militant, a des idées un peu trop radicales pour enrayer l’épidémie de règlements de comptes, dont la police est désormais aussi la cible…


Apprenez donc à être un politicien. Les forces de police, dont vous êtes le ministre, ont été attaquées, et c’est par miracle qu’aucun d’entre eux n’est mort brûlé vif. Alors, vous prenez votre plus belle plume, et vous écrivez, solennellement :

« Je voudrais tout d’abord saluer le courage de nos forces de l’ordre confrontées à une violence devenue ordinaire.
« L’Etat ne se laissera pas intimider et nous allons intensifier notre lutte contre le narco-banditisme. Je placerai la lutte contre le crime organisé au centre de mes préoccupations parce qu’il constitue une attaque contre nos institutions.
« Dès ce soir la CRS 81 sera envoyée à Cavaillon et j’ai demandé au ministre délégué auprès de moi de se rendre sur place dans la journée. »

Puis vous prenez la pose pour la photo.

Est-ce bien de telles déclarations creuses dont la police a besoin ? Demandez autour de vous : tous s’étonnent que les policiers, assiégés par des voyous parce qu’ils prétendaient enrayer le trafic de drogue, à Cavaillon, n’aient pas fait usage de leurs armes, et étendu pour le compte les racailles qui les attaquaient.
Oui, mais voilà. En imaginant qu’ils l’aient fait, ils seraient à cette heure incarcérés, inculpés d’usage abusif de la force — voire de meurtres au premier degré. En France, la riposte doit être proportionnelle à l’attaque. Et les juges ont tendance à voler au secours des voyous avant de s’intéresser aux forces de l’ordre, censées faire preuve de sang-froid. On emprisonne bien plus facilement un policier qu’un multi-récidiviste. Pour peu, les magistrats n’admettraient même pas que les flics ripostent à leurs agresseurs / incendaires…

Jusqu’à quand les ministres, qui se suivent et qui se ressemblent, dans le sens d’une démission systématique et d’une fuite devant leurs responsabilités, abuseront-ils de notre patience ?
Jusqu’à quand le ministre en fonction, qui ne connaît manifestement rien à son métier, à, part la gestion des mouvements de menton, laissera-t-il les forces de l’ordre être la cible des racailles ?

Il s’agissait, rappelons-le, de représailles après une opération anti-drogue. Rappelons aussi que les deux individus arrêtés pour ces brûlantes exactions étaient « connus des services de police »1, comme on dit pour désigner des truands que la justice a décidé de laisser vaquer à leurs occupations, et qu’ils avaient été interpellés en septembre pour violation de domicile et détention de stupéfiants. Broutilles, donc. La justice en France est cette institution véritable État dans l’État, qui libère des détraqués sexuels sous OQTF afin qu’ils perpètrent au plus vite un nouveau meurtre.

Sur les murs des villes fleurissent depuis quelques années le même acronyme tagué par des mineurs délégués là par leurs aînés : « ACAB » — All Cops are Bastards ». C’est faire des policiers des cibles humaines : feu à volonté !
Rappelons que New York, où sévissait une délinquance proche des records mondiaux, a été débarrassée de ses délinquants en quelques années par la volonté de Rudolph Giuliani : tolérance zéro, et assurance, pour les policiers dont le nombre avait été substantivement augmenté, d’être couverts en cas d’usage de la force.  ACAB est une menace de mort, dans le contexte de narco-trafic, augmenté d’un islamisme bien installé, de bien des villes en France. Pas seulement Marseille ou sa région, mais aussi bien Grenoble, Dijon, Nantes, Lyon, Besançon ou Amiens : le cancer a métastasé, il faut le combattre avec des chimiothérapies puissantes — et des Sig Sauer SP 2022. Tu me menaces ? J’ouvre le feu. Tu ne me menaceras plus.

Alors, au lieu d’amuser les médias sur des projets de loi sur l’Immigration, que les ministres concernés pondent un décret autorisant la police à faire usage de ses armes lorsqu’une menace est caractérisée. Ou à expliquer de façon musclée aux délinquants arrêtés qu’ils devraient réfléchir avant de se risquer à une nouvelle confrontation dans les commissariats. Les voyous ne connaissent et ne craignent que la force. Retournons sur eux la violence dont ils font leur ordinaire.

L'école sous emprise

Price: 19,00 €

16 used & new available from 12,00 €

  1. https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/14/a-cavaillon-deux-suspects-ecroues-pour-l-incendie-de-quatre-vehicules-de-police_6351629_3224.html ↩︎

Les chaloupes à la mer!

En quasi faillite, estimant qu’il faut prendre l’argent « là où il est », l’État demande encore aux entreprises de passer à la caisse. Mais, il ne demande jamais son avis aux entrepreneurs, lesquels pourraient pourtant être de bon conseil quant aux économies à réaliser d’urgence! Une tribune de Sophie de Menthon, dont le syndicat Ethic organise demain sa 22e fête des entreprises (« J’aime ma boîte), et de Loïk Le Floch-Prigent.


Il est désormais clair pour tout le pays que les seules entités qui tiennent debout dans la tempête, ce sont les entreprises – industrie, agriculture, services. On remarque par ailleurs les dysfonctionnements majeurs de la fonction publique, des services publics, etc… ce sont désormais les responsables des dérives financières qui nous expliquent la nécessité de redresser la barre : endettement, déficit commercial, déficit budgétaire… et on jette les chaloupes à la mer (nos entreprises !) pour sauver tout le monde, y compris ceux qui les coulent.

La chasse au profit

La préservation de ce qui marche encore, devrait donc logiquement être la priorité à la fois du gouvernement et des parlementaires. On a vu que l’affaiblissement de l’industrie à seulement 10% du PIB était le facteur explicatif essentiel de la crise, dans tous les discours ou les communications écrites officielles. « La France doit continuer à réindustrialiser, continuer à innover, continuer à créer des emplois et à inciter à la création d’emplois, c’est ça la priorité du pays » vient de déclarer le président Macron au Salon de l’automobile.

Eh bien non, puisque des entreprises fonctionnent encore, on va punir – pardon ! faire contribuer à l’effort national – celles qui restent debout et qui ont de beaux résultats, les autres aussi, sous d’autres formes. On va arriver à réduire leur compétitivité déjà médiocre sous prétexte d’égalité : ce qui génère des bénéfices doit être taxé au plus vite, en vertu du principe politiquement partagé qu’ « il faut prendre l’argent là où il est ».

M. Le Floch Prigent et Sophie de Menthon

Que ce soit l’attaque en règle contre les crédits d’impôt recherche et innovation, les nouvelles idées pour combattre notre industrie du plastique, notre application à étouffer notre industrie automobile, à renchérir le coût de l’énergie, à nous demander d’être le relais pour renflouer la Sécurité sociale, notre manque de volonté pour équilibrer nos secteurs du bâtiment et de l’agriculture : tout est fait pour affaiblir l’industrie et les entreprises au bénéfice d’un État qui ne veut pas se réformer et jette le profit en pâture à l’opinion publique. Les « riches » et les « nantis » d’abord, puis les retraités « aisés », en épargnant soi-disant les « classes moyennes » (?).

A lire aussi: L’énergie éolienne au pays du Roi Ubu

Pourtant il faut REFORMER d’abord. Il y a des choses à revoir structurellement pour couper dans les dépenses de l’État : les doublons du mille-feuille administratif, les doublons du millier d’agences « indépendantes », le CESE. Il faut vendre certaines participations inutiles (à condition de les affecter à un projet précis), cesser les subventions aux éoliennes dont notre pays n’a aucun besoin, et qui ravagent nos paysages terrestres et marins, alors que nous sommes parmi les leaders de l’électricité décarbonée – on va même augmenter cette électricité, la faute aux Allemands. Les Agences « indépendantes », inutiles pour la plupart, représentent 93 milliards ; les raccordements d’éoliennes, les transformations du réseau pour accueillir prioritairement leur électricité intermittente et aléatoire, c’est de l’ordre de 20 milliards par an sur dix ans… et ainsi de suite.

Tous dans le même bateau

Gouvernants : vous avez besoin des entreprises. Nous avons besoin d’une politique de liberté et non de contraintes et de sanctions. L’imagination des Français doit aussi être entendue ; ils ont rédigé des cahiers de doléances et des propositions d’économies, en particulier au sein de leurs entreprises qui ont encore la tête hors de l’eau malgré les grandes marées de bureaucraties qui se plaisent à les éroder. Quand va-t-on réfléchir sérieusement aux retraites par capitalisation, lesquelles peuvent fournir des fonds propres aux entreprises ? Les faillites s’accélèrent et les délocalisations aussi. On ne devrait plus jamais prendre une seule décision fiscale concernant les entreprises sans avoir réalisé, au préalable, une véritable simulation avec leur concours.

C’est en laissant prospérer nos entreprises et développer nos compétences que le pays va se redresser. Il ne faut pas prendre des mesures contre elles mais avec elles, elles y sont préparées et peuvent également être force de proposition quant aux économies qui peuvent être faites dans la fonction publique. Et les Français sont d’accord : ils n’ont confiance qu’en leurs entreprises. Le sondage effectué parmi les salariés par Opinionway pour la 22e fête des entreprises (J’aime ma boite) qui a lieu le jeudi 17 octobre le confirme ; ils déclarent avoir deux fois plus confiance dans leurs entreprises que dans leur gouvernement… À méditer. Fêtez donc vos entreprises avec une gravité inhabituelle, en ayant conscience qu’elles sont la véritable colonne vertébrale de la France.

Une révocation politique?

0
© JPDN/SIPA

Réflexion sur la lourde sentence du Conseil d’État qui s’est abattue sur le professeur Jean-Luc Coronel de Boissezon, à la suite de l’évacuation musclée d’étudiants gauchistes de la fac de Montpellier, en 2018.


Vendredi 27 septembre 2024, aux termes d’une décision très discutable, le Conseil d’État a révoqué définitivement de ses fonctions Monsieur Jean-Luc Coronel de Boissezon, professeur agrégé d’histoire du droit à l’université de Montpellier (CE, 27 septembre 2024, Université de Montpellier, req. n°488978).

Pour rappel, il est reproché à Monsieur Coronel de Boissezon d’avoir participé, dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, à l’évacuation musclée d’un amphithéâtre de la faculté de droit, occupé par un « collectif » d’organisations d’extrême-gauche dans le cadre d’un mouvement d’opposition à la loi ORE.

Une peine sensiblement aggravée

Si l’on peut entendre que des poursuites judiciaires et disciplinaires aient été diligentées, on relèvera que la sanction de révocation – la plus grave – est l’aboutissement d’un acharnement certain à l’encontre du professeur, qui avait le défaut supplémentaire d’avoir un cœur penchant à droite.

Le déroulé de la procédure disciplinaire est significatif de cet acharnement. Après une première décision de révocation de la section disciplinaire de Sorbonne Université, le CNESER[1] – juridiction compétente à l’égard des enseignants-chercheurs – a sensiblement allégé la sanction en prononçant, le 23 mars 2022, une interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement pour une durée de quatre ans avec privation de traitement. Le 30 décembre 2022, le Conseil d’État, saisi par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, juge la sanction prononcée par le CNESER trop clémente. Mais le 4 septembre 2023, sur renvoi du Conseil d’Etat, l’indocile CNESER a prononcé une sanction identique à celle du 23 mars 2022. Mauvais joueurs, le président de l’université de Montpellier et la ministre chargée de l’Enseignement supérieur se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État, qui a révoqué définitivement Jean-Luc Coronel de Boissezon.

Cette dernière décision soulève un certain nombre questions.

Tout d’abord, celle des pouvoirs du juge de cassation. En matière de révocation, le juge a de longue date introduit un critère de proportionnalité : la révocation doit être en adéquation avec la gravité des faits reprochés au fonctionnaire, condition dont l’appréciation appartient aux juges du fond (CE, 21 juin 2000, Ville de Paris, req. n°179218). Ainsi, lorsque le juge de cassation intervient, il peut certes annuler la décision prise par la juridiction d’appel s’il la juge disproportionnée par rapport à la gravité des faits, mais toujours pour prononcer une sanction moins sévère. Or, en prononçant la révocation définitive de Monsieur Coronel de Boissezon, le Conseil d’État a substitué son appréciation à celle, en principe souveraine, du CNESER, pour aggraver sensiblement la peine.

Ensuite, comme cela avait été souligné par Anne-Marie Le Pourhiet et François-Xavier Lucas à propos de la précédente décision du 30 décembre 2022 (cf. Le Figaro, 17 janvier 2023) ; la motivation du Conseil d’État est bâclée, car elle occulte la question de la responsabilité personnelle du professeur, qui n’était ni armé ni cagoulé, en retenant une forme de responsabilité collective. Le Conseil d’État se contente en effet de retenir que Monsieur Coronel de Boissezon a « participé, à la tête d’un groupe comprenant des personnes extérieures à l’université, pour certaines cagoulées et munies de planches de bois et d’un pistolet à impulsion électrique, et en portant lui-même des coups, à l’expulsion violente des occupants d’un amphithéâtre de l’UFR de droit et science politique de l’université de Montpellier ». Or, cette notion de « responsabilité collective » qui sous-tend le raisonnement, est en décalage avec la propre jurisprudence du Conseil d’État en matière de révocation. Il s’attache en effet habituellement à identifier de manière très circonstanciée la responsabilité personnelle de l’auteur des faits. Il en va ainsi, par exemple, d’un agent public ayant agressé sexuellement une mineure handicapée (CAA Douai, 6 octobre 2011, req. n°10DA01437) ; ou d’un médecin ayant porté des mentions mensongères, en termes de vaccination, sur le carnet de santé d’un enfant (CE, 22 décembre 2017, M.X, req. n°406360).

Phalange factieuse 

Enfin, le point le plus confondant vient des conclusions du rapporteur public. Pour justifier la révocation, il est indiqué que le professeur a « pris la tête d’une phalange factieuse » (cf. conclusions de Monsieur Jean-François de Montgolfier, p. 9). On reste interdit devant l’usage de ces termes, qui n’ont pas été choisis au hasard et qui travestissent la réalité. Si l’on se réfère à une définition simple donnée par le Trésor de la langue française, l’adjectif « factieux » s’entend d’un groupe « qui exerce ou tente d’exercer contre un gouvernement légalement établi une action violente visant à provoquer des troubles » (passons sur le terme « phalange », si ridiculement outrancier qu’il ne mérite pas que l’on s’y attarde).

Or, comme cela a été souligné par le rapport de l’IGAENR[2], l’occupation de l’amphithéâtre « par des étudiants » et « quelques personnes extérieures, qui n’ont pas le statut d’usager […] est illégale » (Rapport IGAENR n° 2018-036, mai 2018, page 9). Cette occupation illégale a en outre été émaillée de déprédations, violences, injures et brutalités. Quelques exemples, non exhaustifs :

  • « Un enseignant reçoit un coup de poing au visage, sa montre est arrachée. Un syndicaliste, postier, secrétaire départemental de l’union syndicale Solidaires a ses lunettes de vue cassées » (Rapport IGAENR, p. 8) ;
  • « Vers 23 heures, des étudiantes accrochent des tampons et des serviettes hygiéniques souillées à la barrière qui ferme l’accès au sous-sol où se trouvent les toilettes, elles en brandissent sous le nez du doyen. Une jeune fille met une serviette hygiénique dans la poche de son veston. Un tampon est jeté à la tête d’un agent de sécurité, un autre à celle du doyen. » (Rapport IGAENR, p. 8) ;
  • « Une personne présente une bouteille d’urine à la responsable administrative qui préfère la prendre de peur qu’elle ne la lui jette. La vice-doyenne et une enseignante sont également présentes et assistent à cette scène. » (Rapport IGAENR, p. 8).

Ainsi, pour le rapporteur public, il n’y a pas de factieux du côté de ceux qui occupent un amphithéâtre sans droit ni titre, qui insultent, méprisent, violentent et dégradent ; mais exclusivement du côté de ceux qui ont cherché à redonner à un amphithéâtre sa vocation naturelle. D’ailleurs, les premiers n’ont fait l’objet d’aucune poursuite pénale, civile ou disciplinaire. On comprend que si Monsieur de Boissezon avait apporté son concours à l’occupation illégale, aux insultes et déprédations, il n’aurait pas été inquiété.

Il est donc difficile de voir autre chose, dans cette décision de révocation obtenue au forceps, qu’une volonté de juger Jean-Luc Coronel de Boissezon au pied du mur de l’exemple. Il n’est pas non plus certain que cette décision, adoptée sur pourvoi de la ministre de l’Enseignement supérieur et de l’université de Montpellier, eux-mêmes soumis à la pression de certains syndicats étudiants, soit de nature à tempérer le sentiment de partialité idéologique des juridictions françaises.

Penser la démocratie sociale

Price: 36,00 €

6 used & new available from 36,00 €


[1] Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche

[2] Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

7-Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime

0
Sarah Fainberg. DR.

Un an après le 7 octobre 2023, un hommage a été rendu à la synagogue Copernic aux morts, aux blessés et aux otages du Hamas.

Y sont intervenus, entre autres, un Georges Bensoussan étincelant, un Manuel Valls bouleversant de sincérité et de fraternité, un Mohamed Sifaoui désespérant de lucidité.

Mais avant eux, discret, timide, l’éditeur David Reinharc avait présenté l’ouvrage initié par Guy Bensoussan, sur lequel il a travaillé, avec Sarah Fainberg (notre photo) pendant onze mois et qu’il publie en partenariat avec les Éditions Descartes : 7-Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime.

Un best-seller dont chaque exemplaire est unique

Il s’agit d’une encyclopédie en 285 pages, dont tous les exemplaires sont uniques, car chacun porte, sur la couverture, le nom d’une des victimes du pogrom et sur le rabat, sa biographie : un livre, un nom. Mille cent soixante noms. 1160 êtres humains dans leur unicité.

Qu’est-ce qui a motivé les concepteurs de cette œuvre ? 

« C’est un livre en deux mouvements », explique Sarah Fainberg. Normale sup, Doctorat de Sciences-Po, directrice de recherches à l’université de Tel Aviv, spécialiste des questions de défense et de sécurité, auteur d’un livre sur l’antisémitisme soviétique post-stalinien[1], elle a pourtant été « sidérée par le décalage entre le pogrom que les Israéliens étaient en train de vivre et le masquage du crime sur les médias d’État français, dès les premières heures qui l’ont suivi. J’étais suffoquée par l’écart entre des enfants brûlés vifs et la phraséologie bienpensante qui a recouvert le réel, y compris au sein des centres du savoir. »

« Il fallait revenir sur la façon dont les Israéliens ont été suppliciés, avant d’être tués », enchaîne David Reinharc, qui rappelle que les terroristes, sur les vidéos qu’ils ont eux-mêmes mis en ligne, parlaient de « juifs », pas « d’Israéliens ». Et ce Juif non croyant d’ajouter que le sens premier du projet « Un livre, un nom » qu’il a initié est de « remettre au langage et au monde les sans-nom et sans-visage du 7-Octobre, qui furent exclus du symbolique tout court, et ainsi permettre de réciter le Kaddish, la prière des morts. » 

A ne pas manquer: Causeur #127: 7-Octobre, un jour sans fin

D’où les deux mouvements de ce livre kaléidoscope de voix plurielles, juives, non juives, croyants, athées, qui pensent ensemble cette question de l’effacement : d’une part, pour l’annuler en restaurant le crime masqué, voire excusé, et d’autre part, pour réfléchir, articuler et analyser ses raisons multiples en le prenant par tous les angles. C’est aussi une œuvre de création puisqu’elle redonne vie à chacune des victimes, « afin qu’ils ne soient pas réduits à leur mort et qu’on ne les oublie jamais. C’est un monument de papier ».

« Il s’agit pour la première fois d’un crime contre l’humanité contemporain de sa négation », affirment les deux promoteurs, « une négation aussi insidieuse que perverse, en ce qu’elle justifie subrepticement les massacres en les contextualisant. »

Best-of des 80 contributeurs

Rendons à César les politiques : la sincérité de Manuel Valls et de Gérard Larcher, le courage de Jean-Eric Schoettl, la constance de François Zimeray, l’opportunisme d’Anne Hidalgo ;

Le troisième pouvoir, celui des avocats, souvent du diable, mais pas toujours, puisque plusieurs signent, dont Nathanaël Majster et deux Klarsfeld, sans oublier ceux qui ont une double casquette ;

Des psychanalystes, juifs comme Daniel Sibony, Michel-Gad Wolkowicz et Judith Cohen-Solal (la différence entre un tailleur juif et un psychanalyste ? Une génération) et non juifs comme Sonya Zadig, qui explique le 7-Octobre par « un changement de paradigme : ce qu’on a pris pour un conflit territorial n’est qu’un conflit de civilisation, un choc entre des visions diamétralement opposées du monde » ;

Des citoyens courageux qui risquent leur vie : Hassen Chalghoumi (imam sur qui pèse une fatwa), Nora Bussigny (journaliste qui va vraiment sur le terrain), Patrick Desbois (prêtre dénonciateur de la Shoah par balles), Robert Redeker (professeur menacé de mort pour blasphème… en France), Boualem Sansal (traité de « dhimmi de l’Occident, le protégé des sionistes[2] », autant dire mort en sursis, pour avoir émis une opinion haram sur le conflit israélo-palestinien) ;

Et juste avant les raton-laveurs, enfin, des intellectuels sincères et lucides, plus nombreux qu’on imagine :

Georges Bensoussan, historien des faits, des chiffres, pas des fantasmes,

Abnousse Shalmani, Irano-française chevelue, laïque et écrivain[3],

Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de l’Éducation nationale qui donne la meilleure définition du crime contre l’humanité, quelle qu’en soit la forme : il est commis « dans une logique exterminatrice… et il massacre des personnes pour ce qu’elles sont ou sont censées être et non pour ce qu’elles font ou sont censées avoir fait ».

Renée Fregosi qui, après n’avoir pas fait carrière au PS[4], a étudié les 50 nuances de la dictature[5],

Gilles-William Goldnadel, avocat dont la parole est d’or et l’esprit vif argent, qui résume « la détestation du Juif au fait qu’il n’est plus le « métèque » des années 1930. Il est jugé nationaliste et belliqueux. »

Martine Gozlan, journaliste, note que « l’État d’Israël est le seul au monde que l’on veut détruire pour le sauver. »

A lire aussi, Alain Finkielkraut: «On n’a pas le droit de s’installer dans la tragédie»

Yana Grinshpun, une Mohammed Ali juive dans un corps de Marylin Monroe brune,

Michel Houellebecq, qui se signale par son malin plaisir à Anéantir[6] les cons de tout poil avec sa plume,

Marc Knobel, spécialiste de la haine des juifs sous toutes ses formes, dont la Cyberhaine[7],

Éric Naulleau, qui a vu « de fort distinguées représentantes de la classe bobo descendre un instant de leur bicyclette pour arracher les photographies des otages du Hamas… »

Eric Marty, professeur émérite, militant non juif contre la délégitimation d’Israël[8],

Iannis Roder,[9] prof d’Histoire-Géo dans le 9-3, encore vivant,

Georges-Elia Sarfati, philosophe, linguiste, poète et psychanalyste français et juif, comme son nom l’indique[10],

Jean Szlamowicz, normalien, professeur des universités, linguiste, traducteur, qui traduit le 7-Octobre à la lumière d’un narratif : « le récit politique contemporain fait (des Juifs) les bourreaux nécessaires des Arabes de Palestine (pour contrer) l’évidence de l’agression arabe et du sadisme antijuif » ;

Pierre-André Taguieff, dont une citation vaut mille images : « Du pédantisme déconstructionniste est né ce monstre qu’est le “wokisme“»[11],

Jacques Tarnero, ex-soixante-huitard, publié abondamment par Le Monde jusqu’à son coming-out comme sioniste. « Les nazis n’ont pas cherché à immortaliser leurs exploits. Le Hamas, oui », dit-il.

Sylvain Tesson, écrivain voyageur qui porte haut l’étoile[12] (de David),

Shmuel Trigano, philosophe et sociologue, spécialiste de l’exclusion des Juifs du monde arabe[13], encore plus pessimiste qu’un ashkénaze, qui rappelle que « les amis d’Israël… lui ont imposé, après le massacre, de nourrir son ennemi, de lui fournir de l’essence pour aérer ses tunnels et lui permettre de résister plus longtemps, sous la menace d’une condamnation internationale, qui effacerait le scandale de sa déshumanisation sous la main du Hamas. »

Alexandre del Valle, Docteur en histoire contemporaine, lanceur d’alerte sur l’entrisme islamiste depuis plus de 20 ans…

Pour ne pas être complice du silence qui finira par nous tuer aussi, car « l’antisémitisme, c’est aussi la haine de la France et de ses valeurs » (Gérard Larcher), il faut lire 7 Octobre – Manifeste contre l’effacement d’un crime – David Reinharc éditeur. Et réagir.

285 pages.

7 octobre, manifeste contre l'effacement d'un crime

Price: 20,00 €

7 used & new available from 20,00 €


[1] www.amazon.fr/discrimin%C3%A9s-Lantis%C3%A9mitisme-sovi%C3%A9tique-apr%C3%A8s-Staline/dp/2213662843/

[2] www.lnr-dz.com/2023/12/11/le-pro-israelien-boualem-sansal-profere-de-graves-accusations-contre-lalgerie/

[3] www.amazon.fr/La%C3%AFcit%C3%A9-j%C3%A9cris-ton-Abnousse-Shalmani/dp/B0CTQ9VHRW/

[4] www.amazon.fr/Comment-nai-fait-carri%C3%A8re-social-d%C3%A9mocratie/dp/2940632723

[5] www.youtube.com/watch?v=RA0FwO3rdjU

[6] www.amazon.fr/An%C3%A9antir-Michel-Houellebecq/dp/2290404330/

[7] www.amazon.fr/Cyberhaine-propagande-antis%C3%A9mitisme-sur-Internet-ebook/dp/B09N7KRR23/

[8] www.amazon.fr/Bref-s%C3%A9jour-J%C3%A9rusalem-%C3%89ric-Marty/dp/2070768961/

[9] www.amazon.fr/Sortir-l%C3%A8re-victimaire-Iannis-Roder/dp/2738150756/

[10] « Sarfati » veut dire « français » en hébreu.

[11] www.lefigaro.fr/vox/culture/pierre-andre-taguieff-du-pedantisme-deconstructionniste-est-ne-ce-monstre-qu-est-le-wokisme-20220107

[12] www.jforum.fr/porter-haut-letoile-sylvain-tesson.html

[13] www.amazon.fr/LExclusion-juifs-arabes-contentieux-isra%C3%A9lo-arabe/dp/2848350113/ref

Check-point Olaf

0
Des policiers allemands contrôlent les véhicules en provenance de Pologne au poste-frontière de Görlitz, 16 septembre 2023 © Future Image/M Wehnert/Shutterstock/Sipa

Les annonces du chancelier allemand pour contrôler l’immigration rompent avec une décennie de politique d’accueil inconditionnel. Mais la plupart d’entre elles sont conformes au traité de Schengen. Nos voisins pourront, sans se contredire, rouvrir les vannes de travailleurs étrangers lorsque leur économie le jugera utile.


Touchée ces derniers mois par une série d’attaques terroristes commises par des ressortissants étrangers (dont la plus récente et meurtrière, un attentat au couteau perpétré par un Syrien ayant demandé l’asile dans le pays, a coûté la vie à trois personnes), l’Allemagne semble aujourd’hui chercher à reprendre en main sa politique migratoire – en apparente rupture avec la décennie écoulée.

Au cours des années 2010, notre voisin d’outre-Rhin a pratiqué une politique de l’asile largement ouverte, dont les justifications mêlaient considérations humanitaires et calculs économiques, l’accélération des flux étant perçue comme une opportunité d’apport en main-d’œuvre et une solution de mitigation du vieillissement démographique. Entre 2013 et 2023, on estime que près de 2,8 millions de primo-demandeurs d’asile ont été reçus en Allemagne, soit l’équivalent de la population cumulée des villes de Cologne et Hambourg (et un tiers du total des demandes dans l’UE). Le record annuel sur cette période a été atteint en 2016, avec 722 000 premières demandes d’asile en douze mois. Après un tassement observable durant les années qui ont suivi, cette dynamique semble aujourd’hui repartir fortement à la hausse, avec 329 120 premières demandes d’asile enregistrées en 2023 – ce qui représente une augmentation de 51 % par rapport à 2022.

Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz multiplie les « annonces fortes » depuis plusieurs semaines, destinées explicitement à endiguer ce redémarrage rapide des flux d’asile : suppression des aides pour les demandeurs entrés dans un autre pays de l’UE avant l’Allemagne ; réexamen de l’asile accordé si les intéressés voyagent dans leur pays d’origine ; recherche de solutions pour reprendre les expulsions de criminels dangereux vers l’Afghanistan et la Syrie. Mais la plus commentée et la plus symbolique de ces décisions réside dans le rétablissement des contrôles à l’ensemble des frontières terrestres allemandes, depuis le 16 septembre et pour une durée de dix mois. Selon les mots de la ministre sociale-démocrate de l’Intérieur Nancy Faeser, l’objectif est « de limiter davantage l’immigration irrégulière et de nous protéger des dangers aigus du terrorisme islamiste et de la grande criminalité ».

Mais s’agit-il là d’une véritable révolution copernicienne accomplie par la nation du « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ! »), ou de simples effets de communication visant des citoyens allemands déboussolés – qui seraient tentés d’amplifier les succès électoraux de l’AfD ?

Tout d’abord, rappelons que la plupart de ces mesures ne sont pas aussi spectaculaires qu’elles y paraissent. Si l’expulsion de ressortissants afghans et syriens vers leur pays d’origine pourrait se heurter à certains obstacles du droit européen (ces pays étant en guerre), le rétablissement des contrôles aux « frontières intérieures » – entre États européens – est quant à lui parfaitement conforme au Code Schengen, en cas de menaces pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, et à condition d’être limité dans le temps. Pour preuve : au moins un quart des États membres de Schengen ont activé ce type de clause en 2023, à l’instar de la France depuis les attentats de 2015.

De manière plus large, la constance très relative des dirigeants allemands en matière migratoire invite à la prudence. En 2010, au cœur d’un débat politique enflammé par la parution de l’essai L’Allemagne disparaît de Thilo Sarrazin (haut fonctionnaire développant une approche radicalement critique de l’immigration reçue par le pays depuis les années 1970), la chancelière Angela Merkel avait prononcé l’oraison funèbre de la société multiculturelle allemande devant les jeunes de la CDU, en affirmant que la nation allemande n’avait « pas besoin d’une immigration qui pèse sur notre système social ». Quelques années plus tard, au cœur de la crise migratoire de 2015-2016, la même Angela Merkel ouvrait largement les frontières allemandes à près de 1,2 million de demandeurs d’asile en deux ans (venus notamment de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran et d’Érythrée).

En janvier dernier encore, le chancelier Scholz faisait adopter une loi visant à faciliter les naturalisations, en abaissant la durée du séjour préalable de huit à cinq ans et en autorisant désormais la double nationalité pour les ressortissants extra-européens (notamment au bénéfice des 1,5 million de ressortissants turcs). Le gouvernement du même Scholz a fait adopter la loi du 23 juin 2023, qui facilite l’immigration de travailleurs extra-européens en Allemagne – ignorant ainsi la corrélation nette entre la hausse des flux légaux et celle de l’immigration illégale, qui s’observe partout en Europe.

Tergiversations à poser un diagnostic, incohérences dans les politiques mises en œuvre, mise en balance de la volonté populaire et d’intérêts économiques de court-terme… Un même mal étrange semble frapper les responsables politiques des deux rives du Rhin. Il n’en demeure pas moins que plusieurs de nos voisins européens ont annoncé des mesures migratoires restrictives ces dernières semaines, quelles que soient les majorités politiques au pouvoir : après le Danemark, l’Italie, la Suède, les Pays-Bas, ou encore le Royaume-Uni, une véritable réaction en chaîne semble être à l’œuvre.

Dans ce contexte, la France court le risque d’être, en comparaison, toujours plus attractive pour les candidats à l’immigration, alors qu’elle subit déjà aujourd’hui d’importants « flux migratoires secondaires ». Dans un avis de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2018, le ministère de l’Intérieur avait souligné que près de la moitié des demandeurs d’asile qui se présentaient en France étaient déjà connus ailleurs en Europe et que près de 500 000 déboutés du droit d’asile circulaient de pays en pays dans l’espace Schengen.

En définitive, c’est un choix crucial que doit opérer le nouveau gouvernement français : répondre aux attentes de l’opinion publique et s’inscrire dans la dynamique européenne engagée sur ces sujets, ou se résigner à l’immobilisme et accroître ainsi la vulnérabilité migratoire de la France.

Qui a cramé la caisse?

0
16 octobre 2024 © SEBA/SIPA

Nous sommes tous responsables du dérapage des comptes publics, observe notre directrice de la rédaction


La commission des Finances de l’Assemblée nationale se transforme en commission d’enquête sur le dérapage des comptes publics.
Rappel de quelques chiffres, désormais connus de presque tout le monde: dans le précédent budget, le déficit du présent exercice était annoncé à 4,4% du PIB. Il a ensuite été relevé à 5,1% en cours d’exercice. Finalement, nous sommes à 6%. Résultat : une différence de 60 milliards d’euros à trouver en urgence.

Menteurs

Certes, il faudra effectivement savoir comment ce dérapage budgétaire a été possible. Mais en attendant, l’affaire est déjà devenue une nouvelle arme de notre guéguerre politique. On entend tous la petite musique qui monte: « ils ont menti, voire maquillé. Ils savaient et n’ont rien dit… » Ces trémolos sur la transparence et le mensonge sont rigolos. En dehors de ces questions, le mensonge est en temps normal l’huile dans les rouages de la vie sociale et publique. Chers lecteurs, essayez donc de dire tout ce que vous pensez pendant une journée ! Le mensonge est aussi parfois une stratégie politique. Par exemple, la gauche a raconté durant des semaines qu’elle avait gagné les élections législatives, ce qui est faux, et pourtant personne ne hurle qu’on doit la vérité aux électeurs. Donc il faut arrêter le délire. En l’occurrence, je ne crois pas que nos dirigeants aient menti volontairement, et encore moins falsifié : ils ont laissé filer et regardé ailleurs. Bruno Le Maire avait demandé un collectif budgétaire en cours de route; le président Macron a refusé parce qu’il a un peu pris cela par-dessus la jambe (l’intendance suivra…) et que les européennes arrivaient.

Le droit de savoir

Ensuite, nous avons connu deux mois de vacance du pouvoir. Personne ne se sentait responsable du sujet, et il n’y avait pas de Premier ministre à qui rendre compte. Bref, nos gouvernants sont peut-être incompétents – il ne faut pas l’exclure(!) – mais j’en ai assez d’entendre dire qu’ils sont malhonnêtes. Les Français ont bien le droit de savoir, dit-on. Encore faudrait-il qu’ils veuillent savoir. Tout le monde veut réduire la dette… à condition que ça tape sur les autres. Et on adore croire qu’en taxant les riches, tout changera. La commission d’enquête nous dira quels postes précisément (c’est la polémique du jour…) ont dérapé. Et c’est important de le savoir. Mais, elle devrait aussi s’intéresser aux gabegies structurelles. On ferait de sacrées économies en supprimant d’un décret tous les doublons, triplons et quadruplons d’officines inutiles. Le CESE par exemple ne sert à rien, mais pourtant il existe aussi des doublons à l’échelle des régions et parfois des intercommunalités ! La vérité, c’est que nous sommes tous responsables. De la distribution d’argent public contre rien, du clientélisme… Si les dépenses ont dérapé, ce n’est pas parce que Bruno Le Maire et les autres s’en sont mis plein les poches, mais parce qu’ils ont répondu à de multiples pressions, demandes et revendications. Elles sont souvent légitimes: moi aussi, je voudrais plus de profs, plus de médecins, plus de flics et plus de magistrats. Moi aussi, je ne veux que le bonheur des retraités, des étudiants ou des chômeurs.
Mais j’aimerais aussi qu’on sorte de ce rapport névrotique à l’État, considéré comme l’Oncle Picsou à qui il faut arracher son magot. Désolée: il n’y a pas d’Oncle Picsou. Et pas de solution indolore. Si nous voulons nous en sortir, il faudra travailler plus et moins attendre de la collectivité.

Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

L’irresponsabilité en politique mériterait la sanction judiciaire

0
Mickaëlle Paty, sœur de Samuel Paty enseignant assassiné par un terroriste islamiste, auditionnée par les sénateurs à Paris, 17 octobre 2023 © SEVGI/SIPA

L’impéritie scandaleuse de nos dirigeants, tant en matière sécuritaire qu’économique, donne envie à bien des citoyens de réclamer des comptes, observe notre chroniqueur.


L’Élysée haut perché est redescendu sur terre. Mardi, Emmanuel Macron a renoncé à la hausse de dotation de la présidence pour 2025. L’Assemblée nationale et le Sénat ont emboité le pas, en annulant leurs revalorisations budgétaires. La veille, sur RTL, Didier Migaud, Garde des Sceaux, avait jugé « démagogiques » les indignations face à la légèreté des trois institutions priant les Français de se serrer la ceinture sans donner l’exemple. Ce sursaut de bon sens, symbolique, dit l’amateurisme qui prévaut trop souvent dans les sphères du pouvoir. « Présumez toujours l’incompétence avant de rechercher un complot », avait prévenu Machiavel. En l’occurrence, l’irresponsabilité au sommet est telle que se pose la question de la mise en cause judiciaire des plus hautes autorités. Cet été, Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel Paty, le professeur décapité le 16 octobre 2020 par un islamiste qui n’avait rien à faire en France, a saisi le tribunal administratif afin d’obtenir la condamnation de l’Etat pour ses manquements dans la protection élémentaire d’un enseignant clairement menacé depuis onze jours. L’État a déjà été condamné, après des recours intentés par des écologistes, pour inaction climatique. Il y aurait de multiples raisons de le condamner pour inaction sécuritaire, après les meurtres de tant d’innocents par des étrangers, souvent multirécidivistes ou fichés S, qui auraient dû être expulsés. Mais sa même désinvolture, appliquée en matière économique et budgétaire, devient elle aussi un possible sujet de plaintes devant la justice. Le trou de 100 milliards d’euros supplémentaires, découvert par Michel Barnier, pourrait ainsi relever pénalement de la forfaiture si une volonté de dissimulation en haut lieu devait apparaître. Bruno Le Maire assure avoir, en vain, alerté le président sur ces dérapages non avoués…

A lire aussi, Elisabeth Lévy: De la guimauve pour Dominique Bernard

L’ouverture de l’examen, ce mercredi, du projet de loi de finance 2025 par les députés pourrait être l’occasion de révéler, par une commission d’enquête spécifique, la mascarade de la gestion financière et budgétaire de la France par le chef de l’État et son ministre de l’Économie, qui s’est vanté à son départ d’avoir « sauvé l’économie française ». Le « Mozart de la finance », installé à l’Elysée sous le parrainage d’influents acteurs du monde économique, a en réalité conduit le pays, chéquier ouvert, dans une permanente fuite en avant. Au point d’avoir augmenté la dette de 1000 milliards d’euros (3250 milliards au total), ce qui représente, au titre du remboursement annuel du seul intérêt de la dette, 55 milliards d’euros (soit 800 euros par Français, enfants compris). Le déficit public, annoncé à 3,7% du PIB pour 2024 par Elisabeth Borne, est passé à 6,1%. Aucune économie dans le fonctionnement de l’État n’a été faite. Le nombre de fonctionnaires (près de 6 millions) n’a cessé d’augmenter. Le « quoi qu’il en coûte », présenté par les flagorneurs comme le trait de génie de la macronie, s’est révélé être ce qu’il était pour le jugement commun : une folle addiction à l’emprunt afin de feindre un progressisme à crédit sur le dos des contribuables. Le confinement sanitaire, décrété dans l’hystérie du Covid, a été une mesure irrationnelle dont la France aurait pu faire l’économie, à l’image de la Suède.

Bref, le monde politique, depuis des décennies, a multiplié les mesures les plus absurdes, les plus irréfléchies, les plus sottes. Il serait temps que les plus grands fautifs rendent des comptes, devant la justice administrative, mais aussi pénale.

Le NFP, dernière gauche immigrationniste d’Europe?

0
La Première ministre italienne Giorgia Meloni rencontre son homologue britannique Keir Starmer à Rome, 16 septembre 2024 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Du Danemark à l’Allemagne, en passant par la Grande-Bretagne et la Slovaquie, des partis de gauche sont rattrapés par le réel : ils défendent un strict contrôle des frontières pour enrayer l’immigration de masse. En France, la gauche qui continue de voir un électeur en chaque immigré ne change rien à sa doctrine.


Et si le grand tour de vis contre l’immigration venait, en Europe, de la gauche ? L’exemple danois attire depuis plusieurs années la curiosité de ses voisins. En mai 2023, Éric Ciotti, qui n’était pas encore démissionnaire de la présidence de LR ni allié du RN, se rendait à Copenhague, en quête de recettes nordiques. Pour comprendre le tête-à-queue danois sur les questions migratoires, il faut remonter à 2001, quand le Parti populaire, classé comme nationaliste, a soutenu une coalition de droite plus modérée, en échange d’un durcissement des règles migratoires. C’est ainsi que le camp conservateur a pu garder les commandes du pays pendant dix ans, de 2001 à 2011, puis de 2015 à 2019. Au prix de 135 modifications de la loi sur les étrangers, le pays de la Petite Sirène peut se vanter aujourd’hui d’avoir la politique d’accueil la plus ferme d’Europe occidentale. Lors de son premier retour aux affaires après 2011, la gauche danoise s’est certes efforcée d’assouplir les règles mises en place pendant la décennie 2000. Elle ne s’y aventure plus désormais et depuis sa victoire de 2019, elle assume l’héritage législatif de la droite. En janvier 2021, la Première ministre Mette Frederiksen tenait ainsi devant le Parlement le discours que toutes les droites populistes d’Europe rêvent d’entendre : « Nous devons nous assurer que peu de gens viennent dans notre pays, sinon notre cohésion sociale sera menacée. » En 2017, dans l’opposition, elle promettait déjà de déplacer les demandeurs d’asile dans des centres délocalisés en Afrique. Désormais, il y a consensus des principales formations politiques danoises pour estimer que, si le pays veut maintenir son modèle social, il doit drastiquement limiter l’accès à la nationalité et aux aides sociales. Le bloc de gauche est en train de récolter les fruits électoraux de sa stratégie : aux Européennes de 2024, les partis de la coalition de Mette Frederiksen rassemblaient 35 % des voix, tandis que le Parti populaire redescendait à un famélique score de 6,37 %. La formation de droite classique est pour sa part en plein déclin. Aux législatives de 2022, elle était même passé sous la barre des 3 %, très loin des 21 % réalisés en 2015. Deux paradoxes à observer : pour renaître politiquement, la gauche danoise a dû intégrer une bonne partie du programme de la droite nationale ; et celle-ci, pour avoir su imposer ses thèmes depuis vingt ans, est désormais renvoyée aux marges de la vie politique locale.

Un thé avec Meloni

Le modèle danois peut-il inspirer les gauches européennes ? Lors de la campagne des législatives britanniques de juillet 2024, le candidat travailliste Keir Starmer, rompant avec l’islamo-gauchisme des années Jeremy Corbyn, s’est engagé à réduire l’immigration. « Si vous m’accordez votre confiance, je vous fais cette promesse : je contrôlerai nos frontières et ferai en sorte que les entreprises britanniques soient aidées à embaucher en priorité des Britanniques », déclarait-il au Sun avant le scrutin. Il faut dire que, malgré le Brexit, le Royaume-Uni semble ne plus contrôler grand-chose à ses frontières. Ce sont désormais 1,2 million d’étrangers, extra-européens pour l’écrasante majorité, qui affluent chaque année dans le pays. Ménageant la chèvre et le chou, Keir Starmer annonçait dans le même temps qu’il renonçait au projet controversé de déplacement des demandeurs d’asile au Rwanda, cher au Premier ministre conservateur sortant Rishi Sunak et fort inspiré par le modèle danois – mais ce projet pourrait être redéployé en Albanie (voir le texte de Frédéric de Natal et Jeremy Stubbs). En septembre 2024, alors que le Royaume-Uni sortait d’un été marqué par des violences ethniques, le nouveau locataire du 10 Downing Street faisait sensation en s’affichant aux côtés de la Première ministre de droite italienne Giorgia Meloni et surtout en louant les résultats de cette dernière en matière de lutte contre l’immigration illégale. « Vous avez fait des progrès remarquables, en travaillant d’égal à égal avec les pays se trouvant sur les routes migratoires afin de traiter, à la source, les facteurs de la migration et de contrer les réseaux, et le résultat est que les arrivées illégales par la mer en Italie ont baissé de 60 % depuis 2022 », faisait-il remarquer à son hôtesse romaine. Une visite qui n’a pas plu à tout le monde au sein de la gauche britannique ; Kim Johnson, députée travailliste de Liverpool, a regretté que le nouveau Premier ministre « aille chercher des enseignements auprès d’un gouvernement néofasciste ». Malgré la survivance d’une aile gauche aux thèmes proches de notre LFI nationale, le Labour ne peut plus se permettre de se présenter devant les électeurs britanniques sans un minimum de fermeté sur ces sujets.

AfD et BSW, la tenaille identitaire

Outre-Rhin aussi, l’heure est au raidissement après l’annonce faite par le chancelier social-démocrate Olaf Scholtz du rétablissement des contrôles aux frontières pour une période minimale de six mois (voir l’article de Nicolas Pouvreau-Monti de l’Observatoire de l’Immigration et de la démographie dans notre magazine #127). La fin du mois d’août a été ensanglantée en Allemagne par l’attaque au couteau commise en plein « Festival de la Diversité » (ça ne s’invente pas…), à Solingen, coûtant la vie à trois personnes et faisant huit blessés. L’assaillant était un Syrien de 26 ans. En Allemagne, la droite de la droite a le vent en poupe – comme un peu partout en Europe. On l’a vu en Thuringe, en plein cœur de l’ancienne RDA, lors des dernières élections régionales, au cours desquelles l’AfD (qui a réussi à effrayer le Rassemblement national au point d’entraîner une rupture avec lui au Parlement européen) est arrivé nettement en tête, dépassant les 32 %. On l’a vu également aux Européennes de juin, où le parti a obtenu 15 sièges – malgré des dérapages de campagne qui nous ont rappelé les pires heures de Jean-Marie Le Pen.

Toutefois, l’AfD ne monopolise plus le créneau anti-immigrationniste. Un nouvel objet politique non identifié est apparu cette année en Allemagne : le BSW, c’est-à-dire « l’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice ». Issue d’une scission de Die Linke (l’extrême gauche germanique) et menée, comme son nom l’indique, par Sahra Wagenknecht, la nouvelle formation se réclame d’une « gauche conservatrice », à contre-courant du wokisme généralisé en Occident. À gauche toute en économie, le parti souhaite mettre un coup d’arrêt à l’immigration incontrôlée, à l’origine selon lui de l’explosion de la criminalité. Prorusse par ailleurs, le parti joue sur la corde « ostalgique » d’une partie des Est-Allemands. Aux régionales de Thuringe, il vient d’obtenir un score de 15,77 %, dépassant Die Linke. Aux Européennes, pour sa première participation à un scrutin national, le BSW a obtenu 6,2 % et six sièges. Sur le Stadtplatz, pris en tenaille entre une droite et une gauche « radicales » qui se rejoignent peu ou prou sur les questions migratoires, le chancelier de centre gauche n’a pas d’autre choix que de durcir le ton. Les mesures prises sur le contrôle des frontières ont toutes les chances de s’inscrire dans le temps. S’il ne s’agit pas d’une condamnation à mort de Schengen, c’est tout de même un coup de canif contre son esprit.

Ailleurs en Europe, une forme de national-populisme de gauche s’exprime en Slovaquie avec Robert Fico, Premier ministre grièvement blessé lors d’une tentative d’assassinat en mai 2024. Sorte de cousin « de gauche » de Viktor Orban, il avait accédé aux commandes de la République grâce à une alliance étonnante, en 2006, avec des partis de droite nationaliste et populiste. Il s’est signalé par des prises de position très hostiles à l’immigration et à l’apparition d’une hypothétique « communauté musulmane » en Slovaquie.

La gauche chauvine française existe, elle s’appelle Marine

Alors que la gauche du Nord de l’Europe, rattrapée par le réel, revient peu à peu de l’angélisme du sans-frontiérisme, la gauche française rame imperturbablement à contre-courant. Conçue sur la rive droite du PS du début des années 2010, la stratégie Terra Nova qui consistait à délaisser l’électorat ouvrier au profit des minorités a été pleinement récupérée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Pour LFI, le calcul cynique est simple : la victoire électorale est possible, à condition que la vague migratoire continue. Pas question de barrer la route à de futurs électeurs. Sur le terrain, l’affaire du tractage au faciès révélée par François Ruffin dans son dernier livre montre à quel point la question ethnique est au cœur de la stratégie (et des obsessions) du parti d’extrême gauche. Mais alors, si LFI ne parle plus qu’à la gauche Vélib’ de l’Est parisien et aux « quartiers », qu’est-ce qui empêche l’émergence d’un BSW à la française ?

Sahra Wagenknecht, lors d’une conférence de presse de l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), Reichstag, Berlin, 9 septembre 2024 snapshot/Future Image/ /Shutterstock/Sipa

On pourrait se demander si, effectivement, l’effondrement du secteur industriel en France, dont la part dans le PIB est passée à 17 % en 2022 (alors qu’il est encore de 30 % en Allemagne) ne rend pas saugrenue toute tentative de séduction d’une classe ouvrière old school, plus proche de l’habitus de Georges Marchais que de Mona Chollet. Il est vrai que les maigres tentatives à gauche n’ont guère été couronnées de succès. Georges Kuzmanovic, en rupture avec Mélenchon après 2017 et fondateur du parti République souveraine, a connu pour le moment des résultats électoraux plus proches de Jacques Cheminade que de Sahra Wagenknecht. En 2018, encore membre de LFI, il répondait à une interview au Nouvel Obs, dans laquelle il signalait déjà à l’époque sa sympathie pour la dirigeante allemande et sa volonté de convertir LFI à la lutte contre l’immigration massive. Il fut aussitôt diabolisé par le grand chef Mélenchon. Tous ceux qui se sont aventurés, à gauche, à exprimer un point de vue réaliste sur les questions migratoires n’ont pas tardé à être brocardés par leurs petits camarades. Fin 2021, alors que la campagne présidentielle s’annonçait, Arnaud Montebourg avait proposé de couper les flux de transferts d’argent privé (en gros, Western Union) pour les pays peu coopératifs quant au rapatriement de leurs propres ressortissants. Que n’avait-il pas dit là ? L’ancien député de Saône-et-Loire dut faire son mea culpa quelques heures plus tard, après une volée de bois vert et des tweets de Guillaume Meurice. Plus récemment, c’est François Ruffin qui a été comparé à Jacques Doriot, collaborationniste qui a porté l’uniforme allemand sur le front de l’Est. Doriot, Déat… La gauche rejoue à chaque fois les années 1930 et 1940 ; elle a dernièrement convoqué ses grands mythes en appelant « Nouveau Front populaire » son alliance de bric et de broc de juin dernier. En oubliant un peu vite qu’en avril 1937, Marx Dormoy, ministre de l’Intérieur du Front populaire, donnait instruction aux préfets de « refouler impitoyablement tout étranger qui cherchera à s’introduire sans passeport ou titre de voyage valable ».

Au début des années 2010, Régis Debray, ancien compagnon de Che Guevara, écrit un Éloge des frontières. Mais, cette année-là, c’est Stéphane Hessel et son navrant Indignez-vous qui émoustillent la jeunesse de la place de la République. Sur le terrain des idées et des ventes de livres, le « frontiérisme » de gauche avait perdu la première manche. Dans le socle idéologique de base du militant progressiste de 2024, la mystique des damnés de la terre est puissante ; impossible d’imaginer une remise en cause des flux humains, effet de la mondialisation au même titre que les flux de capitaux et de marchandises. En Allemagne, Thilo Sarrazin a pu écrire en 2010 un livre tout à fait hostile à l’immigration musulmane, et participer à des meetings de l’AfD, sans se faire virer du SPD pour autant. Quid d’un petit plaisantin, encarté au PS français, qui s’amuserait à en faire autant ? Alors, l’apparition d’une gauche à la BSW est-elle définitivement impossible de ce côté du Rhin ? En réalité, cette formation existe depuis cinquante ans. Dès les années 1980, bien avant les efforts de Marine Le Pen et de Florian Philippot, le Front national avait commencé à rafler la mise au sein de la classe ouvrière, sur fond de slogan « Trois millions de chômeurs = trois millions d’immigrés ». La gauche chauvine française existe, elle s’appelle Marine.

Prêt à tout?

0
"The Apprentice" (2024) de Ali Abbasi © Metropolitan films

Et si le film « The Apprentice », que le candidat Trump qualifie de diffamatoire, boostait finalement sa fin de campagne?


À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, plus serrée que jamais, vient de sortir au cinéma le biopic tant attendu sur la fulgurante et irrésistible ascension du jeune Donald J. Trump, portée par les conseils avisés et cyniques d’un célèbre avocat new-yorkais dont les plaidoiries et les méthodes de travail, au-delà de toute éthique, sentaient le soufre. Loin de la satire un peu lourdingue annoncée, le film dépeint au contraire la formidable trajectoire initiatique d’un fonceur ambitieux et intelligent, du début des années 70 au milieu des eighties reaganiennes, complètement en phase avec les attentes et les codes de la société de son temps…

Pourquoi l’inénarrable chef du fameux « MAGA Movement » pourrait-il gagner la prochaine élection présidentielle américaine du 5 novembre? Pour le savoir, il faut courir voir l’excellent film de l’Américano-dano-iranien Ali Abbasi (déjà auteur des très réussis Border et Les Nuits de Mashhad) qui, parait-il, était censé être une « satire » anti-Trump… What ? Pardon ? On ne doit pas avoir la même définition de la satire alors, tant ce biopic nous dépeint un homme ambitieux, intelligent, acharné, persévérant, téméraire, stratège, efficace, « hard-worker » (« Dormir est une perte de temps car on ne peut pas signer de contrats ! »)… Le jeune Trump est prêt à tout pour réussir et devenir le meilleur dans tous les domaines, en dépit de sérieux handicaps de départ. En ce sens, il épouse parfaitement l’idéologie profonde capitaliste et individualiste américaine et paraît complètement en phase avec les attentes de la fameuse « majorité silencieuse » du pays, celle qui a fait gagner en son temps les Nixon et Reagan (le véritable inventeur du slogan « Make America Great Again », au passage), abondamment cités et montrés dans le film, à travers les postes de télévision, les ondes radios, les portraits ou affiches publicitaires.

Le sens des affaires

« L’Amérique est mon meilleur client. Nous sommes les derniers remparts du monde libre face à l’enfer totalitaire », lui inculque son mentor et éminence grise, le très méphistophélique avocat new-yorkais Roy Cohn (parfaitement incarné à l’écran par Jeremy Strong, véritable co-star du film). Un Victor Frankenstein, en somme, qui va rapidement être vampirisé et croqué par son étonnante et insolite créature (incarnée par Sebastian Stan)… Laquelle ne va pas rechigner à passer plusieurs fois sur le billard, endurant, plus que de raison, les coups de scalpels pour des liposuccions et reconstructions capillaires… Hollywood est allé chercher le très inspiré et finalement relativement méconnu acteur roumano-américain pour incarner un Trump plus vrai que nature.

Sebastian Stan incarne le jeune Donald Trump. Metropolitan Films

Un acteur qui accède à la célébrité internationale, après avoir endossé des rôles de super-héros dans les univers Marvel comme celui de James « Bucky » Barnes dans la trilogie des Captain America.

A lire aussi, du même auteur: American dystopia

Trump, super-héros d’une Amérique en crise ? C’est en tout cas ce que l’on ressent dans sa farouche et indéfectible volonté de remettre de l’ordre et de la propreté dans les quartiers les plus glauques et mal famés de Big Apple et Atlantic City, à travers son ambitieux programme immobilier et ludique (l’empire Trump, c’est aussi les casinos). Même s’il connaît évidemment des échecs, il faut lui reconnaître une certaine prescience lorsqu’il comprend avant tout le monde que la rénovation de Grand Central et de Manhattan permettra d’attirer de nombreux touristes, venant du monde entier… transformant ainsi le plomb en or !

« Ce qui compte, c’est gagner ! »

Alors, certes, tous les coups sont permis (même les plus bas) pour écraser la concurrence, s’asseoir sur une certaine déontologie (« La réalité et la vérité ne sont que construction et abstraction ») et se hisser au sommet des fameuses Trump Towers, les plus hautes du pays avec celles du World Trade Center (beaucoup y voient un simple délire phallique). Mais il ne faut pas voir ce film à travers un prisme français déformant ou nos œillères européennes… Et encore moins écouter les critiques professionnels de la profession démolir ce métrage en raison de sa trop grande glamourisation de l’irrésistible ascension trumpienne. Le film dépeint au contraire une authentique success story à l’américaine en montrant comment ce jeune homme « aux cheveux d’or », sous le joug d’un père autoritaire, endetté et peu stratège, s’est progressivement affranchi de cette tutelle nuisible en se faisant un point d’honneur à réhabiliter une ville… puis un pays en déliquescence. Jusqu’à devenir milliardaire, avoir forcément les chevilles qui gonflent un peu, lâcher son mentor (qui plus est, atteint du virus du Sida, la « maladie des gays », véritable spectre hantant la moitié du métrage) ou maltraiter sa première femme d’origine tchèque Ivana (le film présente une terrible scène de viol conjugal – dans les faits, Ivana a retiré sa plainte)… et céder aux sirènes des joutes politiques (« Tous des losers au gouvernement ! ») en assénant cet aphorisme définitif : « Tout le monde rêve de devenir riche et de se faire sucer dans Air Force One ! »

Trump va jusqu’à comparer son art de la négociation à une œuvre d’art, à l’instar d’un Leonard de Vinci imaginant et réalisant La Joconde ! D’où la co-écriture avec le journaliste Tony Schwarz du best-seller (évoqué dans le film) L’art de la négociation (The Art of Deal) qui s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde entier.

A lire aussi: Les années Bronson

« The Apprentice » est un film fort et intense qui se regarde comme un thriller tourné dans le New York des années 70, captivant et sans temps mort. La pellicule est volontairement jaunie et vintage, et le montage hyper rapide comme dans un vidéo-clip. Le tout au rythme des grands tubes disco/new wave/rock de l’époque, et ancré dans ce contexte explosif de propagation du Sida et de la révélation d’une nouvelle icône politique nommée Reagan faisant de la réduction des impôts et des taxes fédérales l’un de ses grands chevaux de bataille dans un pays alors écrasé par la concurrence internationale, notamment japonaise.

Terminons avec l’énoncé des trois fameuses règles intemporelles pour réussir dans la vie :

1) Face à l’adversité, toujours attaquer, attaquer, attaquer ;
2) Face aux attaques, toujours nier et ne jamais rien avouer ;
3) Même dans une défaite, toujours prétendre avoir remporté le combat et avoir gagné !

Pour spectateurs non-moutonniers seulement. Merci, M. Abbasi !

2 heures. En salles depuis le 9 octobre.

Trump: The Art of the Deal

Price: 12,51 €

11 used & new available from 5,47 €

Marine Le Pen tient bon la barre

0
Mesdames Le Pen et Griset arrivent au tribunal, Paris, 30 septembre 2024 © Louise Delmotte/AP/SIPA

C’est la liberté parlementaire qui est traînée devant la justice, assure Madame Le Pen au tribunal.


Marine Le Pen comparaissait lundi pour trois jours d’audience devant la 11è chambre du Tribunal correctionnel de Paris, dans l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés FN/RN. L’enjeu est de taille. La triple candidate à la présidentielle risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende, et de cinq à dix ans d’inéligibilité. Une peine qui, prononcée avec exécution provisoire, lui barrerait la voie de l’élection présidentielle de 2027 pour laquelle la présidente du premier groupe à l’Assemblée nationale est donnée en tête dans tous les sondages.

« Les deux, mon capitaine ! »

L’ancienne avocate est sur le pont à chaque audience, prête à batailler et démontrer sa bonne foi. Elle le répète en aparté : « Il n’y a à aucun moment accusation d’enrichissement personnel ou d’emploi fictif. La question fondamentale est la liberté parlementaire dans l’exercice du mandat de député. » Face à la vision bureaucratique du Parlement européen, l’ancienne eurodéputée oppose une défense toute politique. Pour Marine Le Pen, cette affaire révèle une méconnaissance de la vie politique qui confond engagement militant et salariat. Or le titre de chef de cabinet de Catherine Griset dans l’organigramme du parti n’est que la mise en valeur politique de son travail d’assistante parlementaire de Marine Le Pen. La magistrate interroge justement la relation entre les deux femmes. Comment se sont-elles connues ? Catherine Griset est devenue l’assistante de Marine Le Pen lorsque celle-ci était avocate. L’assistante l’a ensuite suivie quand l’ancienne avocate a créé le service juridique du Front national, lors de la scission avec Bruno Mégret et les batailles juridiques autour du nom du parti. Et, « c’est tout naturellement » que Catherine Griset devient son assistante parlementaire lorsque Marine Le Pen est élue eurodéputée. La chef de l’opposition souligne « le travail indispensable » de son assistante qui a la main haute sur toutes ses boîtes mails. « Je ne touche pas à ma boîte (mail) au Parlement européen, ni à ma boîte officielle, la seule que j’utilise c’est ma boîte personnelle. Elle s’occupe de mon agenda -ce qui n’est pas une mince affaire- elle s’occupe d’être en contact avec les autres assistants parlementaires, avec les autres députés, elle organise mes déplacements, réserve mes hôtels quand je vais au Parlement européen… Elle est la destinataire des informations, elle archive les mails… » Marine Le Pen assure que « tout le monde sait que Catherine Griset est (son) assistante parlementaire. Il n’y a pas de volonté de dissimulation. » La présence de Catherine Griset sur les organigrammes du parti politique se justifie comme un outil de communication. Tous les titres de l’organigramme sont des fonctions non rémunérées, comme dans toute association loi 1901, souligne l’élue. Et, comme Catherine Griset était son assistante parlementaire, il était « naturel qu’elle devienne (sa) chef de cabinet, elle a la haute main sur mon agenda parlementaire. » Me Maisonneuve, avocat de la partie civile, renvoie l’ancienne eurodéputée à l’une de ses déclarations lors de l’instruction où elle indiquait que « lorsque les assistants parlementaires ne sont pas strictement occupés à des tâches parlementaires, ils peuvent faire des tâches pour le parti ». Face au tribunal, Marine Le Pen souhaite affiner ce propos. Il faut entendre dans cette phrase le mot “parti” en tant que mouvement politique. « Je considère que les députés travaillent au bénéfice de leurs idées. Et qui portent leurs idées ? Le mouvement politique, ou le parti. Le député ne travaille pas à son propre bénéfice », explicite-t-elle.

Alors, Catherine Griset a-t-elle travaillé pour Marine Le Pen, eurodéputée, ou pour Marine Le Pen, femme politique et présidente du Front national ? « Les deux, mon capitaine !» répond vaillamment l’élue du Pas-de-Calais. Comment peut-on distinguer la femme politique de l’élue ? Quand Marine Le Pen est eurodéputée, son assistante parlementaire est chargée de prioriser à son agenda toutes les questions européennes. Et quand, à partir de 2009, la législation européenne oblige les assistants parlementaires accrédités à être domiciliés en Belgique, l’assistante parlementaire accréditée se domicilie chez l’assistant parlementaire belge Charles Van Houtte, dans une chambre d’amie qu’elle occupe lorsqu’elle se rend dans la capitale européenne, en attendant de trouver un appartement. Fallait-il vivre à Bruxelles ? Rien ne l’indiquait. Comme l’explique M. Klethi, directeur financier du Parlement européen, cette décision a été prise pour que les assistants accrédités paient leurs impôts en Belgique et non dans leurs pays, car sinon cela représentait un manque à gagner pour le Trésor belge. La réglementation stipule aussi que l’assistant accrédité doit travailler au Parlement européen. Mais la badgeuse du Parlement européen ne confirme la présence de l’assistante accréditée qu’environ douze heures entre octobre 2014 et août 2015. Marine Le Pen recontextualise cette période précise durant laquelle son assistante souhaitait redevenir assistante locale pour des raisons personnelles. L’ancienne eurodéputée rappelle l’écrasement des autres données par le Parlement européen, lesquelles montreraient le contraire sur d’autres périodes. On met la loupe sur un élément, sans regarder tout le reste, dénonce-t-elle. Par ailleurs, la présidente de groupe ajoute qu’en entrant en voiture dans le parking du Parlement européen, seul le véhicule était badgé et non tous ces occupants. M. Klethi, de son côté, affirme que « tout le monde doit badger, que c’est même un ennui pour les fonctionnaires en poste depuis plusieurs années. Seuls les députés n’ont pas besoin de badger. » Me Bosselut, le conseil de Marine Le Pen, lit un constat d’huissier qui démontre le contraire, tout du moins dans l’enceinte de Strasbourg. Si cela est possible à Strasbourg, pourquoi cela ne le serait-il pas à Bruxelles ?

Tiens bon la vague, tiens bon le vent…

Debout à la barre pendant plus de six heures, Marine Le Pen garde son cap. « Il y a des députés qui participent à l’animation du mouvement, et parfois il y a des profils d’experts qui sont très peu intéressés par le mouvement. Il y a également des assistants parlementaires qui ont des goûts, des appétences, des différences », explicite-t-elle pour justifier les nominations d’untel à telle ou telle fonction dans l’organigramme, « fonctions toutes bénévoles », répète-t-elle. Les changements de contrats sont parfois liés à la vie privée. Certains assistants peuvent préférer, selon les aléas de leur vie personnelle ou de leurs motivations, être à telle période plutôt assistant accrédité à Bruxelles, et à d’autres moments plutôt assistant local. Mais qu’ils soient « APA » (assistant parlementaire accrédité) ou « aloc » (assistant local), ils sont assistants parlementaires du député qui donne les tâches à effectuer. Et Catherine Griset est indispensable à son activité de parlementaire, où qu’elle soit. L’ancienne eurodéputée tient bon la barre et défend bec et ongle le travail de son assistante. Marine Le Pen relève d’ailleurs les incohérences de l’accusation concernant ce contrat. Elle cite en exemple le contrat d’assistant parlementaire de M. De Danne qui ne pose lui aucun problème au Parlement européen bien que celui-ci figure aussi dans l’organigramme du parti comme conseiller aux affaires européennes. Alors, la parlementaire s’interroge. Pourquoi cela serait-il autorisé dans un cas, et pas dans un autre qui est pourtant similaire ? Est-ce le fait que Catherine Griset soit l’assistante de Marine Le Pen qui pose problème ?

L’ancienne présidente du Rassemblement national rappelle par ailleurs que les députés européens sont élus lors de scrutins de liste. Chaque député doit son élection à tous les militants du mouvement politique, « tous ceux qui ont fait campagne, qui ont collé des affiches, sous la pluie, la neige, qui se sont fait agresser…» Aussi, un député qui, une fois élu, stopperait son engagement politique, en n’allant plus rendre compte de son activité dans les médias, lors des réunions publiques ou à la rencontre des militants et des électeurs, ne serait tout simplement pas réinvesti par le mouvement. Car « le mandat, c’est aussi l’activité politique, revendique haut et fort la chef de l’opposition qui trouve « qu’il est regrettable de ne pas faire un comparatif de la vision du mandat entre l’administration du parlement national et la vision du mandat du Parlement européen ; car l’Assemblée nationale est, elle, extrêmement claire : elle considère que l’activité politique du député fait partie intégrante de son mandat. » Pour conclure, l’ancienne avocate conteste avec force la lecture rétrospective que fait le Parlement européen de réglementations qui n’étaient pas alors applicables. Enfin, Marine Le Pen clame sa bonne foi et soutient qu’elle n’a jamais eu conscience de commettre une quelconque irrégularité, car « tout était clair, connu de tous et déclaré au Parlement européen. Rien n’était caché. »

Cette première et très longue journée d’audition de Marine Le Pen n’a pas permis au tribunal, faute de temps, d’entendre Catherine Griset, mise en cause pour ses contrats d’assistant parlementaire accrédité. Son audition est donc renvoyée au lendemain. Ironie du sort, Catherine Griset, qui est elle-même aujourd’hui eurodéputée, ne pourra donc se rendre au Parlement européen comme elle l’avait prévu…

ACAB! All Cops Are Bastards!

0
Représailles contre la police à Cavaillon (84), 8 octobre 2024. Image : Twitter Police nationale.

Auriez-vous déjà oublié l’attaque du commissariat de Cavaillon, il y a huit jours ? Notre chroniqueur, qui vit dans une ville soumise au narco-trafic — rappelez-vous Bac Nord —, et base arrière de l’islamisme militant, a des idées un peu trop radicales pour enrayer l’épidémie de règlements de comptes, dont la police est désormais aussi la cible…


Apprenez donc à être un politicien. Les forces de police, dont vous êtes le ministre, ont été attaquées, et c’est par miracle qu’aucun d’entre eux n’est mort brûlé vif. Alors, vous prenez votre plus belle plume, et vous écrivez, solennellement :

« Je voudrais tout d’abord saluer le courage de nos forces de l’ordre confrontées à une violence devenue ordinaire.
« L’Etat ne se laissera pas intimider et nous allons intensifier notre lutte contre le narco-banditisme. Je placerai la lutte contre le crime organisé au centre de mes préoccupations parce qu’il constitue une attaque contre nos institutions.
« Dès ce soir la CRS 81 sera envoyée à Cavaillon et j’ai demandé au ministre délégué auprès de moi de se rendre sur place dans la journée. »

Puis vous prenez la pose pour la photo.

Est-ce bien de telles déclarations creuses dont la police a besoin ? Demandez autour de vous : tous s’étonnent que les policiers, assiégés par des voyous parce qu’ils prétendaient enrayer le trafic de drogue, à Cavaillon, n’aient pas fait usage de leurs armes, et étendu pour le compte les racailles qui les attaquaient.
Oui, mais voilà. En imaginant qu’ils l’aient fait, ils seraient à cette heure incarcérés, inculpés d’usage abusif de la force — voire de meurtres au premier degré. En France, la riposte doit être proportionnelle à l’attaque. Et les juges ont tendance à voler au secours des voyous avant de s’intéresser aux forces de l’ordre, censées faire preuve de sang-froid. On emprisonne bien plus facilement un policier qu’un multi-récidiviste. Pour peu, les magistrats n’admettraient même pas que les flics ripostent à leurs agresseurs / incendaires…

Jusqu’à quand les ministres, qui se suivent et qui se ressemblent, dans le sens d’une démission systématique et d’une fuite devant leurs responsabilités, abuseront-ils de notre patience ?
Jusqu’à quand le ministre en fonction, qui ne connaît manifestement rien à son métier, à, part la gestion des mouvements de menton, laissera-t-il les forces de l’ordre être la cible des racailles ?

Il s’agissait, rappelons-le, de représailles après une opération anti-drogue. Rappelons aussi que les deux individus arrêtés pour ces brûlantes exactions étaient « connus des services de police »1, comme on dit pour désigner des truands que la justice a décidé de laisser vaquer à leurs occupations, et qu’ils avaient été interpellés en septembre pour violation de domicile et détention de stupéfiants. Broutilles, donc. La justice en France est cette institution véritable État dans l’État, qui libère des détraqués sexuels sous OQTF afin qu’ils perpètrent au plus vite un nouveau meurtre.

Sur les murs des villes fleurissent depuis quelques années le même acronyme tagué par des mineurs délégués là par leurs aînés : « ACAB » — All Cops are Bastards ». C’est faire des policiers des cibles humaines : feu à volonté !
Rappelons que New York, où sévissait une délinquance proche des records mondiaux, a été débarrassée de ses délinquants en quelques années par la volonté de Rudolph Giuliani : tolérance zéro, et assurance, pour les policiers dont le nombre avait été substantivement augmenté, d’être couverts en cas d’usage de la force.  ACAB est une menace de mort, dans le contexte de narco-trafic, augmenté d’un islamisme bien installé, de bien des villes en France. Pas seulement Marseille ou sa région, mais aussi bien Grenoble, Dijon, Nantes, Lyon, Besançon ou Amiens : le cancer a métastasé, il faut le combattre avec des chimiothérapies puissantes — et des Sig Sauer SP 2022. Tu me menaces ? J’ouvre le feu. Tu ne me menaceras plus.

Alors, au lieu d’amuser les médias sur des projets de loi sur l’Immigration, que les ministres concernés pondent un décret autorisant la police à faire usage de ses armes lorsqu’une menace est caractérisée. Ou à expliquer de façon musclée aux délinquants arrêtés qu’ils devraient réfléchir avant de se risquer à une nouvelle confrontation dans les commissariats. Les voyous ne connaissent et ne craignent que la force. Retournons sur eux la violence dont ils font leur ordinaire.

L'école sous emprise

Price: 19,00 €

16 used & new available from 12,00 €

  1. https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/14/a-cavaillon-deux-suspects-ecroues-pour-l-incendie-de-quatre-vehicules-de-police_6351629_3224.html ↩︎

Les chaloupes à la mer!

Sophie de Menthon arbore un t-shirt "J'aime ma boîte". DR.

En quasi faillite, estimant qu’il faut prendre l’argent « là où il est », l’État demande encore aux entreprises de passer à la caisse. Mais, il ne demande jamais son avis aux entrepreneurs, lesquels pourraient pourtant être de bon conseil quant aux économies à réaliser d’urgence! Une tribune de Sophie de Menthon, dont le syndicat Ethic organise demain sa 22e fête des entreprises (« J’aime ma boîte), et de Loïk Le Floch-Prigent.


Il est désormais clair pour tout le pays que les seules entités qui tiennent debout dans la tempête, ce sont les entreprises – industrie, agriculture, services. On remarque par ailleurs les dysfonctionnements majeurs de la fonction publique, des services publics, etc… ce sont désormais les responsables des dérives financières qui nous expliquent la nécessité de redresser la barre : endettement, déficit commercial, déficit budgétaire… et on jette les chaloupes à la mer (nos entreprises !) pour sauver tout le monde, y compris ceux qui les coulent.

La chasse au profit

La préservation de ce qui marche encore, devrait donc logiquement être la priorité à la fois du gouvernement et des parlementaires. On a vu que l’affaiblissement de l’industrie à seulement 10% du PIB était le facteur explicatif essentiel de la crise, dans tous les discours ou les communications écrites officielles. « La France doit continuer à réindustrialiser, continuer à innover, continuer à créer des emplois et à inciter à la création d’emplois, c’est ça la priorité du pays » vient de déclarer le président Macron au Salon de l’automobile.

Eh bien non, puisque des entreprises fonctionnent encore, on va punir – pardon ! faire contribuer à l’effort national – celles qui restent debout et qui ont de beaux résultats, les autres aussi, sous d’autres formes. On va arriver à réduire leur compétitivité déjà médiocre sous prétexte d’égalité : ce qui génère des bénéfices doit être taxé au plus vite, en vertu du principe politiquement partagé qu’ « il faut prendre l’argent là où il est ».

M. Le Floch Prigent et Sophie de Menthon

Que ce soit l’attaque en règle contre les crédits d’impôt recherche et innovation, les nouvelles idées pour combattre notre industrie du plastique, notre application à étouffer notre industrie automobile, à renchérir le coût de l’énergie, à nous demander d’être le relais pour renflouer la Sécurité sociale, notre manque de volonté pour équilibrer nos secteurs du bâtiment et de l’agriculture : tout est fait pour affaiblir l’industrie et les entreprises au bénéfice d’un État qui ne veut pas se réformer et jette le profit en pâture à l’opinion publique. Les « riches » et les « nantis » d’abord, puis les retraités « aisés », en épargnant soi-disant les « classes moyennes » (?).

A lire aussi: L’énergie éolienne au pays du Roi Ubu

Pourtant il faut REFORMER d’abord. Il y a des choses à revoir structurellement pour couper dans les dépenses de l’État : les doublons du mille-feuille administratif, les doublons du millier d’agences « indépendantes », le CESE. Il faut vendre certaines participations inutiles (à condition de les affecter à un projet précis), cesser les subventions aux éoliennes dont notre pays n’a aucun besoin, et qui ravagent nos paysages terrestres et marins, alors que nous sommes parmi les leaders de l’électricité décarbonée – on va même augmenter cette électricité, la faute aux Allemands. Les Agences « indépendantes », inutiles pour la plupart, représentent 93 milliards ; les raccordements d’éoliennes, les transformations du réseau pour accueillir prioritairement leur électricité intermittente et aléatoire, c’est de l’ordre de 20 milliards par an sur dix ans… et ainsi de suite.

Tous dans le même bateau

Gouvernants : vous avez besoin des entreprises. Nous avons besoin d’une politique de liberté et non de contraintes et de sanctions. L’imagination des Français doit aussi être entendue ; ils ont rédigé des cahiers de doléances et des propositions d’économies, en particulier au sein de leurs entreprises qui ont encore la tête hors de l’eau malgré les grandes marées de bureaucraties qui se plaisent à les éroder. Quand va-t-on réfléchir sérieusement aux retraites par capitalisation, lesquelles peuvent fournir des fonds propres aux entreprises ? Les faillites s’accélèrent et les délocalisations aussi. On ne devrait plus jamais prendre une seule décision fiscale concernant les entreprises sans avoir réalisé, au préalable, une véritable simulation avec leur concours.

C’est en laissant prospérer nos entreprises et développer nos compétences que le pays va se redresser. Il ne faut pas prendre des mesures contre elles mais avec elles, elles y sont préparées et peuvent également être force de proposition quant aux économies qui peuvent être faites dans la fonction publique. Et les Français sont d’accord : ils n’ont confiance qu’en leurs entreprises. Le sondage effectué parmi les salariés par Opinionway pour la 22e fête des entreprises (J’aime ma boite) qui a lieu le jeudi 17 octobre le confirme ; ils déclarent avoir deux fois plus confiance dans leurs entreprises que dans leur gouvernement… À méditer. Fêtez donc vos entreprises avec une gravité inhabituelle, en ayant conscience qu’elles sont la véritable colonne vertébrale de la France.