Mi-octobre, les Français ont appris que l’entreprise Opella, filiale de Sanofi en charge notamment du célèbre médicament Doliprane, allait être vendue à un fonds d’investissement américain. Ce genre d’actualité n’est d’habitude relayée que par la presse économique spécialisée, et il est très rare que le grand public s’y intéresse ou s’en émeuve outre mesure…
Pourtant, cela n’a pas été le cas ! Et, pour une fois, ce n’est pas tellement du fait des syndicats, bien que cette décision risque d’affecter deux sites de production en France et 1700 emplois.
D’un côté, il y a le Doliprane, ce médicament largement utilisé et apprécié dans les foyers français et, de l’autre, un fonds d’investissement étranger, ce que le grand public considère, probablement à juste titre, comme le paroxysme de la capitalisation au détriment de l’humain.
Un médicament érigé en symbole lors de la crise sanitaire
Nul besoin d’être féru d’économie pour comprendre ce qui se joue réellement ici : la désindustrialisation de la France et la perte d’une souveraineté nationale. Déjà, en 2014, dans un autre secteur qu’est celui de l’énergie, les Français s’étaient émus de la cession d’Alstom à l’américain General Electric. Un des points communs entre ces deux affaires reste sans nul doute le rôle de l’État qui subit en plus les conséquences, dans le cas du Doliprane, d’un très mauvais timing. En effet, depuis la crise du Covid, certains médicaments sont en rupture ou en flux tendus et le gouvernement avait, à l’époque, érigé le fameux Doliprane en symbole d’une nécessaire réindustrialisation française en vue de préserver une souveraineté nationale, notamment sur le plan sanitaire. Inutile de dire que le symbole se retourne aujourd’hui contre nos gouvernants et met en lumière l’écart manifeste entre les promesses politiques et leurs réalisations concrètes. D’autant que l’heure est au bilan pour les Français ! Les révélations du nouveau gouvernement quant au déficit actuel de l’État ont ouvert la voie à la vindicte populaire. Les politiques sont sommés de s’expliquer, de se justifier et de rendre des comptes. Il faut bien trouver des coupables !
La décision de Sanofi de se séparer de sa filiale de santé grand public pour se consacrer à la recherche et au développement de médicaments innovants n’a pourtant rien de choquant. C’est un choix stratégique comme un autre émanant d’une entreprise privée. En revanche, depuis un an que le projet est sur la table, comment expliquer qu’aucun fonds d’investissement français ou européen n’ait pu se montrer acquéreur ? C’est dans ce genre de situation que l’on constate avec désarroi le manque de compétitivité et de poids des entreprises françaises actuellement dans une économie mondialisée.
Aveu de faiblesse
Cependant, c’est sur l’issue de cette affaire que se concentrent mes critiques. Le 21 octobre, la banque publique d’investissement Bpifrance annonce investir entre 100 et 150 millions d’euros pour entrer au capital d’Opella et prétend ainsi influencer Sanofi et le fonds d’investissement américain CD&R dans le but de préserver les sites de production en France et les emplois associés, mais également de garantir l’approvisionnement de la France en médicaments concernés.
Qu’on se le dise : cette somme, aussi impressionnante soit-elle pour le commun des mortels, ne représente que 1 à 2% du capital d’Opella et ce fonds d’investissement américain, désormais majoritaire à plus de 50%, se passera aisément de l’avis de l’État français le jour où il souhaitera délocaliser les sites de production du Doliprane. Ses pieuses promesses seront probablement tenues quelques mois, voire quelques années mais n’offrent aucune garantie à long terme sur le maintien de la production en France ou la sauvegarde des emplois.
Cette décision sonne comme l’aveu de faiblesse d’un État impuissant, davantage par manque d’autorité et de vision à long terme que par manque de moyens. En effet, ce n’est pas au moment de la cession qu’il aurait fallu agir en tentant mollement de s’imposer dans les négociations mais, quelques années plus tôt, lorsque Sanofi bénéficiait très largement du crédit d’impôt recherche (notamment pour ce vaccin contre le Covid qui n’a jamais réellement abouti ou trop tardivement). C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu exiger des contreparties avec des engagements sur le maintien de l’industrie pharmaceutique française autant que faire se peut. On ne peut pas prétendre diriger en subissant une actualité, somme toute assez prévisible au vu des antécédents de désindustrialisation de la France de ces vingt dernières années.
À l’inverse il aurait été courageux de prendre une vraie décision : celle de ne pas du tout ingérer dans cette transaction d’ordre privé ou celle de préempter la cession, c’est à dire de faire capoter la vente et ce, « quoi qu’il en coûte », au risque de froisser les investisseurs étrangers qu’Emmanuel Macro s’efforce de séduire depuis de nombreuses années. Bref, tout aurait été préférable à cette décision molle, en demi-teinte, qui n’apporte aucune garantie à long terme pour l’économie française et qui, à court terme, vient de coûter à la France entre 100 et 150 millions d’euros ! Pour un coup de communication, un effet d’annonce visant à rassurer l’opinion publique, c’est cher payé, surtout quand l’heure est aux économies…
Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est arrivé en Russie, où l’autocrate Vladimir Poutine met en scène son non-isolement lors du sommet des BRICS qu’il organise. Analyse.
Le grand effondrement, qui affecte la France, n’épargne pas l’Occident. C’est un chamboulement mondial qui s’observe, en réaction au même mépris porté par des « élites » auto-satisfaites aux peuples trop ordinaires. Ce mercredi matin, l’arrivée en Russie du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au sommet des Brics présidé par Vladimir Poutine, est une provocation lancée aux démocraties du monde libre et à leur prétention à l’exemplarité. Le paria russe, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre en Ukraine, peut en effet se targuer, outre de l’aval de l’ONU, d’avoir pu réunir, à Kazan, la fine fleur des puissances du Sud Global, qui représentent près de 46% de la population mondiale et 36% du PIB mondial. La Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, l’Afrique du sud, la Turquie, l’autorité palestinienne seront sur la photo de famille, parmi les 24 pays constituant ce club des humiliés. Une manière pour Poutine de rappeler l’échec de la politique occidentale qui s’était jurée de briser les reins de l’autocrate, de l’isoler du reste du monde et de lui faire perdre la guerre contre l’Ukraine. Aucun de ces buts n’a été atteint. Au lieu de cela, la pérenne arrogance occidentale est en train d’exaspérer ses propres citoyens. C’est en tout cas ce qui ressort, ce mercredi, d’un sondage Ipsos du Parisien qui montrerait que, pour 51% des Français, « seul un pouvoir fort peut garantir l’ordre et la sécurité ». 23% des sondés – et 31% chez les moins de 35 ans – vont jusqu’à dire que la démocratie n’est pas « le meilleur régime existant ». 76% estiment que le personnel politique est « déconnecté des réalités des citoyens ».
La contestation de l’ancien ordre mondial par des pays le plus souvent despotiques n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour l’avenir des démocraties libérales. Mais il serait trop simple d’accuser les Brics de mauvaises manières obscurantistes. La constante indifférence avec laquelle l’Occident orgueilleux a répondu à la Russie, après son évasion de sa prison communiste, a poussé ce pays à quitter par dépit une civilisation qui lui était familière, ne serait-ce qu’à travers sa culture chrétienne et sa littérature. Le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Amin Maalouf, dans Le labyrinthe des égarés (Grasset, 2023), écrit : « S’agissant des dirigeants occidentaux, ils ont manqué de générosité et manqué de vision à long terme. Ils auraient dû prévoir qu’une Russie blessée et diminuée serait, pour l’Europe, une bombe à retardement. Il fallait, à tout prix, l’aider à se démocratiser, à se développer, à se reconvertir ; l’aider à retrouver, au sortir de la guerre froide, un tout autre rôle dans le monde, une autre manière de s’épanouir, afin qu’elle puisse donner naissance à une autre génération de dirigeants, qui ne soient ni corrompus, ni prédateurs, ni assoiffés de vengeance. Hélas, rien de cela n’a été fait… ». Ce gâchis, seul l’Occident infatué s’en est rendu coupable en se regardant le nombril. Certes, il reste encore un modèle pour ceux qui aiment la liberté. Mais l’Occident doit savoir que le Sud Global, décidé à régler ses comptes, ne lui fera aucun cadeau.
Et si Trump était finalement en train de remporter l’élection présidentielle américaine ? À 15 jours du vote, les sondeurs ne parviennent plus à départager les candidats. Harris apparait comme une candidate vague (dans son programme) et… sans vague (dans les intentions de vote).
Alors que la campagne touche à sa fin, Kamala Harris et Donald Trump sont au coude-à-coude dans les derniers sondages. Harris peine à redresser la barre dans les États-clés, tandis que Trump, porté par la fidélité de sa base et quelques succès inattendus, avance avec une étonnante sérénité. La perspective d’une surprise d’octobre ajoute à l’incertitude, mais ce scrutin se jouera probablement sur la capacité des candidats à saisir les dernières opportunités. Une chose est sûre: rien n’est encore joué.
La fin de la Kamalamania
Kamala Harris a débuté sa campagne avec des attentes élevées, notamment après un débat jugé solide face à Donald Trump, où elle a su captiver l’audience et a surpris les observateurs. En septembre, un sondage CNN affirmait que 63% des téléspectateurs jugeaient qu’Harris avait remporté le débat face à Trump. Cependant, l’enthousiasme a rapidement faibli. Ses derniers discours et interventions médiatiques, loin de galvaniser, ont suscité des critiques. Ce fut le cas lors de son interview dans l’émission 60 minutes, où elle s’est montrée incapable de parler de sa politique d’immigration, ou lors de l’émission The View, où elle a ouvertement déclaré qu’elle aurait tout fait comme Biden. Le manque de clarté sur sa vision politique sur les questions de fond la décrédibilise face à un électorat qui attend des mesures fortes sur l’économie et l’immigration. Ajoutons à cela son absence de stratégie sur la politique internationale, notamment avec le conflit au Moyen-Orient. Bien que sa position mesurée sur Israël soit saluée par les modérés, elle déçoit une frange progressiste du Parti démocrate, qui demande l’arrêt du soutien inconditionnel à Netanyahou. Cet équilibre fragile entre différents courants du parti nuit à sa capacité à fédérer et séduire les indécis, à un moment où chaque voix compte.
Les sondages sont implacables : Harris perd du terrain dans les États-clés tels que le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, ces mêmes États qui ont assuré la victoire de Joe Biden en 2020. Dans certaines enquêtes, Harris se retrouve désormais devancée par Donald Trump, une situation qui alarme les stratèges démocrates. En trois semaines, l’avance moyenne de Harris dans ces états du Blue Wall est passée de plus de deux points à moins d’un point. Le problème est double pour Harris. D’une part, elle ne parvient pas à séduire les indécis et d’autre part son programme reste trop flou pour réellement capter l’attention d’un électorat qui ressent de la rage contre l’establishment ou de la méfiance à l’égard d’un système jugé fermé. Les démocrates, conscients de l’urgence, cherchent une stratégie de redressement, mais le temps est compté.
Trump avance sans fléchir
Pendant que Harris s’essouffle, Trump, lui, maintient le cap. Sa base lui est fidèle, et ses résultats dans les enquêtes d’opinion, bien que stables, lui donnent un avantage stratégique. Contrairement à Harris, Trump n’a pas besoin de séduire de nouvelles catégories d’électeurs. Il concentre son énergie sur les indécis, en particulier dans les États-clés, où sa campagne martèle des messages simples : sécurité nationale, lutte contre l’immigration illégale, reprise économique et soutien inconditionnel à Israël. Sa stratégie est claire : éviter les dérapages, maintenir le soutien de ses fidèles et grappiller des voix là où il le peut. Sa position ferme sur les questions internationales, notamment son soutien sans faille à Israël et son souhait d’en finir avec la guerre en Ukraine, lui confère un avantage net face à Harris, qui doit jongler avec des électorats plus divisés et un scepticisme grandissant.
Malgré une série de démêlés judiciaires et alors que la moindre de ses déclarations est passée au peigne fin par les Fact Checkers médiatiques, Trump se montre étonnamment résilient. Contrairement à ses précédentes campagnes, où les scandales éclataient sans cesse, cette fois-ci, il semble mieux contrôler son image et ce sont ses lieutenants qui font le sale boulot. Ses apparitions publiques sont marquées par une maîtrise inhabituelle, ce qui lui permet d’éviter les erreurs qui auraient pu lui coûter des voix. Plus surprenant encore, Trump gagne du terrain là où on l’attendait le moins. Il est en pleine bourre auprès des minorités, il séduit de plus en plus les hommes hispaniques et afro-américains. Un sondage USA Today/Suffolk University publié début octobre a montré que dans l’État de l’Arizona, 51 % des hommes latinos âgés de 18 à 34 ans soutiennent Trump, tandis que 39 % soutiennent Harris. Ajoutons à cela l’accueil favorable qui lui fut réservé à Coachella en Californie, bastion démocrate, le weekend dernier, ce qui démontre qu’il parvient à séduire des groupes autrefois réticents.
Le sprint final et l’ombre d’une surprise d’octobre
À mesure que l’élection approche, la crainte d’une « surprise d’octobre » plane. Ces événements inattendus, capables de faire basculer une campagne, sont devenus un cliché de la politique américaine. De l’affaire Iran-Contra en 1992 aux e-mails de Clinton en 2016, ces révélations de dernière minute ont souvent marqué l’histoire des élections présidentielles américaines. Cette année, la crise au Moyen-Orient pourrait bien jouer ce rôle. Une escalade des tensions forcerait Harris à clarifier sa position sur Israël, ce qui pourrait séduire les centristes, car elle devrait alors soutenir l’État hébreu, mais risquerait d’aliéner la gauche progressiste et l’électorat arabo-américain… De même, de nouvelles révélations judiciaires concernant Trump ou des dérapages de ce dernier pourraient bouleverser l’équilibre fragile de la course.
Pour certains, la campagne a déjà connu ses « surprises d’octobre ». Entre le retrait controversé et très commenté de Joe Biden de la course présidentielle en juillet et les affaires judiciaires de Trump, les rebondissements n’ont pas manqué. Et pourtant, l’élection reste indécise, chaque candidat peinant à creuser l’écart dans les sondages. Malgré le chaos, cette élection semble destinée à se jouer sur le fil. L’électorat américain, désormais habitué aux scandales et aux révélations de dernière minute, pourrait bien finalement se concentrer sur les enjeux concrets : l’économie, la santé, l’immigration et la sécurité nationale. La capacité des candidats à inspirer confiance dans ces domaines sera déterminante dans cette dernière ligne droite.
Israël est accusé de génocide depuis le début de son offensive militaire à Gaza. La procédure lancée par l’Afrique du Sud devant la Cour de justice internationale est soutenue par de nombreux pays qui sont eux-mêmes appuyés par la Chine et la Russie. En réalité, la condamnation d’Israël est le fer de lance d’une offensive planétaire contre les puissances occidentales.
Les naïfs s’en étonneront, les amis d’Israël ont l’habitude. Moins de trois mois après le 7 octobre, c’est Israël, pas le Hamas, qui était accusé officiellement de génocide. Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud engage devant la Cour de justice internationale (CJI) de l’ONU une procédure fondée sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. La requête de 84 pages maintient que, dans sa conduite de la guerre à Gaza, l’État juif serait responsable d’actes génocidaires contre la population civile, actes commis dans l’intention de « provoquer la destruction d’une grande partie du groupe national, racial et ethnique palestinien ». Certains propos tenus en public par des politiques israéliens sont cités comme autant de preuves d’une « intention génocidaire ». Pour enfoncer le clou, le document parle d’un système d’apartheid de soixante-quinze ans, une occupation de cinquante-six ans et un blocus de seize ans. Ce jour-là, Jean-Luc Mélenchon et Jeremy Corbyn sont présents à La Haye pour fêter une nouvelle étape dans leur grande campagne « antisioniste ».
En janvier, la CJI ordonne à Israël, non d’arrêter ses opérations militaires à Gaza – une des exigences de l’Afrique du Sud –, mais de tout faire pour éviter de commettre des actes génocidaires. Mais il faudra des années avant qu’elle statue sur la culpabilité ou non d’Israël. L’Afrique du Sud a jusqu’au 28 octobre pour formuler ses arguments devant le tribunal, et Israël jusqu’au 28 juillet 2025. En réalité, la CJI ne disposant d’aucune force pour faire exécuter ses jugements, ils ne changent rien sur le terrain. En 2022, elle a ordonné – en vain – à la Russie d’arrêter son invasion de l’Ukraine. De plus, Israël est habitué à être accusé de tous les maux par les Nations unies et les ONG – on se rappelle la conférence contre le racisme de Durban en 2002, qui tourna au festival antisémite.
Qu’y a-t-il de nouveau aujourd’hui ? Peu importent les conséquences juridiques de la procédure. Celle-ci est le cœur nucléaire d’une offensive destinée à discréditer Israël sur la scène internationale, l’isoler diplomatiquement et réduire l’influence et le prestige de ses alliés occidentaux. Un pas a été franchi avec la gravité des charges : inculper Israël pour un crime qui rappelle les pires horreurs du nazisme revient à le mettre au ban de l’humanité. C’est aussi, au passage, miner une source d’empathie pour les juifs, à savoir la singularité de la Shoah, et justifier l’injustifiable violence du Hamas.
Ensuite, il y a la multiplication paroxystique des dénonciations. Le 29 décembre est l’aboutissement d’un processus de renversement de l’accusation de génocide. Au lendemain du 7 octobre, l’idée que les atrocités du Hamas, qui semblent découler de ses chartes de 1988 et de 2017, et que ses responsables s’engagent à répéter à la première occasion, pourraient être une forme de génocide commence à faire son chemin. Le 16 octobre, 311 spécialistes du droit, dont des professeurs d’universités américaines, britanniques et israéliennes, déclarent l’attaque génocidaire dans une tribune. Pour les opposants d’Israël, il faut enterrer cette notion sous un torrent de contre-accusations. Dès le 15 octobre, 880 juristes et spécialistes en « études des génocides » redoutent dans une lettre ouverte qu’Israël commette un génocide à Gaza. Quatre jours plus tard, une centaine d’ONG et six chercheurs envoient une lettre à la Cour pénale internationale (CPI), qui est habilitée à poursuivre des personnes (à la différence de la CJI), pour l’exhorter à enquêter sur les possibles crimes des Israéliens, y compris l’incitation au génocide. À partir de la fin du mois, c’est un véritable déluge d’accusations contre Israël de la part de rapporteurs de l’ONU et d’associations humanitaires, sans parler des militants propalestiniens occidentaux. L’ubiquité du mot « génocide » pousse à l’invention de néologismes : c’est ainsi qu’Israël serait coupable d’« épistémicide » et de « scholasticide » quand les écoles et les musées sont endommagés à Gaza, et d’« écocide » quand il s’agit de lieux naturels. Ce déluge se prolonge en 2024, rejoignant les conclusions d’autres procédures internationales déjà en cours qui accablent Israël. Parmi elles, l’enquête lancée en 2021 par la CPI sur de possibles crimes de guerre et contre l’humanité commis par les Israéliens et le Hamas depuis 2014. En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens, nommé en 2022, la juriste italienne Francesca Albanese, qui critique Israël de manière obsessionnelle, publie un rapport intitulé sans ambages « Anatomie d’un génocide ». En mai 2024, le procureur dépose une demande pour des mandats d’arrestation concernant Benyamin Nétanyahou, Yoav Gallant, Yahya Sinwar, Mohammed Deif et Ismaël Haniyeh (ces deux derniers exécutés depuis par Israël). Un mois plus tard, en juin, un rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (rédigé par une commission établie en 2021) accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre, mais s’acharne contre Israël pour de prétendus crimes contre l’humanité.
C’est ainsi que, par une répétition obsessionnelle, on trace dans l’opinion un signe d’égalité entre Israël et génocide. Se banalisant, le mot sert d’étendard aux ennemis d’Israël, des ennemis plus inquiétants que les activistes des campus. La troisième caractéristique de la nouvelle réprobation d’Israël, c’est que nombre de pays y contribuent, en reprenant à leur compte l’accusation de génocide. À la CJI, la procédure de l’Afrique du Sud est soutenue par 32 pays, plus 38 autres à travers l’Organisation de la coopération islamique et la Ligue arabe, ce qui donne un total de 70. En face, 12 pays s’y opposent, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, six États membres de l’UE, le Guatemala et le Paraguay. Les nations qui soutiennent la procédure comprennent les adversaires d’Israël et celles qui sont prêtes à sacrifier leurs relations avec ce dernier au nom de leurs intérêts stratégiques. En effet, plus que jamais, Israël est un pion sur l’échiquier géopolitique et un proxy pour l’Occident. Le mettre sous pression, voire le faire condamner, c’est porter un coup à l’hégémonie américaine et européenne. Cette dernière est présentée par ses ennemis comme le legs et le prolongement de la domination impériale, et c’est ici que le concept de génocide prend une dimension nouvelle. Depuis longtemps, des chercheurs militants préparent le terrain en développant l’idée qu’une « colonie de peuplement » (settler colonialism), dont l’État d’Israël serait un exemple, constitue une forme de génocide par le remplacement des habitants indigènes d’une région. Chaque action militaire conduite par Israël est donc considérée comme un nouvel avatar de ce processus génocidaire. Actuellement, ses dénonciateurs sur la scène internationale cherchent à imposer un cessez-le-feu immédiat qui permettrait la survie du Hamas. Pour eux, les membres de ce dernier ne sont pas les responsables d’un génocide, mais les résistants à un génocide. Autant dire que les Gazaouis sont, à leur corps défendant, les proxys d’un vaste mouvement anti-occidental. D’où la tentative d’étendre la responsabilité du génocide aux alliés d’Israël à travers un certain nombre de procédures pour complicité de génocide contre les dirigeants et les États occidentaux devant des tribunaux nationaux et la CJI.
L’Afrique du Sud justifie son action en justice par sa solidarité traditionnelle avec les Palestiniens qui souffriraient d’un système d’apartheid, tout comme les Noirs sud-africains avant 1990. Le grand Nelson Mandela a proclamé : « Nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. » Pourtant, la nation arc-en-ciel fait preuve d’une incohérence alarmante en matière d’accusations de génocide. Elle a été admonestée en 2017 par la CPI pour ne pas avoir arrêté Omar Al-Bashir en 2015. Cet ancien dirigeant soudanais était incriminé pour son rôle dans le génocide au Darfour de 2003. À l’heure actuelle, le Soudan est le théâtre de ce qui ressemble clairement à un génocide, provoqué par la guerre civile qui y fait rage depuis avril 2023 entre les Forces armées soudanaises du gouvernement et les troupes de Mohamed Hamdan Dogolo, accusé par des observateurs de nettoyage ethnique. Or, ce dernier était l’invité du président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, juste avant l’ouverture des auditions concernant Israël à la CJI en janvier.
Ce deux poids, deux mesures s’explique par le fait que le Soudan ne constitue pas un enjeu symbolique dans le mouvement anti-occidental. Les documents officiels du parti de Ramaphosa, le Congrès national africain, très hostile à Israël, regorgent de références au « néocolonialisme », au « pillage impérialiste », et à sa propre appartenance aux « forces anticoloniales[1] ». Dans ce contexte, le Soudan ne fournit pas un récit pertinent, tandis que la lutte palestinienne constitue une histoire anti-impériale captivante avec Israël dans le rôle d’ennemi universel. Tout compte fait, l’Afrique du Sud vise par sa procédure à se positionner en leader d’un nouveau non-alignement contre l’hégémonie occidentale, pourtant bien mal en point. Certains géopolitologues théorisent l’ordre international contemporain en révisant le système tripartite proposé par Alfred Sauvy en 1952. Il y aurait donc aujourd’hui un « Ouest global », comprenant les États-Unis et ses alliés occidentaux, un « Est global », réunissant la Chine et la Russie, qui opposent des modèles autoritaires au modèle démocratique de l’Ouest, et un « Sud global » rassemblant toutes les nations coalisées contre les deux précédents, selon les circonstances et leurs intérêts. Ces groupements ne constituent pas des coalitions officielles, mais des sortes de nébuleuses fondées sur des convergences d’intérêts. Le « Sud global » se concrétise à travers de nombreux forums et institutions : le mouvement des non-alignés, le Groupe des 77, les Brics+ (élargis cette année), le bureau des Nations unies pour la coopération Sud-Sud… Dans cet environnement, les plus grands, l’Afrique du Sud, l’Inde, ou le Brésil, se disputent le prestige et l’influence, tandis que la Chine et la Russie se positionnent pour séduire ces nations et fragiliser leurs liens avec l’Occident. À cet égard, les deux puissances de l’« Est global » ont trouvé dans la guerre à Gaza une bonne occasion de s’attirer les bonnes grâces du Sud.
La Chine n’a pas soutenu la procédure sud-africaine, gênée par les reproches de la communauté internationale concernant son traitement des Ouïghours. Mais après le 7 octobre, elle a abandonné Israël sur le plan diplomatique pour avancer ses intérêts au Proche-Orient, où elle avait déjà réussi un coup en mars 2023 en coorganisant (avec Oman et l’Irak) la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite. La Chine s’est gardée de condamner explicitement les atrocités du Hamas, renvoyant Israël et la Palestine dos à dos, mais n’a pas hésité à critiquer la conduite des opérations militaires israéliennes. Lors des audiences à la CJI en janvier, elle a même défendu le droit des Palestiniens à la résistance armée pour expulser un occupant de leur territoire. En avril et juillet, elle a réuni à Beijing les 14 factions palestiniennes, dont le Fatah et le Hamas, pour essayer de les mettre d’accord. Le message des Chinois pour les pays arabes et le Sud global est clair : ils prônent la paix générale mais, à la différence des Occidentaux, penchent nettement vers la cause propalestinienne. La Russie de Poutine, dont la marge de manœuvre est plus limitée à cause de l’Ukraine, fait preuve de la même fausse neutralité. Elle a condamné l’attaque du 7 octobre, mais critique les actions d’Israël depuis et manie des références douteuses au nazisme et à l’holocauste en affichant un manque d’empathie avec les Israéliens. À une conférence de presse à Genève, le 16 septembre, Albanese, ce rapporteur onusien fanatiquement propalestinien, a affirmé qu’Israël était destiné à devenir un « État paria ». C’est ce que veulent les ennemis d’Israël. L’Occident doit tout faire pour l’empêcher.
[1] « African National Congress, 55th National Conference. Resolutions. International Relations », 2022.
Dans La Citadelle, le ministre de l’Éducation d’Emmanuel Macron de 2017 à 2022 règle ses comptes politiques avec le président, et avec toutes ces « belles âmes » au cœur très sensible (et à la raison en vadrouille) qui l’ont combattu.
Notre ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui fut non seulement congédié sans façon mais surtout remplacé par quelqu’un qui ne partageait pas sa vision de l’école, Pap Ndiaye, nous livre son expérience durant ses cinq années passées au gouvernement ; ce qu’il y a fait avec ses collaborateurs, ce qu’il y a vécu avec les autres ministres, les opposants, les médias, les syndicats et le président, dans un livre qui porte un titre évocateur : La citadelle.
Commençons par la fin. La fin annoncée de son ministère et la fin du livre par la même occasion qui, je l’espère, donnera envie de lire le détail à partir du début.
Le président de la République vient de lancer sa campagne pour son second quinquennat. À Aubervilliers, il annonce que si de petites choses ont eu lieu les années précédentes, de grandes choses verront le jour aux suivantes. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui a senti le vent tourner depuis au moins un an, comprend que son bilan est tenu pour dérisoire, et c’est la nécessité de rendre justice à ce bilan et à tous ceux qui y contribuèrent qui incite l’ancien ministre à nous livrer ses mémoires.
« Eh quoi ! Ce n’était donc rien ou pas grand-chose, le dédoublement des classes, l’instruction publique à trois ans, les évaluations de début d’année, le « Plan français », le « Plan mathématiques » ? Rien non plus « devoirs faits », le « Plan mercredi », les cités éducatives, les campus des métiers et des qualifications ? Rien toujours, la réforme du lycée professionnel, du lycée général et technique, la refonte complète des programmes ? » Etc.
Le politique n’est pas là pour « accompagner » passivement l’évolution de la société
Et je peux vous assurer que la liste est longue et que les luttes menées témoignent d’un travail acharné et d’une rectitude peu ordinaire. Il faut dire qu’il y a du pain sur la planche. Reprenons donc depuis le début. Car au-delà de toutes les initiatives que je laisse au lecteur le soin de découvrir, il s’agit aussi de lutter contre. Contre le pédagogisme, par exemple, qui aurait inspiré Molière mais qui, hélas, désespère certains enseignants et de nombreux élèves. J’en étais restée à « l’élément rebondissant » pour désigner de manière altière un pauvre et simple ballon. Depuis, on a fait beaucoup mieux : on ne dit plus « nager dans une piscine », mais « traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête dans un milieu aquatique profond standardisé ». Si vous ne vous noyez pas avec ça, d’autant que l’immersion prolongée de la tête est tout de même risquée! Bref, le ministre a décidé de prendre le taureau par les cornes et d’évacuer écriture inclusive et autres jargons invraisemblables. Il est également très clair avec « l’antiracisme dévoyé en racisme » et s’opposera aux réunions en non mixité raciale pour ce motif. De l’affaire du foulard de Creil, il parlera de « faute originelle » en rappelant le propos plein de bon sens du principal du collège concerné ; Mr. Ernest Chénière : « Le problème n’est pas celui des croyances, le problème est celui de la manifestation extérieure de ces croyances dans l’enceinte scolaire », regrettant que Lionel Jospin s’en soit remis au conseil d’État qui opta pour la réintégration des jeunes filles voilées plutôt que d’entendre une phrase imparable. Ce sera l’occasion pour Jean-Michel Blanquer d’affirmer avec force que le politique est là pour réguler, infléchir, corriger, construire la réalité, et non pour accompagner passivement l’évolution du monde.
Autre sujet ; celui des prestations sociales liées à la responsabilité parentale dans la présence des enfants à l’école. Le ministre se heurtera, comme souvent, aux « belles âmes » qui ont le cœur sensible et la raison en vadrouille, ministres et syndicats compris. De ces derniers avec lesquels le dialogue aura été difficile, il ajoute qu’on ne mesure pas en France à quel point les principaux syndicats (l’UNL et la FCPE) sont les antichambres des partis de gauche et d’extrême gauche.
Quant à l’islamisme, c’est à Maubeuge que Jean-Michel Blanquer devra l’affronter, tant les associations religieuses musulmanes ont pris le relai des services publics défaillants. Le temps collectif est régulé par la religion, et les professeurs finissent par l’accepter au motif de ne pas déscolariser les élèves. Obliger les parents à garantir la présence de leurs enfants à l’école en menaçant de supprimer les allocations familiales, c’est mal, mais accepter un endoctrinement qui va à l’encontre de l’esprit critique normalement enseigné à l’école, c’est acceptable. Bon…
Le voile, problème de civilité dans notre pays
Si Emmanuel Macron semble appuyer son ministre de l’Éducation nationale pendant au moins trois ans et demi, l’appui se fera de plus en plus fragile, d’autant que le ministre en question a refusé de se porter candidat pour des élections législatives là où le président voulait qu’il aille… Mais, au-delà de l’ « affront » que ce président ne saurait concevoir, c’est bien son oscillation permanente qui est en question. Ainsi, il put dire qu’au-delà de la question de la laïcité concernant le port du voile dans l’espace public, il s’agissait d’un problème de civilité dans notre pays, c’est-à-dire du rapport des hommes et des femmes en France. C’est-à-dire d’une question de culture, voire de civilisation. Sauf qu’il finit, un peu plus tard, par oublier complètement cette civilité pour estimer que… finalement, le président n’a pas à gérer cette question-là. Bref, la belle entente se fissure, encouragée par des ministres à la loyauté discutable, ou qui renâclent à financer, ou encore qui ne veulent pas déconfiner trop vite. Car c’est le temps du Covid où la pugnacité du ministre chargé des écoles, pour que celles-ci ne soient fermées que très peu de temps ou partiellement, agace. La déscolarisation lui semblant, à juste titre, destructrice, il fera de telle sorte que la France arrive en 2ème position avec seulement 12 semaines de fermeture. Numéro 1, la Suisse, avec six semaines.
Des thèmes fondamentaux sont abordés dans cet ouvrage : l’État de droit inversé, la réinscription de la démocratie dans le temps long, le suicide de l’Europe, le non-renoncement… Par ailleurs, Jean-Michel Blanquer explicitera le titre de son ouvrage en mettant en cause le fonctionnement de l’Élysée avec celui qui règne dans l’ombre sans jamais avoir été élu : Alexis Kohler. D’autre part, quelques portraits de collègues viennent agrémenter ce livre d’un grand sérieux mais pas austère, dont le plus gratiné est sans aucun doute celui de François Bayrou. Pas d’ironie méchante chez l’ancien ministre, plutôt un coup d’œil psychologique acéré ; sans compter que ces descriptions sont contrebalancées par celles d’amis chers comme Edgar Morin et Jacques Julliard.
Enfin, la construction de l’ouvrage laisse souvent place à des passages concernant son passé, ses voyages ; sortes d’interludes qui nous emmènent ailleurs tout en éclairant le chemin parcouru.
Pour conclure, je me permettrai juste de revenir sur deux sujets ; celui de l’attitude de l’administration à l’égard de Samuel Paty qui n’est pas ici remise en cause. Seule l’absence de protection rapprochée, et qui aurait empêché la tragédie, est déplorée. Par ailleurs, le lobby LGBT, dont le ministre d’alors regrette les pressions, a fini par s’imposer à l’école sous prétexte d’éducation sexuelle et ce, sous sa propre tutelle. N’en reste pas moins qu’au terme de cette lecture, on en sait beaucoup plus sur le travail effectué, sur un homme d’une constance que l’époque aime caricaturer en psychorigidité, et sur la capacité à rebondir pour qui avait un projet à long terme et à qui on a coupé l’herbe sous le pied.
Selon le député et président du Parti socialiste belge Paul Magnette, « tous les hommes contribuent à entretenir des comportements dont le viol est la forme extrème». Réagissant à l’affaire Pélicot dans Le Monde, cet infatigable défenseur de nos amies les femmes appelle à «épurer notre corpus de règles, notre langage et nos modes de pensée des biais de notre culture patriarcale»... Une compatriote lui répond.
Monsieur l’ex-Ministre-Président et ex-Bourgmestre, pas encore tout à fait remis du double échec du PS en Belgique, vous tartinez dans le quotidien Le Monde1, empoignant la tragédie de Gisèle Pélicot pour nous faire part de votre féminisme de salon. Seulement voilà, Paul Magnette, on s’en fiche de vos états d’âme de quinquagénaire en pleine crise existentielle ! Quoique vous en disiez, votre parti s’est « fracassé » sur la vague bleue à tous les niveaux de pouvoir. Et comme vos prédécesseurs de gauche, vous instrumentalisez les victimes et leurs souffrances pour racoler comme dans un bar. Qui sait, peut-être l’une ou l’autre électrice soucieuse de « déconstruire la virilité toxique » vous accordera-t-elle ses suffrages aux prochaines élections ?
Dédaignant votre habituel « Padamalgam ! », vous affirmez donc que tous les hommes sont des violeurs en puissance. Eh bien non, cent fois non ! Certes, il existe des hommes éduqués au suprémacisme mâle et des cultures qui réifient les femmes, mais ce n’est pas, ou pas encore, la norme sous nos cieux. Il y a des hommes, et il y en a même beaucoup, qui se régalent du jeu subtil et délicat de la séduction. Toutes les forteresses ne tombent pas forcément sous les coups de bélier ; il en existe qui abaissent spontanément le pont-levis et savourent le chevalier courtois pénétrant les douves. Ca dépend surtout du conquérant.
Peu nous chaut votre égalitarisme ménager ou institutionnel. L’égalité ! La vertueuse ambition des revanchards ! Mais on s’en fout que vous passiez l’aspirateur ! On ne veut pas être votre égal et moins encore votre semblable. On ne veut pas d’un législateur qui impose la mixité dans toutes les institutions – excepté celle du mariage ! – et qui contrôle nos foyers pour savoir qui fait la vaisselle. Non, on veut simplement vivre et travailler comme des femmes, à notre rythme et selon notre humeur. On veut sortir en ville seule, sans chaperon et sans que des barbares nous tombent dessus. On veut baguenauder en mini-jupe et talons aiguille sans essuyer le regard courroucé de femmes voilées ou menaçant des barbus. On veut les abuseurs, les détraqués, les violeurs, les polygames et les pédophiles en tôle, sans que la mansuétude de votre magistrature les relâche dans le circuit pour un oui ou pour un non.
Mais n’est-ce pas votre bonne ville de Charleroi, où le PS est aux manettes depuis les années 70, qui est devenue un coupe-gorge où il ne fait pas bon être une femme, et moins encore une jeune fille ?2 N’est-ce pas votre parti qui propulse aux plus hautes fonctions des issus de la diversité qui sont peut-être des chances électorales mais rarement des chances pour les femmes ?
Il ne vous restera bientôt plus que la solution de votre acolyte, socialiste depuis le biberon et bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux ; afin de préserver les femmes de sa charmante commune, elle se propose de créer des maisons de quartier réservées aux filles3. En français, cela s’appelle un gynécée.
Est-ce de cette façon que le Parti socialiste que vous présidez défendra dorénavant la condition féminine qui semble vous tenir tant à cœur dans les pages du Monde ?
Le socialisme n’est pas l’allié des femmes. Il leur a longtemps refusé le droit de vote et se refuse aujourd’hui à assurer leur sécurité. Votre posture de mâle en questionnement, taraudé par un étrange remord au vu des turpitudes d’inconnus en Avignon, peine à masquer votre coupable désinvolture face à ce qui est le premier droit des femmes : vivre libre, en toute sécurité.
Fugue helvétique. L’ancien ministre de l’Économie et des Finances entame une nouvelle vie de professeur sur les rives du lac Léman.
Bruno Le Maire, qui fut sept ans le très brillant argentier de France qu’on sait, a trouvé un nouveau job à la mesure de ses immenses talents. En Suisse. Là où la monnaie et l’économie n’ont pas encore eu à subir les affres de l’expertise lemairienne en ces domaines. Heureuse contrée. Il y dispensera deux jours par semaines des cours au sein du très réputé Center Enterprise for Society, une émanation de l’école polytechnique fédérale de Lausanne et de l’International Institute for Management developpement. C’est beaucoup d’intitulés en anglais. J’ignorais que cet idiome fût une des langues officielles de la Confédération, mais la mondialisation étant vraisemblablement au programme des études, mieux vaut montrer d’emblée les bons signes d’allégeance et de soumission. Ainsi, on ne sera pas surpris de constater la direction que prendront ces élites une fois sorties de tels moules.
Donc, notre Pic de la Mirandole des finances publiques passe en Suisse. Une fois encore force est de constater chez nos politiciens de haut rang, plutôt estampillés centre-droit ou centre-gauche – ceux-là mêmes que je me permets de qualifier de Têtes Molles – une tendance lourde à aller se faire voir ailleurs une fois qu’ils ont épuisé chez nous, au service de la France, leurs capacités diverses et variées, y compris celles de nuisance. M. De Villepin dispenserait ainsi sa science au Qatar et probablement en des territoires circonvoisins tout aussi démocratiques, alors que M. Raffarin, en ardent thuriféraire du « en même temps » macronien, donc du centre, du milieu, s’en est allé dispenser sa sagacité sans frontières dans l’Empire du Milieu, justement.
Tout se passe comme si, pour ces gens, la France – leur pays, leur patrie (mais connaissent-ils encore le sens de ce mot ?) n’était plus assez bien pour eux. Comme si la France et ses citoyens – qu’ils considèrent probablement comme indécrottables, irrécupérables – ne méritaient pas que leur prodigieuse intelligence s’attardât plus longtemps à leur service. La décence, la dignité, ne figurant pas davantage que le mot patrie dans leur abécédaire personnel, on aura compris qu’il serait vain d’en appeler à ces vertus pour espérer les entendre exprimer un soupçon de regret, de repentir.
J’ai d’abord cru que M. Le Maire s’expatriait en Helvétie pour éclairer de sa lanterne des étudiants en littérature. Qu’il allait là-bas animer des ateliers d’écriture érotique. On sait qu’au ministère, entre deux sales coups de génie à un pognon de dingue, il aimait à s’encanailler du côté de ce genre littéraire, ainsi qu’on a pu s’en rendre compte avec son récent roman Fugue américaine.
Vérification faite, il n’en est rien. Sa Sommité donnera des cours de géopolitique et de politique publique, cela en raison, justifient ses nouveaux employeurs « de son expertise liée à la décarbonisation et aux énergies propres ». Me voilà rassuré, moi qui – sans doute à tort – accorde plus un plus grand intérêt à l’art littéraire qu’à la décarbonisation. Quitte à ce qu’il fasse école là-bas, autant que ce soit dans ces domaines plutôt que dans la maîtrise du style. Les étudiants outre-alpins auront au moins échappé à cela.
Ces derniers mois, la popularité de Kylian Mbappé est en chute libre. Après des propos polémiques lors de la mort de Nahel Merzouk en 2023, son inélégance lors de son départ du PSG, le joueur se retrouve au centre d’une affaire de viol présumé en Suède. Le Parisien explique que Stockholm est devenu un lieu de fête privilégié pour les sportifs du monde entier, lesquels sont nombreux à fantasmer sur les grandes blondes… Mbappé était dans la capitale suédoise alors que l’Équipe de France affrontait Israël à Budapest. Si le crack défraie la chronique, c’est parce que c’est une star du foot, car Mbappé est surtout un homme de son temps…
On ne sait pas, à l’heure actuelle, ce qui s’est vraiment passé à Stockholm et le silence de la justice suédoise, conjugué avec celui de l’avocate de la plaignante et les déclarations un zeste convenues de l’une des avocates de Kylian Mbappé, ne permettent pas de tirer des conclusions univoques sur ce séjour et ses deux nuits festives.
Mais la prudence dont il convient de faire preuve à l’égard de ces péripéties n’interdit pas de considérer que depuis quelque temps Kylian Mbappé semblait, comme on dit, filer un mauvais coton. Que les explications soient sportives ou plus personnelles, il est clair que les derniers mois, qu’il a plus subis que vécus au PSG, la manière dont l’entraîneur espagnol l’a traité, son impatience de rejoindre le club de son cœur, le Real de Madrid, ses prestations moins bonnes aussi bien dans le championnat de France qu’en équipe de France dont il était le capitaine, l’immense émoi médiatique exagéré autour de ses faits et gestes, ses déclarations parfois ridicules, par exemple sur la mort de Nahel, une assurance qui pouvait être prise pour de l’arrogance, ont créé un climat défavorable à son épanouissement sportif et au maintien d’une relation de confiance et d’admiration avec ceux qui le portaient aux nues. D’abord à cause de son génie de footballeur caractérisé par une vitesse exceptionnelle qui, redoutée et entravée, n’avait plus le même impact ces derniers temps.
Une image dégradée
Son départ au Real, malgré le contentieux l’opposant au PSG qui lui devrait 55 millions d’euros, paraissait l’avoir rendu heureux, l’avoir stabilisé. L’équipe et l’entraîneur prestigieux qui l’accueillaient et attendaient beaucoup de lui paraissaient avoir fait preuve de très bonnes dispositions à son égard.
Je ne veux pas me prêter une lucidité rétrospective mais au fil du temps, il m’a semblé voir se dégrader son image. Sa capacité longtemps durable à résister à la mousse narcissique déversée sur lui s’est un jour métamorphosée en une dérive imprégnée de vanité et de la certitude qu’il pouvait tout se permettre. N’incriminer que lui serait injuste.
Quand je compare Kylian Mbappé avec nos autres cracks, Antoine Dupont et Léon Marchand surtout, je perçois une différence capitale entre les entourages. Depuis que tout jeune il a commencé à attirer les convoitises, les parents séparés de Kylian Mbappé paraissent l’avoir fait baigner dans un climat où l’argent domine, à cause du capital qu’il représente, et où ses intérêts financiers sont défendus par des géniteurs négociateurs impitoyables. Quelle énorme différence avec les parents de Léon Marchand et la mère d’Antoine Dupont ! Pour eux, lors de l’éclosion de ces deux champions, le tiroir-caisse n’a pas relégué l’affection et le cœur. Le gratuit a toujours eu sa place. Cela explique les dissemblances entre ces trois jeunes destins, l’adhésion enthousiaste à deux d’entre eux et la réserve de plus en plus vive manifestée à l’égard de Kylian Mbappé et de son environnement.
Un peu de tenue !
Il serait profondément inéquitable de faire reposer l’absence d’une politique de la tenue en France, et dans beaucoup de domaines, sur les seules épaules de Kylian Mbappé dont l’équipée somptuaire à tous points de vue et la destination suédoise surprenante ont mobilisé l’attention médiatique.
En effet, au regard de ce que j’entends par « politique de la tenue », si Kylian Mbappé peut être classé comme une personnalité qui en a manqué, les exemples sont multiples qui montrent que l’exigence de la tenue, à rapprocher de l’obligation de décence, est en chute libre, aussi bien dans les registres de la quotidienneté banale, de la vie politique, que de l’univers médiatique et artistique…
C’est même sans doute, à y regarder de près, l’évolution de notre société sur le plan de la forme, définie comme une manière d’être au monde, de se comporter comme il convient, de parler, de dialoguer avec autrui, de respecter son prochain et de se fixer des limites précisément quand, privilégiés, on croit pouvoir s’en abstenir, qui constitue la dégradation fondamentale de notre communauté d’existence, de notre civilisation.
Faut-il rappeler les transgressions graves de certains députés à l’Assemblée nationale, incapables de saluer leurs collègues d’un autre camp, de faire honneur à ceux qui les ont élus, de tenir des propos structurés sans haine ni outrance et de savoir écouter tranquillement par exemple le Premier ministre quand il s’adresse à tous ? Faut-il rappeler les grossièretés du langage qui, dans le débat démocratique, remplacent la contradiction et l’argumentation par des insultes parce que, faute de savoir répliquer aux idées, on s’efforce de tenir pour moins que rien ceux qui les ont proférées ? Faut-il rappeler la pauvreté de ces débats où la droite parle à la droite et la gauche à la gauche, avec pourtant l’invocation répétitive d’un pluralisme réduit à sa seule dimension partisane ? Faut-il rappeler ces gestes indélicats, choquants, agressifs donnant de la virilité une lamentable image et blessant des féminités qui heureusement ne se laissent plus faire ? Faut-il rappeler ces élèves frappant leur maître, leur professeur, le monde de l’éducation bouleversé dans ses bases ? Faut-il rappeler, dans l’existence de tous les jours, dans les transports, ces femmes enceintes parfois debout, ces personnes âgées contemplant une jeunesse fatiguée assise, cette immense indifférence à l’égard de ce que la politesse nous apprenait hier à respecter, l’âge et l’enfance ? Faut-il rappeler les rapports de force et de violence qui dans nos rues opposent les moyens de mobilité les uns aux autres et aboutissent parfois tragiquement à des crimes ? Faut-il rappeler ce passage au fil des années de l’illégalité à l’immoralité, comme par exemple récemment un établissement pour handicapés dévasté, sans la moindre vergogne, avec ses fauteuils spéciaux très coûteux volés ? Faut-il rappeler la gabegie ostentatoire de quelques-uns face aux conditions de vie difficiles de beaucoup ?
On pourrait me demander en quoi ces exemples que je pourrais multiplier sont à relier avec les épisodes concernant Kylian Mbappé. Parce qu’ils relèvent de ce qu’on devrait d’abord apprendre de ses parents puis à l’école ; et de la Justice s’ils sont transgressifs. Car ces abstentions, indélicatesses, négligences peuvent se traduire au plus haut niveau de gravité par des délits ou des crimes ; la justice n’étant pour moi que la prescription d’une forme suprême de savoir-vivre.
Qu’on ne vienne pas soutenir que la tenue ne serait pas à apprendre à la jeunesse, comme si on pouvait tout lui passer. Puisqu’elle a tout l’avenir devant elle. C’est absolument le contraire. Si le socle est défaillant, tout se délitera. Il n’y a aucune raison de laisser croire que la jeunesse serait indigne de ce qui rend le fil des jours droit, moral et élégant.
Se tenir pour soi et pour une société, quelle splendide et nécessaire obligation !
Le Danube n’est pas forcément beau et bleu. Singulièrement l’été, dans un patelin paumé qu’on n’atteint qu’en rafiot, et dont les ruelles pas même goudronnées s’achèvent en cul-de-sac sur le delta du fleuve. D’où le titre, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, troisième long métrage de l’acteur et cinéaste Emanuel Pârvu, 45 ans. Le film était en compétition à Cannes.
Adi, beau brun bouclé de 17 ans, vit chez ses parents dans une modeste maison du village. Le prologue nous suggère que le couple est endetté vis-à-vis d’un certain Zentov, dont on comprendra, au fil du récit, que le notable véreux du coin a des connexions haut placées à Tulcea, le chef-lieu portuaire de cette région septentrionale du pays, quasi frontalier avec l’Ukraine…
L’amorce du film nous montre Adi, cheminant la nuit de conserve avec un compagnon de son âge, venu de Bucarest en touriste : celui-ci lui lèche gentiment sa main, qu’une piqûre de ronce, semble-t-il, a fait saigner. Cut. La séquence suivante nous découvre le même Adi, mais cette fois le visage méchamment amoché, le corps tuméfié, en train de se voir examiné par le médecin du dispensaire local, en présence de ses parents et d’un officier de police en tenue. Pourquoi cette agression sauvage ? Quel en est le mobile ? Qui en sont les auteurs ? Adi a perdu connaissance; il n’a rien vu dans l’obscurité. Commence l’enquête, dans le microcosme de ces confins ruraux où tout se sait – et tout se dissimule.
Pas un film-dossier
C’est avec un sens consommé de l’ellipse et de la litote qu’Emanuel Pârvu assemble les pièces du drame, sans l’appoint de la moindre musique, avec cette sobriété, cette grande intelligence du rythme, du dialogue et de ses silences, toutes choses propres au nouveau cinéma roumain dont Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours ; Au-delà des collines ; RMN… ) demeure le champion. Les conciliabules entre les protagonistes dévoilent de proche en proche les enjeux souterrains d’une société archaïque, minée par les préjugés, la corruption et la peur, sur fond de bêtise incommensurable – probables séquelles de la dictature communiste de Ceausescu qui tint durablement la Roumanie, comme l’on sait, dans un état d’arriération mentale sans exemple en Europe.
Esquivant avec adresse l’écueil du film-dossier sur la-répression-de-l’homosexualité en milieu rural attardé, Trois kilomètres avant la fin du monde pénètre au premier chef l’entrelac des égoïsmes, des petits intérêts, des collusions qui font qu’« on doit se serrer les coudes », comme le susurre Zentov au géniteur d’Adi pour empêcher que cette sordide affaire, où ses deux crétins de fils sont impliqués, ne remonte jusqu’à Bucarest et ne fasse des vagues. Quitte à alerter une relation, par un coup de fil passé à bon escient, en sorte que l’enquêtrice diligentée par la justice (laquelle, au fil des interrogatoires, a parfaitement identifié l’omerta) soit opportunément rappelée fissa en d’autres lieux : « si on apprend qu’il y a des pédales ici, imagine ce que ça va donner », lâche encore en aparté le veule argousin, craignant surtout pour son dossier de demande de retraite anticipée. Sollicité quant à lui par les pieux parents d’Adi, le prêtre orthodoxe de la paroisse s’est assuré de l’autorisation du Très–Haut (sa rhétorique imparable vaut d’ailleurs quelques fort savoureuses répliques) pour exorciser le mal qui ronge l’adolescent, fût-ce en l’entravant de force avec l’aide de papa et maman. D’où une scène hallucinante dont on vous réservera la primeur. Avec beaucoup de subtilité, les dialogues rendent compte des subterfuges et des atermoiements dans lesquels s’envasent les comparses pris au piège de leur funeste logique, mais aussi l’étau moral qui se resserre sur Adi, placé en holocauste face à la monstruosité de ses géniteurs, et qui ne gardera foi qu’en son amie de cœur, Ilica… Avant de prendre le large.
Pas moralisateur
Il est devenu rare, par les temps qui courent, de voir à l’écran des œuvres qui ne soient pas formatées pour la défense des bonnes causes (les femmes, les minorités, les diversités en tous genres). Avec une remarquable économie de moyens, Emanuel Pârvu tient un tout autre discours : celui qui, fût-ce en affrontant la morale publique, revendique l’irrévocable singularité du corps désirant.
Trois kilomètres avant la fin du monde. Film d’Emanuel Pârvu. Avec Bogdan Dumitriache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu… Durée : 1h45. En salles le 23 octobre 2023
Le désenchantement du destin français ouvre l’espace public aux revendications identitaires que le principe de laïcité peine à endiguer. Analyse.
Consacré par l’article 1er de la Constitution, le principe de laïcité est inscrit en filigrane à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il trouve ses premières expressions législatives en 1882 et 1886 sur l’enseignement primaire, et passe à la postérité avec la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Elle institue un régime de neutralité dont l’acception est offerte à la controverse alors même qu’elle consiste moins en la neutralité religieuse de l’Etat qu’à une neutralisation des religions dans la sphère publique (Ph. Raynaud, La Laïcité. Histoire d’une singularité française, Gallimard, 2019). L’enquête d’opinion sur « l’état des lieux de la laïcité en France » réalisée en 2020 par l’institut Viavoice, montre que la laïcité constitue pour les Français un principe républicain essentiel (70%) qui fait partie de l’identité de la France (78%). Cependant, les jeunes adultes adoptent dans leur majorité une conception favorable à l’expression publique des identités religieuses (sondage d’opinion réalisé du 14 au 16 juin 2023 par l’institut Kantar-Sofres), et 78% des musulmans considèrent que la laïcité française est islamophobe (sondage Ifop du 7 décembre 2023). Le principe de laïcité signe donc une singularité française, dont la fortune est en déclin malgré la réaffirmation périodique du principe. Il subit l’offensive multiculturaliste et ne peut, seul, résister au défi lancé à notre modèle civilisationnel.
L’offensive multiculturaliste
La crise de la transmission (Jean-Paul Brighelli, La fabrique du crétin. L’apocalypse scolaire, L’Archipel 2022) s’inscrit dans le contexte de l’envahissement de l’espace public par les dictats religieux qui ciblent particulièrement l’école. L’affaire bien connue des collégiennes de Creil en 1989 fait penser à cette fable de La Fontaine Conseil tenu par les rats: « Ne faut-il que délibérer, La Cour en conseillers foisonne, Est-il besoin d’exécuter, L’on ne rencontre plus personne »…
Aux termes de leur manifeste : « Profs ne capitulons pas ! », Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Elisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler dénonçaient déjà un « Munich de l’école républicaine ». Ils identifient dans le voilement des femmes le signe de leur soumission et refusent la mise en balance du principe de laïcité avec la liberté d’expression des élèves. Pénétrer dans les établissements scolaires avec ses certitudes, croyances familiales en bandoulière, et insanités véhiculées par les réseaux sociaux oppose une fin de non-recevoir à la transmission des savoirs. La loi 15 mars 2004 interdit le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, codifiée à l’article L141-5-1 du Code de l’éducation. Cette loi, qui anéantit la jurisprudence Kherouaa et la circulaire Jospin du 12 décembre 1989, est intervenue à la suite du rapport Obin, et des préconisations de la commission Stasi, dont les membres se sont convertis à la nécessité de l’interdiction au fil des auditions, à l’exception de Jean Baubérot. L’auteur des 7 laïcités françaises (Maison des sciences et de l’Homme, 2015) regrette le glissement de la neutralité de l’Etat vers la neutralité imposée à la société civile, au motif que la loi de 1905 n’établirait pas de distinction entre les espaces publics et privés. Prétendument importée de cultures dites d’origines, la « vêture » religieuse des laïques dans l’enceinte scolaire fait montre d’un art consommé de la provocation qui dégénère en violence et intimidation, au point qu’une élève du lycée Sévigné de Tourcoing, gifla le 7 octobre 2024, une professeure qui lui intimait l’ordre d’ôter son voile, et que le proviseur de lycée Maurice Ravel à Paris fut, quant à lui, menacé de mort (« Faut le brûler vif, ce chien »), pour le même motif.
Numéro 123 de « Causeur »
La question des accompagnateurs scolaires s’est à nouveau posée au moment de l’adoption de la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 qui confirme, malgré la position du Sénat, le statu quo ante, défini par le Conseil d’Etat. Si les parents accompagnateurs sont des usagers, la loi de 2004, circonscrit l’interdiction aux seuls élèves, et ne s’applique donc pas aux parents.
La loi du 11 octobre 2010 dispose que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ».
Fille aînée de la liberté, la laïcité émancipe les esprits de l’endoctrinement ; sœur jumelle de l’égalité, elle affranchit le corps des femmes de l’embrigadement. Dorine contre Tartuffe en quelque sorte. Tartuffe : Couvrez ce sein que je ne saurais voir : Par de pareille objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. Dorine : Vous êtes donc bien tendre à la tentation, Et la chair sur vos sens fait grande impression !
Ce féminisme qui défend le port du voile islamique
Les « écoféministes » luttent contre le « patriarcat blanc », défendent en France la liberté des femmes de porter le voile, et détournent le regard de l’oppression intracommunautaire. L’ambivalence de ce cénacle d’idéologues hybrides devant le courage des femmes iraniennes est consternante. Considèrent-ils l’interdiction d’ici et l’obligation de là-bas comme équivalentes, pour juger que les Françaises et les Iraniennes subissent la même oppression ?! Femmes de Paris, femmes de Téhéran ou de Kaboul, même combat ! Guerre des sexes et guerre des races contre l’universalisme, jusque et y compris, pour les plus radicaux, sur la question de l’excision assimilée à une circoncision féminine ! (Fatiha Agag-Boudjahlat, Le grand détournement, Lexio 2019). La propagande wokiste emporte tout dans un maelström d’impostures morales et de terrorisme intellectuel (Jean-François Braunstein, La religion woke, Grasset 2022). La recherche en sciences sociales et humaines est phagocytée par le militantisme académique (Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la recherche, Tracts Gallimard, n°29 mai 2021), autant que le « frérisme d’atmosphère » œuvre à rendre la société « charia compatible » (Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, Odile Jacob, 2023).
Statuant pour la première fois sur requête du nouveau déféré-laïcité, instauré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Conseil d’Etat a confirmé la suspension du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble autorisant le port du « burkini ». Il estime à juste titre que la dérogation très ciblée apportée, pour satisfaire une revendication religieuse, aux règles de droit commun de port de tenues de bain près du corps édictées pour un motif d’hygiène et de sécurité, est de nature à affecter le bon fonctionnement du service public et l’égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics (CE ord. 21 juin 2022). Mais, l’ordonnance doit également être lue comme la confirmation d’une jurisprudence favorable aux aménagements pour un motif religieux à condition qu’ils ne soient pas excessifs… De même, la haute juridiction, en rejetant le recours des « hijabeuses », a jugé que l’interdiction du « port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, religieuse ou syndicale » prévue par les statuts de la FFF, pouvait légalement être prise puisqu’elle est limitée aux temps et lieux des matchs de football et qu’elle apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment les affrontements ou confrontations sans lien avec le sport. La mesure est donc adaptée et proportionnée (CE 29 juin 2023). Ces pressions revendicatrices interrogent sur le défi lancé à notre modèle civilisationnel.
Le défi civilisationnel
Au XVIIIème siècle, l’exécution du chevalier de la Barre et l’affaire Calas, ouvraient un front contre le fanatisme religieux. Voltaire rendait un réquisitoire contre les superstitions qui colonisent les religions (Traité sur la tolérance, 1763). Désormais, la diffusion du salafisme dans la société civile arme idéologiquement les bourreaux d’une nouvelle ère.
L’écrivain américain, né au Canada, prix Nobel de littérature en1976, Saul Bellow écrit : « Peu de choses sont plus agréables, plus civilisées qu’une terrasse tranquille au crépuscule ». Il baptisait Paris, « ville sainte de la laïcité ». C’est elle qui a été frappée par les attentats du 13 novembre ; le Paris des terrasses de café et des salles de concert. Le principe de laïcité est à un poste avancé. Son abaissement fragilise la liberté d’expression et l’égalité des sexes, et installe « l’insécurité culturelle » (Laurent Bouvet, L’insécurité culturelle. Sortir du malaise identitaire français, Fayard, 2015). Comme un système de vases communicants, à mesure que se réduit le champ de ces droits et principes, s’étend celui de l’intégrisme islamiste qui resserre son étreinte, tel un serpent autour de sa proie. Il impose ses dogmes : l’antisémitisme ; désigne ses cibles : la haine de l’Occident (judéo-chrétien) et de la République (laïque).
Parce qu’ils étaient enseignants, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, Dominique Bernard, professeur de français, ont été assassinés. Ces attentats perpétrés pour le premier le 16 octobre 2020 devant le collège de Conflans-Sainte-Honorine, et pour le second dans l’enceinte du lycée Gambetta à Arras le 13 octobre 2023, rappellent la guerre asymétrique livrée contre la liberté d’expression qui, frappant les humanités en plein cœur, visent à réduire au silence et à anéantir le modèle culturel que l’école est censée transmettre.
La laïcité témoigne d’un processus à l’œuvre qui travaille notre inconscient collectif. Cette singularité française est toutefois en péril, particulièrement à l’école devenue une cible, où la contestation se propage, jusqu’au contenu des enseignements, et par l’autocensure des professeurs confrontés la veulerie administrative du « pas de vague ». Face à la recrudescence des tenues islamiques avec l’apparition des abayas et l’incitation à la prière dans les établissements, le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal, après les tergiversations de son prédécesseur, a par la note de service du 27 août 2023 interdit ce type de tenues vestimentaires dans les établissements scolaires publics. Le Conseil d’Etat a par deux ordonnances, rejeté les requêtes en référé liberté et en référé suspension en considérant pour la première, que l’interdiction ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale (CE réf. 7 sept. 2023), et pour la seconde, en raison de l’absence de doute sérieux quant à sa légalité (CE réf. 25 sept. 2023). Statuant au fond par un seul et même arrêt, il confirme la légalité de l’interdiction de l’abaya dans ces enceintes (CE 27 sept. 2024).
La réaffirmation périodique du principe de laïcité n’aura pas l’effet escompté sans une maîtrise de l’immigration : « On peut intégrer des individus […] On n’intègre pas des peuples, avec leur passé, leurs traditions…» (Ch. de Gaulle, Propos rapportés par Alain Peyrefitte dans “C’était De Gaulle” éditions de Fallois, Fayard, 1994, tome 1 page 56). Attribut de la souveraineté, la politique migratoire doit être définie en fonction des capacités d’accueil (travail, logement…) et des facultés d’assimilation de la langue et du système de valeurs. Le Danemark et la Suède, pour les pays scandinaves rompus au consensualisme politique, ont su dresser le diagnostic et trouver leurs remèdes. La France serait bien inspirée, plutôt que de sombrer dans le palliatif, d’expérimenter sa propre méthode prophylactique et curative pour enfin offrir ce qu’elle a de meilleur à qui pourra en suivre le destin dans sa continuité historique. Le Général de Gaulle débute ces mémoires d’espoirs (Le renouveau 1958-1962) par cette formule restée célèbre « la France vient du fond des âges… Elle demeure elle-même le long du temps… Aussi l’Etat, qui répond de la France, est-il en charge, à la fois de son héritage d’hier, de ses intérêts d’aujourd’hui et de ses espoirs de demain ». Le principe de laïcité participe de ce mouvement que les chantres de la société inclusive abhorrent.
Mi-octobre, les Français ont appris que l’entreprise Opella, filiale de Sanofi en charge notamment du célèbre médicament Doliprane, allait être vendue à un fonds d’investissement américain. Ce genre d’actualité n’est d’habitude relayée que par la presse économique spécialisée, et il est très rare que le grand public s’y intéresse ou s’en émeuve outre mesure…
Pourtant, cela n’a pas été le cas ! Et, pour une fois, ce n’est pas tellement du fait des syndicats, bien que cette décision risque d’affecter deux sites de production en France et 1700 emplois.
D’un côté, il y a le Doliprane, ce médicament largement utilisé et apprécié dans les foyers français et, de l’autre, un fonds d’investissement étranger, ce que le grand public considère, probablement à juste titre, comme le paroxysme de la capitalisation au détriment de l’humain.
Un médicament érigé en symbole lors de la crise sanitaire
Nul besoin d’être féru d’économie pour comprendre ce qui se joue réellement ici : la désindustrialisation de la France et la perte d’une souveraineté nationale. Déjà, en 2014, dans un autre secteur qu’est celui de l’énergie, les Français s’étaient émus de la cession d’Alstom à l’américain General Electric. Un des points communs entre ces deux affaires reste sans nul doute le rôle de l’État qui subit en plus les conséquences, dans le cas du Doliprane, d’un très mauvais timing. En effet, depuis la crise du Covid, certains médicaments sont en rupture ou en flux tendus et le gouvernement avait, à l’époque, érigé le fameux Doliprane en symbole d’une nécessaire réindustrialisation française en vue de préserver une souveraineté nationale, notamment sur le plan sanitaire. Inutile de dire que le symbole se retourne aujourd’hui contre nos gouvernants et met en lumière l’écart manifeste entre les promesses politiques et leurs réalisations concrètes. D’autant que l’heure est au bilan pour les Français ! Les révélations du nouveau gouvernement quant au déficit actuel de l’État ont ouvert la voie à la vindicte populaire. Les politiques sont sommés de s’expliquer, de se justifier et de rendre des comptes. Il faut bien trouver des coupables !
La décision de Sanofi de se séparer de sa filiale de santé grand public pour se consacrer à la recherche et au développement de médicaments innovants n’a pourtant rien de choquant. C’est un choix stratégique comme un autre émanant d’une entreprise privée. En revanche, depuis un an que le projet est sur la table, comment expliquer qu’aucun fonds d’investissement français ou européen n’ait pu se montrer acquéreur ? C’est dans ce genre de situation que l’on constate avec désarroi le manque de compétitivité et de poids des entreprises françaises actuellement dans une économie mondialisée.
Aveu de faiblesse
Cependant, c’est sur l’issue de cette affaire que se concentrent mes critiques. Le 21 octobre, la banque publique d’investissement Bpifrance annonce investir entre 100 et 150 millions d’euros pour entrer au capital d’Opella et prétend ainsi influencer Sanofi et le fonds d’investissement américain CD&R dans le but de préserver les sites de production en France et les emplois associés, mais également de garantir l’approvisionnement de la France en médicaments concernés.
Qu’on se le dise : cette somme, aussi impressionnante soit-elle pour le commun des mortels, ne représente que 1 à 2% du capital d’Opella et ce fonds d’investissement américain, désormais majoritaire à plus de 50%, se passera aisément de l’avis de l’État français le jour où il souhaitera délocaliser les sites de production du Doliprane. Ses pieuses promesses seront probablement tenues quelques mois, voire quelques années mais n’offrent aucune garantie à long terme sur le maintien de la production en France ou la sauvegarde des emplois.
Cette décision sonne comme l’aveu de faiblesse d’un État impuissant, davantage par manque d’autorité et de vision à long terme que par manque de moyens. En effet, ce n’est pas au moment de la cession qu’il aurait fallu agir en tentant mollement de s’imposer dans les négociations mais, quelques années plus tôt, lorsque Sanofi bénéficiait très largement du crédit d’impôt recherche (notamment pour ce vaccin contre le Covid qui n’a jamais réellement abouti ou trop tardivement). C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu exiger des contreparties avec des engagements sur le maintien de l’industrie pharmaceutique française autant que faire se peut. On ne peut pas prétendre diriger en subissant une actualité, somme toute assez prévisible au vu des antécédents de désindustrialisation de la France de ces vingt dernières années.
À l’inverse il aurait été courageux de prendre une vraie décision : celle de ne pas du tout ingérer dans cette transaction d’ordre privé ou celle de préempter la cession, c’est à dire de faire capoter la vente et ce, « quoi qu’il en coûte », au risque de froisser les investisseurs étrangers qu’Emmanuel Macro s’efforce de séduire depuis de nombreuses années. Bref, tout aurait été préférable à cette décision molle, en demi-teinte, qui n’apporte aucune garantie à long terme pour l’économie française et qui, à court terme, vient de coûter à la France entre 100 et 150 millions d’euros ! Pour un coup de communication, un effet d’annonce visant à rassurer l’opinion publique, c’est cher payé, surtout quand l’heure est aux économies…
Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est arrivé en Russie, où l’autocrate Vladimir Poutine met en scène son non-isolement lors du sommet des BRICS qu’il organise. Analyse.
Le grand effondrement, qui affecte la France, n’épargne pas l’Occident. C’est un chamboulement mondial qui s’observe, en réaction au même mépris porté par des « élites » auto-satisfaites aux peuples trop ordinaires. Ce mercredi matin, l’arrivée en Russie du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au sommet des Brics présidé par Vladimir Poutine, est une provocation lancée aux démocraties du monde libre et à leur prétention à l’exemplarité. Le paria russe, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre en Ukraine, peut en effet se targuer, outre de l’aval de l’ONU, d’avoir pu réunir, à Kazan, la fine fleur des puissances du Sud Global, qui représentent près de 46% de la population mondiale et 36% du PIB mondial. La Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, l’Afrique du sud, la Turquie, l’autorité palestinienne seront sur la photo de famille, parmi les 24 pays constituant ce club des humiliés. Une manière pour Poutine de rappeler l’échec de la politique occidentale qui s’était jurée de briser les reins de l’autocrate, de l’isoler du reste du monde et de lui faire perdre la guerre contre l’Ukraine. Aucun de ces buts n’a été atteint. Au lieu de cela, la pérenne arrogance occidentale est en train d’exaspérer ses propres citoyens. C’est en tout cas ce qui ressort, ce mercredi, d’un sondage Ipsos du Parisien qui montrerait que, pour 51% des Français, « seul un pouvoir fort peut garantir l’ordre et la sécurité ». 23% des sondés – et 31% chez les moins de 35 ans – vont jusqu’à dire que la démocratie n’est pas « le meilleur régime existant ». 76% estiment que le personnel politique est « déconnecté des réalités des citoyens ».
La contestation de l’ancien ordre mondial par des pays le plus souvent despotiques n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour l’avenir des démocraties libérales. Mais il serait trop simple d’accuser les Brics de mauvaises manières obscurantistes. La constante indifférence avec laquelle l’Occident orgueilleux a répondu à la Russie, après son évasion de sa prison communiste, a poussé ce pays à quitter par dépit une civilisation qui lui était familière, ne serait-ce qu’à travers sa culture chrétienne et sa littérature. Le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Amin Maalouf, dans Le labyrinthe des égarés (Grasset, 2023), écrit : « S’agissant des dirigeants occidentaux, ils ont manqué de générosité et manqué de vision à long terme. Ils auraient dû prévoir qu’une Russie blessée et diminuée serait, pour l’Europe, une bombe à retardement. Il fallait, à tout prix, l’aider à se démocratiser, à se développer, à se reconvertir ; l’aider à retrouver, au sortir de la guerre froide, un tout autre rôle dans le monde, une autre manière de s’épanouir, afin qu’elle puisse donner naissance à une autre génération de dirigeants, qui ne soient ni corrompus, ni prédateurs, ni assoiffés de vengeance. Hélas, rien de cela n’a été fait… ». Ce gâchis, seul l’Occident infatué s’en est rendu coupable en se regardant le nombril. Certes, il reste encore un modèle pour ceux qui aiment la liberté. Mais l’Occident doit savoir que le Sud Global, décidé à régler ses comptes, ne lui fera aucun cadeau.
Et si Trump était finalement en train de remporter l’élection présidentielle américaine ? À 15 jours du vote, les sondeurs ne parviennent plus à départager les candidats. Harris apparait comme une candidate vague (dans son programme) et… sans vague (dans les intentions de vote).
Alors que la campagne touche à sa fin, Kamala Harris et Donald Trump sont au coude-à-coude dans les derniers sondages. Harris peine à redresser la barre dans les États-clés, tandis que Trump, porté par la fidélité de sa base et quelques succès inattendus, avance avec une étonnante sérénité. La perspective d’une surprise d’octobre ajoute à l’incertitude, mais ce scrutin se jouera probablement sur la capacité des candidats à saisir les dernières opportunités. Une chose est sûre: rien n’est encore joué.
La fin de la Kamalamania
Kamala Harris a débuté sa campagne avec des attentes élevées, notamment après un débat jugé solide face à Donald Trump, où elle a su captiver l’audience et a surpris les observateurs. En septembre, un sondage CNN affirmait que 63% des téléspectateurs jugeaient qu’Harris avait remporté le débat face à Trump. Cependant, l’enthousiasme a rapidement faibli. Ses derniers discours et interventions médiatiques, loin de galvaniser, ont suscité des critiques. Ce fut le cas lors de son interview dans l’émission 60 minutes, où elle s’est montrée incapable de parler de sa politique d’immigration, ou lors de l’émission The View, où elle a ouvertement déclaré qu’elle aurait tout fait comme Biden. Le manque de clarté sur sa vision politique sur les questions de fond la décrédibilise face à un électorat qui attend des mesures fortes sur l’économie et l’immigration. Ajoutons à cela son absence de stratégie sur la politique internationale, notamment avec le conflit au Moyen-Orient. Bien que sa position mesurée sur Israël soit saluée par les modérés, elle déçoit une frange progressiste du Parti démocrate, qui demande l’arrêt du soutien inconditionnel à Netanyahou. Cet équilibre fragile entre différents courants du parti nuit à sa capacité à fédérer et séduire les indécis, à un moment où chaque voix compte.
Les sondages sont implacables : Harris perd du terrain dans les États-clés tels que le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, ces mêmes États qui ont assuré la victoire de Joe Biden en 2020. Dans certaines enquêtes, Harris se retrouve désormais devancée par Donald Trump, une situation qui alarme les stratèges démocrates. En trois semaines, l’avance moyenne de Harris dans ces états du Blue Wall est passée de plus de deux points à moins d’un point. Le problème est double pour Harris. D’une part, elle ne parvient pas à séduire les indécis et d’autre part son programme reste trop flou pour réellement capter l’attention d’un électorat qui ressent de la rage contre l’establishment ou de la méfiance à l’égard d’un système jugé fermé. Les démocrates, conscients de l’urgence, cherchent une stratégie de redressement, mais le temps est compté.
Trump avance sans fléchir
Pendant que Harris s’essouffle, Trump, lui, maintient le cap. Sa base lui est fidèle, et ses résultats dans les enquêtes d’opinion, bien que stables, lui donnent un avantage stratégique. Contrairement à Harris, Trump n’a pas besoin de séduire de nouvelles catégories d’électeurs. Il concentre son énergie sur les indécis, en particulier dans les États-clés, où sa campagne martèle des messages simples : sécurité nationale, lutte contre l’immigration illégale, reprise économique et soutien inconditionnel à Israël. Sa stratégie est claire : éviter les dérapages, maintenir le soutien de ses fidèles et grappiller des voix là où il le peut. Sa position ferme sur les questions internationales, notamment son soutien sans faille à Israël et son souhait d’en finir avec la guerre en Ukraine, lui confère un avantage net face à Harris, qui doit jongler avec des électorats plus divisés et un scepticisme grandissant.
Malgré une série de démêlés judiciaires et alors que la moindre de ses déclarations est passée au peigne fin par les Fact Checkers médiatiques, Trump se montre étonnamment résilient. Contrairement à ses précédentes campagnes, où les scandales éclataient sans cesse, cette fois-ci, il semble mieux contrôler son image et ce sont ses lieutenants qui font le sale boulot. Ses apparitions publiques sont marquées par une maîtrise inhabituelle, ce qui lui permet d’éviter les erreurs qui auraient pu lui coûter des voix. Plus surprenant encore, Trump gagne du terrain là où on l’attendait le moins. Il est en pleine bourre auprès des minorités, il séduit de plus en plus les hommes hispaniques et afro-américains. Un sondage USA Today/Suffolk University publié début octobre a montré que dans l’État de l’Arizona, 51 % des hommes latinos âgés de 18 à 34 ans soutiennent Trump, tandis que 39 % soutiennent Harris. Ajoutons à cela l’accueil favorable qui lui fut réservé à Coachella en Californie, bastion démocrate, le weekend dernier, ce qui démontre qu’il parvient à séduire des groupes autrefois réticents.
Le sprint final et l’ombre d’une surprise d’octobre
À mesure que l’élection approche, la crainte d’une « surprise d’octobre » plane. Ces événements inattendus, capables de faire basculer une campagne, sont devenus un cliché de la politique américaine. De l’affaire Iran-Contra en 1992 aux e-mails de Clinton en 2016, ces révélations de dernière minute ont souvent marqué l’histoire des élections présidentielles américaines. Cette année, la crise au Moyen-Orient pourrait bien jouer ce rôle. Une escalade des tensions forcerait Harris à clarifier sa position sur Israël, ce qui pourrait séduire les centristes, car elle devrait alors soutenir l’État hébreu, mais risquerait d’aliéner la gauche progressiste et l’électorat arabo-américain… De même, de nouvelles révélations judiciaires concernant Trump ou des dérapages de ce dernier pourraient bouleverser l’équilibre fragile de la course.
Pour certains, la campagne a déjà connu ses « surprises d’octobre ». Entre le retrait controversé et très commenté de Joe Biden de la course présidentielle en juillet et les affaires judiciaires de Trump, les rebondissements n’ont pas manqué. Et pourtant, l’élection reste indécise, chaque candidat peinant à creuser l’écart dans les sondages. Malgré le chaos, cette élection semble destinée à se jouer sur le fil. L’électorat américain, désormais habitué aux scandales et aux révélations de dernière minute, pourrait bien finalement se concentrer sur les enjeux concrets : l’économie, la santé, l’immigration et la sécurité nationale. La capacité des candidats à inspirer confiance dans ces domaines sera déterminante dans cette dernière ligne droite.
Israël est accusé de génocide depuis le début de son offensive militaire à Gaza. La procédure lancée par l’Afrique du Sud devant la Cour de justice internationale est soutenue par de nombreux pays qui sont eux-mêmes appuyés par la Chine et la Russie. En réalité, la condamnation d’Israël est le fer de lance d’une offensive planétaire contre les puissances occidentales.
Les naïfs s’en étonneront, les amis d’Israël ont l’habitude. Moins de trois mois après le 7 octobre, c’est Israël, pas le Hamas, qui était accusé officiellement de génocide. Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud engage devant la Cour de justice internationale (CJI) de l’ONU une procédure fondée sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. La requête de 84 pages maintient que, dans sa conduite de la guerre à Gaza, l’État juif serait responsable d’actes génocidaires contre la population civile, actes commis dans l’intention de « provoquer la destruction d’une grande partie du groupe national, racial et ethnique palestinien ». Certains propos tenus en public par des politiques israéliens sont cités comme autant de preuves d’une « intention génocidaire ». Pour enfoncer le clou, le document parle d’un système d’apartheid de soixante-quinze ans, une occupation de cinquante-six ans et un blocus de seize ans. Ce jour-là, Jean-Luc Mélenchon et Jeremy Corbyn sont présents à La Haye pour fêter une nouvelle étape dans leur grande campagne « antisioniste ».
En janvier, la CJI ordonne à Israël, non d’arrêter ses opérations militaires à Gaza – une des exigences de l’Afrique du Sud –, mais de tout faire pour éviter de commettre des actes génocidaires. Mais il faudra des années avant qu’elle statue sur la culpabilité ou non d’Israël. L’Afrique du Sud a jusqu’au 28 octobre pour formuler ses arguments devant le tribunal, et Israël jusqu’au 28 juillet 2025. En réalité, la CJI ne disposant d’aucune force pour faire exécuter ses jugements, ils ne changent rien sur le terrain. En 2022, elle a ordonné – en vain – à la Russie d’arrêter son invasion de l’Ukraine. De plus, Israël est habitué à être accusé de tous les maux par les Nations unies et les ONG – on se rappelle la conférence contre le racisme de Durban en 2002, qui tourna au festival antisémite.
Qu’y a-t-il de nouveau aujourd’hui ? Peu importent les conséquences juridiques de la procédure. Celle-ci est le cœur nucléaire d’une offensive destinée à discréditer Israël sur la scène internationale, l’isoler diplomatiquement et réduire l’influence et le prestige de ses alliés occidentaux. Un pas a été franchi avec la gravité des charges : inculper Israël pour un crime qui rappelle les pires horreurs du nazisme revient à le mettre au ban de l’humanité. C’est aussi, au passage, miner une source d’empathie pour les juifs, à savoir la singularité de la Shoah, et justifier l’injustifiable violence du Hamas.
Ensuite, il y a la multiplication paroxystique des dénonciations. Le 29 décembre est l’aboutissement d’un processus de renversement de l’accusation de génocide. Au lendemain du 7 octobre, l’idée que les atrocités du Hamas, qui semblent découler de ses chartes de 1988 et de 2017, et que ses responsables s’engagent à répéter à la première occasion, pourraient être une forme de génocide commence à faire son chemin. Le 16 octobre, 311 spécialistes du droit, dont des professeurs d’universités américaines, britanniques et israéliennes, déclarent l’attaque génocidaire dans une tribune. Pour les opposants d’Israël, il faut enterrer cette notion sous un torrent de contre-accusations. Dès le 15 octobre, 880 juristes et spécialistes en « études des génocides » redoutent dans une lettre ouverte qu’Israël commette un génocide à Gaza. Quatre jours plus tard, une centaine d’ONG et six chercheurs envoient une lettre à la Cour pénale internationale (CPI), qui est habilitée à poursuivre des personnes (à la différence de la CJI), pour l’exhorter à enquêter sur les possibles crimes des Israéliens, y compris l’incitation au génocide. À partir de la fin du mois, c’est un véritable déluge d’accusations contre Israël de la part de rapporteurs de l’ONU et d’associations humanitaires, sans parler des militants propalestiniens occidentaux. L’ubiquité du mot « génocide » pousse à l’invention de néologismes : c’est ainsi qu’Israël serait coupable d’« épistémicide » et de « scholasticide » quand les écoles et les musées sont endommagés à Gaza, et d’« écocide » quand il s’agit de lieux naturels. Ce déluge se prolonge en 2024, rejoignant les conclusions d’autres procédures internationales déjà en cours qui accablent Israël. Parmi elles, l’enquête lancée en 2021 par la CPI sur de possibles crimes de guerre et contre l’humanité commis par les Israéliens et le Hamas depuis 2014. En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens, nommé en 2022, la juriste italienne Francesca Albanese, qui critique Israël de manière obsessionnelle, publie un rapport intitulé sans ambages « Anatomie d’un génocide ». En mai 2024, le procureur dépose une demande pour des mandats d’arrestation concernant Benyamin Nétanyahou, Yoav Gallant, Yahya Sinwar, Mohammed Deif et Ismaël Haniyeh (ces deux derniers exécutés depuis par Israël). Un mois plus tard, en juin, un rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (rédigé par une commission établie en 2021) accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre, mais s’acharne contre Israël pour de prétendus crimes contre l’humanité.
C’est ainsi que, par une répétition obsessionnelle, on trace dans l’opinion un signe d’égalité entre Israël et génocide. Se banalisant, le mot sert d’étendard aux ennemis d’Israël, des ennemis plus inquiétants que les activistes des campus. La troisième caractéristique de la nouvelle réprobation d’Israël, c’est que nombre de pays y contribuent, en reprenant à leur compte l’accusation de génocide. À la CJI, la procédure de l’Afrique du Sud est soutenue par 32 pays, plus 38 autres à travers l’Organisation de la coopération islamique et la Ligue arabe, ce qui donne un total de 70. En face, 12 pays s’y opposent, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, six États membres de l’UE, le Guatemala et le Paraguay. Les nations qui soutiennent la procédure comprennent les adversaires d’Israël et celles qui sont prêtes à sacrifier leurs relations avec ce dernier au nom de leurs intérêts stratégiques. En effet, plus que jamais, Israël est un pion sur l’échiquier géopolitique et un proxy pour l’Occident. Le mettre sous pression, voire le faire condamner, c’est porter un coup à l’hégémonie américaine et européenne. Cette dernière est présentée par ses ennemis comme le legs et le prolongement de la domination impériale, et c’est ici que le concept de génocide prend une dimension nouvelle. Depuis longtemps, des chercheurs militants préparent le terrain en développant l’idée qu’une « colonie de peuplement » (settler colonialism), dont l’État d’Israël serait un exemple, constitue une forme de génocide par le remplacement des habitants indigènes d’une région. Chaque action militaire conduite par Israël est donc considérée comme un nouvel avatar de ce processus génocidaire. Actuellement, ses dénonciateurs sur la scène internationale cherchent à imposer un cessez-le-feu immédiat qui permettrait la survie du Hamas. Pour eux, les membres de ce dernier ne sont pas les responsables d’un génocide, mais les résistants à un génocide. Autant dire que les Gazaouis sont, à leur corps défendant, les proxys d’un vaste mouvement anti-occidental. D’où la tentative d’étendre la responsabilité du génocide aux alliés d’Israël à travers un certain nombre de procédures pour complicité de génocide contre les dirigeants et les États occidentaux devant des tribunaux nationaux et la CJI.
Ouverture des audiences à la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, sur la légalité de l’occupation israélienne, 19 février 2024. AP Photo/Peter Dejong/SIPA
L’Afrique du Sud justifie son action en justice par sa solidarité traditionnelle avec les Palestiniens qui souffriraient d’un système d’apartheid, tout comme les Noirs sud-africains avant 1990. Le grand Nelson Mandela a proclamé : « Nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. » Pourtant, la nation arc-en-ciel fait preuve d’une incohérence alarmante en matière d’accusations de génocide. Elle a été admonestée en 2017 par la CPI pour ne pas avoir arrêté Omar Al-Bashir en 2015. Cet ancien dirigeant soudanais était incriminé pour son rôle dans le génocide au Darfour de 2003. À l’heure actuelle, le Soudan est le théâtre de ce qui ressemble clairement à un génocide, provoqué par la guerre civile qui y fait rage depuis avril 2023 entre les Forces armées soudanaises du gouvernement et les troupes de Mohamed Hamdan Dogolo, accusé par des observateurs de nettoyage ethnique. Or, ce dernier était l’invité du président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, juste avant l’ouverture des auditions concernant Israël à la CJI en janvier.
Ce deux poids, deux mesures s’explique par le fait que le Soudan ne constitue pas un enjeu symbolique dans le mouvement anti-occidental. Les documents officiels du parti de Ramaphosa, le Congrès national africain, très hostile à Israël, regorgent de références au « néocolonialisme », au « pillage impérialiste », et à sa propre appartenance aux « forces anticoloniales[1] ». Dans ce contexte, le Soudan ne fournit pas un récit pertinent, tandis que la lutte palestinienne constitue une histoire anti-impériale captivante avec Israël dans le rôle d’ennemi universel. Tout compte fait, l’Afrique du Sud vise par sa procédure à se positionner en leader d’un nouveau non-alignement contre l’hégémonie occidentale, pourtant bien mal en point. Certains géopolitologues théorisent l’ordre international contemporain en révisant le système tripartite proposé par Alfred Sauvy en 1952. Il y aurait donc aujourd’hui un « Ouest global », comprenant les États-Unis et ses alliés occidentaux, un « Est global », réunissant la Chine et la Russie, qui opposent des modèles autoritaires au modèle démocratique de l’Ouest, et un « Sud global » rassemblant toutes les nations coalisées contre les deux précédents, selon les circonstances et leurs intérêts. Ces groupements ne constituent pas des coalitions officielles, mais des sortes de nébuleuses fondées sur des convergences d’intérêts. Le « Sud global » se concrétise à travers de nombreux forums et institutions : le mouvement des non-alignés, le Groupe des 77, les Brics+ (élargis cette année), le bureau des Nations unies pour la coopération Sud-Sud… Dans cet environnement, les plus grands, l’Afrique du Sud, l’Inde, ou le Brésil, se disputent le prestige et l’influence, tandis que la Chine et la Russie se positionnent pour séduire ces nations et fragiliser leurs liens avec l’Occident. À cet égard, les deux puissances de l’« Est global » ont trouvé dans la guerre à Gaza une bonne occasion de s’attirer les bonnes grâces du Sud.
La Chine n’a pas soutenu la procédure sud-africaine, gênée par les reproches de la communauté internationale concernant son traitement des Ouïghours. Mais après le 7 octobre, elle a abandonné Israël sur le plan diplomatique pour avancer ses intérêts au Proche-Orient, où elle avait déjà réussi un coup en mars 2023 en coorganisant (avec Oman et l’Irak) la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite. La Chine s’est gardée de condamner explicitement les atrocités du Hamas, renvoyant Israël et la Palestine dos à dos, mais n’a pas hésité à critiquer la conduite des opérations militaires israéliennes. Lors des audiences à la CJI en janvier, elle a même défendu le droit des Palestiniens à la résistance armée pour expulser un occupant de leur territoire. En avril et juillet, elle a réuni à Beijing les 14 factions palestiniennes, dont le Fatah et le Hamas, pour essayer de les mettre d’accord. Le message des Chinois pour les pays arabes et le Sud global est clair : ils prônent la paix générale mais, à la différence des Occidentaux, penchent nettement vers la cause propalestinienne. La Russie de Poutine, dont la marge de manœuvre est plus limitée à cause de l’Ukraine, fait preuve de la même fausse neutralité. Elle a condamné l’attaque du 7 octobre, mais critique les actions d’Israël depuis et manie des références douteuses au nazisme et à l’holocauste en affichant un manque d’empathie avec les Israéliens. À une conférence de presse à Genève, le 16 septembre, Albanese, ce rapporteur onusien fanatiquement propalestinien, a affirmé qu’Israël était destiné à devenir un « État paria ». C’est ce que veulent les ennemis d’Israël. L’Occident doit tout faire pour l’empêcher.
[1] « African National Congress, 55th National Conference. Resolutions. International Relations », 2022.
Dans La Citadelle, le ministre de l’Éducation d’Emmanuel Macron de 2017 à 2022 règle ses comptes politiques avec le président, et avec toutes ces « belles âmes » au cœur très sensible (et à la raison en vadrouille) qui l’ont combattu.
Notre ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui fut non seulement congédié sans façon mais surtout remplacé par quelqu’un qui ne partageait pas sa vision de l’école, Pap Ndiaye, nous livre son expérience durant ses cinq années passées au gouvernement ; ce qu’il y a fait avec ses collaborateurs, ce qu’il y a vécu avec les autres ministres, les opposants, les médias, les syndicats et le président, dans un livre qui porte un titre évocateur : La citadelle.
Commençons par la fin. La fin annoncée de son ministère et la fin du livre par la même occasion qui, je l’espère, donnera envie de lire le détail à partir du début.
Le président de la République vient de lancer sa campagne pour son second quinquennat. À Aubervilliers, il annonce que si de petites choses ont eu lieu les années précédentes, de grandes choses verront le jour aux suivantes. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui a senti le vent tourner depuis au moins un an, comprend que son bilan est tenu pour dérisoire, et c’est la nécessité de rendre justice à ce bilan et à tous ceux qui y contribuèrent qui incite l’ancien ministre à nous livrer ses mémoires.
« Eh quoi ! Ce n’était donc rien ou pas grand-chose, le dédoublement des classes, l’instruction publique à trois ans, les évaluations de début d’année, le « Plan français », le « Plan mathématiques » ? Rien non plus « devoirs faits », le « Plan mercredi », les cités éducatives, les campus des métiers et des qualifications ? Rien toujours, la réforme du lycée professionnel, du lycée général et technique, la refonte complète des programmes ? » Etc.
Le politique n’est pas là pour « accompagner » passivement l’évolution de la société
Et je peux vous assurer que la liste est longue et que les luttes menées témoignent d’un travail acharné et d’une rectitude peu ordinaire. Il faut dire qu’il y a du pain sur la planche. Reprenons donc depuis le début. Car au-delà de toutes les initiatives que je laisse au lecteur le soin de découvrir, il s’agit aussi de lutter contre. Contre le pédagogisme, par exemple, qui aurait inspiré Molière mais qui, hélas, désespère certains enseignants et de nombreux élèves. J’en étais restée à « l’élément rebondissant » pour désigner de manière altière un pauvre et simple ballon. Depuis, on a fait beaucoup mieux : on ne dit plus « nager dans une piscine », mais « traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête dans un milieu aquatique profond standardisé ». Si vous ne vous noyez pas avec ça, d’autant que l’immersion prolongée de la tête est tout de même risquée! Bref, le ministre a décidé de prendre le taureau par les cornes et d’évacuer écriture inclusive et autres jargons invraisemblables. Il est également très clair avec « l’antiracisme dévoyé en racisme » et s’opposera aux réunions en non mixité raciale pour ce motif. De l’affaire du foulard de Creil, il parlera de « faute originelle » en rappelant le propos plein de bon sens du principal du collège concerné ; Mr. Ernest Chénière : « Le problème n’est pas celui des croyances, le problème est celui de la manifestation extérieure de ces croyances dans l’enceinte scolaire », regrettant que Lionel Jospin s’en soit remis au conseil d’État qui opta pour la réintégration des jeunes filles voilées plutôt que d’entendre une phrase imparable. Ce sera l’occasion pour Jean-Michel Blanquer d’affirmer avec force que le politique est là pour réguler, infléchir, corriger, construire la réalité, et non pour accompagner passivement l’évolution du monde.
Autre sujet ; celui des prestations sociales liées à la responsabilité parentale dans la présence des enfants à l’école. Le ministre se heurtera, comme souvent, aux « belles âmes » qui ont le cœur sensible et la raison en vadrouille, ministres et syndicats compris. De ces derniers avec lesquels le dialogue aura été difficile, il ajoute qu’on ne mesure pas en France à quel point les principaux syndicats (l’UNL et la FCPE) sont les antichambres des partis de gauche et d’extrême gauche.
Quant à l’islamisme, c’est à Maubeuge que Jean-Michel Blanquer devra l’affronter, tant les associations religieuses musulmanes ont pris le relai des services publics défaillants. Le temps collectif est régulé par la religion, et les professeurs finissent par l’accepter au motif de ne pas déscolariser les élèves. Obliger les parents à garantir la présence de leurs enfants à l’école en menaçant de supprimer les allocations familiales, c’est mal, mais accepter un endoctrinement qui va à l’encontre de l’esprit critique normalement enseigné à l’école, c’est acceptable. Bon…
Le voile, problème de civilité dans notre pays
Si Emmanuel Macron semble appuyer son ministre de l’Éducation nationale pendant au moins trois ans et demi, l’appui se fera de plus en plus fragile, d’autant que le ministre en question a refusé de se porter candidat pour des élections législatives là où le président voulait qu’il aille… Mais, au-delà de l’ « affront » que ce président ne saurait concevoir, c’est bien son oscillation permanente qui est en question. Ainsi, il put dire qu’au-delà de la question de la laïcité concernant le port du voile dans l’espace public, il s’agissait d’un problème de civilité dans notre pays, c’est-à-dire du rapport des hommes et des femmes en France. C’est-à-dire d’une question de culture, voire de civilisation. Sauf qu’il finit, un peu plus tard, par oublier complètement cette civilité pour estimer que… finalement, le président n’a pas à gérer cette question-là. Bref, la belle entente se fissure, encouragée par des ministres à la loyauté discutable, ou qui renâclent à financer, ou encore qui ne veulent pas déconfiner trop vite. Car c’est le temps du Covid où la pugnacité du ministre chargé des écoles, pour que celles-ci ne soient fermées que très peu de temps ou partiellement, agace. La déscolarisation lui semblant, à juste titre, destructrice, il fera de telle sorte que la France arrive en 2ème position avec seulement 12 semaines de fermeture. Numéro 1, la Suisse, avec six semaines.
Des thèmes fondamentaux sont abordés dans cet ouvrage : l’État de droit inversé, la réinscription de la démocratie dans le temps long, le suicide de l’Europe, le non-renoncement… Par ailleurs, Jean-Michel Blanquer explicitera le titre de son ouvrage en mettant en cause le fonctionnement de l’Élysée avec celui qui règne dans l’ombre sans jamais avoir été élu : Alexis Kohler. D’autre part, quelques portraits de collègues viennent agrémenter ce livre d’un grand sérieux mais pas austère, dont le plus gratiné est sans aucun doute celui de François Bayrou. Pas d’ironie méchante chez l’ancien ministre, plutôt un coup d’œil psychologique acéré ; sans compter que ces descriptions sont contrebalancées par celles d’amis chers comme Edgar Morin et Jacques Julliard.
Enfin, la construction de l’ouvrage laisse souvent place à des passages concernant son passé, ses voyages ; sortes d’interludes qui nous emmènent ailleurs tout en éclairant le chemin parcouru.
Pour conclure, je me permettrai juste de revenir sur deux sujets ; celui de l’attitude de l’administration à l’égard de Samuel Paty qui n’est pas ici remise en cause. Seule l’absence de protection rapprochée, et qui aurait empêché la tragédie, est déplorée. Par ailleurs, le lobby LGBT, dont le ministre d’alors regrette les pressions, a fini par s’imposer à l’école sous prétexte d’éducation sexuelle et ce, sous sa propre tutelle. N’en reste pas moins qu’au terme de cette lecture, on en sait beaucoup plus sur le travail effectué, sur un homme d’une constance que l’époque aime caricaturer en psychorigidité, et sur la capacité à rebondir pour qui avait un projet à long terme et à qui on a coupé l’herbe sous le pied.
Selon le député et président du Parti socialiste belge Paul Magnette, « tous les hommes contribuent à entretenir des comportements dont le viol est la forme extrème». Réagissant à l’affaire Pélicot dans Le Monde, cet infatigable défenseur de nos amies les femmes appelle à «épurer notre corpus de règles, notre langage et nos modes de pensée des biais de notre culture patriarcale»... Une compatriote lui répond.
DR.
Monsieur l’ex-Ministre-Président et ex-Bourgmestre, pas encore tout à fait remis du double échec du PS en Belgique, vous tartinez dans le quotidien Le Monde1, empoignant la tragédie de Gisèle Pélicot pour nous faire part de votre féminisme de salon. Seulement voilà, Paul Magnette, on s’en fiche de vos états d’âme de quinquagénaire en pleine crise existentielle ! Quoique vous en disiez, votre parti s’est « fracassé » sur la vague bleue à tous les niveaux de pouvoir. Et comme vos prédécesseurs de gauche, vous instrumentalisez les victimes et leurs souffrances pour racoler comme dans un bar. Qui sait, peut-être l’une ou l’autre électrice soucieuse de « déconstruire la virilité toxique » vous accordera-t-elle ses suffrages aux prochaines élections ?
Dédaignant votre habituel « Padamalgam ! », vous affirmez donc que tous les hommes sont des violeurs en puissance. Eh bien non, cent fois non ! Certes, il existe des hommes éduqués au suprémacisme mâle et des cultures qui réifient les femmes, mais ce n’est pas, ou pas encore, la norme sous nos cieux. Il y a des hommes, et il y en a même beaucoup, qui se régalent du jeu subtil et délicat de la séduction. Toutes les forteresses ne tombent pas forcément sous les coups de bélier ; il en existe qui abaissent spontanément le pont-levis et savourent le chevalier courtois pénétrant les douves. Ca dépend surtout du conquérant.
Peu nous chaut votre égalitarisme ménager ou institutionnel. L’égalité ! La vertueuse ambition des revanchards ! Mais on s’en fout que vous passiez l’aspirateur ! On ne veut pas être votre égal et moins encore votre semblable. On ne veut pas d’un législateur qui impose la mixité dans toutes les institutions – excepté celle du mariage ! – et qui contrôle nos foyers pour savoir qui fait la vaisselle. Non, on veut simplement vivre et travailler comme des femmes, à notre rythme et selon notre humeur. On veut sortir en ville seule, sans chaperon et sans que des barbares nous tombent dessus. On veut baguenauder en mini-jupe et talons aiguille sans essuyer le regard courroucé de femmes voilées ou menaçant des barbus. On veut les abuseurs, les détraqués, les violeurs, les polygames et les pédophiles en tôle, sans que la mansuétude de votre magistrature les relâche dans le circuit pour un oui ou pour un non.
Mais n’est-ce pas votre bonne ville de Charleroi, où le PS est aux manettes depuis les années 70, qui est devenue un coupe-gorge où il ne fait pas bon être une femme, et moins encore une jeune fille ?2 N’est-ce pas votre parti qui propulse aux plus hautes fonctions des issus de la diversité qui sont peut-être des chances électorales mais rarement des chances pour les femmes ?
Il ne vous restera bientôt plus que la solution de votre acolyte, socialiste depuis le biberon et bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux ; afin de préserver les femmes de sa charmante commune, elle se propose de créer des maisons de quartier réservées aux filles3. En français, cela s’appelle un gynécée.
Est-ce de cette façon que le Parti socialiste que vous présidez défendra dorénavant la condition féminine qui semble vous tenir tant à cœur dans les pages du Monde ?
Le socialisme n’est pas l’allié des femmes. Il leur a longtemps refusé le droit de vote et se refuse aujourd’hui à assurer leur sécurité. Votre posture de mâle en questionnement, taraudé par un étrange remord au vu des turpitudes d’inconnus en Avignon, peine à masquer votre coupable désinvolture face à ce qui est le premier droit des femmes : vivre libre, en toute sécurité.
Fugue helvétique. L’ancien ministre de l’Économie et des Finances entame une nouvelle vie de professeur sur les rives du lac Léman.
Bruno Le Maire, qui fut sept ans le très brillant argentier de France qu’on sait, a trouvé un nouveau job à la mesure de ses immenses talents. En Suisse. Là où la monnaie et l’économie n’ont pas encore eu à subir les affres de l’expertise lemairienne en ces domaines. Heureuse contrée. Il y dispensera deux jours par semaines des cours au sein du très réputé Center Enterprise for Society, une émanation de l’école polytechnique fédérale de Lausanne et de l’International Institute for Management developpement. C’est beaucoup d’intitulés en anglais. J’ignorais que cet idiome fût une des langues officielles de la Confédération, mais la mondialisation étant vraisemblablement au programme des études, mieux vaut montrer d’emblée les bons signes d’allégeance et de soumission. Ainsi, on ne sera pas surpris de constater la direction que prendront ces élites une fois sorties de tels moules.
Donc, notre Pic de la Mirandole des finances publiques passe en Suisse. Une fois encore force est de constater chez nos politiciens de haut rang, plutôt estampillés centre-droit ou centre-gauche – ceux-là mêmes que je me permets de qualifier de Têtes Molles – une tendance lourde à aller se faire voir ailleurs une fois qu’ils ont épuisé chez nous, au service de la France, leurs capacités diverses et variées, y compris celles de nuisance. M. De Villepin dispenserait ainsi sa science au Qatar et probablement en des territoires circonvoisins tout aussi démocratiques, alors que M. Raffarin, en ardent thuriféraire du « en même temps » macronien, donc du centre, du milieu, s’en est allé dispenser sa sagacité sans frontières dans l’Empire du Milieu, justement.
Tout se passe comme si, pour ces gens, la France – leur pays, leur patrie (mais connaissent-ils encore le sens de ce mot ?) n’était plus assez bien pour eux. Comme si la France et ses citoyens – qu’ils considèrent probablement comme indécrottables, irrécupérables – ne méritaient pas que leur prodigieuse intelligence s’attardât plus longtemps à leur service. La décence, la dignité, ne figurant pas davantage que le mot patrie dans leur abécédaire personnel, on aura compris qu’il serait vain d’en appeler à ces vertus pour espérer les entendre exprimer un soupçon de regret, de repentir.
J’ai d’abord cru que M. Le Maire s’expatriait en Helvétie pour éclairer de sa lanterne des étudiants en littérature. Qu’il allait là-bas animer des ateliers d’écriture érotique. On sait qu’au ministère, entre deux sales coups de génie à un pognon de dingue, il aimait à s’encanailler du côté de ce genre littéraire, ainsi qu’on a pu s’en rendre compte avec son récent roman Fugue américaine.
Vérification faite, il n’en est rien. Sa Sommité donnera des cours de géopolitique et de politique publique, cela en raison, justifient ses nouveaux employeurs « de son expertise liée à la décarbonisation et aux énergies propres ». Me voilà rassuré, moi qui – sans doute à tort – accorde plus un plus grand intérêt à l’art littéraire qu’à la décarbonisation. Quitte à ce qu’il fasse école là-bas, autant que ce soit dans ces domaines plutôt que dans la maîtrise du style. Les étudiants outre-alpins auront au moins échappé à cela.
Ces derniers mois, la popularité de Kylian Mbappé est en chute libre. Après des propos polémiques lors de la mort de Nahel Merzouk en 2023, son inélégance lors de son départ du PSG, le joueur se retrouve au centre d’une affaire de viol présumé en Suède. Le Parisien explique que Stockholm est devenu un lieu de fête privilégié pour les sportifs du monde entier, lesquels sont nombreux à fantasmer sur les grandes blondes… Mbappé était dans la capitale suédoise alors que l’Équipe de France affrontait Israël à Budapest. Si le crack défraie la chronique, c’est parce que c’est une star du foot, car Mbappé est surtout un homme de son temps…
On ne sait pas, à l’heure actuelle, ce qui s’est vraiment passé à Stockholm et le silence de la justice suédoise, conjugué avec celui de l’avocate de la plaignante et les déclarations un zeste convenues de l’une des avocates de Kylian Mbappé, ne permettent pas de tirer des conclusions univoques sur ce séjour et ses deux nuits festives.
Mais la prudence dont il convient de faire preuve à l’égard de ces péripéties n’interdit pas de considérer que depuis quelque temps Kylian Mbappé semblait, comme on dit, filer un mauvais coton. Que les explications soient sportives ou plus personnelles, il est clair que les derniers mois, qu’il a plus subis que vécus au PSG, la manière dont l’entraîneur espagnol l’a traité, son impatience de rejoindre le club de son cœur, le Real de Madrid, ses prestations moins bonnes aussi bien dans le championnat de France qu’en équipe de France dont il était le capitaine, l’immense émoi médiatique exagéré autour de ses faits et gestes, ses déclarations parfois ridicules, par exemple sur la mort de Nahel, une assurance qui pouvait être prise pour de l’arrogance, ont créé un climat défavorable à son épanouissement sportif et au maintien d’une relation de confiance et d’admiration avec ceux qui le portaient aux nues. D’abord à cause de son génie de footballeur caractérisé par une vitesse exceptionnelle qui, redoutée et entravée, n’avait plus le même impact ces derniers temps.
Une image dégradée
Son départ au Real, malgré le contentieux l’opposant au PSG qui lui devrait 55 millions d’euros, paraissait l’avoir rendu heureux, l’avoir stabilisé. L’équipe et l’entraîneur prestigieux qui l’accueillaient et attendaient beaucoup de lui paraissaient avoir fait preuve de très bonnes dispositions à son égard.
Je ne veux pas me prêter une lucidité rétrospective mais au fil du temps, il m’a semblé voir se dégrader son image. Sa capacité longtemps durable à résister à la mousse narcissique déversée sur lui s’est un jour métamorphosée en une dérive imprégnée de vanité et de la certitude qu’il pouvait tout se permettre. N’incriminer que lui serait injuste.
Quand je compare Kylian Mbappé avec nos autres cracks, Antoine Dupont et Léon Marchand surtout, je perçois une différence capitale entre les entourages. Depuis que tout jeune il a commencé à attirer les convoitises, les parents séparés de Kylian Mbappé paraissent l’avoir fait baigner dans un climat où l’argent domine, à cause du capital qu’il représente, et où ses intérêts financiers sont défendus par des géniteurs négociateurs impitoyables. Quelle énorme différence avec les parents de Léon Marchand et la mère d’Antoine Dupont ! Pour eux, lors de l’éclosion de ces deux champions, le tiroir-caisse n’a pas relégué l’affection et le cœur. Le gratuit a toujours eu sa place. Cela explique les dissemblances entre ces trois jeunes destins, l’adhésion enthousiaste à deux d’entre eux et la réserve de plus en plus vive manifestée à l’égard de Kylian Mbappé et de son environnement.
Un peu de tenue !
Il serait profondément inéquitable de faire reposer l’absence d’une politique de la tenue en France, et dans beaucoup de domaines, sur les seules épaules de Kylian Mbappé dont l’équipée somptuaire à tous points de vue et la destination suédoise surprenante ont mobilisé l’attention médiatique.
En effet, au regard de ce que j’entends par « politique de la tenue », si Kylian Mbappé peut être classé comme une personnalité qui en a manqué, les exemples sont multiples qui montrent que l’exigence de la tenue, à rapprocher de l’obligation de décence, est en chute libre, aussi bien dans les registres de la quotidienneté banale, de la vie politique, que de l’univers médiatique et artistique…
C’est même sans doute, à y regarder de près, l’évolution de notre société sur le plan de la forme, définie comme une manière d’être au monde, de se comporter comme il convient, de parler, de dialoguer avec autrui, de respecter son prochain et de se fixer des limites précisément quand, privilégiés, on croit pouvoir s’en abstenir, qui constitue la dégradation fondamentale de notre communauté d’existence, de notre civilisation.
Faut-il rappeler les transgressions graves de certains députés à l’Assemblée nationale, incapables de saluer leurs collègues d’un autre camp, de faire honneur à ceux qui les ont élus, de tenir des propos structurés sans haine ni outrance et de savoir écouter tranquillement par exemple le Premier ministre quand il s’adresse à tous ? Faut-il rappeler les grossièretés du langage qui, dans le débat démocratique, remplacent la contradiction et l’argumentation par des insultes parce que, faute de savoir répliquer aux idées, on s’efforce de tenir pour moins que rien ceux qui les ont proférées ? Faut-il rappeler la pauvreté de ces débats où la droite parle à la droite et la gauche à la gauche, avec pourtant l’invocation répétitive d’un pluralisme réduit à sa seule dimension partisane ? Faut-il rappeler ces gestes indélicats, choquants, agressifs donnant de la virilité une lamentable image et blessant des féminités qui heureusement ne se laissent plus faire ? Faut-il rappeler ces élèves frappant leur maître, leur professeur, le monde de l’éducation bouleversé dans ses bases ? Faut-il rappeler, dans l’existence de tous les jours, dans les transports, ces femmes enceintes parfois debout, ces personnes âgées contemplant une jeunesse fatiguée assise, cette immense indifférence à l’égard de ce que la politesse nous apprenait hier à respecter, l’âge et l’enfance ? Faut-il rappeler les rapports de force et de violence qui dans nos rues opposent les moyens de mobilité les uns aux autres et aboutissent parfois tragiquement à des crimes ? Faut-il rappeler ce passage au fil des années de l’illégalité à l’immoralité, comme par exemple récemment un établissement pour handicapés dévasté, sans la moindre vergogne, avec ses fauteuils spéciaux très coûteux volés ? Faut-il rappeler la gabegie ostentatoire de quelques-uns face aux conditions de vie difficiles de beaucoup ?
On pourrait me demander en quoi ces exemples que je pourrais multiplier sont à relier avec les épisodes concernant Kylian Mbappé. Parce qu’ils relèvent de ce qu’on devrait d’abord apprendre de ses parents puis à l’école ; et de la Justice s’ils sont transgressifs. Car ces abstentions, indélicatesses, négligences peuvent se traduire au plus haut niveau de gravité par des délits ou des crimes ; la justice n’étant pour moi que la prescription d’une forme suprême de savoir-vivre.
Qu’on ne vienne pas soutenir que la tenue ne serait pas à apprendre à la jeunesse, comme si on pouvait tout lui passer. Puisqu’elle a tout l’avenir devant elle. C’est absolument le contraire. Si le socle est défaillant, tout se délitera. Il n’y a aucune raison de laisser croire que la jeunesse serait indigne de ce qui rend le fil des jours droit, moral et élégant.
Se tenir pour soi et pour une société, quelle splendide et nécessaire obligation !
Le Danube n’est pas forcément beau et bleu. Singulièrement l’été, dans un patelin paumé qu’on n’atteint qu’en rafiot, et dont les ruelles pas même goudronnées s’achèvent en cul-de-sac sur le delta du fleuve. D’où le titre, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, troisième long métrage de l’acteur et cinéaste Emanuel Pârvu, 45 ans. Le film était en compétition à Cannes.
Adi, beau brun bouclé de 17 ans, vit chez ses parents dans une modeste maison du village. Le prologue nous suggère que le couple est endetté vis-à-vis d’un certain Zentov, dont on comprendra, au fil du récit, que le notable véreux du coin a des connexions haut placées à Tulcea, le chef-lieu portuaire de cette région septentrionale du pays, quasi frontalier avec l’Ukraine…
L’amorce du film nous montre Adi, cheminant la nuit de conserve avec un compagnon de son âge, venu de Bucarest en touriste : celui-ci lui lèche gentiment sa main, qu’une piqûre de ronce, semble-t-il, a fait saigner. Cut. La séquence suivante nous découvre le même Adi, mais cette fois le visage méchamment amoché, le corps tuméfié, en train de se voir examiné par le médecin du dispensaire local, en présence de ses parents et d’un officier de police en tenue. Pourquoi cette agression sauvage ? Quel en est le mobile ? Qui en sont les auteurs ? Adi a perdu connaissance; il n’a rien vu dans l’obscurité. Commence l’enquête, dans le microcosme de ces confins ruraux où tout se sait – et tout se dissimule.
Pas un film-dossier
C’est avec un sens consommé de l’ellipse et de la litote qu’Emanuel Pârvu assemble les pièces du drame, sans l’appoint de la moindre musique, avec cette sobriété, cette grande intelligence du rythme, du dialogue et de ses silences, toutes choses propres au nouveau cinéma roumain dont Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours ; Au-delà des collines ; RMN… ) demeure le champion. Les conciliabules entre les protagonistes dévoilent de proche en proche les enjeux souterrains d’une société archaïque, minée par les préjugés, la corruption et la peur, sur fond de bêtise incommensurable – probables séquelles de la dictature communiste de Ceausescu qui tint durablement la Roumanie, comme l’on sait, dans un état d’arriération mentale sans exemple en Europe.
Esquivant avec adresse l’écueil du film-dossier sur la-répression-de-l’homosexualité en milieu rural attardé, Trois kilomètres avant la fin du monde pénètre au premier chef l’entrelac des égoïsmes, des petits intérêts, des collusions qui font qu’« on doit se serrer les coudes », comme le susurre Zentov au géniteur d’Adi pour empêcher que cette sordide affaire, où ses deux crétins de fils sont impliqués, ne remonte jusqu’à Bucarest et ne fasse des vagues. Quitte à alerter une relation, par un coup de fil passé à bon escient, en sorte que l’enquêtrice diligentée par la justice (laquelle, au fil des interrogatoires, a parfaitement identifié l’omerta) soit opportunément rappelée fissa en d’autres lieux : « si on apprend qu’il y a des pédales ici, imagine ce que ça va donner », lâche encore en aparté le veule argousin, craignant surtout pour son dossier de demande de retraite anticipée. Sollicité quant à lui par les pieux parents d’Adi, le prêtre orthodoxe de la paroisse s’est assuré de l’autorisation du Très–Haut (sa rhétorique imparable vaut d’ailleurs quelques fort savoureuses répliques) pour exorciser le mal qui ronge l’adolescent, fût-ce en l’entravant de force avec l’aide de papa et maman. D’où une scène hallucinante dont on vous réservera la primeur. Avec beaucoup de subtilité, les dialogues rendent compte des subterfuges et des atermoiements dans lesquels s’envasent les comparses pris au piège de leur funeste logique, mais aussi l’étau moral qui se resserre sur Adi, placé en holocauste face à la monstruosité de ses géniteurs, et qui ne gardera foi qu’en son amie de cœur, Ilica… Avant de prendre le large.
Pas moralisateur
Il est devenu rare, par les temps qui courent, de voir à l’écran des œuvres qui ne soient pas formatées pour la défense des bonnes causes (les femmes, les minorités, les diversités en tous genres). Avec une remarquable économie de moyens, Emanuel Pârvu tient un tout autre discours : celui qui, fût-ce en affrontant la morale publique, revendique l’irrévocable singularité du corps désirant.
Trois kilomètres avant la fin du monde. Film d’Emanuel Pârvu. Avec Bogdan Dumitriache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu… Durée : 1h45. En salles le 23 octobre 2023
Le désenchantement du destin français ouvre l’espace public aux revendications identitaires que le principe de laïcité peine à endiguer. Analyse.
Consacré par l’article 1er de la Constitution, le principe de laïcité est inscrit en filigrane à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il trouve ses premières expressions législatives en 1882 et 1886 sur l’enseignement primaire, et passe à la postérité avec la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Elle institue un régime de neutralité dont l’acception est offerte à la controverse alors même qu’elle consiste moins en la neutralité religieuse de l’Etat qu’à une neutralisation des religions dans la sphère publique (Ph. Raynaud, La Laïcité. Histoire d’une singularité française, Gallimard, 2019). L’enquête d’opinion sur « l’état des lieux de la laïcité en France » réalisée en 2020 par l’institut Viavoice, montre que la laïcité constitue pour les Français un principe républicain essentiel (70%) qui fait partie de l’identité de la France (78%). Cependant, les jeunes adultes adoptent dans leur majorité une conception favorable à l’expression publique des identités religieuses (sondage d’opinion réalisé du 14 au 16 juin 2023 par l’institut Kantar-Sofres), et 78% des musulmans considèrent que la laïcité française est islamophobe (sondage Ifop du 7 décembre 2023). Le principe de laïcité signe donc une singularité française, dont la fortune est en déclin malgré la réaffirmation périodique du principe. Il subit l’offensive multiculturaliste et ne peut, seul, résister au défi lancé à notre modèle civilisationnel.
L’offensive multiculturaliste
La crise de la transmission (Jean-Paul Brighelli, La fabrique du crétin. L’apocalypse scolaire, L’Archipel 2022) s’inscrit dans le contexte de l’envahissement de l’espace public par les dictats religieux qui ciblent particulièrement l’école. L’affaire bien connue des collégiennes de Creil en 1989 fait penser à cette fable de La Fontaine Conseil tenu par les rats: « Ne faut-il que délibérer, La Cour en conseillers foisonne, Est-il besoin d’exécuter, L’on ne rencontre plus personne »…
Aux termes de leur manifeste : « Profs ne capitulons pas ! », Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Elisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler dénonçaient déjà un « Munich de l’école républicaine ». Ils identifient dans le voilement des femmes le signe de leur soumission et refusent la mise en balance du principe de laïcité avec la liberté d’expression des élèves. Pénétrer dans les établissements scolaires avec ses certitudes, croyances familiales en bandoulière, et insanités véhiculées par les réseaux sociaux oppose une fin de non-recevoir à la transmission des savoirs. La loi 15 mars 2004 interdit le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, codifiée à l’article L141-5-1 du Code de l’éducation. Cette loi, qui anéantit la jurisprudence Kherouaa et la circulaire Jospin du 12 décembre 1989, est intervenue à la suite du rapport Obin, et des préconisations de la commission Stasi, dont les membres se sont convertis à la nécessité de l’interdiction au fil des auditions, à l’exception de Jean Baubérot. L’auteur des 7 laïcités françaises (Maison des sciences et de l’Homme, 2015) regrette le glissement de la neutralité de l’Etat vers la neutralité imposée à la société civile, au motif que la loi de 1905 n’établirait pas de distinction entre les espaces publics et privés. Prétendument importée de cultures dites d’origines, la « vêture » religieuse des laïques dans l’enceinte scolaire fait montre d’un art consommé de la provocation qui dégénère en violence et intimidation, au point qu’une élève du lycée Sévigné de Tourcoing, gifla le 7 octobre 2024, une professeure qui lui intimait l’ordre d’ôter son voile, et que le proviseur de lycée Maurice Ravel à Paris fut, quant à lui, menacé de mort (« Faut le brûler vif, ce chien »), pour le même motif.
Numéro 123 de « Causeur »
La question des accompagnateurs scolaires s’est à nouveau posée au moment de l’adoption de la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 qui confirme, malgré la position du Sénat, le statu quo ante, défini par le Conseil d’Etat. Si les parents accompagnateurs sont des usagers, la loi de 2004, circonscrit l’interdiction aux seuls élèves, et ne s’applique donc pas aux parents.
La loi du 11 octobre 2010 dispose que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ».
Fille aînée de la liberté, la laïcité émancipe les esprits de l’endoctrinement ; sœur jumelle de l’égalité, elle affranchit le corps des femmes de l’embrigadement. Dorine contre Tartuffe en quelque sorte. Tartuffe : Couvrez ce sein que je ne saurais voir : Par de pareille objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. Dorine : Vous êtes donc bien tendre à la tentation, Et la chair sur vos sens fait grande impression !
Ce féminisme qui défend le port du voile islamique
Les « écoféministes » luttent contre le « patriarcat blanc », défendent en France la liberté des femmes de porter le voile, et détournent le regard de l’oppression intracommunautaire. L’ambivalence de ce cénacle d’idéologues hybrides devant le courage des femmes iraniennes est consternante. Considèrent-ils l’interdiction d’ici et l’obligation de là-bas comme équivalentes, pour juger que les Françaises et les Iraniennes subissent la même oppression ?! Femmes de Paris, femmes de Téhéran ou de Kaboul, même combat ! Guerre des sexes et guerre des races contre l’universalisme, jusque et y compris, pour les plus radicaux, sur la question de l’excision assimilée à une circoncision féminine ! (Fatiha Agag-Boudjahlat, Le grand détournement, Lexio 2019). La propagande wokiste emporte tout dans un maelström d’impostures morales et de terrorisme intellectuel (Jean-François Braunstein, La religion woke, Grasset 2022). La recherche en sciences sociales et humaines est phagocytée par le militantisme académique (Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la recherche, Tracts Gallimard, n°29 mai 2021), autant que le « frérisme d’atmosphère » œuvre à rendre la société « charia compatible » (Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, Odile Jacob, 2023).
Statuant pour la première fois sur requête du nouveau déféré-laïcité, instauré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Conseil d’Etat a confirmé la suspension du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble autorisant le port du « burkini ». Il estime à juste titre que la dérogation très ciblée apportée, pour satisfaire une revendication religieuse, aux règles de droit commun de port de tenues de bain près du corps édictées pour un motif d’hygiène et de sécurité, est de nature à affecter le bon fonctionnement du service public et l’égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics (CE ord. 21 juin 2022). Mais, l’ordonnance doit également être lue comme la confirmation d’une jurisprudence favorable aux aménagements pour un motif religieux à condition qu’ils ne soient pas excessifs… De même, la haute juridiction, en rejetant le recours des « hijabeuses », a jugé que l’interdiction du « port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, religieuse ou syndicale » prévue par les statuts de la FFF, pouvait légalement être prise puisqu’elle est limitée aux temps et lieux des matchs de football et qu’elle apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment les affrontements ou confrontations sans lien avec le sport. La mesure est donc adaptée et proportionnée (CE 29 juin 2023). Ces pressions revendicatrices interrogent sur le défi lancé à notre modèle civilisationnel.
Le défi civilisationnel
Au XVIIIème siècle, l’exécution du chevalier de la Barre et l’affaire Calas, ouvraient un front contre le fanatisme religieux. Voltaire rendait un réquisitoire contre les superstitions qui colonisent les religions (Traité sur la tolérance, 1763). Désormais, la diffusion du salafisme dans la société civile arme idéologiquement les bourreaux d’une nouvelle ère.
L’écrivain américain, né au Canada, prix Nobel de littérature en1976, Saul Bellow écrit : « Peu de choses sont plus agréables, plus civilisées qu’une terrasse tranquille au crépuscule ». Il baptisait Paris, « ville sainte de la laïcité ». C’est elle qui a été frappée par les attentats du 13 novembre ; le Paris des terrasses de café et des salles de concert. Le principe de laïcité est à un poste avancé. Son abaissement fragilise la liberté d’expression et l’égalité des sexes, et installe « l’insécurité culturelle » (Laurent Bouvet, L’insécurité culturelle. Sortir du malaise identitaire français, Fayard, 2015). Comme un système de vases communicants, à mesure que se réduit le champ de ces droits et principes, s’étend celui de l’intégrisme islamiste qui resserre son étreinte, tel un serpent autour de sa proie. Il impose ses dogmes : l’antisémitisme ; désigne ses cibles : la haine de l’Occident (judéo-chrétien) et de la République (laïque).
Parce qu’ils étaient enseignants, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, Dominique Bernard, professeur de français, ont été assassinés. Ces attentats perpétrés pour le premier le 16 octobre 2020 devant le collège de Conflans-Sainte-Honorine, et pour le second dans l’enceinte du lycée Gambetta à Arras le 13 octobre 2023, rappellent la guerre asymétrique livrée contre la liberté d’expression qui, frappant les humanités en plein cœur, visent à réduire au silence et à anéantir le modèle culturel que l’école est censée transmettre.
La laïcité témoigne d’un processus à l’œuvre qui travaille notre inconscient collectif. Cette singularité française est toutefois en péril, particulièrement à l’école devenue une cible, où la contestation se propage, jusqu’au contenu des enseignements, et par l’autocensure des professeurs confrontés la veulerie administrative du « pas de vague ». Face à la recrudescence des tenues islamiques avec l’apparition des abayas et l’incitation à la prière dans les établissements, le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal, après les tergiversations de son prédécesseur, a par la note de service du 27 août 2023 interdit ce type de tenues vestimentaires dans les établissements scolaires publics. Le Conseil d’Etat a par deux ordonnances, rejeté les requêtes en référé liberté et en référé suspension en considérant pour la première, que l’interdiction ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale (CE réf. 7 sept. 2023), et pour la seconde, en raison de l’absence de doute sérieux quant à sa légalité (CE réf. 25 sept. 2023). Statuant au fond par un seul et même arrêt, il confirme la légalité de l’interdiction de l’abaya dans ces enceintes (CE 27 sept. 2024).
La réaffirmation périodique du principe de laïcité n’aura pas l’effet escompté sans une maîtrise de l’immigration : « On peut intégrer des individus […] On n’intègre pas des peuples, avec leur passé, leurs traditions…» (Ch. de Gaulle, Propos rapportés par Alain Peyrefitte dans “C’était De Gaulle” éditions de Fallois, Fayard, 1994, tome 1 page 56). Attribut de la souveraineté, la politique migratoire doit être définie en fonction des capacités d’accueil (travail, logement…) et des facultés d’assimilation de la langue et du système de valeurs. Le Danemark et la Suède, pour les pays scandinaves rompus au consensualisme politique, ont su dresser le diagnostic et trouver leurs remèdes. La France serait bien inspirée, plutôt que de sombrer dans le palliatif, d’expérimenter sa propre méthode prophylactique et curative pour enfin offrir ce qu’elle a de meilleur à qui pourra en suivre le destin dans sa continuité historique. Le Général de Gaulle débute ces mémoires d’espoirs (Le renouveau 1958-1962) par cette formule restée célèbre « la France vient du fond des âges… Elle demeure elle-même le long du temps… Aussi l’Etat, qui répond de la France, est-il en charge, à la fois de son héritage d’hier, de ses intérêts d’aujourd’hui et de ses espoirs de demain ». Le principe de laïcité participe de ce mouvement que les chantres de la société inclusive abhorrent.