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Sax, danse et encre de Chine

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


À Amiens, il est célèbre dans les milieux artistiques et underground. Lorsqu’on évoque le nom de Jean Detrémont aux habitués de La Briqueterie et/ou de La Maison du Colonel, leurs yeux s’allument de plaisir. On les comprend. Jean est un poète délicat, dadaïste et inspiré comme un merle anarchiste sur une barricade de 1870, rue de Vaugirard. Ses mots se suivent, se retournent, se mordent, s’enfuient en riant et en laissant derrière eux une pluie de confettis poétiques, doux comme le crépon sur la peau tendre d’une rousse vingtenaire.

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Il y a du Tristan Tzara, du Picabia, du Ribemont-Dessaignes et du Restif de La Bretonne dans les poèmes du sieur Detrémont. Mêmes influences et mêmes atmosphères dans ses dessins réalisés à l’encre de Chine et aux pinceaux moyens ; c’est délicat, frais, élancé comme des corps de femmes qui dansent, s’élèvent comme pour caresser les poils nuageux et duveteux du ventre du ciel (Les coquines !) On dirait des souffles ; oui, des souffles. Comme les souffles qu’il nous donne à entendre lorsqu’il improvise avec son saxophone soprano, cette manière de clarinette dont le bois aurait rouillé pour se transformer en cuivre. Jean est bon en tout : en poèmes, en dessins et en saxophone. Il est bon car il est libre. Nous nous connaissons depuis des années, lui et moi. Nous nous sommes rencontrés au cœur des années 1990, à la Lune des Pirates, à la faveur d’un concert improbable. Nous avons découvert que nous avions des amis en commun : l’écrivain et homme de radio Roger Vrigny, et le romancier, poète et confesseur – à la radio – de Paul Léautaud, Robert Mallet. Deux hommes exquis, talentueux ; ils nous manquent. Tout cela rapproche. Alors, il y a peu, quand j’ai appris que Jean organisait une exposition jusqu’au 11 avril, de dix-neuf de ses dessins à l’encre de Chine, au café Côté Jardin, à la Maison de la culture – la MACU – (« Moi, je ne dis pas Côté Jardin, mais Macubar ; ça fait plus Simenon », sourit-il), j’en attrapé la main aux ongles vernis de rose de ma Sauvageonne pour l’entraîner vers l’événement. Notre homme était là, devant ses œuvres. Il y avait du monde. Nous avons observé les dessins un par un ; ma Sauvageonne, comme la plupart des visiteurs, y voyait des corps de danseuses élancées. J’étais d’accord, sauf pour un où j’ai cru apercevoir une chèvre. Ma Sauvageonne l’a répété à Jean qui a ri aux éclats. « En fait, je ne fais aucune interprétation précise », m’a-t-il avoué. « Je rédige mes poèmes avant de dessiner. » C’est un peu ce qu’a fait l’écrivain et poète Sylvie Payet qui a bien observé, un par un, les fameux dessins et a écrit un poème de dix-neuf vers. (Un vers par dessin.) On pouvait le lire sur place ainsi que d’autres poèmes de Detrémont 1er, prince des créateurs. Des dessins, il en a fait cinq ou six mille, « mais seuls cinq cents sont exploitables », reconnaît-il. « Je ne leur donne pas de titre car je n’aime pas les cadres. Je ne vois rien dans mes œuvres. » Il ne voit peut-être rien dans ses dessins, cela ne l’empêche pas d’avoir du souffle. Soudain, il a attrapé son saxophone ; Marie-Laure Duplessis et Mouhcine se sont mis à danser sur le fil cuivré de l’instrument de Jean. C’était beau, superbe, magnifique, magique. Les formes gracieuses et sombres de Marie-Laure et de Mouhcine, portées par les effets de lumière. Ma Sauvageonne et moi étions ailleurs, ballottés par les petits cris de l’alto comme dans les entrailles d’un hippopotame volant, fascinés par les ombres des danseurs comme un Cendrars émerveillé par les danseuses du Brésil. Ma sauvageonne était tellement bousculée qu’elle en a perdu ses clés de voitures. On les a retrouvées le lendemain, comme par miracle. On n’a rien compris. Mais est-il nécessaire de tout comprendre pour être heureux ?

Les multiples solitudes

À l’occasion de la sortie en mars du recueil, Le goût de la solitude, textes choisis et présentés par Alexandre Maujean au Mercure de France, Monsieur Nostalgie nous parle de cet état qui va de l’enfermement à la béatitude…


« Français » et « solitude » sont des mots qui vont bien ensemble. Le Français traîne avec lui depuis un bon siècle et demi, une tentation intime de l’exfiltration monastique. Il y a en lui, la volonté du départ, pas très loin, en périphérie, hors la ville, ce n’est pas un grand explorateur, il rêve à un barbecue et à une partie de pêche, loin des emmerdements et des oukases. La maison individuelle ou la résidence secondaire sont les buts d’une vie pleinement réussie pour tous nos compatriotes. Le Français a le désir puissant de quitter le groupe, l’entreprise, l’association, ne parlons pas du parti politique, il le déserte depuis trente ans. Un billet de loto et il s’en irait, loin des ordres et des contre-ordres, de la férule administrative et des jalousies de bureau, en roue libre pour voir ce que ça fait d’être sans fil à la patte. Autonome. Sans compte à rendre. Le Français est un traînard à la manière de Jean-Pierre Marielle. Il révèle sa profonde nature dans le déport, ce léger désaxage provient certainement d’une culture égalitariste qui l’opprime depuis l’école. La France aime les sillons et déteste les têtes qui dépassent. Dans un pays qui a longtemps eu des velléités d’absorption et d’annihilation de l’individu au profit de la sainte République, il n’a rechigné « au vivre ensemble » qu’au prix d’intimidations et du cadenassage des idées. S’il n’avait tenu qu’à lui, il serait retourné dans sa province et aurait vécu comme ces nobliaux désargentés qui pataugent dans la gadoue du matin au soir et observent le délabrement de leur toiture en se lamentant.

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Le Français n’est cependant pas un animal triste, il peut, en de rares occasions, jouir de la compagnie de ses congénères, lors d’un repas de famille et d’une sarabande sportive ; mais très vite, il reviendra à l’état de solitude. Son état premier. Quand le grand âge l’atteint, il s’accroche à son lopin de terre, à son petit appartement, à ses habitudes, à ses fantaisies ménagères car personne ne veut terminer son existence dans ces colonies lugubres avec d’autres Hommes de sa classe, ça lui rappellerait trop le service militaire. L’obligation de partager son quotidien avec d’autres inconnus, tout en se faisant dépouiller de sa maigre épargne, sont les sévices que nos aînés pourtant endurent. Le Français est aussi un être particulièrement versatile, enfermé dans la nasse sociale, il aura le désir de s’échapper et s’il lui venait d’être seul, vraiment seul, de souffrir alors de l’isolement et du manque d’attention, il supplierait pour une rencontre même facturée. Pour nous éclairer sur ce vaste champ, Alexandre Maujean a très habilement réuni des textes d’auteurs majeurs (Thoreau, Balzac, Roth, Kafka, Stevenson, etc…) autour de cinq grandes thématiques : retour à la nature, à l’isolement, exil intérieur, enfin seul et seul contre tous. Car la solitude est mouvante, instable, elle revêt à la fois des notions négatives et mortifères, mais également elle est soupape de sécurité, régénératrice du « moi ». Chaque écrivain la pare, selon son état d’humeur, de tous les vices ou de toutes les réjouissances. Pour Olivier de Kersauson, elle est constitutive de notre identité : « La solitude est le seul moment réel de notre vie ». Elle nous ancre et nous porte. « Même le voyage amoureux est un voyage solitaire » écrit-il. Thoreau ne dit pas autre chose, dans sa cabane du Massachusetts où il résidera deux années : « J’ai tout à moi seul mon horizon borné par les bois […] J’ai, pour ainsi dire, mon soleil, ma lune et mes étoiles, et un petit univers à moi seul ». Chez Dino Buzzati, la solitude se fait espoir pour le lieutenant Drogo affecté au fort Bastiani à la frontière du Royaume du Nord, longue attente en vue d’une hypothétique bataille : « Au fond, une simple bataille lui eût suffi, une seule bataille, mais sérieuse ; charger en grande tenue et pouvoir sourire en se précipitant vers les visages fermés des ennemis ». Du côté de Rutebeuf, la solitude est synonyme d’infortune plaintive : « L’amitié est morte : ce sont amis que vent emporte ». Et puis, il y a la solitude du Feu Follet, le recueil reprend le dialogue de Drieu la Rochelle entre Alain et Minou qui sortent du bar et marchent dans la rue. Alain avoue : « Ma vie, ce n’est que des moments perdus ».

Le goût de la solitude – Collection la petite mercure – Mercure de France 128 pages.

Le goût de la solitude

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Patrick Besson : pas de quartier !

L’écrivain publie deux livres : Quel est le con un recueil de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille, un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d’humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C’est du lourd, ça dépote : du grand Besson !


Deux livres en à peine deux mois ; voilà ce que propose Patrick Besson. Et c’est du lourd ! Le premier, Quel est le con, est un recueil de certaines de ses chroniques parues dans Le Point ; le second, Presque tout Corneille, n’est rien d’autre qu’un thriller bien barré, directement inspiré par l’esprit des tragédies classiques, et notamment par le père du Cid. On se régale ; on rigole ; on s’indigne ; on en redemande.

Grève du sexe

Quel est le con. On l’interroge sur le pourquoi de ce titre provocateur ; il ironise, incisif : « Quel est le con, qui a écrit ce livre ? Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations. » Est-il nécessaire de préciser qu’il tape fort, très fort ?

Le recueil part sur les chapeaux de roues avec « Adaptations ». Cinq minifictions dans lesquelles il brocarde le wokisme et la bien-pensance. Aragon et son Aurélien, nouvelle version : Aurélienne, grand reporter de retour de Bosnie rencontre Bernard, un provincial paumé. Coup de foudre. La femme d’Aurélienne file à Paris pour récupérer son épouse. Elle tombe amoureuse d’un unijambiste, (il a perdu sa jambe à Lesbos dans une charge de la police grecque alors qu’il tentait de se sauver d’un camp de migrants.) « Peu après, Aurélienne décédera dans un accident de la route provoqué par un camionneur RN dont les parents étaient communistes. »

Le ton est donné. Et Patrick Besson d’adapter Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, Crime et Châtiment, de Dostoïevski, Le Diable au corps, de Radiguet, et Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Nous laisserons le lecteur découvrir les étonnantes et déroutantes transformations des héros.

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Avec la chronique « Guerre des hommes », on rit jaune quand il décrit la haine des ultra-féministes à l’endroit de nous, les mecs. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement juste, tellement bien vu. Besson rappelle que « l’histoire nous apprend que la calomnie précède et annonce le crime ». Il se souvient que sans les pamphlets rédigés avant la Révolution contre l’Autrichienne, on n’aurait peut-être pas coupé la tête de Marie-Antoinette. Puisqu’on est des bons à rien et qu’on fait tout de travers, sage, il propose comme mesure de rétorsion la grève du sexe : « Plus aucun de nos pénis ne se dressera pour un membre du sexe féminin. » Na !

Dans « Miss France 2050 », il brosse le portrait de l’heureuse élue, Marie-Josette, ex-Miss Seine-Saint-Denis « dans le cadre de la diversité à la culture » ; elle est hautement intelligente et brillante, a notamment été élève de l’École normale supérieure ; elle est titulaire d’une double agrégation – grammaire et mathématiques –, a repris les études, puis s’est spécialisée dans la chirurgie du cerveau. Miss France 2050, âgée de 73 ans, pèse 119 kilos et mesure 1,49 mètre.

Avec « Brasillach dans la poche », il se demande pourquoi l’écrivain collabo ne figure plus en librairie alors que « Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau y sont encore ». Dans « Faim de carrière », il évoque l’inénarrable Jack Lang qui, malgré qu’il ait dépassé de vingt-deux ans l’âge de la retraite, continue de travailler, « car il y a toujours des imprévus dans l’existence ». Que pense Patrick Besson du personnage ? « Il me fait rire, c’est déjà pas mal ! »

Décapité à la hache

Presque tout sur Corneille révolutionne le genre du thriller. Pas de chapitres, mais de courts textes – parfois des dialogues uppercuts – qui font avancer la narration et l’intrigue à la vitesse de la lumière. C’est prodigieusement nerveux et intelligent. Une fois encore, on rit beaucoup (l’humour de Besson n’est plus à prouver). Le décor est planté en Corse. Il y raconte les pérégrinations d’un homme qui veut retrouver son honneur en se vengeant de son ancien employeur qui l’a viré. Sa technique ? Battre l’ex-patron dans toutes les disciplines afin de l’humilier. Passent une épouse (dont le précédent mari, professeur de bulgare, est mort après avoir été renversé par un cycliste, rue de Lille, à Paris), des enfants, une jeune maîtresse (qui lit tout Corneille, ou presque) et un cousin fraîchement sorti de prison.

Un meurtre horrible surgit : l’ennemi est découvert décapité – à la hache ou à la scie, pas musicale mais on ne sait pas trop – dans la chambre du licencié apprenti vengeur. Le commissaire Bourbeillon, fumeur de cigarette électronique, mène l’enquête.

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Patrick Besson aurait-il lu tout Corneille pour écrire ce polar décapant et singulier ? « Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur, surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière : Le Misanthrope, Les Femmes savantes, etc. », répond-il, provocateur.

Et pourquoi la Corse ? « J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour. »

Quant à la vengeance, qui est presque un personnage de son livre, on finit par se demander s’il ne serait pas, lui-même, un peu rancunier. Point. « Je pardonne mais je n’oublie pas », dit-il. Et pourquoi donc un enseignant de langue bulgare ? « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? » sourit-il. Pourquoi a-t-il choisi de faire de son flic un vapoteur ? « J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains. », confie-t-il.

Ses projets ? « Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La Vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le Dictionnaire amoureux du communisme. » Tout un programme !

À lire :

Patrick Besson, Quel est le con, « Encre Rock », Erick Bonnier, 2024.

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Patrick Besson, Presque tout Corneille, Stock, 2025.

Presque tout Corneille (La Bleue)

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Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

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Séparatisme. Médine, LFI, les Hijabeuses et autres promoteurs du voile islamique défilent aujourd’hui contre le racisme et l’extrême droite, et la gauche s’empresse de leur emboîter le pas en bons idiots utiles. Enfin… idiots utiles, Céline Pina finit par en douter. Certains militants politiques sont désormais bien conscients de marcher main dans la main avec ceux qui prônent l’inégalité et l’intolérance.


Marcher contre le fascisme en compagnie d’islamistes notoires comme d’organisations ambigües en matière de lutte contre l’antisémitisme (LFI, LDH, Sud, Solidaire.s), voilà ce que s’apprête à faire la gauche ce 22 mars 2025 à l’occasion de la journée mondiale contre le racisme et le fascisme.

Une répétition de la tartufferie du 8 mars

Le 8 mars, cette même gauche n’avait déjà trouvé aucun problème à défiler auprès d’organisations pro-palestiniennes qui trouvaient parfaitement normal d’attaquer les organisations réclamant justice pour les femmes juives massacrées, enlevées et réduites en esclavage lors du pogrome du 7-Octobre. Cette gauche n’avait pas hésité à manifester pour le féminisme en truffant son cortège de drapeaux palestiniens : les mêmes drapeaux qui étaient agités au-dessus des corps démembrés des femmes violées que le Hamas ramenait à Gaza. Elle n’a pas hésité à manifester aux côtés de ceux qui expliquent que les auteurs d’un pogrome et d’un viol de masse sont des résistants et à magnifier un territoire, Gaza, où les femmes sont réduites à l’état de sexe et de ventre sur pattes pour le plus grand bénéfice des hommes.

La gauche aujourd’hui, c’est l’apothéose de Tartuffe pour la plus grande gloire des islamistes. C’est ainsi que tout ce que ce petit monde compte de vieilles gloires déplumées et d’artistes sur le déclin remet le couvert de l’exaltation dénonciatrice malsaine et veut s’ériger maintenant en rempart contre le fascisme. Il appelle donc à manifester le 22 mars. Et prend les accents de Jean Moulin pour nous alerter sur le retour des zeures sombres, là, maintenant, tout de suite !!! Mais quelles sont donc les dérives racistes et fascistes qui justifient une telle mobilisation ? Qui sont les nazis qui nous menacent ? Que réclament ces grands esprits tellement rayonnants que l’on se demande s’ils n’ont pas fondu ?

Médine, Assa Traoré, Annie Ernaux ou Blanche Gardin seront de la fête

L’appel à manifester répond à ces interrogations. Signé notamment par Médine, celui qui voulait chanter son album Jihad au Bataclan alors que l’on y a abattu aux cris d’Allah Akbar tant de nos compatriotes, par Blanche Gardin, qui se vante d’être antisémite tout en couinant parce que tout le monde a compris que ce n’était pas une blague, ou encore par Assa Traoré, qui explique que la police tue tout en passant au silence les activités criminelles de sa famille, l’appel défend les valeurs fondamentales des islamistes : c’est ainsi qu’il fait de l’antiracisme le promoteur du sexisme.

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En effet il y a quatre revendications fondamentales dans ce texte et parmi elles, une des manières de lutter contre le fascisme et le racisme, selon ces gens, consiste à autoriser le voile dans le sport. Donc à autoriser un marqueur de l’infériorisation de la femme et un symbole de l’emprise islamiste. Et c’est là que les manipulateurs de l’islam politique sont très forts et que la gauche est quand-même parfaitement stupide : magnifier le signe religieux qui relègue la femme au rang d’éternelle mineure devient une mobilisation contre le fascisme ! Du coup, réclamer l’égalité pour les femmes devient islamophobe et raciste. On appelle cela faire d’un coup, deux pierres.

Les militantes islamistes en faveur du voile dans le foot, devant le Sénat, janvier 2022. Image: capture d’écran YOUTUBE / Le Parisien.

En effet, le point commun entre nazisme/fascisme (tel qu’utilisé dans la rhétorique de l’extrême-gauche), racisme et sexisme, c’est le refus d’accorder l’égalité en droit. Ce refus d’égalité est le reflet d’un déni farouche, celui qui repousse comme une donnée insupportable le fait que nous partageons la même dignité humaine. Ce refus de l’égalité se fait à raison de la couleur de peau ou à raison du sexe, notamment. Et ce dont on peut être sûr, c’est qu’une société inégalitaire a tendance à l’être dans tous les secteurs. Ainsi les sociétés fondées sur l’apartheid sexuel, comme les sociétés islamiques, sont des sociétés où le préjugé racial sera important comme le préjugé religieux et social. D’où la dhimmisation (infériorisation en droit d’une minorité et soumission à un tribut pour avoir le droit de se perpétuer) des autres religions, dhimmisation qui marque aussi la relégation sociale. Il suffit de regarder les sociétés maghrébines pour le constater.

Le premier marqueur de la lutte antifasciste et antiraciste est donc de travailler à la légitimation de l’infériorisation de la femme. Et les trois autres alors ? Selon l’appel, il s’agit de la remise en cause du droit du sol, du rétablissement du délit de séjour irrégulier et de l’interdiction du mariage sur notre sol d’un étranger en situation irrégulière. Or choisir de quelle façon la nationalité est accordée n’est pas un marqueur fasciste : le droit du sang et le droit du sol s’étant succédé sur le territoire français, comme européen, et cette prérogative faisant partie des attributs de la souveraineté. On est bien ici dans une hystérisation sans motif du débat public. Le délit de séjour irrégulier, quant à lui, est une réalité. C’est sa suppression qui fut d’une bêtise sans nom. Il n’y a rien de « fasciste » à ce qu’un pouvoir démocratique choisisse qui il accueille et à qui il refuse le droit d’entrer sur son territoire. Rien de choquant non plus à ce qu’il crée un délit afin de permettre qu’il y ait un support juridique à l’exécution d’une expulsion. Quant à l’interdiction du mariage, il fait référence au refus de Robert Ménard, le maire de Béziers, de marier un étranger en situation irrégulière. Il faut dire que la législation est ainsi faite que si un clandestin se marie, il devient de fait inexpulsable, le mariage produisant alors d’intéressants effets d’aubaine. Là encore rien qui ne justifie le procès en fascisme ou racisme.

Pour essayer de soulager les palpitations de nos Jean Moulin de bacs à sable, essayons de les ramener à quelques références historiques. Les lois fascistes ou nazies n’ont absolument rien à voir avec les exemples mis en avant. Si on ne prend que les lois fascistissimes des années 30, elles consistent en l’instauration du parti unique, l’extension des prérogatives du dirigeant, la suppression du parlement, la mise au pas des associations, la suppression des libertés publiques, le muselage de la presse par l’Etat… Quant aux lois nazies, si on se doute bien que l’amour du migrant n’était pas en leur cœur, leur cible était avant tout les juifs, et peu importe qu’ils aient ou non la nationalité allemande à l’époque, le résultat est que leur mort a été décidée, programmée, exécutée. Le sommet du ridicule est atteint quand les exemples du retour du grand méchant loup nazi sont Donal Trump et Elon Musk. J’ai peu de sympathie pour la brutalisation de la politique que ces deux trublions incarnent, mais force est de constater qu’ils sont surtout inconsistants. Le nazisme ou le fascisme sont des systèmes, à la fois de représentation du monde et de représentation des hommes. Ils veulent fonder un homme nouveau et mettre en œuvre une idéologie totale visant à contrôler tous les aspects de la vie en société et de la vie intime. Avec Donald Trump, on est en face d’un homme sans conviction, qui pense que la politique est affaire de deals. Ces personnalités peuvent s’avérer fort destructrices mais elles ne sont pas fascistes. Et surtout, elles sont les enfants des délires woke ou de l’emprise islamiste qui sont devenues l’identité de la gauche. Si celle-ci n’avait pas fait exploser tous les repères anthropologiques et toute décence commune, l’avènement d’un Trump n’aurait pas été possible. Sa marche vers le succès est elle-même liée à la violence du progressisme et à la terreur qu’a engendré le wokisme quand il s’est mis, hors de tout droit, à tenter de condamner ses cibles à la mort sociale.

Consciences rampantes

Ceci étant, si le danger fasciste ou nazi était réel, il est probable que ces grandes consciences enivrées d’elles-mêmes seraient toutes à plat ventre devant leur nouveau maitre. Elles rampent déjà devant les islamistes au point d’être incapables de se rendre compte du ridicule de leur appel et de leur propre instrumentalisation. Pour preuve ? Un des critères mis en avant dans la tribune pour accuser le gouvernement actuel d’être en plein sabbat totalitaire est son caractère islamophobe. Il faut dire que ce discours est le viatique des islamistes et la base de leur système de recrutement, il est basé sur l’installation d’un sentiment de persécution : « vous ne trouverez jamais votre place ici car ils ne peuvent accepter vos exigences religieuses, il ne vous reste donc plus qu’à devenir les maîtres ». C’est la base de l’emprise islamiste et de la logique séparatiste.

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Et cela repose sur la négation du réel. En effet, ceux qui sont massivement ciblés par les actes racistes et antireligieux sont les juifs, alors qu’ils ne représentent que 0,6% de la population en France. En revanche, ceux qui subissent le moins d’attaques au nom de leurs religion sont les musulmans. En 2023, Plus de 1676 actes antijuifs ont été recensés, il n’y en avait que de 242 pour les actes anti-musulmans. Aujourd’hui la violence dite d’extrême-droite, qui se concentre sur les juifs, est bel et bien le fruit de l’antisémitisme arabo-musulman que chauffent à blanc les islamistes. Les fascistes et les racistes d’aujourd’hui sont moins à l’extrême-droite qu’on ne les retrouve chez ceux qui font la loi dans les quartiers. On dit souvent que « tous ne sont pas islamistes ». C’est vrai. Cependant, dans la jeunesse musulmane et dans les quartiers, une majorité le sont. Et sur le terrain, cela se voit. C’est donc en toute connaissance de cause que les alliés de LFI ont épousé la cause du fascisme islamique. 

Disons-le clairement : à un certain stade, on est plus un naïf inconscient et le terme d’idiot utile lui-même est complaisant. Ces gens sont des collaborateurs. Ils participent à la mise en danger de la seule communauté qui soit réellement menacée en France, la communauté juive. Et ils le font en tenant la main de leurs bourreaux et en diffusant des représentations qui nous menacent tous. Pour eux, le danger c’est le RN. Les Frères musulmans, qui furent les alliés des nazis et n’ont rien renié de cette époque sont au contraire leurs amis. C’est ainsi qu’après avoir défilé, au nom du droit des femmes avec des organisations qui soutiennent les violeurs et exploiteurs sexuels du Hamas, ils s’apprêtent à recommencer en compagnie de ceux qui inventent un génocide à Gaza pour justifier la haine antisémite en Europe. Alors, quand on ouvre la voie aux antisémites et que l’on justifie leur violence, peut-on vraiment continuer à être considéré comme une référence en matière de lutte antiraciste et antifasciste ? La réponse est clairement non. Il est donc temps de traiter ces personnalités pour ce qu’elles sont : des larbins du totalitarisme et de l’antisémitisme qui essaient de se faire passer pour des parangons de vertu. C’est en refusant de défiler à leurs côtés que l’on pose la première pierre du combat antifasciste aujourd’hui.

«Extrême»: un abus de langage?

Sophie de Menthon s’interroge avec malice sur ce drôle de paradoxe français où le RN est qualifié d’«extrême», alors que la gauche radicale, malgré ses excès, échappe curieusement à cette étiquette. Elle s’amuse aussi de cette Assemblée nationale devenue un véritable théâtre où les élus, plus occupés à s’entre-déchirer qu’à gouverner, semblent oublier que ce sont les électeurs, pas leurs égos, qui les ont mis là.


L’extrême droite ? Je suis bien consciente que poser la question de l’extrémisme du Rassemblement national, c’est déjà se faire accuser de le soutenir ! La potentielle inéligibilité de Marine Le Pen contraint à repenser aujourd’hui la réalité autrement.

Les Français majoritairement d’accord avec le RN sur l’immigration, mais pas le droit de le dire !

Il faut un bouc émissaire à la société française et au monde politique depuis toujours : on l’a de toute évidence trouvé et il fait plus que jamais l’affaire. C’est le « Rassemblement national », dit aussi « l’extrême droite », succédant au Front national, objet de tous les rejets (non sans raison d’ailleurs car les convictions de Jean-Marie Le Pen furent parfois insoutenables, entre autres pour son antisémitisme). Mais le père n’avait que très peu ou pas de points communs avec sa fille, Marine Le Pen, qui lui a aujourd’hui succédé avec le lourd héritage de ce patronyme. L’un, Jean-Marie Le Pen, était plutôt à droite et capitaliste, Marine Le Pen plutôt à gauche et protectionniste. Quant à l’antisémitisme, on peut franchement tout lui reprocher sauf cela, le combat du RN est essentiellement de limiter l’entrée des immigrés venant d’Afrique car tous nos malheurs, y compris économiques, viendraient de là.

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Justement, dans l’état de fragmentation où est la France, il serait bon de se poser la question du qualificatif d’« extrême » pour ce parti : extrême en quoi ? Une presque majorité des Français partage des convictions défendues par le RN même si économiquement elles sont loin d’être souhaitables et terrifient les chefs d’entreprise. De plus, on cherche en vain ce qu’il peut y avoir « de droite » dans ce programme de l’extrême droite, sinon toujours cet unanimisme autour de l’immigration, plus que jamais au goût du jour avec l’Algérie. La droite, la vraie, dont personne ne sait plus ce qu’elle représente, n’a pas de valeurs particulières à nous faire miroiter : la République ? la nation ? des valeurs, lesquelles ? mais tout cela est préempté de partout et galvaudé. Le danger vient d’ailleurs, et il est de ce fait incompréhensible que le Conseil d’Etat ait décidé que le qualificatif d’« extrême gauche » ne devait pas être utilisé pour la gauche : LFI et le PCF (qui n’en demandait pas tant). L’extrême gauche, donc, n’existe pas, même quand elle déshonore l’autre gauche et choque nos âmes de citoyens et de républicains. Que dire de l’ignoble caricature d’Hanouna ? Si elle émanait du RN, on verrait ses auteurs immédiatement devant les tribunaux et à juste titre, car elle fait preuve d’un racisme affiché qu’on ne tolèrerait jamais venant de ladite extrême droite. La pensée à tendance unique doit-elle aussi faire siennes les idées à la mode sur la drogue, l’élargissement antidrague et le verdissement des trottoirs, le tout sous couvert d’un État dépensier, clientéliste, bienveillant : un must politique ?

TPMM

La libérale que je suis se retrouve à aimer la gauche, la bonne gauche d’autrefois, d’avant les coupables rageurs de LFI et de leur chef auquel on passe absolument tout… touche pas à mon Mélenchon ! La gauche digne, celle d’Emmanuel Valls, Bernard Cazeneuve, Hubert Védrine, et Emmanuel Macron qui incarnait une pseudo-gauche libérale… Nous n’évoquerons pas François Hollande qui oscille entre des positions qu’il ne connaît pas lui-même.

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Donc, devant ce nouveau clivage français hypocrite et assassin, que faire ? Le camp du bien est terrifiant et sectaire. Il est inadmissible qu’un mouvement patronal, par exemple, soit cloué au pilori s’il accepte d’être auditionné par le RN et de lui proposer ses travaux pour l’éduquer économiquement, alors que lorsqu’il reçoit François Ruffin, c’est un bon point malgré ses positions envers les « salauds de patrons ». Il est plus que temps que le monde politique des élus reprenne ses esprits. Ce fameux « front républicain » par exemple, instigué par ceux qui voudraient être réélus peu importe par qui, et sans vergogne par l’extrême gauche, pacte diabolique a donné naissance à un monstre tentaculaire qu’on appelle l’Assemblée nationale ; nos parlementaires y combattent avec un acharnement sans faille ceux grâce auxquels ils siègent : électeurs d’hier, ennemis mortels d’aujourd’hui. Aucun raisonnement nuancé, aucun sens de l’Etat sinon pour une surenchère administrative, aucune prospective sérieuse, aucune ambition désintéressée n’apparait. Il y a un moment où chaque Français doit se poser objectivement la question de son vote. La France serait majoritairement à droite, mais les médias, les ambitieux et les bobos la convaincront-ils à nouveau que nous ne sommes capables de voter que si l’on pense à notre place, et qu’on nous indique les barrages et exclusions obligatoires ? Qui aura le courage d’une union raisonnable des forces de droite, y compris de l’extrême centre (qui ferait mieux de choisir le camp de l’action et de l’esprit de décision) ?

Censure !

Une professeure à l’université de Téhéran fait lire à certains de ses étudiants des livres occidentaux interdits par le régime, afin de montrer son opposition au radicalisme iranien.


Avec Les Citronniers, La Fiancée syrienne ou encore La Visite de la fanfare, le réalisateur, scénariste et producteur israélien Eran Riklis a déjà donné toute la mesure de son talent. Observateur acide et sans concessions des sociétés qui l’environnent, il s’attaque cette fois à l’Iran et à son évolution mortifère depuis l’arrivée au pouvoir de l’intégrisme religieux. Il le fait avec un film au titre programme : Lire Lolita à Téhéran. Soit l’histoire vraie d’une enseignante iranienne revenue d’exil en 1978 et qui, jusqu’en 1997, a tenté de vivre et de travailler sous le régime des mollahs, avant un nouvel exil. Le film suit habilement la structure narrative du livre dont il s’inspire à travers les activités dissidentes et souterraines d’un « club de lecture » féminin bien décidé à braver les interdits d’une censure criminelle. Incarnée à la perfection par l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (elle-même exilée à Paris depuis 2008), cette héroïne moderne est la plus vibrante des réponses à l’obscurantisme.

Maestro !

À l’heure où la Corrida est menacée, Albert Serra propose un film à couper le souffle sur le torero Andrés Roca Rey, afin de faire revivre cette tradition et nous en faire découvrir la richesse.


On plaint les confrères critiques qui risquent d’avoir du mal à imposer des articles sur le film du cinéaste espagnol Albert Serra, Tardes de soledad, et on se réjouit haut et fort, a contrario, que ce ne soit absolument pas le cas dans ces colonnes ! Car, oui, la tauromachie, sous toutes ses formes et toutes ses expressions, a littéralement bien mauvaise presse en France. Il est fini depuis belle lurette le temps béni où les lecteurs du Monde pouvaient se régaler à la lecture des chroniques taurines de Francis Marmande et ceux de Libération à celles de Jacques Durand, pour ne citer que ces deux plumes ô combien inspirées. Seuls désormais les quotidiens régionaux du Sud consacrent quelques pages à la corrida au moment des ferias. C’est dire si un film de deux heures sur un torero péruvien a toutes les chances de passer à la trappe, sacrifié sur l’autel de la bien-pensance qui sévit même en Espagne. Raison de plus pour dire tout le bien qu’on pense de ce film exceptionnel. On connaît le talent iconoclaste d’Albert Serra. Ses films ressemblent la plupart du temps à de saines et superbes provocations au bon sens du terme. Qu’il s’agisse, entre autres, de filmer Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV, film crépusculaire, ou de donner enfin à Benoît Magimel un rôle à la hauteur de son vertigineux talent avec Pacifiction: Tourment sur les îles. Cette fois, le héros s’appelle Andrés Roca Rey, né le 21 octobre 1996 à Lima, au Pérou, et devenu matador en 2015 dans les arènes de Nîmes sous la houlette d’Enrique Ponce et en présence de Juan Bautista. Tout a commencé bien avant, aux arènes de Lima, la Plaza de Acho, quand le 26 novembre 2006, âgé de 10 ans, le futur torero a rencontré un maestro de légende, El Juli.

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À son propos, son ancien compatriote et prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa n’a pas hésité à écrire : « Il représente le torero magique dont Manolete et Luis Procuna furent emblématiques mais aussi le toreo souriant, festif, joueur. » De fait, on pourrait le surnommer « Andrés Gueule d’Ange » tant son sourire est rémois. Pour le reste, c’est lui qui l’écrit autant avec sa sueur et son sang qu’avec son courage et son art sans pareil. Le film est à sa hauteur de prodige. On n’a jamais vu des corridas filmées de la sorte, au plus près du taureau, du torero et de sa cuadrilla. Pour obtenir ces images inédites, le cinéaste a utilisé en permanence trois ou quatre caméras qui captent aussi bien le regard de l’animal que les gestes du torero, et des moments d’une intensité foudroyante, quand on a l’impression, par exemple, que Roca Rey va y passer, littéralement embroché par la bête fauve aux cornes démesurées. Chez lui, la prise de risque est une seconde nature, surtout quand le taureau est comme un fou dangereux. C’est dans ces moments-là, comme le lui dit l’un de ses péones, qu’il est le plus admirable. Et Serra saisit ces instants hors du temps avec un brio inégalable. Jusqu’aux sons eux-mêmes qu’il parvient à capter grâce à des micros-cravates posés sur les épaules du torero ou sur les pattes du cheval du picador. Sans oublier la foule que l’on entend retenir son souffle dans les moments cruciaux.

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De tels procédés ne dissimulent rien de la réalité, y compris la souffrance animale qui dure parfois au-delà de ce que l’on croit être la mort jusqu’au coup de grâce final, le descabello que donne l’un des péones. Tant pis pour les âmes sensibles et tant pis aussi pour les vrais-faux aficionados : « La violence ne vient pas de moi, a l’intelligence de dire le cinéaste, elle appartient à la corrida. » Un torero et bandillero d’exception, Luis Francisco Espla, déclara un jour qu’en entrant dans l’arène, il sentait « le poids de son âme ». En effet, c’est bien de vie et de mort dont il est question dans le magnifique, sauvage, terrifiant et admirable film d’Albert Serra.

Le don d’Alexandra

L’amour donne des ailes…


Du jour où elle se mit à voler, Alexandra constata un changement dans sa vie jusqu’alors dépourvue de péripéties notables. Cela se produisit sans préavis. Elle était à son balcon. La radio diffusait le tube de l’été qui avait raté, mais de peu, le Grand Prix de l’Eurovision. Pierrick Baruel, le chouchou des minettes prépubères, en hurlait avec conviction le refrain: « Ah, si j’avais des ailes / J’m’envolerais vers elle ». Alexandra allait sur ses quarante-cinq ans, mais elle avait gardé un fond de candeur. Une sentimentalité qui la faisait vibrer au moindre amour / toujours. Quant au physique, chacun s’accordait à penser qu’elle « ne faisait pas son âge », ce qui était l’exacte vérité.

Une fois encore, les yeux clos, elle se laissait emporter par la voix enjôleuse, les violons, le texte suggestif dont la poésie la bouleversait. Elle le détaillait en même temps que l’idole. Pour faire bonne mesure, elle agitait en cadence les bras. Comme dans le clip vidéo. Elle y mettait toute sa conviction.

C’est alors qu’elle prit son essor. Sans même y prendre garde. Elle s’éleva, plutôt gracieusement, sans cesser de battre des bras. Se retrouva flottant au-dessus de la rue, à quelque cent pieds du sol. S’étonna de ne point éprouver la panique attendue en pareille occurrence. Plutôt une sensation de bien-être, voire de plaisir. Elle se mouvait aisément, maîtrisa sans effort la trajectoire qui la conduisit vers l’immeuble d’en face où elle se posa.

Sur la corniche, les pigeons s’effarèrent de l’irruption de cette intruse, lui firent, bon gré mal gré, une place à leurs côtés. Etrange, monstrueuse, même, mais sans intention de nuire. Ainsi la jugèrent-ils dans leurs cervelles de volatiles peu portés à s’interroger sur les bizarreries du monde.

Sa propriété, c’était le vol. Alexandra mit quelques instants à s’accoutumer à cette situation nouvelle. Non qu’elle lui causât le moindre effroi, sinon celui d’être surprise en un lieu incongru. Une de ses premières pensées fut qu’elle n’éprouvait pas le moindre soupçon de vertige. Une autre, qu’elle risquait d’être vue par sa mère, ou son mari, ou des amies, et qu’elle serait incapable de fournir la moindre explication.

Nul cependant, parmi les humains, ne semblait avoir remarqué quoi que ce fût d’insolite. La rue était pourtant peuplée de piétons dont certains auraient dû l’apercevoir. D’autant qu’elle avait osé, pour s’assurer de sa maîtrise technique, quelques circonvolutions à basse altitude. Personne n’avait manifesté d’étonnement. Pas même lorsqu’elle avait effectué une volte audacieuse autour du clocher voisin, avant de se percher au faîte d’un marronnier.

Elle sentit dans cette manière d’invisibilité une protection qui la rassura si bien qu’elle décida de rentrer chez elle comme elle en était partie.

Quand elle se posa sur le balcon, Damien était installé sur le canapé. Pour une fois, il avait ôté ses chaussures et leva à peine le nez du roman où il était plongé. Elle s’interrogea une fraction de seconde: allait-elle lui révéler ce qui s’était passé? Choisit de n’en rien faire. Il serait toujours temps d’aviser. Du reste, Damien n’était guère curieux, absorbé le plus souvent par son métier d’informaticien. Guère plus loquace. En dix-sept ans de mariage, leurs liens avaient eu le temps de se distendre. De laisser place, de façon insensible, à une affection teintée d’indifférence. Un vieux couple, déjà, pensait-elle parfois non sans nostalgie. Elle n’avait pas tort.

– Tu étais sortie?

Question machinale, de simple convenance. Ses yeux n’ont pas quitté le livre.

– Oui, prendre un peu l’air.

Involontaire, la boutade. Du reste, Damien ne relance pas.

A dire vrai, la mésaventure survenue à Alexandra avait connu quelques prémices qui lui reviennent en mémoire. L’an dernier, à pareille époque, un rêve récurrent venait troubler ses nuits. Certes, il présentait chaque fois de légères variantes, mais le fond en était invariable. Assez prégnant pour qu’elle se réveillât en sursaut, agitée de tremblements nerveux. En proie à une telle angoisse que, sur les conseils d’une amie, elle avait consulté un psychanalyste.

– C’est un lacanien de stricte obédience, tu verras, il est génial. Il a débarrassé mon beau-frère de la phobie des araignées. En un rien de temps. Mieux, il a fait émerger de son inconscient un talent jusque-là ignoré pour la peinture abstraite. Oui, figure-toi que l’araignée, c’est aussi « l’art est nié ». Tu suis ? Son talent, Régis le refoulait, sans le savoir. Il niait l’art, comprends-tu? D’où sa terreur des épeires et autres arachnides. Génial, te dis-je!

Or voici ce qu’Alexandra rêvait alors avec une fréquence accrue: elle était un OVNI tournant à une vitesse folle autour de notre terre. Parfois, elle s’attardait au-dessus d’une région, décélérait pour suivre le cours d’une rivière, survolait des villes, des forêts, des montagnes, y prenant un plaisir toujours renouvelé de touriste, découvrant des contrées dont elle vérifiait ensuite l’existence et les caractéristiques sur Internet.

L’ennui, c’est que le rêve se terminait toujours par une chute qui la laissait terrorisée, pantelante. Elle avait fini par en parler à Damien. Lequel avait, bien sûr, minimisé la chose en haussant les épaules.

– Tu es nerveuse, un point c’est tout. Nerveuse et imaginative. Peut-être qu’une bonne infusion de tilleul, le soir… C’était la recette de ma grand-mère. Et puis, ça finira par passer, ne t’inquiète donc pas.

Il s’était retourné. Avait calé son oreiller, saisi son livre sur la table de chevet. Un seul chapitre à lire. Il faisait d’ordinaire durer le plaisir, mais là, l’impatience de connaître le dénouement était la plus forte. Alexandra soupira, tenta de se rendormir. Ainsi n’abordèrent-ils plus le sujet.

Heureusement, le lacanien ne fit pas preuve de semblable désinvolture. Il la fit s’allonger sur le traditionnel divan, lui fit raconter sa vie avant d’en venir précisément à l’objet de sa visite. Il opinait parfois, noircissait du papier. Ne posait aucune question, ne livrait aucun commentaire. Mettait fin aux confidences au gré de ses propres humeurs, semblait-il. Ou selon une logique dont il était le seul à connaître les codes.

– Eh bien, chère madame, ce sera tout pour aujourd’hui. Nous nous reverrons la semaine prochaine, n’est-ce pas? Même jour, même heure.

Cela prit quelque six séances de durée variable mais de prix constant – deux cents euros qu’Alexandra puisait, à l’insu de son mari, dans le petit héritage laissé par sa tante Marie-Thérèse. Un pécule qui avait une fâcheuse tendance à fondre, sous les assauts répétés du psy.

A la septième séance, sentant peut-être la source se tarir, celui-ci sortit enfin de son mutisme, consulta les notes accumulées. Se racla la gorge, se mit à parler avec des intonations d’oracle.

– Au fond, votre cas est relativement simple. Cela m’apparaît désormais avec une clarté suffisante pour que je vous fasse part de mes conclusions. Donc, un OVNI, qu’est-ce? Je parle du mot, bien entendu, non de la chose. Même si l’on sait depuis William James que « le mot « chien » ne mord pas ». (Petit rire.) La sémiologie est une science passionnante…

Mais ne nous égarons pas. Revenons à notre OVNI. Deux syllabes, n’est-ce pas, chère madame, OV-NI. OV, c’est la racine latine qui a donné ove, ovale, ovaire, ovule, ovulation et œuf. Vous me suivez? Du reste, qu’est-ce qu’un ove, en architecture, sinon un œuf… dur? (Nouveau petit rire.) Ce pourrait être une définition de mots croisés, n’est-ce pas? Quant à NI, eh bien, c’est enfantin. Ajoutez un D, qu’obtenez-vous? Un NID, bien sûr. Un nid d’oiseau. Un nid de vipères. Que sais-je encore? Un nid où nidifier, en tout cas. Un nid où pondre. Vous me suivez, n’est-ce pas? Vous me suivez?

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Il arpentait la pièce à grandes enjambées, brandissait ses feuillets gribouillés. Exultait comme Archimède au sortir du bain.

– Œuf… Nid… Ah, comme l’évidence s’impose! Votre rêve est on ne peut plus clair: vous rêvez d’avoir un enfant, chère madame! Oui, oui, en dépit de votre âge sur lequel je n’aurai pas la goujaterie de vous questionner. Vous sublimez ce désir de maternité, vous le projetez dans l’espace… Vous souhaitez nidifier, vous n’osez vous l’avouer clairement. OVNI… Votre époux n’y entend goutte… Ne vous désire plus, ce que vous m’avez laissé entendre. A votre insu, je vous l’accorde. Votre envie de nidifier… Transcendée, envoyée en l’air. Où vous ne montez plus guère, ce que j’ai compris à travers vos confidences.

Il étouffe un petit rire qui s’achève en une sorte de hoquet. Bref, vous êtes frustrée. Dans votre désir de femme. Dans votre désir de mère. OVNI… Saisissez-vous toute la subtilité du rapport… Excusez-moi. De la relation… Excusez-moi derechef. Je veux dire, de la signification connotée avec la phase existentielle que vous traversez en ce moment. Avec les séquelles qui s’ensuivent.

– Je me résume: vous voulez un enfant, votre époux n’est pas prêt à vous en donner un. Pour des raisons profondes que j’ignore. Que je découvrirais certainement si vous lui suggériez de venir me voir. Je laisse cela à votre appréciation.

 Pour en revenir à vous, je ne saurais trop vous inviter à réfléchir aussi sur le fait que le vol, celui d’un oiseau, celui du bourdon, est aussi le larcin. Ou la propriété, selon la formule de Pierre-Joseph Proudhon. Intéressant, n’est-ce pas?

Il fredonne, battant la mesure: « C’est le plus grand des voleurs / Oui mais c’est un gentleman…»

– Ah, Jacques Dutronc… Toute ma jeunesse. Et Maurice Leblanc… Vous l’avez lu, au moins? Je vous y engage, il est passionnant. Voilà, chère madame. Méditez là-dessus, je vous ai livré toutes les clés. Cela fera quatre cents euros. En liquide, comme d’habitude. Pensez à parler de moi à votre mari. Pour votre bien à tous les deux.

Le désir d’enfant, Alexandra ne s’y attarda pas longtemps. L’idée lui paraissait extravagante. Damien et elle avaient fait le choix d’attendre quelques années et le désir, s’émoussant au fil des jours et des nuits, n’avait fait qu’ancrer une décision qu’ils jugeaient sage. Cela faisait, du reste, plusieurs mois que le sujet n’était plus venu dans leurs conversations. Comme s’il était devenu obsolète.

Quant à parler à Damien du psy et de ses déductions, pas question. Encore moins de l’inciter à consulter. Il tomberait des nues (l’expression lui rappela son rêve, amena sur ses lèvres un sourire) et ce qui restait de l’héritage de tante Marie-Thérèse serait vite englouti. Adieu, alors, la commode repérée chez un antiquaire et qu’elle allait voir au moins une fois par semaine. Partagée entre le désir de l’acquérir enfin et celui de la savoir déjà vendue, ce qui aurait mis fin à ce qui devenait une obsession.

Tout cela resta donc latent. Ses cauchemars s’espacèrent d’abord, disparurent enfin. En revanche, depuis qu’elle avait pris goût à ses escapades aériennes, les acceptions du mot vol lui revenaient en tête. Elle les tournait et retournait. Jusqu’à parvenir à la conclusion qu’il serait absurde de laisser inexploitée une faculté lui conférant un pouvoir inespéré.

Elle se contenta d’abord de menus larcins, quelques légumes à l’éventaire du primeur de la rue Cérésa un soir où il ne restait rien dans le bac du réfrigérateur, un sweat-shirt raflé, lors d’un vol plané, sur un des mannequins placés sur un trottoir. Elle aurait bien saisi en même temps la jupe bayadère, mais, scrupule infondé, craignit d’abuser. Des livres aussi, qu’elle offrait à Damien avec l’impression de se refaire une honnêteté.

– Tiens, chéri, je t’ai rapporté le dernier Christian Jacq. La critique est unanime, j’ai lu Elle chez le coiffeur, et Match. Dithyrambiques l’un et l’autre. Je pense que cela devrait te plaire, à toi qui aimes l’Egypte.

Damien ne s’étonnait guère de cette subite munificence. Il était, on l’aura compris, d’un naturel plutôt apathique, aссерtant la vie comme elle se présentait, sans se poser de questions superflues. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit que les cadeaux d’Alexandra montraient qu’elle avait quelque chose à se faire pardonner.

Le manège de celle-ci se poursuivit quelques mois. Jusqu’au jour où elle présuma de ses capacités. L’attrait de la commode était si fort qu’elle caressa le projet de s’en emparer. Tenta, après en avoir pesé les conséquences, de le mettre à exécution. Las! Les sangles dont elle s’était munie étaient trop courtes. De surcroît, le poids du meuble était tel qu’il lui fut impossible de décoller.

Ainsi renonça-t-elle bientôt à une activité qui, les premiers moments de plaisir passés, ne lui apportait pas les satisfactions escomptées. A quoi bon se démener si ses capacités de transport en vol n’excédaient guère quelques kilos? S’emparer d’une voiture, fût-ce un petit modèle, une Smart, une Twingo, une Yaris, voilà qui eût été intéressant. Bien plus captivant qu’une botte de poireaux happée en vol.

En revanche, l’indifférence de Damien commençait à lui peser. Pas question de lui faire partager l’expérience qu’elle vivait. Il était là, égal à lui-même, placide, son éternel roman entre les mains. Ne s’étonnant de rien. Dépourvu d’aspérité. Acceptant tout avec une équanimité désespérante qui lui était comme une caгapace.

Alexandra enrageait. Elle se mit à envisager ce à quoi toute femme eût pensé dans son cas, prendre un amant. Non par désir d’enfant, comme le prétendait le lacanien infatué, mais par désir tout court – si l’on peut dire. Elle était dans sa plénitude, celle que Balzac attribue à la femme de trente ans. Qui plus est, son don lui offrait des facilités inespérées. Et le délaissement dans lequel la laissait Damien lui valait toutes les absolutions.

Elle jeta son dévolu sur un professeur de judo qu’elle avait eu tout loisir d’observer lors de ses envolées d’après-midi. II officiait dans un dojo de la rue Boudard et elle était restée plus d’une fois à le regarder, perchée sur la rambarde d’une fenêtre. Beau, évidemment. La trentaine ou guère plus. Une allure, une aisance dans la démarche. Bref, le mâle idéal.

Elle l’avait abordé à la sortie de son cours sous le plus banal des prétextes: pensait-il qu’elle soit trop âgée pour se mettre au judo? Elle adorait ce sport, rêvait depuis longtemps de le pratiquer… En même temps, il faudrait être doux avec elle, très doux. Elle était maladroite, ne comprenait pas toujours les consignes, manquait sans doute de souplesse…

Il avait été doux, très doux. Cela faisait trois mois maintenant qu’ils se retrouvaient après la fermeture de la salle de sports. Chez lui le plus souvent, au trentième étage d’une tour, dans le treizième arrondissement qu’il avait choisi pour sa forte densité d’Asiates. Alexandra nageait dans le bonheur. Jamais, même dans ses rêves, elle n’aurait imaginé relation plus tendre. Ses sens s’étaient éveillés comme par magie. Elle mesurait tout ce qui séparait Damien de ce sportif empressé, aussi amoureux qu’elle pouvait l’être elle-même. Une renaissance.

D’abord furtives, leurs rencontres se firent bientôt plus longues. Ils avaient pris l’habitude de ces rendez-vous, vivaient dans l’attente de retrouvailles qui les comblaient l’un et l’autre, les laissaient enlacés sur le futon, harassés, en sueur.

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Jusqu’au jour où l’irréparable se produisit. Ils s’étaient attardés sans en avoir conscience, incapables de mettre fin à leur étreinte. Peut-être même s’étaient-ils assoupis, submergés par la béatitude. Toujours est-il qu’Alexandra se dressa brusquement, poussa un cri.

– Sais-tu quelle heure il est? Bientôt dix heures! Et mon mari? Il doit se faire un sang d’encre. Peut-être a-t-il déjà alerté la police. Il faut que je rentre au plus vite…

Rhabillée en un tour de main, elle avait rassemblé ses affaires, ouvert la porte-fenêtre, enjambé le balcon.

– Mais que fais-tu? Tu es folle? Alexandra, je t’en prie…

Trop tard. Elle avait déjà sauté, s’envolait à tire-d’aile. Invisible, désormais.

Jean-Philippe se précipita sur le balcon, se pencha, certain de distinguer sur le trottoir le cadavre disloqué de son amante. Pourquoi donc avait-elle choisi de se suicider? Il s’apprêtait justement à lui proposer de mettre fin à son mariage, de venir enfin vivre avec lui…

L’heure tardive, l’altitude de son appartement l’empêchèrent de voir quoi que ce fût. Il referma avec soin la porte-fenêtre, respira un grand coup. Décrocha du mur le sabre de samouraï rapporté d’un voyage au Japon et se fit hara-kiri. En respectant les rites du seppuku avec les scrupules requis.

Alexandra s’était alarmée pour rien. A son retour, Damien dormait déjà, un livre ouvert sur son ventre. Quand elle s’allongea avec précaution à son côté, il émit un vague grognement et se retourna.

Elle revint le lendemain au dojo, s’enquit de Jean-Philippe. Apprit, de la bouche d’un élève, le drame dont le bruit s’était aussitôt répandu dans les milieux sportifs.

– Voyez-vous, madame, il est mort comme il avait vécu. En homme d’honneur.

Telle fut son oraison funèbre.

Alexandra tourna les talons. Sans un mot. Sa décision fut prise sur-le-champ. Elle allait quitter Paris. Pour toujours. Damien lui était insupportable. La vie aussi. Mais auparavant, il fallait qu’elle revoie, une dernière fois, cet appartement où elle avait été si heureuse.

Envol discret. Du balcon, à travers la porte-fenêtre dépourvue de rideaux, elle scrute l’intérieur. Le futon est resté défait. Sur le sol, subsiste une trace de sang. Un sanglot la secoue tout entière. Partir. Son seul désir, désormais. Dans une autre ville, un autre pays. Un autre continent. Oiseau migrateur, tel était donc son destin. Elle fredonne une fois encore les vers dérisoires, « Ah, si j’avais des ailes / J’m’envolerais vers elle». Saute dans le vide. S’écrase sur le trottoir.

Un vol de pigeons tournoie sur la ville.

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Causons ! Le podcast de Causeur

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Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Le samedi 22 mars aura lieu, à Paris et dans d’autres villes françaises, une grande manifestation contre la montée du « fascisme ». Cet événement, organisé par la gauche et l’extrême-gauche, est en réalité un festival de sexisme, de racisme et de déni de démocratie. Ses organisateurs veulent protester contre l’interdiction du port du voile dans le sport. Or, le voile est un instrument d’oppression des femmes. Ils veulent mobiliser les « quartiers populaires ». Or, il s’agit des quartiers où résident une majorité de personnes issues de l’immigration, l’immigré étant le nouveau héros mis en avant par la gauche, à la place du prolétaire blanc. Les organisateurs sont ceux qui prétendent avoir gagné les dernières élections législatives. Or, il n’en est rien.

Ces mêmes « antifascistes » sont ceux qui promeuvent une forme d’antisémitisme sous couvert d’anti-sionisme. En réalité, la société israélienne est très ouverte et diversifiée. Ce qui peut étonner le visiteur occidental, au premier abord, c’est combien différentes communautés – druzes, chrétiens maronites, bédouins… – sont solidaires du pays qu’elles habitent et de l’Etat qui les protège. Et combien elles sont prêtes à se battre pour défendre cet Etat et la liberté qu’il leur garantit. Nos sociétés occidentales sont certes diversifiées, mais pouvons-nous dire qu’elles se caractérisent par une pareille solidarité?

L’ambivalent Monsieur Hugo

Dans son brillant essai, Philippe Raynaud démontre comment Victor Hugo a tiré des bords politiques pour se placer, comme en littérature, toujours à l’avant-garde, faisant rimer libéralisme et romantisme.


Il n’était pas indifférent à Victor Hugo d’être moderne, au mépris de principes politiques. D’abord le jeune homme est royaliste, poète ultra. Songez à ses Odes de 1822 où il chante la Contre-Révolution, grandeurs et misères. Plus tôt encore, et pour un temps, le royalisme hugolien fut voltairien – il le devait, sans doute, à sa mère, Sophie Trébuchet –, avant de devenir ensemble catholique et romantique. Dans la préface de la première édition des Odes, le poète écrit que « l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses ». C’est le moment des querelles entre « classiques » et « romantiques », qui fragmentent les royalistes. Pour Hugo, cependant, la mythologie antique est morte et n’inspirera plus les poètes modernes. Ceux de la tradition sont dépassés, obsolètes. Si bien qu’en 1824, dans la préface aux Nouvelles Odes, c’est sur les écrivains du Grand Siècle qu’il fait porter la responsabilité des événements des Lumières et, partant, de la Révolution. Au cœur même de sa période royaliste, nous explique le philosophe des idées politiques Philippe Raynaud, « Hugo donne comme tâche à la Restauration – littéraire et politique – de réconcilier la religion, la liberté et la poésie moderne pour faire naître une société nouvelle qui n’est pas celle de l’Ancien Régime. » Qu’est-ce que la liberté politique ? Le libéralisme. Et la liberté de l’art ? Le romantisme.

Hugo ou la « gnose progressiste »

Le remarquable essai de Philippe Raynaud vise les contingences de l’esprit français, de l’imaginaire national, et l’influence du monument Hugo. En somme, « aucun poète, aucun écrivain n’a autant contribué à faire la France ». Bon, le royalisme de l’auteur des Odes, on l’a compris, était superficiel. Au moment de la bataille d’Hernani, la voie du poète est tracée : il affirme « l’unité indissoluble entre le mouvement romantique et la cause du progrès politique ». L’avant-garde littéraire et l’avant-garde politique vont marcher d’un seul pas, la modernité est à ce prix ! Nommé pair de France en 1845, Hugo est alors à l’aile gauche de l’orléanisme : cap sur l’héritage de la Révolution. En 1848, devenu l’incarnation du grand écrivain national, il parvient à concilier ses inclinations progressistes et sa proximité avec Louis-Philippe : tour de force. Après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, l’auteur de La Légende des siècles choisit l’exil : son autorité morale et républicaine est incontestable. Sa philosophie politique est définitive : « libérale, démocratique, humanitaire et sociale ».

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Doit-on à Hugo l’optimisme béat d’une religion humanitaire ? C’est ce qu’a longtemps pensé la droite. D’un autre bord, l’humanisme hugolien « a fini par l’emporter sur la logique du marxisme » : les communistes, sans doute, n’avaient pas remarqué que le poète fustigeait l’athéisme militant comme « le socialisme de caserne ». Quoi qu’il en soit, la « gnose progressiste » du Père Hugo infusa considérablement. C’est tout l’intérêt de ce livre de nous le montrer.

Philippe Raynaud, Victor Hugo : la révolution romantique de la liberté, Gallimard, 2024.

Victor Hugo: La révolution romantique de la liberté

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Sax, danse et encre de Chine

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Jean Détremont © Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


À Amiens, il est célèbre dans les milieux artistiques et underground. Lorsqu’on évoque le nom de Jean Detrémont aux habitués de La Briqueterie et/ou de La Maison du Colonel, leurs yeux s’allument de plaisir. On les comprend. Jean est un poète délicat, dadaïste et inspiré comme un merle anarchiste sur une barricade de 1870, rue de Vaugirard. Ses mots se suivent, se retournent, se mordent, s’enfuient en riant et en laissant derrière eux une pluie de confettis poétiques, doux comme le crépon sur la peau tendre d’une rousse vingtenaire.

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Il y a du Tristan Tzara, du Picabia, du Ribemont-Dessaignes et du Restif de La Bretonne dans les poèmes du sieur Detrémont. Mêmes influences et mêmes atmosphères dans ses dessins réalisés à l’encre de Chine et aux pinceaux moyens ; c’est délicat, frais, élancé comme des corps de femmes qui dansent, s’élèvent comme pour caresser les poils nuageux et duveteux du ventre du ciel (Les coquines !) On dirait des souffles ; oui, des souffles. Comme les souffles qu’il nous donne à entendre lorsqu’il improvise avec son saxophone soprano, cette manière de clarinette dont le bois aurait rouillé pour se transformer en cuivre. Jean est bon en tout : en poèmes, en dessins et en saxophone. Il est bon car il est libre. Nous nous connaissons depuis des années, lui et moi. Nous nous sommes rencontrés au cœur des années 1990, à la Lune des Pirates, à la faveur d’un concert improbable. Nous avons découvert que nous avions des amis en commun : l’écrivain et homme de radio Roger Vrigny, et le romancier, poète et confesseur – à la radio – de Paul Léautaud, Robert Mallet. Deux hommes exquis, talentueux ; ils nous manquent. Tout cela rapproche. Alors, il y a peu, quand j’ai appris que Jean organisait une exposition jusqu’au 11 avril, de dix-neuf de ses dessins à l’encre de Chine, au café Côté Jardin, à la Maison de la culture – la MACU – (« Moi, je ne dis pas Côté Jardin, mais Macubar ; ça fait plus Simenon », sourit-il), j’en attrapé la main aux ongles vernis de rose de ma Sauvageonne pour l’entraîner vers l’événement. Notre homme était là, devant ses œuvres. Il y avait du monde. Nous avons observé les dessins un par un ; ma Sauvageonne, comme la plupart des visiteurs, y voyait des corps de danseuses élancées. J’étais d’accord, sauf pour un où j’ai cru apercevoir une chèvre. Ma Sauvageonne l’a répété à Jean qui a ri aux éclats. « En fait, je ne fais aucune interprétation précise », m’a-t-il avoué. « Je rédige mes poèmes avant de dessiner. » C’est un peu ce qu’a fait l’écrivain et poète Sylvie Payet qui a bien observé, un par un, les fameux dessins et a écrit un poème de dix-neuf vers. (Un vers par dessin.) On pouvait le lire sur place ainsi que d’autres poèmes de Detrémont 1er, prince des créateurs. Des dessins, il en a fait cinq ou six mille, « mais seuls cinq cents sont exploitables », reconnaît-il. « Je ne leur donne pas de titre car je n’aime pas les cadres. Je ne vois rien dans mes œuvres. » Il ne voit peut-être rien dans ses dessins, cela ne l’empêche pas d’avoir du souffle. Soudain, il a attrapé son saxophone ; Marie-Laure Duplessis et Mouhcine se sont mis à danser sur le fil cuivré de l’instrument de Jean. C’était beau, superbe, magnifique, magique. Les formes gracieuses et sombres de Marie-Laure et de Mouhcine, portées par les effets de lumière. Ma Sauvageonne et moi étions ailleurs, ballottés par les petits cris de l’alto comme dans les entrailles d’un hippopotame volant, fascinés par les ombres des danseurs comme un Cendrars émerveillé par les danseuses du Brésil. Ma sauvageonne était tellement bousculée qu’elle en a perdu ses clés de voitures. On les a retrouvées le lendemain, comme par miracle. On n’a rien compris. Mais est-il nécessaire de tout comprendre pour être heureux ?

Les multiples solitudes

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Image d'illustration Unsplash.

À l’occasion de la sortie en mars du recueil, Le goût de la solitude, textes choisis et présentés par Alexandre Maujean au Mercure de France, Monsieur Nostalgie nous parle de cet état qui va de l’enfermement à la béatitude…


« Français » et « solitude » sont des mots qui vont bien ensemble. Le Français traîne avec lui depuis un bon siècle et demi, une tentation intime de l’exfiltration monastique. Il y a en lui, la volonté du départ, pas très loin, en périphérie, hors la ville, ce n’est pas un grand explorateur, il rêve à un barbecue et à une partie de pêche, loin des emmerdements et des oukases. La maison individuelle ou la résidence secondaire sont les buts d’une vie pleinement réussie pour tous nos compatriotes. Le Français a le désir puissant de quitter le groupe, l’entreprise, l’association, ne parlons pas du parti politique, il le déserte depuis trente ans. Un billet de loto et il s’en irait, loin des ordres et des contre-ordres, de la férule administrative et des jalousies de bureau, en roue libre pour voir ce que ça fait d’être sans fil à la patte. Autonome. Sans compte à rendre. Le Français est un traînard à la manière de Jean-Pierre Marielle. Il révèle sa profonde nature dans le déport, ce léger désaxage provient certainement d’une culture égalitariste qui l’opprime depuis l’école. La France aime les sillons et déteste les têtes qui dépassent. Dans un pays qui a longtemps eu des velléités d’absorption et d’annihilation de l’individu au profit de la sainte République, il n’a rechigné « au vivre ensemble » qu’au prix d’intimidations et du cadenassage des idées. S’il n’avait tenu qu’à lui, il serait retourné dans sa province et aurait vécu comme ces nobliaux désargentés qui pataugent dans la gadoue du matin au soir et observent le délabrement de leur toiture en se lamentant.

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Le Français n’est cependant pas un animal triste, il peut, en de rares occasions, jouir de la compagnie de ses congénères, lors d’un repas de famille et d’une sarabande sportive ; mais très vite, il reviendra à l’état de solitude. Son état premier. Quand le grand âge l’atteint, il s’accroche à son lopin de terre, à son petit appartement, à ses habitudes, à ses fantaisies ménagères car personne ne veut terminer son existence dans ces colonies lugubres avec d’autres Hommes de sa classe, ça lui rappellerait trop le service militaire. L’obligation de partager son quotidien avec d’autres inconnus, tout en se faisant dépouiller de sa maigre épargne, sont les sévices que nos aînés pourtant endurent. Le Français est aussi un être particulièrement versatile, enfermé dans la nasse sociale, il aura le désir de s’échapper et s’il lui venait d’être seul, vraiment seul, de souffrir alors de l’isolement et du manque d’attention, il supplierait pour une rencontre même facturée. Pour nous éclairer sur ce vaste champ, Alexandre Maujean a très habilement réuni des textes d’auteurs majeurs (Thoreau, Balzac, Roth, Kafka, Stevenson, etc…) autour de cinq grandes thématiques : retour à la nature, à l’isolement, exil intérieur, enfin seul et seul contre tous. Car la solitude est mouvante, instable, elle revêt à la fois des notions négatives et mortifères, mais également elle est soupape de sécurité, régénératrice du « moi ». Chaque écrivain la pare, selon son état d’humeur, de tous les vices ou de toutes les réjouissances. Pour Olivier de Kersauson, elle est constitutive de notre identité : « La solitude est le seul moment réel de notre vie ». Elle nous ancre et nous porte. « Même le voyage amoureux est un voyage solitaire » écrit-il. Thoreau ne dit pas autre chose, dans sa cabane du Massachusetts où il résidera deux années : « J’ai tout à moi seul mon horizon borné par les bois […] J’ai, pour ainsi dire, mon soleil, ma lune et mes étoiles, et un petit univers à moi seul ». Chez Dino Buzzati, la solitude se fait espoir pour le lieutenant Drogo affecté au fort Bastiani à la frontière du Royaume du Nord, longue attente en vue d’une hypothétique bataille : « Au fond, une simple bataille lui eût suffi, une seule bataille, mais sérieuse ; charger en grande tenue et pouvoir sourire en se précipitant vers les visages fermés des ennemis ». Du côté de Rutebeuf, la solitude est synonyme d’infortune plaintive : « L’amitié est morte : ce sont amis que vent emporte ». Et puis, il y a la solitude du Feu Follet, le recueil reprend le dialogue de Drieu la Rochelle entre Alain et Minou qui sortent du bar et marchent dans la rue. Alain avoue : « Ma vie, ce n’est que des moments perdus ».

Le goût de la solitude – Collection la petite mercure – Mercure de France 128 pages.

Le goût de la solitude

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Patrick Besson : pas de quartier !

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Patrick Besson © BALTEL/SIPA

L’écrivain publie deux livres : Quel est le con un recueil de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille, un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d’humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C’est du lourd, ça dépote : du grand Besson !


Deux livres en à peine deux mois ; voilà ce que propose Patrick Besson. Et c’est du lourd ! Le premier, Quel est le con, est un recueil de certaines de ses chroniques parues dans Le Point ; le second, Presque tout Corneille, n’est rien d’autre qu’un thriller bien barré, directement inspiré par l’esprit des tragédies classiques, et notamment par le père du Cid. On se régale ; on rigole ; on s’indigne ; on en redemande.

Grève du sexe

Quel est le con. On l’interroge sur le pourquoi de ce titre provocateur ; il ironise, incisif : « Quel est le con, qui a écrit ce livre ? Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations. » Est-il nécessaire de préciser qu’il tape fort, très fort ?

Le recueil part sur les chapeaux de roues avec « Adaptations ». Cinq minifictions dans lesquelles il brocarde le wokisme et la bien-pensance. Aragon et son Aurélien, nouvelle version : Aurélienne, grand reporter de retour de Bosnie rencontre Bernard, un provincial paumé. Coup de foudre. La femme d’Aurélienne file à Paris pour récupérer son épouse. Elle tombe amoureuse d’un unijambiste, (il a perdu sa jambe à Lesbos dans une charge de la police grecque alors qu’il tentait de se sauver d’un camp de migrants.) « Peu après, Aurélienne décédera dans un accident de la route provoqué par un camionneur RN dont les parents étaient communistes. »

Le ton est donné. Et Patrick Besson d’adapter Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, Crime et Châtiment, de Dostoïevski, Le Diable au corps, de Radiguet, et Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Nous laisserons le lecteur découvrir les étonnantes et déroutantes transformations des héros.

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Avec la chronique « Guerre des hommes », on rit jaune quand il décrit la haine des ultra-féministes à l’endroit de nous, les mecs. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement juste, tellement bien vu. Besson rappelle que « l’histoire nous apprend que la calomnie précède et annonce le crime ». Il se souvient que sans les pamphlets rédigés avant la Révolution contre l’Autrichienne, on n’aurait peut-être pas coupé la tête de Marie-Antoinette. Puisqu’on est des bons à rien et qu’on fait tout de travers, sage, il propose comme mesure de rétorsion la grève du sexe : « Plus aucun de nos pénis ne se dressera pour un membre du sexe féminin. » Na !

Dans « Miss France 2050 », il brosse le portrait de l’heureuse élue, Marie-Josette, ex-Miss Seine-Saint-Denis « dans le cadre de la diversité à la culture » ; elle est hautement intelligente et brillante, a notamment été élève de l’École normale supérieure ; elle est titulaire d’une double agrégation – grammaire et mathématiques –, a repris les études, puis s’est spécialisée dans la chirurgie du cerveau. Miss France 2050, âgée de 73 ans, pèse 119 kilos et mesure 1,49 mètre.

Avec « Brasillach dans la poche », il se demande pourquoi l’écrivain collabo ne figure plus en librairie alors que « Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau y sont encore ». Dans « Faim de carrière », il évoque l’inénarrable Jack Lang qui, malgré qu’il ait dépassé de vingt-deux ans l’âge de la retraite, continue de travailler, « car il y a toujours des imprévus dans l’existence ». Que pense Patrick Besson du personnage ? « Il me fait rire, c’est déjà pas mal ! »

Décapité à la hache

Presque tout sur Corneille révolutionne le genre du thriller. Pas de chapitres, mais de courts textes – parfois des dialogues uppercuts – qui font avancer la narration et l’intrigue à la vitesse de la lumière. C’est prodigieusement nerveux et intelligent. Une fois encore, on rit beaucoup (l’humour de Besson n’est plus à prouver). Le décor est planté en Corse. Il y raconte les pérégrinations d’un homme qui veut retrouver son honneur en se vengeant de son ancien employeur qui l’a viré. Sa technique ? Battre l’ex-patron dans toutes les disciplines afin de l’humilier. Passent une épouse (dont le précédent mari, professeur de bulgare, est mort après avoir été renversé par un cycliste, rue de Lille, à Paris), des enfants, une jeune maîtresse (qui lit tout Corneille, ou presque) et un cousin fraîchement sorti de prison.

Un meurtre horrible surgit : l’ennemi est découvert décapité – à la hache ou à la scie, pas musicale mais on ne sait pas trop – dans la chambre du licencié apprenti vengeur. Le commissaire Bourbeillon, fumeur de cigarette électronique, mène l’enquête.

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Patrick Besson aurait-il lu tout Corneille pour écrire ce polar décapant et singulier ? « Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur, surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière : Le Misanthrope, Les Femmes savantes, etc. », répond-il, provocateur.

Et pourquoi la Corse ? « J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour. »

Quant à la vengeance, qui est presque un personnage de son livre, on finit par se demander s’il ne serait pas, lui-même, un peu rancunier. Point. « Je pardonne mais je n’oublie pas », dit-il. Et pourquoi donc un enseignant de langue bulgare ? « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? » sourit-il. Pourquoi a-t-il choisi de faire de son flic un vapoteur ? « J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains. », confie-t-il.

Ses projets ? « Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La Vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le Dictionnaire amoureux du communisme. » Tout un programme !

À lire :

Patrick Besson, Quel est le con, « Encre Rock », Erick Bonnier, 2024.

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Patrick Besson, Presque tout Corneille, Stock, 2025.

Presque tout Corneille (La Bleue)

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Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

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De gauche à droite, Annie Ernaux, Swann Arlaud, Anna Mouglalis, Médine, Blanche Gardin, Guillaume Meurice ou Assa Traoré appellent à manifester aujourd'hui partout en France.

Séparatisme. Médine, LFI, les Hijabeuses et autres promoteurs du voile islamique défilent aujourd’hui contre le racisme et l’extrême droite, et la gauche s’empresse de leur emboîter le pas en bons idiots utiles. Enfin… idiots utiles, Céline Pina finit par en douter. Certains militants politiques sont désormais bien conscients de marcher main dans la main avec ceux qui prônent l’inégalité et l’intolérance.


Marcher contre le fascisme en compagnie d’islamistes notoires comme d’organisations ambigües en matière de lutte contre l’antisémitisme (LFI, LDH, Sud, Solidaire.s), voilà ce que s’apprête à faire la gauche ce 22 mars 2025 à l’occasion de la journée mondiale contre le racisme et le fascisme.

Une répétition de la tartufferie du 8 mars

Le 8 mars, cette même gauche n’avait déjà trouvé aucun problème à défiler auprès d’organisations pro-palestiniennes qui trouvaient parfaitement normal d’attaquer les organisations réclamant justice pour les femmes juives massacrées, enlevées et réduites en esclavage lors du pogrome du 7-Octobre. Cette gauche n’avait pas hésité à manifester pour le féminisme en truffant son cortège de drapeaux palestiniens : les mêmes drapeaux qui étaient agités au-dessus des corps démembrés des femmes violées que le Hamas ramenait à Gaza. Elle n’a pas hésité à manifester aux côtés de ceux qui expliquent que les auteurs d’un pogrome et d’un viol de masse sont des résistants et à magnifier un territoire, Gaza, où les femmes sont réduites à l’état de sexe et de ventre sur pattes pour le plus grand bénéfice des hommes.

La gauche aujourd’hui, c’est l’apothéose de Tartuffe pour la plus grande gloire des islamistes. C’est ainsi que tout ce que ce petit monde compte de vieilles gloires déplumées et d’artistes sur le déclin remet le couvert de l’exaltation dénonciatrice malsaine et veut s’ériger maintenant en rempart contre le fascisme. Il appelle donc à manifester le 22 mars. Et prend les accents de Jean Moulin pour nous alerter sur le retour des zeures sombres, là, maintenant, tout de suite !!! Mais quelles sont donc les dérives racistes et fascistes qui justifient une telle mobilisation ? Qui sont les nazis qui nous menacent ? Que réclament ces grands esprits tellement rayonnants que l’on se demande s’ils n’ont pas fondu ?

Médine, Assa Traoré, Annie Ernaux ou Blanche Gardin seront de la fête

L’appel à manifester répond à ces interrogations. Signé notamment par Médine, celui qui voulait chanter son album Jihad au Bataclan alors que l’on y a abattu aux cris d’Allah Akbar tant de nos compatriotes, par Blanche Gardin, qui se vante d’être antisémite tout en couinant parce que tout le monde a compris que ce n’était pas une blague, ou encore par Assa Traoré, qui explique que la police tue tout en passant au silence les activités criminelles de sa famille, l’appel défend les valeurs fondamentales des islamistes : c’est ainsi qu’il fait de l’antiracisme le promoteur du sexisme.

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En effet il y a quatre revendications fondamentales dans ce texte et parmi elles, une des manières de lutter contre le fascisme et le racisme, selon ces gens, consiste à autoriser le voile dans le sport. Donc à autoriser un marqueur de l’infériorisation de la femme et un symbole de l’emprise islamiste. Et c’est là que les manipulateurs de l’islam politique sont très forts et que la gauche est quand-même parfaitement stupide : magnifier le signe religieux qui relègue la femme au rang d’éternelle mineure devient une mobilisation contre le fascisme ! Du coup, réclamer l’égalité pour les femmes devient islamophobe et raciste. On appelle cela faire d’un coup, deux pierres.

Les militantes islamistes en faveur du voile dans le foot, devant le Sénat, janvier 2022. Image: capture d’écran YOUTUBE / Le Parisien.

En effet, le point commun entre nazisme/fascisme (tel qu’utilisé dans la rhétorique de l’extrême-gauche), racisme et sexisme, c’est le refus d’accorder l’égalité en droit. Ce refus d’égalité est le reflet d’un déni farouche, celui qui repousse comme une donnée insupportable le fait que nous partageons la même dignité humaine. Ce refus de l’égalité se fait à raison de la couleur de peau ou à raison du sexe, notamment. Et ce dont on peut être sûr, c’est qu’une société inégalitaire a tendance à l’être dans tous les secteurs. Ainsi les sociétés fondées sur l’apartheid sexuel, comme les sociétés islamiques, sont des sociétés où le préjugé racial sera important comme le préjugé religieux et social. D’où la dhimmisation (infériorisation en droit d’une minorité et soumission à un tribut pour avoir le droit de se perpétuer) des autres religions, dhimmisation qui marque aussi la relégation sociale. Il suffit de regarder les sociétés maghrébines pour le constater.

Le premier marqueur de la lutte antifasciste et antiraciste est donc de travailler à la légitimation de l’infériorisation de la femme. Et les trois autres alors ? Selon l’appel, il s’agit de la remise en cause du droit du sol, du rétablissement du délit de séjour irrégulier et de l’interdiction du mariage sur notre sol d’un étranger en situation irrégulière. Or choisir de quelle façon la nationalité est accordée n’est pas un marqueur fasciste : le droit du sang et le droit du sol s’étant succédé sur le territoire français, comme européen, et cette prérogative faisant partie des attributs de la souveraineté. On est bien ici dans une hystérisation sans motif du débat public. Le délit de séjour irrégulier, quant à lui, est une réalité. C’est sa suppression qui fut d’une bêtise sans nom. Il n’y a rien de « fasciste » à ce qu’un pouvoir démocratique choisisse qui il accueille et à qui il refuse le droit d’entrer sur son territoire. Rien de choquant non plus à ce qu’il crée un délit afin de permettre qu’il y ait un support juridique à l’exécution d’une expulsion. Quant à l’interdiction du mariage, il fait référence au refus de Robert Ménard, le maire de Béziers, de marier un étranger en situation irrégulière. Il faut dire que la législation est ainsi faite que si un clandestin se marie, il devient de fait inexpulsable, le mariage produisant alors d’intéressants effets d’aubaine. Là encore rien qui ne justifie le procès en fascisme ou racisme.

Pour essayer de soulager les palpitations de nos Jean Moulin de bacs à sable, essayons de les ramener à quelques références historiques. Les lois fascistes ou nazies n’ont absolument rien à voir avec les exemples mis en avant. Si on ne prend que les lois fascistissimes des années 30, elles consistent en l’instauration du parti unique, l’extension des prérogatives du dirigeant, la suppression du parlement, la mise au pas des associations, la suppression des libertés publiques, le muselage de la presse par l’Etat… Quant aux lois nazies, si on se doute bien que l’amour du migrant n’était pas en leur cœur, leur cible était avant tout les juifs, et peu importe qu’ils aient ou non la nationalité allemande à l’époque, le résultat est que leur mort a été décidée, programmée, exécutée. Le sommet du ridicule est atteint quand les exemples du retour du grand méchant loup nazi sont Donal Trump et Elon Musk. J’ai peu de sympathie pour la brutalisation de la politique que ces deux trublions incarnent, mais force est de constater qu’ils sont surtout inconsistants. Le nazisme ou le fascisme sont des systèmes, à la fois de représentation du monde et de représentation des hommes. Ils veulent fonder un homme nouveau et mettre en œuvre une idéologie totale visant à contrôler tous les aspects de la vie en société et de la vie intime. Avec Donald Trump, on est en face d’un homme sans conviction, qui pense que la politique est affaire de deals. Ces personnalités peuvent s’avérer fort destructrices mais elles ne sont pas fascistes. Et surtout, elles sont les enfants des délires woke ou de l’emprise islamiste qui sont devenues l’identité de la gauche. Si celle-ci n’avait pas fait exploser tous les repères anthropologiques et toute décence commune, l’avènement d’un Trump n’aurait pas été possible. Sa marche vers le succès est elle-même liée à la violence du progressisme et à la terreur qu’a engendré le wokisme quand il s’est mis, hors de tout droit, à tenter de condamner ses cibles à la mort sociale.

Consciences rampantes

Ceci étant, si le danger fasciste ou nazi était réel, il est probable que ces grandes consciences enivrées d’elles-mêmes seraient toutes à plat ventre devant leur nouveau maitre. Elles rampent déjà devant les islamistes au point d’être incapables de se rendre compte du ridicule de leur appel et de leur propre instrumentalisation. Pour preuve ? Un des critères mis en avant dans la tribune pour accuser le gouvernement actuel d’être en plein sabbat totalitaire est son caractère islamophobe. Il faut dire que ce discours est le viatique des islamistes et la base de leur système de recrutement, il est basé sur l’installation d’un sentiment de persécution : « vous ne trouverez jamais votre place ici car ils ne peuvent accepter vos exigences religieuses, il ne vous reste donc plus qu’à devenir les maîtres ». C’est la base de l’emprise islamiste et de la logique séparatiste.

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Et cela repose sur la négation du réel. En effet, ceux qui sont massivement ciblés par les actes racistes et antireligieux sont les juifs, alors qu’ils ne représentent que 0,6% de la population en France. En revanche, ceux qui subissent le moins d’attaques au nom de leurs religion sont les musulmans. En 2023, Plus de 1676 actes antijuifs ont été recensés, il n’y en avait que de 242 pour les actes anti-musulmans. Aujourd’hui la violence dite d’extrême-droite, qui se concentre sur les juifs, est bel et bien le fruit de l’antisémitisme arabo-musulman que chauffent à blanc les islamistes. Les fascistes et les racistes d’aujourd’hui sont moins à l’extrême-droite qu’on ne les retrouve chez ceux qui font la loi dans les quartiers. On dit souvent que « tous ne sont pas islamistes ». C’est vrai. Cependant, dans la jeunesse musulmane et dans les quartiers, une majorité le sont. Et sur le terrain, cela se voit. C’est donc en toute connaissance de cause que les alliés de LFI ont épousé la cause du fascisme islamique. 

Disons-le clairement : à un certain stade, on est plus un naïf inconscient et le terme d’idiot utile lui-même est complaisant. Ces gens sont des collaborateurs. Ils participent à la mise en danger de la seule communauté qui soit réellement menacée en France, la communauté juive. Et ils le font en tenant la main de leurs bourreaux et en diffusant des représentations qui nous menacent tous. Pour eux, le danger c’est le RN. Les Frères musulmans, qui furent les alliés des nazis et n’ont rien renié de cette époque sont au contraire leurs amis. C’est ainsi qu’après avoir défilé, au nom du droit des femmes avec des organisations qui soutiennent les violeurs et exploiteurs sexuels du Hamas, ils s’apprêtent à recommencer en compagnie de ceux qui inventent un génocide à Gaza pour justifier la haine antisémite en Europe. Alors, quand on ouvre la voie aux antisémites et que l’on justifie leur violence, peut-on vraiment continuer à être considéré comme une référence en matière de lutte antiraciste et antifasciste ? La réponse est clairement non. Il est donc temps de traiter ces personnalités pour ce qu’elles sont : des larbins du totalitarisme et de l’antisémitisme qui essaient de se faire passer pour des parangons de vertu. C’est en refusant de défiler à leurs côtés que l’on pose la première pierre du combat antifasciste aujourd’hui.

«Extrême»: un abus de langage?

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Paris, 22 mars 2025 © SEVGI/SIPA

Sophie de Menthon s’interroge avec malice sur ce drôle de paradoxe français où le RN est qualifié d’«extrême», alors que la gauche radicale, malgré ses excès, échappe curieusement à cette étiquette. Elle s’amuse aussi de cette Assemblée nationale devenue un véritable théâtre où les élus, plus occupés à s’entre-déchirer qu’à gouverner, semblent oublier que ce sont les électeurs, pas leurs égos, qui les ont mis là.


L’extrême droite ? Je suis bien consciente que poser la question de l’extrémisme du Rassemblement national, c’est déjà se faire accuser de le soutenir ! La potentielle inéligibilité de Marine Le Pen contraint à repenser aujourd’hui la réalité autrement.

Les Français majoritairement d’accord avec le RN sur l’immigration, mais pas le droit de le dire !

Il faut un bouc émissaire à la société française et au monde politique depuis toujours : on l’a de toute évidence trouvé et il fait plus que jamais l’affaire. C’est le « Rassemblement national », dit aussi « l’extrême droite », succédant au Front national, objet de tous les rejets (non sans raison d’ailleurs car les convictions de Jean-Marie Le Pen furent parfois insoutenables, entre autres pour son antisémitisme). Mais le père n’avait que très peu ou pas de points communs avec sa fille, Marine Le Pen, qui lui a aujourd’hui succédé avec le lourd héritage de ce patronyme. L’un, Jean-Marie Le Pen, était plutôt à droite et capitaliste, Marine Le Pen plutôt à gauche et protectionniste. Quant à l’antisémitisme, on peut franchement tout lui reprocher sauf cela, le combat du RN est essentiellement de limiter l’entrée des immigrés venant d’Afrique car tous nos malheurs, y compris économiques, viendraient de là.

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Justement, dans l’état de fragmentation où est la France, il serait bon de se poser la question du qualificatif d’« extrême » pour ce parti : extrême en quoi ? Une presque majorité des Français partage des convictions défendues par le RN même si économiquement elles sont loin d’être souhaitables et terrifient les chefs d’entreprise. De plus, on cherche en vain ce qu’il peut y avoir « de droite » dans ce programme de l’extrême droite, sinon toujours cet unanimisme autour de l’immigration, plus que jamais au goût du jour avec l’Algérie. La droite, la vraie, dont personne ne sait plus ce qu’elle représente, n’a pas de valeurs particulières à nous faire miroiter : la République ? la nation ? des valeurs, lesquelles ? mais tout cela est préempté de partout et galvaudé. Le danger vient d’ailleurs, et il est de ce fait incompréhensible que le Conseil d’Etat ait décidé que le qualificatif d’« extrême gauche » ne devait pas être utilisé pour la gauche : LFI et le PCF (qui n’en demandait pas tant). L’extrême gauche, donc, n’existe pas, même quand elle déshonore l’autre gauche et choque nos âmes de citoyens et de républicains. Que dire de l’ignoble caricature d’Hanouna ? Si elle émanait du RN, on verrait ses auteurs immédiatement devant les tribunaux et à juste titre, car elle fait preuve d’un racisme affiché qu’on ne tolèrerait jamais venant de ladite extrême droite. La pensée à tendance unique doit-elle aussi faire siennes les idées à la mode sur la drogue, l’élargissement antidrague et le verdissement des trottoirs, le tout sous couvert d’un État dépensier, clientéliste, bienveillant : un must politique ?

TPMM

La libérale que je suis se retrouve à aimer la gauche, la bonne gauche d’autrefois, d’avant les coupables rageurs de LFI et de leur chef auquel on passe absolument tout… touche pas à mon Mélenchon ! La gauche digne, celle d’Emmanuel Valls, Bernard Cazeneuve, Hubert Védrine, et Emmanuel Macron qui incarnait une pseudo-gauche libérale… Nous n’évoquerons pas François Hollande qui oscille entre des positions qu’il ne connaît pas lui-même.

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Donc, devant ce nouveau clivage français hypocrite et assassin, que faire ? Le camp du bien est terrifiant et sectaire. Il est inadmissible qu’un mouvement patronal, par exemple, soit cloué au pilori s’il accepte d’être auditionné par le RN et de lui proposer ses travaux pour l’éduquer économiquement, alors que lorsqu’il reçoit François Ruffin, c’est un bon point malgré ses positions envers les « salauds de patrons ». Il est plus que temps que le monde politique des élus reprenne ses esprits. Ce fameux « front républicain » par exemple, instigué par ceux qui voudraient être réélus peu importe par qui, et sans vergogne par l’extrême gauche, pacte diabolique a donné naissance à un monstre tentaculaire qu’on appelle l’Assemblée nationale ; nos parlementaires y combattent avec un acharnement sans faille ceux grâce auxquels ils siègent : électeurs d’hier, ennemis mortels d’aujourd’hui. Aucun raisonnement nuancé, aucun sens de l’Etat sinon pour une surenchère administrative, aucune prospective sérieuse, aucune ambition désintéressée n’apparait. Il y a un moment où chaque Français doit se poser objectivement la question de son vote. La France serait majoritairement à droite, mais les médias, les ambitieux et les bobos la convaincront-ils à nouveau que nous ne sommes capables de voter que si l’on pense à notre place, et qu’on nous indique les barrages et exclusions obligatoires ? Qui aura le courage d’une union raisonnable des forces de droite, y compris de l’extrême centre (qui ferait mieux de choisir le camp de l’action et de l’esprit de décision) ?

Censure !

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© Metropolitan FilmExport

Une professeure à l’université de Téhéran fait lire à certains de ses étudiants des livres occidentaux interdits par le régime, afin de montrer son opposition au radicalisme iranien.


Avec Les Citronniers, La Fiancée syrienne ou encore La Visite de la fanfare, le réalisateur, scénariste et producteur israélien Eran Riklis a déjà donné toute la mesure de son talent. Observateur acide et sans concessions des sociétés qui l’environnent, il s’attaque cette fois à l’Iran et à son évolution mortifère depuis l’arrivée au pouvoir de l’intégrisme religieux. Il le fait avec un film au titre programme : Lire Lolita à Téhéran. Soit l’histoire vraie d’une enseignante iranienne revenue d’exil en 1978 et qui, jusqu’en 1997, a tenté de vivre et de travailler sous le régime des mollahs, avant un nouvel exil. Le film suit habilement la structure narrative du livre dont il s’inspire à travers les activités dissidentes et souterraines d’un « club de lecture » féminin bien décidé à braver les interdits d’une censure criminelle. Incarnée à la perfection par l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (elle-même exilée à Paris depuis 2008), cette héroïne moderne est la plus vibrante des réponses à l’obscurantisme.

Maestro !

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© Dulac Distribution

À l’heure où la Corrida est menacée, Albert Serra propose un film à couper le souffle sur le torero Andrés Roca Rey, afin de faire revivre cette tradition et nous en faire découvrir la richesse.


On plaint les confrères critiques qui risquent d’avoir du mal à imposer des articles sur le film du cinéaste espagnol Albert Serra, Tardes de soledad, et on se réjouit haut et fort, a contrario, que ce ne soit absolument pas le cas dans ces colonnes ! Car, oui, la tauromachie, sous toutes ses formes et toutes ses expressions, a littéralement bien mauvaise presse en France. Il est fini depuis belle lurette le temps béni où les lecteurs du Monde pouvaient se régaler à la lecture des chroniques taurines de Francis Marmande et ceux de Libération à celles de Jacques Durand, pour ne citer que ces deux plumes ô combien inspirées. Seuls désormais les quotidiens régionaux du Sud consacrent quelques pages à la corrida au moment des ferias. C’est dire si un film de deux heures sur un torero péruvien a toutes les chances de passer à la trappe, sacrifié sur l’autel de la bien-pensance qui sévit même en Espagne. Raison de plus pour dire tout le bien qu’on pense de ce film exceptionnel. On connaît le talent iconoclaste d’Albert Serra. Ses films ressemblent la plupart du temps à de saines et superbes provocations au bon sens du terme. Qu’il s’agisse, entre autres, de filmer Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV, film crépusculaire, ou de donner enfin à Benoît Magimel un rôle à la hauteur de son vertigineux talent avec Pacifiction: Tourment sur les îles. Cette fois, le héros s’appelle Andrés Roca Rey, né le 21 octobre 1996 à Lima, au Pérou, et devenu matador en 2015 dans les arènes de Nîmes sous la houlette d’Enrique Ponce et en présence de Juan Bautista. Tout a commencé bien avant, aux arènes de Lima, la Plaza de Acho, quand le 26 novembre 2006, âgé de 10 ans, le futur torero a rencontré un maestro de légende, El Juli.

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À son propos, son ancien compatriote et prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa n’a pas hésité à écrire : « Il représente le torero magique dont Manolete et Luis Procuna furent emblématiques mais aussi le toreo souriant, festif, joueur. » De fait, on pourrait le surnommer « Andrés Gueule d’Ange » tant son sourire est rémois. Pour le reste, c’est lui qui l’écrit autant avec sa sueur et son sang qu’avec son courage et son art sans pareil. Le film est à sa hauteur de prodige. On n’a jamais vu des corridas filmées de la sorte, au plus près du taureau, du torero et de sa cuadrilla. Pour obtenir ces images inédites, le cinéaste a utilisé en permanence trois ou quatre caméras qui captent aussi bien le regard de l’animal que les gestes du torero, et des moments d’une intensité foudroyante, quand on a l’impression, par exemple, que Roca Rey va y passer, littéralement embroché par la bête fauve aux cornes démesurées. Chez lui, la prise de risque est une seconde nature, surtout quand le taureau est comme un fou dangereux. C’est dans ces moments-là, comme le lui dit l’un de ses péones, qu’il est le plus admirable. Et Serra saisit ces instants hors du temps avec un brio inégalable. Jusqu’aux sons eux-mêmes qu’il parvient à capter grâce à des micros-cravates posés sur les épaules du torero ou sur les pattes du cheval du picador. Sans oublier la foule que l’on entend retenir son souffle dans les moments cruciaux.

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De tels procédés ne dissimulent rien de la réalité, y compris la souffrance animale qui dure parfois au-delà de ce que l’on croit être la mort jusqu’au coup de grâce final, le descabello que donne l’un des péones. Tant pis pour les âmes sensibles et tant pis aussi pour les vrais-faux aficionados : « La violence ne vient pas de moi, a l’intelligence de dire le cinéaste, elle appartient à la corrida. » Un torero et bandillero d’exception, Luis Francisco Espla, déclara un jour qu’en entrant dans l’arène, il sentait « le poids de son âme ». En effet, c’est bien de vie et de mort dont il est question dans le magnifique, sauvage, terrifiant et admirable film d’Albert Serra.

Le don d’Alexandra

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Image d'illustration Unsplash.

L’amour donne des ailes…


Du jour où elle se mit à voler, Alexandra constata un changement dans sa vie jusqu’alors dépourvue de péripéties notables. Cela se produisit sans préavis. Elle était à son balcon. La radio diffusait le tube de l’été qui avait raté, mais de peu, le Grand Prix de l’Eurovision. Pierrick Baruel, le chouchou des minettes prépubères, en hurlait avec conviction le refrain: « Ah, si j’avais des ailes / J’m’envolerais vers elle ». Alexandra allait sur ses quarante-cinq ans, mais elle avait gardé un fond de candeur. Une sentimentalité qui la faisait vibrer au moindre amour / toujours. Quant au physique, chacun s’accordait à penser qu’elle « ne faisait pas son âge », ce qui était l’exacte vérité.

Une fois encore, les yeux clos, elle se laissait emporter par la voix enjôleuse, les violons, le texte suggestif dont la poésie la bouleversait. Elle le détaillait en même temps que l’idole. Pour faire bonne mesure, elle agitait en cadence les bras. Comme dans le clip vidéo. Elle y mettait toute sa conviction.

C’est alors qu’elle prit son essor. Sans même y prendre garde. Elle s’éleva, plutôt gracieusement, sans cesser de battre des bras. Se retrouva flottant au-dessus de la rue, à quelque cent pieds du sol. S’étonna de ne point éprouver la panique attendue en pareille occurrence. Plutôt une sensation de bien-être, voire de plaisir. Elle se mouvait aisément, maîtrisa sans effort la trajectoire qui la conduisit vers l’immeuble d’en face où elle se posa.

Sur la corniche, les pigeons s’effarèrent de l’irruption de cette intruse, lui firent, bon gré mal gré, une place à leurs côtés. Etrange, monstrueuse, même, mais sans intention de nuire. Ainsi la jugèrent-ils dans leurs cervelles de volatiles peu portés à s’interroger sur les bizarreries du monde.

Sa propriété, c’était le vol. Alexandra mit quelques instants à s’accoutumer à cette situation nouvelle. Non qu’elle lui causât le moindre effroi, sinon celui d’être surprise en un lieu incongru. Une de ses premières pensées fut qu’elle n’éprouvait pas le moindre soupçon de vertige. Une autre, qu’elle risquait d’être vue par sa mère, ou son mari, ou des amies, et qu’elle serait incapable de fournir la moindre explication.

Nul cependant, parmi les humains, ne semblait avoir remarqué quoi que ce fût d’insolite. La rue était pourtant peuplée de piétons dont certains auraient dû l’apercevoir. D’autant qu’elle avait osé, pour s’assurer de sa maîtrise technique, quelques circonvolutions à basse altitude. Personne n’avait manifesté d’étonnement. Pas même lorsqu’elle avait effectué une volte audacieuse autour du clocher voisin, avant de se percher au faîte d’un marronnier.

Elle sentit dans cette manière d’invisibilité une protection qui la rassura si bien qu’elle décida de rentrer chez elle comme elle en était partie.

Quand elle se posa sur le balcon, Damien était installé sur le canapé. Pour une fois, il avait ôté ses chaussures et leva à peine le nez du roman où il était plongé. Elle s’interrogea une fraction de seconde: allait-elle lui révéler ce qui s’était passé? Choisit de n’en rien faire. Il serait toujours temps d’aviser. Du reste, Damien n’était guère curieux, absorbé le plus souvent par son métier d’informaticien. Guère plus loquace. En dix-sept ans de mariage, leurs liens avaient eu le temps de se distendre. De laisser place, de façon insensible, à une affection teintée d’indifférence. Un vieux couple, déjà, pensait-elle parfois non sans nostalgie. Elle n’avait pas tort.

– Tu étais sortie?

Question machinale, de simple convenance. Ses yeux n’ont pas quitté le livre.

– Oui, prendre un peu l’air.

Involontaire, la boutade. Du reste, Damien ne relance pas.

A dire vrai, la mésaventure survenue à Alexandra avait connu quelques prémices qui lui reviennent en mémoire. L’an dernier, à pareille époque, un rêve récurrent venait troubler ses nuits. Certes, il présentait chaque fois de légères variantes, mais le fond en était invariable. Assez prégnant pour qu’elle se réveillât en sursaut, agitée de tremblements nerveux. En proie à une telle angoisse que, sur les conseils d’une amie, elle avait consulté un psychanalyste.

– C’est un lacanien de stricte obédience, tu verras, il est génial. Il a débarrassé mon beau-frère de la phobie des araignées. En un rien de temps. Mieux, il a fait émerger de son inconscient un talent jusque-là ignoré pour la peinture abstraite. Oui, figure-toi que l’araignée, c’est aussi « l’art est nié ». Tu suis ? Son talent, Régis le refoulait, sans le savoir. Il niait l’art, comprends-tu? D’où sa terreur des épeires et autres arachnides. Génial, te dis-je!

Or voici ce qu’Alexandra rêvait alors avec une fréquence accrue: elle était un OVNI tournant à une vitesse folle autour de notre terre. Parfois, elle s’attardait au-dessus d’une région, décélérait pour suivre le cours d’une rivière, survolait des villes, des forêts, des montagnes, y prenant un plaisir toujours renouvelé de touriste, découvrant des contrées dont elle vérifiait ensuite l’existence et les caractéristiques sur Internet.

L’ennui, c’est que le rêve se terminait toujours par une chute qui la laissait terrorisée, pantelante. Elle avait fini par en parler à Damien. Lequel avait, bien sûr, minimisé la chose en haussant les épaules.

– Tu es nerveuse, un point c’est tout. Nerveuse et imaginative. Peut-être qu’une bonne infusion de tilleul, le soir… C’était la recette de ma grand-mère. Et puis, ça finira par passer, ne t’inquiète donc pas.

Il s’était retourné. Avait calé son oreiller, saisi son livre sur la table de chevet. Un seul chapitre à lire. Il faisait d’ordinaire durer le plaisir, mais là, l’impatience de connaître le dénouement était la plus forte. Alexandra soupira, tenta de se rendormir. Ainsi n’abordèrent-ils plus le sujet.

Heureusement, le lacanien ne fit pas preuve de semblable désinvolture. Il la fit s’allonger sur le traditionnel divan, lui fit raconter sa vie avant d’en venir précisément à l’objet de sa visite. Il opinait parfois, noircissait du papier. Ne posait aucune question, ne livrait aucun commentaire. Mettait fin aux confidences au gré de ses propres humeurs, semblait-il. Ou selon une logique dont il était le seul à connaître les codes.

– Eh bien, chère madame, ce sera tout pour aujourd’hui. Nous nous reverrons la semaine prochaine, n’est-ce pas? Même jour, même heure.

Cela prit quelque six séances de durée variable mais de prix constant – deux cents euros qu’Alexandra puisait, à l’insu de son mari, dans le petit héritage laissé par sa tante Marie-Thérèse. Un pécule qui avait une fâcheuse tendance à fondre, sous les assauts répétés du psy.

A la septième séance, sentant peut-être la source se tarir, celui-ci sortit enfin de son mutisme, consulta les notes accumulées. Se racla la gorge, se mit à parler avec des intonations d’oracle.

– Au fond, votre cas est relativement simple. Cela m’apparaît désormais avec une clarté suffisante pour que je vous fasse part de mes conclusions. Donc, un OVNI, qu’est-ce? Je parle du mot, bien entendu, non de la chose. Même si l’on sait depuis William James que « le mot « chien » ne mord pas ». (Petit rire.) La sémiologie est une science passionnante…

Mais ne nous égarons pas. Revenons à notre OVNI. Deux syllabes, n’est-ce pas, chère madame, OV-NI. OV, c’est la racine latine qui a donné ove, ovale, ovaire, ovule, ovulation et œuf. Vous me suivez? Du reste, qu’est-ce qu’un ove, en architecture, sinon un œuf… dur? (Nouveau petit rire.) Ce pourrait être une définition de mots croisés, n’est-ce pas? Quant à NI, eh bien, c’est enfantin. Ajoutez un D, qu’obtenez-vous? Un NID, bien sûr. Un nid d’oiseau. Un nid de vipères. Que sais-je encore? Un nid où nidifier, en tout cas. Un nid où pondre. Vous me suivez, n’est-ce pas? Vous me suivez?

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Il arpentait la pièce à grandes enjambées, brandissait ses feuillets gribouillés. Exultait comme Archimède au sortir du bain.

– Œuf… Nid… Ah, comme l’évidence s’impose! Votre rêve est on ne peut plus clair: vous rêvez d’avoir un enfant, chère madame! Oui, oui, en dépit de votre âge sur lequel je n’aurai pas la goujaterie de vous questionner. Vous sublimez ce désir de maternité, vous le projetez dans l’espace… Vous souhaitez nidifier, vous n’osez vous l’avouer clairement. OVNI… Votre époux n’y entend goutte… Ne vous désire plus, ce que vous m’avez laissé entendre. A votre insu, je vous l’accorde. Votre envie de nidifier… Transcendée, envoyée en l’air. Où vous ne montez plus guère, ce que j’ai compris à travers vos confidences.

Il étouffe un petit rire qui s’achève en une sorte de hoquet. Bref, vous êtes frustrée. Dans votre désir de femme. Dans votre désir de mère. OVNI… Saisissez-vous toute la subtilité du rapport… Excusez-moi. De la relation… Excusez-moi derechef. Je veux dire, de la signification connotée avec la phase existentielle que vous traversez en ce moment. Avec les séquelles qui s’ensuivent.

– Je me résume: vous voulez un enfant, votre époux n’est pas prêt à vous en donner un. Pour des raisons profondes que j’ignore. Que je découvrirais certainement si vous lui suggériez de venir me voir. Je laisse cela à votre appréciation.

 Pour en revenir à vous, je ne saurais trop vous inviter à réfléchir aussi sur le fait que le vol, celui d’un oiseau, celui du bourdon, est aussi le larcin. Ou la propriété, selon la formule de Pierre-Joseph Proudhon. Intéressant, n’est-ce pas?

Il fredonne, battant la mesure: « C’est le plus grand des voleurs / Oui mais c’est un gentleman…»

– Ah, Jacques Dutronc… Toute ma jeunesse. Et Maurice Leblanc… Vous l’avez lu, au moins? Je vous y engage, il est passionnant. Voilà, chère madame. Méditez là-dessus, je vous ai livré toutes les clés. Cela fera quatre cents euros. En liquide, comme d’habitude. Pensez à parler de moi à votre mari. Pour votre bien à tous les deux.

Le désir d’enfant, Alexandra ne s’y attarda pas longtemps. L’idée lui paraissait extravagante. Damien et elle avaient fait le choix d’attendre quelques années et le désir, s’émoussant au fil des jours et des nuits, n’avait fait qu’ancrer une décision qu’ils jugeaient sage. Cela faisait, du reste, plusieurs mois que le sujet n’était plus venu dans leurs conversations. Comme s’il était devenu obsolète.

Quant à parler à Damien du psy et de ses déductions, pas question. Encore moins de l’inciter à consulter. Il tomberait des nues (l’expression lui rappela son rêve, amena sur ses lèvres un sourire) et ce qui restait de l’héritage de tante Marie-Thérèse serait vite englouti. Adieu, alors, la commode repérée chez un antiquaire et qu’elle allait voir au moins une fois par semaine. Partagée entre le désir de l’acquérir enfin et celui de la savoir déjà vendue, ce qui aurait mis fin à ce qui devenait une obsession.

Tout cela resta donc latent. Ses cauchemars s’espacèrent d’abord, disparurent enfin. En revanche, depuis qu’elle avait pris goût à ses escapades aériennes, les acceptions du mot vol lui revenaient en tête. Elle les tournait et retournait. Jusqu’à parvenir à la conclusion qu’il serait absurde de laisser inexploitée une faculté lui conférant un pouvoir inespéré.

Elle se contenta d’abord de menus larcins, quelques légumes à l’éventaire du primeur de la rue Cérésa un soir où il ne restait rien dans le bac du réfrigérateur, un sweat-shirt raflé, lors d’un vol plané, sur un des mannequins placés sur un trottoir. Elle aurait bien saisi en même temps la jupe bayadère, mais, scrupule infondé, craignit d’abuser. Des livres aussi, qu’elle offrait à Damien avec l’impression de se refaire une honnêteté.

– Tiens, chéri, je t’ai rapporté le dernier Christian Jacq. La critique est unanime, j’ai lu Elle chez le coiffeur, et Match. Dithyrambiques l’un et l’autre. Je pense que cela devrait te plaire, à toi qui aimes l’Egypte.

Damien ne s’étonnait guère de cette subite munificence. Il était, on l’aura compris, d’un naturel plutôt apathique, aссерtant la vie comme elle se présentait, sans se poser de questions superflues. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit que les cadeaux d’Alexandra montraient qu’elle avait quelque chose à se faire pardonner.

Le manège de celle-ci se poursuivit quelques mois. Jusqu’au jour où elle présuma de ses capacités. L’attrait de la commode était si fort qu’elle caressa le projet de s’en emparer. Tenta, après en avoir pesé les conséquences, de le mettre à exécution. Las! Les sangles dont elle s’était munie étaient trop courtes. De surcroît, le poids du meuble était tel qu’il lui fut impossible de décoller.

Ainsi renonça-t-elle bientôt à une activité qui, les premiers moments de plaisir passés, ne lui apportait pas les satisfactions escomptées. A quoi bon se démener si ses capacités de transport en vol n’excédaient guère quelques kilos? S’emparer d’une voiture, fût-ce un petit modèle, une Smart, une Twingo, une Yaris, voilà qui eût été intéressant. Bien plus captivant qu’une botte de poireaux happée en vol.

En revanche, l’indifférence de Damien commençait à lui peser. Pas question de lui faire partager l’expérience qu’elle vivait. Il était là, égal à lui-même, placide, son éternel roman entre les mains. Ne s’étonnant de rien. Dépourvu d’aspérité. Acceptant tout avec une équanimité désespérante qui lui était comme une caгapace.

Alexandra enrageait. Elle se mit à envisager ce à quoi toute femme eût pensé dans son cas, prendre un amant. Non par désir d’enfant, comme le prétendait le lacanien infatué, mais par désir tout court – si l’on peut dire. Elle était dans sa plénitude, celle que Balzac attribue à la femme de trente ans. Qui plus est, son don lui offrait des facilités inespérées. Et le délaissement dans lequel la laissait Damien lui valait toutes les absolutions.

Elle jeta son dévolu sur un professeur de judo qu’elle avait eu tout loisir d’observer lors de ses envolées d’après-midi. II officiait dans un dojo de la rue Boudard et elle était restée plus d’une fois à le regarder, perchée sur la rambarde d’une fenêtre. Beau, évidemment. La trentaine ou guère plus. Une allure, une aisance dans la démarche. Bref, le mâle idéal.

Elle l’avait abordé à la sortie de son cours sous le plus banal des prétextes: pensait-il qu’elle soit trop âgée pour se mettre au judo? Elle adorait ce sport, rêvait depuis longtemps de le pratiquer… En même temps, il faudrait être doux avec elle, très doux. Elle était maladroite, ne comprenait pas toujours les consignes, manquait sans doute de souplesse…

Il avait été doux, très doux. Cela faisait trois mois maintenant qu’ils se retrouvaient après la fermeture de la salle de sports. Chez lui le plus souvent, au trentième étage d’une tour, dans le treizième arrondissement qu’il avait choisi pour sa forte densité d’Asiates. Alexandra nageait dans le bonheur. Jamais, même dans ses rêves, elle n’aurait imaginé relation plus tendre. Ses sens s’étaient éveillés comme par magie. Elle mesurait tout ce qui séparait Damien de ce sportif empressé, aussi amoureux qu’elle pouvait l’être elle-même. Une renaissance.

D’abord furtives, leurs rencontres se firent bientôt plus longues. Ils avaient pris l’habitude de ces rendez-vous, vivaient dans l’attente de retrouvailles qui les comblaient l’un et l’autre, les laissaient enlacés sur le futon, harassés, en sueur.

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Jusqu’au jour où l’irréparable se produisit. Ils s’étaient attardés sans en avoir conscience, incapables de mettre fin à leur étreinte. Peut-être même s’étaient-ils assoupis, submergés par la béatitude. Toujours est-il qu’Alexandra se dressa brusquement, poussa un cri.

– Sais-tu quelle heure il est? Bientôt dix heures! Et mon mari? Il doit se faire un sang d’encre. Peut-être a-t-il déjà alerté la police. Il faut que je rentre au plus vite…

Rhabillée en un tour de main, elle avait rassemblé ses affaires, ouvert la porte-fenêtre, enjambé le balcon.

– Mais que fais-tu? Tu es folle? Alexandra, je t’en prie…

Trop tard. Elle avait déjà sauté, s’envolait à tire-d’aile. Invisible, désormais.

Jean-Philippe se précipita sur le balcon, se pencha, certain de distinguer sur le trottoir le cadavre disloqué de son amante. Pourquoi donc avait-elle choisi de se suicider? Il s’apprêtait justement à lui proposer de mettre fin à son mariage, de venir enfin vivre avec lui…

L’heure tardive, l’altitude de son appartement l’empêchèrent de voir quoi que ce fût. Il referma avec soin la porte-fenêtre, respira un grand coup. Décrocha du mur le sabre de samouraï rapporté d’un voyage au Japon et se fit hara-kiri. En respectant les rites du seppuku avec les scrupules requis.

Alexandra s’était alarmée pour rien. A son retour, Damien dormait déjà, un livre ouvert sur son ventre. Quand elle s’allongea avec précaution à son côté, il émit un vague grognement et se retourna.

Elle revint le lendemain au dojo, s’enquit de Jean-Philippe. Apprit, de la bouche d’un élève, le drame dont le bruit s’était aussitôt répandu dans les milieux sportifs.

– Voyez-vous, madame, il est mort comme il avait vécu. En homme d’honneur.

Telle fut son oraison funèbre.

Alexandra tourna les talons. Sans un mot. Sa décision fut prise sur-le-champ. Elle allait quitter Paris. Pour toujours. Damien lui était insupportable. La vie aussi. Mais auparavant, il fallait qu’elle revoie, une dernière fois, cet appartement où elle avait été si heureuse.

Envol discret. Du balcon, à travers la porte-fenêtre dépourvue de rideaux, elle scrute l’intérieur. Le futon est resté défait. Sur le sol, subsiste une trace de sang. Un sanglot la secoue tout entière. Partir. Son seul désir, désormais. Dans une autre ville, un autre pays. Un autre continent. Oiseau migrateur, tel était donc son destin. Elle fredonne une fois encore les vers dérisoires, « Ah, si j’avais des ailes / J’m’envolerais vers elle». Saute dans le vide. S’écrase sur le trottoir.

Un vol de pigeons tournoie sur la ville.

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Manifestation contre l'extrême droite à Paris en vue des élections législatives, suite à la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, Paris, le 15 juin 2024 © Sabrina Dolidze/SIPA

Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Le samedi 22 mars aura lieu, à Paris et dans d’autres villes françaises, une grande manifestation contre la montée du « fascisme ». Cet événement, organisé par la gauche et l’extrême-gauche, est en réalité un festival de sexisme, de racisme et de déni de démocratie. Ses organisateurs veulent protester contre l’interdiction du port du voile dans le sport. Or, le voile est un instrument d’oppression des femmes. Ils veulent mobiliser les « quartiers populaires ». Or, il s’agit des quartiers où résident une majorité de personnes issues de l’immigration, l’immigré étant le nouveau héros mis en avant par la gauche, à la place du prolétaire blanc. Les organisateurs sont ceux qui prétendent avoir gagné les dernières élections législatives. Or, il n’en est rien.

Ces mêmes « antifascistes » sont ceux qui promeuvent une forme d’antisémitisme sous couvert d’anti-sionisme. En réalité, la société israélienne est très ouverte et diversifiée. Ce qui peut étonner le visiteur occidental, au premier abord, c’est combien différentes communautés – druzes, chrétiens maronites, bédouins… – sont solidaires du pays qu’elles habitent et de l’Etat qui les protège. Et combien elles sont prêtes à se battre pour défendre cet Etat et la liberté qu’il leur garantit. Nos sociétés occidentales sont certes diversifiées, mais pouvons-nous dire qu’elles se caractérisent par une pareille solidarité?

L’ambivalent Monsieur Hugo

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Philippe Raynaud © Hannah Assouline

Dans son brillant essai, Philippe Raynaud démontre comment Victor Hugo a tiré des bords politiques pour se placer, comme en littérature, toujours à l’avant-garde, faisant rimer libéralisme et romantisme.


Il n’était pas indifférent à Victor Hugo d’être moderne, au mépris de principes politiques. D’abord le jeune homme est royaliste, poète ultra. Songez à ses Odes de 1822 où il chante la Contre-Révolution, grandeurs et misères. Plus tôt encore, et pour un temps, le royalisme hugolien fut voltairien – il le devait, sans doute, à sa mère, Sophie Trébuchet –, avant de devenir ensemble catholique et romantique. Dans la préface de la première édition des Odes, le poète écrit que « l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses ». C’est le moment des querelles entre « classiques » et « romantiques », qui fragmentent les royalistes. Pour Hugo, cependant, la mythologie antique est morte et n’inspirera plus les poètes modernes. Ceux de la tradition sont dépassés, obsolètes. Si bien qu’en 1824, dans la préface aux Nouvelles Odes, c’est sur les écrivains du Grand Siècle qu’il fait porter la responsabilité des événements des Lumières et, partant, de la Révolution. Au cœur même de sa période royaliste, nous explique le philosophe des idées politiques Philippe Raynaud, « Hugo donne comme tâche à la Restauration – littéraire et politique – de réconcilier la religion, la liberté et la poésie moderne pour faire naître une société nouvelle qui n’est pas celle de l’Ancien Régime. » Qu’est-ce que la liberté politique ? Le libéralisme. Et la liberté de l’art ? Le romantisme.

Hugo ou la « gnose progressiste »

Le remarquable essai de Philippe Raynaud vise les contingences de l’esprit français, de l’imaginaire national, et l’influence du monument Hugo. En somme, « aucun poète, aucun écrivain n’a autant contribué à faire la France ». Bon, le royalisme de l’auteur des Odes, on l’a compris, était superficiel. Au moment de la bataille d’Hernani, la voie du poète est tracée : il affirme « l’unité indissoluble entre le mouvement romantique et la cause du progrès politique ». L’avant-garde littéraire et l’avant-garde politique vont marcher d’un seul pas, la modernité est à ce prix ! Nommé pair de France en 1845, Hugo est alors à l’aile gauche de l’orléanisme : cap sur l’héritage de la Révolution. En 1848, devenu l’incarnation du grand écrivain national, il parvient à concilier ses inclinations progressistes et sa proximité avec Louis-Philippe : tour de force. Après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, l’auteur de La Légende des siècles choisit l’exil : son autorité morale et républicaine est incontestable. Sa philosophie politique est définitive : « libérale, démocratique, humanitaire et sociale ».

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Doit-on à Hugo l’optimisme béat d’une religion humanitaire ? C’est ce qu’a longtemps pensé la droite. D’un autre bord, l’humanisme hugolien « a fini par l’emporter sur la logique du marxisme » : les communistes, sans doute, n’avaient pas remarqué que le poète fustigeait l’athéisme militant comme « le socialisme de caserne ». Quoi qu’il en soit, la « gnose progressiste » du Père Hugo infusa considérablement. C’est tout l’intérêt de ce livre de nous le montrer.

Philippe Raynaud, Victor Hugo : la révolution romantique de la liberté, Gallimard, 2024.

Victor Hugo: La révolution romantique de la liberté

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