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Du passé, l’Occident fait table rase

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Les archéologues du grief qui veulent nous débarrasser du passé deviennent invariablement et paradoxalement ses prisonniers, observe le sociologue Frank Furedi, dans un livre qui s’attaque aux idéologies décoloniales en vogue et à la « cancel culture ».


Frank Furedi est un sociologue britannique d’origine hongroise, professeur émérite à l’université de Kent. Il a entrepris l’écriture de son livre[1] après avoir assisté, à distance, au déboulonnage de la statue d’Abraham Lincoln à Portland en octobre 2020, par une foule lyncheuse cherchant à prendre sa revanche sur le présent en esquintant le passé. Malgré l’absence de coordination et de déclaration de guerre, c’est bien d’une guerre contre le passé qu’il s’agit. Jonathan C.D. Clark, dans Our Shadowed Present (2004), voit dans cette attaque du passé une entreprise de « déshéritement historique ». Frank Furedi parle d’archéologie des griefs pour décrire ce processus de délégitimation du passé qui vise à le reconditionner en fonction des valeurs et objectifs des politiques identitaires actuelles. Les enfants et adolescents sont les cibles principales de cette entreprise d’éloignement moral de l’héritage culturel, favorisée par un « climat » culturel qui rencontre peu de résistance. Les élites occidentales ont peu fait pour défendre leur héritage historique. Elles l’ont souvent renié et ont été à l’avant-garde de son éradication.

Un long processus de détachement du passé

Jusque récemment, la gauche et la droite cherchaient à interpréter le passé pour nourrir leur idéologie, en y cherchant des traces validant leurs positions. Au 19ème siècle, le passé cessa d’être vu comme une réserve de solutions pour le présent, avec l’émergence d’un culte de la jeunesse qui s’est vite imposé au tournant du 20ème siècle. On perçoit alors le passé comme un obstacle à la poursuite du progrès et l’on se prend à rêver d’un nouveau monde, remodelé selon des principes scientifiques. Après l’hécatombe de la Première Guerre mondiale l’histoire, pour les élites, n’avait plus rien de positif à dire à la société. Les idéaux et valeurs dans lesquels elles avaient été socialisées avaient perdu tout sens. Durant les premières décennies du 20ème siècle, gauche et droite firent, chacune à leur manière, la promotion d’un homme nouveau (Trotski et Hitler). La distanciation du passé fut graduelle jusqu’à la fin des années 1960, mais, avec les années 1970, les attaques se firent plus explicites.

Frank Furedi découpe cette évolution en quatre phases :

  • Perte de pertinence du passé pendant le 19ème siècle ;
  • Le passé est un obstacle au présent : idée qui apparaît à la fin du 19ème siècle, gagne en influence après la Première Guerre mondiale et trouve un nouvel élan après la Seconde ;
  • Le passé est principalement malveillant : dans les années 1960-70 se développa une méfiance à l’égard du passé qui fut redirigée vers le statut d’adulte avec, en parallèle, une obsession de l’identité. La montée de la contre-culture des années 1960 fut propice à la dévalorisation du passé ;
  • Le passé représente un danger : Il serait une menace pour le présent. Tout est à jeter jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Bald Old Days). 1945 est, en quelque sorte, l’année zéro. Mais ce passé continuerait de contaminer le présent et de blesser les minorités. En cherchant dans le passé les sources d’un malheur actuel, on le réintroduit dans le présent, tout en prétendant s’en détacher. C’est tout le paradoxe de vouloir à la fois rompre avec le passé et lui régler son compte.

L’idéologie « Année Zéro »

Dans le passé, cette idéologie désignait la naissance de quelque chose de nouveau. Ce fut l’objectif de la Révolution française, de celle des Khmers rouges en 1975 et d’une certaine manière de la Révolution américaine qui voulait créer un nouveau monde. Aujourd’hui cette idéologie a tourné son regard vers l’arrière. Elle cherche à éliminer les influences du passé et à s’en venger au nom des maux contemporains qu’il aurait engendrés. Le mouvement décolonial, qui réduit l’héritage occidental à une histoire de domination et d’oppression, est l’agent le plus performant de propagation de l’idéologie « Année Zéro ». Aristote n’aurait été qu’un raciste qui continue de sévir, la Déclaration d’indépendance des États-Unis, une charte d’esclavagistes, le colonialisme, le précurseur de la Shoah… C’est un mouvement qui résonne avec l’esprit du temps et a muté dans une rhétorique pouvant s’appliquer à n’importe quoi. Il a même servi à justifier les massacres d’Israéliens le 7 octobre 2023.

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La continuité historique, cet élément décisif de la construction identitaire, est devenu un fléau et son rejet n’est plus réservé à une élite progressiste. La création de l’Union européenne a concrétisé cette idéologie « Année Zéro » sans avoir à en parler tant celle-ci était déjà prégnante, bien avant le mouvement décolonial et la guerre culturelle.

Anachronisme et présentisme, outils de fabrication d’un éternel présent

L’anachronisme marche dans les deux sens, soit pour légitimer le présent, soit pour condamner le passé. Il lit l’histoire à l’envers et ne voit dans le passé que son reflet. Il transporte des concepts à la mode dans des époques où ils n’avaient aucun sens. Ainsi, la tenue de Jeanne d’Arc aurait-elle manifesté son identité non binaire[2] ! Il arrive que des archéologues refusent de classer par sexe des os, car ils ne savent pas comment les gens à qui ils appartenaient se seraient identifiés eux-mêmes. Certaines œuvres se voient soumises à une réécriture. Ce fut le cas du Titus Andronicus de Shakespeare, mis en scène au Globe Theatre de Londres en 2023, par Jude Christian. Ce dernier avait à cœur de dévoiler le racisme masqué par la langue de Shakespeare. En manipulant l’histoire de manière sélective, les théoriciens critiques de la race ont cherché à faire de la blanchité (whiteness) un crime culturel perpétuel.

Le présentisme[3] coïncide avec l’érosion de l’orientation positive vers l’avenir des sociétés occidentales et permet de recycler les inquiétudes contemporaines. Le passé n’est qu’un appendice du présent. Le présentisme permet de cultiver une supériorité morale à défaut d’aider à redresser les injustices actuelles. Richard Dworkin parle à ce propos d’anachronisme moral. L’histoire devient un instrument d’autosatisfaction narcissique. En faisant de leur métier une archéologie des griefs revenant à confirmer leurs a priori, dans une grotesque parodie de justice, les historiens présentistes anéantissent toute idée de progrès. C’est aussi le présentisme qui nourrit la culture de l’annulation. Il fait de l’héritage historique un terrain de jeu pour militants narcissiques en colère. Ainsi, l’élu local « Vert », Ian Driver, se filma-t-il en train d’écrire sur le mur du Musée Charles Dickens : « Dickens racist » !

Politisation de l’identité

Le passé a été transformé en un territoire sans frontières où les injustices attendent qu’on les découvre pour valider l’autorité des groupes se déclarant victimes. C’est dans les années 1950 que l’identité devint un idiome récurrent permettant de se comprendre soi-même. C’est aussi la période pendant laquelle le sens de la continuité morale céda le pas à un sentiment de déconnexion. Les sociétés occidentales n’ont plus de récit convaincant pour socialiser les enfants, d’où le développement de crises identitaires chez les jeunes. Avec les années 1970, l’identité individuelle fusionne avec l’identité groupale qui exige une reconnaissance continuelle dans les institutions et les rituels. L’obsession même de l’identité est un symptôme d’insécurité. La demande de reconnaissance et la recherche d’injustices historiques, comme forme de thérapie collective, sont donc sans fin. À partir de la fin des années 1980, s’y ajouta la demande d’invalidation de l’identité des opposants soutenue par le mouvement décolonial qui connut un certain succès grâce à l’appui des élites culturelles et économiques occidentales. Ces dernières se sont volontairement distanciées du passé et ont adopté des programmes DEI (diversité, équité, inclusion). Il est courant que certaines institutions prestigieuses s’échinent à rechercher leurs méfaits passés. Ainsi, dans son rapport de 2020, le National Trust, qui a en charge la conservation du patrimoine, dresse, à propos de Chartwell, l’ancienne résidence de Winston Churchill, un portrait très négatif de son propriétaire: un méchant impérialiste sans cœur. Ce dernier fut d’ailleurs traité de nazi par le mouvement Black Lives Matter. Comme avec Shakespeare, s’en prendre à Churchill, c’est viser l’identité britannique. De même, il n’y aurait rien à retenir de la démocratie athénienne si ce n’est son oppression des femmes, sa masculinité toxique et sa pratique de l’esclavage.

Le concept de blanchité, aujourd’hui d’usage courant, fut inventé par les théoriciens critiques de la race qui racialisent l’histoire et éternisent ainsi l’identité des blancs en lui donnant une connotation négative. D’ailleurs, « trop blanc » est une expression devenue synonyme de toxique, répugnant, problématique. C’est ainsi que l’identité juive est perçue comme une identité hyper-blanche, perception à l’origine d’un antisémitisme propre au 21ème siècle. Un privilège juif serait ainsi une déclinaison du privilège blanc.

La politisation des identités conduit chaque groupe identitaire à se découvrir dans les contextes les plus improbables. On impose ainsi à des morts une identité qu’ils sont bien en peine de contester. Comme l’écrit Frank Furedi, même les Soviétiques n’ont pas osé faire de Spartacus un commissaire politique en puissance. Cette recherche de validation identitaire incessante dans le passé perpétue un état de souffrance qui empêche toute réconciliation avec ce qui vous arrive sous peine d’annihilation.

Le contrôle de la langue pour invalider le passé

Si les langues évoluent avec le temps, c’est autre chose d’imposer des mots de l’extérieur pour transformer la vision que les gens ont du monde. Déclarer inacceptable l’usage de certains mots affecte la capacité de se souvenir de ce qu’ils signifiaient. C’est remettre en cause les valeurs culturelles qu’ils exprimaient et contribuer ainsi à une amnésie sociale visant à transformer les attitudes culturelles et les normes en vigueur. Frank Furedi raconte son expérience de la chose lorsqu’il se rendit à l’hôpital où sa mère avait été conduite après un AVC. Alors qu’il se présenta comme son fils, il fut enregistré comme « carer » (aidant). L’archevêque de York, lui-même, trouve problématique le début de la prière « Au nom du père ». Elle pourrait rappeler les pères abusifs !

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Certains mots sont ainsi déclarés « outdated », c’est-à-dire périmés. Mais cette qualification a elle-même pris une tonalité morale synonyme d’offensant, de problématique. Des guides des bons usages linguistiques, proposant des listes de mots préférés à ceux jugés problématiques, se sont multipliés. La Colombie britannique considère que mégenrer quelqu’un est une violation des droits humains pouvant conduire à la perte de son emploi. Sont déclarées problématiques des œuvres parce que vieilles. Si bien qu’elles sont de plus en plus souvent accompagnées d’avertissements inutiles et infantilisants. Ainsi prévient-on le lecteur potentiel de The Sun Alson Rise d’Hemingway paru en 1926 que ce livre « reflète les attitudes de l’époque ». Comment pourrait-il en être autrement ? Certains livres sont rangés dans des lieux inaccessibles, ou carrément supprimés des bibliothèques, quand ils ne sont pas réécrits lors de nouvelles éditions. Les livres pour enfants sont particulièrement visés avec des avertissements qui les empêchent de se faire une idée par eux-mêmes et les conditionnent. Cela vaut pour la déclaration d’Indépendance des États-Unis qui exprimerait des vues périmées, biaisées et offensantes, laissant croire ainsi que la nation a été viciée dès son origine. À l’Université Brandeis, le mot « picnic » a été banni pour avoir été associé au lynchage des Noirs. En Australie, en 1995, dans la crèche de l’université La Trobe, 20 mots ont été bannis, dont « garçon » et « fille ». Tout usage de ces « mots sales » entraîne une amende à glisser dans une boîte à cet usage. Au Royaume-Uni, une association de lutte contre le cancer a décidé de renommer le vagin « bonus hole » (trou de la prime ?)!

Cette entreprise d’estrangement par la langue, qui fausse la capacité à se rappeler du passé, de son enfance, fait obstacle à la communication entre générations.

Déshériter les jeunes de leur passé

Pour John Dewey en 1922, comme pour ses disciples aujourd’hui, il fallait libérer l’éducation du passé et apprendre, au contraire, aux enfants à contester des normes et pratiques dépassées. Le psychiatre Brock Chisholm, premier directeur de l’OMS de 1948 à 1953, voulait qu’on libère les enfants du poids du contrôle des adultes qui s’étaient tellement trompés. Avec la déclaration de guerre au passé du tournant du 21ème siècle, les écoles ont connu un degré d’endoctrinement sans précédent qui a peu attiré l’attention, restée concentrée sur la culture de l’annulation. Il a fallu le confinement, lors du Covid, pour que les parents se rendent compte de l’étendue de l’endoctrinement de leurs enfants, que l’on encourage à se croire plus éclairés que leurs parents arriérés. Aux États-Unis, des parents se sont mobilisés et ont fini par gagner des soutiens politiques. En 2021, la révolte des parents en Virginie a conduit à la défaite électorale du gouverneur démocrate Terry McAuliffe.

Le « décolonialisme » a envahi les salles de classe, au détriment de la littérature classique, mais pas seulement. Pas de pause lors des repas à la cantine pendant lesquels on explique aux enfants l’origine des aliments. À Londres, le National Education Union a déclaré en 2021 qu’il fallait décoloniser tous les sujets à tous les niveaux, y compris les sciences qui doivent être l’occasion pour l’enfant d’explorer son identité. Charles Clarke, ancien Secrétaire d’Etat à l’éducation du Labour, déclarait en 2003 à l’University College de Worcester que l’histoire médiévale était un gaspillage d’argent public. Un critère de pertinence a ainsi remplacé l’idée selon laquelle l’étude du passé était un moyen de cultiver une vue commune du monde. L’emphase mise sur l’expérience vécue par les élèves conduit à leur enseigner une version du passé qui reflète leur vie présente au lieu d’apporter des réponses aux questions qu’ils ne se sont pas encore posées.

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Pire, il ne suffit pas d’éloigner les enfants du passé, il faut leur apprendre à le noircir et à s’en méfier. Dans leur rapport fondé sur une enquête auprès de 300 enseignants britanniques, les chercheurs Michael Hand et Jo Pearce préconisent de présenter le patriotisme comme une question controversée. Pour certains historiens, la fierté qu’éprouvent les Britanniques à propos du comportement de leur pays pendant la Deuxième Guerre mondiale reposerait sur un mythe. Comment s’étonner alors que des élèves de l’école Pimlico Academy au sud de Londres aient demandé et obtenu en 2021 que soit enlevé l’Union Jack. Ils furent même félicités par le directeur qui les a trouvés courageux et intelligents !

Pour l’historien Yuval Noah Harari, l’Ancien Testament serait la source de l’irresponsabilité environnementale. Dans The Guardian, en 2022, il déclarait qu’apprendre l’histoire devrait servir à s’en libérer et non à s’en souvenir. On est loin de la conception de Gibert K. Chesterton pour qui « l’éducation est simplement l’âme d’une société qui passe d’une génération à la suivante » (The Observer, 6/7/1924).

Dans la conclusion de son livre, Frank Furedi met en garde contre cette guerre contre le passé : « Paradoxalement, ceux qui veulent se débarrasser du passé deviennent invariablement ses prisonniers ». Se priver de la perspicacité acquise au fil des essais et erreurs des siècles précédents, c’est remettre en cause le statut de l’humanité tout entière. Si tout a été mauvais avant pourquoi en irait-il autrement dans l’avenir ? Cette diabolisation du passé favorise un éloignement de la sensibilité humaine et, dans ses formes les plus extrêmes, la perception de l’humanité comme une nuisance menaçant la survie de la planète. Elle conduit aussi au fatalisme et à la dilution de la notion de responsabilité.

Au purgatoire présentiste, les gens ont du mal à forger les liens essentiels à la solidarité sociale. Et, « quand on oublie ce qui nous a fait, ce que nous sommes et ce qui nous lie, la société ne peut malheureusement que se fragmenter et se polariser. » Le passé représente un fonds d’expérience humaine à travers lequel l’humanité a été forcée de se confronter aux horreurs dont elle porte la responsabilité mais il est aussi une source d’apprentissage à faire le bien. C’est en Europe que les idées de liberté et de libre arbitre ont pris racine. Bien des figures historiques critiquées aujourd’hui furent déterminantes dans le développement d’un comportement civilisé associé à l’épanouissement moral de l’humanité. Notre monde d’aujourd’hui est bien plus influencé par l’esprit démocratique d’Athènes que par son recours à l’esclavage.

Cet héritage doit être protégé de l’assaut des archéologues du grief à la recherche d’une punition collective. « Notre rôle est d’apprendre des expériences passées et pas de les soumettre à une expérimentation idéologique et politique rétrospective […] Les jeunes qui grandissent avec un lien fragile et trouble du passé sont les pertes humaines de la guerre contre le passé ».

Avec un livre pareil, il n’y avait aucune raison pour que Frank Furedi échappe à la culture de l’annulation. Alors qu’il devait venir présenter son livre dans la librairie PiolaLibri à Bruxelles, il reçut un email du libraire annulant l’événement. Ce dernier ne pouvait avoir lieu en raison des connotations politiques qu’il aurait nécessairement prises, contraires à la vocation inclusive de la librairie[4] ! Manifestement pas pour tous les points de vue.

THE WAR AGAINST THE PAST Why the West Must Fight For Its History, Frank Furedi, Polity, 2024, 382 p.

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Cet article a été publié sur le blog de Michèle Tribalat.


[1] THE WAR AGAINST THE PAST, Why the West Must Fight For Its History (Polity, 2024)

[2] Il en irait de même du roi Arthur, héros légendaire de la littérature occidentale, LGBTQ avant l’heure, d’après un Conseil régional gallois. Il se serait déguisé en fille pour approcher une jeune fille. « Queering the Past », Mark Tapson, Frontpage Magazine, 21/10/2021.

[3] D’après Frank Furedi, ce concept aurait été inventé par François Hartog en 2017. Rappelons néanmoins que ce dernier eut un précurseur : Pierre-André Taguieff, dans son livre L’effacement de l’avenir, publié en 2000 aux éditions Gallilée.

[4] https://www.spiked-online.com/2024/09/26/why-did-a-brussels-bookshop-cancel-my-book-launch

Incendies, pillages, tirs: en Martinique, la colère vire à la délinquance pure

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À la tête de la contestation martiniquaise, Rodrigue Petitot, dit « le R » (notre photo), profite des aspirations légitimes de la population pour servir un agenda « décolonial » avec le soutien de… l’Azerbaïdjan.


La Martinique connaît depuis le 1er septembre de violentes manifestations contre la vie chère. Rien ne semble pouvoir ramener le calme dans cette Collectivité territoriale caribéenne présidée par Serge Letchimy. Si l’État a formulé des annonces majeures mercredi 16 octobre, une partie des manifestants s’emploie toujours à faire basculer le mouvement vers la révolte insurrectionnelle.

Des prix 40 % supérieurs à ceux de la métropole

L’Etat tente depuis plusieurs années de résorber les difficultés posées par le coût de la vie dans les Antilles, notamment en Martinique. Selon l’INSEE, les prix des denrées alimentaires y sont en moyenne de 40% supérieur à ceux pratiqués dans la métropole. Les spécialistes des outremers s’attendaient donc à de nouvelles manifestations, puisque l’environnement macroéconomique est défavorable ainsi que le contexte géopolitique global. Il y a 15 ans, le K5F (Comité du 5 février) plongeait l’île dans la grève générale autour de ces questions de pouvoir d’achat. Le mouvement dura plusieurs mois, fut émaillé par des pénuries et des rationnements qui ont traumatisé les commerçants locaux, et ne s’était achevé qu’après la conclusion des accords du 14 mars 2009 instaurant une hausse de 200 euros des salaires les plus modestes.

Afin d’éviter la renaissance d’un mouvement comparable, l’État réunissait en décembre 2023 un séminaire de lutte contre la vie chère. Il a permis notamment de déterminer que les acteurs de la grande distribution ne détenaient pas la clé du problème puisque leurs prix ne dépendent pas de leurs marges, mais avant tout des coûts de transport, des grossistes ou encore… de la fiscalité. Il faut dire que l’octroi de mer n’est plus fléché correctement. Originellement pensé au XVIIème siècle, cette taxe spécifique aux « colonies » d’alors ne prend pas en compte les évolutions des habitudes de consommation des Martiniquais d’aujourd’hui. Est-il normal que le coût de produits de première nécessité soit près du double en Martinique alors que les téléphones mobiles sont au même tarif ?

Il y a donc des chantiers sur la table et des solutions concrètes en mettre en œuvre. Le footballeur Thierry Henry l’a lui-même rappelé dans un appel émouvant : « Je veux envoyer mon soutien aux gens en Guadeloupe et en Martinique. Je ne sais pas si vous le savez, mais la vie est chère là-bas. C’est la France, au passage. Ce n’est pas un État géré par la France, c’est la France. Le prix des produits alimentaires dans les magasins est deux, trois, quatre ou cinq fois plus cher qu’en métropole ».

Pourtant, si le constat est sans appel, la solution ne saurait se trouver chez Rodrigue Petitot et sa bande.

Sur le site du France-Antilles, des habitants font part de leur mécontentement.

Rodrigue Petitot : un profil d’agitateur

À l’image d’autres révolutionnaires professionnels dont on a pu mesurer l’influence en France ou en Nouvelle-Calédonie ces derniers mois, Rodrigue Petitot profite de la crise et du désespoir des Martiniquais pour semer le chaos. Condamné à quatre reprises dans des affaires de trafic de drogue dont la dernière remonte à 2016, Monsieur Petitot a aussi été quatre fois emprisonné dans l’Hexagone. Il a ainsi passé une dizaine d’années derrière les barreaux. Comment peut-il être aujourd’hui un interlocuteur crédible pour l’État et les autorités locales alors que son profil comme ses discours, aux forts relents de racisme, témoignent d’une personnalité aussi instable que violente ?

Principal responsable de la flambée de violence qui terrifie les habitants de l’île, Rodrigue Petitot est aussi le spécialiste des discours de haine à destination des « beckés » qui sont les Martiniquais d’ascendance européenne installés de longue date sur l’île. Une population qui sert de bouc-émissaire récurrent dès que les Antilles sont en proie à des crises sociales.

Le mouvement né en septembre n’a du reste rien de spontané, mais semble bien avoir été préparé de longue date puisque le « Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens » (RRPRAC) a été créé sous statut d’association le 15 juillet 2024 avant de connaître une stupéfiante montée en puissance. Un hasard de calendrier étonnant puisque le Groupe d’initiative de Bakou réunissait des militants indépendantistes ultramarins français le 18 juillet en Azerbaïdjan. Présenté comme un « Congrès des colonies françaises », ce sommet était officiellement organisé par l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe avec la participation de vingt partis politiques séparatistes, dont des Néo-Calédoniens, des Corses ou encore… des Martiniquais.

Marie-Laurence Delor exprime avec une certaine colère sur Mediapart les manipulations politiques entourant les mouvements de protestation en Martinique : « On s’est aussi un peu soucié de la dénomination de l’association : « Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro caribéens ». Elle dit explicitement un parti pris négriste, une définition étriquée de l’identité dans des sociétés fortement métissées et pluriraciales : ceux qui n’ont pas d’ascendance africaine sont ainsi irrémédiablement exclus, effacés… » Pis encore, elle ajoute la chose suivante : « Parler comme le font les médias et l’administration préfectorale de « violence, de pillage et de déprédation en marge du mouvement » est une grave erreur de lecture. La violence, le pillage et les déprédations sont en réalité au cœur de cette parodie de révolte : pour mobiliser les voyous il faut, en effet, leur donner la garantie d’y trouver leur compte »[1]

Nous sommes donc en face d’un mouvement sous faux drapeau. Des voyous racistes agglomérés autour d’une personnalité charismatique et violente s’organisent pour racketter la collectivité martiniquaise, ses habitants et l’État. Ils ne gagneront évidemment rien de concret pour la population qui y perd déjà avec les incendies criminels, vols, destructions, pillages et violences qui ensanglantent la Martinique depuis le mois de septembre. Une fois de plus, l’État doit faire preuve d’autorité et de fermeté en mettant un terme aux agissements de gangs présentés en « syndicats » qui n’ont d’autres intérêts que ceux de leurs chefs.

Mais cette fermeté doit aussi s’accompagner de mesures ciblées, concrètes et intelligentes pour améliorer les conditions de vie des Martiniquais. C’est ce que l’État a fait le 16 octobre avec l’engagement pris avec les distributeurs de baisser de 20% en moyenne les prix de l’alimentaire. Bien entendu, le RRPRAC a refusé l’accord pourtant arraché de haute lutte par les acteurs martiniquais les plus engagés. Rodrigue Petitot a même appelé à poursuivre le mouvement de violences, ayant trop à perdre à l’arrêt des émeutes…


[1] https://blogs.mediapart.fr/marie-laurence-delor/blog/300924/vie-chere-une-lecture-critique-des-troubles-en-martinique

Passez la Monnaie

Reconduite à la Culture, Rachida Dati fourmille de nouvelles idées. Le projet de faire payer l’entrée de Notre Dame pour financer l’entretien de nos églises est toutefois âprement commenté…


Rachida Dati est une femme qui sait ce qu’elle veut. Et ce qu’elle veut, c’est la mairie de Paris. Aussi s’efforce-t-elle avec une belle opiniâtreté et le flamboyant culot qu’on lui connaît de marquer la capitale de son empreinte avant l’échéance électorale de 2026. D’où sa soudaine ardeur à voir se réaliser le projet présidentiel de création d’une Maison des Mondes Africains à Paris. L’idée remonterait à 2021 mais serait dormante, si ce n’est moribonde, depuis lors. Il était donc grand temps de la revitaliser, d’autant que se mettre dans la poche le vote communautaire lié à ces Mondes n’est pas totalement idiot, relativement à l’échéance susmentionnée… Bien entendu, l’idéal aurait été de pouvoir lorgner du côté du Monde Arabe, mais le truc a déjà son gourou bienfaiteur, l’indéboulonnable Jack Lang qui s’accroche à cette sinécure comme une huître à son rocher. Il faudra donc se contenter des Mondes Africains. C’est toujours cela. Le projet n’est pas nouveau, disions-nous. Il aurait été inspiré par un personnage, un intellectuel camerounais, précise le journal le Monde, qui, dans un rapport remis au président Macron préconisait la création d’une telle institution, assurant que cette initiative améliorerait considérablement les relations entre l’Afrique et la France. Surtout, je présume, si cet intellectuel très inspiré en devenait le Jack Lang. Malin, non ?

Oh Dja dja

Ce qui serait nouveau et en quoi il conviendrait de saluer l’apport de Mme Dati dans ce dossier, serait le lieu d’implantation de cette structure dont l’urgence, la nécessité, la pertinence n’échapperont évidemment à personne. Ce lieu semble bien devoir être l’Hôtel de La Monnaie – une aile aujourd’hui espace d’exposition – à Paris évidemment, quai Conti, à deux pas de l’Académie Française dont on se dit en la circonstance qu’elle l’a échappé belle. Pour que le lecteur puisse bien situer l’endroit, qu’il se reporte aux images de la cérémonie inaugurale des Jeux Olympiques. L’Académie Française est le bâtiment qu’on voit en arrière-plan d’Aya Yakamura invitée pour l’occasion à chanter et se trémousser juste devant,  ce qui augurait peut-être, au train où vont les choses, de sa prochaine admission officielle en grande pompe sous la coupole, habit vert bien rempli, mignonnette épée au côté et « Dja Dja, j’suis pas ta catin » remastérisé en alexandrins.

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Voyez ce que c’est tout de même que l’association d’idées. Restant connectée monnaie, Mme la ministre en est arrivée tout naturellement à l’expression, elle aussi d’usage courant en politique du côté de Bercy notamment, de « Passez la monnaie ». Faire payer les visites touristiques à Notre Dame. Un esprit tortueux ne s’interdirait pas de voir dans cette démarche-là également un arrière-fond de préoccupation électorale. Séduire le parisianisme laïcard bobo, voilà qui n’est pas maladroit. Ces esprits très forts qui s’étranglent lorsqu’ils voient les sous de la République aller comme se fondre dans l’eau du bénitier. Bercy applaudit, semble-t-il au projet visant l’Hôtel de la Monnaie. Nul doute qu’il ne se réjouisse aussi de la trouvaille de Mme Dati concernant Notre Dame dont un des avantages, et non le moindre, reviendrait à se défausser sur les touristes – quid des croyants venus prier, des sans divinité fixe venus s’immerger quelques instants en spiritualité ? – s’exonérer, disais-je, de la charge d’entretien et de restauration qui incombe à l’État ou à ses succursales, si on peut ainsi s’exprimer. Cela est très clairement inscrit dans le marbre de la loi – loi de 1908 – en l’occurrence : « La propriété des lieux du culte s’accompagnera pour l’État, les départements, les communes d’engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété est reconnue par la présente loi. »

Déchristianisation terminale de la France

On ne peut énoncer plus clairement les devoirs et responsabilités en la matière. Il n’y aurait donc même pas à chercher plus loin que la loi de la République pour reléguer la grande idée de taxer l’entrée d’un lieu de culte (qui plus est lieu d’asile par excellence, cela depuis l’origine, soit dit en passant) dans la poubelle sans fond des agitations électoralistes mort-nées.

Cela dit, la conjonction des deux actualités me paraît très symptomatique du dévoiement intellectuel et culturel de l’actuelle pensée d’État. Investir dans une utopique – et démagogique – Maison des Mondes Africains tout en abandonnant à d’autres la préservation d’un monument dont il ne serait ni irrévérencieux – ni en aucune manière réducteur – de le considérer comme la Maison des Mondes Occidentaux, montre fort bien à quel point de renoncement, d’abandon, d’acculturation nous sommes arrivés.

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Un « Monde » sans pitié

Le Monde dissimule à peine, mais avec brio, sa vision manichéenne du Proche-Orient et son parti pris propalestinien. Derrière une mécanique sémantique de précision, s’entend une petite musique anti-israélienne, jusque dans la couverture des massacres du 7-Octobre. Une lecture mot à mot et entre les lignes s’impose.


Cela ne se discute pas. Avec ses 500 000 abonnés en ligne, son équipe de 500 journalistes et ses quelque 18 millions d’euros engrangés en 2023 au titre des aides publiques à la presse, Le Monde est ce qu’il convient d’appeler un grand quotidien. Un journal de référence, comme on dit, lu chaque jour par tous les ministres de la République, tous les parlementaires et tous les directeurs de la presse parisienne. Autant dire que son traitement de l’actualité au Proche-Orient est crucial. D’autant que peu de rédactions peuvent se payer comme lui des correspondants permanents sur place. Résultat, sur cette question brûlante, nombre d’organes de presse subissent de façon disproportionnée l’influence du quotidien vespéral.

Se doutent-ils que la ligne de leur journal favori est, sur la politique israélienne, nettement moins centriste qu’elle ne l’est en matière de politique française ou américaine ? Et que, dès que l’on se rapproche de Tel-Aviv, elle rejoint en réalité les positions de l’extrême gauche ? Certes, ce parti pris n’est jamais avoué clairement. Il faut parfois avoir l’ouïe fine pour entendre la petite musique anti-israélienne jouée tous les jours dans les pages consacrées au Proche-Orient. Si l’on veut comprendre comment fonctionne cette mécanique sémantique de précision, une analyse mot à mot est souvent nécessaire. Décortiquons ci-dessous sept phrases typiques de la prose du Monde, extraites de divers articles parus dans ses colonnes depuis le 7 octobre.

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« Lors de son opération “Déluge d’Al-Aqsa”, débutée le 7 octobre, le groupe islamiste du Hamas a infiltré plusieurs centaines de ses combattants en territoire israélien, tuant sur place ou prenant en otage des membres des forces de sécurité et des civils. »

Benoit Le Corre et Pierre Lecornu

Trois jours après les exactions du 7 octobre, le doute n’est plus permis. Selon d’innombrables sources présentes sur place, un massacre de dimension inédite vient d’avoir lieu sur le territoire de l’État hébreu, avec pour objectif d’assassiner un maximum d’Israéliens. Les terroristes sont rentrés par milliers (en non par centaines) dans le district Sud à bord de camions, jeeps, motos, vedettes rapides et parapentes. Un véritable déluge, comme l’indique très bien le nom de code choisi par les cerveaux de l’opération. Mais au Monde, lorsqu’il s’agit de rassembler les faits dans un papier de synthèse, pas question d’employer les grands mots, ni d’étaler trop de pitié pour les victimes. Sans doute pour ne pas donner l’impression d’avoir une quelconque sympathie envers l’État juif. On remarquera aussi un certain penchant pour un vocabulaire tout en retenue. Prenez le verbe « infiltrer », par exemple. Selon le Larousse, il signifie, du moins quand il est appliqué à des êtres humains : « Se glisser quelque part, y pénétrer furtivement. » L’arrivée en nombre de soudards surexcités, tirant sur tout ce qui bouge, violant des femmes et éructant de joie, peut-elle être décemment qualifiée de furtive ? Autre détail qui dit tout de l’égarement du journal : son souci d’indiquer les pertes telles qu’elles ont été constatées parmi des « membres des forces de sécurité » avant celles des « civils ». Or au moment où ces lignes sont écrites, on sait déjà que le bilan des morts du 7 octobre compte davantage d’Israéliens désarmés, notamment des vieillards, des femmes et des enfants, que de soldats. La bonne foi journalistique exigeait donc de mentionner en priorité le fait le plus important, à savoir que le « Déluge d’Al-Aqsa » est d’abord une attaque contre la population d’un pays, pas seulement contre son armée. Sauf si bien sûr on essaie de manière insidieuse de s’inscrire dans le narratif mensonger du «crime de guerre », dont La France insoumise fait au même moment son cheval de bataille.

Benjamin Barthe, lorsqu’il était correspondant du Monde au Proche-Orient. DR.

« Cette bizarrerie géographique est pourtant le fait des fondateurs d’Israël. »

Benjamin Barthe

Dans les jours qui suivent le massacre du 7 octobre, Le Monde, qui n’aime rien tant que de donner des leçons d’histoire à ses lecteurs, publie un article pour raconter celle de Gaza. Et n’hésite pas pour l’occasion à relayer une grossière fake news. Ainsi donc, à en croire l’auteur, la « bizarrerie géographique » qu’est Gaza (à savoir que le territoire palestinien est séparé en deux parties, dont l’une est cette enclave située entre l’Égypte et Israël) serait la conséquence d’une décision prise par ceux qui ont créé l’État hébreu en 1948. Un minimum de connaissance des événements permet pourtant de savoir que la résolution 181 de l’ONU, votée en 1947, propose avant même la déclaration d’indépendance d’Israël, la création d’un État arabe coupé en deux morceaux distincts, dont l’un recouvre justement l’actuelle bande de Gaza. Si l’année suivante, lors de la guerre israélo-arabe, les circonstances du conflit conduisent les troupes de Ben Gourion à ne pas y pénétrer, laissant le champ libre à l’armée égyptienne, Tsahal finira en 1956 par y planter son drapeau à la faveur de la crise de Suez… avant que les Américains lui demandent l’année suivante de se retirer. N’en déplaise à Monsieur Barthe, la « bizarrerie géographique » que constitue Gaza est au moins autant le fait des Nations unies en 1947, des forces égyptiennes en 1948-1949 et de l’administration Eisenhower en 1957, que celui des fondateurs d’Israël. Mais il est tellement tentant de prendre des accents complotistes et de présenter les juifs comme les seuls responsables de ce qui est « bizarre » au Proche-Orient.

Des soldats israéliens en repos, 13 octobre 2023. Jonathan Alpeyrie/SIPA

« Gaza : l’injustifiable politique de la terre brûlée d’Israël »

Éditorial

Comme on l’a vu plus haut, Le Monde a fait preuve d’une pudeur de gazelle dans sa couverture du massacre du 7 octobre, restant le plus froid possible et minorant certains faits. Double standard oblige, la contre-offensive d’Israël, elle, a droit aux grandes orgues. Dans son éditorial du 6 mars, non signé et engageant en ce sens l’ensemble de la rédaction, les mots qui claquent sont de sortie. Tsahal, est-il ainsi affirmé dans le titre, mènerait rien de moins qu’une « politique de la terre brûlée ». Un terme que même le très anti-israélien Josep Borrell n’a jamais osé utilisé, y compris quand il a accusé, notamment lors d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU le 12 mars, l’État hébreu d’utiliser la faim comme « arme de guerre » à Gaza. Sans doute parce qu’il sait que la « politique de la terre brûlée »est une qualification juridique autrement plus grave, comme le Protocole I de la convention de Genève le mentionne : « Une Puissance occupante ne peut pas détruire des biens, situés en territoires occupés, qui sont indispensables à la survie de la population. La politique de la “terre brûlée” menée par un occupant, même lorsqu’il se retire de ces territoires, ne doit pas affecter ces biens. » À l’heure actuelle sur la planète, seul le conflit au Darfour est considéré par les observateurs internationaux comme relevant de la stratégie de la terre brûlée.

Rassemblement pro-Hamas à Aman, 16 août 2024. DR.

« Il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste, utilisé par certains membres de La France insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national. »

Arié Alimi et Vincent Lemire

Soyons honnêtes. La phrase ci-dessus est extraite d’une tribune parue dans Le Monde. Si elle ne traduit donc pas la position du journal, elle montre en revanche quelles opinions infâmes celui-ci est prêt à accueillir dans ses pages de façon bienveillante. Faut-il détailler ici en quoi essayer de diminuer les torts de l’antisémitisme de gauche, au prétexte qu’il serait « contextuel », est abject ? Non, évidemment. Quiconque a vu les images de Rima Hassan participant à un rassemblement pro-Hamas à Aman en août dernier sait ce dont l’« antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste » est capable, et quelles atrocités il a sur la conscience.

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« Visage de la diplomatie du Hamas, vu comme un modéré au sein du mouvement palestinien, Ismaïl Haniyeh était au cœur des efforts visant à mettre fin aux hostilités dans la bande de Gaza. »

Hélène Sallon

Comment montrer, à mots couverts, que l’on pleure à chaudes larmes la mort du numéro un du Hamas, donc de l’un des terroristes les plus sanguinaires de la planète ? En le faisant passer pour une colombe, pardi ! Comme le fait avec beaucoup de talent cette nécrologie d’Ismaïl Haniyeh, mort le 31 juillet 2024 à Téhéran suite à une attaque israélienne survenue au lendemain de la prestation de serment du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian devant le Parlement, à laquelle il venait d’assister.

Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas de 2017 à 2024. DR.

« Face aux attaques d’Israël, l’Iran peine à trouver la bonne riposte »

Ghazal Golshiri et Madjid Zerrouky

Le Monde ne se contente pas de regretter la disparition des ennemis les plus cruels d’Israël. Il loue aussi l’action des vivants. Le titre ci-dessus est à cet égard un petit chef-d’œuvre d’encouragement déguisé. Procédons par étape logique et découvrons ce qu’il exprime en réalité. D’abord l’élément de contexte, « Face aux attaques d’Israël », qui place le récit du point de vue de Téhéran, puisque, côté Israël, on considère au contraire que l’action de Tsahal n’est pas une attaque mais une contre-attaque. Ensuite la proposition principale, « l’Iran peine à trouver la bonne riposte », qui indique en creux que les mollahs cherchent quelque chose, et que cette recherche est conduite par eux avec les meilleures intentions du monde puisque la chose recherchée est affublée de l’adjectif « bon ». Accusation spécieuse, objecteront certains. Et pourtant que ne dirait-on si, par exemple, Le Monde spéculait en France sur les « attaques » de Macron contre Marine Le Pen et sur la « bonne » réponse que celle-ci pourrait bien lui apporter. Supposons que le journal écrive : « Face aux attaques d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen peine à trouver la bonne riposte ». Inimaginable bien sûr. Alors qu’en revanche le titre « Face aux attaques de Marine Le Pen, Emmanuel Macron peine à trouver la bonne riposte » est tout à fait concevable. CQFD. Dans le conflit larvé israélo-iranien, les faveurs du Monde vont à l’Iran.

Tirs de missiles balistiques iraniens visant des cibles en Irak et en Syrie, 15 janvier 2024.

« Procéder ainsi n’emprunte-t-il pas au terrorisme que l’on prétend combattre ? »

Editorial

Finissons cette rapide autopsie du diable qui se cache dans les détails en nous penchant sur l’affaire de bipeurs piégés. Pour Le Monde, cette opération est immorale. La meilleure manière de le faire savoir : suggérer, au moyen d’une question rhétorique, qu’Israël a, ce jour-là, carrément repris les méthodes des Etats voyous. Quand il y dix ans, François Hollande validait des dizaines d’opération homo (pour homicide), consistant à faire supprimer par des commandos français des djihadistes identifiés en Afrique noire, avec parfois des dommages collatéraux sur les populations civile, allez savoir pourquoi, jamais le journal n’a parlé de terrorisme d’Etat, mais juste d’ « éxécutions ciblées ». Idem quand Barack Obama a demandé que l’on neutralise, mort ou vif, Oussama Ben Laden et que le chef d’Al Qaida a fini par être abattu, sur ses ordres, par des Navy Seals: pas question de se demander si le président américain n’aurait un peu agi de manière criminelle en vengeant le 11-Septembre. Derrière ses protestations de modération et son style ostensiblement circonstancié, Le Monde dissimule mal sa vision orientée du Proche- Orient. Vous avez dit islamo-gauchisme ?

Barnier, en quête du peuple oublié

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Le Premier ministre savoyard pense qu’il n’aura pas le temps de faire de grandes lois. Il entend consulter les cahiers de doléances des gilets jaunes pour alimenter sa réflexion.


C’est au-dessus de leur force : les « progressistes » restent hermétiques aux colères françaises, quand elles pointent l’enfermement mental des dirigeants mondialistes. Cela fait sept ans qu’Emmanuel Macron, en chute dans les sondages (78% de mécontents) se montre incapable d’entendre les gens ordinaires. Ses certitudes universalistes lui suffisent. Or la dénonciation feutrée de cette pathologie politique est venue, hier, de Michel Barnier, dans Le Parisien-Dimanche : le Premier ministre, en quête du peuple oublié, a annoncé vouloir consulter les cahiers de doléances, rédigés par les Français en 2019 après la révolte populaire des gilets jaunes. Il faut donc comprendre que les avis des citoyens d’en bas avaient été enterrés par les décideurs d’en haut, une fois le calme revenu. Cette révélation d’une indifférence du pouvoir n’en est certes pas une, tant la mascarade tient lieu de communication chez M. Macron. Néanmoins, ce mépris élitiste pour les opinions de « ceux qui ne sont rien » est devenu explosif. La crise de la démocratie mériterait, au contraire, l’humilité des puissants, incapables de reconnaître leurs erreurs. Le Premier ministre a compris ce besoin de proximité et de dialogue. Ceci lui vaut la mansuétude de l’opinion. Reste à savoir jusqu’où M. Barnier, homme prudent, est prêt à aller s’il veut répondre aux exaspérations des oubliés. Pour beaucoup, ils ont pris ou vont prendre le chemin du RN et de ses alliés, snobés par le Premier ministre. Ce sont ces mêmes proscrits qui, aux Etats-Unis, s’apprêtent à voter le 5 novembre pour Donald Trump, traité de « fasciste » par Kamala Harris. A une semaine du scrutin, la démocrate, soutenue par le show-biz à paillettes, semble à la peine.

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Une révolution des mentalités redonne du crédit aux pestiférés d’hier, aux Etats-Unis comme en France. Dans son dernier livre[1], Philippe de Villiers admet avoir souffert de son « destin de souffre-douleur archétypal ». Pour autant, le pionnier du souverainisme s’impose aujourd’hui, dans un univers où les élites se délitent, parmi les résistants les plus écoutés, et pas seulement sur CNews dans son émission à succès du vendredi soir. « Une génération de survivants-combattants va poindre », veut croire le promoteur du Puy-du-Fou, du Vendée Globe et de la mémoire vendéenne. Mais nombreux sont, dès à présent, les Français qui ne veulent pas voir leur pays mourir.

Ce réveil existentiel est loin d’être minoritaire. Il pourrait peut-être accompagner, chez des indigènes malmenés par le nouvel occupant islamisé, la reproduction inversée d’une dynamique de décolonisation, prônée par la gauche chez les peuples extra-européens. En attendant, mêmes les réflexes pavloviens de la bien-pensance ont pris un coup de vieux. Rien n’est plus convenu que la réflexion d’Eddy Mitchell, l’autre jour sur France Inter, disant des électeurs RN : « Je suis contre ces gens-là ». Thierry Ardisson ne se rehausse pas davantage quand il qualifie, sur France 5, le public de Cyril Hanouna (C8) de « cons » et de « têtes pleine d’eau ». Idem pour Anne Roumanoff, disant du JDD qu’il est « un journal d’extrême droite ». En 2016, Hillary Clinton avait qualifié de « déplorables » les électeurs de Trump, avant de perdre la présidentielle. Alain Minc a dit d’eux, hier soir sur BFM, qu’ils étaient des « sous-développés ». Ceux qui insultent au lieu d’écouter accélèrent leur chute. Leur monde rêvé est faux. D’ailleurs, il s’effondre.

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[1] Mémoricide, Fayard

Bisounours queers vs Bad travelos

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Face à l’émergence de voix critiques s’opposant à l’idéologie transgenre, les militants radicaux se déchirent quant à l’attitude à adopter pour riposter.


Le 7 octobre, le site StreetPress informait ses lecteurs que soixante-quatre des militants venus protester, à l’appel de l’AG Paname Antifa, contre les séances de dédicaces organisées par les éditions Magnus, dont celle de Marguerite Stern et Dora Moutot pour leur essai Transmania, avaient été placés en garde à vue. Après avoir obligé les organisateurs à annuler la réunion prévue dans le 11ème arrondissement et à se replier finalement sur une péniche dans le 5ème, ces militants s’étaient regroupés non loin de celle-ci, obligeant les forces de l’ordre à intervenir.

Stern et Moutot menacées

Les policiers ont retrouvé sur les manifestants des fumigènes et de la peinture mais aussi des mortiers d’artifice, des matraques télescopiques et des explosifs. Pour leur défense, certains de ces activistes « non-binaires » déclarèrent à StreetPress ne pas être venus pour en découdre : « On est une bande de trans et de bisounours queers », geignit Aurélie en se plaignant d’avoir dû partager avec Anna, une jeune femme trans, « une cellule de cinq mètres carrés sans matelas ». Bref, ça pleurnicha, ça gémit, ça jérémiada tant que ça put. Iels prétendirent être de pauvres victimes du système policier, patriarcal et hétéronormatif – et StreetPress fut tout heureux de présenter cette milice trans comme une joyeuse bande de militants pacifistes agressés par la police[1].

À lire aussi, du même auteur: De Judith Butler à Laure Adler

Oui mais non, écrivent en substance, deux jours plus tard, des militantes trans se réclamant d’une «bande armée de travelos » dans un texte rageur paru sur le « site d’infos anticapitaliste, antiautoritaire et révolutionnaire » Paris-Luttes.Info[2] : il y avait bien, parmi les activistes arrêtés, des individus violents et prêts à tout pour nuire à la « sauterie transphobe » organisée par les éditions Magnus. « Que les bisounours se tiennent sages si iels le veulent, certaines d’entre nous auraient coulé la péniche et tous ses fafs avec si nous en avions eu loccasion », écrivent ces charmantes créatures en traitant au passage les « journaleux » de StreetPress de « poucaves » (mot d’origine rom voulant dire « mouchard » ou « traître ») pour avoir relayé les discours victimaires et « innocentistes » rapportés ci-dessus. Pour mener le combat trans contre les « fascistes », il n’est pas prévu d’autres moyens que « la force et la violence, et donc l’éclatage des têtes » de ces derniers. Les menaces de mort que reçoivent Marguerite Stern et Dora Moutot sont par conséquent « valides et légitimes ». Les signataires de cet appel à l’ultra-violence disent être « de celles qui ont formé un black bloc le 6 mai dernier devant Assas » et « de celles qui ont cramé le compteur électrique et fracassé les vitres » de l’ISSEP à Lyon, là où étaient prévues des réunions avec les auteurs de Transmania. Décidées à éviter comme la peste les « espaces terriblement cis ou hétérochiants » et à chercher la baston partout où cela s’avère nécessaire pour s’émanciper de « l’aliénation capitalo-hétérosexiste », les travelos anarchistes affirment vouloir continuer « de poursuivre Stern et Moutot partout où elles iront jusqu’à ce qu’elles n’osent plus sortir de chez elles. » Quant aux « journaleux de StreetPress », ils feraient mieux de « garder leurs torchons pour eux » s’ils ne veulent pas subir l’ire de ces furies qui prévoient d’ores et déjà de prochaines et belliqueuses actions contre le patriarcat, les fascistes, les « mascus », les policiers, les « pacificateurs », la presse sirupeuse, etc. 

Prétentieux

Ironie de l’histoire et conclusion badine et interrogative. Sur son site, StreetPress annonce mener actuellement « la plus grande enquête participative sur l’extrême droite » et appelle la population à dénoncer « les actions et les méfaits des groupuscules ou militants d’extrême droite » qui se multiplieraient « partout dans l’hexagone ». Pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, la très grande majorité des actions violentes contre des individus dans les universités, les librairies, les lieux publics ou privés, sont le fait de groupuscules d’extrême gauche se réclamant du féminisme, de l’antifascisme, de l’antiracisme, de l’écologisme et des mouvements queer : conférences perturbées ou carrément annulées, librairies taguées et caillassées, tentatives d’incendies, menaces sur les propriétaires des lieux prévus pour telle ou telle réunion, regroupements agressifs devant les lieux en question, menaces directes sur les intervenants pouvant conduire jusqu’à la nécessité d’une protection policière particulière, etc. Et ne parlons pas des cris de haine antisionistes et antisémites et des appels à l’intifada et à la guerre civile scandés lors de manifestations pro-palestiniennes qui voient leurs rangs gonflés par les mêmes activistes d’extrême gauche, idiots utiles de l’islamisme.

À lire aussi, Charles-Henri d’Elloy: Nicolas Bedos, le beau bouc émissaire

S’ils veulent avoir de la matière pour leur enquête contre les « méfaits et les violences » en France, les journalistes de StreetPress feraient décidément mieux de se pencher sur les groupuscules ultra-violents et les activistes radicaux de l’extrême gauche, ainsi que sur cette… « bande armée de travelos » qui les menace directement.

Mais peut-être ne prennent-ils pas au sérieux cette fameuse bande et ont-ils sur elle la même opinion que Fred (André Pousse) sur la clique de petits malfrats transsexuels commandée par Rosemonde (Mario David), alias Jacky après sa « transition », dans le film de Michel Audiard “Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages” : « Pour moi, la Rosemonde et sa bande de gouines, c’est rien que des grosses prétentieuses, des insolentes. Je dirais même des personnes malsaines. » Après tout, il n’est pas impossible que ces militantes en transe ultra-violente ne soient en réalité que des affabulatrices, des trouillardes et des crâneuses profitant des circonstances pour se vanter et se faire plus méchantes qu’elles ne sont, allez savoir ! Ce qui n’enlève rien au caractère malsain de leurs délires.

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[1] https://www.streetpress.com/sujet/1728313380-militants-garde-vue-arrestations-violence-manifestants-dedicaces-editeur-extreme-droite-magnus-papacito-stern-moutot

[2] https://paris-luttes.info/trans-ultra-violence-18736

L’accusation de barbarie appliquée à Israël est une surenchère verbale insupportable

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Les dernières critiques du président Macron à l’égard d’Israël passent très mal dans la communauté juive


Je ne comptais pas en parler. En cette fin de Souccot, comment évoquer autre chose que le Simhat Tora de l’an dernier et les scènes atroces que nous avons vues sur les réseaux sociaux où elles étaient exhibées avec fierté par leurs auteurs et accueillies avec enthousiasme par beaucoup de leurs concitoyens ? 
C’est aux familles d’otages que vont mes pensées. Je peux me représenter ce que ressentent des parents qui viennent de perdre leur enfant, mais pas ce que ressentent des parents qui depuis un an se demandent si leur enfant est vivant ou mort, et dans le premier cas, savent qu’il est en enfer. 
Un an entier…..

Israël sourd aux demandes d’Emmanuel Macron

Des propos anti-israéliens ont scandé les interventions d’un président de la République en mal de visibilité et en déshérence de politique intérieure. Ses déclarations qui se voulaient gaulliennes et menaçantes mais n’étaient que mensongères et blessantes ont mis en lumière l’insignifiance actuelle de la voix de notre pays. Beaucoup en ont décrit le caractère futile, et, eu égard à la gravité de la situation présente et aux incertitudes sur les jours prochains (Iran, élections américaines…) je ne voulais pas commenter ces soubresauts d’une moraline douteuse. 
Contrairement à beaucoup de ses homologues occidentaux, Emmanuel Macron ne s’est pas réjoui de la mort de Sinwar. Probablement était-il mécontent, car Israël avait eu l’audace de ne pas l’écouter quand il réclamait à Gaza un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Celui-ci aurait placé le chef sanguinaire du Hamas en posture de résistant glorieux à la machine de guerre israélienne. Dans un monde où l’image compte plus que la réalité, c’était une recette infaillible pour encourager les imitateurs…

A lire aussi: Sinwar, la plume et le keffieh

Si j’écris sur ce sujet, c’est après l’accusation de barbarie appliquée à Israël dans une surenchère verbale vraiment insupportable. Depuis des années les critiques d’Emmanuel Macron envers le Hezbollah sont pesées au cordeau, gardant une imaginaire distinction, probablement concoctée par un esprit subtil du Quai d’Orsay, entre une branche militaire et une branche politique, évitant de lui attribuer la responsabilité dans l’explosion du port de Beyrouth et de lui rappeler l’assassinat de 58 parachutistes français en 1983. Le président parle du Liban comme s’il était un modèle de démocratie, alors que, comme le souligne le journaliste Christophe Ayad, le Hezbollah n’est pas un État dans l’État, mais est devenu un État au-dessus de l’État. Sa raison d’être est de servir par son arsenal de protection à un Iran qui n’a pas développé des moyens de défense suffisants. L’Iran est le seul donneur d’ordre du Hezbollah avec un seul objectif proclamé: la destruction d’Israël. Un Hezbollah hors d’état de nuire fragilise l’Iran, régime obscurantiste terrifiant, meilleur allié de Poutine et ennemi implacable de tout ce à quoi nous attachons de l’importance dans nos démocraties si apeurées.


Immorales erreurs d’appréciation

Oui, la guerre contre le Hezbollah ne tue pas seulement des militants armés mais des civils innocents dont certains sont des enfants. Non, il n’est pas question de nier les souffrances des Libanais dans la tourmente. Mais nombre d’entre eux, qui n’osent le dire publiquement, savent que le Liban était incapable de se débarrasser de ce cancer, tout comme la France de 1944 était incapable de se défendre seule contre les nazis et leurs collaborateurs. Personne, pourtant, sinon Philippe Henriot et ses criminels acolytes, n’a osé qualifier les bombardements alliés sur les villes normandes d’actes barbares. Ils étaient nécessaires. La guerre est terrible et quand l’ennemi est le nazi ou le Hezbollah, ce ne peut pas être un combat à fleuret moucheté.

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Et puisqu’il parle de barbarie, peut-on rappeler au président de la République que lui-même a été chef de guerre au Moyen-Orient ? La France faisait partie d’une coalition internationale pendant les batailles de Mossoul et de Raqqa. Les forces aériennes françaises ont pilonné ces deux villes qui ont été rasées à 80%. On estime à au moins 15 000 les pertes civiles pour 8000 combattants tués de Daech. Il y a eu au moins 1,3 million de réfugiés. 
Le président Macron n’a eu alors de cesse de se féliciter de la contribution française à l’éradication de Daech. C’était parfaitement justifié et il n’a évidemment jamais utilisé le terme de barbarie pour qualifier son action. Pourtant les morts n’étaient pas tous, très loin de là, des combattants de l’État islamique…
Cette différence de terminologie provient-elle du fait que le Hezbollah serait un mouvement honorable alors que Daech ne l’était pas, ou bien du fait qu’Israël n’a pas les mêmes droits d’agir que la France? Deux graves et immorales erreurs d’appréciation…

L’Eglise catholique, piñata favorite de la gauche

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Strasbourg, Montmartre, Marseille… Nos églises sont les victimes faciles d’une gauche toujours plus outrancière.


À quelques semaines de la réouverture tant attendue de Notre-Dame, qui marquera également l’Avent, l’actualité semble faire de nouvelles victimes, l’Église catholique et le patrimoine. L’anticléricalisme historique propre à la gauche prend aujourd’hui une tournure radicale chez les soutiens du Nouveau Front populaire, telle une course aux propos outranciers, dénués de sens et hostiles à cette institution millénaire, dont la France est historiquement la fille aînée.

Écologie sélective à Strasbourg

Vantant les bonnes mœurs d’une écologie toujours plus politique, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian et sa majorité municipale ont pris la décision, fin août 2024, d’éteindre la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg et ce, dès 23 heures, au lieu d’une heure du matin. Une décision appliquée dès le début du mois d’octobre, ne laissant aucun sursis pour les fêtes de Noël pour la capitale alsacienne, traditionnellement réputée comme une vitrine des fêtes de fin d’année. Le choc, la consternation et l’incompréhension, telles ont été les réactions immédiates des Alsaciens et de l’opposition sur les réseaux sociaux. Des nuits noires anticipées, du jamais vu sur cet imposant édifice qui culmine à près de 150 mètres de haut, le plus haut lieu de la chrétienté jusqu’à la fin du XIXe siècle. Une fois n’est pas coutume, la municipalité avait avancé le sacro-saint argument de la sobriété énergétique, formule magique de la gauche lorsqu’il s’agit d’ « invisibiliser » le patrimoine français. Une économie chiffrée à moins de 5 euros par nuit selon des calculs effectués par des élus locaux, de quoi rappeler que deux lettres, seulement, séparent les termes écologie et escrologie…
Toutefois, la mairie de Strasbourg semble avoir été éclairée par la raison et a ainsi rétropédalé sur cette décision, face à la colère suscitée. Désormais, la cathédrale sera de nouveau éclairée jusqu’à l’horaire habituel et la première magistrate de la ville, s’en allant à Canossa, tente d’enfouir ses décisions passées. Jeanne Barseghian a ainsi déclaré le 23 octobre sur X: « La Cathédrale (…) est le monument emblématique de notre ville auquel les Strasbourgeois et au-delà, sont particulièrement attachés ».
Nous en verserions presque une larme. 

La Bonne Mère, nouvelle cible

Cependant, nous pensions que cette actualité, aussi triste soit-elle, allait s’arrêter en Alsace. Or, il n’en est rien puisque la Bonne Mère, symbole de la cité phocéenne, en a également fait les frais. En effet, le porte-parole EELV de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hassen Hammou, a récemment loué les mérites d’une pétition en ligne appelant à ouvrir une salle de shoot au sein même de l’édifice. Intitulée « Transformons la Bonne Mère en Halte Soins Addiction », elle avait été mise en ligne le 12 septembre 2024 sur change.org par un collectif qui semblerait émaner d’une infime minorité de fidèles de la paroisse. Toutefois, aucun nom n’est clairement indiqué, laissant planer le doute. Cette pétition n’a d’ailleurs pas brillé par sa popularité dans la deuxième ville de France, puisque moins de 200 signatures à peine ont été récoltées en un mois. Le diocèse de Marseille a néanmoins rassuré les fidèles et les visiteurs, par le biais d’un communiqué de presse, en excluant toute transformation de la basilique et tout projet de cette nature. « Il n’a jamais été question de donner suite à cette idée pour le moins saugrenue », a affirmé ce 22 octobre Xavier Manzano, vicaire général auprès de l’archevêque de Marseille.

Jamais deux sans trois

Le supplice des amoureux de notre patrimoine religieux n’est toutefois pas terminé, car les propos les plus outranciers ont été tenus sur le plateau de TPMP le 22 octobre par l’ex-Insoumis Thomas Guénolé, désormais chroniqueur, à propos d’une des basiliques symboles de Paris et plus largement de l’Occident : le Sacré-Cœur de Montmartre. Il a ainsi affirmé ne pas être dérangé par une destruction de l’édifice qu’il qualifie ouvertement de « merde meringuée géante détestable du point de vue architectural » ! Des propos qui ont immédiatement scandalisé l’opinion publique, par leur nature ouvertement christianophobe et hostile au patrimoine religieux chrétien en France. Cette indignation n’a malheureusement pas eu l’effet escompté sur Thomas Guénolé, qui au lendemain s’en est pris, sur ce même plateau, à l’Église catholique dans sa globalité. « Je déteste l’Église pour le fait d’avoir couvert des pédophiles », s’exclamait-il, non sans une certaine fierté. Reconnaissant avoir choqué les fidèles catholiques avec son idée de raser le Sacré-Cœur, il persiste donc et appuie son aversion envers l’Église.
Le constat est amer : pourquoi s’attaquer en priorité au patrimoine catholique, si riche et varié, qui a forgé l’âme de notre pays au travers des siècles? L’Église est aujourd’hui la cible d’une partie de l’échiquier politique et de la population, complice d’un islamo-gauchisme notoire et hostile à notre civilisation. Notre-Dame de Strasbourg, Notre-Dame de la Garde, c’est ainsi que la Vierge Marie, reconnue comme Sainte Patronne de France semble être attaquée de toutes parts… que de symboles. Jusqu’à quand ?

Signé André Juillard

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La parution dans quelques jours du 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’annonce d’ores et déjà comme l’événement BD de l’année. Il est l’œuvre du scénariste Yves Sente et du dessinateur André Juillard, héritier de la ligne claire, qui nous a quittés l’été dernier. Son trait à l’élégance sentimentale a marqué le 9ème art en renouvelant l’esthétique féminine…


Il arrive jeudi ; dans quatre jours, il va déferler sur les librairies de France. Vous ne pourrez y échapper, Old Chap ! Les romans de la rentrée littéraire n’y survivront pas. Ils ne font pas le poids face à cette locomotive de l’édition. En obélisque ou en pyramide, Signé Olrik, le 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’érigera en numéro 1 des ventes jusqu’à Noël. Le monde du livre est tributaire de son plan de conquête commerciale. C’est lui, 62 pages seulement, qui draine les foules, et non l’autofiction faisandée de quelques auteurs en mal d’amour-propre. 

Réalisme non réducteur

Le public veut du style et des uniformes, se perdre dans les paysages brumeux des Cornouailles et sonder le mystère celte. Et puis, nous sommes curieux de connaître la destinée chaotique d’Olrik, notre méchant préféré à fine moustache, sachant fumer avec un porte-cigarette et piloter un Espadon. Cette sortie est aussi l’occasion d’évoquer le dessinateur et scénariste André Juillard (1948 – 2024), auvergnat né à Paris expatrié en Bretagne, disparu en plein cœur de l’été, dont l’œuvre charnelle court sur une cinquante d’années. Dans la revue Casemate (octobre 2024), Yves Sente a trouvé les mots justes pour se souvenir de son compagnon de travail : « André, c’était quelqu’un ». Tout est dit. Intimidant et fraternel. Un grand professionnel à la technique irréprochable et un artiste à l’érotisme chaste. Un auteur majeur de la bande-dessinée reconnaissable à sa puissance d’évocation et à son réalisme non réducteur. Ce chantre de la ligne claire qui ne veut pas dire transparence béate s’est servi justement de sa pureté pour ouvrir d’autres dimensions, d’autres trappes émotionnelles, d’autres infra-mondes intérieurs. Avec Juillard, on est d’abord séduit par la beauté des planches, leur harmonieuse composition, leur lumineux éclat et puis, l’imagination se met à cavaler, elle ne s’arrêtera plus. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Noé: Olrik: quand la fiction retrouve le XXe siècle

On pourrait croire qu’une telle maîtrise est un frein à la fiction, que le cadrage et la précision anesthésient le regard, que les détails masquent les élans ; au contraire, le talent de Juillard est de faire naître l’émoi dans la rigueur, la folle passion dans un décor d’apparence académique mais recélant mille anfractuosités. Le Grand Prix 1996 de la ville d’Angoulême n’était pas un dilettante du crayon, il ne croyait pas au don inné. Le travail aura guidé sa main. Seules des heures et encore des heures passées à son atelier et ces gestes sans cesse répétés auront été la condition minimale pour construire une œuvre. « J’ai besoin de dessiner tous les jours » disait-il, même s’il trouvait très ennuyeux de dessiner des trains ou des scènes de repas.  Juillard, fortement marqué dans sa jeunesse par l’art grec puis égyptien, se fit connaître dans la BD historique avec notamment Les 7 vies de l’Épervier, puis la série Blake et Mortimer le propulsera au rang de valeurs sûres du métier. Il était l’égal de Moebius, Giraud ou Druillet. Un illustrateur reconnu dans la presse, un dessinateur au succès populaire et un artiste côté dans les galeries. Tous les ingrédients pour enflammer durablement les collectionneurs.  C’est à l’âge de vingt ans que ma génération l’a découvert avec Le Cahier bleu publié à partir de 1993 dans la revue A suivre. Il en était le scénariste et le dessinateur. Nous avons eu alors un choc esthétique et nous sommes tombés amoureux de ces héroïnes aux cheveux courts dont le regard pénétrant ne nous laissait pas indifférent. 

Carnets secrets…

Il aura renouvelé l’esthétique féminine en abordant un territoire peu foulé par ses homologues masculins, une forme de désir contenu, de sensualité abrasive et cependant intimidante, peut-être, fut-il dans son expression picturale, celui qui s’approcha le plus près de l’impossible définition du charme. Juillard le prouva, par la suite, dans ses Carnets secrets 2004 – 2020 publiés chez Daniel Maghen qui sont sa pièce maîtresse.

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Recherche inconnue désespérément

Mystères au Cameroun…


Ça commence par une phrase qui pourrait paraître anodine: « Une femme a disparu et tout le monde la cherche. » Elle va pourtant entraîner la narratrice, Constance, dans un labyrinthe complexe où la fiction chevauche la réalité, sans que l’on sache vraiment si le fil de la narration conduit à la vérité. Constance a 17 ans lorsqu’elle découvre la capitale du Cameroun, Yaoundé, ville sans feux rouges, mais aux sept collines et à l’atmosphère moite, admirablement décrite par Anne-Sophie Stefanini, romancière et éditrice parisienne. « Les images de la ville se succédaient et la lumière orange des lampadaires au sodium créait un brouillard magique », écrit-elle avec la précision digne d’André Gide, l’écrivain attiré par l’Afrique.

Coup de foudre à Yaoundé

Nous sommes au début des années 2000. Constance est lycéenne, elle flotte dans ses habits trop grands pour sa silhouette. Elle est à Yaoundé parce qu’elle a dit à sa prof de français qu’elle voulait voyager et écrire. Comme son lycée invitait une jeune Camerounaise à venir deux mois à Paris, l’échange fut donc possible. À la fin du voyage, Constance rédigera un texte qui sera publié dans le journal des élèves. Un homme de dix ans son aîné, Jean-Martial, l’attend à l’aéroport. Elle en tombe amoureuse. Déambulation dans la ville, la nuit, danse dans des cafés révolutionnaires ; découverte d’un quartier populaire, Biyem-Assi, de la maison de Jean-Martial, de l’odeur d’un frangipanier ; connaissance de l’histoire violente de la décolonisation du pays. On fumaille, on boit des bières. Le décor est planté. Il restera pour toujours dans la tête de la jeune fille.

On pourrait en rester là. Mais Jean-Martial lui parle d’une professeure qui a disparu et qu’il admirait, et même peut-être davantage. Communiste, elle soutenait la révolte des étudiants. Constance écoute. Un roman nait en elle. Elle ne le sait pas encore. Jean-Martial l’envoûte. Ce n’est pas un garçon comme les autres. Il dit : « Je ne suis pas un enfant des rues, je n’ai pas traîné dehors, j’ai passé mon temps à lire, protégé par des barrières. » Il ment. Elle le découvrira plus tard, à ses dépens. Comme l’inconnue, Jean-Martial finit par disparaitre à son tour. Les mails de Constance restent sans réponse.

Rebondissements

Vingt-ans après, mère d’un petit Ruben, enseignante, elle revient à Yaoundé pour présenter son roman où il est question de l’inconnue rebelle qui a disparu. Elle a fini par imaginer sa vie. Mais la fiction correspond-elle à la réalité ? Elle prévient Jean-Martial de sa venue. Le silence, toujours, pour réponse. Constance rencontre de nouvelles personnes – j’ai failli écrire de nouveaux personnages. Terence, un journaliste ayant étudié en France, l’invite à enquêter sur la disparition de l’inconnue. Il faut mettre un point final à l’histoire. Dans son dialogue imaginaire avec Jean-Martial, Constance avoue : « Si je ne la retrouvais pas, je renonçais aussi à te retrouver. » Anne-Sophie Stefanini signe un quatrième roman maîtrisé. Même si l’intrigue exige parfois une concentration monacale, car les rebondissements ne manquent pas, tout se tient.

En refermant le livre, j’ai pensé à la phrase de Duras dans Hiroshima mon amour : « Cette ville était faite à la taille de l’amour. » Comme Yaoundé.

Anne-Sophie Stefanini, Une femme a disparu, Stock. 240 pages

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Du passé, l’Occident fait table rase

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Le sociologue Frank Furedi photographié à Budapest en 2022 © Tibor Illyes/AP/SIPA

Les archéologues du grief qui veulent nous débarrasser du passé deviennent invariablement et paradoxalement ses prisonniers, observe le sociologue Frank Furedi, dans un livre qui s’attaque aux idéologies décoloniales en vogue et à la « cancel culture ».


Frank Furedi est un sociologue britannique d’origine hongroise, professeur émérite à l’université de Kent. Il a entrepris l’écriture de son livre[1] après avoir assisté, à distance, au déboulonnage de la statue d’Abraham Lincoln à Portland en octobre 2020, par une foule lyncheuse cherchant à prendre sa revanche sur le présent en esquintant le passé. Malgré l’absence de coordination et de déclaration de guerre, c’est bien d’une guerre contre le passé qu’il s’agit. Jonathan C.D. Clark, dans Our Shadowed Present (2004), voit dans cette attaque du passé une entreprise de « déshéritement historique ». Frank Furedi parle d’archéologie des griefs pour décrire ce processus de délégitimation du passé qui vise à le reconditionner en fonction des valeurs et objectifs des politiques identitaires actuelles. Les enfants et adolescents sont les cibles principales de cette entreprise d’éloignement moral de l’héritage culturel, favorisée par un « climat » culturel qui rencontre peu de résistance. Les élites occidentales ont peu fait pour défendre leur héritage historique. Elles l’ont souvent renié et ont été à l’avant-garde de son éradication.

Un long processus de détachement du passé

Jusque récemment, la gauche et la droite cherchaient à interpréter le passé pour nourrir leur idéologie, en y cherchant des traces validant leurs positions. Au 19ème siècle, le passé cessa d’être vu comme une réserve de solutions pour le présent, avec l’émergence d’un culte de la jeunesse qui s’est vite imposé au tournant du 20ème siècle. On perçoit alors le passé comme un obstacle à la poursuite du progrès et l’on se prend à rêver d’un nouveau monde, remodelé selon des principes scientifiques. Après l’hécatombe de la Première Guerre mondiale l’histoire, pour les élites, n’avait plus rien de positif à dire à la société. Les idéaux et valeurs dans lesquels elles avaient été socialisées avaient perdu tout sens. Durant les premières décennies du 20ème siècle, gauche et droite firent, chacune à leur manière, la promotion d’un homme nouveau (Trotski et Hitler). La distanciation du passé fut graduelle jusqu’à la fin des années 1960, mais, avec les années 1970, les attaques se firent plus explicites.

Frank Furedi découpe cette évolution en quatre phases :

  • Perte de pertinence du passé pendant le 19ème siècle ;
  • Le passé est un obstacle au présent : idée qui apparaît à la fin du 19ème siècle, gagne en influence après la Première Guerre mondiale et trouve un nouvel élan après la Seconde ;
  • Le passé est principalement malveillant : dans les années 1960-70 se développa une méfiance à l’égard du passé qui fut redirigée vers le statut d’adulte avec, en parallèle, une obsession de l’identité. La montée de la contre-culture des années 1960 fut propice à la dévalorisation du passé ;
  • Le passé représente un danger : Il serait une menace pour le présent. Tout est à jeter jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Bald Old Days). 1945 est, en quelque sorte, l’année zéro. Mais ce passé continuerait de contaminer le présent et de blesser les minorités. En cherchant dans le passé les sources d’un malheur actuel, on le réintroduit dans le présent, tout en prétendant s’en détacher. C’est tout le paradoxe de vouloir à la fois rompre avec le passé et lui régler son compte.

L’idéologie « Année Zéro »

Dans le passé, cette idéologie désignait la naissance de quelque chose de nouveau. Ce fut l’objectif de la Révolution française, de celle des Khmers rouges en 1975 et d’une certaine manière de la Révolution américaine qui voulait créer un nouveau monde. Aujourd’hui cette idéologie a tourné son regard vers l’arrière. Elle cherche à éliminer les influences du passé et à s’en venger au nom des maux contemporains qu’il aurait engendrés. Le mouvement décolonial, qui réduit l’héritage occidental à une histoire de domination et d’oppression, est l’agent le plus performant de propagation de l’idéologie « Année Zéro ». Aristote n’aurait été qu’un raciste qui continue de sévir, la Déclaration d’indépendance des États-Unis, une charte d’esclavagistes, le colonialisme, le précurseur de la Shoah… C’est un mouvement qui résonne avec l’esprit du temps et a muté dans une rhétorique pouvant s’appliquer à n’importe quoi. Il a même servi à justifier les massacres d’Israéliens le 7 octobre 2023.

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La continuité historique, cet élément décisif de la construction identitaire, est devenu un fléau et son rejet n’est plus réservé à une élite progressiste. La création de l’Union européenne a concrétisé cette idéologie « Année Zéro » sans avoir à en parler tant celle-ci était déjà prégnante, bien avant le mouvement décolonial et la guerre culturelle.

Anachronisme et présentisme, outils de fabrication d’un éternel présent

L’anachronisme marche dans les deux sens, soit pour légitimer le présent, soit pour condamner le passé. Il lit l’histoire à l’envers et ne voit dans le passé que son reflet. Il transporte des concepts à la mode dans des époques où ils n’avaient aucun sens. Ainsi, la tenue de Jeanne d’Arc aurait-elle manifesté son identité non binaire[2] ! Il arrive que des archéologues refusent de classer par sexe des os, car ils ne savent pas comment les gens à qui ils appartenaient se seraient identifiés eux-mêmes. Certaines œuvres se voient soumises à une réécriture. Ce fut le cas du Titus Andronicus de Shakespeare, mis en scène au Globe Theatre de Londres en 2023, par Jude Christian. Ce dernier avait à cœur de dévoiler le racisme masqué par la langue de Shakespeare. En manipulant l’histoire de manière sélective, les théoriciens critiques de la race ont cherché à faire de la blanchité (whiteness) un crime culturel perpétuel.

Le présentisme[3] coïncide avec l’érosion de l’orientation positive vers l’avenir des sociétés occidentales et permet de recycler les inquiétudes contemporaines. Le passé n’est qu’un appendice du présent. Le présentisme permet de cultiver une supériorité morale à défaut d’aider à redresser les injustices actuelles. Richard Dworkin parle à ce propos d’anachronisme moral. L’histoire devient un instrument d’autosatisfaction narcissique. En faisant de leur métier une archéologie des griefs revenant à confirmer leurs a priori, dans une grotesque parodie de justice, les historiens présentistes anéantissent toute idée de progrès. C’est aussi le présentisme qui nourrit la culture de l’annulation. Il fait de l’héritage historique un terrain de jeu pour militants narcissiques en colère. Ainsi, l’élu local « Vert », Ian Driver, se filma-t-il en train d’écrire sur le mur du Musée Charles Dickens : « Dickens racist » !

Politisation de l’identité

Le passé a été transformé en un territoire sans frontières où les injustices attendent qu’on les découvre pour valider l’autorité des groupes se déclarant victimes. C’est dans les années 1950 que l’identité devint un idiome récurrent permettant de se comprendre soi-même. C’est aussi la période pendant laquelle le sens de la continuité morale céda le pas à un sentiment de déconnexion. Les sociétés occidentales n’ont plus de récit convaincant pour socialiser les enfants, d’où le développement de crises identitaires chez les jeunes. Avec les années 1970, l’identité individuelle fusionne avec l’identité groupale qui exige une reconnaissance continuelle dans les institutions et les rituels. L’obsession même de l’identité est un symptôme d’insécurité. La demande de reconnaissance et la recherche d’injustices historiques, comme forme de thérapie collective, sont donc sans fin. À partir de la fin des années 1980, s’y ajouta la demande d’invalidation de l’identité des opposants soutenue par le mouvement décolonial qui connut un certain succès grâce à l’appui des élites culturelles et économiques occidentales. Ces dernières se sont volontairement distanciées du passé et ont adopté des programmes DEI (diversité, équité, inclusion). Il est courant que certaines institutions prestigieuses s’échinent à rechercher leurs méfaits passés. Ainsi, dans son rapport de 2020, le National Trust, qui a en charge la conservation du patrimoine, dresse, à propos de Chartwell, l’ancienne résidence de Winston Churchill, un portrait très négatif de son propriétaire: un méchant impérialiste sans cœur. Ce dernier fut d’ailleurs traité de nazi par le mouvement Black Lives Matter. Comme avec Shakespeare, s’en prendre à Churchill, c’est viser l’identité britannique. De même, il n’y aurait rien à retenir de la démocratie athénienne si ce n’est son oppression des femmes, sa masculinité toxique et sa pratique de l’esclavage.

Le concept de blanchité, aujourd’hui d’usage courant, fut inventé par les théoriciens critiques de la race qui racialisent l’histoire et éternisent ainsi l’identité des blancs en lui donnant une connotation négative. D’ailleurs, « trop blanc » est une expression devenue synonyme de toxique, répugnant, problématique. C’est ainsi que l’identité juive est perçue comme une identité hyper-blanche, perception à l’origine d’un antisémitisme propre au 21ème siècle. Un privilège juif serait ainsi une déclinaison du privilège blanc.

La politisation des identités conduit chaque groupe identitaire à se découvrir dans les contextes les plus improbables. On impose ainsi à des morts une identité qu’ils sont bien en peine de contester. Comme l’écrit Frank Furedi, même les Soviétiques n’ont pas osé faire de Spartacus un commissaire politique en puissance. Cette recherche de validation identitaire incessante dans le passé perpétue un état de souffrance qui empêche toute réconciliation avec ce qui vous arrive sous peine d’annihilation.

Le contrôle de la langue pour invalider le passé

Si les langues évoluent avec le temps, c’est autre chose d’imposer des mots de l’extérieur pour transformer la vision que les gens ont du monde. Déclarer inacceptable l’usage de certains mots affecte la capacité de se souvenir de ce qu’ils signifiaient. C’est remettre en cause les valeurs culturelles qu’ils exprimaient et contribuer ainsi à une amnésie sociale visant à transformer les attitudes culturelles et les normes en vigueur. Frank Furedi raconte son expérience de la chose lorsqu’il se rendit à l’hôpital où sa mère avait été conduite après un AVC. Alors qu’il se présenta comme son fils, il fut enregistré comme « carer » (aidant). L’archevêque de York, lui-même, trouve problématique le début de la prière « Au nom du père ». Elle pourrait rappeler les pères abusifs !

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Certains mots sont ainsi déclarés « outdated », c’est-à-dire périmés. Mais cette qualification a elle-même pris une tonalité morale synonyme d’offensant, de problématique. Des guides des bons usages linguistiques, proposant des listes de mots préférés à ceux jugés problématiques, se sont multipliés. La Colombie britannique considère que mégenrer quelqu’un est une violation des droits humains pouvant conduire à la perte de son emploi. Sont déclarées problématiques des œuvres parce que vieilles. Si bien qu’elles sont de plus en plus souvent accompagnées d’avertissements inutiles et infantilisants. Ainsi prévient-on le lecteur potentiel de The Sun Alson Rise d’Hemingway paru en 1926 que ce livre « reflète les attitudes de l’époque ». Comment pourrait-il en être autrement ? Certains livres sont rangés dans des lieux inaccessibles, ou carrément supprimés des bibliothèques, quand ils ne sont pas réécrits lors de nouvelles éditions. Les livres pour enfants sont particulièrement visés avec des avertissements qui les empêchent de se faire une idée par eux-mêmes et les conditionnent. Cela vaut pour la déclaration d’Indépendance des États-Unis qui exprimerait des vues périmées, biaisées et offensantes, laissant croire ainsi que la nation a été viciée dès son origine. À l’Université Brandeis, le mot « picnic » a été banni pour avoir été associé au lynchage des Noirs. En Australie, en 1995, dans la crèche de l’université La Trobe, 20 mots ont été bannis, dont « garçon » et « fille ». Tout usage de ces « mots sales » entraîne une amende à glisser dans une boîte à cet usage. Au Royaume-Uni, une association de lutte contre le cancer a décidé de renommer le vagin « bonus hole » (trou de la prime ?)!

Cette entreprise d’estrangement par la langue, qui fausse la capacité à se rappeler du passé, de son enfance, fait obstacle à la communication entre générations.

Déshériter les jeunes de leur passé

Pour John Dewey en 1922, comme pour ses disciples aujourd’hui, il fallait libérer l’éducation du passé et apprendre, au contraire, aux enfants à contester des normes et pratiques dépassées. Le psychiatre Brock Chisholm, premier directeur de l’OMS de 1948 à 1953, voulait qu’on libère les enfants du poids du contrôle des adultes qui s’étaient tellement trompés. Avec la déclaration de guerre au passé du tournant du 21ème siècle, les écoles ont connu un degré d’endoctrinement sans précédent qui a peu attiré l’attention, restée concentrée sur la culture de l’annulation. Il a fallu le confinement, lors du Covid, pour que les parents se rendent compte de l’étendue de l’endoctrinement de leurs enfants, que l’on encourage à se croire plus éclairés que leurs parents arriérés. Aux États-Unis, des parents se sont mobilisés et ont fini par gagner des soutiens politiques. En 2021, la révolte des parents en Virginie a conduit à la défaite électorale du gouverneur démocrate Terry McAuliffe.

Le « décolonialisme » a envahi les salles de classe, au détriment de la littérature classique, mais pas seulement. Pas de pause lors des repas à la cantine pendant lesquels on explique aux enfants l’origine des aliments. À Londres, le National Education Union a déclaré en 2021 qu’il fallait décoloniser tous les sujets à tous les niveaux, y compris les sciences qui doivent être l’occasion pour l’enfant d’explorer son identité. Charles Clarke, ancien Secrétaire d’Etat à l’éducation du Labour, déclarait en 2003 à l’University College de Worcester que l’histoire médiévale était un gaspillage d’argent public. Un critère de pertinence a ainsi remplacé l’idée selon laquelle l’étude du passé était un moyen de cultiver une vue commune du monde. L’emphase mise sur l’expérience vécue par les élèves conduit à leur enseigner une version du passé qui reflète leur vie présente au lieu d’apporter des réponses aux questions qu’ils ne se sont pas encore posées.

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Pire, il ne suffit pas d’éloigner les enfants du passé, il faut leur apprendre à le noircir et à s’en méfier. Dans leur rapport fondé sur une enquête auprès de 300 enseignants britanniques, les chercheurs Michael Hand et Jo Pearce préconisent de présenter le patriotisme comme une question controversée. Pour certains historiens, la fierté qu’éprouvent les Britanniques à propos du comportement de leur pays pendant la Deuxième Guerre mondiale reposerait sur un mythe. Comment s’étonner alors que des élèves de l’école Pimlico Academy au sud de Londres aient demandé et obtenu en 2021 que soit enlevé l’Union Jack. Ils furent même félicités par le directeur qui les a trouvés courageux et intelligents !

Pour l’historien Yuval Noah Harari, l’Ancien Testament serait la source de l’irresponsabilité environnementale. Dans The Guardian, en 2022, il déclarait qu’apprendre l’histoire devrait servir à s’en libérer et non à s’en souvenir. On est loin de la conception de Gibert K. Chesterton pour qui « l’éducation est simplement l’âme d’une société qui passe d’une génération à la suivante » (The Observer, 6/7/1924).

Dans la conclusion de son livre, Frank Furedi met en garde contre cette guerre contre le passé : « Paradoxalement, ceux qui veulent se débarrasser du passé deviennent invariablement ses prisonniers ». Se priver de la perspicacité acquise au fil des essais et erreurs des siècles précédents, c’est remettre en cause le statut de l’humanité tout entière. Si tout a été mauvais avant pourquoi en irait-il autrement dans l’avenir ? Cette diabolisation du passé favorise un éloignement de la sensibilité humaine et, dans ses formes les plus extrêmes, la perception de l’humanité comme une nuisance menaçant la survie de la planète. Elle conduit aussi au fatalisme et à la dilution de la notion de responsabilité.

Au purgatoire présentiste, les gens ont du mal à forger les liens essentiels à la solidarité sociale. Et, « quand on oublie ce qui nous a fait, ce que nous sommes et ce qui nous lie, la société ne peut malheureusement que se fragmenter et se polariser. » Le passé représente un fonds d’expérience humaine à travers lequel l’humanité a été forcée de se confronter aux horreurs dont elle porte la responsabilité mais il est aussi une source d’apprentissage à faire le bien. C’est en Europe que les idées de liberté et de libre arbitre ont pris racine. Bien des figures historiques critiquées aujourd’hui furent déterminantes dans le développement d’un comportement civilisé associé à l’épanouissement moral de l’humanité. Notre monde d’aujourd’hui est bien plus influencé par l’esprit démocratique d’Athènes que par son recours à l’esclavage.

Cet héritage doit être protégé de l’assaut des archéologues du grief à la recherche d’une punition collective. « Notre rôle est d’apprendre des expériences passées et pas de les soumettre à une expérimentation idéologique et politique rétrospective […] Les jeunes qui grandissent avec un lien fragile et trouble du passé sont les pertes humaines de la guerre contre le passé ».

Avec un livre pareil, il n’y avait aucune raison pour que Frank Furedi échappe à la culture de l’annulation. Alors qu’il devait venir présenter son livre dans la librairie PiolaLibri à Bruxelles, il reçut un email du libraire annulant l’événement. Ce dernier ne pouvait avoir lieu en raison des connotations politiques qu’il aurait nécessairement prises, contraires à la vocation inclusive de la librairie[4] ! Manifestement pas pour tous les points de vue.

THE WAR AGAINST THE PAST Why the West Must Fight For Its History, Frank Furedi, Polity, 2024, 382 p.

The War Against the Past: Why the West Must Fight for Its History

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Cet article a été publié sur le blog de Michèle Tribalat.


[1] THE WAR AGAINST THE PAST, Why the West Must Fight For Its History (Polity, 2024)

[2] Il en irait de même du roi Arthur, héros légendaire de la littérature occidentale, LGBTQ avant l’heure, d’après un Conseil régional gallois. Il se serait déguisé en fille pour approcher une jeune fille. « Queering the Past », Mark Tapson, Frontpage Magazine, 21/10/2021.

[3] D’après Frank Furedi, ce concept aurait été inventé par François Hartog en 2017. Rappelons néanmoins que ce dernier eut un précurseur : Pierre-André Taguieff, dans son livre L’effacement de l’avenir, publié en 2000 aux éditions Gallilée.

[4] https://www.spiked-online.com/2024/09/26/why-did-a-brussels-bookshop-cancel-my-book-launch

Incendies, pillages, tirs: en Martinique, la colère vire à la délinquance pure

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Le militant Rodrigue Petitot, Martinique, 19 octobre 2024 © Manuel JEAN-FRANCOIS/SIPA

À la tête de la contestation martiniquaise, Rodrigue Petitot, dit « le R » (notre photo), profite des aspirations légitimes de la population pour servir un agenda « décolonial » avec le soutien de… l’Azerbaïdjan.


La Martinique connaît depuis le 1er septembre de violentes manifestations contre la vie chère. Rien ne semble pouvoir ramener le calme dans cette Collectivité territoriale caribéenne présidée par Serge Letchimy. Si l’État a formulé des annonces majeures mercredi 16 octobre, une partie des manifestants s’emploie toujours à faire basculer le mouvement vers la révolte insurrectionnelle.

Des prix 40 % supérieurs à ceux de la métropole

L’Etat tente depuis plusieurs années de résorber les difficultés posées par le coût de la vie dans les Antilles, notamment en Martinique. Selon l’INSEE, les prix des denrées alimentaires y sont en moyenne de 40% supérieur à ceux pratiqués dans la métropole. Les spécialistes des outremers s’attendaient donc à de nouvelles manifestations, puisque l’environnement macroéconomique est défavorable ainsi que le contexte géopolitique global. Il y a 15 ans, le K5F (Comité du 5 février) plongeait l’île dans la grève générale autour de ces questions de pouvoir d’achat. Le mouvement dura plusieurs mois, fut émaillé par des pénuries et des rationnements qui ont traumatisé les commerçants locaux, et ne s’était achevé qu’après la conclusion des accords du 14 mars 2009 instaurant une hausse de 200 euros des salaires les plus modestes.

Afin d’éviter la renaissance d’un mouvement comparable, l’État réunissait en décembre 2023 un séminaire de lutte contre la vie chère. Il a permis notamment de déterminer que les acteurs de la grande distribution ne détenaient pas la clé du problème puisque leurs prix ne dépendent pas de leurs marges, mais avant tout des coûts de transport, des grossistes ou encore… de la fiscalité. Il faut dire que l’octroi de mer n’est plus fléché correctement. Originellement pensé au XVIIème siècle, cette taxe spécifique aux « colonies » d’alors ne prend pas en compte les évolutions des habitudes de consommation des Martiniquais d’aujourd’hui. Est-il normal que le coût de produits de première nécessité soit près du double en Martinique alors que les téléphones mobiles sont au même tarif ?

Il y a donc des chantiers sur la table et des solutions concrètes en mettre en œuvre. Le footballeur Thierry Henry l’a lui-même rappelé dans un appel émouvant : « Je veux envoyer mon soutien aux gens en Guadeloupe et en Martinique. Je ne sais pas si vous le savez, mais la vie est chère là-bas. C’est la France, au passage. Ce n’est pas un État géré par la France, c’est la France. Le prix des produits alimentaires dans les magasins est deux, trois, quatre ou cinq fois plus cher qu’en métropole ».

Pourtant, si le constat est sans appel, la solution ne saurait se trouver chez Rodrigue Petitot et sa bande.

Sur le site du France-Antilles, des habitants font part de leur mécontentement.

Rodrigue Petitot : un profil d’agitateur

À l’image d’autres révolutionnaires professionnels dont on a pu mesurer l’influence en France ou en Nouvelle-Calédonie ces derniers mois, Rodrigue Petitot profite de la crise et du désespoir des Martiniquais pour semer le chaos. Condamné à quatre reprises dans des affaires de trafic de drogue dont la dernière remonte à 2016, Monsieur Petitot a aussi été quatre fois emprisonné dans l’Hexagone. Il a ainsi passé une dizaine d’années derrière les barreaux. Comment peut-il être aujourd’hui un interlocuteur crédible pour l’État et les autorités locales alors que son profil comme ses discours, aux forts relents de racisme, témoignent d’une personnalité aussi instable que violente ?

Principal responsable de la flambée de violence qui terrifie les habitants de l’île, Rodrigue Petitot est aussi le spécialiste des discours de haine à destination des « beckés » qui sont les Martiniquais d’ascendance européenne installés de longue date sur l’île. Une population qui sert de bouc-émissaire récurrent dès que les Antilles sont en proie à des crises sociales.

Le mouvement né en septembre n’a du reste rien de spontané, mais semble bien avoir été préparé de longue date puisque le « Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens » (RRPRAC) a été créé sous statut d’association le 15 juillet 2024 avant de connaître une stupéfiante montée en puissance. Un hasard de calendrier étonnant puisque le Groupe d’initiative de Bakou réunissait des militants indépendantistes ultramarins français le 18 juillet en Azerbaïdjan. Présenté comme un « Congrès des colonies françaises », ce sommet était officiellement organisé par l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe avec la participation de vingt partis politiques séparatistes, dont des Néo-Calédoniens, des Corses ou encore… des Martiniquais.

Marie-Laurence Delor exprime avec une certaine colère sur Mediapart les manipulations politiques entourant les mouvements de protestation en Martinique : « On s’est aussi un peu soucié de la dénomination de l’association : « Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro caribéens ». Elle dit explicitement un parti pris négriste, une définition étriquée de l’identité dans des sociétés fortement métissées et pluriraciales : ceux qui n’ont pas d’ascendance africaine sont ainsi irrémédiablement exclus, effacés… » Pis encore, elle ajoute la chose suivante : « Parler comme le font les médias et l’administration préfectorale de « violence, de pillage et de déprédation en marge du mouvement » est une grave erreur de lecture. La violence, le pillage et les déprédations sont en réalité au cœur de cette parodie de révolte : pour mobiliser les voyous il faut, en effet, leur donner la garantie d’y trouver leur compte »[1]

Nous sommes donc en face d’un mouvement sous faux drapeau. Des voyous racistes agglomérés autour d’une personnalité charismatique et violente s’organisent pour racketter la collectivité martiniquaise, ses habitants et l’État. Ils ne gagneront évidemment rien de concret pour la population qui y perd déjà avec les incendies criminels, vols, destructions, pillages et violences qui ensanglantent la Martinique depuis le mois de septembre. Une fois de plus, l’État doit faire preuve d’autorité et de fermeté en mettant un terme aux agissements de gangs présentés en « syndicats » qui n’ont d’autres intérêts que ceux de leurs chefs.

Mais cette fermeté doit aussi s’accompagner de mesures ciblées, concrètes et intelligentes pour améliorer les conditions de vie des Martiniquais. C’est ce que l’État a fait le 16 octobre avec l’engagement pris avec les distributeurs de baisser de 20% en moyenne les prix de l’alimentaire. Bien entendu, le RRPRAC a refusé l’accord pourtant arraché de haute lutte par les acteurs martiniquais les plus engagés. Rodrigue Petitot a même appelé à poursuivre le mouvement de violences, ayant trop à perdre à l’arrêt des émeutes…


[1] https://blogs.mediapart.fr/marie-laurence-delor/blog/300924/vie-chere-une-lecture-critique-des-troubles-en-martinique

Passez la Monnaie

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La ministre de la Culture Rachida Dati photographiée à Paris le 23 octobre 2024 Gabrielle © CEZARD/SIPA

Reconduite à la Culture, Rachida Dati fourmille de nouvelles idées. Le projet de faire payer l’entrée de Notre Dame pour financer l’entretien de nos églises est toutefois âprement commenté…


Rachida Dati est une femme qui sait ce qu’elle veut. Et ce qu’elle veut, c’est la mairie de Paris. Aussi s’efforce-t-elle avec une belle opiniâtreté et le flamboyant culot qu’on lui connaît de marquer la capitale de son empreinte avant l’échéance électorale de 2026. D’où sa soudaine ardeur à voir se réaliser le projet présidentiel de création d’une Maison des Mondes Africains à Paris. L’idée remonterait à 2021 mais serait dormante, si ce n’est moribonde, depuis lors. Il était donc grand temps de la revitaliser, d’autant que se mettre dans la poche le vote communautaire lié à ces Mondes n’est pas totalement idiot, relativement à l’échéance susmentionnée… Bien entendu, l’idéal aurait été de pouvoir lorgner du côté du Monde Arabe, mais le truc a déjà son gourou bienfaiteur, l’indéboulonnable Jack Lang qui s’accroche à cette sinécure comme une huître à son rocher. Il faudra donc se contenter des Mondes Africains. C’est toujours cela. Le projet n’est pas nouveau, disions-nous. Il aurait été inspiré par un personnage, un intellectuel camerounais, précise le journal le Monde, qui, dans un rapport remis au président Macron préconisait la création d’une telle institution, assurant que cette initiative améliorerait considérablement les relations entre l’Afrique et la France. Surtout, je présume, si cet intellectuel très inspiré en devenait le Jack Lang. Malin, non ?

Oh Dja dja

Ce qui serait nouveau et en quoi il conviendrait de saluer l’apport de Mme Dati dans ce dossier, serait le lieu d’implantation de cette structure dont l’urgence, la nécessité, la pertinence n’échapperont évidemment à personne. Ce lieu semble bien devoir être l’Hôtel de La Monnaie – une aile aujourd’hui espace d’exposition – à Paris évidemment, quai Conti, à deux pas de l’Académie Française dont on se dit en la circonstance qu’elle l’a échappé belle. Pour que le lecteur puisse bien situer l’endroit, qu’il se reporte aux images de la cérémonie inaugurale des Jeux Olympiques. L’Académie Française est le bâtiment qu’on voit en arrière-plan d’Aya Yakamura invitée pour l’occasion à chanter et se trémousser juste devant,  ce qui augurait peut-être, au train où vont les choses, de sa prochaine admission officielle en grande pompe sous la coupole, habit vert bien rempli, mignonnette épée au côté et « Dja Dja, j’suis pas ta catin » remastérisé en alexandrins.

A lire aussi: Une girouette nommée Zineb

Voyez ce que c’est tout de même que l’association d’idées. Restant connectée monnaie, Mme la ministre en est arrivée tout naturellement à l’expression, elle aussi d’usage courant en politique du côté de Bercy notamment, de « Passez la monnaie ». Faire payer les visites touristiques à Notre Dame. Un esprit tortueux ne s’interdirait pas de voir dans cette démarche-là également un arrière-fond de préoccupation électorale. Séduire le parisianisme laïcard bobo, voilà qui n’est pas maladroit. Ces esprits très forts qui s’étranglent lorsqu’ils voient les sous de la République aller comme se fondre dans l’eau du bénitier. Bercy applaudit, semble-t-il au projet visant l’Hôtel de la Monnaie. Nul doute qu’il ne se réjouisse aussi de la trouvaille de Mme Dati concernant Notre Dame dont un des avantages, et non le moindre, reviendrait à se défausser sur les touristes – quid des croyants venus prier, des sans divinité fixe venus s’immerger quelques instants en spiritualité ? – s’exonérer, disais-je, de la charge d’entretien et de restauration qui incombe à l’État ou à ses succursales, si on peut ainsi s’exprimer. Cela est très clairement inscrit dans le marbre de la loi – loi de 1908 – en l’occurrence : « La propriété des lieux du culte s’accompagnera pour l’État, les départements, les communes d’engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété est reconnue par la présente loi. »

Déchristianisation terminale de la France

On ne peut énoncer plus clairement les devoirs et responsabilités en la matière. Il n’y aurait donc même pas à chercher plus loin que la loi de la République pour reléguer la grande idée de taxer l’entrée d’un lieu de culte (qui plus est lieu d’asile par excellence, cela depuis l’origine, soit dit en passant) dans la poubelle sans fond des agitations électoralistes mort-nées.

Cela dit, la conjonction des deux actualités me paraît très symptomatique du dévoiement intellectuel et culturel de l’actuelle pensée d’État. Investir dans une utopique – et démagogique – Maison des Mondes Africains tout en abandonnant à d’autres la préservation d’un monument dont il ne serait ni irrévérencieux – ni en aucune manière réducteur – de le considérer comme la Maison des Mondes Occidentaux, montre fort bien à quel point de renoncement, d’abandon, d’acculturation nous sommes arrivés.

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Un « Monde » sans pitié

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« L’infiltration » du Hamas en territoire israélien du 7 octobre 2023. DR.

Le Monde dissimule à peine, mais avec brio, sa vision manichéenne du Proche-Orient et son parti pris propalestinien. Derrière une mécanique sémantique de précision, s’entend une petite musique anti-israélienne, jusque dans la couverture des massacres du 7-Octobre. Une lecture mot à mot et entre les lignes s’impose.


Cela ne se discute pas. Avec ses 500 000 abonnés en ligne, son équipe de 500 journalistes et ses quelque 18 millions d’euros engrangés en 2023 au titre des aides publiques à la presse, Le Monde est ce qu’il convient d’appeler un grand quotidien. Un journal de référence, comme on dit, lu chaque jour par tous les ministres de la République, tous les parlementaires et tous les directeurs de la presse parisienne. Autant dire que son traitement de l’actualité au Proche-Orient est crucial. D’autant que peu de rédactions peuvent se payer comme lui des correspondants permanents sur place. Résultat, sur cette question brûlante, nombre d’organes de presse subissent de façon disproportionnée l’influence du quotidien vespéral.

Se doutent-ils que la ligne de leur journal favori est, sur la politique israélienne, nettement moins centriste qu’elle ne l’est en matière de politique française ou américaine ? Et que, dès que l’on se rapproche de Tel-Aviv, elle rejoint en réalité les positions de l’extrême gauche ? Certes, ce parti pris n’est jamais avoué clairement. Il faut parfois avoir l’ouïe fine pour entendre la petite musique anti-israélienne jouée tous les jours dans les pages consacrées au Proche-Orient. Si l’on veut comprendre comment fonctionne cette mécanique sémantique de précision, une analyse mot à mot est souvent nécessaire. Décortiquons ci-dessous sept phrases typiques de la prose du Monde, extraites de divers articles parus dans ses colonnes depuis le 7 octobre.

A lire aussi, Céline Pina: Boniface: géopolitologue d’apparence?

« Lors de son opération “Déluge d’Al-Aqsa”, débutée le 7 octobre, le groupe islamiste du Hamas a infiltré plusieurs centaines de ses combattants en territoire israélien, tuant sur place ou prenant en otage des membres des forces de sécurité et des civils. »

Benoit Le Corre et Pierre Lecornu

Trois jours après les exactions du 7 octobre, le doute n’est plus permis. Selon d’innombrables sources présentes sur place, un massacre de dimension inédite vient d’avoir lieu sur le territoire de l’État hébreu, avec pour objectif d’assassiner un maximum d’Israéliens. Les terroristes sont rentrés par milliers (en non par centaines) dans le district Sud à bord de camions, jeeps, motos, vedettes rapides et parapentes. Un véritable déluge, comme l’indique très bien le nom de code choisi par les cerveaux de l’opération. Mais au Monde, lorsqu’il s’agit de rassembler les faits dans un papier de synthèse, pas question d’employer les grands mots, ni d’étaler trop de pitié pour les victimes. Sans doute pour ne pas donner l’impression d’avoir une quelconque sympathie envers l’État juif. On remarquera aussi un certain penchant pour un vocabulaire tout en retenue. Prenez le verbe « infiltrer », par exemple. Selon le Larousse, il signifie, du moins quand il est appliqué à des êtres humains : « Se glisser quelque part, y pénétrer furtivement. » L’arrivée en nombre de soudards surexcités, tirant sur tout ce qui bouge, violant des femmes et éructant de joie, peut-elle être décemment qualifiée de furtive ? Autre détail qui dit tout de l’égarement du journal : son souci d’indiquer les pertes telles qu’elles ont été constatées parmi des « membres des forces de sécurité » avant celles des « civils ». Or au moment où ces lignes sont écrites, on sait déjà que le bilan des morts du 7 octobre compte davantage d’Israéliens désarmés, notamment des vieillards, des femmes et des enfants, que de soldats. La bonne foi journalistique exigeait donc de mentionner en priorité le fait le plus important, à savoir que le « Déluge d’Al-Aqsa » est d’abord une attaque contre la population d’un pays, pas seulement contre son armée. Sauf si bien sûr on essaie de manière insidieuse de s’inscrire dans le narratif mensonger du «crime de guerre », dont La France insoumise fait au même moment son cheval de bataille.

Benjamin Barthe, lorsqu’il était correspondant du Monde au Proche-Orient. DR.

« Cette bizarrerie géographique est pourtant le fait des fondateurs d’Israël. »

Benjamin Barthe

Dans les jours qui suivent le massacre du 7 octobre, Le Monde, qui n’aime rien tant que de donner des leçons d’histoire à ses lecteurs, publie un article pour raconter celle de Gaza. Et n’hésite pas pour l’occasion à relayer une grossière fake news. Ainsi donc, à en croire l’auteur, la « bizarrerie géographique » qu’est Gaza (à savoir que le territoire palestinien est séparé en deux parties, dont l’une est cette enclave située entre l’Égypte et Israël) serait la conséquence d’une décision prise par ceux qui ont créé l’État hébreu en 1948. Un minimum de connaissance des événements permet pourtant de savoir que la résolution 181 de l’ONU, votée en 1947, propose avant même la déclaration d’indépendance d’Israël, la création d’un État arabe coupé en deux morceaux distincts, dont l’un recouvre justement l’actuelle bande de Gaza. Si l’année suivante, lors de la guerre israélo-arabe, les circonstances du conflit conduisent les troupes de Ben Gourion à ne pas y pénétrer, laissant le champ libre à l’armée égyptienne, Tsahal finira en 1956 par y planter son drapeau à la faveur de la crise de Suez… avant que les Américains lui demandent l’année suivante de se retirer. N’en déplaise à Monsieur Barthe, la « bizarrerie géographique » que constitue Gaza est au moins autant le fait des Nations unies en 1947, des forces égyptiennes en 1948-1949 et de l’administration Eisenhower en 1957, que celui des fondateurs d’Israël. Mais il est tellement tentant de prendre des accents complotistes et de présenter les juifs comme les seuls responsables de ce qui est « bizarre » au Proche-Orient.

Des soldats israéliens en repos, 13 octobre 2023. Jonathan Alpeyrie/SIPA

« Gaza : l’injustifiable politique de la terre brûlée d’Israël »

Éditorial

Comme on l’a vu plus haut, Le Monde a fait preuve d’une pudeur de gazelle dans sa couverture du massacre du 7 octobre, restant le plus froid possible et minorant certains faits. Double standard oblige, la contre-offensive d’Israël, elle, a droit aux grandes orgues. Dans son éditorial du 6 mars, non signé et engageant en ce sens l’ensemble de la rédaction, les mots qui claquent sont de sortie. Tsahal, est-il ainsi affirmé dans le titre, mènerait rien de moins qu’une « politique de la terre brûlée ». Un terme que même le très anti-israélien Josep Borrell n’a jamais osé utilisé, y compris quand il a accusé, notamment lors d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU le 12 mars, l’État hébreu d’utiliser la faim comme « arme de guerre » à Gaza. Sans doute parce qu’il sait que la « politique de la terre brûlée »est une qualification juridique autrement plus grave, comme le Protocole I de la convention de Genève le mentionne : « Une Puissance occupante ne peut pas détruire des biens, situés en territoires occupés, qui sont indispensables à la survie de la population. La politique de la “terre brûlée” menée par un occupant, même lorsqu’il se retire de ces territoires, ne doit pas affecter ces biens. » À l’heure actuelle sur la planète, seul le conflit au Darfour est considéré par les observateurs internationaux comme relevant de la stratégie de la terre brûlée.

Rassemblement pro-Hamas à Aman, 16 août 2024. DR.

« Il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste, utilisé par certains membres de La France insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national. »

Arié Alimi et Vincent Lemire

Soyons honnêtes. La phrase ci-dessus est extraite d’une tribune parue dans Le Monde. Si elle ne traduit donc pas la position du journal, elle montre en revanche quelles opinions infâmes celui-ci est prêt à accueillir dans ses pages de façon bienveillante. Faut-il détailler ici en quoi essayer de diminuer les torts de l’antisémitisme de gauche, au prétexte qu’il serait « contextuel », est abject ? Non, évidemment. Quiconque a vu les images de Rima Hassan participant à un rassemblement pro-Hamas à Aman en août dernier sait ce dont l’« antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste » est capable, et quelles atrocités il a sur la conscience.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Annus horribilis

« Visage de la diplomatie du Hamas, vu comme un modéré au sein du mouvement palestinien, Ismaïl Haniyeh était au cœur des efforts visant à mettre fin aux hostilités dans la bande de Gaza. »

Hélène Sallon

Comment montrer, à mots couverts, que l’on pleure à chaudes larmes la mort du numéro un du Hamas, donc de l’un des terroristes les plus sanguinaires de la planète ? En le faisant passer pour une colombe, pardi ! Comme le fait avec beaucoup de talent cette nécrologie d’Ismaïl Haniyeh, mort le 31 juillet 2024 à Téhéran suite à une attaque israélienne survenue au lendemain de la prestation de serment du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian devant le Parlement, à laquelle il venait d’assister.

Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas de 2017 à 2024. DR.

« Face aux attaques d’Israël, l’Iran peine à trouver la bonne riposte »

Ghazal Golshiri et Madjid Zerrouky

Le Monde ne se contente pas de regretter la disparition des ennemis les plus cruels d’Israël. Il loue aussi l’action des vivants. Le titre ci-dessus est à cet égard un petit chef-d’œuvre d’encouragement déguisé. Procédons par étape logique et découvrons ce qu’il exprime en réalité. D’abord l’élément de contexte, « Face aux attaques d’Israël », qui place le récit du point de vue de Téhéran, puisque, côté Israël, on considère au contraire que l’action de Tsahal n’est pas une attaque mais une contre-attaque. Ensuite la proposition principale, « l’Iran peine à trouver la bonne riposte », qui indique en creux que les mollahs cherchent quelque chose, et que cette recherche est conduite par eux avec les meilleures intentions du monde puisque la chose recherchée est affublée de l’adjectif « bon ». Accusation spécieuse, objecteront certains. Et pourtant que ne dirait-on si, par exemple, Le Monde spéculait en France sur les « attaques » de Macron contre Marine Le Pen et sur la « bonne » réponse que celle-ci pourrait bien lui apporter. Supposons que le journal écrive : « Face aux attaques d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen peine à trouver la bonne riposte ». Inimaginable bien sûr. Alors qu’en revanche le titre « Face aux attaques de Marine Le Pen, Emmanuel Macron peine à trouver la bonne riposte » est tout à fait concevable. CQFD. Dans le conflit larvé israélo-iranien, les faveurs du Monde vont à l’Iran.

Tirs de missiles balistiques iraniens visant des cibles en Irak et en Syrie, 15 janvier 2024.

« Procéder ainsi n’emprunte-t-il pas au terrorisme que l’on prétend combattre ? »

Editorial

Finissons cette rapide autopsie du diable qui se cache dans les détails en nous penchant sur l’affaire de bipeurs piégés. Pour Le Monde, cette opération est immorale. La meilleure manière de le faire savoir : suggérer, au moyen d’une question rhétorique, qu’Israël a, ce jour-là, carrément repris les méthodes des Etats voyous. Quand il y dix ans, François Hollande validait des dizaines d’opération homo (pour homicide), consistant à faire supprimer par des commandos français des djihadistes identifiés en Afrique noire, avec parfois des dommages collatéraux sur les populations civile, allez savoir pourquoi, jamais le journal n’a parlé de terrorisme d’Etat, mais juste d’ « éxécutions ciblées ». Idem quand Barack Obama a demandé que l’on neutralise, mort ou vif, Oussama Ben Laden et que le chef d’Al Qaida a fini par être abattu, sur ses ordres, par des Navy Seals: pas question de se demander si le président américain n’aurait un peu agi de manière criminelle en vengeant le 11-Septembre. Derrière ses protestations de modération et son style ostensiblement circonstancié, Le Monde dissimule mal sa vision orientée du Proche- Orient. Vous avez dit islamo-gauchisme ?

Barnier, en quête du peuple oublié

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Le Premier ministre Michel Barnier en déplacement à L'Arbresle (69), le 25 octobre 2024 © Bony/SIPA

Le Premier ministre savoyard pense qu’il n’aura pas le temps de faire de grandes lois. Il entend consulter les cahiers de doléances des gilets jaunes pour alimenter sa réflexion.


C’est au-dessus de leur force : les « progressistes » restent hermétiques aux colères françaises, quand elles pointent l’enfermement mental des dirigeants mondialistes. Cela fait sept ans qu’Emmanuel Macron, en chute dans les sondages (78% de mécontents) se montre incapable d’entendre les gens ordinaires. Ses certitudes universalistes lui suffisent. Or la dénonciation feutrée de cette pathologie politique est venue, hier, de Michel Barnier, dans Le Parisien-Dimanche : le Premier ministre, en quête du peuple oublié, a annoncé vouloir consulter les cahiers de doléances, rédigés par les Français en 2019 après la révolte populaire des gilets jaunes. Il faut donc comprendre que les avis des citoyens d’en bas avaient été enterrés par les décideurs d’en haut, une fois le calme revenu. Cette révélation d’une indifférence du pouvoir n’en est certes pas une, tant la mascarade tient lieu de communication chez M. Macron. Néanmoins, ce mépris élitiste pour les opinions de « ceux qui ne sont rien » est devenu explosif. La crise de la démocratie mériterait, au contraire, l’humilité des puissants, incapables de reconnaître leurs erreurs. Le Premier ministre a compris ce besoin de proximité et de dialogue. Ceci lui vaut la mansuétude de l’opinion. Reste à savoir jusqu’où M. Barnier, homme prudent, est prêt à aller s’il veut répondre aux exaspérations des oubliés. Pour beaucoup, ils ont pris ou vont prendre le chemin du RN et de ses alliés, snobés par le Premier ministre. Ce sont ces mêmes proscrits qui, aux Etats-Unis, s’apprêtent à voter le 5 novembre pour Donald Trump, traité de « fasciste » par Kamala Harris. A une semaine du scrutin, la démocrate, soutenue par le show-biz à paillettes, semble à la peine.

A lire aussi, du même auteur: Retailleau contre l’immigration, ou la fin de règne des déracinés

Une révolution des mentalités redonne du crédit aux pestiférés d’hier, aux Etats-Unis comme en France. Dans son dernier livre[1], Philippe de Villiers admet avoir souffert de son « destin de souffre-douleur archétypal ». Pour autant, le pionnier du souverainisme s’impose aujourd’hui, dans un univers où les élites se délitent, parmi les résistants les plus écoutés, et pas seulement sur CNews dans son émission à succès du vendredi soir. « Une génération de survivants-combattants va poindre », veut croire le promoteur du Puy-du-Fou, du Vendée Globe et de la mémoire vendéenne. Mais nombreux sont, dès à présent, les Français qui ne veulent pas voir leur pays mourir.

Ce réveil existentiel est loin d’être minoritaire. Il pourrait peut-être accompagner, chez des indigènes malmenés par le nouvel occupant islamisé, la reproduction inversée d’une dynamique de décolonisation, prônée par la gauche chez les peuples extra-européens. En attendant, mêmes les réflexes pavloviens de la bien-pensance ont pris un coup de vieux. Rien n’est plus convenu que la réflexion d’Eddy Mitchell, l’autre jour sur France Inter, disant des électeurs RN : « Je suis contre ces gens-là ». Thierry Ardisson ne se rehausse pas davantage quand il qualifie, sur France 5, le public de Cyril Hanouna (C8) de « cons » et de « têtes pleine d’eau ». Idem pour Anne Roumanoff, disant du JDD qu’il est « un journal d’extrême droite ». En 2016, Hillary Clinton avait qualifié de « déplorables » les électeurs de Trump, avant de perdre la présidentielle. Alain Minc a dit d’eux, hier soir sur BFM, qu’ils étaient des « sous-développés ». Ceux qui insultent au lieu d’écouter accélèrent leur chute. Leur monde rêvé est faux. D’ailleurs, il s’effondre.

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[1] Mémoricide, Fayard

Bisounours queers vs Bad travelos

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DR.

Face à l’émergence de voix critiques s’opposant à l’idéologie transgenre, les militants radicaux se déchirent quant à l’attitude à adopter pour riposter.


Le 7 octobre, le site StreetPress informait ses lecteurs que soixante-quatre des militants venus protester, à l’appel de l’AG Paname Antifa, contre les séances de dédicaces organisées par les éditions Magnus, dont celle de Marguerite Stern et Dora Moutot pour leur essai Transmania, avaient été placés en garde à vue. Après avoir obligé les organisateurs à annuler la réunion prévue dans le 11ème arrondissement et à se replier finalement sur une péniche dans le 5ème, ces militants s’étaient regroupés non loin de celle-ci, obligeant les forces de l’ordre à intervenir.

Stern et Moutot menacées

Les policiers ont retrouvé sur les manifestants des fumigènes et de la peinture mais aussi des mortiers d’artifice, des matraques télescopiques et des explosifs. Pour leur défense, certains de ces activistes « non-binaires » déclarèrent à StreetPress ne pas être venus pour en découdre : « On est une bande de trans et de bisounours queers », geignit Aurélie en se plaignant d’avoir dû partager avec Anna, une jeune femme trans, « une cellule de cinq mètres carrés sans matelas ». Bref, ça pleurnicha, ça gémit, ça jérémiada tant que ça put. Iels prétendirent être de pauvres victimes du système policier, patriarcal et hétéronormatif – et StreetPress fut tout heureux de présenter cette milice trans comme une joyeuse bande de militants pacifistes agressés par la police[1].

À lire aussi, du même auteur: De Judith Butler à Laure Adler

Oui mais non, écrivent en substance, deux jours plus tard, des militantes trans se réclamant d’une «bande armée de travelos » dans un texte rageur paru sur le « site d’infos anticapitaliste, antiautoritaire et révolutionnaire » Paris-Luttes.Info[2] : il y avait bien, parmi les activistes arrêtés, des individus violents et prêts à tout pour nuire à la « sauterie transphobe » organisée par les éditions Magnus. « Que les bisounours se tiennent sages si iels le veulent, certaines d’entre nous auraient coulé la péniche et tous ses fafs avec si nous en avions eu loccasion », écrivent ces charmantes créatures en traitant au passage les « journaleux » de StreetPress de « poucaves » (mot d’origine rom voulant dire « mouchard » ou « traître ») pour avoir relayé les discours victimaires et « innocentistes » rapportés ci-dessus. Pour mener le combat trans contre les « fascistes », il n’est pas prévu d’autres moyens que « la force et la violence, et donc l’éclatage des têtes » de ces derniers. Les menaces de mort que reçoivent Marguerite Stern et Dora Moutot sont par conséquent « valides et légitimes ». Les signataires de cet appel à l’ultra-violence disent être « de celles qui ont formé un black bloc le 6 mai dernier devant Assas » et « de celles qui ont cramé le compteur électrique et fracassé les vitres » de l’ISSEP à Lyon, là où étaient prévues des réunions avec les auteurs de Transmania. Décidées à éviter comme la peste les « espaces terriblement cis ou hétérochiants » et à chercher la baston partout où cela s’avère nécessaire pour s’émanciper de « l’aliénation capitalo-hétérosexiste », les travelos anarchistes affirment vouloir continuer « de poursuivre Stern et Moutot partout où elles iront jusqu’à ce qu’elles n’osent plus sortir de chez elles. » Quant aux « journaleux de StreetPress », ils feraient mieux de « garder leurs torchons pour eux » s’ils ne veulent pas subir l’ire de ces furies qui prévoient d’ores et déjà de prochaines et belliqueuses actions contre le patriarcat, les fascistes, les « mascus », les policiers, les « pacificateurs », la presse sirupeuse, etc. 

Prétentieux

Ironie de l’histoire et conclusion badine et interrogative. Sur son site, StreetPress annonce mener actuellement « la plus grande enquête participative sur l’extrême droite » et appelle la population à dénoncer « les actions et les méfaits des groupuscules ou militants d’extrême droite » qui se multiplieraient « partout dans l’hexagone ». Pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, la très grande majorité des actions violentes contre des individus dans les universités, les librairies, les lieux publics ou privés, sont le fait de groupuscules d’extrême gauche se réclamant du féminisme, de l’antifascisme, de l’antiracisme, de l’écologisme et des mouvements queer : conférences perturbées ou carrément annulées, librairies taguées et caillassées, tentatives d’incendies, menaces sur les propriétaires des lieux prévus pour telle ou telle réunion, regroupements agressifs devant les lieux en question, menaces directes sur les intervenants pouvant conduire jusqu’à la nécessité d’une protection policière particulière, etc. Et ne parlons pas des cris de haine antisionistes et antisémites et des appels à l’intifada et à la guerre civile scandés lors de manifestations pro-palestiniennes qui voient leurs rangs gonflés par les mêmes activistes d’extrême gauche, idiots utiles de l’islamisme.

À lire aussi, Charles-Henri d’Elloy: Nicolas Bedos, le beau bouc émissaire

S’ils veulent avoir de la matière pour leur enquête contre les « méfaits et les violences » en France, les journalistes de StreetPress feraient décidément mieux de se pencher sur les groupuscules ultra-violents et les activistes radicaux de l’extrême gauche, ainsi que sur cette… « bande armée de travelos » qui les menace directement.

Mais peut-être ne prennent-ils pas au sérieux cette fameuse bande et ont-ils sur elle la même opinion que Fred (André Pousse) sur la clique de petits malfrats transsexuels commandée par Rosemonde (Mario David), alias Jacky après sa « transition », dans le film de Michel Audiard “Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages” : « Pour moi, la Rosemonde et sa bande de gouines, c’est rien que des grosses prétentieuses, des insolentes. Je dirais même des personnes malsaines. » Après tout, il n’est pas impossible que ces militantes en transe ultra-violente ne soient en réalité que des affabulatrices, des trouillardes et des crâneuses profitant des circonstances pour se vanter et se faire plus méchantes qu’elles ne sont, allez savoir ! Ce qui n’enlève rien au caractère malsain de leurs délires.

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[1] https://www.streetpress.com/sujet/1728313380-militants-garde-vue-arrestations-violence-manifestants-dedicaces-editeur-extreme-droite-magnus-papacito-stern-moutot

[2] https://paris-luttes.info/trans-ultra-violence-18736

L’accusation de barbarie appliquée à Israël est une surenchère verbale insupportable

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Le Premier ministre libanais Najib Mikati et le président Macron, Paris, 24 octobre 2024 © Lafargue Raphael-Pool/SIPA

Les dernières critiques du président Macron à l’égard d’Israël passent très mal dans la communauté juive


Je ne comptais pas en parler. En cette fin de Souccot, comment évoquer autre chose que le Simhat Tora de l’an dernier et les scènes atroces que nous avons vues sur les réseaux sociaux où elles étaient exhibées avec fierté par leurs auteurs et accueillies avec enthousiasme par beaucoup de leurs concitoyens ? 
C’est aux familles d’otages que vont mes pensées. Je peux me représenter ce que ressentent des parents qui viennent de perdre leur enfant, mais pas ce que ressentent des parents qui depuis un an se demandent si leur enfant est vivant ou mort, et dans le premier cas, savent qu’il est en enfer. 
Un an entier…..

Israël sourd aux demandes d’Emmanuel Macron

Des propos anti-israéliens ont scandé les interventions d’un président de la République en mal de visibilité et en déshérence de politique intérieure. Ses déclarations qui se voulaient gaulliennes et menaçantes mais n’étaient que mensongères et blessantes ont mis en lumière l’insignifiance actuelle de la voix de notre pays. Beaucoup en ont décrit le caractère futile, et, eu égard à la gravité de la situation présente et aux incertitudes sur les jours prochains (Iran, élections américaines…) je ne voulais pas commenter ces soubresauts d’une moraline douteuse. 
Contrairement à beaucoup de ses homologues occidentaux, Emmanuel Macron ne s’est pas réjoui de la mort de Sinwar. Probablement était-il mécontent, car Israël avait eu l’audace de ne pas l’écouter quand il réclamait à Gaza un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Celui-ci aurait placé le chef sanguinaire du Hamas en posture de résistant glorieux à la machine de guerre israélienne. Dans un monde où l’image compte plus que la réalité, c’était une recette infaillible pour encourager les imitateurs…

A lire aussi: Sinwar, la plume et le keffieh

Si j’écris sur ce sujet, c’est après l’accusation de barbarie appliquée à Israël dans une surenchère verbale vraiment insupportable. Depuis des années les critiques d’Emmanuel Macron envers le Hezbollah sont pesées au cordeau, gardant une imaginaire distinction, probablement concoctée par un esprit subtil du Quai d’Orsay, entre une branche militaire et une branche politique, évitant de lui attribuer la responsabilité dans l’explosion du port de Beyrouth et de lui rappeler l’assassinat de 58 parachutistes français en 1983. Le président parle du Liban comme s’il était un modèle de démocratie, alors que, comme le souligne le journaliste Christophe Ayad, le Hezbollah n’est pas un État dans l’État, mais est devenu un État au-dessus de l’État. Sa raison d’être est de servir par son arsenal de protection à un Iran qui n’a pas développé des moyens de défense suffisants. L’Iran est le seul donneur d’ordre du Hezbollah avec un seul objectif proclamé: la destruction d’Israël. Un Hezbollah hors d’état de nuire fragilise l’Iran, régime obscurantiste terrifiant, meilleur allié de Poutine et ennemi implacable de tout ce à quoi nous attachons de l’importance dans nos démocraties si apeurées.


Immorales erreurs d’appréciation

Oui, la guerre contre le Hezbollah ne tue pas seulement des militants armés mais des civils innocents dont certains sont des enfants. Non, il n’est pas question de nier les souffrances des Libanais dans la tourmente. Mais nombre d’entre eux, qui n’osent le dire publiquement, savent que le Liban était incapable de se débarrasser de ce cancer, tout comme la France de 1944 était incapable de se défendre seule contre les nazis et leurs collaborateurs. Personne, pourtant, sinon Philippe Henriot et ses criminels acolytes, n’a osé qualifier les bombardements alliés sur les villes normandes d’actes barbares. Ils étaient nécessaires. La guerre est terrible et quand l’ennemi est le nazi ou le Hezbollah, ce ne peut pas être un combat à fleuret moucheté.

A lire aussi: Un « Monde » sans pitié

Et puisqu’il parle de barbarie, peut-on rappeler au président de la République que lui-même a été chef de guerre au Moyen-Orient ? La France faisait partie d’une coalition internationale pendant les batailles de Mossoul et de Raqqa. Les forces aériennes françaises ont pilonné ces deux villes qui ont été rasées à 80%. On estime à au moins 15 000 les pertes civiles pour 8000 combattants tués de Daech. Il y a eu au moins 1,3 million de réfugiés. 
Le président Macron n’a eu alors de cesse de se féliciter de la contribution française à l’éradication de Daech. C’était parfaitement justifié et il n’a évidemment jamais utilisé le terme de barbarie pour qualifier son action. Pourtant les morts n’étaient pas tous, très loin de là, des combattants de l’État islamique…
Cette différence de terminologie provient-elle du fait que le Hezbollah serait un mouvement honorable alors que Daech ne l’était pas, ou bien du fait qu’Israël n’a pas les mêmes droits d’agir que la France? Deux graves et immorales erreurs d’appréciation…

L’Eglise catholique, piñata favorite de la gauche

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Montmartre. DR.

Strasbourg, Montmartre, Marseille… Nos églises sont les victimes faciles d’une gauche toujours plus outrancière.


À quelques semaines de la réouverture tant attendue de Notre-Dame, qui marquera également l’Avent, l’actualité semble faire de nouvelles victimes, l’Église catholique et le patrimoine. L’anticléricalisme historique propre à la gauche prend aujourd’hui une tournure radicale chez les soutiens du Nouveau Front populaire, telle une course aux propos outranciers, dénués de sens et hostiles à cette institution millénaire, dont la France est historiquement la fille aînée.

Écologie sélective à Strasbourg

Vantant les bonnes mœurs d’une écologie toujours plus politique, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian et sa majorité municipale ont pris la décision, fin août 2024, d’éteindre la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg et ce, dès 23 heures, au lieu d’une heure du matin. Une décision appliquée dès le début du mois d’octobre, ne laissant aucun sursis pour les fêtes de Noël pour la capitale alsacienne, traditionnellement réputée comme une vitrine des fêtes de fin d’année. Le choc, la consternation et l’incompréhension, telles ont été les réactions immédiates des Alsaciens et de l’opposition sur les réseaux sociaux. Des nuits noires anticipées, du jamais vu sur cet imposant édifice qui culmine à près de 150 mètres de haut, le plus haut lieu de la chrétienté jusqu’à la fin du XIXe siècle. Une fois n’est pas coutume, la municipalité avait avancé le sacro-saint argument de la sobriété énergétique, formule magique de la gauche lorsqu’il s’agit d’ « invisibiliser » le patrimoine français. Une économie chiffrée à moins de 5 euros par nuit selon des calculs effectués par des élus locaux, de quoi rappeler que deux lettres, seulement, séparent les termes écologie et escrologie…
Toutefois, la mairie de Strasbourg semble avoir été éclairée par la raison et a ainsi rétropédalé sur cette décision, face à la colère suscitée. Désormais, la cathédrale sera de nouveau éclairée jusqu’à l’horaire habituel et la première magistrate de la ville, s’en allant à Canossa, tente d’enfouir ses décisions passées. Jeanne Barseghian a ainsi déclaré le 23 octobre sur X: « La Cathédrale (…) est le monument emblématique de notre ville auquel les Strasbourgeois et au-delà, sont particulièrement attachés ».
Nous en verserions presque une larme. 

La Bonne Mère, nouvelle cible

Cependant, nous pensions que cette actualité, aussi triste soit-elle, allait s’arrêter en Alsace. Or, il n’en est rien puisque la Bonne Mère, symbole de la cité phocéenne, en a également fait les frais. En effet, le porte-parole EELV de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hassen Hammou, a récemment loué les mérites d’une pétition en ligne appelant à ouvrir une salle de shoot au sein même de l’édifice. Intitulée « Transformons la Bonne Mère en Halte Soins Addiction », elle avait été mise en ligne le 12 septembre 2024 sur change.org par un collectif qui semblerait émaner d’une infime minorité de fidèles de la paroisse. Toutefois, aucun nom n’est clairement indiqué, laissant planer le doute. Cette pétition n’a d’ailleurs pas brillé par sa popularité dans la deuxième ville de France, puisque moins de 200 signatures à peine ont été récoltées en un mois. Le diocèse de Marseille a néanmoins rassuré les fidèles et les visiteurs, par le biais d’un communiqué de presse, en excluant toute transformation de la basilique et tout projet de cette nature. « Il n’a jamais été question de donner suite à cette idée pour le moins saugrenue », a affirmé ce 22 octobre Xavier Manzano, vicaire général auprès de l’archevêque de Marseille.

Jamais deux sans trois

Le supplice des amoureux de notre patrimoine religieux n’est toutefois pas terminé, car les propos les plus outranciers ont été tenus sur le plateau de TPMP le 22 octobre par l’ex-Insoumis Thomas Guénolé, désormais chroniqueur, à propos d’une des basiliques symboles de Paris et plus largement de l’Occident : le Sacré-Cœur de Montmartre. Il a ainsi affirmé ne pas être dérangé par une destruction de l’édifice qu’il qualifie ouvertement de « merde meringuée géante détestable du point de vue architectural » ! Des propos qui ont immédiatement scandalisé l’opinion publique, par leur nature ouvertement christianophobe et hostile au patrimoine religieux chrétien en France. Cette indignation n’a malheureusement pas eu l’effet escompté sur Thomas Guénolé, qui au lendemain s’en est pris, sur ce même plateau, à l’Église catholique dans sa globalité. « Je déteste l’Église pour le fait d’avoir couvert des pédophiles », s’exclamait-il, non sans une certaine fierté. Reconnaissant avoir choqué les fidèles catholiques avec son idée de raser le Sacré-Cœur, il persiste donc et appuie son aversion envers l’Église.
Le constat est amer : pourquoi s’attaquer en priorité au patrimoine catholique, si riche et varié, qui a forgé l’âme de notre pays au travers des siècles? L’Église est aujourd’hui la cible d’une partie de l’échiquier politique et de la population, complice d’un islamo-gauchisme notoire et hostile à notre civilisation. Notre-Dame de Strasbourg, Notre-Dame de la Garde, c’est ainsi que la Vierge Marie, reconnue comme Sainte Patronne de France semble être attaquée de toutes parts… que de symboles. Jusqu’à quand ?

Signé André Juillard

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© Blake & Mortimer - Tome 30

La parution dans quelques jours du 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’annonce d’ores et déjà comme l’événement BD de l’année. Il est l’œuvre du scénariste Yves Sente et du dessinateur André Juillard, héritier de la ligne claire, qui nous a quittés l’été dernier. Son trait à l’élégance sentimentale a marqué le 9ème art en renouvelant l’esthétique féminine…


Il arrive jeudi ; dans quatre jours, il va déferler sur les librairies de France. Vous ne pourrez y échapper, Old Chap ! Les romans de la rentrée littéraire n’y survivront pas. Ils ne font pas le poids face à cette locomotive de l’édition. En obélisque ou en pyramide, Signé Olrik, le 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’érigera en numéro 1 des ventes jusqu’à Noël. Le monde du livre est tributaire de son plan de conquête commerciale. C’est lui, 62 pages seulement, qui draine les foules, et non l’autofiction faisandée de quelques auteurs en mal d’amour-propre. 

Réalisme non réducteur

Le public veut du style et des uniformes, se perdre dans les paysages brumeux des Cornouailles et sonder le mystère celte. Et puis, nous sommes curieux de connaître la destinée chaotique d’Olrik, notre méchant préféré à fine moustache, sachant fumer avec un porte-cigarette et piloter un Espadon. Cette sortie est aussi l’occasion d’évoquer le dessinateur et scénariste André Juillard (1948 – 2024), auvergnat né à Paris expatrié en Bretagne, disparu en plein cœur de l’été, dont l’œuvre charnelle court sur une cinquante d’années. Dans la revue Casemate (octobre 2024), Yves Sente a trouvé les mots justes pour se souvenir de son compagnon de travail : « André, c’était quelqu’un ». Tout est dit. Intimidant et fraternel. Un grand professionnel à la technique irréprochable et un artiste à l’érotisme chaste. Un auteur majeur de la bande-dessinée reconnaissable à sa puissance d’évocation et à son réalisme non réducteur. Ce chantre de la ligne claire qui ne veut pas dire transparence béate s’est servi justement de sa pureté pour ouvrir d’autres dimensions, d’autres trappes émotionnelles, d’autres infra-mondes intérieurs. Avec Juillard, on est d’abord séduit par la beauté des planches, leur harmonieuse composition, leur lumineux éclat et puis, l’imagination se met à cavaler, elle ne s’arrêtera plus. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Noé: Olrik: quand la fiction retrouve le XXe siècle

On pourrait croire qu’une telle maîtrise est un frein à la fiction, que le cadrage et la précision anesthésient le regard, que les détails masquent les élans ; au contraire, le talent de Juillard est de faire naître l’émoi dans la rigueur, la folle passion dans un décor d’apparence académique mais recélant mille anfractuosités. Le Grand Prix 1996 de la ville d’Angoulême n’était pas un dilettante du crayon, il ne croyait pas au don inné. Le travail aura guidé sa main. Seules des heures et encore des heures passées à son atelier et ces gestes sans cesse répétés auront été la condition minimale pour construire une œuvre. « J’ai besoin de dessiner tous les jours » disait-il, même s’il trouvait très ennuyeux de dessiner des trains ou des scènes de repas.  Juillard, fortement marqué dans sa jeunesse par l’art grec puis égyptien, se fit connaître dans la BD historique avec notamment Les 7 vies de l’Épervier, puis la série Blake et Mortimer le propulsera au rang de valeurs sûres du métier. Il était l’égal de Moebius, Giraud ou Druillet. Un illustrateur reconnu dans la presse, un dessinateur au succès populaire et un artiste côté dans les galeries. Tous les ingrédients pour enflammer durablement les collectionneurs.  C’est à l’âge de vingt ans que ma génération l’a découvert avec Le Cahier bleu publié à partir de 1993 dans la revue A suivre. Il en était le scénariste et le dessinateur. Nous avons eu alors un choc esthétique et nous sommes tombés amoureux de ces héroïnes aux cheveux courts dont le regard pénétrant ne nous laissait pas indifférent. 

Carnets secrets…

Il aura renouvelé l’esthétique féminine en abordant un territoire peu foulé par ses homologues masculins, une forme de désir contenu, de sensualité abrasive et cependant intimidante, peut-être, fut-il dans son expression picturale, celui qui s’approcha le plus près de l’impossible définition du charme. Juillard le prouva, par la suite, dans ses Carnets secrets 2004 – 2020 publiés chez Daniel Maghen qui sont sa pièce maîtresse.

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Recherche inconnue désespérément

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L'éditrice et romancière Anne-Sophie Stefanini © Dorian Prost

Mystères au Cameroun…


Ça commence par une phrase qui pourrait paraître anodine: « Une femme a disparu et tout le monde la cherche. » Elle va pourtant entraîner la narratrice, Constance, dans un labyrinthe complexe où la fiction chevauche la réalité, sans que l’on sache vraiment si le fil de la narration conduit à la vérité. Constance a 17 ans lorsqu’elle découvre la capitale du Cameroun, Yaoundé, ville sans feux rouges, mais aux sept collines et à l’atmosphère moite, admirablement décrite par Anne-Sophie Stefanini, romancière et éditrice parisienne. « Les images de la ville se succédaient et la lumière orange des lampadaires au sodium créait un brouillard magique », écrit-elle avec la précision digne d’André Gide, l’écrivain attiré par l’Afrique.

Coup de foudre à Yaoundé

Nous sommes au début des années 2000. Constance est lycéenne, elle flotte dans ses habits trop grands pour sa silhouette. Elle est à Yaoundé parce qu’elle a dit à sa prof de français qu’elle voulait voyager et écrire. Comme son lycée invitait une jeune Camerounaise à venir deux mois à Paris, l’échange fut donc possible. À la fin du voyage, Constance rédigera un texte qui sera publié dans le journal des élèves. Un homme de dix ans son aîné, Jean-Martial, l’attend à l’aéroport. Elle en tombe amoureuse. Déambulation dans la ville, la nuit, danse dans des cafés révolutionnaires ; découverte d’un quartier populaire, Biyem-Assi, de la maison de Jean-Martial, de l’odeur d’un frangipanier ; connaissance de l’histoire violente de la décolonisation du pays. On fumaille, on boit des bières. Le décor est planté. Il restera pour toujours dans la tête de la jeune fille.

On pourrait en rester là. Mais Jean-Martial lui parle d’une professeure qui a disparu et qu’il admirait, et même peut-être davantage. Communiste, elle soutenait la révolte des étudiants. Constance écoute. Un roman nait en elle. Elle ne le sait pas encore. Jean-Martial l’envoûte. Ce n’est pas un garçon comme les autres. Il dit : « Je ne suis pas un enfant des rues, je n’ai pas traîné dehors, j’ai passé mon temps à lire, protégé par des barrières. » Il ment. Elle le découvrira plus tard, à ses dépens. Comme l’inconnue, Jean-Martial finit par disparaitre à son tour. Les mails de Constance restent sans réponse.

Rebondissements

Vingt-ans après, mère d’un petit Ruben, enseignante, elle revient à Yaoundé pour présenter son roman où il est question de l’inconnue rebelle qui a disparu. Elle a fini par imaginer sa vie. Mais la fiction correspond-elle à la réalité ? Elle prévient Jean-Martial de sa venue. Le silence, toujours, pour réponse. Constance rencontre de nouvelles personnes – j’ai failli écrire de nouveaux personnages. Terence, un journaliste ayant étudié en France, l’invite à enquêter sur la disparition de l’inconnue. Il faut mettre un point final à l’histoire. Dans son dialogue imaginaire avec Jean-Martial, Constance avoue : « Si je ne la retrouvais pas, je renonçais aussi à te retrouver. » Anne-Sophie Stefanini signe un quatrième roman maîtrisé. Même si l’intrigue exige parfois une concentration monacale, car les rebondissements ne manquent pas, tout se tient.

En refermant le livre, j’ai pensé à la phrase de Duras dans Hiroshima mon amour : « Cette ville était faite à la taille de l’amour. » Comme Yaoundé.

Anne-Sophie Stefanini, Une femme a disparu, Stock. 240 pages

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