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Le navet des beaux jours

Le Medium d’Emmanuel Laskar, un film «100% exception culturelle», mercredi 10 juillet en salles


Long prologue pour un film court – à peine 1h20 ; on s’en contentera. Michael Monge (Emmanuel Laskar, 48 ans, également derrière la caméra, donc, pour son premier long métrage en l’espèce) enterre sa mère Barbara (Noémie Lvovsky). Au cimetière, devant la fosse béante, en plein sermon du curé, Michael reçoit un appel intempestif, son smartphone lui échappe des mains, il se jette à plat ventre pour tenter de le rattraper, au point qu’il manque tomber lui-même dans le caveau. Chance, ses copines – dont Alicia, son ex (Maud Wyler) – sont là pour l’en extraire, en le tirant par le falzar. Vous l’aurez compris : c’est une comédie.

Allo maman bobo

Il se murmure que Michael a hérité des dons de voyante de sa défunte mère. Il s’en défend. Mais l’instinct est plus fort que tout : assume, mon gars, tu es bien medium. Mal dans sa peau, l’orphelin mélancolique qui, pour vivre, enseigne la musique dans un collège, joue perso de la gratte à ses heures (d’ailleurs, le cadrage évite, plutôt maladroitement il faut le dire, de nous dévoiler le manche de la guitare, probablement parce que l’acteur Laskar ignore la pratique de cet instrument). Toujours est-il que ce garçon tourmenté est sollicité par l’ensorcelante Alicia (Louise Bourgoin), appétissante veuve d’architecte, laquelle, déprimée d’avoir perdu, en feu son jules, l’amour de sa vie, se consume, solitaire n’était son gros toutou baptisé Satan qui barbotte dans la piscine de la somptueuse maison bâtie par son regretté mari. NB : pour apprécier l’assonance, subtil clin d’œil, dans le film l’architecte en question (Alexandre Steiger, dans le rôle) a pour fictif patronyme : Rizzi. Or il s’agit d’une maison effectivement construite, dans la réalité, par l’architecte – star Rudy Ricciotti. Car, pour vous situer, nous sommes dans le Var : épicentre de l’action, le village de Collobrières, à 20km du littoral.

Donc, le Michael (campé par notre Laskar, qui est, du début à la fin, pratiquement de tous les plans du film – on n’est jamais mieux servi que par soi-même) fait revenir le fantôme dudit Rizzi, ce qui fait pleurer Alicia, of course. A noter, l’esthétique des apparitions : quasi-réaliste, dans une lumière saturée où les silhouettes spectrales se fondent dans le décor, auréolées d’une aura ectoplasmique. Et voilà que Michael endosse si bien son don de medium, héritage maternel, qu’il ne peut empêcher les apparitions de sa génitrice trépassée, adipeuse érotomane qui, post mortem, s’exhibe sur sa couette, bientôt tringlée au bord du lit, dans d’insistantes crises libidinales, par le fantôme de son jeune amant, sous le nez de son fiston éberlué.

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100% exception culturelle

Les farfadets occupent ainsi la place, provoquant incidemment des chutes de bouquins dans une bibliothèque publique, ou prenant la forme, qui de Salvador Dali, qui d’une Marguerite Duras chaussée de ses fameuses binocles à grosses montures (icone littéraire que l’on sait, pastichée par l’actrice Anne-Elodie Sorlin dans une séquence private joke destinée aux spectateurs durassiens – car nous sommes dans un film 100 % « exception culturelle »)…  Le comble du grotesque (volontaire ?) est atteint avec la scène d’exorcisme où le prêtre (Maxence Tual), crucifix brandi, extirpe Satan (le vrai, pas le chien d’Alicia) des entrailles d’un Michael en transe.   

Vétéran de la compagnie Les Chiens de Navarre, Emmanuel Laskar vient du théâtre. On lui souhaite de retourner sur les planches. Car pour ce qui est du plateau de cinéma… Consternant que la petite boutique de luxe du Septième art français, par nature tellement endogamique, ne soit ici que l’opportunité, pour une brochette alternée de premiers et de seconds couteaux du grand écran hexagonal, de cachetonner dans une pseudo-comédie pathétique et narcissique qui, en somme, ne fait rire que d’elle.     


Le Medium. Film d’Emmanuel Laskar. Avec Louise Bourgoin, Maud Wyler, Noémie Lvosky. France, couleur, 2023. Durée : 1h20.

En salles le 10 juillet.

La gauche est-elle propriétaire de la culture?

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La gauche considère le monde de la culture comme sa chasse-gardée, et craint une « contre-révolution culturelle » si le RN accède aux responsabilités dimanche


Quel que soit le résultat des élections législatives le 7 juillet, les enjeux et les problématiques abordés durant la campagne auront eu de l’importance. Même si, pour la plupart des médias, l’essentiel – en tout cas avant le premier tour – a été de démontrer la nocivité du Rassemblement national (RN). Aussi, quand une analyse suscite réflexion et stimulante controverse, il n’est pas inutile de lui attacher du prix.

Patrimoine contre création

C’est ce que je souhaite faire avec la première partie de « Avec le RN, vers une contre-révolution culturelle » publiée dans Le Monde par Roxana Azimi et Michel Guerrin. Les chroniques de celui-ci sur la culture m’ont toujours intéressé par leur liberté et leur relative neutralité dans un quotidien hostile à la droite et vent debout contre l’extrême droite. L’impression qui se dégage d’abord est la volonté de faire apparaître toute dissidence, différence, nuance par rapport à la conception culturelle dominante – très largement inspirée par la gauche, les créateurs et les artistes étant majoritairement imprégnés de cette vision – comme une contre-révolution. On pourrait seulement les percevoir comme la diversification et l’enrichissement d’une palette estimable, souvent acceptable mais à vivifier, à renouveler.

A lire aussi, Didier Desrimais: Petit tour d’horizon des inquiétudes du «monde de la Culture»

Ainsi le RN, s’il était au pouvoir, « provoquerait une rupture en favorisant notamment le patrimoine au détriment de la création ». Il me semble que ce ne serait pas une absurdité que de maintenir ou de restaurer d’abord l’existant. La création, si elle était moins privilégiée, probablement devrait être plus exigeante dans les richesses qu’elle offre. N’importe qui ne pourrait pas se dire artiste et donc bénéficier d’emblée de subventions qu’il ne serait pas honteux de refuser à des élucubrations ou à des concepts fumeux. Considérer que l’honneur d’être qualifié d’artiste ne pourrait résulter que de promesses certaines ou d’expériences appréciées sur la durée ne relèverait pas d’une offense à la culture. Mais au contraire d’une discrimination ne rendant plus une certaine culture ridicule à force d’une validation systématique de tout ce qui se prétend digne d’intérêt. Il ne s’agirait en aucun cas d’interdire les incongruités ou les provocations, mais de les priver d’un label officiel qui vise à les légitimer quand leur réalité est plus que médiocre…

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On perçoit, ensuite, l’ambiguïté du procès qui est intenté à une conception conservatrice de l’art. Comme si cette vision était dangereuse par principe alors qu’elle ne représenterait aujourd’hui qu’une bienfaisante complémentarité à la domination d’un progressisme artistique qui n’a plus, dans son dessein, la volonté de servir l’universel, d’être partagé par une multitude mais au contraire de se dispenser d’un aval multiple pour s’engluer dans le bizarre, l’hermétique, l’obscur ou, pire parfois, le sordide. On reproche par ailleurs à la droite un populisme qui la conduirait à mépriser la culture authentique parce que celle-ci serait l’apanage de la gauche, d’élites mondialisées, privilégiées et déconnectées du réel. Cette critique est une caricature qu’on pourrait aisément retourner : ce sont les élites qui globalement, peu ou prou, ont façonné, élaboré, une culture pour elles, qui leur ressemble, avec pour principale caractéristique l’envie d’en éloigner le peuple. Avec son goût vulgaire et sa curiosité élémentaire, il est évidemment incapable d’aller vers les trésors culturels qui, dans tous les arts, imposent d’avoir des dilections raffinées…

Touche pas à ma culture !

Dans l’ensemble de l’analyse que j’évoque, court en effet, en filigrane, ce refrain condescendant que la gauche est propriétaire de la culture, que le simple fait, pour l’extrême droite, de venir s’en mêler serait une usurpation et qu’il s’agit d’activités trop nobles et élevées pour être confiées à ces « ploucs ». À suivre à la lettre cette pente, on a le droit, voire le devoir, de se demander alors si la droite et, peut-être, son extrême droite ne devraient pas chercher à créer un art pour le peuple, une culture accessible à tous, dans le genre qu’affectionnait Jean Vilar – un élitisme populaire -, évidemment aux antipodes de quelque endoctrinement que ce soit. N’est-ce pas ce que laisse entendre Ariane Mnouchkine, référence pour tous les passionnés de culture et dont la pensée à « la carte » :
« Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds » (Libération).
Ce qu’elle applique à la culture, pour dénoncer un ostracisme, est aussi le ressort fondamental qui, fait de condescendance et de mépris, a créé la politique d’aujourd’hui. La gauche se dit propriétaire de la culture. Il faut la lui contester.

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La droite va-t-elle continuer d’affluer vers Bardella durant l’entre-deux-tours?

Deux chemins s’offrent à la France. D’un côté l’alliance du pire, de l’autre l’union nationale vantée par Jordan Bardella et Marine Le Pen. Pour beaucoup de citoyens de droite, la victoire de cette union nationale dimanche est la dernière chance de sauver la France qu’ils aiment.


Confirmation: Emmanuel Macron ne comprend rien à la France qu’il préside. Il ne la voit pas dans ses profondeurs provinciales qu’il méprise. En décidant, l’orgueil blessé, de dissoudre l’Assemblée le 9 juin, il était persuadé de retrouver une majorité absolue pour son camp. C’est évidemment une défaite personnelle qu’il a dû encaisser hier soir, à l’issue du premier tour des législatives, avec un Bloc national à 33,15 %, un Nouveau Front populaire à 27,99 % et une coalition macroniste à 20,83 %.

Le loubard du Touquet

Dimanche après-midi, c’est pourtant un Macron déguisé en rocker (blouson, jean, casquette à visière, lunette noire) qui fanfaronnait au bras de son épouse dans les rues du Touquet. De cette image trop travaillée, sans doute faut-il retenir néanmoins son côté voyou frimeur qui-arrive-en-ville. Chez ce narcisse au bord de la noyade, les coups les plus vils sont à attendre pour sauver sa peau. Dès hier soir, les remugles de compromissions avec l’extrême gauche empestaient l’Élysée. Au prétexte de constituer « le plus large rassemblement » face au RN, le chef de l’État n’exclut pas des rapprochements notamment avec La France insoumise, en dépit des flatteries communautaristes et antisémites du mouvement mélenchoniste (voir mon article précédent).

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Seize minutes après le verdict des urnes, Jean-Luc Mélenchon s’est d’ailleurs auto-promu chef de file de cette alternance en prenant la parole, flanqué de Rima Hassan, keffieh palestinien sur les épaules. Hassan alimente une propagande anti-juive, appréciée dans les cités, qui va jusqu’à prétendre qu’Israël dresse des chiens à violer des Palestiniens dans les centres de rétention.
Hier soir, cette gauche, fréquentable pour Macron et Gabriel Attal, était Place de la République, sous des drapeaux maghrébins et palestiniens.

Une droite sur plusieurs fronts

La droite anti-Ciotti, qui récolte 10,23 % des suffrages, laissera-t-elle se dérouler ce scénario d’une magouille électorale entre Mélenchon et Macron, qui partagent tous deux la même vision « progressiste » d’une société ouverte et postnationale ? Dès hier soir, Éric Ciotti a invité les Républicains récalcitrants à rejoindre l’union des droites, afin d’assurer d’une solide majorité absolue au Parlement pour sauver la France française. Quelques leaders comme François-Xavier Bellamy ou David Lisnard ont d’ores et déjà assuré qu’ils voteraient FN en cas de duel avec le NFP.

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Demeure pourtant le risque, chez une partie de cette droite honteuse, de voir certaines personnalités, corruptibles électoralement, rejoindre un « front républicain » destiné à entraver une fois de plus l’expression de la colère des Oubliés. Faut-il, à ces prétendus gaullistes, leur rappeler où ils mettraient les pieds ? Dans un tweet posté à 20h22, la journaliste militante d’Arrêt sur images, Nassira El Moadden, a écrit pour sa part : « Douze millions de votants pour l’extrême droite. Je confirme : pays de racistes dégénérés ». Un choix de société, existentiel, est à faire le 7 juillet. Il dépend des LR qui hésitent encore à faire preuve de courage en soutenant le RN et ses premiers alliés. L’histoire les regarde.

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Un Tour de France de «premières fois»

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Deux Français se sont imposés lors des deux premières étapes.


Du jamais vu depuis 1968. Pour la première fois, deux coureurs français ont remporté les deux premières étapes du Tour de France qui a débuté samedi en Italie : un vétéran de 33 ans, Romain Bardet, dont c’est la 11ème et dernière participation, qui s’est imposé dans la première (Florence-Rimini) à l’issue d’un exploit époustouflant et intrépide, et un néophyte de 23 ans, Kévin Vauquelin, dont lui, au contraire, c’est la toute première participation, et qui a franchi en solitaire le premier la ligne d’arrivée dans la deuxième (Cesenatico-Bologne), faisant déjà preuve d’une grande maturité et d’un flair aigu de la course.

En 1968, deux semaines à peine après la fin la plus longue grève générale de l’histoire de France, c’est un seul et même coureur, Charly Grosskost, un Alsacien de 24 ans, décédé en 2004, qui remporta les deux premières étapes, le 27 juin le prologue à Vittel, et le lendemain l’épreuve en ligne à Esch-sur Alzette (Luxembourg), ce qui lui valu de porter le maillot jaune pendant deux jours.

Regard empreint d’une vague mélancolie, avare en sourires, physique d’ascète, 1,84m de taille pour 65kg, Romain Bardet, l’Auvergnat de l’équipe néerlandaise DSM-Firmenich-Post-NL, n’a pas seulement levé samedi le bras de la victoire mais, pour la première fois de sa carrière, a enfilé le maillot jaune. Jusqu’alors, il avait dû se contenter de places d’honneur au général, notamment 2ème en 2016, 3ème l’année suivante, puis maillot à pois du meilleur grimpeur en 2019. Certes victime de la première passe d’armes entre les deux grands favoris, le flamboyant, le Slovène Tadej Pogačar qui ambitionne de réaliser le doublé Giro (Tour d’Italie) et Tour, et le modeste, vainqueur de deux dernières éditions, le Danois Jonas Vingegaard, il en a été dépossédé le lendemain. Depuis sa création en 1919, seulement deux autres coureurs n’ont été vêtus de jaune qu’un jour, Tony Gallopin en 2014, et Richard Virenque en 1992 et 2003, ce qui n’en demeure pas moins un insigne honneur…

Autre sans précédent dans ce Tour : les quatre premiers du général sont tous dans le même temps. Pour les départager, on a recouru au cumul des places qu’ils ont obtenues lors de ces deux jours. Relégué à la 5ème place, Bardet n’est ainsi qu’à six petites secondes du nouveau maillot jaune de Pogačar. 

Quant à Kevin Vauquelin, barbichette et regard déterminé, pour s’imposer en solitaire, il a décroché dans la dernière montée de la côte à la pente par endroits de 20%, menant au monastère de San Luca sur les hauteurs de Bologne, classé patrimoine de l’humanité, ses deux derniers compagnons de l’échappée matinale, en accélérant progressivement son rythme. Taille 1,76 m pour 69kg, il n’a pas spécialement le physique d’un grimpeur. Pour expliquer sa réussite, il s’est borné à dire : « J’ai su être le plus malin ». De mémoire de chroniqueur, jamais un coureur n’a franchi la ligne d’arrivée en premier dès le deuxième jour de sa première participation au Tour. Pour cela, il ne suffit pas d’être malin. Il faut des qualités physiques propres à un champion.

Le cyclisme est un sport pour grands stratèges…

Cette 111ème édition de la Grande boucle s’impose comme celle des « premières fois ». C’est en effet la première fois en ses 121 ans d’existence (il n’a pas été couru durant les deux Guerres mondiales ; après la Seconde, il n’a été relancé qu’en 1947), que le Tour prend son départ d’Italie, plus exactement de Florence, tout un symbole. La capitale de la Toscane a été la ville du froid Nicolas Machiavel[1] et de l’illuminé fou de Dieu Jérôme Savonarole[2], la ville qui a enfanté, grâce ou à cause d’eux, au XVème siècle la politique moderne, à savoir l’art de la conquête du pouvoir par la ruse, le calcul, l’audace, la roublardise, l’intrigue, en somme tout ce qui fait l’essence du cyclisme. Dès lors, ce singulier sport devrait être obligatoire à Sciences po et à Saint-Cyr de Coëtquidan !

On gagne une course de trois semaines davantage avec sa tête qu’avec ses jambes. Il faut, en effet, à la fois être malin, tacticien, stratège et ambitieux, à l’instar de ces quelques grands politiciens que l’on qualifie de « florentins », dont le prototype français a été certainement François Mitterrand. Et tout directeur sportif d’une équipe cycliste devrait avoir comme livre de chevet Le Prince de Machiavel.

Pourquoi le Tour a boudé l’Italie si longtemps alors qu’il s’est élancé 26 fois de l’étranger ? Le premier départ hors de l’Hexagone remonte à 1954. Il fut donné à Amsterdam. Depuis, les Pays Bas l’ont accueilli six fois, devançant la Belgique, cinq fois, l’Allemagne quatre fois, Espagne, Luxembourg, Angleterre deux fois, Irlande, Danemark et Monaco (mais la principauté, est-ce vraiment l’étranger ?) une fois. Un temps, à l’époque de la mondialisation triomphante, il fut même envisagé de le faire commencer à New York.

Alors pourquoi jamais de l’Italie ? Parce que l’Italie et la France possèdent les deux uniques et plus prestigieux Grands Tours nationaux… Ces deux puissances cyclistes, mues par une sourde rivalité, se sont gardées d’aller rouler sur les plates-bandes de l’autre, de manière à préserver une « coexistence pacifique ». La Vuelta (le Tour d’Espagne), réellement créée qu’en 1954 dans un pays encore meurtri par une cruelle guerre civile, a longtemps fait figure de parent pauvre et, donc, en conséquence ne pouvait contester leur hégémonie cyclopédique.

Autre première fois, anecdotiquement cocasse, et très certainement ultime, lors de cette inaugurale étape outre-alpine, le Tour s’est offert une courte incursion, dans le second plus petit Etat d’Europe et le cinquième du monde, la République de San Marin, qui est aussi le plus ancien du Vieux continent et très certainement de la planète.

Mais, surtout, pour la première fois aussi de son histoire, le Tour ne se terminera pas à Paris. Cette 111ème édition s’achèvera le 21 juillet à Nice, sur un contre-la-montre de 33,7 km au départ de Monaco. S’il déroge à cette tradition séculaire, c’est bien évidemment en raison des J.O. qui se tiendront dans la capitale française de 26 juillet au 11 août.

C’est peut-être lors de cette ultime étape que se jouera la victoire finale, comme en 1989, quand un jeune Américain encore néophyte, Greg LeMond, inconnu du grand public, l’emporta de 8 secondes (la plus faible avance jamais enregistrée), sur le déjà chevronné double vainqueur, Laurent Fignon, l’intellectuel du peloton, qui se voyait déjà en possession d’un troisième titre à l’instar d’un Louison Bobet, le premier à remporter trois Grandes boucles de suite.

Un sport conservateur ?

Bien que réputé très conservateur, voire réac, le petit monde du vélo prouve que, si besoin est, il n’hésite pas à innover, à s’adapter à l’air du temps tout en restant fidèle à lui-même. Depuis sa création en 1903, le Tour n’a cessé de collectionner les « premières fois » en tous genres que nous évoquerons avec gourmandise au fil des 21 étapes et tout au long de ses 3498 km.  En quelque sorte, le Tour est un mélange de conservatisme éclairé et de progressisme pondéré.

Ce Tour 2024 en est l’illustration criante. Il n’est pas du tout semblable aux précédents. Au point qu’on peut se demander, au vu de son itinéraire, s’il mérite encore d’être qualifié « de France ».  Celui-ci se cantonne à un grand sud-est avec une brève escapade jusqu’à Troyes et Orléans et une incursion dans le sud-ouest – car un Tour sans au moins les cols du Tourmalet et de Peyresourde est inconcevable.

Certes, il y a déjà belle lurette que le parcours du Tour n’épouse plus le pourtour de l’Hexagone. C’est à partir de 1971, que la dite Grande boucle ne l’a plus été réellement car délaissant le plus souvent le nord et l’ouest pour se concentrer sur les Alpes et les Pyrénées et découvrir le Massif central qu’elle ignorait jusqu’alors, à cause de la réglementation de l’Union Cycliste internationale, qui, dans un souci « d’humanisation », a limité les trois Grands Tours (France, Italie et Espagne) à 3 500 km maxi, 21 étapes et imposé deux jours de repos.

Conséquence de cette triple contrainte, c’est en 2001 que le Tour est mué en un demi-tour de France, une année privilégiant l’Ouest du pays, l’autre l’Est, une fois dans le sens des aiguilles d’une montre, l’autre fois dans le sens contraire. Continuer à visiter les six coins de l’Hexagone aurait impliqué l’organisation de transferts démesurés… autrement dit matériellement impossibles. Le Tour, c’est l’équivalent d’une ville de près de 5000 habitants qui se déplace, avec ses camions, ses podiums, ses voitures se suiveurs, de 200 km en moyenne par jour.

Donc, après son excursion de trois jours de l’autre côté des Alpes, il regagne ce mardi la mère-patrie pour s’attaquer, d’emblée, à la haute-montage avec au menu deux cols de seconde catégorie, et un de première, le Galibier qui culmine à 2642 m, long de 23 km et une pente moyenne de 5,1%. Il sera très certainement le théâtre de la première sérieuse empoignade entre les deux grands favoris, Pogačar qui a survolé le Giro et Vingegaard, qui entend l’emporter pour la troisième fois consécutive malgré une grave chute au Tour du Pays basque dont les éventuelles séquelles peuvent le handicaper, ce qui au vu de ces deux premières étapes ne le semble pas.

Les duels pour la victoire finale entre deux coureurs aux personnalités antinomiques ont parfois fait le jeu d’un troisième larron : pourquoi celui-ci ne serait-il pas Romain Barret, au tempérament de baroudeur doublé d’un excellent grimpeur ? Un avenir de flibustier l’attend, redonnant à cette édition une saveur d’épopée. Les heurs et malheurs qui ponctuent une épreuve de trois semaines font que les vaincus sont parfois les plus forts.

« Le Tour, c’est la fête d’un été (…) de notre pays, d’une passion singulièrement française, a dit Louis Aragon[3] : tant pis pour ceux qui ne savent pas en partager les passions, les folies, les espoirs… »

A voir ces dernières années les foules qui se sont pressées le long des routes danoises, basques espagnoles, et italiennes, pour voir passer le peloton chamarré du Tour, la France semble ne plus avoir le monopole de « cette passion » singulière. Avec ses vins et spiritueux, c’est cette dernière que la France a su le mieux exporter…


[1] Nicolas Miachavel (1469-1527), Le Prince, L’Art de la Guerre, Le Discours sur la première décade de Tite Live.

[2] Savoranole (1452-1498), prédicateur dominicain qui mit Florence en coupe réglée et a fini par être pendu et brûlé.

[3] Louis Aragon (1897-1982), poète et romancier communiste, après avoir été surréaliste, auteur notamment du Paysan de Paris et Les Beaux quartiers.

L’extrême droite, vous dis-je!

Le RN est arrivé hier largement en tête, devant le Nouveau Front populaire et la majorité présidentielle. Dans les médias, on chante déjà la ritournelle agaçante des heures sombres. Et dans la majorité sortante, on est prêt à ouvrir une crise de régime en bricolant une majorité négative pour empêcher le premier parti de France de gouverner.


J’ai regardé la soirée électorale. C’était comme un voyage dans le temps, pour moi.

Choc spatio-temporel

Plus précisément, c’était le spectacle d’un décalage spatio-temporel. Pendant que Jordan Bardella affirmait qu’il respecterait les institutions et serait le Premier ministre de tous, que sur les plateaux télé défilaient des élus RN qui portent cravate à l’Assemblée nationale et ont marché contre l’antisémitisme, en face d’eux, les représentants de la gauche et de la macronie chantaient avec les journalistes la ritournelle des années 80… On a pu voir Clémentine Autain (LFI) parler de Vichy à Julien Odoul (RN), réélu dans l’Yonne, alors que ce dernier n’avait que 2 ans au moment du « point de détail ».
C’est beau comme du Molière ! Et c’est toujours la même histoire. La France souffre d’une grave maladie : l’extrême droite, vous dis-je. Comme le pays est malade, il faut donc un cordon sanitaire pour isoler les électeurs contaminés. Pour le Premier ministre, Gabriel Attal, oublié le refus des extrêmes, il l’affirme désormais : « Pas une voix au RN ».
D’innombrables variations sur le Front républicain ont suivi. Il faut empêcher le pire de se produire. Pour éviter la peste brune, certains macronistes sont même prêts à favoriser des Insoumis présentables. Voyez-vous, contre Hitler, il a bien fallu hier s’allier avec Staline…

Cette rhétorique est-elle efficace ?

Tous ces antifascistes d’opérette devraient méditer la définition de la folie selon Einstein. Croire que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets…
Les électeurs se moquent avec constance des leçons de morale. Et ces leçons de morale font en réalité monter le vote RN depuis des années. Et si j’ai bien compté, 10 millions de citoyens au moins ont voté RN hier. C’est ce que voulait le président de la République : le peuple a parlé. Mais, comme malgré 15 jours de prêche, il n’a pas dit ce qu’il fallait, il faut promptement le faire taire ! Museler la démocratie pour la sauver: ce sera la ligne des grands médias qui sermonneront l’électeur toute la semaine – ils étaient déjà en mode mobilisation générale ce week-end. Les corps constitués et les artistes marcheront bien sûr en rangs serrés. Le Festival d’Avignon est entré en Résistance, hier soir. De son côté, la presse abuse d’un lyrisme à deux balles. « Faire front » (L’Humanité). « Le bloc après le choc » (Libération)…
Plus grave, hier soir, Aurore Bergé a affirmé que dimanche prochain, soit il y aura une majorité RN, soit pas de majorité pour personne. Les macronistes préfèrent la deuxième solution ! Ils sont prêts à ouvrir une crise de régime en bricolant une majorité négative pour empêcher le premier parti de France de gouverner. On aurait alors une réédition de 2005, quand les élites dominantes ont décidé que le peuple avait mal voté sur la constitution européenne, ne sachant pas ce qui était bon pour lui… Cette nouvelle manœuvre risque de nouveau de nourrir le même sentiment de dépossession démocratique.
Sauf que cette fois, le peuple pourrait déjouer le piège et adresser un grand bras d’honneur aux prêcheurs. Il arrive que le cave se rebiffe. Surtout qu’une fois de plus, les questions qu’il pose avec insistance sont disqualifiées car « nauséabondes ». Bien sûr, les thèmes de l’immigration ou de l’insécurité, il ne faudrait pas en parler, car ce sont des thèmes d’extrême droite. Comme disait Philippe Muray, le réel est reporté à une date ultérieure. Il finira par nous exploser au visage.

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Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale

Des castors et des hommes

Hier soir, peu après 20 heures, le leader du Nouveau Front populaire Jean-Luc Mélenchon a appelé au retrait de tous les candidats de gauche arrivés en 3e position, aux côtés d’une Rima Hassan arborant un provocant keffieh palestinien. Il s’est ensuite rendu place de la République, pour haranguer la foule de ses soutiens qui occupait les lieux.


Dimanche 30 mai, premier tour des législatives, 20 heures, les Français ont voté : plus de 2.6 millions de procurations et une participation à 66.7% traduisent l’implication citoyenne. Le Rassemblement national et ses alliés ont obtenu 33% des suffrages, le Nouveau Front populaire 28%, la majorité présidentielle 20%, les Républicains non ralliés à Eric Ciotti ont réuni 6,7 % des voix.

Pas un vote pour l’esstrême droite !

Voici donc le camp macroniste aux fraises ; c’est un moment unique : Emmanuel Macron, en dissolvant l’Assemblée nationale, a poussé les Français à sortir de leur torpeur. Débarrassés du mol édredon de la résignation, ils désavouent enfin la caste présidentielle, un peu mondialiste et carrément hors-sol. Toutefois, entre ceux qui souhaitent conserver une identité particulière française et les sectateurs de la compromission avec l’islamisme, la créolisation et l’égalitarisme arasant, le combat s’annonce rude. La bataille pour le second tour est déjà engagée et les grandes manœuvres commencent. Les adversaires du RN brandissent des lames émoussées. Les mousquets enrayés sont de sortie. On cite finement Lamennais : « Souvenez-vous des castors. Vous êtes dispersés sur les bords du fleuve : assemblez-vous, entendez-vous, et vous aurez bientôt opposé une digue inébranlable à ses eaux rapides et profondes ». Le sempiternel mot d’ordre est lancé : tout sauf l’esstrême droite. Sus à ceux qui menacent les valeurs de la République ! Tous les coups sont permis, toutes les alliances sordides encouragées.

Côté Nouveau Front populaire, les choses vont bon train. Jean-Luc Mélenchon flanqué de son égérie Lady Gaza (Rima Hassan) qui arborait un keffieh – on n’en est pas étonné – a aussitôt exhorté « toustes » à castoriser en vue d’un monde assurément meilleur. Le plastronnant gaillard, en Delmar de L’Éducation sentimentale, a, comme à son habitude, « empoigné » une parole qui n’en demandait pas tant, fait vrombir le verbe. Son préambule posé : « Après sept ans de maltraitance sociale, sept ans d’indifférence écologique sous l’autorité erratique du président et celle méprisante de la République, le pays a été mis tout soudain au défi d’une dissolution précipitée (…) » Le bateleur a alors pris le temps de saluer le Nouveau Front populaire, aussi vite monté et installé dans le paysage politique qu’une tente Quechua ou un hôpital de (mauvaise) fortune : « formé il y a trois semaines et en à peine vingt-quatre heure », avec « des candidatures communes dès le premier tour » et « un programme partagé ». Le tribun en a ensuite appelé à la mobilisation afin d’éviter au pays, confronté au RN, d’aggraver les « pires de ses divisions ». À savoir, « celles des inégalités sociales, celles des différences de religion, de couleurs de peau, d’origines sociales ou géographiques ». Face aux sept plaies d’Égypte, pas d’alternative, seule une solution s’impose au deuxième tour : « Pas une voix, pas un siège pour le RN. »

Les dernières audaces de Mélenchon

« Il s’agit de voter pour un autre futur respectueux de toute personne humaine et du vivant dans son ensemble. » La consigne est claire, simple : « Toute votre énergie pour que le NFP permette de réaliser l’union populaire, celle de la France elle-même. », « Prendre position », « s’engager », « convaincre autour de soi ». « Il y va de la France, il y va de la République, il y va de l’idée que nous nous faisons de la vie en commun » poursuit le drôle, balançant l’anaphore sur son auditoire comme autant de pavés sur les barricades. Avec le NFP, « une nouvelle France peut surgir, faite d’unité, de respect pour chacun et pour le vivant, partout, tout le temps » assure sans sourciller le tartuffe qui n’a de cesse de diviser la population et d’alimenter l’antisémitisme à des fins électoralistes.

L’allocution s’est poursuivie par une célébration de la fraternité et de l’unité qui s’est tenue Place de la République, à Paris.

Des  sympathisants du NFP y ont joyeusement scandé, au nom de la fraternité et du respect, on n’en doute pas une seconde : « Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi » et autre « Tout le monde déteste la police. » À Lyon, les mêmes thuriféraires du vivre-ensemble ont ravagé le centre-ville, dressé des barricades et tiré des mortiers.

Indubitablement, la démocratie est en marche. 

Trois auréoles germaniques

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Colmar, Besançon et Dijon présentent trois expositions sœurs dédiées à la peinture germanique, période et région méconnues en France. Regard sur trois chefs-d’œuvre. 


« Peintures germaniques », c’est-à-dire produites entre 1370 et 1550 dans cet espace compris entre l’Allemagne et l’Autriche actuelles, la Suisse du Nord et l’Alsace, à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, quand le Saint-Empire romain germanique existait encore. Cet art germanique est peu représenté en France puisqu’une campagne de recherche a identifié à peu près 500 tableaux sur tout le territoire, dispersés dans les plus grands musées et les plus humbles églises paroissiales.


Les trois expositions qui présentent cette moisson permettent d’apprécier cet art inventif, qui se libère peu à peu des canons du gothique international et réussit, entre retables publics (à la fonction et à l’usage intelligemment décrits) et tableaux de dévotion privée, à proposer aux fidèles catholiques – la grande majorité de tableaux présentés est religieuse – une vision originale et exaltée des évangiles et des vies des saints magnifiés par l’or généreux, la couleur omniprésente, les motifs somptueux, les costumes singuliers, les figures qui confinent à la caricature et les compositions savantes.

Sainte Ursule à Colmar

Ursule, princesse bretonne en pèlerinage, fut capturée par les Huns à Cologne et exécutée avec ses suivantes (qui n’étaient pas onze mille) puisqu’elle refusa d’épouser Uldin, fils de Balamber. On l’invoquait donc pour obtenir une bonne mort, un bon mariage et pour protéger des jeunes filles. Devant les remparts de la ville, on ramasse les corps des martyres, toutes auréolées. Les flèches, enfoncées jusqu’à l’empennage, les ont percées en pleine tête ou en plein cœur. Les vierges, toutes au visage pâle, serein et rond, jonchent le sol. Leurs auréoles d’or sont quasi matérielles : celle de la martyre la plus à droite projette son ombre sur le sol, toutes cachent ce qui est derrière elles, dissimulant les visages, s’étageant pour ne plus former, à gauche à mi-hauteur, qu’une série de vagues dorées stylisées, comme on en voit dans les enluminures. Plus loin, les superbes Sept dignitaires ecclésiastiques ne sont que six : le septième se résume à la pointe de sa mitre émergeant derrière l’auréole poinçonnée du personnage principal. Ce qui est fascinant, c’est l’apparition immédiate des auréoles, à peine le martyre consommé : dans le Retable de sainte Marguerite, les panneaux racontant l’histoire de la sainte ne dotent pas d’une auréole ceux de ses compagnons qui furent décapités avec elle. Mais au pied des remparts de Cologne, les Huns ont allumé une macabre féérie, onze mille lanternes luisant ensemble.

La récupération des corps des Onze Mille Vierges sur le champ de bataille, v. 1450. Fragment d’un retable.
© Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg.

La Vierge à Besançon

C’est une mise au tombeau tout en longueur : le tableau est la prédelle (partie basse) d’un retable. Le Christ, qui paraît moins mort que dolent, est couché sur un autel de pierre rose. Tous les personnages sont revêtus d’étoffes délicates, aux plis fluides, presque maniérés, aux tons acidulés, comme la manche moirée de Joseph d’Arimathie, à droite, qui alterne le jaune et le bleu. Les auréoles sont des disques parfaits qui se placent spontanément à l’arrière-plan des figures (saint Jean, de dos, n’est pas caché par son auréole) et tiennent à rester verticaux, sans se plier aux mouvements de leurs porteurs : la Vierge n’est pas centrée dans son auréole, qui est plus un écran accompagnant qu’un attribut solidement implanté sur la nuque. La Vierge, au visage et à l’auréole tout spécialement rayés par un iconoclaste (si les peintures germaniques sont rares, c’est qu’elles ont été très largement détruites par les protestants) : le restaurateur n’a pas voulu réparer l’outrage et les griffures un peu brunes, parallèles au corps du Christ, sont comme la trace du glaive de douleur que Syméon prophétisa à la Vierge.

Entourage du Maître des Volets de Strahov, La Mise au Tombeau, v. 1520-1530.
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Sainte Catherine d’Alexandrie à Dijon

À Chambon-sur-Voueize, sainte Catherine d’Alexandrie, dans une robe pourpre aux plis fondus, décorée de brocards appliqués dorés (motifs métalliques rapportés sur la peinture), attend que le bourreau lui tranche sa tête déjà discrètement auréolée : elle a déjà été longuement torturée après avoir triomphé de cinquante docteurs païens (que l’empereur Maximin fait brûler, pour leur apprendre), son exemple a entrainé la conversion de l’impératrice (que l’empereur Maximin fait alors exécuter avant de proposer la place à sainte Catherine), elle a une fois de plus refusé d’épouser Maximin, c’en est assez. Le bourreau est une manière d’élégant jouvenceau, qui n’est pas affublé comme souvent de vêtements outrageusement à la mode et d’une figure caricaturale : non, il paraît normal, on dirait même un noble de la cour, un dégénéré sadique. La manière qu’il a de relever la tête de la sainte pour bien contempler ce qu’il va détruire est saisissante. Il sourit avec satisfaction, sans rictus, de pure joie mauvaise. Mais la sainte regarde déjà ailleurs, au-delà du bourreau, les anges qui dans le ciel doré lui font signe qu’ils l’attendent…

Atelier de Hans Pleydenwurff, La Décollation d’une Vierge, v. 1465. 
Abbatiale de Chambon-sur-Voueize © Région Nouvelle-Aquitaine.

Maîtres et merveilles (1370-1530), jusqu’au 23 septembre. Dijon, musée des Beaux-Arts.
Couleurs, gloire et beauté (1420-1540), jusqu’au 23 septembre. Colmar, musée Unterlinden.
Made in Germany (1500-1550), jusqu’au 23 septembre. Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie.

Je servirai M. Bardella

La vague bleue, redoutée par le camp progressiste, attendue dans la France entière à l’exception de Paris, a donc déferlé au premier tour. Souvent, le devoir de réserve des fonctionnaires n’aura pas été respecté. Les pétitions, rappels à l’ordre, sommation à bien voter n’ont servi à rien.


Chez les hauts fonctionnaires, cela fait un moment que l’on se gratte le cerveau sur l’attitude à adopter face à un gouvernement RN. La revue Acteurs publics nous apprenait à la mi-juin que les jeunes pousses étudiantes de l’Institut national du service public (INSP, ex-ENA) étaient confrontées à un terrible cas de conscience. Devraient-ils se mettre en retrait de la République dès leur sortie de l’école, se réfugier dans une administration non exposée au programme du RN et refuser, par exemple, de servir au ministère de l’Intérieur afin de ne pas avoir à mettre en œuvre « les mesures sécuritaires du RN » ?

Toutefois, ces affres n’affectent que leur hémisphère droit. Le programme du Nouveau Front Populaire, lui, ne les inquiète pas : « Certains élèves tiennent toutefois à préciser que les inquiétudes qui traversent actuellement la haute fonction publique concernent le seul programme politique du RN et non celui du Nouveau Front populaire », précise Bastien Scordia, l’auteur de l’article. Nous voilà rassurés. Ces futurs agents de l’État ont déjà intégré au plus profond de leur cortex le logiciel mitterrandien, vieux de plus de 40 ans, du cordon sanitaire contre la bêbête immonde. Des esprits libres, ces petits jeunes.

À ces fonctionnaires en herbe qui s’interrogent sur le sens de leur devoir, et à tous ceux de leurs aînés qui vont appeler à la résistance passive ou active dans les prochains jours, je voudrais rappeler quelques données élémentaires.

Servir un gouvernement que l’on n’aime pas : le quotidien du fonctionnaire

Seuls les supporters d’un régime totalitaire ont une chance de servir toute leur vie un gouvernement auquel ils adhèrent entièrement. Mais comme nous sommes en démocratie et, a priori, tous démocrates, les agents de l’État français sont condamnés à connaître l’inverse. Et pas seulement pendant 15 jours.

De 1958 à 1981, les fonctionnaires de gauche ont attendu 23 ans avant d’accueillir François Mitterrand à la tête de la Vᵉ République. Leurs collègues de droite ont dû endurer 14 années de règne de « Tonton » Mitterrand avant de voir Jacques Chirac arriver à son tour au pouvoir. Tous sont restés à leur poste. J’en ai fait de même durant toute ma carrière, moi qui ai passé mon temps à voter pour des listes qui dépassaient rarement les 5%. À chacun son problème, mais dans son for intérieur si cela ne vous dérange pas.

« Oui, mais le RN c’est différent… » Vous connaissez la suite, inutile de vous faire le sketch entier. Les esprits formatés par des années de matraquage médiatique devraient essayer d’imaginer l’effroi des fonctionnaires de l’État lors de la nomination de ministres communistes au gouvernement en 1981. L’Union soviétique pointait ses missiles vers la France mais le PCF soutenait le régime de Moscou sans état d’âme. L’Union de la gauche décidait dans la foulée de privatiser les banques et les grandes entreprises. Excusez du peu. C’était autre chose que les mesurettes prudentes du RN d’aujourd’hui. Pourtant, malgré ce tremblement de terre tous les agents de l’État sont restés à leur poste en 1981. Ils ont cherché à « faire de leur mieux » avec les ministres et les politiques que François Mitterrand leur donnait. Aucun n’a appelé à la résistance et encore moins au sabotage. Et la France a poursuivi son chemin.

Le service du peuple et rien d’autre

Moi-même, j’ai plus d’une fois serré les dents et mis un mouchoir sur mon opinion personnelle afin de défendre une ligne politique au rebours de ce que je croyais bon pour le pays. Je l’ai fait sans faillir pour une raison implacable : cette ligne politique émanait d’un gouvernement élu démocratiquement par le peuple français.

Car il est une évidence qu’il faut régulièrement rappeler. Pour qui travaillent les fonctionnaires ? Pas pour leur pomme, ni pour défendre une ligne politique. Les fonctionnaires ont pour mission de mettre en œuvre de manière efficace et intelligible les choix politiques du gouvernement issu du choix du peuple français. Refuser de servir ou, pire, appeler à la résistance, c’est refuser le choix du peuple et, par conséquent, refuser la démocratie. Nos jeunes turcs de l’INSR seraient-ils en réalité la menace contre la démocratie qu’ils croient déceler au RN ? Une petite introspection de ces esprits trop bridés serait salutaire.

Assister un gouvernement de néophytes : un rôle stratégique

Un gouvernement RN sera inévitablement un gouvernement de « bleus » avec une expérience limitée de l’exercice du pouvoir. Le rôle des hauts fonctionnaires n’en sera que plus important et plus gratifiant.

Des mesures dans le programme du RN pourraient conduire la France dans le mur ? Votre devoir sera d’agir pour éviter la sortie de route. Souligner la complexité des sujets, proposer des compromis intelligents, c’est ce que l’on attend des grands fonctionnaires. Ce sera l’heure des vrais serviteurs de l’État, des mandarins éclairés. Mais pour cela, il faudra être solidement à son poste et non en train de manifester de Bastille à Montparnasse contre le fascisme au pouvoir.

Si le RN arrive à Matignon, les Français auront besoin de vous. Non pour saboter la politique qu’ils appellent de leurs vœux, mais pour la mettre en œuvre de manière cohérente, utile et, naturellement, dans le respect du droit. Ce n’est donc pas le moment de se tromper de posture et d’époque.

Le conformisme affligeant des nouvelles pousses

Ce qui est le plus triste dans les propos des apprentis hauts fonctionnaires de l’INSR, c’est le conformisme de leur pensée. Que ces bêtes à concours censés doté d’un sens critique et d’une capacité d’analyse acquis au cours de leurs études, refusent de voir ce que tous les Français ont constaté depuis belle lurette – à savoir que le RN de Marine Le Pen/Jordan Bardella n’était plus le FN de Jean-Marie Le Pen – est consternant.  Qu’ils se croient obligés de répéter le discours rituel sur la montée des extrêmes, pardon de l’extrême, montre que le conformisme et la couardise s’épanouissent remarquablement bien dans la jeunesse. Absence de lucidité, refus du réel ou manque de courage, dans tous les cas, rien de glorieux pour ces futurs agents de l’État.

Tout aussi triste, la paralysie du côté gauche de leur sens critique qui les empêche de porter un regard objectif sur le programme du NFP. Il se sentent obligés de faire un distinguo entre le programme de droite, forcément un torchon de cuisine, et celui de gauche qui, quelles que soient les dingueries qu’il contient, est élevé au rang de serviette et accepté à table.

Mais rassurons-nous. Les esprits grégaires, conformistes ou pleutres ont un avantage. Ils ont la colonne vertébrale d’un mollusque. Il ne leur faudra pas longtemps pour actualiser leur discours quand ils comprendront qu’ils ne risquent rien à dire ce que tout le monde voit sur le RN, le NFP ou sur le Président lui-même. Et la France poursuivra son chemin.

10.5 millions de «fachos»?

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Une majorité « fasciste » à l’Assemblée nationale ? C’est le grand retour de la tarte à la crème du « front républicain ». Pourtant, plus de citoyens français ont apporté leur suffrage à un candidat du RN hier qu’à Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle ! Une majorité absolue du parti de Jordan Bardella est possible, dimanche prochain, même si tout le reste de l’échiquier politique se ligue contre lui. À côté d’une partie importante de la jeunesse qui poursuit le rêve utopique d’un monde où les différences culturelles ne comptent pas, le RN apparait comme conscient de la menace islamiste et à l’écoute du peuple qui veut conserver son identité.


Les estimations des élections législatives du 30 juin 2024 sont tombées à 20 h. Des résultats sans grande surprise, en réalité. Face aux bons résultats confirmés du Rassemblement national (RN), on a pu souligner la bonne tenue du Nouveau Front populaire (NFP) qui témoigne de cette alliance réussie, électoralement s’entend, de la carpe muette d’une union de gauches renouvelée avec le lapin sorti du chapeau de Mélenchon, habillé pour la circonstance du keffieh de Rima Hassan qui séduit tant les banlieues islamisées… Les castors sont de retour, une fois de plus, avec l’espoir de faire barrage aux « fascistes » du RN. 

Les antifas violents inquiètent

Mais qui sont les « fachos» aujourd’hui  ? Qui a un discours de haine ? Qui veut censurer et empêcher une expression libre ? Qui refuse le débat démocratique ? Quand j’ai voulu réunir à Dresde, en Allemagne, les partisans et les adversaires de l’immigration, les partisans de PEGIDA, un mouvement qui se proclame ouvertement adversaire de l’islamisation et de l’immigration de masse en provenance des pays musulmans et les partisans de l’accueil illimité de réfugiés et l’ouverture des frontières à « la misère du monde », qui a refusé au premier abord une proposition de dialogue sans langue de bois ? Les fachos de Pegida ou leurs adversaires ?  

Finalement, ces dialogues ont eu lieu dans toute la ville, malgré les tentatives d’obstruction violente des antifas, malgré leurs lettres de dénonciation aux universités, aux églises, à la mairie, de cette invitation faite aux « fachos » et à leurs opposants d’une discussion libre et sans tabous. Le résultat fut stupéfiant :  une compréhension mutuelle acquise progressivement malgré des débuts houleux et même violents verbalement, une forme d’intelligence collective qui partant d’une appréhension d’une réalité complexe, permettait de chercher des solutions aux problèmes présents et futurs posés par cette arrivée en masse de vrais et de faux réfugiés. 

Perte de tous les repères et retour des hiérarchies

En fait, tous les repères idéologiques sont bousculés. La division politique traditionnelle entre la gauche et la droite risque de rendre invisibles les transformations culturelles et psychologiques des individus et, en particulier, de ceux qui appartiennent à la jeunesse des classes éduquées, vivant dans les métropoles urbaines. Plusieurs générations ont vécu après-coup le traumatisme de l’anéantissement des juifs d’Europe et en même temps la repentance de la colonisation. Les nazis établissaient une hiérarchie entre des races supérieures et des races inférieures. Les colonisateurs croyaient en la supériorité de la civilisation européenne sur les indigènes de l’Amérique et de l’Afrique. 

Les nouvelles générations de l’Occident, formatées par un enseignement qui condamne légitimement à la fois le génocide des juifs et les horreurs de la colonisation, ne veulent plus connaître de différences entre les êtres humains. Les Européens modernes, précisément ceux qui font partie des classes éduquées, poursuivent un rêve d’amour universel, un rêve d’un monde qui ne connaîtrait plus le racisme et la guerre. 

Ils plaquent sur la réalité d’aujourd’hui cette utopie d’une humanité réconciliée, unie et identique. Ce refus de voir les différences et les hiérarchies entre les êtres humains et leurs cultures est une réaction parfaitement compréhensible à un passé douloureux mais aboutit à un déni de réalité. Cette jeunesse occidentale, instruite et pacifiste, établit une équivalence entre clandestins et habitants légaux d’un pays, entre les genres, entre les sexualités, entre les générations, entre les cultures et les civilisations. Pour elle, il ne doit plus exister de hiérarchies et de différences. 

Ceux qui s’opposent à ces indistinctions, qui veulent que les frontières et les nations subsistent, ceux qui ouvertement déclarent que les cultures n’ont pas une valeur égale, que le voile, la polygamie, les mutilations sexuelles n’ont pas droit de cité sont des fascistes, des racistes, des héritiers du nazisme ou du pétainisme. On stigmatise des populations entières qui vivent dans la peur d’un lendemain qui serait appauvri et trop différent et on qualifie de populistes ceux qui prennent leur défense.

Le RN conscient de la menace islamiste, et à l’écoute du peuple qui veut conserver son identité

L’islamisme, nouveau totalitarisme, profite de ce déni de réalité et impose sous prétexte de tolérance et d’acceptation de la diversité ses propres valeurs et ses usages pourtant en contradiction totale avec les valeurs occidentales d’égalité et de droits humains. Aujourd’hui, l’islamisme est une extrême-droite antisémite, héritière du nazisme et des fascismes européens.

Il s’agit donc aujourd’hui de bien identifier ce nouveau totalitarisme et de ne pas se tromper de cible. Les collaborateurs et les « idiots utiles » de l’islamisme font entrer les loups dans la bergerie, en qualifiant les conservateurs populistes qui résistent à l’islamisme de politiciens d’extrême-droite. Même si dans les partis de ces conservateurs, il subsiste certainement des éléments anciens proches du fascisme ou en France du pétainisme, Trump et les conservateurs américains, Meloni, Gert Wilders, Netanyahou, Orban, Pegida et leurs équivalents dans toute l’Europe sont des conservateurs, des populistes qui ont entendu la voix des peuples qui résistent à ces changements de civilisation voulus par l’islam politique, lui-même allié à un antiracisme immigrationniste qui refuse aux Occidentaux le droit de préserver leur identité, différente de celle d’autres identités, et aux juifs la possibilité de rester une nation souveraine, de protéger leurs frontières et de résister à la volonté islamiste d’en faire les dhimmis d’une oumma sans limites. La lutte antifasciste aujourd’hui doit se mener contre toutes les tentations totalitaires et en particulier contre l’islamisme qui est une extrême-droite, xénophobe, autoritaire, antisémite et anti-occidentale, comme les fascismes qui l’ont précédé au cours du siècle précédent. Les islamistes et leurs compagnons de route gauchistes, indigénistes, exploitent la peur de l’extrême-droite européenne afin d’assurer le triomphe d’une idéologie mortifère et intolérante qui s’affuble du masque de la justice sociale et de l’antiracisme. 

La friche bouge

Après la poussée du RN constatée dans les urnes le 30 juin, les résistants de bac à sable vont évidemment s’en donner à cœur joie durant l’entre-deux-tours…


Après la Bérézina des Européennes, le 30 juin, c’est Blücher. Pris en sandwich entre le Mamelouk Mélenchon et Kaiser Bardella, l’Empereur Emmanuel n’a plus beaucoup d’atouts. Pendant La Semaine sainte de l’entre-deux tours, les cloches déballent. Valérie Hayer a filé comme un bas, à Bruxelles, Gérald Darmanin déserte, François Bayrou se prend pour Louis XVIII, Gabriel Attal montre le bout de son Ney. Le Président ne peut se résoudre au vol noir des corbeaux sur nos plaines, aux cris sourds du pays qu’on enchaîne. Stratège émérite, lutteur infatigable, sur les ondes, sur la plage, au Touquet, à Zuydcoote, Dunkerque, Brégançon, dans le sang, les larmes, la sueur, la peur, il se débat.

La bataille de France

El Destishadok, ténébreux, veuf, inconsolé, prince d’Aquitaine, au détour de deux tours, abolit. Son assemblée est morte, son Attal consterné porte le Soleil noir de la Mélancolie. On ne fait pas d’Hamlet sans casser d’œufs. « Suis-je Brutus, Pyrrhus ? Jupiter ou Pignon ? L’affront est rouge encor au tréfonds de moi-même. J’ai échoué dans la grotte où sombre mon système… ». La ligne Imagine.haut du Grand Quartier Général Renaissance est enfoncée, l’armée du Centre cède à Sedan, La Route des Flandres coupée à Hénin-Beaumont. Les loups sont entrés dans Thoiry. Jonathan Guderian fonce vers Matignon.

Jupiter peaufine un appel du 8 juillet : « Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. J’ai dégoupillé la grenade de la dissolution pour clarifier. L’espérance doit-elle disparaître ? Non ! Foudroyés aujourd’hui par la force électorale, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force supérieure. Moi, Président Macron, j’invite les CEO, les start-ups, les traders, les Français, qui se trouvent à Luxembourg, New York, Genève, La Défense, avec ou sans états d’armes, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la phrase de la résistance française ne doit pas s’éteindre. Demain, comme aujourd’hui, comme hier, avant-hier et après-demain, je parlerai ». Dominique de Villepin, Alain Minc, Nagui et McKinsey ont relu le draft. Brigitte est inquiète… Le silence de la mère.

A lire aussi, Isabelle Larmat: Mélenchon et la Terreur

L’exode a commencé. La Traversée de Paris est compliquée. Anne Hidalgo et Amélie Oudéa-Castéra ont coupé les grands axes, les ponts sur la Seine pour retarder l’ennemi. D’interminables files de Tesla, SUV hybrides quittent la rue Poliveau, la plaine Monceau, la place des Victoires, direction l’autoroute du Sud, Avignon, Saint-Trop, Collioure, la frontière espagnole. Les batteries tiendront-elles jusqu’à Teruel ? Pedro Sánchez a promis des avions, les brigades internationales, L’Espoir, Podemos !

Le Nouveau Front Populaire manque de munitions, de stratèges, de discipline. Comment faire de cette Fraternité, un combat ? François Ruffin, Alexis Corbière et Raquel Garrido ont été purgés : Pim-Pam-Poum. Clémentine Autain hésite entre les Bolcheviks et les Mencheviks. « Quand les blés sont sous la grêle ; Fou qui fait le délicat ; Fou qui songe à ses querelles ; Au cœur du commun combat » (Aragon). L’heure est à l’union. À Menton, on ne passe plus. Giorgia Melloni a bloqué le col du Grand-Saint-Bernard. Juliette Binoche veut rejoindre Théus. Les colonnes d’émigrés sont arrêtées Briançon. À Toulon, Cannes, Antibes, ils embarquent, fuient l’oppression, les matraquages, cherchent un refuge en Tunisie, un riad à Essaouira, l’asile dans la bande de Gaza. Rassurant, l’Ocean Viking croiseau large de Porquerolles.

Le dernier hélico présidentiel décollera du toit de l’Élysée le 7 juillet à 20H05 CET, direction Baden-Baden avec un refuelling à Varennes. Le Colonel Benalla (alias Capitaine Cognant) pilote l’exfiltration. Le destin d’En Marche est suspendu au Glock 17 du soldat d’élite. Il a les clés de l’Audi, du Touquet, de Brégançon, le téléphone de Mbappé : il sait tout ! D’un Château l’autre… Dans le Super Puma les places sont chères : Alexis Kohler, Bruno Roger-Petit, Stéphane Bern. Mimi Marchand a une énorme gourmette en or. Gabriel Attal refuse de partir sanssonchow-chow Volta. « Tous des cons Alexandre, sois zen et fort, c’est le patron qui décide ! ».

Paris fait de la résistance 

En Marche est un monde de limbes où la légende d’une fraternité invincible se mêle à l’improvisation. Dans un bunker perché tout en haut d’un ministère, des partisans, soutiens, combattants se font adouber en secret, à l’aube. Il est d’usage dans cette région du Bercy de s’assister en se tenant sur la tombe de sa propre famille. À la fin du cocktail, la nuit qui se retire comme la mer laisse paraître la Première dame, immobile, silencieuse, en petite robe noire.

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Dans la Cartoucherie de Vincennes, Arianne Mnouchkine a planqué des fourches, la mitraille, les grenades. En treillis Smalto, de la terrasse de l’Institut de Monde Arabe, Jack Lang –Sparadrap dans la résistance- électrise le peuple de gauche. Grâce aux mitrailleuses lourdes et réserves de falafels du restaurant Noura, ce nouveau Fort-Alamo peut tenir un siège de trois mois.  Sciences Po, La Sorbonne, les Beaux-Arts, ne lâchent rien : Sous le sable, les pavés ; Faites la Guerre pas l’amour. Guillaume Meurice a réintégré Free France Inter. Dans la clandestinité il remonte le moral des Français : Les carottes sont cuites ; L’hirondelle ne craint pas la traque ; Le cuisinier secoue les nouillesde Netanyahou…

La Province n’est pas en reste. Jean-Yves Le Drian de Pontcallec croit au réduit breton. À Saint-Marcel, Quiberon, La Trinité-sur-mer, au cœur des bastions ennemies, en Méhari Kaki, Kite surf, paddle, la résistance s’organise. Les mistouflets des brigades ZEN (Zado-Ecolo-Nudistes) sont redoutables dans le corps à corps, les bassines et le bocage. À Lyon, la Jeune garde de Raphaël Arnault fédère les fichiers S de la zone Sud. Ce soir, Bardella, les banques et les barbecues, connaîtront le prix du sang et des larmes.

Christiane Taubira poursuit le combat décolonial outre-mer. Avec Lilian Turham, Karim Benzema et Joey Starr, elle rallie Nouméa, après une escale à Mers el-Kébir, Dakar et Cayenne. Sanglé dans son élégante gabardine de cuir noir (modèle déposé Adolfo Ramirez-Pacte germano-soviétique), Jean-Luc d’Arabie aimerait rhamasser la mise. 

Un grand soleil d’été éclaire la colline

Il faut avant le deuxième tour forger les alliances, l’acier de la victoire. Infatigable, emballant, en scooter, François Hollande -alias Bison flûté– laboure le plateau de Millevaches, fédère les réseaux, l’Armée Secrète, le Conseil National de la Réjouissance. Le cap est clair, les ordres claquent : « Le rôle que je m’assigne, c’est de porter un discours de protection et de vigilance… c’est de trouver des solutions ». Dans chaque circonscription NFP, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe. Si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.

Un long cortège d’exaltation, d’ombres, de sans-dents, de figurants, de Passionaria, accompagne les chevaliers de l’espérance. Julie Gayet, Judith Godrèche, Rachida Dati, Anne Hidalgo, Annie Ernaux, toutes ces femmes de Courrège en lunettes noires, rubans en sautoir, ou nues comme les canuts, veillent la Résistance, portent le deuil de la France, tissent le linceul du vieux monde. Après le triomphe du Rassemblement national, après les heures sombres et nauséabondes, les trahisons, l’épuration, les coupes budgétaires, les déficits budgétaires, la justice reviendra sur ses pas triomphants. La Reconquête va commencer.  « El pueblo unido jamás será vencido ! ».

« Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre » (Aragon).

Le navet des beaux jours

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Louise Bourgouin et Emmanuel Laskar dans "Le medium" (2024) © Magali Bragard / Ad Vitam

Le Medium d’Emmanuel Laskar, un film «100% exception culturelle», mercredi 10 juillet en salles


Long prologue pour un film court – à peine 1h20 ; on s’en contentera. Michael Monge (Emmanuel Laskar, 48 ans, également derrière la caméra, donc, pour son premier long métrage en l’espèce) enterre sa mère Barbara (Noémie Lvovsky). Au cimetière, devant la fosse béante, en plein sermon du curé, Michael reçoit un appel intempestif, son smartphone lui échappe des mains, il se jette à plat ventre pour tenter de le rattraper, au point qu’il manque tomber lui-même dans le caveau. Chance, ses copines – dont Alicia, son ex (Maud Wyler) – sont là pour l’en extraire, en le tirant par le falzar. Vous l’aurez compris : c’est une comédie.

Allo maman bobo

Il se murmure que Michael a hérité des dons de voyante de sa défunte mère. Il s’en défend. Mais l’instinct est plus fort que tout : assume, mon gars, tu es bien medium. Mal dans sa peau, l’orphelin mélancolique qui, pour vivre, enseigne la musique dans un collège, joue perso de la gratte à ses heures (d’ailleurs, le cadrage évite, plutôt maladroitement il faut le dire, de nous dévoiler le manche de la guitare, probablement parce que l’acteur Laskar ignore la pratique de cet instrument). Toujours est-il que ce garçon tourmenté est sollicité par l’ensorcelante Alicia (Louise Bourgoin), appétissante veuve d’architecte, laquelle, déprimée d’avoir perdu, en feu son jules, l’amour de sa vie, se consume, solitaire n’était son gros toutou baptisé Satan qui barbotte dans la piscine de la somptueuse maison bâtie par son regretté mari. NB : pour apprécier l’assonance, subtil clin d’œil, dans le film l’architecte en question (Alexandre Steiger, dans le rôle) a pour fictif patronyme : Rizzi. Or il s’agit d’une maison effectivement construite, dans la réalité, par l’architecte – star Rudy Ricciotti. Car, pour vous situer, nous sommes dans le Var : épicentre de l’action, le village de Collobrières, à 20km du littoral.

Donc, le Michael (campé par notre Laskar, qui est, du début à la fin, pratiquement de tous les plans du film – on n’est jamais mieux servi que par soi-même) fait revenir le fantôme dudit Rizzi, ce qui fait pleurer Alicia, of course. A noter, l’esthétique des apparitions : quasi-réaliste, dans une lumière saturée où les silhouettes spectrales se fondent dans le décor, auréolées d’une aura ectoplasmique. Et voilà que Michael endosse si bien son don de medium, héritage maternel, qu’il ne peut empêcher les apparitions de sa génitrice trépassée, adipeuse érotomane qui, post mortem, s’exhibe sur sa couette, bientôt tringlée au bord du lit, dans d’insistantes crises libidinales, par le fantôme de son jeune amant, sous le nez de son fiston éberlué.

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100% exception culturelle

Les farfadets occupent ainsi la place, provoquant incidemment des chutes de bouquins dans une bibliothèque publique, ou prenant la forme, qui de Salvador Dali, qui d’une Marguerite Duras chaussée de ses fameuses binocles à grosses montures (icone littéraire que l’on sait, pastichée par l’actrice Anne-Elodie Sorlin dans une séquence private joke destinée aux spectateurs durassiens – car nous sommes dans un film 100 % « exception culturelle »)…  Le comble du grotesque (volontaire ?) est atteint avec la scène d’exorcisme où le prêtre (Maxence Tual), crucifix brandi, extirpe Satan (le vrai, pas le chien d’Alicia) des entrailles d’un Michael en transe.   

Vétéran de la compagnie Les Chiens de Navarre, Emmanuel Laskar vient du théâtre. On lui souhaite de retourner sur les planches. Car pour ce qui est du plateau de cinéma… Consternant que la petite boutique de luxe du Septième art français, par nature tellement endogamique, ne soit ici que l’opportunité, pour une brochette alternée de premiers et de seconds couteaux du grand écran hexagonal, de cachetonner dans une pseudo-comédie pathétique et narcissique qui, en somme, ne fait rire que d’elle.     


Le Medium. Film d’Emmanuel Laskar. Avec Louise Bourgoin, Maud Wyler, Noémie Lvosky. France, couleur, 2023. Durée : 1h20.

En salles le 10 juillet.

La gauche est-elle propriétaire de la culture?

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Ariane Mnouchkine, fondatrice du Théâtre du Soleil, à une manifestation contre la reforme des retraites, le 16 février 2023, Paris © MASTAR/SIPA

La gauche considère le monde de la culture comme sa chasse-gardée, et craint une « contre-révolution culturelle » si le RN accède aux responsabilités dimanche


Quel que soit le résultat des élections législatives le 7 juillet, les enjeux et les problématiques abordés durant la campagne auront eu de l’importance. Même si, pour la plupart des médias, l’essentiel – en tout cas avant le premier tour – a été de démontrer la nocivité du Rassemblement national (RN). Aussi, quand une analyse suscite réflexion et stimulante controverse, il n’est pas inutile de lui attacher du prix.

Patrimoine contre création

C’est ce que je souhaite faire avec la première partie de « Avec le RN, vers une contre-révolution culturelle » publiée dans Le Monde par Roxana Azimi et Michel Guerrin. Les chroniques de celui-ci sur la culture m’ont toujours intéressé par leur liberté et leur relative neutralité dans un quotidien hostile à la droite et vent debout contre l’extrême droite. L’impression qui se dégage d’abord est la volonté de faire apparaître toute dissidence, différence, nuance par rapport à la conception culturelle dominante – très largement inspirée par la gauche, les créateurs et les artistes étant majoritairement imprégnés de cette vision – comme une contre-révolution. On pourrait seulement les percevoir comme la diversification et l’enrichissement d’une palette estimable, souvent acceptable mais à vivifier, à renouveler.

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Ainsi le RN, s’il était au pouvoir, « provoquerait une rupture en favorisant notamment le patrimoine au détriment de la création ». Il me semble que ce ne serait pas une absurdité que de maintenir ou de restaurer d’abord l’existant. La création, si elle était moins privilégiée, probablement devrait être plus exigeante dans les richesses qu’elle offre. N’importe qui ne pourrait pas se dire artiste et donc bénéficier d’emblée de subventions qu’il ne serait pas honteux de refuser à des élucubrations ou à des concepts fumeux. Considérer que l’honneur d’être qualifié d’artiste ne pourrait résulter que de promesses certaines ou d’expériences appréciées sur la durée ne relèverait pas d’une offense à la culture. Mais au contraire d’une discrimination ne rendant plus une certaine culture ridicule à force d’une validation systématique de tout ce qui se prétend digne d’intérêt. Il ne s’agirait en aucun cas d’interdire les incongruités ou les provocations, mais de les priver d’un label officiel qui vise à les légitimer quand leur réalité est plus que médiocre…

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On perçoit, ensuite, l’ambiguïté du procès qui est intenté à une conception conservatrice de l’art. Comme si cette vision était dangereuse par principe alors qu’elle ne représenterait aujourd’hui qu’une bienfaisante complémentarité à la domination d’un progressisme artistique qui n’a plus, dans son dessein, la volonté de servir l’universel, d’être partagé par une multitude mais au contraire de se dispenser d’un aval multiple pour s’engluer dans le bizarre, l’hermétique, l’obscur ou, pire parfois, le sordide. On reproche par ailleurs à la droite un populisme qui la conduirait à mépriser la culture authentique parce que celle-ci serait l’apanage de la gauche, d’élites mondialisées, privilégiées et déconnectées du réel. Cette critique est une caricature qu’on pourrait aisément retourner : ce sont les élites qui globalement, peu ou prou, ont façonné, élaboré, une culture pour elles, qui leur ressemble, avec pour principale caractéristique l’envie d’en éloigner le peuple. Avec son goût vulgaire et sa curiosité élémentaire, il est évidemment incapable d’aller vers les trésors culturels qui, dans tous les arts, imposent d’avoir des dilections raffinées…

Touche pas à ma culture !

Dans l’ensemble de l’analyse que j’évoque, court en effet, en filigrane, ce refrain condescendant que la gauche est propriétaire de la culture, que le simple fait, pour l’extrême droite, de venir s’en mêler serait une usurpation et qu’il s’agit d’activités trop nobles et élevées pour être confiées à ces « ploucs ». À suivre à la lettre cette pente, on a le droit, voire le devoir, de se demander alors si la droite et, peut-être, son extrême droite ne devraient pas chercher à créer un art pour le peuple, une culture accessible à tous, dans le genre qu’affectionnait Jean Vilar – un élitisme populaire -, évidemment aux antipodes de quelque endoctrinement que ce soit. N’est-ce pas ce que laisse entendre Ariane Mnouchkine, référence pour tous les passionnés de culture et dont la pensée à « la carte » :
« Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds » (Libération).
Ce qu’elle applique à la culture, pour dénoncer un ostracisme, est aussi le ressort fondamental qui, fait de condescendance et de mépris, a créé la politique d’aujourd’hui. La gauche se dit propriétaire de la culture. Il faut la lui contester.

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La droite va-t-elle continuer d’affluer vers Bardella durant l’entre-deux-tours?

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Éric Ciotti et Jordan Bardella, audition du Medef avant les élections législatives, le 20 juin 2024, Paris © J.E.E/SIPA

Deux chemins s’offrent à la France. D’un côté l’alliance du pire, de l’autre l’union nationale vantée par Jordan Bardella et Marine Le Pen. Pour beaucoup de citoyens de droite, la victoire de cette union nationale dimanche est la dernière chance de sauver la France qu’ils aiment.


Confirmation: Emmanuel Macron ne comprend rien à la France qu’il préside. Il ne la voit pas dans ses profondeurs provinciales qu’il méprise. En décidant, l’orgueil blessé, de dissoudre l’Assemblée le 9 juin, il était persuadé de retrouver une majorité absolue pour son camp. C’est évidemment une défaite personnelle qu’il a dû encaisser hier soir, à l’issue du premier tour des législatives, avec un Bloc national à 33,15 %, un Nouveau Front populaire à 27,99 % et une coalition macroniste à 20,83 %.

Le loubard du Touquet

Dimanche après-midi, c’est pourtant un Macron déguisé en rocker (blouson, jean, casquette à visière, lunette noire) qui fanfaronnait au bras de son épouse dans les rues du Touquet. De cette image trop travaillée, sans doute faut-il retenir néanmoins son côté voyou frimeur qui-arrive-en-ville. Chez ce narcisse au bord de la noyade, les coups les plus vils sont à attendre pour sauver sa peau. Dès hier soir, les remugles de compromissions avec l’extrême gauche empestaient l’Élysée. Au prétexte de constituer « le plus large rassemblement » face au RN, le chef de l’État n’exclut pas des rapprochements notamment avec La France insoumise, en dépit des flatteries communautaristes et antisémites du mouvement mélenchoniste (voir mon article précédent).

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Seize minutes après le verdict des urnes, Jean-Luc Mélenchon s’est d’ailleurs auto-promu chef de file de cette alternance en prenant la parole, flanqué de Rima Hassan, keffieh palestinien sur les épaules. Hassan alimente une propagande anti-juive, appréciée dans les cités, qui va jusqu’à prétendre qu’Israël dresse des chiens à violer des Palestiniens dans les centres de rétention.
Hier soir, cette gauche, fréquentable pour Macron et Gabriel Attal, était Place de la République, sous des drapeaux maghrébins et palestiniens.

Une droite sur plusieurs fronts

La droite anti-Ciotti, qui récolte 10,23 % des suffrages, laissera-t-elle se dérouler ce scénario d’une magouille électorale entre Mélenchon et Macron, qui partagent tous deux la même vision « progressiste » d’une société ouverte et postnationale ? Dès hier soir, Éric Ciotti a invité les Républicains récalcitrants à rejoindre l’union des droites, afin d’assurer d’une solide majorité absolue au Parlement pour sauver la France française. Quelques leaders comme François-Xavier Bellamy ou David Lisnard ont d’ores et déjà assuré qu’ils voteraient FN en cas de duel avec le NFP.

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Demeure pourtant le risque, chez une partie de cette droite honteuse, de voir certaines personnalités, corruptibles électoralement, rejoindre un « front républicain » destiné à entraver une fois de plus l’expression de la colère des Oubliés. Faut-il, à ces prétendus gaullistes, leur rappeler où ils mettraient les pieds ? Dans un tweet posté à 20h22, la journaliste militante d’Arrêt sur images, Nassira El Moadden, a écrit pour sa part : « Douze millions de votants pour l’extrême droite. Je confirme : pays de racistes dégénérés ». Un choix de société, existentiel, est à faire le 7 juillet. Il dépend des LR qui hésitent encore à faire preuve de courage en soutenant le RN et ses premiers alliés. L’histoire les regarde.

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Un Tour de France de «premières fois»

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Le Français Kévin Vauquelin, vainqueur de la deuxième étape du Tour de France 2024, Bologne (Italie), 30 juin © Etienne Garnier/AP/SIPA

Deux Français se sont imposés lors des deux premières étapes.


Du jamais vu depuis 1968. Pour la première fois, deux coureurs français ont remporté les deux premières étapes du Tour de France qui a débuté samedi en Italie : un vétéran de 33 ans, Romain Bardet, dont c’est la 11ème et dernière participation, qui s’est imposé dans la première (Florence-Rimini) à l’issue d’un exploit époustouflant et intrépide, et un néophyte de 23 ans, Kévin Vauquelin, dont lui, au contraire, c’est la toute première participation, et qui a franchi en solitaire le premier la ligne d’arrivée dans la deuxième (Cesenatico-Bologne), faisant déjà preuve d’une grande maturité et d’un flair aigu de la course.

En 1968, deux semaines à peine après la fin la plus longue grève générale de l’histoire de France, c’est un seul et même coureur, Charly Grosskost, un Alsacien de 24 ans, décédé en 2004, qui remporta les deux premières étapes, le 27 juin le prologue à Vittel, et le lendemain l’épreuve en ligne à Esch-sur Alzette (Luxembourg), ce qui lui valu de porter le maillot jaune pendant deux jours.

Regard empreint d’une vague mélancolie, avare en sourires, physique d’ascète, 1,84m de taille pour 65kg, Romain Bardet, l’Auvergnat de l’équipe néerlandaise DSM-Firmenich-Post-NL, n’a pas seulement levé samedi le bras de la victoire mais, pour la première fois de sa carrière, a enfilé le maillot jaune. Jusqu’alors, il avait dû se contenter de places d’honneur au général, notamment 2ème en 2016, 3ème l’année suivante, puis maillot à pois du meilleur grimpeur en 2019. Certes victime de la première passe d’armes entre les deux grands favoris, le flamboyant, le Slovène Tadej Pogačar qui ambitionne de réaliser le doublé Giro (Tour d’Italie) et Tour, et le modeste, vainqueur de deux dernières éditions, le Danois Jonas Vingegaard, il en a été dépossédé le lendemain. Depuis sa création en 1919, seulement deux autres coureurs n’ont été vêtus de jaune qu’un jour, Tony Gallopin en 2014, et Richard Virenque en 1992 et 2003, ce qui n’en demeure pas moins un insigne honneur…

Autre sans précédent dans ce Tour : les quatre premiers du général sont tous dans le même temps. Pour les départager, on a recouru au cumul des places qu’ils ont obtenues lors de ces deux jours. Relégué à la 5ème place, Bardet n’est ainsi qu’à six petites secondes du nouveau maillot jaune de Pogačar. 

Quant à Kevin Vauquelin, barbichette et regard déterminé, pour s’imposer en solitaire, il a décroché dans la dernière montée de la côte à la pente par endroits de 20%, menant au monastère de San Luca sur les hauteurs de Bologne, classé patrimoine de l’humanité, ses deux derniers compagnons de l’échappée matinale, en accélérant progressivement son rythme. Taille 1,76 m pour 69kg, il n’a pas spécialement le physique d’un grimpeur. Pour expliquer sa réussite, il s’est borné à dire : « J’ai su être le plus malin ». De mémoire de chroniqueur, jamais un coureur n’a franchi la ligne d’arrivée en premier dès le deuxième jour de sa première participation au Tour. Pour cela, il ne suffit pas d’être malin. Il faut des qualités physiques propres à un champion.

Le cyclisme est un sport pour grands stratèges…

Cette 111ème édition de la Grande boucle s’impose comme celle des « premières fois ». C’est en effet la première fois en ses 121 ans d’existence (il n’a pas été couru durant les deux Guerres mondiales ; après la Seconde, il n’a été relancé qu’en 1947), que le Tour prend son départ d’Italie, plus exactement de Florence, tout un symbole. La capitale de la Toscane a été la ville du froid Nicolas Machiavel[1] et de l’illuminé fou de Dieu Jérôme Savonarole[2], la ville qui a enfanté, grâce ou à cause d’eux, au XVème siècle la politique moderne, à savoir l’art de la conquête du pouvoir par la ruse, le calcul, l’audace, la roublardise, l’intrigue, en somme tout ce qui fait l’essence du cyclisme. Dès lors, ce singulier sport devrait être obligatoire à Sciences po et à Saint-Cyr de Coëtquidan !

On gagne une course de trois semaines davantage avec sa tête qu’avec ses jambes. Il faut, en effet, à la fois être malin, tacticien, stratège et ambitieux, à l’instar de ces quelques grands politiciens que l’on qualifie de « florentins », dont le prototype français a été certainement François Mitterrand. Et tout directeur sportif d’une équipe cycliste devrait avoir comme livre de chevet Le Prince de Machiavel.

Pourquoi le Tour a boudé l’Italie si longtemps alors qu’il s’est élancé 26 fois de l’étranger ? Le premier départ hors de l’Hexagone remonte à 1954. Il fut donné à Amsterdam. Depuis, les Pays Bas l’ont accueilli six fois, devançant la Belgique, cinq fois, l’Allemagne quatre fois, Espagne, Luxembourg, Angleterre deux fois, Irlande, Danemark et Monaco (mais la principauté, est-ce vraiment l’étranger ?) une fois. Un temps, à l’époque de la mondialisation triomphante, il fut même envisagé de le faire commencer à New York.

Alors pourquoi jamais de l’Italie ? Parce que l’Italie et la France possèdent les deux uniques et plus prestigieux Grands Tours nationaux… Ces deux puissances cyclistes, mues par une sourde rivalité, se sont gardées d’aller rouler sur les plates-bandes de l’autre, de manière à préserver une « coexistence pacifique ». La Vuelta (le Tour d’Espagne), réellement créée qu’en 1954 dans un pays encore meurtri par une cruelle guerre civile, a longtemps fait figure de parent pauvre et, donc, en conséquence ne pouvait contester leur hégémonie cyclopédique.

Autre première fois, anecdotiquement cocasse, et très certainement ultime, lors de cette inaugurale étape outre-alpine, le Tour s’est offert une courte incursion, dans le second plus petit Etat d’Europe et le cinquième du monde, la République de San Marin, qui est aussi le plus ancien du Vieux continent et très certainement de la planète.

Mais, surtout, pour la première fois aussi de son histoire, le Tour ne se terminera pas à Paris. Cette 111ème édition s’achèvera le 21 juillet à Nice, sur un contre-la-montre de 33,7 km au départ de Monaco. S’il déroge à cette tradition séculaire, c’est bien évidemment en raison des J.O. qui se tiendront dans la capitale française de 26 juillet au 11 août.

C’est peut-être lors de cette ultime étape que se jouera la victoire finale, comme en 1989, quand un jeune Américain encore néophyte, Greg LeMond, inconnu du grand public, l’emporta de 8 secondes (la plus faible avance jamais enregistrée), sur le déjà chevronné double vainqueur, Laurent Fignon, l’intellectuel du peloton, qui se voyait déjà en possession d’un troisième titre à l’instar d’un Louison Bobet, le premier à remporter trois Grandes boucles de suite.

Un sport conservateur ?

Bien que réputé très conservateur, voire réac, le petit monde du vélo prouve que, si besoin est, il n’hésite pas à innover, à s’adapter à l’air du temps tout en restant fidèle à lui-même. Depuis sa création en 1903, le Tour n’a cessé de collectionner les « premières fois » en tous genres que nous évoquerons avec gourmandise au fil des 21 étapes et tout au long de ses 3498 km.  En quelque sorte, le Tour est un mélange de conservatisme éclairé et de progressisme pondéré.

Ce Tour 2024 en est l’illustration criante. Il n’est pas du tout semblable aux précédents. Au point qu’on peut se demander, au vu de son itinéraire, s’il mérite encore d’être qualifié « de France ».  Celui-ci se cantonne à un grand sud-est avec une brève escapade jusqu’à Troyes et Orléans et une incursion dans le sud-ouest – car un Tour sans au moins les cols du Tourmalet et de Peyresourde est inconcevable.

Certes, il y a déjà belle lurette que le parcours du Tour n’épouse plus le pourtour de l’Hexagone. C’est à partir de 1971, que la dite Grande boucle ne l’a plus été réellement car délaissant le plus souvent le nord et l’ouest pour se concentrer sur les Alpes et les Pyrénées et découvrir le Massif central qu’elle ignorait jusqu’alors, à cause de la réglementation de l’Union Cycliste internationale, qui, dans un souci « d’humanisation », a limité les trois Grands Tours (France, Italie et Espagne) à 3 500 km maxi, 21 étapes et imposé deux jours de repos.

Conséquence de cette triple contrainte, c’est en 2001 que le Tour est mué en un demi-tour de France, une année privilégiant l’Ouest du pays, l’autre l’Est, une fois dans le sens des aiguilles d’une montre, l’autre fois dans le sens contraire. Continuer à visiter les six coins de l’Hexagone aurait impliqué l’organisation de transferts démesurés… autrement dit matériellement impossibles. Le Tour, c’est l’équivalent d’une ville de près de 5000 habitants qui se déplace, avec ses camions, ses podiums, ses voitures se suiveurs, de 200 km en moyenne par jour.

Donc, après son excursion de trois jours de l’autre côté des Alpes, il regagne ce mardi la mère-patrie pour s’attaquer, d’emblée, à la haute-montage avec au menu deux cols de seconde catégorie, et un de première, le Galibier qui culmine à 2642 m, long de 23 km et une pente moyenne de 5,1%. Il sera très certainement le théâtre de la première sérieuse empoignade entre les deux grands favoris, Pogačar qui a survolé le Giro et Vingegaard, qui entend l’emporter pour la troisième fois consécutive malgré une grave chute au Tour du Pays basque dont les éventuelles séquelles peuvent le handicaper, ce qui au vu de ces deux premières étapes ne le semble pas.

Les duels pour la victoire finale entre deux coureurs aux personnalités antinomiques ont parfois fait le jeu d’un troisième larron : pourquoi celui-ci ne serait-il pas Romain Barret, au tempérament de baroudeur doublé d’un excellent grimpeur ? Un avenir de flibustier l’attend, redonnant à cette édition une saveur d’épopée. Les heurs et malheurs qui ponctuent une épreuve de trois semaines font que les vaincus sont parfois les plus forts.

« Le Tour, c’est la fête d’un été (…) de notre pays, d’une passion singulièrement française, a dit Louis Aragon[3] : tant pis pour ceux qui ne savent pas en partager les passions, les folies, les espoirs… »

A voir ces dernières années les foules qui se sont pressées le long des routes danoises, basques espagnoles, et italiennes, pour voir passer le peloton chamarré du Tour, la France semble ne plus avoir le monopole de « cette passion » singulière. Avec ses vins et spiritueux, c’est cette dernière que la France a su le mieux exporter…


[1] Nicolas Miachavel (1469-1527), Le Prince, L’Art de la Guerre, Le Discours sur la première décade de Tite Live.

[2] Savoranole (1452-1498), prédicateur dominicain qui mit Florence en coupe réglée et a fini par être pendu et brûlé.

[3] Louis Aragon (1897-1982), poète et romancier communiste, après avoir été surréaliste, auteur notamment du Paysan de Paris et Les Beaux quartiers.

L’extrême droite, vous dis-je!

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Paris, 1er juillet 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Le RN est arrivé hier largement en tête, devant le Nouveau Front populaire et la majorité présidentielle. Dans les médias, on chante déjà la ritournelle agaçante des heures sombres. Et dans la majorité sortante, on est prêt à ouvrir une crise de régime en bricolant une majorité négative pour empêcher le premier parti de France de gouverner.


J’ai regardé la soirée électorale. C’était comme un voyage dans le temps, pour moi.

Choc spatio-temporel

Plus précisément, c’était le spectacle d’un décalage spatio-temporel. Pendant que Jordan Bardella affirmait qu’il respecterait les institutions et serait le Premier ministre de tous, que sur les plateaux télé défilaient des élus RN qui portent cravate à l’Assemblée nationale et ont marché contre l’antisémitisme, en face d’eux, les représentants de la gauche et de la macronie chantaient avec les journalistes la ritournelle des années 80… On a pu voir Clémentine Autain (LFI) parler de Vichy à Julien Odoul (RN), réélu dans l’Yonne, alors que ce dernier n’avait que 2 ans au moment du « point de détail ».
C’est beau comme du Molière ! Et c’est toujours la même histoire. La France souffre d’une grave maladie : l’extrême droite, vous dis-je. Comme le pays est malade, il faut donc un cordon sanitaire pour isoler les électeurs contaminés. Pour le Premier ministre, Gabriel Attal, oublié le refus des extrêmes, il l’affirme désormais : « Pas une voix au RN ».
D’innombrables variations sur le Front républicain ont suivi. Il faut empêcher le pire de se produire. Pour éviter la peste brune, certains macronistes sont même prêts à favoriser des Insoumis présentables. Voyez-vous, contre Hitler, il a bien fallu hier s’allier avec Staline…

Cette rhétorique est-elle efficace ?

Tous ces antifascistes d’opérette devraient méditer la définition de la folie selon Einstein. Croire que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets…
Les électeurs se moquent avec constance des leçons de morale. Et ces leçons de morale font en réalité monter le vote RN depuis des années. Et si j’ai bien compté, 10 millions de citoyens au moins ont voté RN hier. C’est ce que voulait le président de la République : le peuple a parlé. Mais, comme malgré 15 jours de prêche, il n’a pas dit ce qu’il fallait, il faut promptement le faire taire ! Museler la démocratie pour la sauver: ce sera la ligne des grands médias qui sermonneront l’électeur toute la semaine – ils étaient déjà en mode mobilisation générale ce week-end. Les corps constitués et les artistes marcheront bien sûr en rangs serrés. Le Festival d’Avignon est entré en Résistance, hier soir. De son côté, la presse abuse d’un lyrisme à deux balles. « Faire front » (L’Humanité). « Le bloc après le choc » (Libération)…
Plus grave, hier soir, Aurore Bergé a affirmé que dimanche prochain, soit il y aura une majorité RN, soit pas de majorité pour personne. Les macronistes préfèrent la deuxième solution ! Ils sont prêts à ouvrir une crise de régime en bricolant une majorité négative pour empêcher le premier parti de France de gouverner. On aurait alors une réédition de 2005, quand les élites dominantes ont décidé que le peuple avait mal voté sur la constitution européenne, ne sachant pas ce qui était bon pour lui… Cette nouvelle manœuvre risque de nouveau de nourrir le même sentiment de dépossession démocratique.
Sauf que cette fois, le peuple pourrait déjouer le piège et adresser un grand bras d’honneur aux prêcheurs. Il arrive que le cave se rebiffe. Surtout qu’une fois de plus, les questions qu’il pose avec insistance sont disqualifiées car « nauséabondes ». Bien sûr, les thèmes de l’immigration ou de l’insécurité, il ne faudrait pas en parler, car ce sont des thèmes d’extrême droite. Comme disait Philippe Muray, le réel est reporté à une date ultérieure. Il finira par nous exploser au visage.

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Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale

Des castors et des hommes

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Jean-Luc Mélenchon prend la parole après les résultats du premier tour des élections législatives anticipées, Paris, 30 juin 2024. La coalition de gauche qu'il domine est arrivée en 2e position © ISA HARSIN/SIPA

Hier soir, peu après 20 heures, le leader du Nouveau Front populaire Jean-Luc Mélenchon a appelé au retrait de tous les candidats de gauche arrivés en 3e position, aux côtés d’une Rima Hassan arborant un provocant keffieh palestinien. Il s’est ensuite rendu place de la République, pour haranguer la foule de ses soutiens qui occupait les lieux.


Dimanche 30 mai, premier tour des législatives, 20 heures, les Français ont voté : plus de 2.6 millions de procurations et une participation à 66.7% traduisent l’implication citoyenne. Le Rassemblement national et ses alliés ont obtenu 33% des suffrages, le Nouveau Front populaire 28%, la majorité présidentielle 20%, les Républicains non ralliés à Eric Ciotti ont réuni 6,7 % des voix.

Pas un vote pour l’esstrême droite !

Voici donc le camp macroniste aux fraises ; c’est un moment unique : Emmanuel Macron, en dissolvant l’Assemblée nationale, a poussé les Français à sortir de leur torpeur. Débarrassés du mol édredon de la résignation, ils désavouent enfin la caste présidentielle, un peu mondialiste et carrément hors-sol. Toutefois, entre ceux qui souhaitent conserver une identité particulière française et les sectateurs de la compromission avec l’islamisme, la créolisation et l’égalitarisme arasant, le combat s’annonce rude. La bataille pour le second tour est déjà engagée et les grandes manœuvres commencent. Les adversaires du RN brandissent des lames émoussées. Les mousquets enrayés sont de sortie. On cite finement Lamennais : « Souvenez-vous des castors. Vous êtes dispersés sur les bords du fleuve : assemblez-vous, entendez-vous, et vous aurez bientôt opposé une digue inébranlable à ses eaux rapides et profondes ». Le sempiternel mot d’ordre est lancé : tout sauf l’esstrême droite. Sus à ceux qui menacent les valeurs de la République ! Tous les coups sont permis, toutes les alliances sordides encouragées.

Côté Nouveau Front populaire, les choses vont bon train. Jean-Luc Mélenchon flanqué de son égérie Lady Gaza (Rima Hassan) qui arborait un keffieh – on n’en est pas étonné – a aussitôt exhorté « toustes » à castoriser en vue d’un monde assurément meilleur. Le plastronnant gaillard, en Delmar de L’Éducation sentimentale, a, comme à son habitude, « empoigné » une parole qui n’en demandait pas tant, fait vrombir le verbe. Son préambule posé : « Après sept ans de maltraitance sociale, sept ans d’indifférence écologique sous l’autorité erratique du président et celle méprisante de la République, le pays a été mis tout soudain au défi d’une dissolution précipitée (…) » Le bateleur a alors pris le temps de saluer le Nouveau Front populaire, aussi vite monté et installé dans le paysage politique qu’une tente Quechua ou un hôpital de (mauvaise) fortune : « formé il y a trois semaines et en à peine vingt-quatre heure », avec « des candidatures communes dès le premier tour » et « un programme partagé ». Le tribun en a ensuite appelé à la mobilisation afin d’éviter au pays, confronté au RN, d’aggraver les « pires de ses divisions ». À savoir, « celles des inégalités sociales, celles des différences de religion, de couleurs de peau, d’origines sociales ou géographiques ». Face aux sept plaies d’Égypte, pas d’alternative, seule une solution s’impose au deuxième tour : « Pas une voix, pas un siège pour le RN. »

Les dernières audaces de Mélenchon

« Il s’agit de voter pour un autre futur respectueux de toute personne humaine et du vivant dans son ensemble. » La consigne est claire, simple : « Toute votre énergie pour que le NFP permette de réaliser l’union populaire, celle de la France elle-même. », « Prendre position », « s’engager », « convaincre autour de soi ». « Il y va de la France, il y va de la République, il y va de l’idée que nous nous faisons de la vie en commun » poursuit le drôle, balançant l’anaphore sur son auditoire comme autant de pavés sur les barricades. Avec le NFP, « une nouvelle France peut surgir, faite d’unité, de respect pour chacun et pour le vivant, partout, tout le temps » assure sans sourciller le tartuffe qui n’a de cesse de diviser la population et d’alimenter l’antisémitisme à des fins électoralistes.

L’allocution s’est poursuivie par une célébration de la fraternité et de l’unité qui s’est tenue Place de la République, à Paris.

Des  sympathisants du NFP y ont joyeusement scandé, au nom de la fraternité et du respect, on n’en doute pas une seconde : « Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi » et autre « Tout le monde déteste la police. » À Lyon, les mêmes thuriféraires du vivre-ensemble ont ravagé le centre-ville, dressé des barricades et tiré des mortiers.

Indubitablement, la démocratie est en marche. 

Trois auréoles germaniques

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Entourage du Maître des Volets de Strahov, La Mise au Tombeau, v. 1520-1530. © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Colmar, Besançon et Dijon présentent trois expositions sœurs dédiées à la peinture germanique, période et région méconnues en France. Regard sur trois chefs-d’œuvre. 


« Peintures germaniques », c’est-à-dire produites entre 1370 et 1550 dans cet espace compris entre l’Allemagne et l’Autriche actuelles, la Suisse du Nord et l’Alsace, à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, quand le Saint-Empire romain germanique existait encore. Cet art germanique est peu représenté en France puisqu’une campagne de recherche a identifié à peu près 500 tableaux sur tout le territoire, dispersés dans les plus grands musées et les plus humbles églises paroissiales.


Les trois expositions qui présentent cette moisson permettent d’apprécier cet art inventif, qui se libère peu à peu des canons du gothique international et réussit, entre retables publics (à la fonction et à l’usage intelligemment décrits) et tableaux de dévotion privée, à proposer aux fidèles catholiques – la grande majorité de tableaux présentés est religieuse – une vision originale et exaltée des évangiles et des vies des saints magnifiés par l’or généreux, la couleur omniprésente, les motifs somptueux, les costumes singuliers, les figures qui confinent à la caricature et les compositions savantes.

Sainte Ursule à Colmar

Ursule, princesse bretonne en pèlerinage, fut capturée par les Huns à Cologne et exécutée avec ses suivantes (qui n’étaient pas onze mille) puisqu’elle refusa d’épouser Uldin, fils de Balamber. On l’invoquait donc pour obtenir une bonne mort, un bon mariage et pour protéger des jeunes filles. Devant les remparts de la ville, on ramasse les corps des martyres, toutes auréolées. Les flèches, enfoncées jusqu’à l’empennage, les ont percées en pleine tête ou en plein cœur. Les vierges, toutes au visage pâle, serein et rond, jonchent le sol. Leurs auréoles d’or sont quasi matérielles : celle de la martyre la plus à droite projette son ombre sur le sol, toutes cachent ce qui est derrière elles, dissimulant les visages, s’étageant pour ne plus former, à gauche à mi-hauteur, qu’une série de vagues dorées stylisées, comme on en voit dans les enluminures. Plus loin, les superbes Sept dignitaires ecclésiastiques ne sont que six : le septième se résume à la pointe de sa mitre émergeant derrière l’auréole poinçonnée du personnage principal. Ce qui est fascinant, c’est l’apparition immédiate des auréoles, à peine le martyre consommé : dans le Retable de sainte Marguerite, les panneaux racontant l’histoire de la sainte ne dotent pas d’une auréole ceux de ses compagnons qui furent décapités avec elle. Mais au pied des remparts de Cologne, les Huns ont allumé une macabre féérie, onze mille lanternes luisant ensemble.

La récupération des corps des Onze Mille Vierges sur le champ de bataille, v. 1450. Fragment d’un retable.
© Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg.

La Vierge à Besançon

C’est une mise au tombeau tout en longueur : le tableau est la prédelle (partie basse) d’un retable. Le Christ, qui paraît moins mort que dolent, est couché sur un autel de pierre rose. Tous les personnages sont revêtus d’étoffes délicates, aux plis fluides, presque maniérés, aux tons acidulés, comme la manche moirée de Joseph d’Arimathie, à droite, qui alterne le jaune et le bleu. Les auréoles sont des disques parfaits qui se placent spontanément à l’arrière-plan des figures (saint Jean, de dos, n’est pas caché par son auréole) et tiennent à rester verticaux, sans se plier aux mouvements de leurs porteurs : la Vierge n’est pas centrée dans son auréole, qui est plus un écran accompagnant qu’un attribut solidement implanté sur la nuque. La Vierge, au visage et à l’auréole tout spécialement rayés par un iconoclaste (si les peintures germaniques sont rares, c’est qu’elles ont été très largement détruites par les protestants) : le restaurateur n’a pas voulu réparer l’outrage et les griffures un peu brunes, parallèles au corps du Christ, sont comme la trace du glaive de douleur que Syméon prophétisa à la Vierge.

Entourage du Maître des Volets de Strahov, La Mise au Tombeau, v. 1520-1530.
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Sainte Catherine d’Alexandrie à Dijon

À Chambon-sur-Voueize, sainte Catherine d’Alexandrie, dans une robe pourpre aux plis fondus, décorée de brocards appliqués dorés (motifs métalliques rapportés sur la peinture), attend que le bourreau lui tranche sa tête déjà discrètement auréolée : elle a déjà été longuement torturée après avoir triomphé de cinquante docteurs païens (que l’empereur Maximin fait brûler, pour leur apprendre), son exemple a entrainé la conversion de l’impératrice (que l’empereur Maximin fait alors exécuter avant de proposer la place à sainte Catherine), elle a une fois de plus refusé d’épouser Maximin, c’en est assez. Le bourreau est une manière d’élégant jouvenceau, qui n’est pas affublé comme souvent de vêtements outrageusement à la mode et d’une figure caricaturale : non, il paraît normal, on dirait même un noble de la cour, un dégénéré sadique. La manière qu’il a de relever la tête de la sainte pour bien contempler ce qu’il va détruire est saisissante. Il sourit avec satisfaction, sans rictus, de pure joie mauvaise. Mais la sainte regarde déjà ailleurs, au-delà du bourreau, les anges qui dans le ciel doré lui font signe qu’ils l’attendent…

Atelier de Hans Pleydenwurff, La Décollation d’une Vierge, v. 1465. 
Abbatiale de Chambon-sur-Voueize © Région Nouvelle-Aquitaine.

Maîtres et merveilles (1370-1530), jusqu’au 23 septembre. Dijon, musée des Beaux-Arts.
Couleurs, gloire et beauté (1420-1540), jusqu’au 23 septembre. Colmar, musée Unterlinden.
Made in Germany (1500-1550), jusqu’au 23 septembre. Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie.

Je servirai M. Bardella

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Jordan Bardella à Paris, hier © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

La vague bleue, redoutée par le camp progressiste, attendue dans la France entière à l’exception de Paris, a donc déferlé au premier tour. Souvent, le devoir de réserve des fonctionnaires n’aura pas été respecté. Les pétitions, rappels à l’ordre, sommation à bien voter n’ont servi à rien.


Chez les hauts fonctionnaires, cela fait un moment que l’on se gratte le cerveau sur l’attitude à adopter face à un gouvernement RN. La revue Acteurs publics nous apprenait à la mi-juin que les jeunes pousses étudiantes de l’Institut national du service public (INSP, ex-ENA) étaient confrontées à un terrible cas de conscience. Devraient-ils se mettre en retrait de la République dès leur sortie de l’école, se réfugier dans une administration non exposée au programme du RN et refuser, par exemple, de servir au ministère de l’Intérieur afin de ne pas avoir à mettre en œuvre « les mesures sécuritaires du RN » ?

Toutefois, ces affres n’affectent que leur hémisphère droit. Le programme du Nouveau Front Populaire, lui, ne les inquiète pas : « Certains élèves tiennent toutefois à préciser que les inquiétudes qui traversent actuellement la haute fonction publique concernent le seul programme politique du RN et non celui du Nouveau Front populaire », précise Bastien Scordia, l’auteur de l’article. Nous voilà rassurés. Ces futurs agents de l’État ont déjà intégré au plus profond de leur cortex le logiciel mitterrandien, vieux de plus de 40 ans, du cordon sanitaire contre la bêbête immonde. Des esprits libres, ces petits jeunes.

À ces fonctionnaires en herbe qui s’interrogent sur le sens de leur devoir, et à tous ceux de leurs aînés qui vont appeler à la résistance passive ou active dans les prochains jours, je voudrais rappeler quelques données élémentaires.

Servir un gouvernement que l’on n’aime pas : le quotidien du fonctionnaire

Seuls les supporters d’un régime totalitaire ont une chance de servir toute leur vie un gouvernement auquel ils adhèrent entièrement. Mais comme nous sommes en démocratie et, a priori, tous démocrates, les agents de l’État français sont condamnés à connaître l’inverse. Et pas seulement pendant 15 jours.

De 1958 à 1981, les fonctionnaires de gauche ont attendu 23 ans avant d’accueillir François Mitterrand à la tête de la Vᵉ République. Leurs collègues de droite ont dû endurer 14 années de règne de « Tonton » Mitterrand avant de voir Jacques Chirac arriver à son tour au pouvoir. Tous sont restés à leur poste. J’en ai fait de même durant toute ma carrière, moi qui ai passé mon temps à voter pour des listes qui dépassaient rarement les 5%. À chacun son problème, mais dans son for intérieur si cela ne vous dérange pas.

« Oui, mais le RN c’est différent… » Vous connaissez la suite, inutile de vous faire le sketch entier. Les esprits formatés par des années de matraquage médiatique devraient essayer d’imaginer l’effroi des fonctionnaires de l’État lors de la nomination de ministres communistes au gouvernement en 1981. L’Union soviétique pointait ses missiles vers la France mais le PCF soutenait le régime de Moscou sans état d’âme. L’Union de la gauche décidait dans la foulée de privatiser les banques et les grandes entreprises. Excusez du peu. C’était autre chose que les mesurettes prudentes du RN d’aujourd’hui. Pourtant, malgré ce tremblement de terre tous les agents de l’État sont restés à leur poste en 1981. Ils ont cherché à « faire de leur mieux » avec les ministres et les politiques que François Mitterrand leur donnait. Aucun n’a appelé à la résistance et encore moins au sabotage. Et la France a poursuivi son chemin.

Le service du peuple et rien d’autre

Moi-même, j’ai plus d’une fois serré les dents et mis un mouchoir sur mon opinion personnelle afin de défendre une ligne politique au rebours de ce que je croyais bon pour le pays. Je l’ai fait sans faillir pour une raison implacable : cette ligne politique émanait d’un gouvernement élu démocratiquement par le peuple français.

Car il est une évidence qu’il faut régulièrement rappeler. Pour qui travaillent les fonctionnaires ? Pas pour leur pomme, ni pour défendre une ligne politique. Les fonctionnaires ont pour mission de mettre en œuvre de manière efficace et intelligible les choix politiques du gouvernement issu du choix du peuple français. Refuser de servir ou, pire, appeler à la résistance, c’est refuser le choix du peuple et, par conséquent, refuser la démocratie. Nos jeunes turcs de l’INSR seraient-ils en réalité la menace contre la démocratie qu’ils croient déceler au RN ? Une petite introspection de ces esprits trop bridés serait salutaire.

Assister un gouvernement de néophytes : un rôle stratégique

Un gouvernement RN sera inévitablement un gouvernement de « bleus » avec une expérience limitée de l’exercice du pouvoir. Le rôle des hauts fonctionnaires n’en sera que plus important et plus gratifiant.

Des mesures dans le programme du RN pourraient conduire la France dans le mur ? Votre devoir sera d’agir pour éviter la sortie de route. Souligner la complexité des sujets, proposer des compromis intelligents, c’est ce que l’on attend des grands fonctionnaires. Ce sera l’heure des vrais serviteurs de l’État, des mandarins éclairés. Mais pour cela, il faudra être solidement à son poste et non en train de manifester de Bastille à Montparnasse contre le fascisme au pouvoir.

Si le RN arrive à Matignon, les Français auront besoin de vous. Non pour saboter la politique qu’ils appellent de leurs vœux, mais pour la mettre en œuvre de manière cohérente, utile et, naturellement, dans le respect du droit. Ce n’est donc pas le moment de se tromper de posture et d’époque.

Le conformisme affligeant des nouvelles pousses

Ce qui est le plus triste dans les propos des apprentis hauts fonctionnaires de l’INSR, c’est le conformisme de leur pensée. Que ces bêtes à concours censés doté d’un sens critique et d’une capacité d’analyse acquis au cours de leurs études, refusent de voir ce que tous les Français ont constaté depuis belle lurette – à savoir que le RN de Marine Le Pen/Jordan Bardella n’était plus le FN de Jean-Marie Le Pen – est consternant.  Qu’ils se croient obligés de répéter le discours rituel sur la montée des extrêmes, pardon de l’extrême, montre que le conformisme et la couardise s’épanouissent remarquablement bien dans la jeunesse. Absence de lucidité, refus du réel ou manque de courage, dans tous les cas, rien de glorieux pour ces futurs agents de l’État.

Tout aussi triste, la paralysie du côté gauche de leur sens critique qui les empêche de porter un regard objectif sur le programme du NFP. Il se sentent obligés de faire un distinguo entre le programme de droite, forcément un torchon de cuisine, et celui de gauche qui, quelles que soient les dingueries qu’il contient, est élevé au rang de serviette et accepté à table.

Mais rassurons-nous. Les esprits grégaires, conformistes ou pleutres ont un avantage. Ils ont la colonne vertébrale d’un mollusque. Il ne leur faudra pas longtemps pour actualiser leur discours quand ils comprendront qu’ils ne risquent rien à dire ce que tout le monde voit sur le RN, le NFP ou sur le Président lui-même. Et la France poursuivra son chemin.

10.5 millions de «fachos»?

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Paris, hier © UPI/Newscom/SIPA

Une majorité « fasciste » à l’Assemblée nationale ? C’est le grand retour de la tarte à la crème du « front républicain ». Pourtant, plus de citoyens français ont apporté leur suffrage à un candidat du RN hier qu’à Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle ! Une majorité absolue du parti de Jordan Bardella est possible, dimanche prochain, même si tout le reste de l’échiquier politique se ligue contre lui. À côté d’une partie importante de la jeunesse qui poursuit le rêve utopique d’un monde où les différences culturelles ne comptent pas, le RN apparait comme conscient de la menace islamiste et à l’écoute du peuple qui veut conserver son identité.


Les estimations des élections législatives du 30 juin 2024 sont tombées à 20 h. Des résultats sans grande surprise, en réalité. Face aux bons résultats confirmés du Rassemblement national (RN), on a pu souligner la bonne tenue du Nouveau Front populaire (NFP) qui témoigne de cette alliance réussie, électoralement s’entend, de la carpe muette d’une union de gauches renouvelée avec le lapin sorti du chapeau de Mélenchon, habillé pour la circonstance du keffieh de Rima Hassan qui séduit tant les banlieues islamisées… Les castors sont de retour, une fois de plus, avec l’espoir de faire barrage aux « fascistes » du RN. 

Les antifas violents inquiètent

Mais qui sont les « fachos» aujourd’hui  ? Qui a un discours de haine ? Qui veut censurer et empêcher une expression libre ? Qui refuse le débat démocratique ? Quand j’ai voulu réunir à Dresde, en Allemagne, les partisans et les adversaires de l’immigration, les partisans de PEGIDA, un mouvement qui se proclame ouvertement adversaire de l’islamisation et de l’immigration de masse en provenance des pays musulmans et les partisans de l’accueil illimité de réfugiés et l’ouverture des frontières à « la misère du monde », qui a refusé au premier abord une proposition de dialogue sans langue de bois ? Les fachos de Pegida ou leurs adversaires ?  

Finalement, ces dialogues ont eu lieu dans toute la ville, malgré les tentatives d’obstruction violente des antifas, malgré leurs lettres de dénonciation aux universités, aux églises, à la mairie, de cette invitation faite aux « fachos » et à leurs opposants d’une discussion libre et sans tabous. Le résultat fut stupéfiant :  une compréhension mutuelle acquise progressivement malgré des débuts houleux et même violents verbalement, une forme d’intelligence collective qui partant d’une appréhension d’une réalité complexe, permettait de chercher des solutions aux problèmes présents et futurs posés par cette arrivée en masse de vrais et de faux réfugiés. 

Perte de tous les repères et retour des hiérarchies

En fait, tous les repères idéologiques sont bousculés. La division politique traditionnelle entre la gauche et la droite risque de rendre invisibles les transformations culturelles et psychologiques des individus et, en particulier, de ceux qui appartiennent à la jeunesse des classes éduquées, vivant dans les métropoles urbaines. Plusieurs générations ont vécu après-coup le traumatisme de l’anéantissement des juifs d’Europe et en même temps la repentance de la colonisation. Les nazis établissaient une hiérarchie entre des races supérieures et des races inférieures. Les colonisateurs croyaient en la supériorité de la civilisation européenne sur les indigènes de l’Amérique et de l’Afrique. 

Les nouvelles générations de l’Occident, formatées par un enseignement qui condamne légitimement à la fois le génocide des juifs et les horreurs de la colonisation, ne veulent plus connaître de différences entre les êtres humains. Les Européens modernes, précisément ceux qui font partie des classes éduquées, poursuivent un rêve d’amour universel, un rêve d’un monde qui ne connaîtrait plus le racisme et la guerre. 

Ils plaquent sur la réalité d’aujourd’hui cette utopie d’une humanité réconciliée, unie et identique. Ce refus de voir les différences et les hiérarchies entre les êtres humains et leurs cultures est une réaction parfaitement compréhensible à un passé douloureux mais aboutit à un déni de réalité. Cette jeunesse occidentale, instruite et pacifiste, établit une équivalence entre clandestins et habitants légaux d’un pays, entre les genres, entre les sexualités, entre les générations, entre les cultures et les civilisations. Pour elle, il ne doit plus exister de hiérarchies et de différences. 

Ceux qui s’opposent à ces indistinctions, qui veulent que les frontières et les nations subsistent, ceux qui ouvertement déclarent que les cultures n’ont pas une valeur égale, que le voile, la polygamie, les mutilations sexuelles n’ont pas droit de cité sont des fascistes, des racistes, des héritiers du nazisme ou du pétainisme. On stigmatise des populations entières qui vivent dans la peur d’un lendemain qui serait appauvri et trop différent et on qualifie de populistes ceux qui prennent leur défense.

Le RN conscient de la menace islamiste, et à l’écoute du peuple qui veut conserver son identité

L’islamisme, nouveau totalitarisme, profite de ce déni de réalité et impose sous prétexte de tolérance et d’acceptation de la diversité ses propres valeurs et ses usages pourtant en contradiction totale avec les valeurs occidentales d’égalité et de droits humains. Aujourd’hui, l’islamisme est une extrême-droite antisémite, héritière du nazisme et des fascismes européens.

Il s’agit donc aujourd’hui de bien identifier ce nouveau totalitarisme et de ne pas se tromper de cible. Les collaborateurs et les « idiots utiles » de l’islamisme font entrer les loups dans la bergerie, en qualifiant les conservateurs populistes qui résistent à l’islamisme de politiciens d’extrême-droite. Même si dans les partis de ces conservateurs, il subsiste certainement des éléments anciens proches du fascisme ou en France du pétainisme, Trump et les conservateurs américains, Meloni, Gert Wilders, Netanyahou, Orban, Pegida et leurs équivalents dans toute l’Europe sont des conservateurs, des populistes qui ont entendu la voix des peuples qui résistent à ces changements de civilisation voulus par l’islam politique, lui-même allié à un antiracisme immigrationniste qui refuse aux Occidentaux le droit de préserver leur identité, différente de celle d’autres identités, et aux juifs la possibilité de rester une nation souveraine, de protéger leurs frontières et de résister à la volonté islamiste d’en faire les dhimmis d’une oumma sans limites. La lutte antifasciste aujourd’hui doit se mener contre toutes les tentations totalitaires et en particulier contre l’islamisme qui est une extrême-droite, xénophobe, autoritaire, antisémite et anti-occidentale, comme les fascismes qui l’ont précédé au cours du siècle précédent. Les islamistes et leurs compagnons de route gauchistes, indigénistes, exploitent la peur de l’extrême-droite européenne afin d’assurer le triomphe d’une idéologie mortifère et intolérante qui s’affuble du masque de la justice sociale et de l’antiracisme. 

La friche bouge

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L'actrice Judith Godrèche appelle à faire barrage au Rassemblement national, Paris, 27 juin 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Après la poussée du RN constatée dans les urnes le 30 juin, les résistants de bac à sable vont évidemment s’en donner à cœur joie durant l’entre-deux-tours…


Après la Bérézina des Européennes, le 30 juin, c’est Blücher. Pris en sandwich entre le Mamelouk Mélenchon et Kaiser Bardella, l’Empereur Emmanuel n’a plus beaucoup d’atouts. Pendant La Semaine sainte de l’entre-deux tours, les cloches déballent. Valérie Hayer a filé comme un bas, à Bruxelles, Gérald Darmanin déserte, François Bayrou se prend pour Louis XVIII, Gabriel Attal montre le bout de son Ney. Le Président ne peut se résoudre au vol noir des corbeaux sur nos plaines, aux cris sourds du pays qu’on enchaîne. Stratège émérite, lutteur infatigable, sur les ondes, sur la plage, au Touquet, à Zuydcoote, Dunkerque, Brégançon, dans le sang, les larmes, la sueur, la peur, il se débat.

La bataille de France

El Destishadok, ténébreux, veuf, inconsolé, prince d’Aquitaine, au détour de deux tours, abolit. Son assemblée est morte, son Attal consterné porte le Soleil noir de la Mélancolie. On ne fait pas d’Hamlet sans casser d’œufs. « Suis-je Brutus, Pyrrhus ? Jupiter ou Pignon ? L’affront est rouge encor au tréfonds de moi-même. J’ai échoué dans la grotte où sombre mon système… ». La ligne Imagine.haut du Grand Quartier Général Renaissance est enfoncée, l’armée du Centre cède à Sedan, La Route des Flandres coupée à Hénin-Beaumont. Les loups sont entrés dans Thoiry. Jonathan Guderian fonce vers Matignon.

Jupiter peaufine un appel du 8 juillet : « Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. J’ai dégoupillé la grenade de la dissolution pour clarifier. L’espérance doit-elle disparaître ? Non ! Foudroyés aujourd’hui par la force électorale, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force supérieure. Moi, Président Macron, j’invite les CEO, les start-ups, les traders, les Français, qui se trouvent à Luxembourg, New York, Genève, La Défense, avec ou sans états d’armes, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la phrase de la résistance française ne doit pas s’éteindre. Demain, comme aujourd’hui, comme hier, avant-hier et après-demain, je parlerai ». Dominique de Villepin, Alain Minc, Nagui et McKinsey ont relu le draft. Brigitte est inquiète… Le silence de la mère.

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L’exode a commencé. La Traversée de Paris est compliquée. Anne Hidalgo et Amélie Oudéa-Castéra ont coupé les grands axes, les ponts sur la Seine pour retarder l’ennemi. D’interminables files de Tesla, SUV hybrides quittent la rue Poliveau, la plaine Monceau, la place des Victoires, direction l’autoroute du Sud, Avignon, Saint-Trop, Collioure, la frontière espagnole. Les batteries tiendront-elles jusqu’à Teruel ? Pedro Sánchez a promis des avions, les brigades internationales, L’Espoir, Podemos !

Le Nouveau Front Populaire manque de munitions, de stratèges, de discipline. Comment faire de cette Fraternité, un combat ? François Ruffin, Alexis Corbière et Raquel Garrido ont été purgés : Pim-Pam-Poum. Clémentine Autain hésite entre les Bolcheviks et les Mencheviks. « Quand les blés sont sous la grêle ; Fou qui fait le délicat ; Fou qui songe à ses querelles ; Au cœur du commun combat » (Aragon). L’heure est à l’union. À Menton, on ne passe plus. Giorgia Melloni a bloqué le col du Grand-Saint-Bernard. Juliette Binoche veut rejoindre Théus. Les colonnes d’émigrés sont arrêtées Briançon. À Toulon, Cannes, Antibes, ils embarquent, fuient l’oppression, les matraquages, cherchent un refuge en Tunisie, un riad à Essaouira, l’asile dans la bande de Gaza. Rassurant, l’Ocean Viking croiseau large de Porquerolles.

Le dernier hélico présidentiel décollera du toit de l’Élysée le 7 juillet à 20H05 CET, direction Baden-Baden avec un refuelling à Varennes. Le Colonel Benalla (alias Capitaine Cognant) pilote l’exfiltration. Le destin d’En Marche est suspendu au Glock 17 du soldat d’élite. Il a les clés de l’Audi, du Touquet, de Brégançon, le téléphone de Mbappé : il sait tout ! D’un Château l’autre… Dans le Super Puma les places sont chères : Alexis Kohler, Bruno Roger-Petit, Stéphane Bern. Mimi Marchand a une énorme gourmette en or. Gabriel Attal refuse de partir sanssonchow-chow Volta. « Tous des cons Alexandre, sois zen et fort, c’est le patron qui décide ! ».

Paris fait de la résistance 

En Marche est un monde de limbes où la légende d’une fraternité invincible se mêle à l’improvisation. Dans un bunker perché tout en haut d’un ministère, des partisans, soutiens, combattants se font adouber en secret, à l’aube. Il est d’usage dans cette région du Bercy de s’assister en se tenant sur la tombe de sa propre famille. À la fin du cocktail, la nuit qui se retire comme la mer laisse paraître la Première dame, immobile, silencieuse, en petite robe noire.

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Dans la Cartoucherie de Vincennes, Arianne Mnouchkine a planqué des fourches, la mitraille, les grenades. En treillis Smalto, de la terrasse de l’Institut de Monde Arabe, Jack Lang –Sparadrap dans la résistance- électrise le peuple de gauche. Grâce aux mitrailleuses lourdes et réserves de falafels du restaurant Noura, ce nouveau Fort-Alamo peut tenir un siège de trois mois.  Sciences Po, La Sorbonne, les Beaux-Arts, ne lâchent rien : Sous le sable, les pavés ; Faites la Guerre pas l’amour. Guillaume Meurice a réintégré Free France Inter. Dans la clandestinité il remonte le moral des Français : Les carottes sont cuites ; L’hirondelle ne craint pas la traque ; Le cuisinier secoue les nouillesde Netanyahou…

La Province n’est pas en reste. Jean-Yves Le Drian de Pontcallec croit au réduit breton. À Saint-Marcel, Quiberon, La Trinité-sur-mer, au cœur des bastions ennemies, en Méhari Kaki, Kite surf, paddle, la résistance s’organise. Les mistouflets des brigades ZEN (Zado-Ecolo-Nudistes) sont redoutables dans le corps à corps, les bassines et le bocage. À Lyon, la Jeune garde de Raphaël Arnault fédère les fichiers S de la zone Sud. Ce soir, Bardella, les banques et les barbecues, connaîtront le prix du sang et des larmes.

Christiane Taubira poursuit le combat décolonial outre-mer. Avec Lilian Turham, Karim Benzema et Joey Starr, elle rallie Nouméa, après une escale à Mers el-Kébir, Dakar et Cayenne. Sanglé dans son élégante gabardine de cuir noir (modèle déposé Adolfo Ramirez-Pacte germano-soviétique), Jean-Luc d’Arabie aimerait rhamasser la mise. 

Un grand soleil d’été éclaire la colline

Il faut avant le deuxième tour forger les alliances, l’acier de la victoire. Infatigable, emballant, en scooter, François Hollande -alias Bison flûté– laboure le plateau de Millevaches, fédère les réseaux, l’Armée Secrète, le Conseil National de la Réjouissance. Le cap est clair, les ordres claquent : « Le rôle que je m’assigne, c’est de porter un discours de protection et de vigilance… c’est de trouver des solutions ». Dans chaque circonscription NFP, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe. Si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.

Un long cortège d’exaltation, d’ombres, de sans-dents, de figurants, de Passionaria, accompagne les chevaliers de l’espérance. Julie Gayet, Judith Godrèche, Rachida Dati, Anne Hidalgo, Annie Ernaux, toutes ces femmes de Courrège en lunettes noires, rubans en sautoir, ou nues comme les canuts, veillent la Résistance, portent le deuil de la France, tissent le linceul du vieux monde. Après le triomphe du Rassemblement national, après les heures sombres et nauséabondes, les trahisons, l’épuration, les coupes budgétaires, les déficits budgétaires, la justice reviendra sur ses pas triomphants. La Reconquête va commencer.  « El pueblo unido jamás será vencido ! ».

« Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre » (Aragon).