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Tour de France: et trois «premières fois» de plus!

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En remportant l’étape de lundi, Biniam Girmay est le premier Africain de couleur noire à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. La compétition s’est progressivement internationalisée. Petit historique.


Avec la victoire lundi dans la plus longue étape (231 km) de l’Érythréen Biniam Girmay, la prise ce même jour du maillot jaune par l’Équatorien Richard Carapaz, et sa perte dès le lendemain, cette 111ème édition du Tour restera certainement dans les annales comme celle des « premières fois » (relire mon précédent papier ici). Si la troisième est anecdotique, les deux premières sont, en revanche très symptomatiques. Elles confirment son universalisation.

Le Tour de France est à tout le monde

Dans le peloton de 176 coureurs qui s’est élancé samedi dernier de Florence en Italie, 27 nationalités y étaient représentées, cinq avec un seul compétiteur dont l’Érythrée, petit pays de la Corne de l’Afrique, sur la Mer rouge, mais grande puissance cycliste africaine, et l’Équateur, petit pays sud-américain sur la côte pacifique où le vélo est un sport très marginal, à la différence de son voisin, la Colombie.

Le plus gros contingent est toujours fourni par l’Europe et plus particulièrement par les pays à tradition vélocipédique, France en tête avec 32, suivie de la Belgique 28, de l’Espagne 15 dont six Basques, et des Pays Bas 14. En revanche, l’Italie et le Portugal qui faisaient il n’y a pas encore longtemps partie de ce club de grands pédaleurs sont réduits à la portion congrue avec respectivement 8 et 3 coureurs (voir encadré en fin d’article).

L’Asie y est absente. Ce ne fut pas le cas dans un passé récent. En 2014, un Chinois, Ji Cheng prit le départ et le termina « lanterne rouge », à savoir dernier du général. Il courut aussi dans sa brève carrière européenne deux Giro et une Vuelta qu’il termina encore bon dernier. Deux Japonais s’alignèrent aussi sur le Tour, Fumiyuki Peppu, une seule fois en 2009, et Yukiya Arashiro, lui qui y participa sept fois, de cette année-là à 2016.

Cette universalisation a été amorcée en 1975 avec la première participation d’un Colombien, Martin Emilio Rodriguez, dit Cochise. Il le termina à la 26ème place. Mais la grande vague de participants non européens se produira dans les années 80. Les Colombiens, qu’on surnomma les scarabées en raison de leur qualité de grimpeurs, arrivèrent dans la roue de Lucho Herrera, dit El Jardinero (le jardinier, son métier) qui remporta deux titres de meilleur grimpeur, fit trois tops dix en trois participations dont une 5ème place en 87. Et en 2019, Egan Bernal sera le premier de ses compatriotes à gagner la Grande boucle. Les Américains, eux, débarqueront dans les bagages de Greg LeMond qui monta sur la première marche du podium à deux reprises, en 86 et 89.

Plus tard un de ses compatriotes, Lance Armstrong, gagnera à sept reprises, un record. Jusqu’alors, le plus grand nombre de victoires était de cinq, partagées par Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain (le seul à les avoir consécutives).  Armstrong sera déclassé, après avoir avoué s’être dopé à l’EPO. Une énigme demeure à ce sujet : comment a-t-il pu déjouer les contrôles en principe très stricts ?

C’est nous les Africains, qui revenons de loin

Par la suite, fin des années 90 début 2000, arriveront les Australiens puis les Sud-africains. Bien que premier Érythréen à gagner une étape, en devançant tous les cadors du sprint, Girmay n’est pas cependant le premier Africain à en inscrire une à son palmarès. Deux Sud-africains l’ont devancé, Daryl Impey en 2019 et Robert Hunter en 2007. Mais à la différence de lui, eux étaient des blancs, des Afrikaners. Lui est donc le premier Africain noir à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. Il y a aussi le cas particulier Chris Froome, quatre fois vainqueur. Bien que de nationalité britannique, il est né au Kenya et a résidé une grande partie de sa vie en Afrique du Sud. Dès lors, il peut être considéré comme Africain.

La victoire au sprint de Grimay, 24 ans, 1,84 m pour 70kg, vainqueur en 2022 de la semi-classique belge, Gand-Wevelgen, est une sorte de pied-de-nez à l’histoire : il a gagné une étape du Tour de France… en Italie, l’ancien pays colonisateur du sien, et le cyclisme qu’y est le sport roi est un héritage du fascisme. Indépendante de l’Éthiopie depuis 1993, au prix d’une guerre de 30 ans, l’Érythrée cumule en particulier les titres de champion d’Afrique sur route (sept fois chez les hommes, deux fois chez les femmes).  Pays à régime de parti unique, vaguement communisant, ayant à sa tête le même président depuis l’indépendance, soit depuis deux décennies, Isaias Afwerki, ingénieur de formation, l’Érythrée a été mise au ban de ce qu’on appelle sans qu’on en définisse ses contours « la communauté internationale » par les pays occidentaux : son principal lien avec eux se résume grosso modo au cyclisme.

Quant à Richard Carapaz, 31 ans, morphologie du grimpeur, 1,70 m pour 62 kg, il vient lui aussi d’un petit pays de 18 millions d’habitants, à la géographie volcanique, en proie à une instabilité politique chronique, dont la principale ressource est la banane et qui a adopté le dollar américain comme devise nationale. La pratique du cyclisme y est une incongruité. Cela ne l’a empêché de gagner un Giro et de décrocher en 2020 la médaille d’or sur route aux JO de Tokyo. Depuis, il roule sur un vélo doré. Le maillot jaune qu’il avait revêtu à Turin, il en a été dépouillé le lendemain même par le grand favori, Tadej Pogacar, qui s’est imposé avec insolence et aisance mardi sur les pentes du col du Galibier.

C’est encore une des « premières fois » de cette édition : la valse de la tunique jaune. En quatre jours, elle a changé quatre fois d’épaule, en fait deux puisque Pogacar l’a enfilée à deux reprises, à l’issue de la seconde étape et de la quatrième. Jusqu’alors, le moins longtemps qu’elle a été portée a été de deux jours. Mais la porter ne serait-ce qu’un jour est un rêve inaccessible pour la grande majorité des coureurs…

Par ailleurs, une étape de montagne avec le Galibier au menu, après seulement quatre étapes de plat, suivi d’une longue séquence de plat jusqu’aux Pyrénées qui seront attaquées le 14 juillet, est aussi une singularité de ce Tour. Est-ce que le Tour s’est joué sur le dernier kilomètre de cette montée au col du Galibier où Pogacar a pris 7 secondes sur son rival Wingegaard, et qui se sont traduites à l’arrivée au bas de la descente par un débours de 50 secondes ? Si c’est le cas, ce col culminant à 2642 m, le plus haut qu’auront à franchir les coureurs, s’inscrira lui aussi dans le registre des « premières fois »…

Le contre-la-montre vendredi, de 25,3 km, le dira peut-être en mettant les pendules à l’heure. L’an dernier Wingegaard, le Modeste, avait explosé Pogacar, le Flamboyant. Ce dernier a certes pris un ascendant dans le Galibier mais n’a pas écrasé le Tour. Aléas et péripéties désignent souvent le vainqueur final…

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Zoom sur le nombre de coureurs par nation
France : 32 ;
Belgique : 28 ;
Espagne : 15 (dont 6 Basques !) ;
Pays Bas : 14 ;
Grande Bretagne : 11 ;
Allemagne, Danemark, Italie : 8 ;
Norvège 7 ;
Australie : 6 ;
Colombie : 4 ;
Autriche, Canada, Etats unis, Irlande, Kazakhstan, Lettonie, Luxembourg, Suisse : 2 ;
Equateur, Erythrée, Pologne, République Tchèque, Russie : 1.
La moyenne d’âge est de 29 ans et 3 mois.
Le cadet est le Norvégien Johannes Kulset, 20 ans et 2 mois, le vétéran Jacob Fuglsang, 39 ans et 3 mois.
L’équipe la plus jeune, Lotto Dstny a une moyenne d’âge de ses coureurs de 26 ans, mais est la plus ancienne en tant qu’équipe, fondée en 1985.
L’équipe la plus âgée en âge moyen de ses coureurs est l’autralienne Jayco AlUla, 31 ans, mais 12 ans d’existence en tant qu’équipe seulement, fondée en 2012 • RU

Napoléon, notre contemporain?

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Tour d’horizon sur les ouvrages récents consacrés à l’Empereur


Le Premier Empire, décidément, n’a pas de frontières naturelles : dans son captivant ouvrage « Sur les bords de la Seine », Histoire et secrets du tombeau de Napoléon (Perrin, 2023), Thierry Lentz nous rappelle que le 16 mars 1995, Fidel Castro, très féru d’histoire napoléonienne et fervent admirateur de l’Empereur, se rend aux Invalides, vêtu en treillis, dans le cadre de sa visite d’Etat, « pour un moment de recueillement devant le sarcophage de quartzite rouge ». En 2024, la capitale cubaine s’enorgueillit toujours de posséder son modeste Museo Napoleonico.

Singulière histoire : en 1961, la Révolution castriste s’empare de la collection de souvenirs accumulée par Julio Lobo (1898-1983), financier immensément riche, alors considéré comme le plus gros propriétaire sucrier au monde, qui vient de s’exiler sans donner suite à la proposition de Che Guevara de prendre la direction de l’industrie sucrière, évidemment nationalisée. Ladite collection trouve dès lors un abri dans la villa néo-Renaissance construite en 1927, dans le quartier alors opulent du Vedado, par les architectes Evelio Govantes et Felix Cabarrocas pour l’avocat, journaliste et entrepreneur cubain d’origine napolitaine Orestes Ferrara (1876-1972), lequel fuira également le régime castriste dès 1961, pour terminer sa (très longue) vie dans son Italie natale. 

La rue pentue où s’ouvre le petit portail de la vénérable demeure jouxte la façade néo-classique de la monumentale et superbe Université de La Havane. La collection rassemble mobilier, peintures, bronzes, porcelaines, objets personnels de Napoléon ou du clan Bonaparte. Ni guide, ni catalogue (nous sommes à Cuba) !  Et pas un chat, curieusement, dans ce discret sanctuaire agrémenté d’un joli jardin – « immersion », comme on dit aujourd’hui, dans une demeure de la haute bourgeoisie, au pouvoir d’évocation sans pareil : La Havane, ultime terre d’exil insulaire post mortem pour l’Empereur, sous l’ombrelle du castrisme agonisant, voilà qui ne manque pas de piquant.


Directeur de la Fondation Napoléon et auteur d’une quarantaine d’ouvrages consacrés au Premier Empire (mais aussi au Second), Thierry Lentz n’a pas son pareil pour nourrir, avec autant d’humour que d’érudition et d’élégance stylistique, la réflexion sur le personnage et sa légende, le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit l’aventure napoléonienne, les figures historiques qui en jalonnent les développements. A l’avant-poste de ces recherches, les éditions Perrin multiplient les parutions où se croisent les regards portés sur une époque qui passionne encore et toujours : « Depuis 1821, deux livres en moyenne ont été publiés chaque jour sur Napoléon et le Premier Empire », observe l’historien dans son introduction au Mémorial de Sainte-Hélène, le manuscrit retrouvé, sorti en librairie le 20 juin, en poche, dans la collection Tempus – près de 1000 pages, tout de même ! Car la version du Mémorial telle que publiée en 1823 par Emmanuel Las Cases enrichit, et enjolive pas mal le texte original de cet apôtre, fidèle entre les fidèles, et qui survivra à son mentor jusqu’en 1842. Rappelons au passage que, sur les soixante-dix-huit mois que dura l’exil de l’empereur, le mémorialiste, expulsé de la prison insulaire par son garde-chiourme paranoïaque Hudson Lowe dès le 31 décembre 1816, n’en aura jamais passé que quatorze ! À son départ, le précieux bréviaire lui est confisqué par les Anglais. Parfaitement francophones s’il faut en croire leur graphie et leur orthographe scrupuleuses, les scribes qui, outre-Manche, s’attèlent à recopier alors le précieux manuscrit (si vous l’avez, prévenez-nous) ont sans doute commis, à la marge, quelques erreurs ou oublis. Toujours est-il que cette copie sommeillait depuis deux siècles à la British Library : les fantômes ont la vie longue.

A lire aussi, du même auteur: Napoléon superstar

Cette réapparition tient du miracle. Comme quoi l’Histoire est une matière vivante. Au reste qui dira qu’il faut nécessairement que la pertinence critique ait le poids d’un pavé ? La merveilleuse réfutation du principe du ballonnement tient dans l’exigence de densité sans cuistrerie qui sous-tend la prose toujours acérée d’un Thierry Lentz, dont on vous recommande de lire toutes affaires cessantes, en parallèle, les deux fulgurantes mises au point qui ont pour titre Napoléon et Pour Napoléon (dans la collection Tempus), textes de haute tenue qui pulvérisent toutes les idées reçues sur celui qui reste, quoiqu’on y fasse, notre gloire nationale.

Toujours sous les auspices de Perrin, mentionnons la réédition de cet incunable de la vulgarisation historique que sont les Bonaparte et Napoléon, coup double de feu André Castelot (1911-2004). Scribomane compulsif, conteur hors pair qui est en quelque sorte à l’Histoire ce que le concierge est à l’immeuble, Castelot aura tout de même travaillé vingt ans durant à son grand-œuvre, publié à bon escient en 1967 dans la perspective du bicentenaire de la naissance de l’enfant corse : mémorable entreprise qui prend corps aujourd’hui dans ces deux volumes (1312 pages au total !) agrémentés de portfolios d’illustrations en couleur – viatique plus reposant pour l’esprit qu’un devoir de vacances.    

À ce tour qui n’épuise aucun horizon possible, ajoutons, transvasés cette année de Perrin dans la Table ronde, deux petits récits signés Michel Bernard, Hiver 1812Retraite de Russie (à juste titre récompensé en 2023 par un Prix du Jury de la Fondation Napoléon), et Hiver 1814 – Campagne de France, dans lesquels le souci de véracité factuelle n’interdit pas l’inspiration littéraire.

Car il est clair que nulle part comme chez aucun autre personnage historique, la réalité se fond dans la légende, le mythe s’adossant en retour aux circonstances épiques d’un destin qu’on ne se lasse pas de raconter sous tous les angles, et de mille façons. Votre serviteur vous a déjà parlé, dans le Causeur de juin, de ce Napoléon tel que revu et corrigé par le cinéaste Abel Gance, un film lui-même mythique, et dont l’ouvrage collectif Napoléon vu par Abel Gance, retrace la genèse et les infortunes, puis la laborieuse et splendide reconstruction, par les soins de la Cinémathèque française. Le « Petit caporal » n’en finit pas de renaître de ses cendres, tisonné par une fascination véritablement inépuisable pour cette flambée – quinze années à peine ! Comme l’écrit de son côté Charles-Eloi Vial, en conclusion de sa passionnante Histoire des Cent-Jours (Perrin, 2021) : « il ne faut pourtant jamais douter de la versatilité des hommes, de la fragilité des empires ni de l’ambition des rois, qui appartiennent au passé autant qu’à l’avenir» : Napoléon, notre contemporain ?


A voir: Museo Napoleonico. Calle San Miguel 1159. Vedado. La Havane, Cuba.


A lire :

« Sur Les bords de la Seine… » Histoire et secrets du tombeau de Napoléon, de Thierry Lentz. Perrin, 2023

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Pour Napoléon, de Thierry Lentz. Coll. Tempus. Perrin, 2024

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Bonaparte/ Napoléon, d’André Castelot. 2 volumes. Perrin, 2024

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Hiver 1812, Retraite de Russie/ Hiver 1814, Campagne de France, par Michel Bernard. 2 volumes. Coll. La Petite vermillon. La Table Ronde, 2024

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Napoléon vu par Abel Gance (300 illustrations). Collectif. Coédition La Table Ronde/ La Cinémathèque française, 2024.

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Mémoires de Napoléon, tome 3. L’Ile d’Elbe et les 100 jours. Préface de Thierry Lentz. Coll. Texto, Tallandier, 2024.

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A consulter :

Fondation Napoléon, 7 rue Geoffroy Saint-Hilaire 75005 Paris. https://fondationnapoleon.org  

En 2024 : mise en ligne gratuite de plus de 40 000 lettres de la Correspondance de Napoléon, sur napoleonica.org. 

La Macronie: sauver sa vie ou être digne

Le macronisme se trouve à un tournant critique. Il semble même préférer une Chambre introuvable, que de laisser Jordan Bardella entrer à Matignon. Mise à jour: la majorité présidentielle se désiste dans plus de 80 circonscriptions pour faire barrage au RN.


On s’est beaucoup gaussé d’Aurore Bergé qui, le 30 juin au soir, contredisant le président de la République et le Premier ministre, souhaitait que se maintiennent, pour le second tour, les candidats d’Ensemble. Ceux qui le pouvaient… Et, pourtant, si cela avait été la seule attitude convenable ?

Avant d’appréhender les surprenants détours du macronisme, rêvons une seconde d’un monde idéal en politique. Et sans éprouver une fois de plus le besoin d’en référer à Charles de Gaulle. Avec Emmanuel Macron, nous sommes présidés par un homme qui a été désavoué trois fois par le peuple après sa réélection (acquise à la suite d’une campagne minimaliste, de son fait) : une majorité relative aux dernières élections législatives en 2022 alors qu’il l’espérait absolue, une défaite cinglante de son camp aux élections européennes et un premier tour dévastateur pour sa cause au premier tour des élections législatives 2024. Trois camouflets, dont les deux derniers ont signé sa faillite personnelle après une dissolution délirante qui a placé le RN en position de domination. Par sa faiblesse, la politique du président a favorisé le RN en prétendant le combattre. Face au constat d’un lien durablement rompu avec le peuple, Emmanuel Macron pourrait en tirer une conclusion : sa démission. Mais il ne le fera pas et préférera le 8 juillet s’accommoder d’une assemblée ingouvernable, contraignant, au mieux, à des alliances improbables. Y compris, si on suit l’ambiguïté des interventions des deux têtes du pouvoir, Emmanuel Macron et Gabriel Attal le 30 juin, avec un Nouveau Front Populaire sous l’emprise de Jean-Luc Mélenchon, même pas futur Premier ministre. Au moins, sur ce plan, Édouard Philippe, Bruno Le Maire et d’autres rétifs, excluant le vote LFI au second tour, font le bon choix.

Le détestable ou le préférable

Qu’on ne croit pas que j’abandonne la droite à sa condition réduite. J’éprouvais des angoisses à l’idée qu’un bureau politique LR se réunissait le 1ᵉʳ juillet pour déterminer la position pour le second tour du 7 juillet. Le courage intellectuel et démocratique serait-il au rendez-vous et les François-Xavier Bellamy seraient-ils en nombre ? Heureusement, aucune consigne nationale n’a été donnée, l’extrême gauche est un danger et l’extrême droite aussi, mais moindre. Comme Raymond Aron l’avait précisé, la politique n’a pas à arbitrer « entre le bien et le mal mais entre le détestable ou le préférable ». Cette alternative offre une réponse limpide aujourd’hui.

A lire aussi : Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

Pour en revenir à la macronie qui clairement a choisi de sauver sa peau plutôt qu’être digne, je vais parler net. Si la joute législative se résumait à une lutte personnelle entre les personnalités et les parcours de Jean-Luc Mélenchon et de Jordan Bardella, nul doute que ma sympathie irait vers le plus jeune, l’autre ayant fait tout ce qu’il fallait pour se faire détester de tous, et d’abord au sein de la secte sur laquelle pèse son emprise. Car la bataille s’engage bien entre Bardella et Mélenchon et il est lamentable que pour contrer le RN, les macronistes fassent « le choix du NFP ». Comment la macronie pourra-t-elle justifier un tel reniement de ses valeurs, qu’elle ne cesse pourtant d’afficher, ajoutant à chaque fois pour faire bonne mesure, « de la République » ? Ces valeurs, dont le discours de Gabriel Attal a égrainé l’existence tel un mantra, sont-elles à ce point respectées par LFI, avec son antisémitisme, sa haine de la police (« la police tue »), son désordre et sa vulgarité parlementaires délibérées, certaines de ses personnalités déshonorant la démocratie, qu’on puisse ainsi d’initiative souhaiter une collusion avec ce groupe ? Imagine-t-on des candidats d’Ensemble permettre, sans frémir, la victoire de quelques LFI sans honneur qui seraient légitimement battus sans leur aide ? Est-il normal que, pour lui complaire, Gabriel Attal annonce la suspension de la réforme de l’assurance chômage qu’encore ces dernières semaines on qualifiait d’absolument nécessaire ? Est-il décent que pas une seconde, une vague conscience républicaine ne s’éveille chez ces professionnels blasés de la politique seulement préoccupés de troubler la transparence électorale en entravant les conséquences de la première étape législative ?

Tout (et n’importe quoi) face au RN

Surtout, qu’on vienne nous expliquer, au lieu de ressasser « les valeurs de la République » contre le RN, alors que beaucoup reconnaissent avec bonne foi qu’il a changé, pourquoi il conviendrait que nous acceptions cette alliance contre-nature entre une macronie molle et une extrême gauche qui refuse les exigences d’un peuple attaché à la sécurité, à la Justice, à l’autorité et aux forces de l’ordre. Extrême gauche dont le projet régalien se résume à combattre les seules violences policières…

Comme tant d’autres, je suis lassé par la pauvreté politique qu’on oppose à un RN lui-même pauvre dans tant de secteurs, en croyant le noyer sous un opprobre moral, faute d’une argumentation technique convaincante. Pour nous dissuader d’être tenté par un RN allié à Éric Ciotti dans les domaines qui sont son fort (immigration et sécurité), il faudrait davantage que la perte de toute dignité pour sauver la peau d’un président dépassé et maintenu à flot par un Premier ministre vaillant, actif, mais qui n’ose pas aller contre le « partisan correct ».

A lire aussi : La droite va-t-elle continuer d’affluer vers Bardella durant l’entre-deux-tours?

Le pire est que cette lâcheté et cette ignominie – là, on pourrait évoquer la violation des « valeurs de la République » ! – vont ouvrir un immense boulevard pour l’adversaire. Qui pourrait vraiment hésiter entre Jordan Bardella et un couple formé par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ? On fait tout pour permettre à Jordan Bardella de faire un brouillon durant deux ans. En faisant le pari que Marine Le Pen ne pourra pas le mettre au propre ! Un pari de plus ?

Le macronisme n’est même pas un humanisme.

Un touriste au Touquet

La positive attitude


C’était dimanche, un dimanche de désastre pour l’homme de l’Élysée. Les gens votaient et ils votaient mal. Lui, qui se déclarait voilà peu le rempart contre ce qui était en train de sortir des urnes se voyait contraint de manger son chapeau. Dimanche très sombre donc pour lui et son camp.

Voilà bien qu’il s’était rendu au Touquet pour voter. Anticipant sur ses préférences du second tour, allez savoir si, nanti d’une intelligence si aiguisée et tellement prédictive, il n’allait pas d’ores et déjà glisser dans l’urne un bulletin NFP-LFI. Il aurait eu une excuse, le désarroi. Lui qui mettait en garde, le dimanche précédent, contre l’imminence du chaos, qui voyait se profiler le pire du pire.

C’est donc, tout logiquement, un homme effondré, un président démonétisé, un chef désavoué, un thaumaturge à la dérive qui, après avoir effectué son devoir de citoyen, s’en est retourné dans le cocon du nid familial, là où il savait pouvoir trouver une once de compréhension, une bienveillance consolatrice, un peu de douceur. Volets tirés, probablement, pour, symboliquement, se protéger de la rumeur qui, d’heure en heure, montait du pays. Volets clos aussi pour ne pas avoir à poser les yeux sur le spectacle, cruel pour lui, mais anodin pour quiconque, auquel les touristes dominicaux du Touquet pouvaient assister. Un homme, détendu, parfaite illustration de la cool attitude, étranger aux enjeux du jour, étranger à tout finalement, blouson type perfecto, jean, baskets aux pieds, casquette sur la tête, déambulant ici et là. L’image même d’une juvénilité prolongée. L’insouciance gaie, l’hédonisme du dimanche tel qu’en lui-même. L’heureux mortel que rien ne peut atteindre ni troubler, planqué qu’il est derrière ses Ray-ban, main dans la main avec sa compagne tout aussi cool, flanqué de quelques garçons eux aussi en tenue de RTT et que, pour un peu, on prendrait pour une sorte de garde rapprochée.

Fort heureusement, prostré derrière les volets clos de son refuge de souffrance, l’homme de l’Élysée échappa à ce spectacle. Sinon, qui pourrait dire combien il aurait aimé pouvoir se permettre d’être ce gars-là, ce touriste débonnaire et souriant, à mille lieues de la réalité du moment ? Combien il aurait goûté pouvoir s’offrir ce luxe, n’être plus un chef vaincu, un meneur à la ramasse, mais juste un gars à casquette et lunettes façon Top gun insensible à tout. Ah oui, comme il aurait aimé pouvoir se permettre cet abandon à la futilité en ce dimanche de Bérézina ! Mais il ne le pouvait. Un reste de dignité, comprenez-vous, le sens profond du devoir, la conscience de la gravité de l’enjeu. Ces qualités et vertus que, en toute circonstance, un président de la République se doit d’observer et de montrer. De nouveau, dimanche prochain, volets clos au Touquet ? De nouveau, un touriste en vadrouille ? Mais casquette à l’envers, cette fois, pour faire davantage d’jeune LFIste peut-être bien…

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La Vᵉ République au cimetière

Ni droite ni gauche. En même temps. Emmanuel Macron pensait incarner le nouveau monde. Il était en fait le fossoyeur de nos institutions.


Depuis le 9 juin, une petite musique circule : en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron inscrirait ses pas dans ceux de de Gaulle. Le président jupitérien, l’apôtre de la verticalité renouerait avec la tradition gaullienne de l’appel au peuple, qui a conduit le père de la V République à quitter le pouvoir à la suite du référendum perdu de 1969.

Démission dans la balance

Évidemment, c’était là méconnaître l’ADN de nos institutions. D’abord parce qu’à chaque retour aux urnes, de Gaulle mettait sa démission dans la balance. Ce qu’Emmanuel Macron s’est empressé de ne pas faire, annonçant qu’il resterait à l’Élysée en cas de défaite, quitte à cohabiter. Ensuite parce que ces législatives anticipées prenaient la forme d’une séance de rattrapage : puisque les Français ont « mal » voté aux européennes, plaçant le RN en tête, libre à eux de confirmer – ou plutôt d’infirmer – leur choix. Après une campagne éclair, placée sous l’égide des « heures les plus sombres de l’Histoire ». On imagine mal de Gaulle bricoler des élections pour mieux braquer son pistolet moral sur ses concitoyens.

A lire aussi : La revanche de la France périphérique

Mais c’est encore dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Et dès le soir du premier tour, l’air composé un certain 21 avril 2002 s’est intensifié. Sur tous les plateaux télé, même refrain : « Pas une voix au RN ! ». Leitmotiv d’une classe politique qui s’est donné le mot – tout en s’étonnant de la défiance croissante du peuple envers ses élites. Dans le registre des petites phrases, difficile de ne pas offrir la palme à Olivier Faure, le patron du PS affirmant qu’une victoire du RN entraînerait « le tri des enfants »dès leur plus jeune âge. On n’est pas loin des outrances de Silvio Berlusconi, disant des communistes qu’ils faisaient « bouillir des enfants afin de les utiliser comme engrais » du temps de Mao. Mais le pire dépasse ces sorties tapageuses et pas très constructives. Par le passé, le barrage anti-RN – le fameux front républicain – visait à enrayer la montée de l’extrême droite, à mettre sous l’éteignoir le parti de Marine Le Pen. Aujourd’hui, tel n’est pas l’enjeu. Le RN étant la seule formation susceptible d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée, tout faire pour l’en priver signifie, de facto, favoriser un Parlement bloqué, tributaire de coalitions contre-nature et d’arrangements d’appareil. Les porte-paroles de la Macronie l’ont d’ailleurs esquissé, rêvant d’une « majorité responsable autour de l’arc central et républicain », pour reprendre les mots de Nicole Belloubet. En clair, un rassemblement hétéroclite de tous ceux – des Insoumis non-Mélenchoniens (si la chose existe) aux Républicains Macron-compatibles, en passant par les écologistes ou les communistes – qui aspirent au statu quo. Même si les Français n’en veulent plus. Et quitte à pactiser au mépris de la plus infime cohérence. À moins d’imaginer Aurélien Pradié s’attabler avec Sandrine Rousseau.

Bordélisation générale

Au fond, Emmanuel Macron a réussi un tour de force, énième déclinaison du « en même temps ». Lui le Jupitérien entraîne le pays vers un régime d’assemblée digne de la IVᵉ République, mise en pratique de la tactique de « bordélisation » prônée par LFI. Une France ingouvernable, soumise aux stratégies « politichiennes », comme disait de Gaulle.

A lire aussi : Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

Il y a sept ans, de nombreux citoyens pensaient qu’Emmanuel Macron incarnait le nouveau monde. Il restaure au contraire l’ancien, qui avait conduit la France vers le pire. Le gardien des institutions en est devenu le fossoyeur.

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On marche sur la tête: La France, l'UE et les mensonges

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Les instances inquisitoriales de l’Arcom promettent le bûcher à Cyril Hanouna (et à quelques autres)

L’émission de Cyril Hanouna sur Europe 1, “On marche sur la tête”, a été mise en demeure par le régulateur audiovisuel pour manque de « mesure » et « d’honnêteté ». L’animateur rigolo dénonce « un acharnement contre [sa] personne au niveau de l’Arcom », part en vacances et est remplacé par Eliot Deval à 18 heures.


Le 25 juin dernier, l’Arcom a officiellement envoyé une mise en garde à Sud Radio au sujet de  l’émission « Bercoff dans tous ses états » diffusée le 7 décembre 2023. Cette émission était consacrée à la COP 28 et l’invité en était le physicien François Gervais[1]. Raison de ce rappel à l’ordre ? Attention, tenez-vous bien : l’Arcom « a relevé que plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction. » Dans quel système politique vivons-nous ? La question mérite d’être posée s’il est avéré qu’il n’est plus possible, même pour un physicien de renom, d’interroger les données scientifiques qui ont abouti à ce qu’il faut bien appeler un dogme climatique, celui du GIEC, organisme techno-bureaucratique et quasi-religieux régi par les pays membres de l’ONU ayant intérêt, pour des raisons diverses et parfois contradictoires, à conforter le récit d’un « dérèglement climatique dû à l’activité humaine ». Le GIEC est devenu le Saint des saints de l’écologie politique. Sa parole ne saurait être remise en cause. En France, les hérétiques sont poursuivis par un organisme de surveillance médiatique supposément indépendant dont l’existence même, dans un pays qui se dit démocratique, est problématique. En plus de participer au contrôle permanent de la population, des médias audiovisuels, de la presse, etc., certaines autorités administratives ou politiques dites indépendantes – l’Arcom, mais aussi la CNIL, le Défenseur des droits, le Conseil supérieur de l’AFP, etc. – ne semblent avoir été créées que pour permettre à la République monarchique de recaser une partie de la noblesse d’État en lui attribuant des postes très rémunérateurs, agrémentés de multiples droits et de nombreux privilèges, soit en remerciement de services rendus, soit dans l’espoir d’un retour sur investissement sous la forme d’une totale soumission.  

En règle générale, Radio France n’a pas grand-chose à craindre de l’Arcom. Concernant le sujet du climat, sa charte environnementale intitulée “Le Tournant” ne laisse planer aucun doute sur son allégeance au dogme : la radio publique a tout bonnement décidé de sortir « du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine » car, croit-elle, « elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres ». Quotidiennement, des messes sur l’écologie et le réchauffement climatique sont célébrées dans la Maison Ronde. Sur les prie-Dieu, le dernier rapport du GIEC fait office de missel. L’absence de contradicteurs face aux bigots écolos de la radio publique ne semble pas chagriner l’Arcom, au contraire. Sur Sud Radio, François Gervais a eu l’outrecuidance de remettre en cause la doxa ? La radio sacrilège et le chercheur hérétique sont prévenus : la prochaine fois, c’est le bûcher.

Tête de turc

Ils y rejoindront Cyril Hanouna. L’Arcom réserve depuis de nombreux mois un régime spécial à l’animateur de l’émission TPMP sur C8. La tête de Turc de l’organisme de surveillance médiatique anime l’émission “On marche sur la tête” sur Europe 1 depuis à peine dix jours que déjà les ennuis (re)commencent. Ça n’a pas traîné. L’Arcom vient en effet d’adresser à la radio sa première mise en demeure. Motif ? Des propos auraient été tenus dans la nouvelle émission de Cyril Hanouna « sans faire l’objet d’une contradiction suffisante » et l’émission manquerait de « mesure » et d’ « honnêteté » vis-à-vis de La France insoumise et du Nouveau Front Populaire. L’auxiliaire de police médiatique Le Monde a de son côté « enregistré tous les participants et décompté tous les temps de parole » dans ladite émission. Verdict : “On marche sur la tête” est une « émission de propagande politique, en pleine période électorale. » Le quotidien du soir, qui n’a jamais rien trouvé à redire à la propagande gauchiste de l’audiovisuel public, ne manque pas d’un certain culot. En même temps, peut-on prendre au sérieux un journal qui a choisi pour marraine de la prochaine édition de son Festival international de journalisme… Camélia Jordana ?

A lire aussi, du même auteur: Giulia Foïs s’exhibe sur une affiche du Nouveau Front Populaire? La direction de France Inter ne voit apparemment pas où est le problème…

Lors de la matinale de France Inter du 3 juin, le surveillant médiatique Cyril Lacarrière a montré, de son côté, les signes d’une extrême inquiétude : CNews est passé devant BFMTV et est devenu le leader des chaînes d’info continue. C’est embêtant car, selon le journaliste, si la chaîne « bollorisée » reste numéro 1, il sera difficile de la faire « retoquer » par l’Arcom sans risquer d’y voir une décision politique. Comment ! L’organisme de régulation indépendant se serait pas si indépendant que ça ? Nous n’osons y croire. Le 25 juin, le même Cyril Lacarrière cible directement… Vincent Bolloré et Cyril Hanouna : l’Arcom a demandé à Europe 1, deux jours seulement après le lancement de la nouvelle émission “On marche sur la tête”, de « veiller strictement à la pluralité des points de vue ». Malheureusement, déplore l’éditorialiste, le propriétaire d’Europe 1 et son animateur vedette n’en ont cure et « sont tout simplement en train de faire exploser le modèle de la régulation à la française ». Venant de la part de l’employé d’une radio publique penchant ouvertement à gauche et se contrefichant du pluralisme et de l’impartialité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, cela ne manque pas de sel.

Barrage républicain: France inter à la pointe

Car il n’y a pas que pour le climat que la radio publique se distingue par un manquement aux devoirs qui incombent à une radio payée par tous les Français. France Inter, comme d’habitude, fait plus et mieux que ses petites camarades. Il suffit d’écouter sa matinale d’information pour s’en rendre compte. Depuis quinze jours, journalistes, chroniqueurs et éditorialistes se démènent tant et plus pour apporter leurs pierres au « barrage républicain contre l’extrême droite ». Le plus assidu est sans conteste l’éditorialiste politique Yaël Goosz. La semaine précédent le premier tour des élections législatives, il s’est surpassé : sur cinq éditos, quatre ont été consacrés à… « l’extrême droite ». Détails :

Le 24 juin, son édito s’intitule “Obéir ou pas, avec le RN, la haute fonction publique en terre inconnue”. Entre deux claquements des dents, le journaliste s’interroge : si le RN prend le pouvoir, comment se comporteront « les hauts gradés de la police, en cas de bavure, puisqu’avec le RN, les forces de l’ordre bénéficieraient de la “présomption de légitime défense” ? » Qui prendra la direction de la gendarmerie, de la Poste, de la SNCF ? Qu’arrivera-il à un directeur d’hôpital et aux médecins qui accepteront « de soigner un étranger, bravant la loi, promise par le RN, de suppression de l’AME » ? Bref, se lamente Yaël Goosz, « une bataille inédite et mortifère entre populisme au pouvoir et État de Droit » est envisageable si Jordan Bardella devient Premier ministre. Brr !

Le 26 juin, rasséréné par les déclarations de certains hommes politiques – Hollande, Jospin, Bertrand, Bayrou, Faure, la crème de la crème des pontifes lénifiants – l’éditorialiste se réjouit – « Le front républicain respire encore »et avertit : « Il ne tient qu’à Emmanuel Macron de le réanimer pour de bon. » Pour ce faire, le président de la République doit cesser de renvoyer dos à dos le NFP et le RN car « pour le camp de la raison, ce ni-ni est ni rationnel, ni raisonnable. » En cas de duel NFP/RN, Yaël Goosz, pilier radiophonique de la rationalité raisonnable, laisse aisément deviner vers qui son choix se porterait.

27 juin : le docteur Goosz décline les points faibles du RN et conclut par un message qui se veut subliminal : « Le RN gagnera peut-être, sans doute, et démocratiquement, parce qu’il n’a jamais été “essayé”, mais avant de faire l’essai, il est toujours temps, dans l’isoloir, de lire précisément, et entre les lignes, ce que dit la notice. Gare aux effets indésirables. » Subtil, isn’t it ?

Enfin, le 28 juin, à l’avant-veille du premier tour des élections, Yaël Goosz triture l’histoire pour laisser penser que les électeurs du RN sont en réalité des pétainistes dans l’âme : « Dans dix jours, l’extrême droite sera peut-être en position de gouverner le pays. Le 10 juillet 1940, les parlementaires avaient voté les pleins pouvoirs. Le suffrage était indirect. Le 7 juillet 2024, la bascule pourrait se faire, pour la première fois, au suffrage universel direct. En toute connaissance de cause. » Heureusement, la résistance s’organise…

Toujours sur France Inter. Ces quinze derniers jours, sous couvert d’humour, Charline Vanhoenacker et ce qui reste de sa bande de comiques pas drôles ne se sont pas gênés pour faire la publicité du NFP et dégobiller sur les presque 35% de Français qui « votent mal ». Florilège : « Allez, dernière chronique dans la France libre ! En 2024, on pensait qu’on allait libérer la parole des femmes ou des LGBT… on a surtout libéré la parole des racistes. » « Ce soir, j’espère que le rire va couvrir le bruit des bottes. » « Vous pensez que ça ferait plaisir à Hitler de voir tous ces députés RN qui ne se souviennent même pas que leur parti a été fondé par un Waffen-SS ? » « Certains disent que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite ne va rien changer. Et c’est vrai, j’ai tendance à dramatiser. Si vous n’êtes pas homosexuel, pas féministe, pas noir, pas musulman, pas pauvre, pas trans, pas écolo, pas juif, pas fonctionnaire, pas humoriste, pas famille monoparentale, pas syndicaliste, pas chômeur… alors c’est vrai que rien ne devrait changer. » La triste équipe a conclu sa dernière émission de la saison  avec une chanson appelant à voter contre le RN et dénonçant… Vincent Bolloré, Pascal Praud et Cyril Hanouna, trop gentiment traités par l’Arcom, d’après elle. Ayant usé toutes les patiences, même celles des directrices de France Inter et de Radio France, il n’est pas certain que Charline Vanhoenacker soit présente sur les ondes de France Inter à la rentrée prochaine. Proposition : à sa place, France Inter pourrait rediffuser les deux saisons du “Tribunal des flagrants délires”. Claude Villers, Pierre Desproges, Luis Rego. Que du bonheur ! De l’humour, du vrai ! Succès assuré !

Malgré le rouleau compresseur de la propagande médiatique, les résultats du premier tour ont confirmé ce que les sondages laissaient pressentir, à savoir une large victoire du RN et de ses alliés. Sans surprise, le « front républicain » tente de se refaire la cerise et des alliances surprenantes, monstrueuses ou risibles naissent au fil des triangulaires. Libé veut « faire bloc ». Le Monde appelle à « faire barrage » à qui vous savez et affirme sans rire que, « fidèle à son combat historique contre l’extrême droite, la gauche, de LFI au PS, n’a pas dérogé à appeler au front républicain ». “Quotidien”, l’émission de Yann Barthès sur TMC, va continuer de sonner la charge contre « l’extrême droite ». Le groupe TF1 et l’audiovisuel public sont sur le pied de guerre. Et l’Arcom ? Ne pouvant pas épier tout le monde en même temps, l’Arcom est obligée de faire des choix. Il est par conséquent prévu qu’elle continue d’inspecter rigoureusement CNews, d’observer scrupuleusement Europe 1 et de surveiller minutieusement Cyril Hanouna. Quand elle aura cinq minutes, elle jettera également un coup d’œil sur Sud Radio.


[1] À propos de François Gervais et du GIEC, je renvoie à mon article paru le 10 avril 2024 dans ces colonnes, Que dit Steven E. Koonin sur le climat, exactement ?

Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

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Avec son keffieh palestinien derrière Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan a adressé un nouveau « message subliminal » aux électeurs, dimanche soir. La militante n’a jamais vraiment condamné les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël, et quand elle prétend revendiquer la création d’un État binational démocratique en résolution au conflit israélo-palestinien, c’est en fait une façon chic de réclamer la destruction de l’État juif. Démonstration.


Le 9 juin, Rima Hassan a été élue députée européenne. Sur le bulletin de vote LFI, la militante pro-palestinienne d’origine syrienne est présentée comme « engagée pour un cessez-le-feu à Gaza ». Or, qu’en est-il exactement ? Un examen de ses prises de paroles depuis son entrée en politique nous permet d’en douter fortement.

Fin novembre 2023, Rima Hassan participe à un entretien avec le média en ligne Le Crayon. Un des principes de l’émission consiste à répondre par « oui » ou par « non » à une série de questions. Rima Hassan répond « oui » quand on lui demande si « le Hamas mène une action légitime » (sic). Quand cet extrait est diffusé sur YouTube au mois de janvier, puis par l’émission Quotidien sur TMC le 11 mars, la polémique éclate. Le site Arrêt sur images prend la défense de Rima Hassan et écrit que « pour elle, l’action politique du Hamas, contrairement à sa branche armée, est légitime ». Le propos est absurde dans la mesure où on ne peut couper le Hamas en deux tant il s’agit d’un seul et même bloc uni par une même idéologie.

Mais que faisait la députée européenne avec son keffieh palestinien, à gauche de Jean-Luc Mélenchon, dimanche soir ? DR.

« Branche armée » : la plupart des personnes exposées à ses propos ne vont pas faire cette distinction douteuse

Pour Arrêt sur images, qui semble prendre pour argent comptant ce que raconte Rima Hassan, cette dernière parle de la légitimité de l’action du Hamas en dehors de la lutte armée et surtout sans référence aucune à ce qui a été commis le 7 octobre contre les civils israéliens. Pourtant, l’entretien à la chaîne Le Crayon est réalisé moins de deux mois après le 7 octobre. Prétendre, comme Rima Hassan le fait, qu’elle ne se référait pas au 7 octobre quand on la questionne sur la légitimité ou non de l’action du Hamas n’a dès lors aucun sens. Mais surtout, rien n’est plus faux comme on peut le voir à la lecture de ce qu’écrit et publie Rima Hassan sur ses « réseaux sociaux ». Pire encore, la plupart des personnes exposées à ces propos ne vont pas faire cette distinction douteuse. Pour elles – à juste titre par ailleurs – c’est simple : Hamas c’est le 7 octobre et le 7 octobre c’est Hamas.

Cette manière qui consiste à lancer une bombe médiatique qui, grâce à l’outrance des propos, lance une polémique diffusant un message simple (dans ce cas, le 7 octobre est légitime) auprès d’une audience bien ciblée, tout en permettant de proposer une explication à une audience plus exigeante, est la stratégie de communication politique de LFI, décrite et revendiquée par le député Louis Boyard.    

Le Hamas fantasmé comme un mouvement de « résistance »

Dans sa réponse à la polémique née de son entretien à la chaîne Le Crayon, Rima Hassan assure ceci : « Depuis le début, je parle de « crimes de guerre » pour qualifier les attaques du 7 octobre notamment. » Et de préciser qu’elle reconnaît le caractère terroriste de ces attaques. La défense de Rima Hassan est actuellement fausse pour deux raisons.

La première est que le 7 octobre et les jours suivants, sur son compte Twitter, Rima Hassan n’a jamais condamné les actions du Hamas et les a encore moins qualifiées de terroristes. Au contraire, elle a reposté des messages qui exaltaient une action de « résistance ». Le 7 octobre, Rima Hassan publie par exemple le message suivant d’Akram Belkaïd, journaliste algérien au Monde diplomatique : « Les Occidentaux approuvent sans hésitation la « résistance » des Ukrainiens face aux Russes, ils dénient aux Palestiniens qui subissent le joug colonial le droit de résister. Ce n’est plus du « double standard », c’est un racisme crasseux. » (Tweet du 7 octobre 2023)

A lire aussi, Gil Mihaely: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

Illustré par des combattants du Hamas les bras en l’air en signe de victoire, le message véhiculé ne souffre d’aucune ambiguïté possible : ce 7 octobre 2023, le Hamas a tenu tête au colonialisme. Pour être encore plus claire, Rima Hassan republie, toujours ce 7 octobre, un tweet de Fatima Ouassak, essayiste d’origine marocaine éditée par les éditions La Découverte: « Pendant la guerre anticoloniale en Algérie, Simone de Beauvoir ou Sartre ont pris position (sans trembler) pour la résistance armée algérienne, contre la France. Dans la guerre qui oppose colons et colonisés, il faut soutenir (sans trembler) le camp des colonisés. » Là aussi, le message est limpide : si on peut déplorer les pertes civiles du côté de l’ennemi, on ne saurait pour autant condamner le Hamas qui n’a fait que résister au colonialisme. Toute condamnation d’une violence émanant de la partie palestinienne est d’ailleurs vilipendée. Ainsi, quand le mouvement Europe Ecologie Les Verts (EELV) publie un communiqué qui « condamne l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et appelle à des solutions politiques et diplomatiques », Rima Hassan s’indigne: « J’ai lu, pas un mot sur l’apartheid. J’aimerais que nos politiques m’expliquent comment nous, citoyens, pouvons-nous nous saisir politiquement du sujet, si vous, responsables politiques, vous ne faites pas le courageux travail de dire et de nommer l’injustice, le crime d’apartheid. » Le seul problème est que le communiqué ne parle que de ce qui s’est passé le 7 octobre tandis qu’à l’inverse, Rima Hassan ne nomme jamais ce qu’a commis le Hamas, ni « terrorisme », ni « crime de guerre », encore moins « crime contre l’humanité », seulement des messages repostés qui exaltent la « résistance » palestinienne. Et si elle dit déplorer la mort de civils, quels qu’ils soient, pas une fois Rima Hassan ne condamne explicitement, en son nom, le Hamas. On ne peut pas à la fois célébrer la « résistance palestinienne » à l’œuvre le 7 octobre et dire ensuite que l’on condamne ces actes comme terroristes. Entre les deux affirmations, la contradiction est insoluble.

La deuxième raison qui peut faire douter de la bonne foi de Rima Hassan est que le 2 février 2024, sur ses réseaux sociaux toujours, la nouvelle égérie de la cause palestinienne diffuse un clip de la chaîne proche du Hezbollah Al-Mayadeen, réalisé le 25 octobre 2023, qui montre l’État d’Israël pulvérisé par les missiles de l’« axe de la résistance » et sa population qui s’enfuit terrorisée. Rima Hassan a publié cela avec le signe des deux mains serrées l’une contre l’autre comme pour dire « merci » ou comme signe d’espérance de ce qu’elle souhaite voir advenir.

L’État juif, cette « monstruosité sans nom » (sic)

Le 14 novembre 2023, Rima Hassan délivre sur Twitter l’information suivante : « Israël a publié une photo de ses soldats aidant un Palestinien âgé à Gaza. Une fois la comédie terminée, ils lui ont tiré deux balles dans le dos selon le témoignage de sa petite-fille sur Instagram. » En guise d’illustration, deux photos côte à côte. La première nous montre un vieil homme qui s’adresse à un soldat israélien. La seconde nous désigne le même homme qui gît sur le sol, visiblement abattu de plusieurs balles dans le dos. Sur ses canaux de communication, l’armée israélienne publie de son côté les mêmes photos que Rima Hassan mais avec une tout autre histoire : « Hamas killed this Palestinian because he was seen on a picture talking to an Israeli soldier. All he did was asking which way he’s allowed to go. » (Message du 15 novembre 2023) Cet homme aurait demandé à un soldat israélien où il était autorisé à se rendre et pour s’être adressé à l’ennemi, le Hamas l’aurait abattu. À rebours de cette histoire tragique mais qui répond à une certaine « logique » au vu des pratiques du Hamas à l’endroit de sa population civile, le récit de Rima Hassan donne à voir une armée israélienne proprement diabolique. Avec toutefois un « amateurisme » qui laisse pantois: avoir « oublié » d’éliminer les témoins qui, munis de leurs téléphones portables, ont eu tout le loisir de prendre les photos prouvant le crime.

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C’est à cette aune qu’il faut comprendre les déclarations de Rima Hassan qui qualifie l’État d’Israël de « monstruosité sans nom », par ailleurs « pire » que la Russie. Qu’importe qu’Israël soit une société démocratique rythmée par des élections et une opposition vivante dont témoignent les manifestations gigantesques d’avant le 7 octobre pour préserver la Cour suprême. Aussi contraire à la vérité soit-elle, l’affirmation de Rima Hassan vise à dévaluer l’idée de démocratie puisqu’un satrape au pouvoir depuis plus de vingt ans comme Poutine est traité avec davantage d’égards qu’un gouvernement élu, aussi contestable soit-il !

L’État unique de Rima Hassan

Le succès rencontré par Rima Hassan illustre la radicalisation du mouvement pro-palestinien auquel on assiste depuis une vingtaine d’années. Issu des campus américains, le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free », que Rima Hassan fait entonner aux étudiants de Sciences-Po, en est l’illustration type. Qu’on se souvienne qu’il y a vingt ans, on pouvait encore entendre dans les manifestations pour la Palestine le slogan suivant : « Non, un peuple qui en occupe un autre ne peut être un peuple libre ». L’habileté de Rima Hassan est de réussir à faire croire que son refus de deux États, israélien et palestinien, côte à côte, est motivé par le désir d’une cohabitation totale entre les deux peuples. Sur ce point aussi, les contradictions de Rima Hassan abondent.

Elle écrit par exemple dans un message que reproduit Arrêt sur images qu’« on peut dire que le Hamas a une légitimité dans un contexte de lutte pour l’autodétermination. C’est un parti politique qui a été élu. Mais quand ils commettent des crimes, ils sont en dehors du cadre prévu par les Nations unies. » Si les mots ont un sens, on est donc fondé à penser que Rima Hassan a pour boussole le « cadre prévu par les Nations unies ». En ce cas, elle doit reconnaître le vote qui, en 1947, établit la constitution d’un État juif à côté d’un État arabe sur l’ancienne Palestine mandataire. Seul problème : Rima Hassan ne cesse de répéter qu’elle refuse deux États côte à côte comme les Nations Unies le prévoyaient en 1947. Là encore, elle ne peut pas dire une chose et son contraire : d’un côté refuser l’existence d’un État juif, reconnu par un vote des Nations unies, et de l’autre jurer la main sur le cœur qu’elle n’a pour seule boussole que les décisions de la « communauté internationale ». Mais à cela aussi Rima Hassan a une réponse, comme elle s’en explique à Arrêt sur images. Si elle refuse la « solution à deux États », c’est, dit-elle, que « cette perspective ne nous fait plus espérer. Si on nous donnait les moyens de croire à une solution à deux États, ce serait différent. Ce n’est pas une posture idéologique mais le sursaut de vie d’une génération qu’on a trop fait désespérer. » Ici aussi, Rima Hassan se contredit. En toute logique, elle ne peut d’un côté dépeindre la partie israélienne comme « monstrueuse » et de l’autre clamer qu’elle ne souhaite que cohabiter en paix avec ces mêmes « monstres ».

Ce qui manque en réalité à beaucoup de ses soutiens naïfs, c’est une perspective historique. Dépourvu de toute originalité, le credo de l’État unique est depuis longtemps la formulation « politiquement correcte » pour dire que l’on ne souhaite pas que l’État d’Israël puisse exister. Grand ami de la dictature Assad en Syrie (avec laquelle Rima Hassan ne semble pas avoir de problèmes particuliers), le secrétaire général de l’Association de solidarité France-Pays Arabes, Lucien Bitterlin, déclarait en 1976 déjà : « Faisons le vœu de nous retrouver dans la capitale de la nouvelle Palestine pour célébrer avec les Palestiniens, qu’ils soient Juifs, Musulmans ou Chrétiens, l’ère des hommes libérés de toute haine et de toute forme de discrimination raciale ou religieuse. Alors l’épreuve de la Palestine aura servi la cause de l’homme. » Proche du ministre de la Défense syrien, le très antisémite général Tlass, auteur d’un ouvrage sur les « crimes rituels » juifs, Lucien Bitterlin était aussi peu crédible dans ses déclarations que Rima Hassan l’est aujourd’hui quand elle parle de cohabitation mais approuve l’action du Hamas.

Petit scarabée en Afrique

Alors que la Chine renforce sa présence en Afrique, le kung-fu émerge comme un puissant outil de soft power pouvant séduire les foules.


La lutte que se livrent les grandes puissances se joue de plus en plus sur le terrain du soft power. La Chine, qui accuse dans ce domaine un train de retard, dispose en Afrique d’un instrument efficace : le kung-fu ! En 2021, la province de Henan et la chaîne de télévision chinoise CGTN ont organisé le « Kung-Fu show sino-africain », un événement multimédia qui a permis notamment aux auteurs des vidéos retenues par le jury de visiter la province organisatrice (et berceau historique du Tai-chi-chuan). La chaîne se réjouissait d’avoir reçu plus de mille vidéos et d’avoir généré plus de 90 millions de vues ; elle a depuis organisé d’autres événements sur place, comme le premier concours de kung-fu africain, en 2023, en Zambie.

A lire aussi : Soft power au pays du matin (pas si) calme

En réalité, le coup de foudre entre l’Afrique et les arts martiaux chinois est très antérieur à la récente activité de la télé chinoise. Un mystérieux Mr Ming, originaire de Taïwan, a commencé à diffuser dans les années 1970 des films de kung-fu dans des cinémas miteux d’Afrique du Sud. La population noire a été très séduite par la figure de Bruce Lee, notamment quand celui-ci retire avec beaucoup d’énergie un panneau « chiens et Chinois interdits » à l’entrée d’un parc dans le film La Fureur de vaincre.

Le cinéma africain a ensuite adapté le genre dans des productions à budget extrêmement réduit. Avec 34 dollars en poche, le Nigérian Mayor Uguseba est parvenu à boucler A Very KungFu Nollywood Movie “The Revenge of Sobei”. Le public africain se dit mordu de kung-fu. Dans une enquête qui date de 2017, 79% des cinéphiles camerounais se disaient fans de ce sport. Quelques figures africaines se sont même imposées aux yeux du public chinois, comme le Béninois Luc Bendza, apparu dans plusieurs films et installé en Chine, où il a hérité du surnom « Chinois Noir de peau ». Une réussite en matière de soft power, à un moment où la Chine s’installe massivement en Afrique, surtout par l’intermédiaire du bon vieux hard power.

États-Unis: méritocratie contre « affirmative action »

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En juin 2023, la Cour suprême des États-Unis bannissait la discrimination positive à l’entrée des universités.


Deux chercheurs du Manhattan Institute, Michael Hartney et Renu Mukherjee, viennent de publier un article[i] visant à faire le point sur ce que pensent vraiment les Américains des politiques préférentielles qui cherchent à favoriser la diversité dans les admissions à l’université. Ces pratiques ont été bannies par l’arrêt de la Cour suprême du 29 juin 2023[ii], mais l’enquête qu’ils ont conduite a été menée avant ce verdict. Avant d’examiner leurs conclusions, il faut dire un mot de la succession récente de procès qui a abouti à l’abolition des politiques préférentielles par la Cour suprême et de sa récente décision. Décision qui a été accueillie défavorablement dans de nombreux médias et mise en pièces par le président Biden qui a prétendu que la grande majorité des Américains y étaient opposés.

Poursuites contre Harvard et l’Université de Caroline du Nord

Des Asiatiques étant manifestement pénalisés pour leurs hautes performances dans les procédures d’admission en raison d’une « prime » raciale accordée aux Noirs et aux Hispaniques, l’association Students For Fair Admission (SFFA)[iii], créée en 2014, a porté l’affaire devant les tribunaux pour violation de l’Article VI des droits civiques et de la clause d’égale protection garantie par le 14ème Amendement[iv]. Si elle a perdu en première instance et en appel, elle a fini par être entendue par la Cour suprême qui lui a donné raison. Cette dernière déclare que « de nombreuses universités ont trop longtemps conclu, à tort, que la pierre de touche de l’identité d’un individu n’était pas les défis relevés, les compétences acquises ou les leçons apprises, mais la couleur de sa peau ». Les buts visés par Harvard et l’université de Californie du Nord ont été jugés invérifiables par la Cour, dans la mesure où il est impossible de relier les politiques préférentielles aux buts recherchés (produire des citoyens engagés et productifs, renforcer l’empathie, former de meilleurs dirigeants…).

La race a été employée de manière négative et viole ainsi la clause d’égale protection. Comme l’a souligné la Cour suprême, l’admission à l’université est à somme nulle. Tout avantage donné à certains candidats se fait au détriment des autres. Harvard a déclaré tout à la fois que sa politique préférentielle avait peu d’impact mais que son abandon pourrait changer de manière significative la composition démographique de ses étudiants. La Cour en a très justement déduit que, sans la prise en compte négative du critère racial, certains groupes raciaux seraient admis en plus grand nombre. « Le processus d’admission à Harvard repose sur le stéréotype pernicieux selon lequel « un étudiant noir peut généralement apporter quelque chose qu’un Blanc ne peut pas offrir ». » Même chose à l’université de Californie du Nord qui soutient que la race « dit quelque chose de ce que vous êtes ». Ce faisant, l’université favorise « les stéréotypes qui traitent les individus comme le produit de leur race, évaluant leurs pensées et leurs efforts – leur valeur même en tant que citoyens – selon un critère interdit au gouvernement par l’histoire et la Constitution ».

A lire aussi : Judéophobie mondialisée

La Cour reproche aux deux institutions de ne pas envisager de mettre un terme à ces politiques préférentielles tant que les admissions ne reflèteront pas fidèlement la démographie des États-Unis. Alors que l’arrêt Grutter de 2003 laissait espérer que les préférences raciales seraient devenues inutiles 25 ans plus tard, Harvard prétend qu’il n’est pas nécessaire de fixer une date, dans la mesure où l’université évalue chaque année ses procédures. La Cour en a conclu que la fin des admissions préférentielles n’était pas en vue si on laissait les universités en décider. Les procédures d’admission de Harvard et de l’université de Californie ont été déclarées inconciliables avec la clause d’égale protection de 14ème Amendement. « Les universités ont trop longtemps pensé que la couleur de la peau, et non les défis relevés, les compétences acquises, était ce qui définissait l’identité d’un individu. » La Cour suprême a décidé d’y mettre fin : « L’étudiant doit être traité en fonction de ses expériences en tant qu’individu et non de sa race ».

MIlitants de « Students for Fair Admissions », opposés à la discrimination positive, devant la Cour suprême américaine, Washington, 29 juin 2023 © Jack Gruber-USA TODAY/Sipa USA/SIPA

Les investigations des chercheurs du Manhattan Institute

Les deux chercheurs considèrent, avec raison, que les réponses aux enquêtes d’opinion dépendent fortement de la manière dont sont formulées les questions. Les répondants ne disposent généralement pas d’informations suffisantes sur la complexité du sujet politique sur lequel on les interroge. La formulation d’une question est donc déterminante et doit apporter assez d’informations pour que le répondant en ait une bonne compréhension. Si les Américains peuvent avoir un avis personnel sur l’Affirmative Action, leurs réponses dépendent aussi de leur compréhension de la manière dont elle fonctionne. Ils peuvent être favorables aux programmes visant à améliorer l’accès des minorités à l’enseignement supérieur, mais l’être moins lorsqu’on leur en explique le fonctionnement et ses conséquences.

Hartney et Mukherjee ont utilisé un échantillon de 1000 personnes tiré de la Cooperative Election Survey (CES), qu’ils ont interrogé en novembre 2022[v].

L’opinion des Américains sur les politiques préférentielles à l’égard des Noirs a été testée par cette question comprenant deux alternatives sur les raisons et deux autres sur les victimes potentielles :

« Certains affirment que [en raison de la discrimination passée / parce qu’il est important d’avoir de la diversité sur les campus universitaires], les Noirs devraient être privilégiés dans les admissions à l’université. D’autres affirment qu’une telle préférence est inacceptable parce qu’elle est discriminatoire à l’égard des [Blancs/Asiatiques]. Quelle est votre opinion ? Êtes-vous pour ou contre les politiques d’admission préférentielle pour les Noirs ? »

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Les enquêtés ont, par ailleurs, été soumis à une expérimentation. On leur a demandé de se prononcer sur des dossiers d’admission aux études de médecine. Les enquêtés avaient à choisir entre un étudiant asiatique et un étudiant noir, pour une même spécialité. Dans une première paire, les performances académiques du premier étaient supérieures à celles du second et reflétaient les écarts réels. Dans la seconde paire, elles étaient beaucoup plus proches, tout en étant légèrement en retrait pour l’étudiant noir. Les autres caractéristiques étaient identiques.

Les 1000 enquêtés étaient répartis en deux groupes. Au premier, était dit que la représentation démographique de la population américaine était assurée dans les écoles de médecine. Au second, était donnée la composition raciale réelle des écoles de médecine.

Les deux chercheurs ont également interrogé les enquêtés sur la fiabilité des tests utilisés pour évaluer les performances[vi] avec une question donnant à trancher entre deux avis :

  • Depuis leur création il y a près d’un siècle, les tests standardisés sont des instruments racistes qui perpétuent les préjugés raciaux dans notre société ;
  • Bien qu’il s’agisse d’instruments imparfaits, les tests standardisés constituent un indicateur objectif des progrès et des aptitudes académiques d’un étudiant.

Ils ont aussi demandé aux enquêtés quels éléments privilégier lors d’une admission à l’université ou dans une école de médecine (race/ethnicité, caractère ou facteurs personnels, tests, résultats scolaires ou universitaires).

Des Américains attachés à la méritocratie

Les raisons invoquées en faveur d’une discrimination positive des Noirs (discrimination passée/diversité) ont peu d’impact sur les réponses des Américains qui sont 70% à la désapprouver. Mais ils sont un peu plus nombreux lorsque les victimes potentielles sont des Asiatiques plutôt que des Blancs. Et cette différence tient essentiellement aux Démocrates qui sont très majoritaires (68%) à approuver une politique préférentielle à l’égard des Noirs lorsque le préjudice atteint les Blancs. Ils ne sont plus que 46% lorsqu’elle touche les Asiatiques. Les Républicains sont pratiquement tous opposés à la discrimination positive en faveur des Noirs, que ce soient les Blancs ou les Asiatiques qui en pâtissent.

Si les Américains ont tendance à soutenir la discrimination positive lorsqu’on leur pose des questions abstraites sur les programmes en faveur de l’égalité des chances pour les minorités, lorsqu’on renonce à l’abstraction, comme l’ont fait Hartney et Mukherjee, en demandant aux enquêtés de sélectionner des candidats sur dossier pour l’admission à une école de médecine, ils ont tendance à privilégier le mérite, surtout lorsque l’écart des qualifications académiques est conséquent. Lorsque celui-ci est plus restreint, ils sont un peu plus nombreux, sans être jamais majoritaires, à choisir le candidat noir.

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Les Américains ont également tendance à rejeter les références à la race et à l’ethnicité comme les fameux scores de personnalité utilisés à Harvard pour handicaper les candidatures d’Asiatiques. Ils sont majoritaires, surtout chez les Républicains, à considérer que la race/l’ethnie ne doit pas être un facteur de sélection lors de l’admission à l’université ou dans une école de médecine. Les Démocrates consentent plus souvent que les Républicains à ce qu’elle joue un rôle, mais mineur. Au total, 89% des Américains souhaitent qu’elle ne joue aucun rôle (64%) ou alors un rôle mineur (25%). C’est le cas de 83% des démocrates (45% aucun rôle ; 38% un rôle mineur). La position des Républicains est plus tranchée : 96% souhaitent que la race/l’ethnie ne joue aucun rôle (84%) ou un rôle mineur (12%).

Ajoutons qu’en Californie, État libéral s’il en est, le référendum de 2020 visant à revenir sur la proposition 209 de 1996 qui interdit toute politique préférentielle à l’université a été retoqué par 57% des votants[vii].

L’arrêt de la Cour suprême va-t-il changer les pratiques ? Pas si sûr…

Les universités ne manquent pas d’ingéniosité lorsqu’il s’agit d’introduire par la bande ce que la Cour suprême interdit. Si l’on en croit les auteurs, l’une des solutions consiste à encourager les étudiants à parler de leur race ou de leur appartenance ethnique dans leur demande d’admission. Harvard semble avoir trouvé la parade en proposant une dissertation supplémentaire lors de l’inscription pour l’année 2023-2024 formulée ainsi : « Harvard a depuis longtemps reconnu l’importance de recruter un corps étudiant diversifié. Comment les expériences de vie qui ont façonné ce que vous êtes aujourd’hui vous permettront-elles de contribuer à Harvard ? » L’initiative d’Harvard va ainsi à l’encontre du verdict de la Cour suprême mais aussi de l’opinion publique qui souhaite que la race ne joue aucun un rôle (ou tout au plus minimal) dans les admissions à l’université et que le mérite l’emporte sur la race.

Par ailleurs, les Démocrates californiens, qui n’ont pas digéré le vote de 2020, sont revenus à la charge en proposant un Assembly Constitutional Amendment 7 (ACA-7) qui donnerait au Gouverneur le pouvoir de faire des exceptions à la proposition 209 si des travaux de chercheurs concluaient au caractère bénéfique de la discrimination positive ! Une pétition contre cette initiative est en ligne[viii]

Source: Blog de Michèle Tribalat.

Statistiques ethniques, une querelle bien française

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[i] Michael Hartney, Renu Mukherjee, Americans for Meritocracy, May 2024, 26 p.  https://manhattan.institute/article/americans-for-meritocracy.

[ii] https://www.supremecourt.gov/opinions/22pdf/20-1199_hgdj.pdf ; https://www.supremecourt.gov/DocketPDF/21/21-707/274256/20230731100920249_EFiling%2021-707%20Rev%20COSTS%20CA4%207.31.pdf.

[iii] Dont l’objectif est de défendre les droits humains et les droits civiques garantis par la loi, y compris celui d’égale protection.

[iv] En deux plaintes séparées, l’une contre Harvard et l’autre contre l’Université de Caroline du Nord.

[v] L’enquête CES est un projet qui permet à des chercheurs de gérer des modules d’enquête distincts dans le cadre d’une enquête plus large réalisée par YouGov. L’échantillon (N=1000) est pondéré pour être représentatif des données démographiques de base de la population américaine. Pour permettre des comparaisons avec une autre enquête les auteurs ont, à contrecœur, accepté d’introduire une option « sans opinion » (29 %), ce qui a réduit évidemment la taille de l’échantillon (709) sur lequel ont été élaborées les statistiques, sauf pour la sélection opérée par les enquêtés pour l’admission en école de médecine.

[vi] SAT pour Scholastic Assessment Test et ACT pour American College Testing.

[vii] https://www.nytimes.com/2023/06/11/us/supreme-court-affirmative-action.html.

[viii] https://www.change.org/p/urge-ca-senators-to-reject-aca-7-keep-discrimination-illegal.

La revanche de la France périphérique

Notre chroniqueur n’est pas vraiment surpris par le refus de Mélenchon de débattre avec Bardella : le lider maximo n’a rien à craindre, rhétoriquement parlant, du petit coq du RN, mais débattre avec lui, ce serait reconnaître la légitimité de son parti, et de tous ceux qui ont voté et voteront pour lui. Or, dans la tête des extrémistes du Camp du Bien, les 11 millions de Français qui ont voté pour cette droite que l’on dit extrême n’existent pas : ils sont rayés de la liste des vivants.


J’ai vécu un quart de siècle à Paris (de 1972 à 1998), j’y ai naturellement gardé quelques amis — du moins le croyais-je. Mais depuis dimanche soir, me voici banni de leurs relations : que je me réjouisse de l’échec (relatif, malheureusement) de ce Front populaire qui n’est jamais qu’un faux-nez de LFI a suffi pour me rayer de la liste de leurs amis d’abord, et des vivants ensuite.

J’ai beau savoir que depuis trente ans (au moins) la gauche est dans le déni, cela fait toujours quelque chose, quand des gens que je croyais intelligents décident de fermer les écoutilles et de se renfermer dans leurs certitudes de bobos dominateurs et sûrs d’eux.

En quittant Paris, je me suis installé dans un village minuscule, Nébian (un millier d’habitants à l’époque), au milieu des vignes de l’Hérault. Déjà dans les années 2000 le FN était le parti préféré de ces agriculteurs pauvres, petites gens qui vivent avec 500 € par mois.

Provinces contre ville irréelle

Il n’y avait qu’un immigré à Nébian, un ouvrier agricole parfaitement intégré, fort apprécié, doté de deux enfants très bien élevés. Ce n’est pas la peur de l’étranger qui hier dimanche a poussé 48,88% de la population de la cinquième circonscription de l’Hérault, jadis partie de la ceinture viticole communisante, à voter RN. Ni la croyance aux lendemains qui chantent : ils savent très bien que les promesses des uns ne valent pas mieux que les mensonges des autres.

Non, ce qui les pousse, eux et tous ceux qui, dans la « France périphérique », selon la belle expression de Christophe Guilluy, à voter droite nationale, à donner leurs suffrages aux représentants d’un parti bien moins extrémiste et antisémite que les gauchistes de Mélenchon, c’est la nécessité de faire entendre, justement, leur voix.

A lire aussi, Vincent Coussedière: «Le RN a des candidats qui ne correspondent pas à la caricature qu’on en fait depuis des années»

Il y a déjà presque une dizaine d’années, j’avais prévenu, d’abord dans les pages du Point, puis sur Causeur, où j’expliquais que Lalbenque (dans le Lot) est une bourgade bien plus réelle que la capitale : Paris est une ville qui n’existe pas. C’est une fiction. Une ville-monde, comme disent les géographes et les petits prétentieux qui l’habitent, et se croient d’une essence supérieure parce qu’ils roulent en trottinette électrique en zigzagant entre les passants. Ô souvenir gracieux de mon poing sur le visage de l’un de ces énergumènes qui m’avait violemment bousculé, il y a un an ou deux ! Ils existent si peu qu’ils ont réélu du premier coup des ectoplasmes notoires comme Aymeric Caron et Sandrine Rousseau, risée de la France entière. La vraie France, qui roule au diésel parce que c’est moins cher et fait des barbecues parce que c’est meilleur.

Opération de communication d’Anne Hidalgo à vélo, juillet 2019 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Il y a une France qui mange des grillades au lieu de se consacrer au fooding entre deux cours de yoga, et qui consomme des fromages qui révulsent les commissions européennes. Une France qui se désole de voir, chaque jour, ses enfants revenir de l’école plus ignares qu’ils n’y sont entrés. Une France qui n’a pas cru aux gloussements de pintade de Jack Lang, ni aux réformes de Vallaud-Belkacem, l’initiatrice des cours d’arabe pour les tout-petits. Une France de villages et de clochers qui récuse l’érection de minarets. Une France qui a une fois pour toutes jaugé le PS en entendant Lionel Jospin lancer, en 1990 : « Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse, à moi, que la France s’islamise ? ». Ce même Jospin qui par la loi votée l’année précédente avait institué les pédagogies les plus anti-sociales — car l’élève qui construit lui-même ses propres savoirs, ça ne vaut que lorsque les savoirs familiaux peuvent compenser l’enseignement de l’ignorance, comme dit Jean-Claude Michéa.

Démocratie à sens unique

Ce sont des gens de gauche qui ont institué l’école à deux vitesses, tout en feignant de déplorer que tant de petits pauvres restent analphabètes, et, à terme, analphacons — grâce à eux ! Des gens de gauche qui inondent le rectorat de Paris de demandes de dérogation pour que leur HPI de fils aillent à Victor-Duruy plutôt qu’à Maurice-Ravel. Des bien-pensants qui, puisant dans le vieux fond antisémite de la gauche, brandissent des drapeaux palestiniens, se coiffent de keffiehs siglés Louis Vuitton (et qui n’ont été retirés de la vente que sous l’accusation d’appropriation culturelle…) et s’apprêtent à mettre le pays à feu et à sang, par Blacks Blocs interposés, si le résultat du 7 juillet ne leur convient pas… La démocratie est selon eux à sens unique : toute majorité qui ne les encense pas est forcément fautive. Malade. Dégénérée.

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Cette France-là s’était déjà exprimée lors de l’épisode des gilets jaunes, qui avaient été à deux doigts de prendre l’Elysée. Elle appuie désormais un Jordan Bardella à deux doigts de prendre Matignon. Non qu’elle pense qu’il renversera la table : ils savent bien que l’essentiel de la politique française se fait à Bruxelles — ou, à la rigueur, à la Bourse, qui a d’ailleurs accueilli d’une remontée significative des cours le score du RN.

Dimanche prochain, la France moisie de la gauche moisie doit être balayée pour le compte. Il faut montrer à tous ces bobos satisfaits que la démocratie est une épée à deux tranchants. Et, éventuellement, leur rappeler que la République de 1793 risque de renaître des cendres froides d’une histoire que l’on n’apprend plus.

Car enfin, l’épouvantail anti-Le Pen (un parti né de la Waffen SS et de la guerre d’Algérie, tissé de ratonnades et d’OAS, un héritage de Tixier-Vignancour) ne fonctionne pas : grâce à des programmes d’Histoire toujours plus faméliques, plus personne ne connaît ces gens-là. Mais les électeurs de Bardella savent bien qui sont les coqs arrogants, les orateurs vociférants, les antisémites véritables, les suppôts de l’islam et les fourriers des Frères musulmans, tous ces petits prétentieux bouffis d’orgueil qui les prennent pour des imbéciles parce qu’ils habitent la capitale.

Je suggère à mes « amis » de méditer cette formule du Cardinal de Retz à propos des peuples : « On les doit compter pour beaucoup, toutes les fois qu’ils se comptent eux-mêmes pour tout. (…) Car on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissance, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir. »

Pour demander des comptes à ceux qui n’en rendent jamais, il faut d’abord les balayer.

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Tour de France: et trois «premières fois» de plus!

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Le cycliste érythréen Biniam Girmay à droite) savoure sa victoire à la troisième étape du Tour de France, Turin, Italie, 1 juillet 2024 © Shutterstock/SIPA

En remportant l’étape de lundi, Biniam Girmay est le premier Africain de couleur noire à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. La compétition s’est progressivement internationalisée. Petit historique.


Avec la victoire lundi dans la plus longue étape (231 km) de l’Érythréen Biniam Girmay, la prise ce même jour du maillot jaune par l’Équatorien Richard Carapaz, et sa perte dès le lendemain, cette 111ème édition du Tour restera certainement dans les annales comme celle des « premières fois » (relire mon précédent papier ici). Si la troisième est anecdotique, les deux premières sont, en revanche très symptomatiques. Elles confirment son universalisation.

Le Tour de France est à tout le monde

Dans le peloton de 176 coureurs qui s’est élancé samedi dernier de Florence en Italie, 27 nationalités y étaient représentées, cinq avec un seul compétiteur dont l’Érythrée, petit pays de la Corne de l’Afrique, sur la Mer rouge, mais grande puissance cycliste africaine, et l’Équateur, petit pays sud-américain sur la côte pacifique où le vélo est un sport très marginal, à la différence de son voisin, la Colombie.

Le plus gros contingent est toujours fourni par l’Europe et plus particulièrement par les pays à tradition vélocipédique, France en tête avec 32, suivie de la Belgique 28, de l’Espagne 15 dont six Basques, et des Pays Bas 14. En revanche, l’Italie et le Portugal qui faisaient il n’y a pas encore longtemps partie de ce club de grands pédaleurs sont réduits à la portion congrue avec respectivement 8 et 3 coureurs (voir encadré en fin d’article).

L’Asie y est absente. Ce ne fut pas le cas dans un passé récent. En 2014, un Chinois, Ji Cheng prit le départ et le termina « lanterne rouge », à savoir dernier du général. Il courut aussi dans sa brève carrière européenne deux Giro et une Vuelta qu’il termina encore bon dernier. Deux Japonais s’alignèrent aussi sur le Tour, Fumiyuki Peppu, une seule fois en 2009, et Yukiya Arashiro, lui qui y participa sept fois, de cette année-là à 2016.

Cette universalisation a été amorcée en 1975 avec la première participation d’un Colombien, Martin Emilio Rodriguez, dit Cochise. Il le termina à la 26ème place. Mais la grande vague de participants non européens se produira dans les années 80. Les Colombiens, qu’on surnomma les scarabées en raison de leur qualité de grimpeurs, arrivèrent dans la roue de Lucho Herrera, dit El Jardinero (le jardinier, son métier) qui remporta deux titres de meilleur grimpeur, fit trois tops dix en trois participations dont une 5ème place en 87. Et en 2019, Egan Bernal sera le premier de ses compatriotes à gagner la Grande boucle. Les Américains, eux, débarqueront dans les bagages de Greg LeMond qui monta sur la première marche du podium à deux reprises, en 86 et 89.

Plus tard un de ses compatriotes, Lance Armstrong, gagnera à sept reprises, un record. Jusqu’alors, le plus grand nombre de victoires était de cinq, partagées par Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain (le seul à les avoir consécutives).  Armstrong sera déclassé, après avoir avoué s’être dopé à l’EPO. Une énigme demeure à ce sujet : comment a-t-il pu déjouer les contrôles en principe très stricts ?

C’est nous les Africains, qui revenons de loin

Par la suite, fin des années 90 début 2000, arriveront les Australiens puis les Sud-africains. Bien que premier Érythréen à gagner une étape, en devançant tous les cadors du sprint, Girmay n’est pas cependant le premier Africain à en inscrire une à son palmarès. Deux Sud-africains l’ont devancé, Daryl Impey en 2019 et Robert Hunter en 2007. Mais à la différence de lui, eux étaient des blancs, des Afrikaners. Lui est donc le premier Africain noir à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. Il y a aussi le cas particulier Chris Froome, quatre fois vainqueur. Bien que de nationalité britannique, il est né au Kenya et a résidé une grande partie de sa vie en Afrique du Sud. Dès lors, il peut être considéré comme Africain.

La victoire au sprint de Grimay, 24 ans, 1,84 m pour 70kg, vainqueur en 2022 de la semi-classique belge, Gand-Wevelgen, est une sorte de pied-de-nez à l’histoire : il a gagné une étape du Tour de France… en Italie, l’ancien pays colonisateur du sien, et le cyclisme qu’y est le sport roi est un héritage du fascisme. Indépendante de l’Éthiopie depuis 1993, au prix d’une guerre de 30 ans, l’Érythrée cumule en particulier les titres de champion d’Afrique sur route (sept fois chez les hommes, deux fois chez les femmes).  Pays à régime de parti unique, vaguement communisant, ayant à sa tête le même président depuis l’indépendance, soit depuis deux décennies, Isaias Afwerki, ingénieur de formation, l’Érythrée a été mise au ban de ce qu’on appelle sans qu’on en définisse ses contours « la communauté internationale » par les pays occidentaux : son principal lien avec eux se résume grosso modo au cyclisme.

Quant à Richard Carapaz, 31 ans, morphologie du grimpeur, 1,70 m pour 62 kg, il vient lui aussi d’un petit pays de 18 millions d’habitants, à la géographie volcanique, en proie à une instabilité politique chronique, dont la principale ressource est la banane et qui a adopté le dollar américain comme devise nationale. La pratique du cyclisme y est une incongruité. Cela ne l’a empêché de gagner un Giro et de décrocher en 2020 la médaille d’or sur route aux JO de Tokyo. Depuis, il roule sur un vélo doré. Le maillot jaune qu’il avait revêtu à Turin, il en a été dépouillé le lendemain même par le grand favori, Tadej Pogacar, qui s’est imposé avec insolence et aisance mardi sur les pentes du col du Galibier.

C’est encore une des « premières fois » de cette édition : la valse de la tunique jaune. En quatre jours, elle a changé quatre fois d’épaule, en fait deux puisque Pogacar l’a enfilée à deux reprises, à l’issue de la seconde étape et de la quatrième. Jusqu’alors, le moins longtemps qu’elle a été portée a été de deux jours. Mais la porter ne serait-ce qu’un jour est un rêve inaccessible pour la grande majorité des coureurs…

Par ailleurs, une étape de montagne avec le Galibier au menu, après seulement quatre étapes de plat, suivi d’une longue séquence de plat jusqu’aux Pyrénées qui seront attaquées le 14 juillet, est aussi une singularité de ce Tour. Est-ce que le Tour s’est joué sur le dernier kilomètre de cette montée au col du Galibier où Pogacar a pris 7 secondes sur son rival Wingegaard, et qui se sont traduites à l’arrivée au bas de la descente par un débours de 50 secondes ? Si c’est le cas, ce col culminant à 2642 m, le plus haut qu’auront à franchir les coureurs, s’inscrira lui aussi dans le registre des « premières fois »…

Le contre-la-montre vendredi, de 25,3 km, le dira peut-être en mettant les pendules à l’heure. L’an dernier Wingegaard, le Modeste, avait explosé Pogacar, le Flamboyant. Ce dernier a certes pris un ascendant dans le Galibier mais n’a pas écrasé le Tour. Aléas et péripéties désignent souvent le vainqueur final…

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Zoom sur le nombre de coureurs par nation
France : 32 ;
Belgique : 28 ;
Espagne : 15 (dont 6 Basques !) ;
Pays Bas : 14 ;
Grande Bretagne : 11 ;
Allemagne, Danemark, Italie : 8 ;
Norvège 7 ;
Australie : 6 ;
Colombie : 4 ;
Autriche, Canada, Etats unis, Irlande, Kazakhstan, Lettonie, Luxembourg, Suisse : 2 ;
Equateur, Erythrée, Pologne, République Tchèque, Russie : 1.
La moyenne d’âge est de 29 ans et 3 mois.
Le cadet est le Norvégien Johannes Kulset, 20 ans et 2 mois, le vétéran Jacob Fuglsang, 39 ans et 3 mois.
L’équipe la plus jeune, Lotto Dstny a une moyenne d’âge de ses coureurs de 26 ans, mais est la plus ancienne en tant qu’équipe, fondée en 1985.
L’équipe la plus âgée en âge moyen de ses coureurs est l’autralienne Jayco AlUla, 31 ans, mais 12 ans d’existence en tant qu’équipe seulement, fondée en 2012 • RU

Napoléon, notre contemporain?

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Portrait de Bonaparte, Premier Consul, François Gérard, 1803. DR.

Tour d’horizon sur les ouvrages récents consacrés à l’Empereur


Le Premier Empire, décidément, n’a pas de frontières naturelles : dans son captivant ouvrage « Sur les bords de la Seine », Histoire et secrets du tombeau de Napoléon (Perrin, 2023), Thierry Lentz nous rappelle que le 16 mars 1995, Fidel Castro, très féru d’histoire napoléonienne et fervent admirateur de l’Empereur, se rend aux Invalides, vêtu en treillis, dans le cadre de sa visite d’Etat, « pour un moment de recueillement devant le sarcophage de quartzite rouge ». En 2024, la capitale cubaine s’enorgueillit toujours de posséder son modeste Museo Napoleonico.

Singulière histoire : en 1961, la Révolution castriste s’empare de la collection de souvenirs accumulée par Julio Lobo (1898-1983), financier immensément riche, alors considéré comme le plus gros propriétaire sucrier au monde, qui vient de s’exiler sans donner suite à la proposition de Che Guevara de prendre la direction de l’industrie sucrière, évidemment nationalisée. Ladite collection trouve dès lors un abri dans la villa néo-Renaissance construite en 1927, dans le quartier alors opulent du Vedado, par les architectes Evelio Govantes et Felix Cabarrocas pour l’avocat, journaliste et entrepreneur cubain d’origine napolitaine Orestes Ferrara (1876-1972), lequel fuira également le régime castriste dès 1961, pour terminer sa (très longue) vie dans son Italie natale. 

La rue pentue où s’ouvre le petit portail de la vénérable demeure jouxte la façade néo-classique de la monumentale et superbe Université de La Havane. La collection rassemble mobilier, peintures, bronzes, porcelaines, objets personnels de Napoléon ou du clan Bonaparte. Ni guide, ni catalogue (nous sommes à Cuba) !  Et pas un chat, curieusement, dans ce discret sanctuaire agrémenté d’un joli jardin – « immersion », comme on dit aujourd’hui, dans une demeure de la haute bourgeoisie, au pouvoir d’évocation sans pareil : La Havane, ultime terre d’exil insulaire post mortem pour l’Empereur, sous l’ombrelle du castrisme agonisant, voilà qui ne manque pas de piquant.


Directeur de la Fondation Napoléon et auteur d’une quarantaine d’ouvrages consacrés au Premier Empire (mais aussi au Second), Thierry Lentz n’a pas son pareil pour nourrir, avec autant d’humour que d’érudition et d’élégance stylistique, la réflexion sur le personnage et sa légende, le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit l’aventure napoléonienne, les figures historiques qui en jalonnent les développements. A l’avant-poste de ces recherches, les éditions Perrin multiplient les parutions où se croisent les regards portés sur une époque qui passionne encore et toujours : « Depuis 1821, deux livres en moyenne ont été publiés chaque jour sur Napoléon et le Premier Empire », observe l’historien dans son introduction au Mémorial de Sainte-Hélène, le manuscrit retrouvé, sorti en librairie le 20 juin, en poche, dans la collection Tempus – près de 1000 pages, tout de même ! Car la version du Mémorial telle que publiée en 1823 par Emmanuel Las Cases enrichit, et enjolive pas mal le texte original de cet apôtre, fidèle entre les fidèles, et qui survivra à son mentor jusqu’en 1842. Rappelons au passage que, sur les soixante-dix-huit mois que dura l’exil de l’empereur, le mémorialiste, expulsé de la prison insulaire par son garde-chiourme paranoïaque Hudson Lowe dès le 31 décembre 1816, n’en aura jamais passé que quatorze ! À son départ, le précieux bréviaire lui est confisqué par les Anglais. Parfaitement francophones s’il faut en croire leur graphie et leur orthographe scrupuleuses, les scribes qui, outre-Manche, s’attèlent à recopier alors le précieux manuscrit (si vous l’avez, prévenez-nous) ont sans doute commis, à la marge, quelques erreurs ou oublis. Toujours est-il que cette copie sommeillait depuis deux siècles à la British Library : les fantômes ont la vie longue.

A lire aussi, du même auteur: Napoléon superstar

Cette réapparition tient du miracle. Comme quoi l’Histoire est une matière vivante. Au reste qui dira qu’il faut nécessairement que la pertinence critique ait le poids d’un pavé ? La merveilleuse réfutation du principe du ballonnement tient dans l’exigence de densité sans cuistrerie qui sous-tend la prose toujours acérée d’un Thierry Lentz, dont on vous recommande de lire toutes affaires cessantes, en parallèle, les deux fulgurantes mises au point qui ont pour titre Napoléon et Pour Napoléon (dans la collection Tempus), textes de haute tenue qui pulvérisent toutes les idées reçues sur celui qui reste, quoiqu’on y fasse, notre gloire nationale.

Toujours sous les auspices de Perrin, mentionnons la réédition de cet incunable de la vulgarisation historique que sont les Bonaparte et Napoléon, coup double de feu André Castelot (1911-2004). Scribomane compulsif, conteur hors pair qui est en quelque sorte à l’Histoire ce que le concierge est à l’immeuble, Castelot aura tout de même travaillé vingt ans durant à son grand-œuvre, publié à bon escient en 1967 dans la perspective du bicentenaire de la naissance de l’enfant corse : mémorable entreprise qui prend corps aujourd’hui dans ces deux volumes (1312 pages au total !) agrémentés de portfolios d’illustrations en couleur – viatique plus reposant pour l’esprit qu’un devoir de vacances.    

À ce tour qui n’épuise aucun horizon possible, ajoutons, transvasés cette année de Perrin dans la Table ronde, deux petits récits signés Michel Bernard, Hiver 1812Retraite de Russie (à juste titre récompensé en 2023 par un Prix du Jury de la Fondation Napoléon), et Hiver 1814 – Campagne de France, dans lesquels le souci de véracité factuelle n’interdit pas l’inspiration littéraire.

Car il est clair que nulle part comme chez aucun autre personnage historique, la réalité se fond dans la légende, le mythe s’adossant en retour aux circonstances épiques d’un destin qu’on ne se lasse pas de raconter sous tous les angles, et de mille façons. Votre serviteur vous a déjà parlé, dans le Causeur de juin, de ce Napoléon tel que revu et corrigé par le cinéaste Abel Gance, un film lui-même mythique, et dont l’ouvrage collectif Napoléon vu par Abel Gance, retrace la genèse et les infortunes, puis la laborieuse et splendide reconstruction, par les soins de la Cinémathèque française. Le « Petit caporal » n’en finit pas de renaître de ses cendres, tisonné par une fascination véritablement inépuisable pour cette flambée – quinze années à peine ! Comme l’écrit de son côté Charles-Eloi Vial, en conclusion de sa passionnante Histoire des Cent-Jours (Perrin, 2021) : « il ne faut pourtant jamais douter de la versatilité des hommes, de la fragilité des empires ni de l’ambition des rois, qui appartiennent au passé autant qu’à l’avenir» : Napoléon, notre contemporain ?


A voir: Museo Napoleonico. Calle San Miguel 1159. Vedado. La Havane, Cuba.


A lire :

« Sur Les bords de la Seine… » Histoire et secrets du tombeau de Napoléon, de Thierry Lentz. Perrin, 2023

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Mémorial de Sainte-Hélène – le manuscrit retrouvé, d’Emmanuel Las Cases. Perrin, 2024

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Napoléon, de Thierry Lentz. Coll. Tempus. Perrin, 2023

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Pour Napoléon, de Thierry Lentz. Coll. Tempus. Perrin, 2024

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Bonaparte/ Napoléon, d’André Castelot. 2 volumes. Perrin, 2024

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Hiver 1812, Retraite de Russie/ Hiver 1814, Campagne de France, par Michel Bernard. 2 volumes. Coll. La Petite vermillon. La Table Ronde, 2024

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Hiver 1814: Campagne de France

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Napoléon vu par Abel Gance (300 illustrations). Collectif. Coédition La Table Ronde/ La Cinémathèque française, 2024.

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Mémoires de Napoléon, tome 3. L’Ile d’Elbe et les 100 jours. Préface de Thierry Lentz. Coll. Texto, Tallandier, 2024.

Mémoires: L'île d'Elbe et les Cent-Jours. 1814-1815 (3)

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A consulter :

Fondation Napoléon, 7 rue Geoffroy Saint-Hilaire 75005 Paris. https://fondationnapoleon.org  

En 2024 : mise en ligne gratuite de plus de 40 000 lettres de la Correspondance de Napoléon, sur napoleonica.org. 

La Macronie: sauver sa vie ou être digne

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Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, Palais de l'Elysée, 21 novembre 2017 © Alfonso Jimenez/Shutter/SIPA

Le macronisme se trouve à un tournant critique. Il semble même préférer une Chambre introuvable, que de laisser Jordan Bardella entrer à Matignon. Mise à jour: la majorité présidentielle se désiste dans plus de 80 circonscriptions pour faire barrage au RN.


On s’est beaucoup gaussé d’Aurore Bergé qui, le 30 juin au soir, contredisant le président de la République et le Premier ministre, souhaitait que se maintiennent, pour le second tour, les candidats d’Ensemble. Ceux qui le pouvaient… Et, pourtant, si cela avait été la seule attitude convenable ?

Avant d’appréhender les surprenants détours du macronisme, rêvons une seconde d’un monde idéal en politique. Et sans éprouver une fois de plus le besoin d’en référer à Charles de Gaulle. Avec Emmanuel Macron, nous sommes présidés par un homme qui a été désavoué trois fois par le peuple après sa réélection (acquise à la suite d’une campagne minimaliste, de son fait) : une majorité relative aux dernières élections législatives en 2022 alors qu’il l’espérait absolue, une défaite cinglante de son camp aux élections européennes et un premier tour dévastateur pour sa cause au premier tour des élections législatives 2024. Trois camouflets, dont les deux derniers ont signé sa faillite personnelle après une dissolution délirante qui a placé le RN en position de domination. Par sa faiblesse, la politique du président a favorisé le RN en prétendant le combattre. Face au constat d’un lien durablement rompu avec le peuple, Emmanuel Macron pourrait en tirer une conclusion : sa démission. Mais il ne le fera pas et préférera le 8 juillet s’accommoder d’une assemblée ingouvernable, contraignant, au mieux, à des alliances improbables. Y compris, si on suit l’ambiguïté des interventions des deux têtes du pouvoir, Emmanuel Macron et Gabriel Attal le 30 juin, avec un Nouveau Front Populaire sous l’emprise de Jean-Luc Mélenchon, même pas futur Premier ministre. Au moins, sur ce plan, Édouard Philippe, Bruno Le Maire et d’autres rétifs, excluant le vote LFI au second tour, font le bon choix.

Le détestable ou le préférable

Qu’on ne croit pas que j’abandonne la droite à sa condition réduite. J’éprouvais des angoisses à l’idée qu’un bureau politique LR se réunissait le 1ᵉʳ juillet pour déterminer la position pour le second tour du 7 juillet. Le courage intellectuel et démocratique serait-il au rendez-vous et les François-Xavier Bellamy seraient-ils en nombre ? Heureusement, aucune consigne nationale n’a été donnée, l’extrême gauche est un danger et l’extrême droite aussi, mais moindre. Comme Raymond Aron l’avait précisé, la politique n’a pas à arbitrer « entre le bien et le mal mais entre le détestable ou le préférable ». Cette alternative offre une réponse limpide aujourd’hui.

A lire aussi : Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

Pour en revenir à la macronie qui clairement a choisi de sauver sa peau plutôt qu’être digne, je vais parler net. Si la joute législative se résumait à une lutte personnelle entre les personnalités et les parcours de Jean-Luc Mélenchon et de Jordan Bardella, nul doute que ma sympathie irait vers le plus jeune, l’autre ayant fait tout ce qu’il fallait pour se faire détester de tous, et d’abord au sein de la secte sur laquelle pèse son emprise. Car la bataille s’engage bien entre Bardella et Mélenchon et il est lamentable que pour contrer le RN, les macronistes fassent « le choix du NFP ». Comment la macronie pourra-t-elle justifier un tel reniement de ses valeurs, qu’elle ne cesse pourtant d’afficher, ajoutant à chaque fois pour faire bonne mesure, « de la République » ? Ces valeurs, dont le discours de Gabriel Attal a égrainé l’existence tel un mantra, sont-elles à ce point respectées par LFI, avec son antisémitisme, sa haine de la police (« la police tue »), son désordre et sa vulgarité parlementaires délibérées, certaines de ses personnalités déshonorant la démocratie, qu’on puisse ainsi d’initiative souhaiter une collusion avec ce groupe ? Imagine-t-on des candidats d’Ensemble permettre, sans frémir, la victoire de quelques LFI sans honneur qui seraient légitimement battus sans leur aide ? Est-il normal que, pour lui complaire, Gabriel Attal annonce la suspension de la réforme de l’assurance chômage qu’encore ces dernières semaines on qualifiait d’absolument nécessaire ? Est-il décent que pas une seconde, une vague conscience républicaine ne s’éveille chez ces professionnels blasés de la politique seulement préoccupés de troubler la transparence électorale en entravant les conséquences de la première étape législative ?

Tout (et n’importe quoi) face au RN

Surtout, qu’on vienne nous expliquer, au lieu de ressasser « les valeurs de la République » contre le RN, alors que beaucoup reconnaissent avec bonne foi qu’il a changé, pourquoi il conviendrait que nous acceptions cette alliance contre-nature entre une macronie molle et une extrême gauche qui refuse les exigences d’un peuple attaché à la sécurité, à la Justice, à l’autorité et aux forces de l’ordre. Extrême gauche dont le projet régalien se résume à combattre les seules violences policières…

Comme tant d’autres, je suis lassé par la pauvreté politique qu’on oppose à un RN lui-même pauvre dans tant de secteurs, en croyant le noyer sous un opprobre moral, faute d’une argumentation technique convaincante. Pour nous dissuader d’être tenté par un RN allié à Éric Ciotti dans les domaines qui sont son fort (immigration et sécurité), il faudrait davantage que la perte de toute dignité pour sauver la peau d’un président dépassé et maintenu à flot par un Premier ministre vaillant, actif, mais qui n’ose pas aller contre le « partisan correct ».

A lire aussi : La droite va-t-elle continuer d’affluer vers Bardella durant l’entre-deux-tours?

Le pire est que cette lâcheté et cette ignominie – là, on pourrait évoquer la violation des « valeurs de la République » ! – vont ouvrir un immense boulevard pour l’adversaire. Qui pourrait vraiment hésiter entre Jordan Bardella et un couple formé par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ? On fait tout pour permettre à Jordan Bardella de faire un brouillon durant deux ans. En faisant le pari que Marine Le Pen ne pourra pas le mettre au propre ! Un pari de plus ?

Le macronisme n’est même pas un humanisme.

Un touriste au Touquet

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Emmanuel Macron au Touquet (62), 30 juin 2024. Image : capture YouTube / Le Parisien.

La positive attitude


C’était dimanche, un dimanche de désastre pour l’homme de l’Élysée. Les gens votaient et ils votaient mal. Lui, qui se déclarait voilà peu le rempart contre ce qui était en train de sortir des urnes se voyait contraint de manger son chapeau. Dimanche très sombre donc pour lui et son camp.

Voilà bien qu’il s’était rendu au Touquet pour voter. Anticipant sur ses préférences du second tour, allez savoir si, nanti d’une intelligence si aiguisée et tellement prédictive, il n’allait pas d’ores et déjà glisser dans l’urne un bulletin NFP-LFI. Il aurait eu une excuse, le désarroi. Lui qui mettait en garde, le dimanche précédent, contre l’imminence du chaos, qui voyait se profiler le pire du pire.

C’est donc, tout logiquement, un homme effondré, un président démonétisé, un chef désavoué, un thaumaturge à la dérive qui, après avoir effectué son devoir de citoyen, s’en est retourné dans le cocon du nid familial, là où il savait pouvoir trouver une once de compréhension, une bienveillance consolatrice, un peu de douceur. Volets tirés, probablement, pour, symboliquement, se protéger de la rumeur qui, d’heure en heure, montait du pays. Volets clos aussi pour ne pas avoir à poser les yeux sur le spectacle, cruel pour lui, mais anodin pour quiconque, auquel les touristes dominicaux du Touquet pouvaient assister. Un homme, détendu, parfaite illustration de la cool attitude, étranger aux enjeux du jour, étranger à tout finalement, blouson type perfecto, jean, baskets aux pieds, casquette sur la tête, déambulant ici et là. L’image même d’une juvénilité prolongée. L’insouciance gaie, l’hédonisme du dimanche tel qu’en lui-même. L’heureux mortel que rien ne peut atteindre ni troubler, planqué qu’il est derrière ses Ray-ban, main dans la main avec sa compagne tout aussi cool, flanqué de quelques garçons eux aussi en tenue de RTT et que, pour un peu, on prendrait pour une sorte de garde rapprochée.

Fort heureusement, prostré derrière les volets clos de son refuge de souffrance, l’homme de l’Élysée échappa à ce spectacle. Sinon, qui pourrait dire combien il aurait aimé pouvoir se permettre d’être ce gars-là, ce touriste débonnaire et souriant, à mille lieues de la réalité du moment ? Combien il aurait goûté pouvoir s’offrir ce luxe, n’être plus un chef vaincu, un meneur à la ramasse, mais juste un gars à casquette et lunettes façon Top gun insensible à tout. Ah oui, comme il aurait aimé pouvoir se permettre cet abandon à la futilité en ce dimanche de Bérézina ! Mais il ne le pouvait. Un reste de dignité, comprenez-vous, le sens profond du devoir, la conscience de la gravité de l’enjeu. Ces qualités et vertus que, en toute circonstance, un président de la République se doit d’observer et de montrer. De nouveau, dimanche prochain, volets clos au Touquet ? De nouveau, un touriste en vadrouille ? Mais casquette à l’envers, cette fois, pour faire davantage d’jeune LFIste peut-être bien…

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La Vᵉ République au cimetière

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Emmanuel Macron à Paris, le 20 juin 2024. © Dylan Martinez/AP/SIPA

Ni droite ni gauche. En même temps. Emmanuel Macron pensait incarner le nouveau monde. Il était en fait le fossoyeur de nos institutions.


Depuis le 9 juin, une petite musique circule : en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron inscrirait ses pas dans ceux de de Gaulle. Le président jupitérien, l’apôtre de la verticalité renouerait avec la tradition gaullienne de l’appel au peuple, qui a conduit le père de la V République à quitter le pouvoir à la suite du référendum perdu de 1969.

Démission dans la balance

Évidemment, c’était là méconnaître l’ADN de nos institutions. D’abord parce qu’à chaque retour aux urnes, de Gaulle mettait sa démission dans la balance. Ce qu’Emmanuel Macron s’est empressé de ne pas faire, annonçant qu’il resterait à l’Élysée en cas de défaite, quitte à cohabiter. Ensuite parce que ces législatives anticipées prenaient la forme d’une séance de rattrapage : puisque les Français ont « mal » voté aux européennes, plaçant le RN en tête, libre à eux de confirmer – ou plutôt d’infirmer – leur choix. Après une campagne éclair, placée sous l’égide des « heures les plus sombres de l’Histoire ». On imagine mal de Gaulle bricoler des élections pour mieux braquer son pistolet moral sur ses concitoyens.

A lire aussi : La revanche de la France périphérique

Mais c’est encore dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Et dès le soir du premier tour, l’air composé un certain 21 avril 2002 s’est intensifié. Sur tous les plateaux télé, même refrain : « Pas une voix au RN ! ». Leitmotiv d’une classe politique qui s’est donné le mot – tout en s’étonnant de la défiance croissante du peuple envers ses élites. Dans le registre des petites phrases, difficile de ne pas offrir la palme à Olivier Faure, le patron du PS affirmant qu’une victoire du RN entraînerait « le tri des enfants »dès leur plus jeune âge. On n’est pas loin des outrances de Silvio Berlusconi, disant des communistes qu’ils faisaient « bouillir des enfants afin de les utiliser comme engrais » du temps de Mao. Mais le pire dépasse ces sorties tapageuses et pas très constructives. Par le passé, le barrage anti-RN – le fameux front républicain – visait à enrayer la montée de l’extrême droite, à mettre sous l’éteignoir le parti de Marine Le Pen. Aujourd’hui, tel n’est pas l’enjeu. Le RN étant la seule formation susceptible d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée, tout faire pour l’en priver signifie, de facto, favoriser un Parlement bloqué, tributaire de coalitions contre-nature et d’arrangements d’appareil. Les porte-paroles de la Macronie l’ont d’ailleurs esquissé, rêvant d’une « majorité responsable autour de l’arc central et républicain », pour reprendre les mots de Nicole Belloubet. En clair, un rassemblement hétéroclite de tous ceux – des Insoumis non-Mélenchoniens (si la chose existe) aux Républicains Macron-compatibles, en passant par les écologistes ou les communistes – qui aspirent au statu quo. Même si les Français n’en veulent plus. Et quitte à pactiser au mépris de la plus infime cohérence. À moins d’imaginer Aurélien Pradié s’attabler avec Sandrine Rousseau.

Bordélisation générale

Au fond, Emmanuel Macron a réussi un tour de force, énième déclinaison du « en même temps ». Lui le Jupitérien entraîne le pays vers un régime d’assemblée digne de la IVᵉ République, mise en pratique de la tactique de « bordélisation » prônée par LFI. Une France ingouvernable, soumise aux stratégies « politichiennes », comme disait de Gaulle.

A lire aussi : Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

Il y a sept ans, de nombreux citoyens pensaient qu’Emmanuel Macron incarnait le nouveau monde. Il restaure au contraire l’ancien, qui avait conduit la France vers le pire. Le gardien des institutions en est devenu le fossoyeur.

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Les instances inquisitoriales de l’Arcom promettent le bûcher à Cyril Hanouna (et à quelques autres)

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L'animateur Cyril Hanouna dans son studio. DR.

L’émission de Cyril Hanouna sur Europe 1, “On marche sur la tête”, a été mise en demeure par le régulateur audiovisuel pour manque de « mesure » et « d’honnêteté ». L’animateur rigolo dénonce « un acharnement contre [sa] personne au niveau de l’Arcom », part en vacances et est remplacé par Eliot Deval à 18 heures.


Le 25 juin dernier, l’Arcom a officiellement envoyé une mise en garde à Sud Radio au sujet de  l’émission « Bercoff dans tous ses états » diffusée le 7 décembre 2023. Cette émission était consacrée à la COP 28 et l’invité en était le physicien François Gervais[1]. Raison de ce rappel à l’ordre ? Attention, tenez-vous bien : l’Arcom « a relevé que plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction. » Dans quel système politique vivons-nous ? La question mérite d’être posée s’il est avéré qu’il n’est plus possible, même pour un physicien de renom, d’interroger les données scientifiques qui ont abouti à ce qu’il faut bien appeler un dogme climatique, celui du GIEC, organisme techno-bureaucratique et quasi-religieux régi par les pays membres de l’ONU ayant intérêt, pour des raisons diverses et parfois contradictoires, à conforter le récit d’un « dérèglement climatique dû à l’activité humaine ». Le GIEC est devenu le Saint des saints de l’écologie politique. Sa parole ne saurait être remise en cause. En France, les hérétiques sont poursuivis par un organisme de surveillance médiatique supposément indépendant dont l’existence même, dans un pays qui se dit démocratique, est problématique. En plus de participer au contrôle permanent de la population, des médias audiovisuels, de la presse, etc., certaines autorités administratives ou politiques dites indépendantes – l’Arcom, mais aussi la CNIL, le Défenseur des droits, le Conseil supérieur de l’AFP, etc. – ne semblent avoir été créées que pour permettre à la République monarchique de recaser une partie de la noblesse d’État en lui attribuant des postes très rémunérateurs, agrémentés de multiples droits et de nombreux privilèges, soit en remerciement de services rendus, soit dans l’espoir d’un retour sur investissement sous la forme d’une totale soumission.  

En règle générale, Radio France n’a pas grand-chose à craindre de l’Arcom. Concernant le sujet du climat, sa charte environnementale intitulée “Le Tournant” ne laisse planer aucun doute sur son allégeance au dogme : la radio publique a tout bonnement décidé de sortir « du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine » car, croit-elle, « elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres ». Quotidiennement, des messes sur l’écologie et le réchauffement climatique sont célébrées dans la Maison Ronde. Sur les prie-Dieu, le dernier rapport du GIEC fait office de missel. L’absence de contradicteurs face aux bigots écolos de la radio publique ne semble pas chagriner l’Arcom, au contraire. Sur Sud Radio, François Gervais a eu l’outrecuidance de remettre en cause la doxa ? La radio sacrilège et le chercheur hérétique sont prévenus : la prochaine fois, c’est le bûcher.

Tête de turc

Ils y rejoindront Cyril Hanouna. L’Arcom réserve depuis de nombreux mois un régime spécial à l’animateur de l’émission TPMP sur C8. La tête de Turc de l’organisme de surveillance médiatique anime l’émission “On marche sur la tête” sur Europe 1 depuis à peine dix jours que déjà les ennuis (re)commencent. Ça n’a pas traîné. L’Arcom vient en effet d’adresser à la radio sa première mise en demeure. Motif ? Des propos auraient été tenus dans la nouvelle émission de Cyril Hanouna « sans faire l’objet d’une contradiction suffisante » et l’émission manquerait de « mesure » et d’ « honnêteté » vis-à-vis de La France insoumise et du Nouveau Front Populaire. L’auxiliaire de police médiatique Le Monde a de son côté « enregistré tous les participants et décompté tous les temps de parole » dans ladite émission. Verdict : “On marche sur la tête” est une « émission de propagande politique, en pleine période électorale. » Le quotidien du soir, qui n’a jamais rien trouvé à redire à la propagande gauchiste de l’audiovisuel public, ne manque pas d’un certain culot. En même temps, peut-on prendre au sérieux un journal qui a choisi pour marraine de la prochaine édition de son Festival international de journalisme… Camélia Jordana ?

A lire aussi, du même auteur: Giulia Foïs s’exhibe sur une affiche du Nouveau Front Populaire? La direction de France Inter ne voit apparemment pas où est le problème…

Lors de la matinale de France Inter du 3 juin, le surveillant médiatique Cyril Lacarrière a montré, de son côté, les signes d’une extrême inquiétude : CNews est passé devant BFMTV et est devenu le leader des chaînes d’info continue. C’est embêtant car, selon le journaliste, si la chaîne « bollorisée » reste numéro 1, il sera difficile de la faire « retoquer » par l’Arcom sans risquer d’y voir une décision politique. Comment ! L’organisme de régulation indépendant se serait pas si indépendant que ça ? Nous n’osons y croire. Le 25 juin, le même Cyril Lacarrière cible directement… Vincent Bolloré et Cyril Hanouna : l’Arcom a demandé à Europe 1, deux jours seulement après le lancement de la nouvelle émission “On marche sur la tête”, de « veiller strictement à la pluralité des points de vue ». Malheureusement, déplore l’éditorialiste, le propriétaire d’Europe 1 et son animateur vedette n’en ont cure et « sont tout simplement en train de faire exploser le modèle de la régulation à la française ». Venant de la part de l’employé d’une radio publique penchant ouvertement à gauche et se contrefichant du pluralisme et de l’impartialité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, cela ne manque pas de sel.

Barrage républicain: France inter à la pointe

Car il n’y a pas que pour le climat que la radio publique se distingue par un manquement aux devoirs qui incombent à une radio payée par tous les Français. France Inter, comme d’habitude, fait plus et mieux que ses petites camarades. Il suffit d’écouter sa matinale d’information pour s’en rendre compte. Depuis quinze jours, journalistes, chroniqueurs et éditorialistes se démènent tant et plus pour apporter leurs pierres au « barrage républicain contre l’extrême droite ». Le plus assidu est sans conteste l’éditorialiste politique Yaël Goosz. La semaine précédent le premier tour des élections législatives, il s’est surpassé : sur cinq éditos, quatre ont été consacrés à… « l’extrême droite ». Détails :

Le 24 juin, son édito s’intitule “Obéir ou pas, avec le RN, la haute fonction publique en terre inconnue”. Entre deux claquements des dents, le journaliste s’interroge : si le RN prend le pouvoir, comment se comporteront « les hauts gradés de la police, en cas de bavure, puisqu’avec le RN, les forces de l’ordre bénéficieraient de la “présomption de légitime défense” ? » Qui prendra la direction de la gendarmerie, de la Poste, de la SNCF ? Qu’arrivera-il à un directeur d’hôpital et aux médecins qui accepteront « de soigner un étranger, bravant la loi, promise par le RN, de suppression de l’AME » ? Bref, se lamente Yaël Goosz, « une bataille inédite et mortifère entre populisme au pouvoir et État de Droit » est envisageable si Jordan Bardella devient Premier ministre. Brr !

Le 26 juin, rasséréné par les déclarations de certains hommes politiques – Hollande, Jospin, Bertrand, Bayrou, Faure, la crème de la crème des pontifes lénifiants – l’éditorialiste se réjouit – « Le front républicain respire encore »et avertit : « Il ne tient qu’à Emmanuel Macron de le réanimer pour de bon. » Pour ce faire, le président de la République doit cesser de renvoyer dos à dos le NFP et le RN car « pour le camp de la raison, ce ni-ni est ni rationnel, ni raisonnable. » En cas de duel NFP/RN, Yaël Goosz, pilier radiophonique de la rationalité raisonnable, laisse aisément deviner vers qui son choix se porterait.

27 juin : le docteur Goosz décline les points faibles du RN et conclut par un message qui se veut subliminal : « Le RN gagnera peut-être, sans doute, et démocratiquement, parce qu’il n’a jamais été “essayé”, mais avant de faire l’essai, il est toujours temps, dans l’isoloir, de lire précisément, et entre les lignes, ce que dit la notice. Gare aux effets indésirables. » Subtil, isn’t it ?

Enfin, le 28 juin, à l’avant-veille du premier tour des élections, Yaël Goosz triture l’histoire pour laisser penser que les électeurs du RN sont en réalité des pétainistes dans l’âme : « Dans dix jours, l’extrême droite sera peut-être en position de gouverner le pays. Le 10 juillet 1940, les parlementaires avaient voté les pleins pouvoirs. Le suffrage était indirect. Le 7 juillet 2024, la bascule pourrait se faire, pour la première fois, au suffrage universel direct. En toute connaissance de cause. » Heureusement, la résistance s’organise…

Toujours sur France Inter. Ces quinze derniers jours, sous couvert d’humour, Charline Vanhoenacker et ce qui reste de sa bande de comiques pas drôles ne se sont pas gênés pour faire la publicité du NFP et dégobiller sur les presque 35% de Français qui « votent mal ». Florilège : « Allez, dernière chronique dans la France libre ! En 2024, on pensait qu’on allait libérer la parole des femmes ou des LGBT… on a surtout libéré la parole des racistes. » « Ce soir, j’espère que le rire va couvrir le bruit des bottes. » « Vous pensez que ça ferait plaisir à Hitler de voir tous ces députés RN qui ne se souviennent même pas que leur parti a été fondé par un Waffen-SS ? » « Certains disent que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite ne va rien changer. Et c’est vrai, j’ai tendance à dramatiser. Si vous n’êtes pas homosexuel, pas féministe, pas noir, pas musulman, pas pauvre, pas trans, pas écolo, pas juif, pas fonctionnaire, pas humoriste, pas famille monoparentale, pas syndicaliste, pas chômeur… alors c’est vrai que rien ne devrait changer. » La triste équipe a conclu sa dernière émission de la saison  avec une chanson appelant à voter contre le RN et dénonçant… Vincent Bolloré, Pascal Praud et Cyril Hanouna, trop gentiment traités par l’Arcom, d’après elle. Ayant usé toutes les patiences, même celles des directrices de France Inter et de Radio France, il n’est pas certain que Charline Vanhoenacker soit présente sur les ondes de France Inter à la rentrée prochaine. Proposition : à sa place, France Inter pourrait rediffuser les deux saisons du “Tribunal des flagrants délires”. Claude Villers, Pierre Desproges, Luis Rego. Que du bonheur ! De l’humour, du vrai ! Succès assuré !

Malgré le rouleau compresseur de la propagande médiatique, les résultats du premier tour ont confirmé ce que les sondages laissaient pressentir, à savoir une large victoire du RN et de ses alliés. Sans surprise, le « front républicain » tente de se refaire la cerise et des alliances surprenantes, monstrueuses ou risibles naissent au fil des triangulaires. Libé veut « faire bloc ». Le Monde appelle à « faire barrage » à qui vous savez et affirme sans rire que, « fidèle à son combat historique contre l’extrême droite, la gauche, de LFI au PS, n’a pas dérogé à appeler au front républicain ». “Quotidien”, l’émission de Yann Barthès sur TMC, va continuer de sonner la charge contre « l’extrême droite ». Le groupe TF1 et l’audiovisuel public sont sur le pied de guerre. Et l’Arcom ? Ne pouvant pas épier tout le monde en même temps, l’Arcom est obligée de faire des choix. Il est par conséquent prévu qu’elle continue d’inspecter rigoureusement CNews, d’observer scrupuleusement Europe 1 et de surveiller minutieusement Cyril Hanouna. Quand elle aura cinq minutes, elle jettera également un coup d’œil sur Sud Radio.


[1] À propos de François Gervais et du GIEC, je renvoie à mon article paru le 10 avril 2024 dans ces colonnes, Que dit Steven E. Koonin sur le climat, exactement ?

Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

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Rima Hassan en campagne à Paris, 13 mars 2024 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Avec son keffieh palestinien derrière Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan a adressé un nouveau « message subliminal » aux électeurs, dimanche soir. La militante n’a jamais vraiment condamné les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël, et quand elle prétend revendiquer la création d’un État binational démocratique en résolution au conflit israélo-palestinien, c’est en fait une façon chic de réclamer la destruction de l’État juif. Démonstration.


Le 9 juin, Rima Hassan a été élue députée européenne. Sur le bulletin de vote LFI, la militante pro-palestinienne d’origine syrienne est présentée comme « engagée pour un cessez-le-feu à Gaza ». Or, qu’en est-il exactement ? Un examen de ses prises de paroles depuis son entrée en politique nous permet d’en douter fortement.

Fin novembre 2023, Rima Hassan participe à un entretien avec le média en ligne Le Crayon. Un des principes de l’émission consiste à répondre par « oui » ou par « non » à une série de questions. Rima Hassan répond « oui » quand on lui demande si « le Hamas mène une action légitime » (sic). Quand cet extrait est diffusé sur YouTube au mois de janvier, puis par l’émission Quotidien sur TMC le 11 mars, la polémique éclate. Le site Arrêt sur images prend la défense de Rima Hassan et écrit que « pour elle, l’action politique du Hamas, contrairement à sa branche armée, est légitime ». Le propos est absurde dans la mesure où on ne peut couper le Hamas en deux tant il s’agit d’un seul et même bloc uni par une même idéologie.

Mais que faisait la députée européenne avec son keffieh palestinien, à gauche de Jean-Luc Mélenchon, dimanche soir ? DR.

« Branche armée » : la plupart des personnes exposées à ses propos ne vont pas faire cette distinction douteuse

Pour Arrêt sur images, qui semble prendre pour argent comptant ce que raconte Rima Hassan, cette dernière parle de la légitimité de l’action du Hamas en dehors de la lutte armée et surtout sans référence aucune à ce qui a été commis le 7 octobre contre les civils israéliens. Pourtant, l’entretien à la chaîne Le Crayon est réalisé moins de deux mois après le 7 octobre. Prétendre, comme Rima Hassan le fait, qu’elle ne se référait pas au 7 octobre quand on la questionne sur la légitimité ou non de l’action du Hamas n’a dès lors aucun sens. Mais surtout, rien n’est plus faux comme on peut le voir à la lecture de ce qu’écrit et publie Rima Hassan sur ses « réseaux sociaux ». Pire encore, la plupart des personnes exposées à ces propos ne vont pas faire cette distinction douteuse. Pour elles – à juste titre par ailleurs – c’est simple : Hamas c’est le 7 octobre et le 7 octobre c’est Hamas.

Cette manière qui consiste à lancer une bombe médiatique qui, grâce à l’outrance des propos, lance une polémique diffusant un message simple (dans ce cas, le 7 octobre est légitime) auprès d’une audience bien ciblée, tout en permettant de proposer une explication à une audience plus exigeante, est la stratégie de communication politique de LFI, décrite et revendiquée par le député Louis Boyard.    

Le Hamas fantasmé comme un mouvement de « résistance »

Dans sa réponse à la polémique née de son entretien à la chaîne Le Crayon, Rima Hassan assure ceci : « Depuis le début, je parle de « crimes de guerre » pour qualifier les attaques du 7 octobre notamment. » Et de préciser qu’elle reconnaît le caractère terroriste de ces attaques. La défense de Rima Hassan est actuellement fausse pour deux raisons.

La première est que le 7 octobre et les jours suivants, sur son compte Twitter, Rima Hassan n’a jamais condamné les actions du Hamas et les a encore moins qualifiées de terroristes. Au contraire, elle a reposté des messages qui exaltaient une action de « résistance ». Le 7 octobre, Rima Hassan publie par exemple le message suivant d’Akram Belkaïd, journaliste algérien au Monde diplomatique : « Les Occidentaux approuvent sans hésitation la « résistance » des Ukrainiens face aux Russes, ils dénient aux Palestiniens qui subissent le joug colonial le droit de résister. Ce n’est plus du « double standard », c’est un racisme crasseux. » (Tweet du 7 octobre 2023)

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Illustré par des combattants du Hamas les bras en l’air en signe de victoire, le message véhiculé ne souffre d’aucune ambiguïté possible : ce 7 octobre 2023, le Hamas a tenu tête au colonialisme. Pour être encore plus claire, Rima Hassan republie, toujours ce 7 octobre, un tweet de Fatima Ouassak, essayiste d’origine marocaine éditée par les éditions La Découverte: « Pendant la guerre anticoloniale en Algérie, Simone de Beauvoir ou Sartre ont pris position (sans trembler) pour la résistance armée algérienne, contre la France. Dans la guerre qui oppose colons et colonisés, il faut soutenir (sans trembler) le camp des colonisés. » Là aussi, le message est limpide : si on peut déplorer les pertes civiles du côté de l’ennemi, on ne saurait pour autant condamner le Hamas qui n’a fait que résister au colonialisme. Toute condamnation d’une violence émanant de la partie palestinienne est d’ailleurs vilipendée. Ainsi, quand le mouvement Europe Ecologie Les Verts (EELV) publie un communiqué qui « condamne l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et appelle à des solutions politiques et diplomatiques », Rima Hassan s’indigne: « J’ai lu, pas un mot sur l’apartheid. J’aimerais que nos politiques m’expliquent comment nous, citoyens, pouvons-nous nous saisir politiquement du sujet, si vous, responsables politiques, vous ne faites pas le courageux travail de dire et de nommer l’injustice, le crime d’apartheid. » Le seul problème est que le communiqué ne parle que de ce qui s’est passé le 7 octobre tandis qu’à l’inverse, Rima Hassan ne nomme jamais ce qu’a commis le Hamas, ni « terrorisme », ni « crime de guerre », encore moins « crime contre l’humanité », seulement des messages repostés qui exaltent la « résistance » palestinienne. Et si elle dit déplorer la mort de civils, quels qu’ils soient, pas une fois Rima Hassan ne condamne explicitement, en son nom, le Hamas. On ne peut pas à la fois célébrer la « résistance palestinienne » à l’œuvre le 7 octobre et dire ensuite que l’on condamne ces actes comme terroristes. Entre les deux affirmations, la contradiction est insoluble.

La deuxième raison qui peut faire douter de la bonne foi de Rima Hassan est que le 2 février 2024, sur ses réseaux sociaux toujours, la nouvelle égérie de la cause palestinienne diffuse un clip de la chaîne proche du Hezbollah Al-Mayadeen, réalisé le 25 octobre 2023, qui montre l’État d’Israël pulvérisé par les missiles de l’« axe de la résistance » et sa population qui s’enfuit terrorisée. Rima Hassan a publié cela avec le signe des deux mains serrées l’une contre l’autre comme pour dire « merci » ou comme signe d’espérance de ce qu’elle souhaite voir advenir.

L’État juif, cette « monstruosité sans nom » (sic)

Le 14 novembre 2023, Rima Hassan délivre sur Twitter l’information suivante : « Israël a publié une photo de ses soldats aidant un Palestinien âgé à Gaza. Une fois la comédie terminée, ils lui ont tiré deux balles dans le dos selon le témoignage de sa petite-fille sur Instagram. » En guise d’illustration, deux photos côte à côte. La première nous montre un vieil homme qui s’adresse à un soldat israélien. La seconde nous désigne le même homme qui gît sur le sol, visiblement abattu de plusieurs balles dans le dos. Sur ses canaux de communication, l’armée israélienne publie de son côté les mêmes photos que Rima Hassan mais avec une tout autre histoire : « Hamas killed this Palestinian because he was seen on a picture talking to an Israeli soldier. All he did was asking which way he’s allowed to go. » (Message du 15 novembre 2023) Cet homme aurait demandé à un soldat israélien où il était autorisé à se rendre et pour s’être adressé à l’ennemi, le Hamas l’aurait abattu. À rebours de cette histoire tragique mais qui répond à une certaine « logique » au vu des pratiques du Hamas à l’endroit de sa population civile, le récit de Rima Hassan donne à voir une armée israélienne proprement diabolique. Avec toutefois un « amateurisme » qui laisse pantois: avoir « oublié » d’éliminer les témoins qui, munis de leurs téléphones portables, ont eu tout le loisir de prendre les photos prouvant le crime.

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C’est à cette aune qu’il faut comprendre les déclarations de Rima Hassan qui qualifie l’État d’Israël de « monstruosité sans nom », par ailleurs « pire » que la Russie. Qu’importe qu’Israël soit une société démocratique rythmée par des élections et une opposition vivante dont témoignent les manifestations gigantesques d’avant le 7 octobre pour préserver la Cour suprême. Aussi contraire à la vérité soit-elle, l’affirmation de Rima Hassan vise à dévaluer l’idée de démocratie puisqu’un satrape au pouvoir depuis plus de vingt ans comme Poutine est traité avec davantage d’égards qu’un gouvernement élu, aussi contestable soit-il !

L’État unique de Rima Hassan

Le succès rencontré par Rima Hassan illustre la radicalisation du mouvement pro-palestinien auquel on assiste depuis une vingtaine d’années. Issu des campus américains, le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free », que Rima Hassan fait entonner aux étudiants de Sciences-Po, en est l’illustration type. Qu’on se souvienne qu’il y a vingt ans, on pouvait encore entendre dans les manifestations pour la Palestine le slogan suivant : « Non, un peuple qui en occupe un autre ne peut être un peuple libre ». L’habileté de Rima Hassan est de réussir à faire croire que son refus de deux États, israélien et palestinien, côte à côte, est motivé par le désir d’une cohabitation totale entre les deux peuples. Sur ce point aussi, les contradictions de Rima Hassan abondent.

Elle écrit par exemple dans un message que reproduit Arrêt sur images qu’« on peut dire que le Hamas a une légitimité dans un contexte de lutte pour l’autodétermination. C’est un parti politique qui a été élu. Mais quand ils commettent des crimes, ils sont en dehors du cadre prévu par les Nations unies. » Si les mots ont un sens, on est donc fondé à penser que Rima Hassan a pour boussole le « cadre prévu par les Nations unies ». En ce cas, elle doit reconnaître le vote qui, en 1947, établit la constitution d’un État juif à côté d’un État arabe sur l’ancienne Palestine mandataire. Seul problème : Rima Hassan ne cesse de répéter qu’elle refuse deux États côte à côte comme les Nations Unies le prévoyaient en 1947. Là encore, elle ne peut pas dire une chose et son contraire : d’un côté refuser l’existence d’un État juif, reconnu par un vote des Nations unies, et de l’autre jurer la main sur le cœur qu’elle n’a pour seule boussole que les décisions de la « communauté internationale ». Mais à cela aussi Rima Hassan a une réponse, comme elle s’en explique à Arrêt sur images. Si elle refuse la « solution à deux États », c’est, dit-elle, que « cette perspective ne nous fait plus espérer. Si on nous donnait les moyens de croire à une solution à deux États, ce serait différent. Ce n’est pas une posture idéologique mais le sursaut de vie d’une génération qu’on a trop fait désespérer. » Ici aussi, Rima Hassan se contredit. En toute logique, elle ne peut d’un côté dépeindre la partie israélienne comme « monstrueuse » et de l’autre clamer qu’elle ne souhaite que cohabiter en paix avec ces mêmes « monstres ».

Ce qui manque en réalité à beaucoup de ses soutiens naïfs, c’est une perspective historique. Dépourvu de toute originalité, le credo de l’État unique est depuis longtemps la formulation « politiquement correcte » pour dire que l’on ne souhaite pas que l’État d’Israël puisse exister. Grand ami de la dictature Assad en Syrie (avec laquelle Rima Hassan ne semble pas avoir de problèmes particuliers), le secrétaire général de l’Association de solidarité France-Pays Arabes, Lucien Bitterlin, déclarait en 1976 déjà : « Faisons le vœu de nous retrouver dans la capitale de la nouvelle Palestine pour célébrer avec les Palestiniens, qu’ils soient Juifs, Musulmans ou Chrétiens, l’ère des hommes libérés de toute haine et de toute forme de discrimination raciale ou religieuse. Alors l’épreuve de la Palestine aura servi la cause de l’homme. » Proche du ministre de la Défense syrien, le très antisémite général Tlass, auteur d’un ouvrage sur les « crimes rituels » juifs, Lucien Bitterlin était aussi peu crédible dans ses déclarations que Rima Hassan l’est aujourd’hui quand elle parle de cohabitation mais approuve l’action du Hamas.

Petit scarabée en Afrique

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Capture d'écran d'une vidéo de promotion du "Kung-Fu Show sino-africain", publiée le 25 novembre 2021. © Capture d'écran /CGTN Français (China Media Group)

Alors que la Chine renforce sa présence en Afrique, le kung-fu émerge comme un puissant outil de soft power pouvant séduire les foules.


La lutte que se livrent les grandes puissances se joue de plus en plus sur le terrain du soft power. La Chine, qui accuse dans ce domaine un train de retard, dispose en Afrique d’un instrument efficace : le kung-fu ! En 2021, la province de Henan et la chaîne de télévision chinoise CGTN ont organisé le « Kung-Fu show sino-africain », un événement multimédia qui a permis notamment aux auteurs des vidéos retenues par le jury de visiter la province organisatrice (et berceau historique du Tai-chi-chuan). La chaîne se réjouissait d’avoir reçu plus de mille vidéos et d’avoir généré plus de 90 millions de vues ; elle a depuis organisé d’autres événements sur place, comme le premier concours de kung-fu africain, en 2023, en Zambie.

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En réalité, le coup de foudre entre l’Afrique et les arts martiaux chinois est très antérieur à la récente activité de la télé chinoise. Un mystérieux Mr Ming, originaire de Taïwan, a commencé à diffuser dans les années 1970 des films de kung-fu dans des cinémas miteux d’Afrique du Sud. La population noire a été très séduite par la figure de Bruce Lee, notamment quand celui-ci retire avec beaucoup d’énergie un panneau « chiens et Chinois interdits » à l’entrée d’un parc dans le film La Fureur de vaincre.

Le cinéma africain a ensuite adapté le genre dans des productions à budget extrêmement réduit. Avec 34 dollars en poche, le Nigérian Mayor Uguseba est parvenu à boucler A Very KungFu Nollywood Movie “The Revenge of Sobei”. Le public africain se dit mordu de kung-fu. Dans une enquête qui date de 2017, 79% des cinéphiles camerounais se disaient fans de ce sport. Quelques figures africaines se sont même imposées aux yeux du public chinois, comme le Béninois Luc Bendza, apparu dans plusieurs films et installé en Chine, où il a hérité du surnom « Chinois Noir de peau ». Une réussite en matière de soft power, à un moment où la Chine s’installe massivement en Afrique, surtout par l’intermédiaire du bon vieux hard power.

États-Unis: méritocratie contre « affirmative action »

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Deux femmes brandissent un fanion palestinien lors de la "Commencement ceremony" à l'université de Californie à Los Angeles, le 14 juin 2024 © Damian Dovarganes/AP/SIPA

En juin 2023, la Cour suprême des États-Unis bannissait la discrimination positive à l’entrée des universités.


Deux chercheurs du Manhattan Institute, Michael Hartney et Renu Mukherjee, viennent de publier un article[i] visant à faire le point sur ce que pensent vraiment les Américains des politiques préférentielles qui cherchent à favoriser la diversité dans les admissions à l’université. Ces pratiques ont été bannies par l’arrêt de la Cour suprême du 29 juin 2023[ii], mais l’enquête qu’ils ont conduite a été menée avant ce verdict. Avant d’examiner leurs conclusions, il faut dire un mot de la succession récente de procès qui a abouti à l’abolition des politiques préférentielles par la Cour suprême et de sa récente décision. Décision qui a été accueillie défavorablement dans de nombreux médias et mise en pièces par le président Biden qui a prétendu que la grande majorité des Américains y étaient opposés.

Poursuites contre Harvard et l’Université de Caroline du Nord

Des Asiatiques étant manifestement pénalisés pour leurs hautes performances dans les procédures d’admission en raison d’une « prime » raciale accordée aux Noirs et aux Hispaniques, l’association Students For Fair Admission (SFFA)[iii], créée en 2014, a porté l’affaire devant les tribunaux pour violation de l’Article VI des droits civiques et de la clause d’égale protection garantie par le 14ème Amendement[iv]. Si elle a perdu en première instance et en appel, elle a fini par être entendue par la Cour suprême qui lui a donné raison. Cette dernière déclare que « de nombreuses universités ont trop longtemps conclu, à tort, que la pierre de touche de l’identité d’un individu n’était pas les défis relevés, les compétences acquises ou les leçons apprises, mais la couleur de sa peau ». Les buts visés par Harvard et l’université de Californie du Nord ont été jugés invérifiables par la Cour, dans la mesure où il est impossible de relier les politiques préférentielles aux buts recherchés (produire des citoyens engagés et productifs, renforcer l’empathie, former de meilleurs dirigeants…).

La race a été employée de manière négative et viole ainsi la clause d’égale protection. Comme l’a souligné la Cour suprême, l’admission à l’université est à somme nulle. Tout avantage donné à certains candidats se fait au détriment des autres. Harvard a déclaré tout à la fois que sa politique préférentielle avait peu d’impact mais que son abandon pourrait changer de manière significative la composition démographique de ses étudiants. La Cour en a très justement déduit que, sans la prise en compte négative du critère racial, certains groupes raciaux seraient admis en plus grand nombre. « Le processus d’admission à Harvard repose sur le stéréotype pernicieux selon lequel « un étudiant noir peut généralement apporter quelque chose qu’un Blanc ne peut pas offrir ». » Même chose à l’université de Californie du Nord qui soutient que la race « dit quelque chose de ce que vous êtes ». Ce faisant, l’université favorise « les stéréotypes qui traitent les individus comme le produit de leur race, évaluant leurs pensées et leurs efforts – leur valeur même en tant que citoyens – selon un critère interdit au gouvernement par l’histoire et la Constitution ».

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La Cour reproche aux deux institutions de ne pas envisager de mettre un terme à ces politiques préférentielles tant que les admissions ne reflèteront pas fidèlement la démographie des États-Unis. Alors que l’arrêt Grutter de 2003 laissait espérer que les préférences raciales seraient devenues inutiles 25 ans plus tard, Harvard prétend qu’il n’est pas nécessaire de fixer une date, dans la mesure où l’université évalue chaque année ses procédures. La Cour en a conclu que la fin des admissions préférentielles n’était pas en vue si on laissait les universités en décider. Les procédures d’admission de Harvard et de l’université de Californie ont été déclarées inconciliables avec la clause d’égale protection de 14ème Amendement. « Les universités ont trop longtemps pensé que la couleur de la peau, et non les défis relevés, les compétences acquises, était ce qui définissait l’identité d’un individu. » La Cour suprême a décidé d’y mettre fin : « L’étudiant doit être traité en fonction de ses expériences en tant qu’individu et non de sa race ».

MIlitants de « Students for Fair Admissions », opposés à la discrimination positive, devant la Cour suprême américaine, Washington, 29 juin 2023 © Jack Gruber-USA TODAY/Sipa USA/SIPA

Les investigations des chercheurs du Manhattan Institute

Les deux chercheurs considèrent, avec raison, que les réponses aux enquêtes d’opinion dépendent fortement de la manière dont sont formulées les questions. Les répondants ne disposent généralement pas d’informations suffisantes sur la complexité du sujet politique sur lequel on les interroge. La formulation d’une question est donc déterminante et doit apporter assez d’informations pour que le répondant en ait une bonne compréhension. Si les Américains peuvent avoir un avis personnel sur l’Affirmative Action, leurs réponses dépendent aussi de leur compréhension de la manière dont elle fonctionne. Ils peuvent être favorables aux programmes visant à améliorer l’accès des minorités à l’enseignement supérieur, mais l’être moins lorsqu’on leur en explique le fonctionnement et ses conséquences.

Hartney et Mukherjee ont utilisé un échantillon de 1000 personnes tiré de la Cooperative Election Survey (CES), qu’ils ont interrogé en novembre 2022[v].

L’opinion des Américains sur les politiques préférentielles à l’égard des Noirs a été testée par cette question comprenant deux alternatives sur les raisons et deux autres sur les victimes potentielles :

« Certains affirment que [en raison de la discrimination passée / parce qu’il est important d’avoir de la diversité sur les campus universitaires], les Noirs devraient être privilégiés dans les admissions à l’université. D’autres affirment qu’une telle préférence est inacceptable parce qu’elle est discriminatoire à l’égard des [Blancs/Asiatiques]. Quelle est votre opinion ? Êtes-vous pour ou contre les politiques d’admission préférentielle pour les Noirs ? »

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Les enquêtés ont, par ailleurs, été soumis à une expérimentation. On leur a demandé de se prononcer sur des dossiers d’admission aux études de médecine. Les enquêtés avaient à choisir entre un étudiant asiatique et un étudiant noir, pour une même spécialité. Dans une première paire, les performances académiques du premier étaient supérieures à celles du second et reflétaient les écarts réels. Dans la seconde paire, elles étaient beaucoup plus proches, tout en étant légèrement en retrait pour l’étudiant noir. Les autres caractéristiques étaient identiques.

Les 1000 enquêtés étaient répartis en deux groupes. Au premier, était dit que la représentation démographique de la population américaine était assurée dans les écoles de médecine. Au second, était donnée la composition raciale réelle des écoles de médecine.

Les deux chercheurs ont également interrogé les enquêtés sur la fiabilité des tests utilisés pour évaluer les performances[vi] avec une question donnant à trancher entre deux avis :

  • Depuis leur création il y a près d’un siècle, les tests standardisés sont des instruments racistes qui perpétuent les préjugés raciaux dans notre société ;
  • Bien qu’il s’agisse d’instruments imparfaits, les tests standardisés constituent un indicateur objectif des progrès et des aptitudes académiques d’un étudiant.

Ils ont aussi demandé aux enquêtés quels éléments privilégier lors d’une admission à l’université ou dans une école de médecine (race/ethnicité, caractère ou facteurs personnels, tests, résultats scolaires ou universitaires).

Des Américains attachés à la méritocratie

Les raisons invoquées en faveur d’une discrimination positive des Noirs (discrimination passée/diversité) ont peu d’impact sur les réponses des Américains qui sont 70% à la désapprouver. Mais ils sont un peu plus nombreux lorsque les victimes potentielles sont des Asiatiques plutôt que des Blancs. Et cette différence tient essentiellement aux Démocrates qui sont très majoritaires (68%) à approuver une politique préférentielle à l’égard des Noirs lorsque le préjudice atteint les Blancs. Ils ne sont plus que 46% lorsqu’elle touche les Asiatiques. Les Républicains sont pratiquement tous opposés à la discrimination positive en faveur des Noirs, que ce soient les Blancs ou les Asiatiques qui en pâtissent.

Si les Américains ont tendance à soutenir la discrimination positive lorsqu’on leur pose des questions abstraites sur les programmes en faveur de l’égalité des chances pour les minorités, lorsqu’on renonce à l’abstraction, comme l’ont fait Hartney et Mukherjee, en demandant aux enquêtés de sélectionner des candidats sur dossier pour l’admission à une école de médecine, ils ont tendance à privilégier le mérite, surtout lorsque l’écart des qualifications académiques est conséquent. Lorsque celui-ci est plus restreint, ils sont un peu plus nombreux, sans être jamais majoritaires, à choisir le candidat noir.

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Les Américains ont également tendance à rejeter les références à la race et à l’ethnicité comme les fameux scores de personnalité utilisés à Harvard pour handicaper les candidatures d’Asiatiques. Ils sont majoritaires, surtout chez les Républicains, à considérer que la race/l’ethnie ne doit pas être un facteur de sélection lors de l’admission à l’université ou dans une école de médecine. Les Démocrates consentent plus souvent que les Républicains à ce qu’elle joue un rôle, mais mineur. Au total, 89% des Américains souhaitent qu’elle ne joue aucun rôle (64%) ou alors un rôle mineur (25%). C’est le cas de 83% des démocrates (45% aucun rôle ; 38% un rôle mineur). La position des Républicains est plus tranchée : 96% souhaitent que la race/l’ethnie ne joue aucun rôle (84%) ou un rôle mineur (12%).

Ajoutons qu’en Californie, État libéral s’il en est, le référendum de 2020 visant à revenir sur la proposition 209 de 1996 qui interdit toute politique préférentielle à l’université a été retoqué par 57% des votants[vii].

L’arrêt de la Cour suprême va-t-il changer les pratiques ? Pas si sûr…

Les universités ne manquent pas d’ingéniosité lorsqu’il s’agit d’introduire par la bande ce que la Cour suprême interdit. Si l’on en croit les auteurs, l’une des solutions consiste à encourager les étudiants à parler de leur race ou de leur appartenance ethnique dans leur demande d’admission. Harvard semble avoir trouvé la parade en proposant une dissertation supplémentaire lors de l’inscription pour l’année 2023-2024 formulée ainsi : « Harvard a depuis longtemps reconnu l’importance de recruter un corps étudiant diversifié. Comment les expériences de vie qui ont façonné ce que vous êtes aujourd’hui vous permettront-elles de contribuer à Harvard ? » L’initiative d’Harvard va ainsi à l’encontre du verdict de la Cour suprême mais aussi de l’opinion publique qui souhaite que la race ne joue aucun un rôle (ou tout au plus minimal) dans les admissions à l’université et que le mérite l’emporte sur la race.

Par ailleurs, les Démocrates californiens, qui n’ont pas digéré le vote de 2020, sont revenus à la charge en proposant un Assembly Constitutional Amendment 7 (ACA-7) qui donnerait au Gouverneur le pouvoir de faire des exceptions à la proposition 209 si des travaux de chercheurs concluaient au caractère bénéfique de la discrimination positive ! Une pétition contre cette initiative est en ligne[viii]

Source: Blog de Michèle Tribalat.

Statistiques ethniques, une querelle bien française

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[i] Michael Hartney, Renu Mukherjee, Americans for Meritocracy, May 2024, 26 p.  https://manhattan.institute/article/americans-for-meritocracy.

[ii] https://www.supremecourt.gov/opinions/22pdf/20-1199_hgdj.pdf ; https://www.supremecourt.gov/DocketPDF/21/21-707/274256/20230731100920249_EFiling%2021-707%20Rev%20COSTS%20CA4%207.31.pdf.

[iii] Dont l’objectif est de défendre les droits humains et les droits civiques garantis par la loi, y compris celui d’égale protection.

[iv] En deux plaintes séparées, l’une contre Harvard et l’autre contre l’Université de Caroline du Nord.

[v] L’enquête CES est un projet qui permet à des chercheurs de gérer des modules d’enquête distincts dans le cadre d’une enquête plus large réalisée par YouGov. L’échantillon (N=1000) est pondéré pour être représentatif des données démographiques de base de la population américaine. Pour permettre des comparaisons avec une autre enquête les auteurs ont, à contrecœur, accepté d’introduire une option « sans opinion » (29 %), ce qui a réduit évidemment la taille de l’échantillon (709) sur lequel ont été élaborées les statistiques, sauf pour la sélection opérée par les enquêtés pour l’admission en école de médecine.

[vi] SAT pour Scholastic Assessment Test et ACT pour American College Testing.

[vii] https://www.nytimes.com/2023/06/11/us/supreme-court-affirmative-action.html.

[viii] https://www.change.org/p/urge-ca-senators-to-reject-aca-7-keep-discrimination-illegal.

La revanche de la France périphérique

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Jordan Bardella visite une ferme à Chuelles (45), 14 juin 2024 © Vincent Loison/SIPA

Notre chroniqueur n’est pas vraiment surpris par le refus de Mélenchon de débattre avec Bardella : le lider maximo n’a rien à craindre, rhétoriquement parlant, du petit coq du RN, mais débattre avec lui, ce serait reconnaître la légitimité de son parti, et de tous ceux qui ont voté et voteront pour lui. Or, dans la tête des extrémistes du Camp du Bien, les 11 millions de Français qui ont voté pour cette droite que l’on dit extrême n’existent pas : ils sont rayés de la liste des vivants.


J’ai vécu un quart de siècle à Paris (de 1972 à 1998), j’y ai naturellement gardé quelques amis — du moins le croyais-je. Mais depuis dimanche soir, me voici banni de leurs relations : que je me réjouisse de l’échec (relatif, malheureusement) de ce Front populaire qui n’est jamais qu’un faux-nez de LFI a suffi pour me rayer de la liste de leurs amis d’abord, et des vivants ensuite.

J’ai beau savoir que depuis trente ans (au moins) la gauche est dans le déni, cela fait toujours quelque chose, quand des gens que je croyais intelligents décident de fermer les écoutilles et de se renfermer dans leurs certitudes de bobos dominateurs et sûrs d’eux.

En quittant Paris, je me suis installé dans un village minuscule, Nébian (un millier d’habitants à l’époque), au milieu des vignes de l’Hérault. Déjà dans les années 2000 le FN était le parti préféré de ces agriculteurs pauvres, petites gens qui vivent avec 500 € par mois.

Provinces contre ville irréelle

Il n’y avait qu’un immigré à Nébian, un ouvrier agricole parfaitement intégré, fort apprécié, doté de deux enfants très bien élevés. Ce n’est pas la peur de l’étranger qui hier dimanche a poussé 48,88% de la population de la cinquième circonscription de l’Hérault, jadis partie de la ceinture viticole communisante, à voter RN. Ni la croyance aux lendemains qui chantent : ils savent très bien que les promesses des uns ne valent pas mieux que les mensonges des autres.

Non, ce qui les pousse, eux et tous ceux qui, dans la « France périphérique », selon la belle expression de Christophe Guilluy, à voter droite nationale, à donner leurs suffrages aux représentants d’un parti bien moins extrémiste et antisémite que les gauchistes de Mélenchon, c’est la nécessité de faire entendre, justement, leur voix.

A lire aussi, Vincent Coussedière: «Le RN a des candidats qui ne correspondent pas à la caricature qu’on en fait depuis des années»

Il y a déjà presque une dizaine d’années, j’avais prévenu, d’abord dans les pages du Point, puis sur Causeur, où j’expliquais que Lalbenque (dans le Lot) est une bourgade bien plus réelle que la capitale : Paris est une ville qui n’existe pas. C’est une fiction. Une ville-monde, comme disent les géographes et les petits prétentieux qui l’habitent, et se croient d’une essence supérieure parce qu’ils roulent en trottinette électrique en zigzagant entre les passants. Ô souvenir gracieux de mon poing sur le visage de l’un de ces énergumènes qui m’avait violemment bousculé, il y a un an ou deux ! Ils existent si peu qu’ils ont réélu du premier coup des ectoplasmes notoires comme Aymeric Caron et Sandrine Rousseau, risée de la France entière. La vraie France, qui roule au diésel parce que c’est moins cher et fait des barbecues parce que c’est meilleur.

Opération de communication d’Anne Hidalgo à vélo, juillet 2019 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Il y a une France qui mange des grillades au lieu de se consacrer au fooding entre deux cours de yoga, et qui consomme des fromages qui révulsent les commissions européennes. Une France qui se désole de voir, chaque jour, ses enfants revenir de l’école plus ignares qu’ils n’y sont entrés. Une France qui n’a pas cru aux gloussements de pintade de Jack Lang, ni aux réformes de Vallaud-Belkacem, l’initiatrice des cours d’arabe pour les tout-petits. Une France de villages et de clochers qui récuse l’érection de minarets. Une France qui a une fois pour toutes jaugé le PS en entendant Lionel Jospin lancer, en 1990 : « Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse, à moi, que la France s’islamise ? ». Ce même Jospin qui par la loi votée l’année précédente avait institué les pédagogies les plus anti-sociales — car l’élève qui construit lui-même ses propres savoirs, ça ne vaut que lorsque les savoirs familiaux peuvent compenser l’enseignement de l’ignorance, comme dit Jean-Claude Michéa.

Démocratie à sens unique

Ce sont des gens de gauche qui ont institué l’école à deux vitesses, tout en feignant de déplorer que tant de petits pauvres restent analphabètes, et, à terme, analphacons — grâce à eux ! Des gens de gauche qui inondent le rectorat de Paris de demandes de dérogation pour que leur HPI de fils aillent à Victor-Duruy plutôt qu’à Maurice-Ravel. Des bien-pensants qui, puisant dans le vieux fond antisémite de la gauche, brandissent des drapeaux palestiniens, se coiffent de keffiehs siglés Louis Vuitton (et qui n’ont été retirés de la vente que sous l’accusation d’appropriation culturelle…) et s’apprêtent à mettre le pays à feu et à sang, par Blacks Blocs interposés, si le résultat du 7 juillet ne leur convient pas… La démocratie est selon eux à sens unique : toute majorité qui ne les encense pas est forcément fautive. Malade. Dégénérée.

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Cette France-là s’était déjà exprimée lors de l’épisode des gilets jaunes, qui avaient été à deux doigts de prendre l’Elysée. Elle appuie désormais un Jordan Bardella à deux doigts de prendre Matignon. Non qu’elle pense qu’il renversera la table : ils savent bien que l’essentiel de la politique française se fait à Bruxelles — ou, à la rigueur, à la Bourse, qui a d’ailleurs accueilli d’une remontée significative des cours le score du RN.

Dimanche prochain, la France moisie de la gauche moisie doit être balayée pour le compte. Il faut montrer à tous ces bobos satisfaits que la démocratie est une épée à deux tranchants. Et, éventuellement, leur rappeler que la République de 1793 risque de renaître des cendres froides d’une histoire que l’on n’apprend plus.

Car enfin, l’épouvantail anti-Le Pen (un parti né de la Waffen SS et de la guerre d’Algérie, tissé de ratonnades et d’OAS, un héritage de Tixier-Vignancour) ne fonctionne pas : grâce à des programmes d’Histoire toujours plus faméliques, plus personne ne connaît ces gens-là. Mais les électeurs de Bardella savent bien qui sont les coqs arrogants, les orateurs vociférants, les antisémites véritables, les suppôts de l’islam et les fourriers des Frères musulmans, tous ces petits prétentieux bouffis d’orgueil qui les prennent pour des imbéciles parce qu’ils habitent la capitale.

Je suggère à mes « amis » de méditer cette formule du Cardinal de Retz à propos des peuples : « On les doit compter pour beaucoup, toutes les fois qu’ils se comptent eux-mêmes pour tout. (…) Car on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissance, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir. »

Pour demander des comptes à ceux qui n’en rendent jamais, il faut d’abord les balayer.

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