Accueil Site Page 1132

L’immigration coûte bien plus que 6,57 milliards d’euros à la France


Dans un rapport publié le 5 mai 2020, la Cour des comptes analyse le coût « de l’entrée, du séjour et du premier accueil des personnes étrangères en France » pour l’année 2019. Un montant de 6,57 milliards d’euros y est notamment avancé. Depuis lors, cette estimation est abondamment relayée par la presse et de nombreux élus – notamment à droite – comme représentant le poids total de l’immigration pour les finances publiques. En réalité, cette somme ne constitue qu’une petite partie de l’ensemble, et son utilisation irréfléchie témoigne d’une large méconnaissance du sujet. Un certain nombre d’éclaircissements semblent donc s’imposer.


La Cour des comptes ne dit nulle part que l’immigration a coûté 6,57 milliards d’euros en 2019. Comme le précise très clairement la Cour dès l’introduction de ce rapport, ainsi que dans le document de synthèse, ses magistrats ne se sont pas intéressés au coût multidimensionnel et global de l’immigration pour les finances publiques. Leur analyse se concentre sur les seuls « procédures et dispositifs prévus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Les grandes masses budgétaires sont donc explicitement exclues : dépenses sociales comme l’assurance maladie, les retraites et l’ensemble des aides sociales de droit commun (type RSA et APL) ; dépenses liées à la justice et à la politique de sécurité ; dépenses des collectivités territoriales comme la prise en charge des mineurs isolés, etc.

Une fiabilité quasi-nulle

Le montant de 6,57 milliards d’euros est issu d’un document budgétaire qui n’est d’aucune fiabilité et qui sous-estime grandement les coûts de l’immigration. L’évaluation de 6,57 milliards d’euros est issue du document de politique transversale Politique française de l’immigration et de l’intégration. Il s’agit d’une annexe jointe chaque année au projet de loi de finances déposé par le gouvernement, afin de donner aux parlementaires une vision de l’ensemble des crédits destinés à certaines politiques publiques et d’éclairer leur vote en conséquence.

Élément considéré comme essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie, sa fiabilité est pourtant quasi-nulle. Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale souligne ainsi, dans son rapport relatif à l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale, publié le 22 janvier 2020, que ce document présente « de nombreuses approximations ou des incohérences ». L’Assemblée nationale donne deux exemples des lacunes qui rendent cette source inexploitable.

Le premier concerne la forte sous-évaluation des coûts de scolarisation des enfants immigrés par le ministère de l’Éducation nationale, qui n’impute à la politique d’immigration que le montant des dispositifs fléchés sur des enfants allophones ou issus de familles itinérantes et de voyageurs (0,5 % des effectifs). Elle pèse pourtant de façon beaucoup plus large sur les dépenses d’éducation – nombre de professeurs, infrastructures scolaires, d’autant que certains dispositifs ciblent en particulier les territoires où la population étrangère est surreprésentée. Cette réduction drastique du champ de vision conduit l’Éducation nationale à formuler une estimation dérisoire de 161 millions d’euros quant aux coûts de l’immigration dans son domaine d’action publique. Cette somme est à comparer à celle avancée par le ministère de l’Enseignement supérieur : 2,2 milliards d’euros, correspondant aux 10,6 % d’étudiants étrangers du secteur public.

Des administrations divergentes

Le second exemple concerne les coûts liés à la police aux frontières et ceux des infractions pénales spécifiques relevant du séjour sur le territoire, comme le refus d’exécuter une mesure d’éloignement. Là encore, l’asymétrie entre les chiffres fournis par la police nationale (1,2 milliard d’euros pour 2020) et ceux relevant de la gendarmerie nationale (28 millions d’euros) est édifiante quant à la fiabilité très relative du document présenté.

Ces points précis témoignent de l’absence de méthode commune au sein des administrations de l’État pour élaborer les annexes budgétaires et, plus généralement, du désengagement assumé de la Direction du Budget dans la formalisation d’une information financière fiable du Parlement. Ce désengagement est d’autant plus regrettable qu’il constitue une infraction réelle aux normes constitutionnelles et aux lois organiques relatives aux finances publiques.

Compte tenu de ces graves insuffisances, il est surprenant que la Cour des comptes ait repris tel quel et sans réserve le chiffrage des coûts de l’immigration proposé par ce document.

Le coût de l’immigration pour les finances publiques varie fortement en fonction des choix méthodologiques retenus. S’il n’existe à ce jour aucune étude permettant de le déterminer de manière précise et exhaustive, les montants évoqués par les analyses les plus complètes s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.

Comment (bien) évaluer le coût de l’immigration ?

Le calcul du coût de l’immigration nécessite de faire des choix de méthode qui ont une forte incidence sur les résultats obtenus. Prend-on en compte les immigrés stricto sensu ou faut-il ajouter leurs descendants – ce qui semblerait logique dans la mesure où les enfants d’immigrés sont directement issus de l’immigration ? Faut-il comptabiliser les coûts de l’immigration irrégulière ? Prend-on en compte les dépenses de l’État ou celles de l’ensemble des administrations publiques ? Se restreint-on aux dépenses individualisables, ou faut-il inclure les dépenses globales en déterminant la part imputable aux immigrés – par exemple s’agissant de la politique de la ville, qui bénéficie principalement à des territoires dans lesquels leur présence est particulièrement massive ?

L’étude de référence à ce sujet est celle publiée par le CEPII (service de recherche économique rattaché au Premier ministre) en 2018 : L’Impact budgétaire de 30 ans d’immigration en France. Dans cette étude, pour la dernière année considérée (2011) et selon le scénario prenant en compte la première génération des descendants d’immigrés, le CEPII estime le coût de l’immigration à 1,64 points de pourcentage de PIB. Exprimé en points de PIB de 2019, cela équivaut à 40 milliards d’euros, bien au-dessus des 6,57 milliards évoqués dans le rapport de la Cour des comptes.

Plusieurs éléments permettent cependant de penser que ce chiffre sous-estime encore le coût réel de l’immigration. L’étude du CEPII s’arrête en 2011, alors que le phénomène migratoire a connu une forte hausse depuis dix ans. Cette étude exclut les coûts de l’immigration irrégulière, alors qu’ils sont extrêmement dynamiques depuis la crise des réfugiés de 2015. Enfin, ne sont prises en compte que les dépenses individualisables au niveau des foyers, ce qui réduit l’analyse aux dépenses sociales et d’éducation – lesquelles ne représentent que 66% de l’ensemble des dépenses publiques.

Des commentateurs trop légers

La forte médiatisation du rapport de la Cour des comptes témoigne de l’importance de la question migratoire pour l’opinion publique, ainsi que de la méconnaissance du sujet dont font preuve certains commentateurs et responsables politiques.

Le fort écho rencontré par le rapport de la Cour des comptes dès sa publication, notamment sur les réseaux sociaux, témoigne de l’importance de la question de l’immigration pour les Français – attention fréquemment rappelée par de nombreux sondages. Ainsi, selon une enquête ELABE Les Français et les mesures sur l’immigration du 6 novembre 2019, près de six Français sur dix considèrent que « l’immigration et l’asile sont des sujets majeurs ».

Il existe un décalage entre les citoyens qui perçoivent ou comprennent les conséquences de l’immigration, notamment sur les finances publiques, et de nombreuses personnalités politiques qui les sous-estiment. Les Français ne sont pourtant pas détrompés par leur intuition : dans un sondage IFOP de novembre 2018 pour le Journal du Dimanche, l’AJC et la Fondation Jean-Jaurès, seuls 9% des répondants considéraient que l’immigration jouait « un rôle positif sur l’équilibre des comptes publics ».

Coupables défaillances

Bien évidemment, le problème de l’immigration ne saurait être seulement appréhendé selon un prisme financier ou économique. L’ampleur du phénomène et les transformations qu’il implique soulèvent des enjeux culturels, sécuritaires et anthropologiques beaucoup plus vastes qu’un simple calcul pécuniaire. À ce titre, il constitue un sujet politique majeur qui nécessite une information claire et fiable des citoyens et de leurs représentants, au-delà des perceptions instinctives – souvent fondées au demeurant.

Même si aucune approche technocratique ne suffit à résumer les bouleversements induits par l’immigration, nous ne pouvons que déplorer le refus de certaines administrations, comme la Direction du budget, de remplir correctement leur rôle d’éclairage du Parlement. Nous regrettons également que la Cour des comptes, que l’on a connu plus sourcilleuse quant à la sincérité des évaluations comptables, reprenne à son compte des estimations manifestement erronées et publiquement identifiées comme telles. Nous constatons enfin l’empressement de certains responsables publics – y compris parmi ceux présentés comme les plus conscients du problème – à brandir sans recul une évaluation tronquée, témoignant d’une inquiétante méconnaissance du sujet.

Il importera, à l’avenir, de remédier à ces défaillances coupables. La confiance dans l’action de l’État et le renouveau de la cohésion nationale en dépendent.

La France au miroir de l'immigration

Price: 17,82 €

18 used & new available from 2,65 €

François Cornut-Gentille: «On ne connaît même pas le nombre réel d’habitants du 93»


Le député François Cornut-Gentille (LR) est coauteur du rapport sur l’évaluation des politiques publiques en Seine-Saint-Denis de mai 2018. Il répond à nos questions dans le dossier que nous consacrons à ce département dans notre magazine Causeur de mai.


Causeur. Votre rapport a deux ans, il pointait de graves anomalies. Où en est aujourd’hui le 93 ?

François Cornut-Gentille. J’aimerais le savoir. J’avais commencé les auditions d’un rapport de suivi, elles ont été interrompues par le Covid. Elles reprendront en septembre, si possible. Le gouvernement s’est appuyé sur nos observations de mai 2018 pour formuler 23 mesures, dévoilées en octobre 2019. La plus médiatique était la prime de 10 000 euros pour les fonctionnaires qui resteraient plus de cinq ans dans le département.

On en est là…

Oui.

Cette prime n’est pas encore mise en œuvre, au demeurant.

La Seine-Saint-Denis a-t-elle seulement besoin de moyens supplémentaires ?

C’est un aspect du problème.

À l’été 2017, le tribunal d’instance d’Aubervilliers s’est retrouvé face à une pénurie de personnel dramatique : la directrice du greffe, deux greffiers et trois adjoints ont quitté le tribunal sans être remplacés. Il restait deux magistrats et trois administratifs. Néanmoins, la demande d’argent et de personnel cache aussi un certain désarroi. C’est à peu près la seule revendication des syndicats, mais les enseignants et les policiers avec lesquels j’ai parlé doutent que le salut passe seulement par les budgets. Pour que les fonctionnaires aient envie de rester, il faut aussi que leurs missions soient correctement définies. Je crois que l’État, aujourd’hui, fonctionne très mal, partout, et que la Seine-Saint-Denis est un miroir grossissant. Des problèmes qu’on peut faire semblant de ne pas voir ailleurs y deviennent tellement embarrassants qu’il est impossible de les ignorer.

A lire aussi, Lucien Croz : A Bobigny, le clientélisme de la droite a fracturé la communauté nationale, la seule qui rassemble tout le monde

Lesquels, par exemple ?

L’Éducation nationale ne connaît pas bien le niveau réel des élèves, d’une manière générale. Il est manifestement très bas dans beaucoup d’établissements de Seine-Saint-Denis. Il y a aussi la question du nombre réel d’habitants – inconnu ! Les représentants de l’Insee que nous avons auditionnés à l’Assemblée ont assez mal pris nos appréciations, mais je les maintiens : leurs outils ne permettent pas d’estimer la population du 93. Les étrangers en situation irrégulière seraient 150 000, ou 250 000, ou 400 000, on ne sait pas très bien [à ajouter à 1,65 million de personnes officiellement recensées, ndlr]. Comment voulez-vous organiser des politiques publiques, avec de telles marges d’erreur sur une donnée essentielle ? Sans oublier la criminalité. La direction départementale des finances publiques de Seine-Saint-Denis n’a pas reçu d’instructions particulières pour appréhender l’économie souterraine. Sachant que des enquêtes ont permis d’évaluer à 70 000 euros le chiffre d’affaires quotidien des dealers d’une seule cité marseillaise (La Castellane), c’est… regrettable.

Comment en sortir ?

Tout le monde a des idées pour la Seine-Saint-Denis. C’est la course aux solutions pour régler des problèmes qui n’ont pas été assez mesurés. Il faut continuer le diagnostic. Ma certitude, à ce stade, est que l’État est à la fois le problème et la solution.

Il faudra inventer de nouveaux services publics, pas seulement pour ce département.

>>> Lire le magazine <<<

Les Français se réfugient dans leur voiture

0

Les transports en commun étant potentiellement des vecteurs de transmission du coronavirus, les Français privilégient encore plus le transport individuel et avant tout la voiture. C’est ce que montre un nouveau sondage réalisé il y a quelques jours. Pas moins de 77% des personnes interrogées comptent prendre une voiture pour leurs déplacements dans les prochaines semaines et les prochains mois. Ne le dites pas à Anne Hidalgo !


N’en déplaise à la maire de Paris, et aux autres adversaires de la voiture individuelle, l’épidémie de coronavirus l’a rendu plus indispensable encore. Les promoteurs des mobilités collectives, qui considèrent que la propriété privée des véhicules est une aberration écologique et économique, vont connaître un difficile retour à la réalité. Au lieu de se débarrasser de voitures coûteuses, polluantes et encombrantes et de privilégier les transports publics, le covoiturage, la location et le partage, le réflexe de préservation avec l’épidémie conduit à moins se déplacer, mais quand il le faut à privilégier un cocon protecteur bien à soi.

A lire aussi, Thomas Morales: Vélo des champs, bicyclette des villes

La France des métropoles ne doit pas commettre deux fois la même erreur et accabler à nouveau les automobilistes. La stigmatisation de la voiture a donné naissance, pour partie au moins, au mouvement des gilets jaunes. Il ne faudrait pas à nouveau ignorer la population qui vit dans les petites villes, les zones périurbaines et les campagnes et ne peut pas se passer d’une voiture pour vivre. Il y a un peu moins de deux ans, la limitation de vitesse à 80 kilomètres / heure sur les routes secondaires et l’augmentation de la taxe carbone sur les carburants avaient été comprises comme une ponction fiscale supplémentaire et une stigmatisation infligées à la France périphérique par la France des métropoles. Chasser les véhicules des agglomérations sous des prétextes douteux, notamment en affirmant que la pollution transporte le virus, est socialement, économiquement et politiquement dangereux.

77% des Français comptent privilégier la voiture

Car les premières conséquences incontestables de l’épidémie sont que les transports en communs sont devenus un repoussoir, étant des vecteurs importants de transmission du virus, et que les grandes villes sont aujourd’hui beaucoup moins attractives, le mot est faible. Tout cela va se traduire logiquement par moins de déplacements et un usage plus important des moyens de transports individuels et plus particulièrement de l’automobile. Cette dernière est non seulement perçue comme sécurisante, mais aussi comme le moyen de retrouver une liberté de mouvement brutalement supprimée par le confinement.

Un sondage réalisé il y a quelques jours pour la start-up Virtuo, spécialisée dans la location de voitures, auprès de 1.435 personnes de 18 à 65 ans, le démontre amplement. Ainsi, 77% des Français comptent…

>>> Lire la suite de cet article sur le site de la revue Transitions et Energies <<<

La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires

Price: 6,00 €

16 used & new available from 5,45 €

Ces hussards noirs qu’on sacrifie


Un nouveau bataillon est appellé à investir le front de la guerre qui continue : les profs. Les appelés sont motivés mais se méfient légitimement d’une hiérarchie incompétente et donneuse de leçons.


Doute raisonnable

Lors d’une conférence de rédaction, je me suis trouvé être le seul à affirmer que les profs avaient bien raison d’être réticents à reprendre le travail sans garanties.
Les arguments qui m’étaient opposés étaient tout à fait recevables : mieux serait mieux, mais on n’a pas mieux et quand faut y aller, faut y aller. L’économie doit redémarrer. Les soignants ont pris le risque, les caissières ont pris le risque, pourquoi les enseignants, qui ont un rôle majeur dans notre société pourraient-ils ne pas le prendre ?
J’aurais tendance à répondre (et surtout par contraste avec les caissières), parce qu’ils le peuvent.

En effet, si les soignants ont comme vocation de soigner, les militaires de défendre ou d’attaquer, les caissières de supermarché sont rarement là par goût du contact avec le public ou par curiosité à propos de la manière dont les gens se nourrissent. Ça n’est que parce que c’était leur seul moyen de subsistance qu’elles ont dû rester en poste.
Les profs vont effectivement se trouver face à des classes possiblement composées d’enfants porteurs sains (ou pas, puisque là comme ailleurs, on ne sait finalement pas très bien), donc présentant le risque de les infecter, puis de leur faire ramener le virus à la maison.
De plus, ceux des enfants qui arriveraient à l’école séronégatifs repartiraient avec le risque de ramener chez eux un joli cadeau, transmissible aux parents, voire aux grands-parents.
Si les enseignants étaient dotés de masques FFP2 (ceux qui protègent), la première partie du problème serait quasi résolue. Mais on n’en a pas, M’sieurs dames.

Je passe évidemment sur les gestes barrières et la distanciation sociale en primaire : « Gabriel tu mets tes gants, tu prends une nouvelle craie et tu viens écrire le mot “dictée” au tableau… » ; « Marie ! si tu tires encore une fois sur l’élastique du masque de ta voisine, tu vas chez le principal ! » ; « Kevin, le nez en dehors du masque ça ne sert à rien ! C’est comme si tu te promenais à la piscine avec le zizi en dehors du maillot de bain ! » ; « Audrey, le gel hydroalcoolique, c’est pour les mains, pas pour le lécher ! », « Kevin ! Le masque, ce n’est pas non plus un bandeau de pirate ! Sur le nez, pas sur l’œil ! »

Crise de confiance

Et on pourrait continuer longtemps… Peu de points d’eau, peu de savon, peu de toilettes…
On notera au passage que le fameux « conseil scientifique », derrière lequel se sont abritées tant de décisions iniques, comme le premier tour des municipales, ou encore l’inutilité des masques, est contre cette reprise. Mais cette fois, notre président ne l’écoute plus. Moi qui peste contre son incapacité à jouer son rôle de décideur, d’homme d’État, je ne vais certainement pas lui jeter la pierre : enfin il décide !
C’est bien la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour mal faire…
La question n’est pas la pertinence de la volonté de reprendre l’activité.

Il est évident que des inégalités sociales, culturelles, économiques frappent particulièrement les enfants pauvres ou très pauvres. Que les violences intrafamiliales ont aussi explosé depuis le début du confinement. Que la crise que nous traversons a des implications qui vont bien au-delà du sanitaire et que la déflagration économique qui va suivre ne peut s’aggraver davantage.
La question est à mon sens et avant tout celle de la confiance. En les promesses qui nous sont faites.
Bien que nous soyons « en guerre », il est caduc le temps des fusillés pour l’exemple. « Pour maintenir l’esprit d’obéissance et la discipline parmi les troupes, une première impression de terreur est indispensable », théorisait le bon général Pétain en 1915. Les enseignants « refuznik » me font penser à ces soldats fusillés pour l’exemple, car ils avaient refusé de sortir des tranchées sans préparation d’artillerie.

A lire aussi, Marc Nacht : À la guerre

Cible un peu trop facile

Le gouvernement peut toujours nous assurer de la disponibilité imminente des masques, du nombre de tests indispensables à la réussite de la stratégie choisie, le vilain peuple soupçonne l’artillerie de n’être pas prête à le défendre. N’ayant fait que mentir sans vergogne depuis le début de la crise, opérer de multiples volte-face, être passés experts en « comment se défausser en une leçon sur tout le monde », nos dirigeants ont perdu, de manière logique, toute crédibilité.
Avec en outre, et en permanence, ce petit ton qu’on emploierait pour expliquer à une classe de maternelle que ce ne sont pas les cigognes qui apportent les bébés, ce petit sourire plein d’indulgence pour les imbéciles qui osent demander pourquoi on ne ferme pas les frontières, où sont les bons de commande des masques qu’on attend encore et quid des tests pour lesquels certains laboratoires vétérinaires sont prêts, mais attendent encore à ce jour, 28 avril, les autorisations administratives adéquates pour passer à l’action.
Et voir le Premier ministre annoncer son plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale en commençant par un plaidoyer pro domo – alors que tout montre que nous sommes parmi les plus mauvais élèves de l’Europe, que nous avons et la crise sanitaire et la crise économique à leur paroxysme (comme d’autres ont eu et le déshonneur et la guerre qu’ils croyaient éviter), alors que d’autres pays ont limité les dégâts – ne pouvait qu’inscrire cette défiance dans le marbre.

Ce refus d’admettre le péché originel a culminé quand le Premier ministre a voulu nous démontrer que tout avait été parfaitement irréprochable, puisque nous avions au début de la « guerre » des masques en suffisance pour tenir des semaines… en temps de paix.
Quant à sa saillie sur le nombre de « commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire », qu’il s’estime heureux de n’avoir eu écho que de ce qui se dit sur les plateaux télé, avec le filtre de la bienséance. S’il avait entendu ce qu’il se dit dans les foyers, sa barbe aurait viré au blanc intégral.
Ces enseignants, cible facile et couards désignés, me semblent au contraire tout à fait courageux. Prêts à aller au « combat », mais pas avec ce pantalon garance que portaient les soldats français lorsque la guerre éclata en 1914, faisant d’eux une cible facile. Ce rouge resté dans les mémoires collectives comme un symbole de l’impréparation française à la guerre moderne comme le masque restera celui de la défaillance du président Macron et de son gouvernement.
Monsieur le président, vous pouvez toujours cafter Gérard Larcher qui vous aurait poussé au maintien du premier tour des municipales, ceux des sachants qui assuraient que le masque était inutile, l’OMS, les lourdeurs administratives…

Tous ces fautifs sont « en même temps » vous, monsieur le président. Il vous appartenait en homme d’État de décider, de trancher, d’innover et donc d’avoir éventuellement tort devant l’Histoire.
L’éventualité est devenue certitude, car en vous réfugiant derrière votre orchestre, vous avez omis de lui donner le la.
Et il a joué tellement faux que plus personne ne veut l’entendre.

Une société d’esclaves en bonne santé


L’obsession de la santé est devenue la pire ennemie de la liberté


Si la pandémie actuelle est une guerre, elle oppose la liberté et la conception moderne de la santé. Le confinement a en effet supprimé nos droits les plus essentiels au nom de la santé collective. Dans cette guerre, nous défendons la santé publique contre la liberté parce qu’ainsi a été formaté notre logiciel sociétal depuis plusieurs décennies…

Nouveaux temps, nouveaux maux…

Ainsi, les lois anti-tabac ont posé les bases de la politique de sacrifice des libertés individuelles. D’abord modéré, l’anti-tabagisme s’est ensuite transformé en rouleau compresseur législatif, rangeant les fumeurs au rang de parias. Nous savions déjà que fumer tue, mais voilà que nous apprenons grâce aux chercheurs américains que l’espérance de vie aux États-Unis, terre promise des luttes contre la cigarette, ne cesse de baisser. La cause ? Une augmentation considérable de nombre des suicides post-dépression chez les 24 -65 ans (due notamment au déclassement social et à la désindustrialisation) mais aussi chez les jeunes de 12 à 24 ans, victimes de la surconsommation du numérique.

A lire aussi: Nos enfants-rois victimes des écrans-rois?

L’écologie, forte de son statut d’idéologie dominante universelle, se presse de restreindre nos libertés et notamment celle de vivre le présent. Quand la jeune égérie Greta se déplace en bateau pour prononcer un discours à l’ONU, des milliards de personnes partout dans le monde qui doivent prendre un avion ou une voiture pour les besoins du travail sont stigmatisés…  Il faut croire que la nouvelle croyance verte ne tolère aucune opposition malgré ses nombreuses contradictions. Le rejet de l’énergie nucléaire, la plus propre, sûre, rentable et indispensable aux engins électriques de demain tient par exemple de la rébellion adolescente contre les valeurs des parents.

Aujourd’hui, la quête du bien-être s’est étendue aux animaux. Il n’est pas utopique d’imaginer une société dans laquelle aller au restaurant pour manger une bonne entrecôte sera considéré comme un acte malveillant. Ironie de l’histoire, l’hypothèse selon laquelle le nouveau virus ravageur proviendrait des animaux bannis de nos assiettes est une gifle cruelle aux nouveaux commissaires anti-viande.

… et nouveaux dogmes

Les dogmes du bien être universel imposés à la politique tous azimuts cachent les causes des énormes lacunes dans la gestion de la crise sanitaire mondiale. Les choses essentielles dont nous avions réellement besoin pour nous protéger de la propagation de coronavirus ont manqué : la prévention, les produits médicaux de base, les médicaments qui soignent. À l’époque de l’intelligence artificielle capable de tout prédire, les ratés de l’intelligence humaine ont fait payer un prix dramatique à des millions des personnes. Pourtant, nous nous appuyons sur les mêmes dogmes pour sortir de la pandémie. Parce que nous n’avons pas d’autre vision, tout simplement.

A lire ensuite: L’ IA assignée à résidence

Un monde meilleur passe par un équilibre meilleur entre la santé et la liberté. Les deux sont allergiques au dogmatisme. La liberté n’est pas imaginable sans le droit de choisir et d’assumer ses choix. La bonne santé publique se compose des responsabilités individuelles de chacun et de notre épanouissement collectif, économique, culturel et social.

Il n’y a pas si longtemps, l’écrivain français le plus prophétique a parlé de sérotonine, l’hormone du bonheur qui manque terriblement à notre société. Parce qu’Internet tue autant que la cigarette, ouvrons quelques cafés du commerce fumeurs et laissons les gens – les gilets jaunes, les cols blancs, les sans-dents et les millenials y fumer au comptoir, se socialiser sans intermédiaire numérique. Permettons-leur de prendre la voiture pour amener leurs familles le week-end dans la capitale. Et les autres feront du sport ou partirons à la campagne pour respirer l’air frais. Avec la confiance retrouvée en nos libertés, nous devrions mieux protéger la santé collective lors de la prochaine crise sanitaire.

Sandouville: le coup de poignard de la CGT dans le dos de Renault


Après l’épisode de Sandouville, le syndicat apparait de plus en plus comme dogmatiquement politisé et nuisible aux salariés.


Qu’un juge des référés du Havre ait ordonné la fermeture de l’usine Renault de Sandouville pour de simples questions de procédures mineures « non conformes » peut apparaître comme une incongruité judiciaire de plus, dans un palmarès qui commence à être sérieusement encombré. Pour exemples, le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature ou les libérations régulières de malfaiteurs pour cause de procédures hors délai de juges somnolents… Mais que ce jugement du Havre fasse suite à une action venimeuse de la CGT a laissé pantois non seulement nos politiciens, mais la plupart des responsables économiques et autres syndicalistes directement intéressés.

« La posture de la CGT est irresponsable et infondée », a balancé Laurent Berger (CFDT) sur les ondes. Guillaume Ribeyre, délégué central CFE-CGC, premier syndicat chez Renault, précise que « Sandouville est l’un des meilleurs sites du groupe pour les mesures sanitaires », et il est bien placé pour le savoir. Quant au délégué syndical central de la CFDT-Renault, Franck Daoût, il est abasourdi : « C’est un véritable gâchis. Pour des raisons politiques et dogmatiques, on se retrouve avec une usine Renault bloquée pour au moins deux semaines. »

Le marché des VU fortement affecté

Comment un juge des référés, c’est-à-dire un juge de l’urgence, a-t-il pu en pleine « guerre » contre le Covid-19 – une drôle de guerre quand personne ne répond aux saboteurs – ordonner la fermeture d’une grande usine comme Sandouville, renvoyant chez eux 1 900 salariés et 700 intérimaires, une usine qui assemble des utilitaires dont le marché est très vivace ? De plus, ce juge du Havre n’aurait travaillé que sur dossier, ne serait même pas allé sur place à l’usine, pas plus qu’il n’aurait convoqué les parties concernées. Eu égard à l’importance du dossier, c’est ce qui s’appelle une justice expéditive !

A lire aussi, Jeremy Stubbs: L’Anglo-Saxonie face au Covid-19

Que Sandouville se situe dans la zone industrielle du port du Havre où la CGT impose depuis toujours ses nuisances habituelles… Qu’elle s’y soit encore manifestée dernièrement avec une certaine brutalité à l’occasion de la réforme des retraites… Que Philippe Martinez qu’on ne présente plus ait longtemps sévi chez Renault et que Le Havre soit la ville du Premier ministre Édouard Philippe… Tour cela pour un simple problème de mails de convocation prétendument non reçus par des CGTistes du CSE (comité social et économique). Il y a vraiment de quoi se poser quelques questions de fond sur ce juge havrais. Tout comme sur celui de Nanterre qui s’est attaqué bille en tête à Amazon, également pour d’obscures raisons secondaires, sans compter les juges de la cour d’appel de Versailles, qui n’ont fait qu’atténuer à la marge les décisions irresponsables de ce tribunal de Nanterre qui a mis sur le carreau les 10 000 salariés d’Amazon en France. 

En France quand on veut embêter un employeur, on trouve toujours… ou on abuse du droit de retrait

Ce qui fait dire dans une interview au Point à un avocat spécialisé en droit du travail qui a voulu rester anonyme – un signe qui ne trompe pas sur la terreur que peuvent parfois inspirer ces juges imprévisibles, inconséquents et incompétents, ou tout simplement politisés – ces mots qui font peur : « Vous trouverez toujours dans les méandres du Code du travail quelque chose qu’un employeur n’a pas fait. Mais ce n’est pas cela la vraie vie. Les magistrats n’ont jamais travaillé dans une entreprise. Ils ne savent même pas de quoi ils parlent… »

Revenons à la CGT, ce coronavirus de l’économie française, et constatons pour commencer que le jusqu’au-boutisme de ce syndicat politisé à l’extrême n’est pas nouveau. Philippe Martinez, son « lider maximo » comme on l’appelle parfois en interne, n’avait-il pas déclaré fin mars : « J’ai l’impression que l’économie prime sur la santé […] Il n’y a pas besoin de fabriquer des bateaux, des avions, des voitures… Nous ne voyons pas l’utilité de ce genre de produits en ce moment. » Les coéquipiers du « Moustachu », autre sobriquet de Martinez, n’ont de cesse depuis des semaines de critiquer la réouverture des usines, pourtant timide. Ils acceptent apparemment que l’agroalimentaire puisse tourner mais pas « la fabrication de confitures », ni bien entendu l’assemblage des Trafic de Renault !

Petits rappels historiques

N’ayant pas obtenu du gouvernement ni de la justice la liste officielle des entreprises « essentielles », le Conseil d’État ayant jugé la chose « inextricable », la CGT en a profité pour multiplier les appels à la grève et recommander à ses adeptes d’exercer systématiquement le fameux « droit de retrait », encore une invention française dont elle s’est arrogé des extensions illégales et abusives. Inutile de se demander si la CGT est « essentielle » à l’économie française ! En vérité, cette CGT est une véritable secte stalinienne, une sorte de vieux virus social qui remonte à l’après-guerre et à la nouvelle organisation administrative du pays mise en place par un ministre communiste, Maurice Thorez, auquel le général de Gaulle avait bêtement confié la réforme de la fonction publique. Une très mauvaise idée. 

A lire aussi: On achève bien la méritocratie

Petit rappel historique : de Gaulle, ce grand homme, avait un énorme défaut, il refusait de s’occuper d’« intendance ». Sur les conseils de Staline lui-même, il avait nommé Thorez au gouvernement, croyant ainsi canaliser des communistes très énervés. Mauvaise pioche : rappelons que ce Thorez, alors « patron » du PCF, avait carrément trahi son pays dès l’année 1939 en désertant de son régiment et en allant se réfugier à Moscou. Condamné aussitôt pour « désertion en temps de guerre » et déchu de la nationalité française, il était resté pendant tout le conflit en Russie soviétique, bien à l’abri. De retour à Paris en novembre 1944, il avait obtenu grâce au piston de Staline une amnistie individuelle, faisant croire à l’opinion qu’il était resté en France dans la clandestinité durant toute la guerre, se faisant passer pour « le premier des francs-tireurs et des partisans français » et devenant le secrétaire général officiel du « parti des fusillés ». Une extraordinaire culbute médiatique comme on dirait aujourd’hui, pour un Parti communiste français qui avait commencé par trahir son pays en se rangeant derrière les soviets, alors alliés aux nazis jusqu’en juin 1941, avant de participer à la Résistance !

Le syndicalisme allemand est enviable

Donc, Thorez, libre de toute entrave, mettra en place, entre autres joyeusetés, deux des pires horreurs économiques qui n’auront cessé de miner les fondations du pays : le statut à vie des fonctionnaires d’un côté, et un statut voisin pour les cheminots qui fera plus tard tache d’huile sur les électriciens et gaziers et quelques autres organismes économiques protégés. Des statuts communistes qui tiennent toujours trois quarts de siècle plus tard ! Philippe Martinez, en réalité, n’est que le dernier héritier de la longue histoire des communistes français depuis 1946, la CGT ayant résisté à tout depuis lors, y compris à la débandade du PCF, qui s’est réfugié dans quelques petites villes et villages de l’Hexagone pour pouvoir continuer d’exister.

A lire ensuite: Le livre, objet de première nécessité

Il est souvent question ces temps-ci de comparer l’état de santé des économies française et allemande, mais on oublie toujours de rappeler que la France a un handicap sérieux dans ce duel car il n’existe pas de syndicat communiste en RFA, ni de syndicat trotskiste comme FO, ou anarchiste comme Sud. Les syndicats y sont de vrais partenaires sociaux, ce qui n’est pas le cas en France, et sont organisés avant tout par secteurs – agriculture, mines et chimie, éducation et sciences, etc. –, sous la bannière d’une large Confédération totalement apolitique, qui compte plus de 6 millions de membres. Les grèves politiques y sont strictement interdites et l’on n’a jamais vu là-bas de dirigeants communistes ou trotskistes dans un gouvernement fédéral, encore moins dans un syndicat.

On n’a plus entendu parler du rapport Perruchot

Dans ce comparatif avec la France, il y a encore une autre explication : l’Allemagne, de par sa Constitution, est organisée en régions autonomes et responsables avec des gouvernements et des parlements régionaux ainsi que les budgets qui vont avec. Les Allemands ont l’immense avantage sur nous de n’avoir jamais eu à subir les dégâts du jacobinisme français et les exploits de nos énarques, la plupart incompétents autant que bouffis de suffisance. Encore un héritage du grand général, cette création de l’Ena, une machine infernale qui, en avançant dans le temps, a fini par développer une nouvelle noblesse d’État, laquelle s’est octroyé petit à petit tous les pouvoirs, se distribuant au passage des privilèges financiers et fiscaux inouïs. On ne peut que ressentir un véritable écœurement à la lecture des deux essais de Vincent Jauvert chez Robert Laffont qui leur sont consacrés, Les Intouchables d’État (2018) et Les Voraces (janvier 2020). Et encore, « écœurement », le mot est bien faible… 

Pour revenir à la CGT, sans avoir besoin de noircir un tableau déjà sinistre, et pour ouvrir les yeux des incrédules s’il en reste, qu’il nous suffise de faire référence à deux ouvrages de nature très différente dans lesquels la CGT est impliquée de la base au sommet : un rapport parlementaire et un essai de journalistes-enquêteurs. D’abord, le rapport Perruchot, du nom du député centriste du Loir-et-Cher Nicolas Perruchot, qui présidait en 2011 une commission d’enquête sur le financement des syndicats. Cette commission de parlementaires avait découvert et décortiqué le financement souterrain et frauduleux des syndicats, estimé à 4 milliards d’euros par an, ces 4 milliards incluant le coût de 28 000 salariés issus de la fonction publique ou d’entreprises publiques « détachés » en permanence dans les syndicats et donc payés par le contribuable.

A lire aussi: L’économie de la santé existe, le coronavirus l’a rencontrée

Un détournement massif d’argent public à rapprocher des minuscules « emplois fictifs » (quelques personnes à chaque fois) qui ont permis de condamner en justice Alain Juppé, puis Jacques Chirac, et ne parlons pas de François Fillon… Ce rapport Perruchot avait tellement fait peur au pouvoir à l’époque qu’il avait été mis sous le boisseau et interdit de publication. Quant à l’essai, Le Livre noir des syndicats paru en 2016 (Robert Laffont), leurs auteurs, Erwan Seznec et Rosenn Le Saint, avaient révélé le système de corruption exploité à fond par la CGT et copié par les autres syndicats, « une corruption qui se nomme “subventions publiques” et “paritarisme”, et qui corrompt l’essence même de ce que devrait être le syndicalisme […], un des aspects les plus pathétiques du syndicalisme actuel ».

Les auteurs avaient apporté une précision qui en dit long sur la CGT : elle totalise à elle seule 18 000 organisations adhérentes dont 17 000 syndicats. Une véritable nébuleuse qui permet à chaque entité juridique de réclamer des subventions et de se procurer de l’argent illégalement, tout en entretenant une providentielle opacité sur ses comptes.

Forcément quand on fait la révolution, on ne fait pas du syndicalisme…

Arrivé à ce stade, on peut poser toutes les questions que l’on veut sur la CGT, on n’obtiendra jamais de réponses. Contentons-nous de constater que la CGT ne signe jamais d’accords qui peuvent lui paraître contraignants, ne dit jamais la vérité et n’applique aucune règle sinon celle des rapports de force et de lutte contre les capitalistes et le libéralisme, à partir des principaux bunkers qu’elle contrôle – la SNCF, la RATP, EDF, les dockers, le Syndicat du livre, etc. –, et cela fait des dizaines d’années que ça dure !

Le dernier mot à Laurent Brun, le « patron » des cheminots CGT de la SNCF, un véritable forcené de la grève. Fils et petit-fils de cheminots, formé aux Jeunesses communistes, membre du PCF, c’est un stalinien comme on n’en fait presque plus. Interviewé il y a quelques temps par le mensuel Initiative communiste, il n’a pas hésité à déclarer qu’en matière de grève « les analyses de Lénine sont toujours d’actualité : il faut à la fois une idéologie révolutionnaire et une organisation révolutionnaire pour la porter ». Au moins c’est clair : les communistes de la CGT ne sont pas là pour faire du syndicalisme, qui n’est pour eux qu’un prétexte, une posture et un gagne-pain généreux, mais pour détruire le capitalisme libéral par tous les moyens et faire de la politique avant, si possible, de pouvoir faire la révolution.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils s’attaquent à Renault comme ils viennent de le faire. C’est dans l’ADN du virus communiste. Un peu comme le scorpion de la fable qui finit toujours par piquer la grenouille au milieu du gué, il est dans la nature des communistes en général et de la CGT en particulier de vouloir poignarder dans le dos, même en pleine tempête, le commandant du bateau, avec le secret espoir toujours renouvelé de pouvoir le remplacer un jour aux commandes…

Les Intouchables

Price: 9,99 €

1 used & new available from 9,99 €

Les Voraces - Les élites et l'argent sous Macron: Les Élites et l'argent sous Macron

Price: 19,00 €

62 used & new available from 1,46 €

Le livre noir des syndicats

Price: 2,85 €

23 used & new available from

Ce à quoi vous avez échappé depuis le 17 mars…


Le confinement aura eu le mérite non négligeable de ralentir la marche effrénée du progrès en nous épargnant la tenue d’événements comme l’emballage de l’arc de triomphe ou le festival « Turn Ovaires » consacré au « cyclo-féminisme ».


La guerre contre le coronavirus – de loin celle que je préfère – n’est pas encore gagnée. Les soignants soignent. Les pangolins se marrent. Les grognards du confinement, en short, applaudissent à tout rompre chaque soir à 20 heures, et appellent la gendarmerie à 20 h 05 pour régler quelques conflits de voisinage à coups de dénonciations citoyennes. Bref, la France va bien. Mais sans le confinement, qui nous cloître, nous assigne à domicile, nous infantilise et nous prépare des lendemains économiques qui ne chantent pas, qu’aurait été la France ? À quoi avons-nous échappé depuis cette date fatidique du 17 mars ?

L’agenda médiatique a dû se passer de rendez-vous quasiment névralgiques, tels que la Journée de la non-violence éducative, la Journée mondiale du cirque, la Journée de la femme digitale, la Journée mondiale de la marionnette, la Journée mondiale de batailles d’oreillers (vérifiez…), la Journée internationale du fromage, et la Journée mondiale des manchots (celle des pangolins était en février).

La fameuse journée mondiale de bataille d'oreillers © JOEL SAGET / AFP
La fameuse journée mondiale de bataille d’oreillers
© JOEL SAGET / AFP

Le Festival de Cannes a été reporté à une date ultérieure. Le confinement a cruellement interrompu la crucifixion méthodique de Roman Polanski par les bataillons vigilants du néoféminisme. Par ailleurs, le festival de progrès Turn Ovaires (Saint-Denis), consacré au féminisme et au vélo (au « cyclo-féminisme » !) a dû être annulé, ce qui est un recul conséquent pour le droit des femmes à travers le monde.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli : Le temps des collapsologues est arrivé

L’artiste américain Christo n’emballera pas l’Arc de Triomphe, comme c’était prévu initialement à la rentrée. Nous ne verrons donc pas de sitôt ce lieu de mémoire, où brûle la flamme du soldat inconnu, enveloppé pour la cause de l’art contemporain par une toile bariolée.

Le confinement nous a aussi privés des indignations répétitives de Greta Thunberg. Ses tweets se font rares. Terminée la grève de l’école ! La jeune prodige a dû mettre en pause sa machine à donner des leçons à la terre entière. Nul doute que sans cette crise inouïe, Greta aurait continué à donner ses conseils avisés aux grands de ce monde, sur le tri des déchets et la fin du capitalisme. Singulièrement, un virus encore plus petit qu’elle aura peut-être la peau du modèle « d’avant » …

« La France devrait créer une chaîne d’approvisionnement avec le Maghreb »


Vivant à Houston (Texas), Edwin Bosso est le président-fondateur du groupe Myrtle. Il a publié 6 000 Dreams: The Leader’s Guide To A Successful Business Transformation Journey. En exclusivité pour Causeur, il présente un point de vue original à rebours des discours protectionnistes revenus en force avec la crise sanitaire. Entretien.


Edwin Bosso.
Edwin Bosso.

Daoud Boughezala. Depuis le début de la crise sanitaire et économique, de plus en plus d’intellectuels et d’idéologues nous serinent que « plus rien ne sera comme avant ». A votre avis, l’épidémie et la catastrophe économique annoncée vont-elles changer le cours du monde ?

Edwin Bosso. Il est rare qu’une crise ne change rien. Le monde va probablement s’améliorer car la crise a montré l’importance des chaînes d’approvisionnement. Il faut travailler sur leur élasticité économique, faire en sorte que les relations internationales ne s’érodent pas à cause de l’administration Trump et parvenir à obtenir des plans de crise aux niveaux national et global. Je ne pense pas qu’on aille vers davantage de protectionnisme même si la crise a démontré qu’on est beaucoup plus dépendants les uns des autres qu’on ne le pensait. Ce rappel, qui nous a coûté très cher, nous impose de coopérer ensemble.

Comment jugez-vous la coopération internationale dans la gestion de la crise ?

Insuffisante. Avant la crise, j’observais déjà une certaine tendance au protectionnisme, avec le Brexit, l’élection de Donald Trump, celle de Jair Bolsonaro au Brésil, la montée des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, l’Europe et les Etats-Unis, etc. Au niveau mondial, la crise a été mal gérée, dès la réaction de la Chine qui aurait pu être plus transparente sur ce qui commençait à se passer sur son territoire. Puis quand les gouvernements européens ont eu conscience des événements chinois, il n’y a apparemment pas eu de coordination entre les Etats-Unis et l’Europe. J’en veux pour preuve l’arrêt des liaisons aériennes avec l’Europe qu’a décrétée unilatéralement Donald Trump. Beaucoup de choses auraient pu être entreprises au niveau international mais n’ont pas été faites.

A lire aussi: « L’Égypte a su arrêter le coronavirus à la frontière! »

Y compris au sein de l’Union européenne…

Absolument. Cela s’est vu avec les Pays-Bas et l’Allemagne qui n’ont pas soutenu l’Italie comme il le fallait, créant une mini-crise en Europe. Au départ, le Royaume-Uni a choisi une politique d’immunité collective avant de se raviser au dernier moment et de se retrouver aujourd’hui avec le taux de mortalité le plus élevé d’Europe.

Il faut admettre que la gestion de l’épidémie ne fait pas partie du mandat de l’Union européenne mais beaucoup de choses auraient pu être faites différemment. Mais tout cela n’enlève rien aux responsabilités des Etats-Unis.

C’est-à-dire ?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Trump, la position américaine a changé. Ce virage isolationniste a notamment affecté les rapports avec l’OTAN. Le fait que les Etats-Unis abandonnent leur position de leader géopolitique du monde occidental a laissé un vide. Obama avait déjà modifié la relation des Etats-Unis au reste du monde en évitant d’intervenir militairement sans raison. Mais Trump a vendu à son électorat le principe « America first » suivant lequel toute la politique étrangère des Etats-Unis doit être gérée au bénéfice exclusif de certains Américains. Il ne s’agit pas de l’Américain moyen mais des électeurs qui ont porté Trump au pouvoir. Qu’ils soient blancs, noirs, du sud ou du nord du pays, ces Américains qui se sentent délaissés par le progrès économique cherchent à récupérer la position qu’ils occupaient dans les années 1960 et 1970. Déçus par les politiques traditionnels, ils vont voulu essayer Trump. Traditionnellement, aux Etats-Unis, quel que soit son bord, au bout des premiers mois de présidence, le chef d’Etat élu a à cœur d’unir le pays. Or, l’administration Trump est peut-être la première de l’histoire américaine à servir son électorat pendant quatre ans. Cela se répercute sur le monde car la politique « America first » a créé des tensions avec la Chine, avec l’Europe, les Nations-Unies, etc. Cela rend la coopération internationale difficile.

A cet égard, vous développez une argumentation originale. Alors que le libre-échange débridé n’est plus de saison, et qu’Emmanuel Macron prône la relocalisation des industries stratégiques, pourquoi vous y opposer ?

On fausse complètement le problème. Dans cette crise sanitaire, il ne s’agit pas d’un problème de localisation mais d’accès à certains produits. Aujourd’hui, ce sont des masques, les respirateurs et autres équipements de protection individuelle mais cela pourrait être autre chose demain. Or, si on suit la logique protectionniste, on se retrouvera avec des économies fermées qui produiront tout localement. Pour rester dans une logique de libre entreprise, aux Etats-Unis et en Europe, il faudrait développer des processus pour convertir très rapidement des unités de production existantes pour fabriquer ce dont on a besoin. Aux Etats-Unis, où il reste une industrie textile pour fabriquer des équipements de sport ou autres, un plan de risque devrait identifier un certain nombre de sites industriels privés pour permettre leur reconversion rapide. Dès qu’une information nous porterait à croire qu’on aura besoin des produits en question, on aurait ainsi la capacité de reconvertir très rapidement ces usines. Une fois l’accès garanti, reste à résoudre le problème logistique : comment distribuer ces marchandises ? La France est par exemple l’un des pays dont l’industrie pharmaceutique est la mieux distribuée sur l’ensemble du territoire. Les Etats-Unis devraient en faire autant à l’échelle des cinquante Etats : trouver des usines textiles à reconvertir pour les masques, des fabricants d’électronique, d’aspirateurs et d’automobiles pour les respirateurs. Au lieu de quoi les Etats-Unis ont perdu huit semaines cruciales qui auraient pu servir à convertir des usines, fabriquer les produits nécessaires et les transporter pour les distribuer.

A lire aussi: Crise et châtiment

Il est plus simple de compter sur soi-même pour produire les marchandises nécessaires en cas de crise mondiale. Aujourd’hui, chaque pays a besoin de gel hydroalcoolique, de tests et de masques…

On peut rapatrier toute la production de masques dans l’hexagone mais que se serait-il passé si l’épidémie avait démarré en France ? Le scénario chinois se serait reproduit : la Chine a d’abord ralenti sa production parce que les salariés avaient peur d’aller travailler. Cela plaide en faveur de la libre économie. Plutôt que de tout relocaliser, il faut créer une élasticité des chaînes d’approvisionnement, préparer une centaine de scenarii catastrophe en fonction des risques et des plans de réponse. Même si la France, qui a gardé une industrie de la mode, ne produit plus énormément de textile, elle peut compter sur les usines d’Afrique du nord – Marrakech et Tunis sont à deux heures de Paris. Il faut savoir à l’avance si on peut compter sur les usines du Maroc ou de Chine, lister les entreprises dont on aura besoin. Cette approche est économiquement beaucoup plus viable pour créer une industrie de réponse à la crise.

Vous vivez à Houston. Comment les Texans vivent-ils la crise sanitaire ?

Houston n’a jamais vraiment été confinée. Jusqu’à la fin avril, les autorités nous avaient conseiller de rester chez nous et de télétravailler. Beaucoup de commerces considérés comme non-essentiels étaient fermés, sauf les supermarchés, les magasins de bricolage ou de sport. Même s’ils avaient le droit de sortir, faire du vélo ou prendre leur voiture, les habitants de Houston ont été assez disciplinés. Ils sont massivement restés chez eux, ont porté des masques. Mais à la différence du Texas, dans d’autres Etats américains, l’électorat de Trump rechigne à accepter le port du masque et les mesures de protection comme une nécessité pour le bien de tous. Cela reste un pays très attaché aux libertés individuelles. Il faut dire qu’en dehors des côtes, de Los Angeles, Chicago ou Boston, les transports en commun ne sont pas très développés. Dans ces grands espaces, on vit peu les uns sur les autres et il est difficile de rencontrer des gens si on ne le cherche pas. Même à Los Angeles, on circule relativement seul, en voiture ou en marchant avec assez d’espace autour de soi. Dans des villes comme New York, Londres ou Paris, le métro rend la transmission du virus beaucoup plus facile.

Confiner, surveiller, punir, mater


Le 11 mai 2020 restera dans l’histoire comme une date nébuleuse ; celle d’un déconfinement qui déconfinera sans déconfiner, tout en déconfinant : comprenne qui pourra ! 


Seulement certains Français en bénéficieront, mais ni en tous lieux, ni en tout temps : point trop n’en faut. À cette occasion, le conseil scientifique viendra de nouveau en renfort du gouvernement. Avec force tableaux statistiques et cartes de France colorées de rouge et vert. Il légitimera ainsi une décision que les Français ont bien du mal à comprendre et a fortiori à accepter. Ce faisant, le savant continuera une fois de plus d’offrir au politique sa caution dans un exercice qui apparaît cependant de plus en plus périlleux car il engage également la responsabilité des experts[tooltips content= »Josepha Laroche, « The Instituting Expert’s Political-Normative Power », Policymakr, April 23, 2020, https://urlz.fr/cCCS. »](1)[/tooltips].

Les Français en liberté conditionnelle

Le 11 mai 2020 restera dans l’histoire comme l’horizon improbable d’une liberté d’aller et venir à reconquérir. Ce que nombre de Français vivent comme une incarcération ne prendra en effet pas véritablement fin à cette date. En d’autres termes, leur levée d’écrou demeurera en grande partie limitée et indéterminée, toujours sujette à un droit de regard bureaucratique, plus tatillon que jamais. En bref, ils vont devoir apprendre à vivre sous contrôle et endurer ce que beaucoup d’entre eux vivent comme une punition.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’Etat, ma mère juive

Certes de prime abord, celle-ci ne se donne pas à voir comme telle. Bien au contraire, les pouvoirs publics la dénient. Selon ces derniers, la privation de quelques libertés fondamentales n’aurait été mise en place le 17 mars que pour le bien des citoyens, afin d’assurer leur sécurité sanitaire et pour nulle autre raison. C’est donc avec obéissance et dans la peur, que des millions d’administrés ont accepté d’être séparés les uns des autres, coupés du jour au lendemain de leur biotope social. De surcroît, c’est dans le silence qu’ils ont enduré et endurent encore d’incessantes injonctions paradoxales auxquelles ils doivent néanmoins se soumettre sous peine d’être sanctionnés. En effet, depuis le mois de janvier et jusqu’à ce jour, qu’il s’agisse de la fermeture des frontières, du port du masque, des tests de dépistage, des gestes barrières, des protocoles thérapeutiques, de la reprise du travail, du retour des enfants à l’école ou de la fréquentation des transports en commun, ils ont entendu tout et son contraire. 

Les chiffres de Salomon visent à cacher le climat politique mortifère

Les innombrables revirements des responsables politiques, tout comme les violents conflits entre experts médicaux n’ont pas manqué. Une telle situation illisible et abracadabrantesque a par conséquent rendu impossible l’adoption d’une ligne de conduite qui fût rationnelle et efficace. Surtout, ce climat mortifère sur fond de mesures liberticides, a largement accentué l’angoisse d’une population infantilisée et maintenue perpétuellement dans l’incertitude. Pendant des semaines, tests, masques, gels, lits d’hôpitaux et respirateurs ont manqué et manquent d’ailleurs encore. Rien n’explique, à ce jour, une pareille impéritie qui exige des Français toujours plus de résilience sans leur offrir pour autant de véritable contrepartie. Mais la peur au ventre, les Français ont dû affronter, vaille que vaille, cette pénurie hors-norme. Or dans le même temps, le gouvernement a cru bon de les submerger chaque soir d’un déluge de données statistiques dispensées par le directeur général de la santé publique qui, tel un greffier, dressait le bilan comptable des pertes humaines de la nation. 

Aujourd’hui chez votre marchand de journaux: Causeur #79 Sauvez la France, sortez de chez vous !

Finalement, qu’est-ce qui ressort de cette politique imprévoyante, brouillonne et si inefficace en termes logistiques et opérationnels que d’aucuns ont parfois parlé de gabegie pure et simple ? À l’évidence, se donne à voir un autoritarisme pesant, émaillé d’incohérences imposées avec une rare arrogance. L’attestation écrite de dérogation, pièce maîtresse du dispositif de confinement, apparaît à cet égard comme le symbole vexatoire de ce gouvernement des conduites. Tous les Français ont par exemple encore en mémoire l’histoire malheureuse de cet homme empêché de se rendre au chevet de son père mourant ou bien de cette infirmière de nuit verbalisée alors qu’elle sortait à l’aube de l’hôpital et n’avait pas indiqué une date exacte sur son document. Il faudra établir un jour la liste exhaustive de toutes ces brimades qu’on pourrait imaginer issues d’une terrible dystopie. Non pas, la réalité dépasse ici la fiction.

Notre malheur fait le bonheur des caisses de l’État

Durant le confinement, plus de 530.000 amendes ont été délivrées[tooltips content= »La loi d’urgence 2020-290 pour faire face à l’épidémie de covid-19 et le décret 2020-293 du 23 mars 2020, publiés le 24 mars 2020 au JO, codifient désormais tous les déplacements et mobilités sur la voie publique et renforcent les sanctions encourues en cas de violations des règles de confinement. L’amende forfaitaire de 135 euros peut aller jusqu’à 750 euros si elle est prononcée par le tribunal de police. En cas de récidive dans un délai de quinze jours, la loi prévoit une amende contraventionnelle de 1500 euros. Enfin, si l’usager est verbalisé à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, il encourt six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende ainsi qu’une peine complémentaire de travail d’intérêt général, et une peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule. »](2)[/tooltips], ce qui devrait rapporter à l’État, 60 millions d’euros. Une répression qui a toutefois souvent scrupuleusement respecté la loi implicite, mais ô combien implacable, du deux poids deux mesures. Ainsi, le promeneur solitaire s’est-il vu infliger une amende parce qu’il ne détenait pas ses papiers d’identité ou qu’il avait mal rempli son attestation alors même qu’il marchait sur une plage déserte ou dans un massif montagneux sans âme qui vive. Mais dans le même temps, on notait l’absence fréquente de verbalisation dans les quartiers où le confinement n’était pourtant pas respecté par d’innombrables personnes. Un deux poids deux mesures que le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, Mr Laurent Nunez, a lui-même recommandé et qui a si bien inspiré le préfet du Calvados. 

A lire ensuite, Jérôme Leroy: La case mélancolie

Beaucoup de commentateurs ont souligné, à juste titre, que, dans les jours à venir, l’on ne pourra toujours pas se rendre dans un café, un restaurant, une salle de spectacle, un festival ou bien encore se promener sur une plage. Dans le même temps, les Français seront autorisés à voyager en toute promiscuité dans le métro, le tram ou le bus. En l’occurrence, c’est donc tout simplement le plaisir d’être ensemble, d’échanger, de mener des activités conviviales qui semble ainsi visé et rien d’autre ; à l’instar de cette Parisienne sommée par les forces de l’ordre d’interrompre la musique diffusée sur son balcon pour la plus grande joie de ses voisins. Tout se passe désormais comme si la destruction des liens de sociabilité s’invitait dans cet étrange programme sanitaire. On est alors en droit de s’interroger : s’agit-il avec cette curieuse orthopraxie, de transformer pour leur bien des citoyens traumatisés et apeurés – voire sidérés – en êtres dociles et obéissants ?

Quand tout cela s’arrêtera-t-il?

On nous annonce pour les jours prochains un traçage numérique et un fichage qui serait opéré par les praticiens du secteur privé, moyennant une prime, ce que certains d’entre eux dénoncent comme attentatoire au secret médical. Les médecins généralistes sont en effet invités à collecter les données personnelles de leurs patients atteints du coronavirus, de leurs proches et des personnes avec lesquelles ils sont en contact[tooltips content= »Cf., Le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans sa version du 6 mai. »](3)[/tooltips]. Dès lors, on voit que sous couvert de sécurité sanitaire, les pouvoirs publics assènent aujourd’hui aux Français des kyrielles de prescriptions technocratiques qui les désorientent et pourraient les conduire demain vers une certaine forme d’anomie. On doit donc légitimement s’inquiéter de ce contrôle de normalité de plus en plus oppressant – voire inquisitorial – qui entend les condamner à résipiscence.

« L’Égypte a su arrêter le coronavirus à la frontière! »

0

Toute personne entrant sur le territoire égyptien est soumise à 14 jours d’isolement. Le député Abdelrahim Ali, qui revenait de France, en a fait l’expérience. Il détaille le dispositif des autorités de son pays contre le coronavirus.


 

Entretien avec Abdelrahim Ali, député égyptien et président du CEMO (centre des études du Moyen-Orient) à Paris.


Causeur. Avec 486 décès seulement au 5 mai et très peu de cas graves, la pandémie du coronavirus semble avoir épargné l’Égypte. Quelle est la situation dans votre pays ?

Abdelrahim Ali. Effectivement, la situation actuelle est rassurante ! Les mouvements des gens ont été restreints en imposant un couvre-feu de 19h à 6h du matin, puis de 20h à 6h du matin, et pendant le Ramadan (mois très important pour les musulmans), de 21h à 6h. Je peux donc vous dire que le nombre des contaminations est limité en Égypte, et que nous allons commencer un prudent processus de retour  à la normale après le Ramadan.

Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du Covid-19 ? Quelles étaient les capacités du secteur de la santé en Egypte ?

J’étais alors à Paris, et me préparais à retourner en Égypte. Arrivé là-bas, dès l’aéroport, j’ai été soumis aux mesures strictes des autorités égyptiennes : prise de température et détention de toute personne suspectée d’être contaminée. J’ai vu moi-même le degré de préparation des autorités de l’aéroport et des services sanitaires pour traiter rapidement toute personne arrivée contaminée en Égypte. Si les autorités ont le moindre doute concernant un cas, la personne est retenue et isolée immédiatement, et on lui applique le traitement adéquat. Si elle est négative, elle peut partir, mais les autorités sanitaires de son gouvernorat (équivalent d’une région française) la suivent quotidiennement après l’avoir placée en quarantaine à domicile pendant 14 jours. Moi-même, j’ai dû rester confiné chez moi 14 jours car je suis arrivé de France, pays touché par le Corona.

Quelles sont les premières mesures qui ont été prises et quelle a été la stratégie complète pour affronter le virus ?

Une « cellule de gestion de la crise » sous la présidence du premier ministre Moustapha Madbouli a été formée, avec le suivi quotidien du président Abdel Fattah al-Sissi. Le plan national a été élaboré pour répondre au mieux aux recommandations de l’OMS, et fondé sur la coordination de toutes les agences étatiques concernées. Enfin, tous les services gouvernementaux ont été suspendus, sauf bien entendu la santé. La logique de notre stratégie nationale de lutte contre la pandémie était simple : empêcher autant que faire se peut le virus d’entrer en Égypte et en même temps détecter le plus rapidement possible des cas de contamination et les contenir avant que la diffusion du virus ne s’emballe. Dans cet objectif, des vols vers les aéroports égyptiens ont été suspendus à partir du 18 mars et l’Égypte a mis en place le dispositif que j’évoquais permettant la détection précoce des cas suspects et une intensification de la surveillance sanitaire aux points d’entrée dans le pays. Un effort particulier a enfin été déployé auprès des clients des hôtels à Louxor et Assouan. 

Le climat africain pourrait être une cause essentielle d’éloignement du virus du continent, mais il n’y pas de preuve pour le soutenir…

Pour contenir la contamination, chaque gouvernorat s’est vu affecter un hôpital dont la mission est de traiter les cas avérés. Des nombreux autres d’hôpitaux étaient affectés pour assurer des quarantaines surveillées et l’ensemble du système de santé a été mobilisé pour mettre tous les moyens du pays au service de la cellule de crise. 

Au delà de l’effort d’empêcher le virus de pénétrer le pays, nous avons bien entendu pris des mesures préventives visant à ralentir sa diffusion dans le cas où cette première ligne de défense subissait une percée.

Ainsi, les restaurants, cafés, casinos, clubs et centres commerciaux ont été fermés de 19h à 6h du matin, et à partir du 31 mars, de 20h à 6h, sauf les boulangeries, les épiceries, les pharmacies et les supermarchés. Et avec le début de Ramadan, de 21h à 6h du matin. Plus tard il a été décidé de fermer totalement les cafés et les discothèques, ainsi que tous les restaurants, qui se limiteront à la livraison à domicile. Les cinémas, théâtres ont été également fermés et les activités sportives collectives suspendues.

Les administrations et les services gouvernementaux ont réduit le nombre d’employés présents pour diminuer les déplacements en transport collectif et les regroupements. Ceux dont la présence était jugée essentielle ont vu leur température contrôlée avant l’entrée dans leur lieu de travail. Les résultats laissent croire que cette logique a été plutôt efficace. 

Pourquoi l’Afrique en général a-t-elle été moins touchée que l’Europe et l’Amérique du Nord ?

La situation en Afrique a été au début une énigme qui a décontenancé les experts de la santé, surtout étant donné la régression du niveau des soins de santé dans nombre de pays du continent. Certains disent que le climat africain était une cause essentielle d’éloignement du virus du continent, mais il n’y pas de preuve pour le soutenir. En revanche, comme le démontre le cas de l’Egypte, il y a une logique plus simple et concrète. Le coronavirus vient de l’extérieur et s’est propagé en Afrique plus tard qu’en Europe, en Asie et en Amérique, un fait qui a donné aux pays africains le temps d’élaborer une stratégie préventive fondée sur une limitation de l’entrée du virus de l’étranger. C’est ainsi que dans quasiment tous les pays africains – de façon partielle ou totale – les mêmes mesures ont été prises :  la fermeture des frontières, le dépistage chez les ressortissants de pays contaminés et leur mise en quarantaine, l’interdiction des regroupements et la suspension des études dans les écoles et universités.

La durée de séjour prévu de certains touristes a pris fin, mais ils ont choisi de rester chez nous pour leur sécurité!

L’Afrique n’a ainsi enregistré à la fin de la première semaine de mars qu’un petit nombre de contaminations, essentiellement en Afrique australe et occidentale : 11 cas au Togo, Nigéria, Cameroun, Sénégal et Afrique du Sud, et des cas isolés dans les pays arabes, selon les données publiées, ce qui est peu par rapport au nombre d’habitants du continent, soit plus de 1,3 milliard d’âmes, c’est-à-dire trois fois rien par rapport aux plus de 105000 cas dans le monde à la mi-mars.

Dans une étude publiée par The Lancet sur le degré de préparation des pays africains face au Covid-19, une équipe internationale de scientifiques a trouvé que l’Algérie, l’Égypte et l’Afrique du Sud étaient les pays les mieux préparés à lutter contre le virus lors de son arrivée. Selon cette même étude, le Nigéria, pays particulièrement exposé au danger compte tenue de son importante pollution, était un des pays africains les mieux préparés à traiter avec la maladie, grâce à son expérience dans la lutte récente contre Ebola en 2014. 

Les trois piliers de l’économie égyptienne (le tourisme, le transport maritime par le Canal de Suez et le gaz) ont été très affectés. Comment le gouvernement fait-il face à ce défi ?

L’État a pris des initiatives en faveur des acteurs du secteur touristique consistant à lancer des projets de rénovation d’hôtels fixes et flottants, et de bateaux de transport touristique ainsi que le report des échéances des sociétés du secteur touristique. Un fond de 100 milliards de livres a été créée pour financer un plan plus complet pour soutenir le secteur. Pour soutenir l’ensemble de l’économie, le prix du gaz naturel pour l’industrie été baissé ainsi que le prix de l’électricité et cela pour les 3 à 5 années à venir. Une politique spécifique est mise en exécution pour attirer et garder des investisseurs, soutenir la bourse et encourager le marché du crédit en général pour disposer des capitaux nécessaires au moment de la reprise. Enfin, les pensions de retraites vont être revalorisées et les travailleurs non déclarés – ils sont autour de 1,5 million en Égypte – auront eux aussi une aide spéciale.

Quelles sont vos prévisions concernant le tourisme ?

Nous espérons que les touristes reviendront le plus tôt possible, mais cela dépendra des mesures prises contre le coronavirus dont la décision est entre les mains des autorités sanitaires. Cependant, depuis le début, l’Égypte a décidé de permettre aux visiteurs se trouvant sur son territoire de poursuivre leurs programmes touristiques. Et vous allez être étonnés : la durée de séjour prévu de certains touristes a pris fin, mais ils ont choisi de rester chez nous car ils considèrent que la situation en Égypte est sûre. Et nous allons développer le tourisme intérieur dans un délai de quinze jours après la Fête de rupture du jeûne pour inciter aussi les Égyptiens à visiter leur propre pays. 

La menace terroriste n’a pas été confinée durant la crise. Quelle est la situation au Sinaï en particulier et dans le pays en général ? Les réseaux terroristes sont-ils actifs ? Les terroristes vont-ils essayer de profiter de la situation sanitaire et économique pour affaiblir l’État ?

Effectivement, comme le démontre les récents attentats, le terrorisme est une machine infernale qui ne s’arrête pas, étant donné le soutien financier de la part de certaines entités et États. L’Égypte a le mérite de combattre le terrorisme seule à la place du reste du monde. Mais je dis aussi que la situation au Sinaï n’a pas la gravité que certains veulent vous faire croire. C’est peut-être enfin, ici, l’occasion pour moi d’adresser un message au monde en affirmant la nécessité de s’unir dans un front sans faille contre le terrorisme dont souffrent de nombreux pays. Si l’Égypte est laissée seule dans ce combat, le terrorisme risque de frapper tôt ou tard, directement ou indirectement tous les pays du monde.

L’immigration coûte bien plus que 6,57 milliards d’euros à la France

317
cour comptes migaud immigration
Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes. Meigneux/ Sipa. Numéro de reportage : 00893879_000001

Dans un rapport publié le 5 mai 2020, la Cour des comptes analyse le coût « de l’entrée, du séjour et du premier accueil des personnes étrangères en France » pour l’année 2019. Un montant de 6,57 milliards d’euros y est notamment avancé. Depuis lors, cette estimation est abondamment relayée par la presse et de nombreux élus – notamment à droite – comme représentant le poids total de l’immigration pour les finances publiques. En réalité, cette somme ne constitue qu’une petite partie de l’ensemble, et son utilisation irréfléchie témoigne d’une large méconnaissance du sujet. Un certain nombre d’éclaircissements semblent donc s’imposer.


La Cour des comptes ne dit nulle part que l’immigration a coûté 6,57 milliards d’euros en 2019. Comme le précise très clairement la Cour dès l’introduction de ce rapport, ainsi que dans le document de synthèse, ses magistrats ne se sont pas intéressés au coût multidimensionnel et global de l’immigration pour les finances publiques. Leur analyse se concentre sur les seuls « procédures et dispositifs prévus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Les grandes masses budgétaires sont donc explicitement exclues : dépenses sociales comme l’assurance maladie, les retraites et l’ensemble des aides sociales de droit commun (type RSA et APL) ; dépenses liées à la justice et à la politique de sécurité ; dépenses des collectivités territoriales comme la prise en charge des mineurs isolés, etc.

Une fiabilité quasi-nulle

Le montant de 6,57 milliards d’euros est issu d’un document budgétaire qui n’est d’aucune fiabilité et qui sous-estime grandement les coûts de l’immigration. L’évaluation de 6,57 milliards d’euros est issue du document de politique transversale Politique française de l’immigration et de l’intégration. Il s’agit d’une annexe jointe chaque année au projet de loi de finances déposé par le gouvernement, afin de donner aux parlementaires une vision de l’ensemble des crédits destinés à certaines politiques publiques et d’éclairer leur vote en conséquence.

Élément considéré comme essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie, sa fiabilité est pourtant quasi-nulle. Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale souligne ainsi, dans son rapport relatif à l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale, publié le 22 janvier 2020, que ce document présente « de nombreuses approximations ou des incohérences ». L’Assemblée nationale donne deux exemples des lacunes qui rendent cette source inexploitable.

Le premier concerne la forte sous-évaluation des coûts de scolarisation des enfants immigrés par le ministère de l’Éducation nationale, qui n’impute à la politique d’immigration que le montant des dispositifs fléchés sur des enfants allophones ou issus de familles itinérantes et de voyageurs (0,5 % des effectifs). Elle pèse pourtant de façon beaucoup plus large sur les dépenses d’éducation – nombre de professeurs, infrastructures scolaires, d’autant que certains dispositifs ciblent en particulier les territoires où la population étrangère est surreprésentée. Cette réduction drastique du champ de vision conduit l’Éducation nationale à formuler une estimation dérisoire de 161 millions d’euros quant aux coûts de l’immigration dans son domaine d’action publique. Cette somme est à comparer à celle avancée par le ministère de l’Enseignement supérieur : 2,2 milliards d’euros, correspondant aux 10,6 % d’étudiants étrangers du secteur public.

Des administrations divergentes

Le second exemple concerne les coûts liés à la police aux frontières et ceux des infractions pénales spécifiques relevant du séjour sur le territoire, comme le refus d’exécuter une mesure d’éloignement. Là encore, l’asymétrie entre les chiffres fournis par la police nationale (1,2 milliard d’euros pour 2020) et ceux relevant de la gendarmerie nationale (28 millions d’euros) est édifiante quant à la fiabilité très relative du document présenté.

Ces points précis témoignent de l’absence de méthode commune au sein des administrations de l’État pour élaborer les annexes budgétaires et, plus généralement, du désengagement assumé de la Direction du Budget dans la formalisation d’une information financière fiable du Parlement. Ce désengagement est d’autant plus regrettable qu’il constitue une infraction réelle aux normes constitutionnelles et aux lois organiques relatives aux finances publiques.

Compte tenu de ces graves insuffisances, il est surprenant que la Cour des comptes ait repris tel quel et sans réserve le chiffrage des coûts de l’immigration proposé par ce document.

Le coût de l’immigration pour les finances publiques varie fortement en fonction des choix méthodologiques retenus. S’il n’existe à ce jour aucune étude permettant de le déterminer de manière précise et exhaustive, les montants évoqués par les analyses les plus complètes s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.

Comment (bien) évaluer le coût de l’immigration ?

Le calcul du coût de l’immigration nécessite de faire des choix de méthode qui ont une forte incidence sur les résultats obtenus. Prend-on en compte les immigrés stricto sensu ou faut-il ajouter leurs descendants – ce qui semblerait logique dans la mesure où les enfants d’immigrés sont directement issus de l’immigration ? Faut-il comptabiliser les coûts de l’immigration irrégulière ? Prend-on en compte les dépenses de l’État ou celles de l’ensemble des administrations publiques ? Se restreint-on aux dépenses individualisables, ou faut-il inclure les dépenses globales en déterminant la part imputable aux immigrés – par exemple s’agissant de la politique de la ville, qui bénéficie principalement à des territoires dans lesquels leur présence est particulièrement massive ?

L’étude de référence à ce sujet est celle publiée par le CEPII (service de recherche économique rattaché au Premier ministre) en 2018 : L’Impact budgétaire de 30 ans d’immigration en France. Dans cette étude, pour la dernière année considérée (2011) et selon le scénario prenant en compte la première génération des descendants d’immigrés, le CEPII estime le coût de l’immigration à 1,64 points de pourcentage de PIB. Exprimé en points de PIB de 2019, cela équivaut à 40 milliards d’euros, bien au-dessus des 6,57 milliards évoqués dans le rapport de la Cour des comptes.

Plusieurs éléments permettent cependant de penser que ce chiffre sous-estime encore le coût réel de l’immigration. L’étude du CEPII s’arrête en 2011, alors que le phénomène migratoire a connu une forte hausse depuis dix ans. Cette étude exclut les coûts de l’immigration irrégulière, alors qu’ils sont extrêmement dynamiques depuis la crise des réfugiés de 2015. Enfin, ne sont prises en compte que les dépenses individualisables au niveau des foyers, ce qui réduit l’analyse aux dépenses sociales et d’éducation – lesquelles ne représentent que 66% de l’ensemble des dépenses publiques.

Des commentateurs trop légers

La forte médiatisation du rapport de la Cour des comptes témoigne de l’importance de la question migratoire pour l’opinion publique, ainsi que de la méconnaissance du sujet dont font preuve certains commentateurs et responsables politiques.

Le fort écho rencontré par le rapport de la Cour des comptes dès sa publication, notamment sur les réseaux sociaux, témoigne de l’importance de la question de l’immigration pour les Français – attention fréquemment rappelée par de nombreux sondages. Ainsi, selon une enquête ELABE Les Français et les mesures sur l’immigration du 6 novembre 2019, près de six Français sur dix considèrent que « l’immigration et l’asile sont des sujets majeurs ».

Il existe un décalage entre les citoyens qui perçoivent ou comprennent les conséquences de l’immigration, notamment sur les finances publiques, et de nombreuses personnalités politiques qui les sous-estiment. Les Français ne sont pourtant pas détrompés par leur intuition : dans un sondage IFOP de novembre 2018 pour le Journal du Dimanche, l’AJC et la Fondation Jean-Jaurès, seuls 9% des répondants considéraient que l’immigration jouait « un rôle positif sur l’équilibre des comptes publics ».

Coupables défaillances

Bien évidemment, le problème de l’immigration ne saurait être seulement appréhendé selon un prisme financier ou économique. L’ampleur du phénomène et les transformations qu’il implique soulèvent des enjeux culturels, sécuritaires et anthropologiques beaucoup plus vastes qu’un simple calcul pécuniaire. À ce titre, il constitue un sujet politique majeur qui nécessite une information claire et fiable des citoyens et de leurs représentants, au-delà des perceptions instinctives – souvent fondées au demeurant.

Même si aucune approche technocratique ne suffit à résumer les bouleversements induits par l’immigration, nous ne pouvons que déplorer le refus de certaines administrations, comme la Direction du budget, de remplir correctement leur rôle d’éclairage du Parlement. Nous regrettons également que la Cour des comptes, que l’on a connu plus sourcilleuse quant à la sincérité des évaluations comptables, reprenne à son compte des estimations manifestement erronées et publiquement identifiées comme telles. Nous constatons enfin l’empressement de certains responsables publics – y compris parmi ceux présentés comme les plus conscients du problème – à brandir sans recul une évaluation tronquée, témoignant d’une inquiétante méconnaissance du sujet.

Il importera, à l’avenir, de remédier à ces défaillances coupables. La confiance dans l’action de l’État et le renouveau de la cohésion nationale en dépendent.

La France au miroir de l'immigration

Price: 17,82 €

18 used & new available from 2,65 €

François Cornut-Gentille: «On ne connaît même pas le nombre réel d’habitants du 93»

34
©Thomas Samson / AFP

Le député François Cornut-Gentille (LR) est coauteur du rapport sur l’évaluation des politiques publiques en Seine-Saint-Denis de mai 2018. Il répond à nos questions dans le dossier que nous consacrons à ce département dans notre magazine Causeur de mai.


Causeur. Votre rapport a deux ans, il pointait de graves anomalies. Où en est aujourd’hui le 93 ?

François Cornut-Gentille. J’aimerais le savoir. J’avais commencé les auditions d’un rapport de suivi, elles ont été interrompues par le Covid. Elles reprendront en septembre, si possible. Le gouvernement s’est appuyé sur nos observations de mai 2018 pour formuler 23 mesures, dévoilées en octobre 2019. La plus médiatique était la prime de 10 000 euros pour les fonctionnaires qui resteraient plus de cinq ans dans le département.

On en est là…

Oui.

Cette prime n’est pas encore mise en œuvre, au demeurant.

La Seine-Saint-Denis a-t-elle seulement besoin de moyens supplémentaires ?

C’est un aspect du problème.

À l’été 2017, le tribunal d’instance d’Aubervilliers s’est retrouvé face à une pénurie de personnel dramatique : la directrice du greffe, deux greffiers et trois adjoints ont quitté le tribunal sans être remplacés. Il restait deux magistrats et trois administratifs. Néanmoins, la demande d’argent et de personnel cache aussi un certain désarroi. C’est à peu près la seule revendication des syndicats, mais les enseignants et les policiers avec lesquels j’ai parlé doutent que le salut passe seulement par les budgets. Pour que les fonctionnaires aient envie de rester, il faut aussi que leurs missions soient correctement définies. Je crois que l’État, aujourd’hui, fonctionne très mal, partout, et que la Seine-Saint-Denis est un miroir grossissant. Des problèmes qu’on peut faire semblant de ne pas voir ailleurs y deviennent tellement embarrassants qu’il est impossible de les ignorer.

A lire aussi, Lucien Croz : A Bobigny, le clientélisme de la droite a fracturé la communauté nationale, la seule qui rassemble tout le monde

Lesquels, par exemple ?

L’Éducation nationale ne connaît pas bien le niveau réel des élèves, d’une manière générale. Il est manifestement très bas dans beaucoup d’établissements de Seine-Saint-Denis. Il y a aussi la question du nombre réel d’habitants – inconnu ! Les représentants de l’Insee que nous avons auditionnés à l’Assemblée ont assez mal pris nos appréciations, mais je les maintiens : leurs outils ne permettent pas d’estimer la population du 93. Les étrangers en situation irrégulière seraient 150 000, ou 250 000, ou 400 000, on ne sait pas très bien [à ajouter à 1,65 million de personnes officiellement recensées, ndlr]. Comment voulez-vous organiser des politiques publiques, avec de telles marges d’erreur sur une donnée essentielle ? Sans oublier la criminalité. La direction départementale des finances publiques de Seine-Saint-Denis n’a pas reçu d’instructions particulières pour appréhender l’économie souterraine. Sachant que des enquêtes ont permis d’évaluer à 70 000 euros le chiffre d’affaires quotidien des dealers d’une seule cité marseillaise (La Castellane), c’est… regrettable.

Comment en sortir ?

Tout le monde a des idées pour la Seine-Saint-Denis. C’est la course aux solutions pour régler des problèmes qui n’ont pas été assez mesurés. Il faut continuer le diagnostic. Ma certitude, à ce stade, est que l’État est à la fois le problème et la solution.

Il faudra inventer de nouveaux services publics, pas seulement pour ce département.

>>> Lire le magazine <<<

Les Français se réfugient dans leur voiture

60
Anne Hidalgo et Marcel Campion, en 2016 © COLLOT HENRI/SIPA Numéro de reportage : 00748607_000005

Les transports en commun étant potentiellement des vecteurs de transmission du coronavirus, les Français privilégient encore plus le transport individuel et avant tout la voiture. C’est ce que montre un nouveau sondage réalisé il y a quelques jours. Pas moins de 77% des personnes interrogées comptent prendre une voiture pour leurs déplacements dans les prochaines semaines et les prochains mois. Ne le dites pas à Anne Hidalgo !


N’en déplaise à la maire de Paris, et aux autres adversaires de la voiture individuelle, l’épidémie de coronavirus l’a rendu plus indispensable encore. Les promoteurs des mobilités collectives, qui considèrent que la propriété privée des véhicules est une aberration écologique et économique, vont connaître un difficile retour à la réalité. Au lieu de se débarrasser de voitures coûteuses, polluantes et encombrantes et de privilégier les transports publics, le covoiturage, la location et le partage, le réflexe de préservation avec l’épidémie conduit à moins se déplacer, mais quand il le faut à privilégier un cocon protecteur bien à soi.

A lire aussi, Thomas Morales: Vélo des champs, bicyclette des villes

La France des métropoles ne doit pas commettre deux fois la même erreur et accabler à nouveau les automobilistes. La stigmatisation de la voiture a donné naissance, pour partie au moins, au mouvement des gilets jaunes. Il ne faudrait pas à nouveau ignorer la population qui vit dans les petites villes, les zones périurbaines et les campagnes et ne peut pas se passer d’une voiture pour vivre. Il y a un peu moins de deux ans, la limitation de vitesse à 80 kilomètres / heure sur les routes secondaires et l’augmentation de la taxe carbone sur les carburants avaient été comprises comme une ponction fiscale supplémentaire et une stigmatisation infligées à la France périphérique par la France des métropoles. Chasser les véhicules des agglomérations sous des prétextes douteux, notamment en affirmant que la pollution transporte le virus, est socialement, économiquement et politiquement dangereux.

77% des Français comptent privilégier la voiture

Car les premières conséquences incontestables de l’épidémie sont que les transports en communs sont devenus un repoussoir, étant des vecteurs importants de transmission du virus, et que les grandes villes sont aujourd’hui beaucoup moins attractives, le mot est faible. Tout cela va se traduire logiquement par moins de déplacements et un usage plus important des moyens de transports individuels et plus particulièrement de l’automobile. Cette dernière est non seulement perçue comme sécurisante, mais aussi comme le moyen de retrouver une liberté de mouvement brutalement supprimée par le confinement.

Un sondage réalisé il y a quelques jours pour la start-up Virtuo, spécialisée dans la location de voitures, auprès de 1.435 personnes de 18 à 65 ans, le démontre amplement. Ainsi, 77% des Français comptent…

>>> Lire la suite de cet article sur le site de la revue Transitions et Energies <<<

La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires

Price: 6,00 €

16 used & new available from 5,45 €

Ces hussards noirs qu’on sacrifie

46
©Soleil

Un nouveau bataillon est appellé à investir le front de la guerre qui continue : les profs. Les appelés sont motivés mais se méfient légitimement d’une hiérarchie incompétente et donneuse de leçons.


Doute raisonnable

Lors d’une conférence de rédaction, je me suis trouvé être le seul à affirmer que les profs avaient bien raison d’être réticents à reprendre le travail sans garanties.
Les arguments qui m’étaient opposés étaient tout à fait recevables : mieux serait mieux, mais on n’a pas mieux et quand faut y aller, faut y aller. L’économie doit redémarrer. Les soignants ont pris le risque, les caissières ont pris le risque, pourquoi les enseignants, qui ont un rôle majeur dans notre société pourraient-ils ne pas le prendre ?
J’aurais tendance à répondre (et surtout par contraste avec les caissières), parce qu’ils le peuvent.

En effet, si les soignants ont comme vocation de soigner, les militaires de défendre ou d’attaquer, les caissières de supermarché sont rarement là par goût du contact avec le public ou par curiosité à propos de la manière dont les gens se nourrissent. Ça n’est que parce que c’était leur seul moyen de subsistance qu’elles ont dû rester en poste.
Les profs vont effectivement se trouver face à des classes possiblement composées d’enfants porteurs sains (ou pas, puisque là comme ailleurs, on ne sait finalement pas très bien), donc présentant le risque de les infecter, puis de leur faire ramener le virus à la maison.
De plus, ceux des enfants qui arriveraient à l’école séronégatifs repartiraient avec le risque de ramener chez eux un joli cadeau, transmissible aux parents, voire aux grands-parents.
Si les enseignants étaient dotés de masques FFP2 (ceux qui protègent), la première partie du problème serait quasi résolue. Mais on n’en a pas, M’sieurs dames.

Je passe évidemment sur les gestes barrières et la distanciation sociale en primaire : « Gabriel tu mets tes gants, tu prends une nouvelle craie et tu viens écrire le mot “dictée” au tableau… » ; « Marie ! si tu tires encore une fois sur l’élastique du masque de ta voisine, tu vas chez le principal ! » ; « Kevin, le nez en dehors du masque ça ne sert à rien ! C’est comme si tu te promenais à la piscine avec le zizi en dehors du maillot de bain ! » ; « Audrey, le gel hydroalcoolique, c’est pour les mains, pas pour le lécher ! », « Kevin ! Le masque, ce n’est pas non plus un bandeau de pirate ! Sur le nez, pas sur l’œil ! »

Crise de confiance

Et on pourrait continuer longtemps… Peu de points d’eau, peu de savon, peu de toilettes…
On notera au passage que le fameux « conseil scientifique », derrière lequel se sont abritées tant de décisions iniques, comme le premier tour des municipales, ou encore l’inutilité des masques, est contre cette reprise. Mais cette fois, notre président ne l’écoute plus. Moi qui peste contre son incapacité à jouer son rôle de décideur, d’homme d’État, je ne vais certainement pas lui jeter la pierre : enfin il décide !
C’est bien la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour mal faire…
La question n’est pas la pertinence de la volonté de reprendre l’activité.

Il est évident que des inégalités sociales, culturelles, économiques frappent particulièrement les enfants pauvres ou très pauvres. Que les violences intrafamiliales ont aussi explosé depuis le début du confinement. Que la crise que nous traversons a des implications qui vont bien au-delà du sanitaire et que la déflagration économique qui va suivre ne peut s’aggraver davantage.
La question est à mon sens et avant tout celle de la confiance. En les promesses qui nous sont faites.
Bien que nous soyons « en guerre », il est caduc le temps des fusillés pour l’exemple. « Pour maintenir l’esprit d’obéissance et la discipline parmi les troupes, une première impression de terreur est indispensable », théorisait le bon général Pétain en 1915. Les enseignants « refuznik » me font penser à ces soldats fusillés pour l’exemple, car ils avaient refusé de sortir des tranchées sans préparation d’artillerie.

A lire aussi, Marc Nacht : À la guerre

Cible un peu trop facile

Le gouvernement peut toujours nous assurer de la disponibilité imminente des masques, du nombre de tests indispensables à la réussite de la stratégie choisie, le vilain peuple soupçonne l’artillerie de n’être pas prête à le défendre. N’ayant fait que mentir sans vergogne depuis le début de la crise, opérer de multiples volte-face, être passés experts en « comment se défausser en une leçon sur tout le monde », nos dirigeants ont perdu, de manière logique, toute crédibilité.
Avec en outre, et en permanence, ce petit ton qu’on emploierait pour expliquer à une classe de maternelle que ce ne sont pas les cigognes qui apportent les bébés, ce petit sourire plein d’indulgence pour les imbéciles qui osent demander pourquoi on ne ferme pas les frontières, où sont les bons de commande des masques qu’on attend encore et quid des tests pour lesquels certains laboratoires vétérinaires sont prêts, mais attendent encore à ce jour, 28 avril, les autorisations administratives adéquates pour passer à l’action.
Et voir le Premier ministre annoncer son plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale en commençant par un plaidoyer pro domo – alors que tout montre que nous sommes parmi les plus mauvais élèves de l’Europe, que nous avons et la crise sanitaire et la crise économique à leur paroxysme (comme d’autres ont eu et le déshonneur et la guerre qu’ils croyaient éviter), alors que d’autres pays ont limité les dégâts – ne pouvait qu’inscrire cette défiance dans le marbre.

Ce refus d’admettre le péché originel a culminé quand le Premier ministre a voulu nous démontrer que tout avait été parfaitement irréprochable, puisque nous avions au début de la « guerre » des masques en suffisance pour tenir des semaines… en temps de paix.
Quant à sa saillie sur le nombre de « commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire », qu’il s’estime heureux de n’avoir eu écho que de ce qui se dit sur les plateaux télé, avec le filtre de la bienséance. S’il avait entendu ce qu’il se dit dans les foyers, sa barbe aurait viré au blanc intégral.
Ces enseignants, cible facile et couards désignés, me semblent au contraire tout à fait courageux. Prêts à aller au « combat », mais pas avec ce pantalon garance que portaient les soldats français lorsque la guerre éclata en 1914, faisant d’eux une cible facile. Ce rouge resté dans les mémoires collectives comme un symbole de l’impréparation française à la guerre moderne comme le masque restera celui de la défaillance du président Macron et de son gouvernement.
Monsieur le président, vous pouvez toujours cafter Gérard Larcher qui vous aurait poussé au maintien du premier tour des municipales, ceux des sachants qui assuraient que le masque était inutile, l’OMS, les lourdeurs administratives…

Tous ces fautifs sont « en même temps » vous, monsieur le président. Il vous appartenait en homme d’État de décider, de trancher, d’innover et donc d’avoir éventuellement tort devant l’Histoire.
L’éventualité est devenue certitude, car en vous réfugiant derrière votre orchestre, vous avez omis de lui donner le la.
Et il a joué tellement faux que plus personne ne veut l’entendre.

Une société d’esclaves en bonne santé

37
Image d'illustration Unsplash

L’obsession de la santé est devenue la pire ennemie de la liberté


Si la pandémie actuelle est une guerre, elle oppose la liberté et la conception moderne de la santé. Le confinement a en effet supprimé nos droits les plus essentiels au nom de la santé collective. Dans cette guerre, nous défendons la santé publique contre la liberté parce qu’ainsi a été formaté notre logiciel sociétal depuis plusieurs décennies…

Nouveaux temps, nouveaux maux…

Ainsi, les lois anti-tabac ont posé les bases de la politique de sacrifice des libertés individuelles. D’abord modéré, l’anti-tabagisme s’est ensuite transformé en rouleau compresseur législatif, rangeant les fumeurs au rang de parias. Nous savions déjà que fumer tue, mais voilà que nous apprenons grâce aux chercheurs américains que l’espérance de vie aux États-Unis, terre promise des luttes contre la cigarette, ne cesse de baisser. La cause ? Une augmentation considérable de nombre des suicides post-dépression chez les 24 -65 ans (due notamment au déclassement social et à la désindustrialisation) mais aussi chez les jeunes de 12 à 24 ans, victimes de la surconsommation du numérique.

A lire aussi: Nos enfants-rois victimes des écrans-rois?

L’écologie, forte de son statut d’idéologie dominante universelle, se presse de restreindre nos libertés et notamment celle de vivre le présent. Quand la jeune égérie Greta se déplace en bateau pour prononcer un discours à l’ONU, des milliards de personnes partout dans le monde qui doivent prendre un avion ou une voiture pour les besoins du travail sont stigmatisés…  Il faut croire que la nouvelle croyance verte ne tolère aucune opposition malgré ses nombreuses contradictions. Le rejet de l’énergie nucléaire, la plus propre, sûre, rentable et indispensable aux engins électriques de demain tient par exemple de la rébellion adolescente contre les valeurs des parents.

Aujourd’hui, la quête du bien-être s’est étendue aux animaux. Il n’est pas utopique d’imaginer une société dans laquelle aller au restaurant pour manger une bonne entrecôte sera considéré comme un acte malveillant. Ironie de l’histoire, l’hypothèse selon laquelle le nouveau virus ravageur proviendrait des animaux bannis de nos assiettes est une gifle cruelle aux nouveaux commissaires anti-viande.

… et nouveaux dogmes

Les dogmes du bien être universel imposés à la politique tous azimuts cachent les causes des énormes lacunes dans la gestion de la crise sanitaire mondiale. Les choses essentielles dont nous avions réellement besoin pour nous protéger de la propagation de coronavirus ont manqué : la prévention, les produits médicaux de base, les médicaments qui soignent. À l’époque de l’intelligence artificielle capable de tout prédire, les ratés de l’intelligence humaine ont fait payer un prix dramatique à des millions des personnes. Pourtant, nous nous appuyons sur les mêmes dogmes pour sortir de la pandémie. Parce que nous n’avons pas d’autre vision, tout simplement.

A lire ensuite: L’ IA assignée à résidence

Un monde meilleur passe par un équilibre meilleur entre la santé et la liberté. Les deux sont allergiques au dogmatisme. La liberté n’est pas imaginable sans le droit de choisir et d’assumer ses choix. La bonne santé publique se compose des responsabilités individuelles de chacun et de notre épanouissement collectif, économique, culturel et social.

Il n’y a pas si longtemps, l’écrivain français le plus prophétique a parlé de sérotonine, l’hormone du bonheur qui manque terriblement à notre société. Parce qu’Internet tue autant que la cigarette, ouvrons quelques cafés du commerce fumeurs et laissons les gens – les gilets jaunes, les cols blancs, les sans-dents et les millenials y fumer au comptoir, se socialiser sans intermédiaire numérique. Permettons-leur de prendre la voiture pour amener leurs familles le week-end dans la capitale. Et les autres feront du sport ou partirons à la campagne pour respirer l’air frais. Avec la confiance retrouvée en nos libertés, nous devrions mieux protéger la santé collective lors de la prochaine crise sanitaire.

Sandouville: le coup de poignard de la CGT dans le dos de Renault

476
Manifestation de la CGT le lundi 11 mai, à Rouen, devant la préfecture de la Seine Maritime © ROBIN LETELLIER/SIPA Numéro de reportage: 00961441_000004

Après l’épisode de Sandouville, le syndicat apparait de plus en plus comme dogmatiquement politisé et nuisible aux salariés.


Qu’un juge des référés du Havre ait ordonné la fermeture de l’usine Renault de Sandouville pour de simples questions de procédures mineures « non conformes » peut apparaître comme une incongruité judiciaire de plus, dans un palmarès qui commence à être sérieusement encombré. Pour exemples, le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature ou les libérations régulières de malfaiteurs pour cause de procédures hors délai de juges somnolents… Mais que ce jugement du Havre fasse suite à une action venimeuse de la CGT a laissé pantois non seulement nos politiciens, mais la plupart des responsables économiques et autres syndicalistes directement intéressés.

« La posture de la CGT est irresponsable et infondée », a balancé Laurent Berger (CFDT) sur les ondes. Guillaume Ribeyre, délégué central CFE-CGC, premier syndicat chez Renault, précise que « Sandouville est l’un des meilleurs sites du groupe pour les mesures sanitaires », et il est bien placé pour le savoir. Quant au délégué syndical central de la CFDT-Renault, Franck Daoût, il est abasourdi : « C’est un véritable gâchis. Pour des raisons politiques et dogmatiques, on se retrouve avec une usine Renault bloquée pour au moins deux semaines. »

Le marché des VU fortement affecté

Comment un juge des référés, c’est-à-dire un juge de l’urgence, a-t-il pu en pleine « guerre » contre le Covid-19 – une drôle de guerre quand personne ne répond aux saboteurs – ordonner la fermeture d’une grande usine comme Sandouville, renvoyant chez eux 1 900 salariés et 700 intérimaires, une usine qui assemble des utilitaires dont le marché est très vivace ? De plus, ce juge du Havre n’aurait travaillé que sur dossier, ne serait même pas allé sur place à l’usine, pas plus qu’il n’aurait convoqué les parties concernées. Eu égard à l’importance du dossier, c’est ce qui s’appelle une justice expéditive !

A lire aussi, Jeremy Stubbs: L’Anglo-Saxonie face au Covid-19

Que Sandouville se situe dans la zone industrielle du port du Havre où la CGT impose depuis toujours ses nuisances habituelles… Qu’elle s’y soit encore manifestée dernièrement avec une certaine brutalité à l’occasion de la réforme des retraites… Que Philippe Martinez qu’on ne présente plus ait longtemps sévi chez Renault et que Le Havre soit la ville du Premier ministre Édouard Philippe… Tour cela pour un simple problème de mails de convocation prétendument non reçus par des CGTistes du CSE (comité social et économique). Il y a vraiment de quoi se poser quelques questions de fond sur ce juge havrais. Tout comme sur celui de Nanterre qui s’est attaqué bille en tête à Amazon, également pour d’obscures raisons secondaires, sans compter les juges de la cour d’appel de Versailles, qui n’ont fait qu’atténuer à la marge les décisions irresponsables de ce tribunal de Nanterre qui a mis sur le carreau les 10 000 salariés d’Amazon en France. 

En France quand on veut embêter un employeur, on trouve toujours… ou on abuse du droit de retrait

Ce qui fait dire dans une interview au Point à un avocat spécialisé en droit du travail qui a voulu rester anonyme – un signe qui ne trompe pas sur la terreur que peuvent parfois inspirer ces juges imprévisibles, inconséquents et incompétents, ou tout simplement politisés – ces mots qui font peur : « Vous trouverez toujours dans les méandres du Code du travail quelque chose qu’un employeur n’a pas fait. Mais ce n’est pas cela la vraie vie. Les magistrats n’ont jamais travaillé dans une entreprise. Ils ne savent même pas de quoi ils parlent… »

Revenons à la CGT, ce coronavirus de l’économie française, et constatons pour commencer que le jusqu’au-boutisme de ce syndicat politisé à l’extrême n’est pas nouveau. Philippe Martinez, son « lider maximo » comme on l’appelle parfois en interne, n’avait-il pas déclaré fin mars : « J’ai l’impression que l’économie prime sur la santé […] Il n’y a pas besoin de fabriquer des bateaux, des avions, des voitures… Nous ne voyons pas l’utilité de ce genre de produits en ce moment. » Les coéquipiers du « Moustachu », autre sobriquet de Martinez, n’ont de cesse depuis des semaines de critiquer la réouverture des usines, pourtant timide. Ils acceptent apparemment que l’agroalimentaire puisse tourner mais pas « la fabrication de confitures », ni bien entendu l’assemblage des Trafic de Renault !

Petits rappels historiques

N’ayant pas obtenu du gouvernement ni de la justice la liste officielle des entreprises « essentielles », le Conseil d’État ayant jugé la chose « inextricable », la CGT en a profité pour multiplier les appels à la grève et recommander à ses adeptes d’exercer systématiquement le fameux « droit de retrait », encore une invention française dont elle s’est arrogé des extensions illégales et abusives. Inutile de se demander si la CGT est « essentielle » à l’économie française ! En vérité, cette CGT est une véritable secte stalinienne, une sorte de vieux virus social qui remonte à l’après-guerre et à la nouvelle organisation administrative du pays mise en place par un ministre communiste, Maurice Thorez, auquel le général de Gaulle avait bêtement confié la réforme de la fonction publique. Une très mauvaise idée. 

A lire aussi: On achève bien la méritocratie

Petit rappel historique : de Gaulle, ce grand homme, avait un énorme défaut, il refusait de s’occuper d’« intendance ». Sur les conseils de Staline lui-même, il avait nommé Thorez au gouvernement, croyant ainsi canaliser des communistes très énervés. Mauvaise pioche : rappelons que ce Thorez, alors « patron » du PCF, avait carrément trahi son pays dès l’année 1939 en désertant de son régiment et en allant se réfugier à Moscou. Condamné aussitôt pour « désertion en temps de guerre » et déchu de la nationalité française, il était resté pendant tout le conflit en Russie soviétique, bien à l’abri. De retour à Paris en novembre 1944, il avait obtenu grâce au piston de Staline une amnistie individuelle, faisant croire à l’opinion qu’il était resté en France dans la clandestinité durant toute la guerre, se faisant passer pour « le premier des francs-tireurs et des partisans français » et devenant le secrétaire général officiel du « parti des fusillés ». Une extraordinaire culbute médiatique comme on dirait aujourd’hui, pour un Parti communiste français qui avait commencé par trahir son pays en se rangeant derrière les soviets, alors alliés aux nazis jusqu’en juin 1941, avant de participer à la Résistance !

Le syndicalisme allemand est enviable

Donc, Thorez, libre de toute entrave, mettra en place, entre autres joyeusetés, deux des pires horreurs économiques qui n’auront cessé de miner les fondations du pays : le statut à vie des fonctionnaires d’un côté, et un statut voisin pour les cheminots qui fera plus tard tache d’huile sur les électriciens et gaziers et quelques autres organismes économiques protégés. Des statuts communistes qui tiennent toujours trois quarts de siècle plus tard ! Philippe Martinez, en réalité, n’est que le dernier héritier de la longue histoire des communistes français depuis 1946, la CGT ayant résisté à tout depuis lors, y compris à la débandade du PCF, qui s’est réfugié dans quelques petites villes et villages de l’Hexagone pour pouvoir continuer d’exister.

A lire ensuite: Le livre, objet de première nécessité

Il est souvent question ces temps-ci de comparer l’état de santé des économies française et allemande, mais on oublie toujours de rappeler que la France a un handicap sérieux dans ce duel car il n’existe pas de syndicat communiste en RFA, ni de syndicat trotskiste comme FO, ou anarchiste comme Sud. Les syndicats y sont de vrais partenaires sociaux, ce qui n’est pas le cas en France, et sont organisés avant tout par secteurs – agriculture, mines et chimie, éducation et sciences, etc. –, sous la bannière d’une large Confédération totalement apolitique, qui compte plus de 6 millions de membres. Les grèves politiques y sont strictement interdites et l’on n’a jamais vu là-bas de dirigeants communistes ou trotskistes dans un gouvernement fédéral, encore moins dans un syndicat.

On n’a plus entendu parler du rapport Perruchot

Dans ce comparatif avec la France, il y a encore une autre explication : l’Allemagne, de par sa Constitution, est organisée en régions autonomes et responsables avec des gouvernements et des parlements régionaux ainsi que les budgets qui vont avec. Les Allemands ont l’immense avantage sur nous de n’avoir jamais eu à subir les dégâts du jacobinisme français et les exploits de nos énarques, la plupart incompétents autant que bouffis de suffisance. Encore un héritage du grand général, cette création de l’Ena, une machine infernale qui, en avançant dans le temps, a fini par développer une nouvelle noblesse d’État, laquelle s’est octroyé petit à petit tous les pouvoirs, se distribuant au passage des privilèges financiers et fiscaux inouïs. On ne peut que ressentir un véritable écœurement à la lecture des deux essais de Vincent Jauvert chez Robert Laffont qui leur sont consacrés, Les Intouchables d’État (2018) et Les Voraces (janvier 2020). Et encore, « écœurement », le mot est bien faible… 

Pour revenir à la CGT, sans avoir besoin de noircir un tableau déjà sinistre, et pour ouvrir les yeux des incrédules s’il en reste, qu’il nous suffise de faire référence à deux ouvrages de nature très différente dans lesquels la CGT est impliquée de la base au sommet : un rapport parlementaire et un essai de journalistes-enquêteurs. D’abord, le rapport Perruchot, du nom du député centriste du Loir-et-Cher Nicolas Perruchot, qui présidait en 2011 une commission d’enquête sur le financement des syndicats. Cette commission de parlementaires avait découvert et décortiqué le financement souterrain et frauduleux des syndicats, estimé à 4 milliards d’euros par an, ces 4 milliards incluant le coût de 28 000 salariés issus de la fonction publique ou d’entreprises publiques « détachés » en permanence dans les syndicats et donc payés par le contribuable.

A lire aussi: L’économie de la santé existe, le coronavirus l’a rencontrée

Un détournement massif d’argent public à rapprocher des minuscules « emplois fictifs » (quelques personnes à chaque fois) qui ont permis de condamner en justice Alain Juppé, puis Jacques Chirac, et ne parlons pas de François Fillon… Ce rapport Perruchot avait tellement fait peur au pouvoir à l’époque qu’il avait été mis sous le boisseau et interdit de publication. Quant à l’essai, Le Livre noir des syndicats paru en 2016 (Robert Laffont), leurs auteurs, Erwan Seznec et Rosenn Le Saint, avaient révélé le système de corruption exploité à fond par la CGT et copié par les autres syndicats, « une corruption qui se nomme “subventions publiques” et “paritarisme”, et qui corrompt l’essence même de ce que devrait être le syndicalisme […], un des aspects les plus pathétiques du syndicalisme actuel ».

Les auteurs avaient apporté une précision qui en dit long sur la CGT : elle totalise à elle seule 18 000 organisations adhérentes dont 17 000 syndicats. Une véritable nébuleuse qui permet à chaque entité juridique de réclamer des subventions et de se procurer de l’argent illégalement, tout en entretenant une providentielle opacité sur ses comptes.

Forcément quand on fait la révolution, on ne fait pas du syndicalisme…

Arrivé à ce stade, on peut poser toutes les questions que l’on veut sur la CGT, on n’obtiendra jamais de réponses. Contentons-nous de constater que la CGT ne signe jamais d’accords qui peuvent lui paraître contraignants, ne dit jamais la vérité et n’applique aucune règle sinon celle des rapports de force et de lutte contre les capitalistes et le libéralisme, à partir des principaux bunkers qu’elle contrôle – la SNCF, la RATP, EDF, les dockers, le Syndicat du livre, etc. –, et cela fait des dizaines d’années que ça dure !

Le dernier mot à Laurent Brun, le « patron » des cheminots CGT de la SNCF, un véritable forcené de la grève. Fils et petit-fils de cheminots, formé aux Jeunesses communistes, membre du PCF, c’est un stalinien comme on n’en fait presque plus. Interviewé il y a quelques temps par le mensuel Initiative communiste, il n’a pas hésité à déclarer qu’en matière de grève « les analyses de Lénine sont toujours d’actualité : il faut à la fois une idéologie révolutionnaire et une organisation révolutionnaire pour la porter ». Au moins c’est clair : les communistes de la CGT ne sont pas là pour faire du syndicalisme, qui n’est pour eux qu’un prétexte, une posture et un gagne-pain généreux, mais pour détruire le capitalisme libéral par tous les moyens et faire de la politique avant, si possible, de pouvoir faire la révolution.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils s’attaquent à Renault comme ils viennent de le faire. C’est dans l’ADN du virus communiste. Un peu comme le scorpion de la fable qui finit toujours par piquer la grenouille au milieu du gué, il est dans la nature des communistes en général et de la CGT en particulier de vouloir poignarder dans le dos, même en pleine tempête, le commandant du bateau, avec le secret espoir toujours renouvelé de pouvoir le remplacer un jour aux commandes…

Les Intouchables

Price: 9,99 €

1 used & new available from 9,99 €

Les Voraces - Les élites et l'argent sous Macron: Les Élites et l'argent sous Macron

Price: 19,00 €

62 used & new available from 1,46 €

Le livre noir des syndicats

Price: 2,85 €

23 used & new available from

Ce à quoi vous avez échappé depuis le 17 mars…

23
Dessin du projet de l'artiste Christo ©André Grossmann / Christo and Jeanne-Claude - 2019 CHRISTO / AFP

Le confinement aura eu le mérite non négligeable de ralentir la marche effrénée du progrès en nous épargnant la tenue d’événements comme l’emballage de l’arc de triomphe ou le festival « Turn Ovaires » consacré au « cyclo-féminisme ».


La guerre contre le coronavirus – de loin celle que je préfère – n’est pas encore gagnée. Les soignants soignent. Les pangolins se marrent. Les grognards du confinement, en short, applaudissent à tout rompre chaque soir à 20 heures, et appellent la gendarmerie à 20 h 05 pour régler quelques conflits de voisinage à coups de dénonciations citoyennes. Bref, la France va bien. Mais sans le confinement, qui nous cloître, nous assigne à domicile, nous infantilise et nous prépare des lendemains économiques qui ne chantent pas, qu’aurait été la France ? À quoi avons-nous échappé depuis cette date fatidique du 17 mars ?

L’agenda médiatique a dû se passer de rendez-vous quasiment névralgiques, tels que la Journée de la non-violence éducative, la Journée mondiale du cirque, la Journée de la femme digitale, la Journée mondiale de la marionnette, la Journée mondiale de batailles d’oreillers (vérifiez…), la Journée internationale du fromage, et la Journée mondiale des manchots (celle des pangolins était en février).

La fameuse journée mondiale de bataille d'oreillers © JOEL SAGET / AFP
La fameuse journée mondiale de bataille d’oreillers
© JOEL SAGET / AFP

Le Festival de Cannes a été reporté à une date ultérieure. Le confinement a cruellement interrompu la crucifixion méthodique de Roman Polanski par les bataillons vigilants du néoféminisme. Par ailleurs, le festival de progrès Turn Ovaires (Saint-Denis), consacré au féminisme et au vélo (au « cyclo-féminisme » !) a dû être annulé, ce qui est un recul conséquent pour le droit des femmes à travers le monde.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli : Le temps des collapsologues est arrivé

L’artiste américain Christo n’emballera pas l’Arc de Triomphe, comme c’était prévu initialement à la rentrée. Nous ne verrons donc pas de sitôt ce lieu de mémoire, où brûle la flamme du soldat inconnu, enveloppé pour la cause de l’art contemporain par une toile bariolée.

Le confinement nous a aussi privés des indignations répétitives de Greta Thunberg. Ses tweets se font rares. Terminée la grève de l’école ! La jeune prodige a dû mettre en pause sa machine à donner des leçons à la terre entière. Nul doute que sans cette crise inouïe, Greta aurait continué à donner ses conseils avisés aux grands de ce monde, sur le tri des déchets et la fin du capitalisme. Singulièrement, un virus encore plus petit qu’elle aura peut-être la peau du modèle « d’avant » …

« La France devrait créer une chaîne d’approvisionnement avec le Maghreb »

21
edwin bosso covid mondialisation
Usine textile à Salé (Maroc). SIpa/Alfred de Montesquiou. Numéro de reportage : AP20826196_000001

Vivant à Houston (Texas), Edwin Bosso est le président-fondateur du groupe Myrtle. Il a publié 6 000 Dreams: The Leader’s Guide To A Successful Business Transformation Journey. En exclusivité pour Causeur, il présente un point de vue original à rebours des discours protectionnistes revenus en force avec la crise sanitaire. Entretien.


Edwin Bosso.
Edwin Bosso.

Daoud Boughezala. Depuis le début de la crise sanitaire et économique, de plus en plus d’intellectuels et d’idéologues nous serinent que « plus rien ne sera comme avant ». A votre avis, l’épidémie et la catastrophe économique annoncée vont-elles changer le cours du monde ?

Edwin Bosso. Il est rare qu’une crise ne change rien. Le monde va probablement s’améliorer car la crise a montré l’importance des chaînes d’approvisionnement. Il faut travailler sur leur élasticité économique, faire en sorte que les relations internationales ne s’érodent pas à cause de l’administration Trump et parvenir à obtenir des plans de crise aux niveaux national et global. Je ne pense pas qu’on aille vers davantage de protectionnisme même si la crise a démontré qu’on est beaucoup plus dépendants les uns des autres qu’on ne le pensait. Ce rappel, qui nous a coûté très cher, nous impose de coopérer ensemble.

Comment jugez-vous la coopération internationale dans la gestion de la crise ?

Insuffisante. Avant la crise, j’observais déjà une certaine tendance au protectionnisme, avec le Brexit, l’élection de Donald Trump, celle de Jair Bolsonaro au Brésil, la montée des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, l’Europe et les Etats-Unis, etc. Au niveau mondial, la crise a été mal gérée, dès la réaction de la Chine qui aurait pu être plus transparente sur ce qui commençait à se passer sur son territoire. Puis quand les gouvernements européens ont eu conscience des événements chinois, il n’y a apparemment pas eu de coordination entre les Etats-Unis et l’Europe. J’en veux pour preuve l’arrêt des liaisons aériennes avec l’Europe qu’a décrétée unilatéralement Donald Trump. Beaucoup de choses auraient pu être entreprises au niveau international mais n’ont pas été faites.

A lire aussi: « L’Égypte a su arrêter le coronavirus à la frontière! »

Y compris au sein de l’Union européenne…

Absolument. Cela s’est vu avec les Pays-Bas et l’Allemagne qui n’ont pas soutenu l’Italie comme il le fallait, créant une mini-crise en Europe. Au départ, le Royaume-Uni a choisi une politique d’immunité collective avant de se raviser au dernier moment et de se retrouver aujourd’hui avec le taux de mortalité le plus élevé d’Europe.

Il faut admettre que la gestion de l’épidémie ne fait pas partie du mandat de l’Union européenne mais beaucoup de choses auraient pu être faites différemment. Mais tout cela n’enlève rien aux responsabilités des Etats-Unis.

C’est-à-dire ?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Trump, la position américaine a changé. Ce virage isolationniste a notamment affecté les rapports avec l’OTAN. Le fait que les Etats-Unis abandonnent leur position de leader géopolitique du monde occidental a laissé un vide. Obama avait déjà modifié la relation des Etats-Unis au reste du monde en évitant d’intervenir militairement sans raison. Mais Trump a vendu à son électorat le principe « America first » suivant lequel toute la politique étrangère des Etats-Unis doit être gérée au bénéfice exclusif de certains Américains. Il ne s’agit pas de l’Américain moyen mais des électeurs qui ont porté Trump au pouvoir. Qu’ils soient blancs, noirs, du sud ou du nord du pays, ces Américains qui se sentent délaissés par le progrès économique cherchent à récupérer la position qu’ils occupaient dans les années 1960 et 1970. Déçus par les politiques traditionnels, ils vont voulu essayer Trump. Traditionnellement, aux Etats-Unis, quel que soit son bord, au bout des premiers mois de présidence, le chef d’Etat élu a à cœur d’unir le pays. Or, l’administration Trump est peut-être la première de l’histoire américaine à servir son électorat pendant quatre ans. Cela se répercute sur le monde car la politique « America first » a créé des tensions avec la Chine, avec l’Europe, les Nations-Unies, etc. Cela rend la coopération internationale difficile.

A cet égard, vous développez une argumentation originale. Alors que le libre-échange débridé n’est plus de saison, et qu’Emmanuel Macron prône la relocalisation des industries stratégiques, pourquoi vous y opposer ?

On fausse complètement le problème. Dans cette crise sanitaire, il ne s’agit pas d’un problème de localisation mais d’accès à certains produits. Aujourd’hui, ce sont des masques, les respirateurs et autres équipements de protection individuelle mais cela pourrait être autre chose demain. Or, si on suit la logique protectionniste, on se retrouvera avec des économies fermées qui produiront tout localement. Pour rester dans une logique de libre entreprise, aux Etats-Unis et en Europe, il faudrait développer des processus pour convertir très rapidement des unités de production existantes pour fabriquer ce dont on a besoin. Aux Etats-Unis, où il reste une industrie textile pour fabriquer des équipements de sport ou autres, un plan de risque devrait identifier un certain nombre de sites industriels privés pour permettre leur reconversion rapide. Dès qu’une information nous porterait à croire qu’on aura besoin des produits en question, on aurait ainsi la capacité de reconvertir très rapidement ces usines. Une fois l’accès garanti, reste à résoudre le problème logistique : comment distribuer ces marchandises ? La France est par exemple l’un des pays dont l’industrie pharmaceutique est la mieux distribuée sur l’ensemble du territoire. Les Etats-Unis devraient en faire autant à l’échelle des cinquante Etats : trouver des usines textiles à reconvertir pour les masques, des fabricants d’électronique, d’aspirateurs et d’automobiles pour les respirateurs. Au lieu de quoi les Etats-Unis ont perdu huit semaines cruciales qui auraient pu servir à convertir des usines, fabriquer les produits nécessaires et les transporter pour les distribuer.

A lire aussi: Crise et châtiment

Il est plus simple de compter sur soi-même pour produire les marchandises nécessaires en cas de crise mondiale. Aujourd’hui, chaque pays a besoin de gel hydroalcoolique, de tests et de masques…

On peut rapatrier toute la production de masques dans l’hexagone mais que se serait-il passé si l’épidémie avait démarré en France ? Le scénario chinois se serait reproduit : la Chine a d’abord ralenti sa production parce que les salariés avaient peur d’aller travailler. Cela plaide en faveur de la libre économie. Plutôt que de tout relocaliser, il faut créer une élasticité des chaînes d’approvisionnement, préparer une centaine de scenarii catastrophe en fonction des risques et des plans de réponse. Même si la France, qui a gardé une industrie de la mode, ne produit plus énormément de textile, elle peut compter sur les usines d’Afrique du nord – Marrakech et Tunis sont à deux heures de Paris. Il faut savoir à l’avance si on peut compter sur les usines du Maroc ou de Chine, lister les entreprises dont on aura besoin. Cette approche est économiquement beaucoup plus viable pour créer une industrie de réponse à la crise.

Vous vivez à Houston. Comment les Texans vivent-ils la crise sanitaire ?

Houston n’a jamais vraiment été confinée. Jusqu’à la fin avril, les autorités nous avaient conseiller de rester chez nous et de télétravailler. Beaucoup de commerces considérés comme non-essentiels étaient fermés, sauf les supermarchés, les magasins de bricolage ou de sport. Même s’ils avaient le droit de sortir, faire du vélo ou prendre leur voiture, les habitants de Houston ont été assez disciplinés. Ils sont massivement restés chez eux, ont porté des masques. Mais à la différence du Texas, dans d’autres Etats américains, l’électorat de Trump rechigne à accepter le port du masque et les mesures de protection comme une nécessité pour le bien de tous. Cela reste un pays très attaché aux libertés individuelles. Il faut dire qu’en dehors des côtes, de Los Angeles, Chicago ou Boston, les transports en commun ne sont pas très développés. Dans ces grands espaces, on vit peu les uns sur les autres et il est difficile de rencontrer des gens si on ne le cherche pas. Même à Los Angeles, on circule relativement seul, en voiture ou en marchant avec assez d’espace autour de soi. Dans des villes comme New York, Londres ou Paris, le métro rend la transmission du virus beaucoup plus facile.

Confiner, surveiller, punir, mater

260
Dans le Morbihan, à Belle-Île-en-Mer, la police municipale surveille les plages interdites d'accès pendant le confinement, le 16 avril 2020 © Philippe Dannic/SIPA Numéro de reportage: 00956520_000002

Le 11 mai 2020 restera dans l’histoire comme une date nébuleuse ; celle d’un déconfinement qui déconfinera sans déconfiner, tout en déconfinant : comprenne qui pourra ! 


Seulement certains Français en bénéficieront, mais ni en tous lieux, ni en tout temps : point trop n’en faut. À cette occasion, le conseil scientifique viendra de nouveau en renfort du gouvernement. Avec force tableaux statistiques et cartes de France colorées de rouge et vert. Il légitimera ainsi une décision que les Français ont bien du mal à comprendre et a fortiori à accepter. Ce faisant, le savant continuera une fois de plus d’offrir au politique sa caution dans un exercice qui apparaît cependant de plus en plus périlleux car il engage également la responsabilité des experts[tooltips content= »Josepha Laroche, « The Instituting Expert’s Political-Normative Power », Policymakr, April 23, 2020, https://urlz.fr/cCCS. »](1)[/tooltips].

Les Français en liberté conditionnelle

Le 11 mai 2020 restera dans l’histoire comme l’horizon improbable d’une liberté d’aller et venir à reconquérir. Ce que nombre de Français vivent comme une incarcération ne prendra en effet pas véritablement fin à cette date. En d’autres termes, leur levée d’écrou demeurera en grande partie limitée et indéterminée, toujours sujette à un droit de regard bureaucratique, plus tatillon que jamais. En bref, ils vont devoir apprendre à vivre sous contrôle et endurer ce que beaucoup d’entre eux vivent comme une punition.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’Etat, ma mère juive

Certes de prime abord, celle-ci ne se donne pas à voir comme telle. Bien au contraire, les pouvoirs publics la dénient. Selon ces derniers, la privation de quelques libertés fondamentales n’aurait été mise en place le 17 mars que pour le bien des citoyens, afin d’assurer leur sécurité sanitaire et pour nulle autre raison. C’est donc avec obéissance et dans la peur, que des millions d’administrés ont accepté d’être séparés les uns des autres, coupés du jour au lendemain de leur biotope social. De surcroît, c’est dans le silence qu’ils ont enduré et endurent encore d’incessantes injonctions paradoxales auxquelles ils doivent néanmoins se soumettre sous peine d’être sanctionnés. En effet, depuis le mois de janvier et jusqu’à ce jour, qu’il s’agisse de la fermeture des frontières, du port du masque, des tests de dépistage, des gestes barrières, des protocoles thérapeutiques, de la reprise du travail, du retour des enfants à l’école ou de la fréquentation des transports en commun, ils ont entendu tout et son contraire. 

Les chiffres de Salomon visent à cacher le climat politique mortifère

Les innombrables revirements des responsables politiques, tout comme les violents conflits entre experts médicaux n’ont pas manqué. Une telle situation illisible et abracadabrantesque a par conséquent rendu impossible l’adoption d’une ligne de conduite qui fût rationnelle et efficace. Surtout, ce climat mortifère sur fond de mesures liberticides, a largement accentué l’angoisse d’une population infantilisée et maintenue perpétuellement dans l’incertitude. Pendant des semaines, tests, masques, gels, lits d’hôpitaux et respirateurs ont manqué et manquent d’ailleurs encore. Rien n’explique, à ce jour, une pareille impéritie qui exige des Français toujours plus de résilience sans leur offrir pour autant de véritable contrepartie. Mais la peur au ventre, les Français ont dû affronter, vaille que vaille, cette pénurie hors-norme. Or dans le même temps, le gouvernement a cru bon de les submerger chaque soir d’un déluge de données statistiques dispensées par le directeur général de la santé publique qui, tel un greffier, dressait le bilan comptable des pertes humaines de la nation. 

Aujourd’hui chez votre marchand de journaux: Causeur #79 Sauvez la France, sortez de chez vous !

Finalement, qu’est-ce qui ressort de cette politique imprévoyante, brouillonne et si inefficace en termes logistiques et opérationnels que d’aucuns ont parfois parlé de gabegie pure et simple ? À l’évidence, se donne à voir un autoritarisme pesant, émaillé d’incohérences imposées avec une rare arrogance. L’attestation écrite de dérogation, pièce maîtresse du dispositif de confinement, apparaît à cet égard comme le symbole vexatoire de ce gouvernement des conduites. Tous les Français ont par exemple encore en mémoire l’histoire malheureuse de cet homme empêché de se rendre au chevet de son père mourant ou bien de cette infirmière de nuit verbalisée alors qu’elle sortait à l’aube de l’hôpital et n’avait pas indiqué une date exacte sur son document. Il faudra établir un jour la liste exhaustive de toutes ces brimades qu’on pourrait imaginer issues d’une terrible dystopie. Non pas, la réalité dépasse ici la fiction.

Notre malheur fait le bonheur des caisses de l’État

Durant le confinement, plus de 530.000 amendes ont été délivrées[tooltips content= »La loi d’urgence 2020-290 pour faire face à l’épidémie de covid-19 et le décret 2020-293 du 23 mars 2020, publiés le 24 mars 2020 au JO, codifient désormais tous les déplacements et mobilités sur la voie publique et renforcent les sanctions encourues en cas de violations des règles de confinement. L’amende forfaitaire de 135 euros peut aller jusqu’à 750 euros si elle est prononcée par le tribunal de police. En cas de récidive dans un délai de quinze jours, la loi prévoit une amende contraventionnelle de 1500 euros. Enfin, si l’usager est verbalisé à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, il encourt six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende ainsi qu’une peine complémentaire de travail d’intérêt général, et une peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule. »](2)[/tooltips], ce qui devrait rapporter à l’État, 60 millions d’euros. Une répression qui a toutefois souvent scrupuleusement respecté la loi implicite, mais ô combien implacable, du deux poids deux mesures. Ainsi, le promeneur solitaire s’est-il vu infliger une amende parce qu’il ne détenait pas ses papiers d’identité ou qu’il avait mal rempli son attestation alors même qu’il marchait sur une plage déserte ou dans un massif montagneux sans âme qui vive. Mais dans le même temps, on notait l’absence fréquente de verbalisation dans les quartiers où le confinement n’était pourtant pas respecté par d’innombrables personnes. Un deux poids deux mesures que le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, Mr Laurent Nunez, a lui-même recommandé et qui a si bien inspiré le préfet du Calvados. 

A lire ensuite, Jérôme Leroy: La case mélancolie

Beaucoup de commentateurs ont souligné, à juste titre, que, dans les jours à venir, l’on ne pourra toujours pas se rendre dans un café, un restaurant, une salle de spectacle, un festival ou bien encore se promener sur une plage. Dans le même temps, les Français seront autorisés à voyager en toute promiscuité dans le métro, le tram ou le bus. En l’occurrence, c’est donc tout simplement le plaisir d’être ensemble, d’échanger, de mener des activités conviviales qui semble ainsi visé et rien d’autre ; à l’instar de cette Parisienne sommée par les forces de l’ordre d’interrompre la musique diffusée sur son balcon pour la plus grande joie de ses voisins. Tout se passe désormais comme si la destruction des liens de sociabilité s’invitait dans cet étrange programme sanitaire. On est alors en droit de s’interroger : s’agit-il avec cette curieuse orthopraxie, de transformer pour leur bien des citoyens traumatisés et apeurés – voire sidérés – en êtres dociles et obéissants ?

Quand tout cela s’arrêtera-t-il?

On nous annonce pour les jours prochains un traçage numérique et un fichage qui serait opéré par les praticiens du secteur privé, moyennant une prime, ce que certains d’entre eux dénoncent comme attentatoire au secret médical. Les médecins généralistes sont en effet invités à collecter les données personnelles de leurs patients atteints du coronavirus, de leurs proches et des personnes avec lesquelles ils sont en contact[tooltips content= »Cf., Le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans sa version du 6 mai. »](3)[/tooltips]. Dès lors, on voit que sous couvert de sécurité sanitaire, les pouvoirs publics assènent aujourd’hui aux Français des kyrielles de prescriptions technocratiques qui les désorientent et pourraient les conduire demain vers une certaine forme d’anomie. On doit donc légitimement s’inquiéter de ce contrôle de normalité de plus en plus oppressant – voire inquisitorial – qui entend les condamner à résipiscence.

« L’Égypte a su arrêter le coronavirus à la frontière! »

43
Abdelrahim Ali, député égyptien et président du CEMO (centre des études du Moyen-Orient) à Paris.

Toute personne entrant sur le territoire égyptien est soumise à 14 jours d’isolement. Le député Abdelrahim Ali, qui revenait de France, en a fait l’expérience. Il détaille le dispositif des autorités de son pays contre le coronavirus.


 

Entretien avec Abdelrahim Ali, député égyptien et président du CEMO (centre des études du Moyen-Orient) à Paris.


Causeur. Avec 486 décès seulement au 5 mai et très peu de cas graves, la pandémie du coronavirus semble avoir épargné l’Égypte. Quelle est la situation dans votre pays ?

Abdelrahim Ali. Effectivement, la situation actuelle est rassurante ! Les mouvements des gens ont été restreints en imposant un couvre-feu de 19h à 6h du matin, puis de 20h à 6h du matin, et pendant le Ramadan (mois très important pour les musulmans), de 21h à 6h. Je peux donc vous dire que le nombre des contaminations est limité en Égypte, et que nous allons commencer un prudent processus de retour  à la normale après le Ramadan.

Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du Covid-19 ? Quelles étaient les capacités du secteur de la santé en Egypte ?

J’étais alors à Paris, et me préparais à retourner en Égypte. Arrivé là-bas, dès l’aéroport, j’ai été soumis aux mesures strictes des autorités égyptiennes : prise de température et détention de toute personne suspectée d’être contaminée. J’ai vu moi-même le degré de préparation des autorités de l’aéroport et des services sanitaires pour traiter rapidement toute personne arrivée contaminée en Égypte. Si les autorités ont le moindre doute concernant un cas, la personne est retenue et isolée immédiatement, et on lui applique le traitement adéquat. Si elle est négative, elle peut partir, mais les autorités sanitaires de son gouvernorat (équivalent d’une région française) la suivent quotidiennement après l’avoir placée en quarantaine à domicile pendant 14 jours. Moi-même, j’ai dû rester confiné chez moi 14 jours car je suis arrivé de France, pays touché par le Corona.

Quelles sont les premières mesures qui ont été prises et quelle a été la stratégie complète pour affronter le virus ?

Une « cellule de gestion de la crise » sous la présidence du premier ministre Moustapha Madbouli a été formée, avec le suivi quotidien du président Abdel Fattah al-Sissi. Le plan national a été élaboré pour répondre au mieux aux recommandations de l’OMS, et fondé sur la coordination de toutes les agences étatiques concernées. Enfin, tous les services gouvernementaux ont été suspendus, sauf bien entendu la santé. La logique de notre stratégie nationale de lutte contre la pandémie était simple : empêcher autant que faire se peut le virus d’entrer en Égypte et en même temps détecter le plus rapidement possible des cas de contamination et les contenir avant que la diffusion du virus ne s’emballe. Dans cet objectif, des vols vers les aéroports égyptiens ont été suspendus à partir du 18 mars et l’Égypte a mis en place le dispositif que j’évoquais permettant la détection précoce des cas suspects et une intensification de la surveillance sanitaire aux points d’entrée dans le pays. Un effort particulier a enfin été déployé auprès des clients des hôtels à Louxor et Assouan. 

Le climat africain pourrait être une cause essentielle d’éloignement du virus du continent, mais il n’y pas de preuve pour le soutenir…

Pour contenir la contamination, chaque gouvernorat s’est vu affecter un hôpital dont la mission est de traiter les cas avérés. Des nombreux autres d’hôpitaux étaient affectés pour assurer des quarantaines surveillées et l’ensemble du système de santé a été mobilisé pour mettre tous les moyens du pays au service de la cellule de crise. 

Au delà de l’effort d’empêcher le virus de pénétrer le pays, nous avons bien entendu pris des mesures préventives visant à ralentir sa diffusion dans le cas où cette première ligne de défense subissait une percée.

Ainsi, les restaurants, cafés, casinos, clubs et centres commerciaux ont été fermés de 19h à 6h du matin, et à partir du 31 mars, de 20h à 6h, sauf les boulangeries, les épiceries, les pharmacies et les supermarchés. Et avec le début de Ramadan, de 21h à 6h du matin. Plus tard il a été décidé de fermer totalement les cafés et les discothèques, ainsi que tous les restaurants, qui se limiteront à la livraison à domicile. Les cinémas, théâtres ont été également fermés et les activités sportives collectives suspendues.

Les administrations et les services gouvernementaux ont réduit le nombre d’employés présents pour diminuer les déplacements en transport collectif et les regroupements. Ceux dont la présence était jugée essentielle ont vu leur température contrôlée avant l’entrée dans leur lieu de travail. Les résultats laissent croire que cette logique a été plutôt efficace. 

Pourquoi l’Afrique en général a-t-elle été moins touchée que l’Europe et l’Amérique du Nord ?

La situation en Afrique a été au début une énigme qui a décontenancé les experts de la santé, surtout étant donné la régression du niveau des soins de santé dans nombre de pays du continent. Certains disent que le climat africain était une cause essentielle d’éloignement du virus du continent, mais il n’y pas de preuve pour le soutenir. En revanche, comme le démontre le cas de l’Egypte, il y a une logique plus simple et concrète. Le coronavirus vient de l’extérieur et s’est propagé en Afrique plus tard qu’en Europe, en Asie et en Amérique, un fait qui a donné aux pays africains le temps d’élaborer une stratégie préventive fondée sur une limitation de l’entrée du virus de l’étranger. C’est ainsi que dans quasiment tous les pays africains – de façon partielle ou totale – les mêmes mesures ont été prises :  la fermeture des frontières, le dépistage chez les ressortissants de pays contaminés et leur mise en quarantaine, l’interdiction des regroupements et la suspension des études dans les écoles et universités.

La durée de séjour prévu de certains touristes a pris fin, mais ils ont choisi de rester chez nous pour leur sécurité!

L’Afrique n’a ainsi enregistré à la fin de la première semaine de mars qu’un petit nombre de contaminations, essentiellement en Afrique australe et occidentale : 11 cas au Togo, Nigéria, Cameroun, Sénégal et Afrique du Sud, et des cas isolés dans les pays arabes, selon les données publiées, ce qui est peu par rapport au nombre d’habitants du continent, soit plus de 1,3 milliard d’âmes, c’est-à-dire trois fois rien par rapport aux plus de 105000 cas dans le monde à la mi-mars.

Dans une étude publiée par The Lancet sur le degré de préparation des pays africains face au Covid-19, une équipe internationale de scientifiques a trouvé que l’Algérie, l’Égypte et l’Afrique du Sud étaient les pays les mieux préparés à lutter contre le virus lors de son arrivée. Selon cette même étude, le Nigéria, pays particulièrement exposé au danger compte tenue de son importante pollution, était un des pays africains les mieux préparés à traiter avec la maladie, grâce à son expérience dans la lutte récente contre Ebola en 2014. 

Les trois piliers de l’économie égyptienne (le tourisme, le transport maritime par le Canal de Suez et le gaz) ont été très affectés. Comment le gouvernement fait-il face à ce défi ?

L’État a pris des initiatives en faveur des acteurs du secteur touristique consistant à lancer des projets de rénovation d’hôtels fixes et flottants, et de bateaux de transport touristique ainsi que le report des échéances des sociétés du secteur touristique. Un fond de 100 milliards de livres a été créée pour financer un plan plus complet pour soutenir le secteur. Pour soutenir l’ensemble de l’économie, le prix du gaz naturel pour l’industrie été baissé ainsi que le prix de l’électricité et cela pour les 3 à 5 années à venir. Une politique spécifique est mise en exécution pour attirer et garder des investisseurs, soutenir la bourse et encourager le marché du crédit en général pour disposer des capitaux nécessaires au moment de la reprise. Enfin, les pensions de retraites vont être revalorisées et les travailleurs non déclarés – ils sont autour de 1,5 million en Égypte – auront eux aussi une aide spéciale.

Quelles sont vos prévisions concernant le tourisme ?

Nous espérons que les touristes reviendront le plus tôt possible, mais cela dépendra des mesures prises contre le coronavirus dont la décision est entre les mains des autorités sanitaires. Cependant, depuis le début, l’Égypte a décidé de permettre aux visiteurs se trouvant sur son territoire de poursuivre leurs programmes touristiques. Et vous allez être étonnés : la durée de séjour prévu de certains touristes a pris fin, mais ils ont choisi de rester chez nous car ils considèrent que la situation en Égypte est sûre. Et nous allons développer le tourisme intérieur dans un délai de quinze jours après la Fête de rupture du jeûne pour inciter aussi les Égyptiens à visiter leur propre pays. 

La menace terroriste n’a pas été confinée durant la crise. Quelle est la situation au Sinaï en particulier et dans le pays en général ? Les réseaux terroristes sont-ils actifs ? Les terroristes vont-ils essayer de profiter de la situation sanitaire et économique pour affaiblir l’État ?

Effectivement, comme le démontre les récents attentats, le terrorisme est une machine infernale qui ne s’arrête pas, étant donné le soutien financier de la part de certaines entités et États. L’Égypte a le mérite de combattre le terrorisme seule à la place du reste du monde. Mais je dis aussi que la situation au Sinaï n’a pas la gravité que certains veulent vous faire croire. C’est peut-être enfin, ici, l’occasion pour moi d’adresser un message au monde en affirmant la nécessité de s’unir dans un front sans faille contre le terrorisme dont souffrent de nombreux pays. Si l’Égypte est laissée seule dans ce combat, le terrorisme risque de frapper tôt ou tard, directement ou indirectement tous les pays du monde.