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Molenbeek, capitale européenne de la culture en 2030?

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La ville belge gangrénée par le communautarisme musulman n’a pourtant plus rien d’européen.


La commune bruxelloise de Molenbeek est en lice pour devenir… capitale européenne de la culture 2030. Avec la très jolie ville universitaire de Louvain, dans le Brabant flamand, et Namur, capitale de la Wallonie, elle fait partie des trois dernières candidates sélectionnées par un jury international pour porter durant une année le titre institué en 1985 à l’initiative de l’actrice Melina Mercouri.

Ville pionnière de l’islamo-gauchisme

Molenbeek est pourtant associée depuis le mitan des années 2010 au terrorisme. Les chaînes de télévision du monde entier se pressaient alors dans ce fief où quelques-uns des terroristes qui ont endeuillé l’Europe et le monde ont radicalisé leur pensée et fourbi leurs premières armes : les assassins du commandant Massoud – tué deux jours avant le 11 septembre -, la fratrie Abdeslam, le cerveau des attentats de Paris Abdelhamid Abaaoud…

Depuis, rien n’a vraiment changé et les politiques communautaristes menées par les responsables politiques de gauche n’ont jamais été endiguées. Le fléau remonte aux années Moureaux, du nom du bourgmestre historique de la commune qui est l’auteur de la loi réprimant, depuis 1981, les actes inspirés par le racisme et la xénophobie, mais qui fut surtout l’instigateur d’une politique clientéliste à destination de la communauté musulmane, fermant les yeux sur les dérives islamistes contre la promesse de voix. Le socialiste fut en cela un des pionniers de l’islamo-gauchisme.

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C’est sa fille Catherine qui a repris le flambeau à la tête de l’entité, après un intermède libéral entre 2012 et 2018. Bien que fragilisés lors des récentes élections communales d’octobre 2024, elle et son parti sont restés en tête (23,1 %), devant les… communistes du PTB (22,2 %), avec en embuscade la « Team Fouad Ahidar » (14 %), du nom du responsable politique qui qualifiait les attentats du 7 octobre 2023 de « petite réponse donnée par une partie du Hamas à Israël »

Nouvelle identité bruxelloise

Si on peut rappeler que le nom complet de la localité est Molenbeek-Saint-Jean, il y a bien longtemps que la deuxième partie du toponyme est passée à la trappe. Alors, de quoi la culture est-elle le nom dans la commune qui brigue le titre de capitale européenne en la matière ? A voir les commerces et leurs enseignes, à entendre les conversations dans certains des quartiers de l’entité, à déambuler dans les rues où l’on ne flâne jamais vraiment, on doute que celle-ci ait quoi que ce soit d’européenne.

La culture à Molenbeek pourrait se résumer à être une diversité désormais introuvable car peu ou prou rappelle encore le caractère bruxellois de la commune, si ce n’est dans les quelques zones préservées ainsi que, le samedi soir, une fois tous les quinze jours, lorsque le club de football local y évolue au deuxième échelon national devant un public majoritairement « brusseleir » (bruxellois). Elle est aussi avant tout l’inculture. Dans un tract, qui a fait les gorges chaudes des opposants politiques depuis qu’il a été débusqué par la tweeteuse Lavissima B., la bourgmestre appelait à « venir fête c’est 4152 voix (…) Buffet et enbience sympa » (orthographe certifiée d’origine).

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La désignation de Molenbeek comme capitale européenne de la culture ferait, par ailleurs, craindre la mainmise sur les manifestations prévues dans ce cadre des Frères musulmans et d’autres officines ayant pignon sur rue à Bruxelles, mais aussi l’avancée de l’agenda wokiste. La composition des membres « chargés de projet » laisse craindre le pire ; les « jeunes » s’étant coalisé pour soutenir le projet en appellent eux à une « nouvelle identité bruxelloise » – à ce titre, permettez-moi de rappeler que le narratif diversitaire vanté jusqu’à la nausée par les responsables politiques de gauche a été imposé aux Bruxellois d’origine plus que validé par ceux-ci.

Molenbeek-Saint-Jean mérite pourtant bien mieux. Après avoir été une terre de paysans, elle fut un des fers de lance de la révolution industrielle à Bruxelles, au point d’être surnommée le « petit Manchester ».  Ce bastion réellement populaire aux côtés de communes huppées de la capitale s’est transformé avec la désindustrialisation et l’arrivée des vagues migratoires dès les années 60. Un demi-siècle plus tard, plus de la moitié de ses habitants sont étrangers ou d’origine étrangère. Et ceux-ci ont fini par imposer leurs modes de vie sous le regard complaisant des responsables politiques en place.

Procès Pelicot: l’occasion de se taire

Depuis qu’elles ont débuté au tribunal d’Avignon, les audiences de l’affaire Pelicot sont noyées sous un flot inouï de commentaires qui ne favorisent ni la justice ni la qualité du débat public. Ce drame hors-norme est le procès de 51 hommes, non celui du patriarcat ou de la masculinité.


Non, il ne faut pas parler de « procès de Mazan », ni de « viols de Mazan ». Ce qui est jugé par la cour d’assises du Vaucluse, ce sont des crimes présumés graves et répétés, reprochés à Dominique Pelicot, le principal prévenu, inspirateur de tout, et à de nombreux hommes qui, à son initiative et sous sa surveillance, sont accusés d’avoir agressé et violé son épouse Gisèle, assommée par des anxiolytiques.

Même si certains des accusés ont prétendu avoir cru à une connivence libertine entre les époux, je n’imagine pas, au risque d’anticiper le verdict, que la cour criminelle du Vaucluse puisse avoir le moindre doute sur l’absence de consentement de cette femme livrée sans conscience à tant d’hommes. Les instructions données par le mari, comme de se déshabiller en un autre lieu que la chambre et de ne pas parler trop fort pendant l’acte, représentent autant d’éléments qui rendent absurdes les dénégations sur ce plan.

Du singulier au pluriel

Je comprends la médiatisation qui s’attache à cette affaire criminelle extraordinaire, tant par le nombre des accusés que par le caractère « industriel » de ces crimes perpétrés dans une sorte de huis clos où une femme rendue médicalement inerte a subi le pire à cause d’hommes sollicités par son époux et ayant accepté cette ignominie sans s’interroger plus avant.

Pour être hors du commun, ces transgressions répétées constituent pourtant une succession de moments singuliers, l’extériorisation de subjectivités autonomes, de caractères indépendants que l’entreprise criminelle appréhendée globalement ne saurait faire disparaître.

Il convient donc à mon sens de respecter, comme toujours en matière de justice, le fait que personne ne doit être jugé en gros, mais toujours au détail et qu’une politique sans discernement pour l’exemple serait préjudiciable à la vérité.

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Ce procès n’est en aucun cas celui du patriarcat ou celui de la masculinité. On ne passe pas sans risque ainsi du singulier au pluriel et par ailleurs – c’est fondamental –, comment peut-on évoquer la mise en œuvre d’un assujettissement naturel qui serait consubstantiel aux rapports entre hommes et femmes alors que précisément nous avons, avec cette affaire Pelicot, la fabrication d’une soumission artificielle ?

Rien ne serait plus faux que de noyer cette multitude de crimes sous des généralités visant à donner encore plus d’importance politique et médiatique à des comportements odieux bien assez signifiants en eux-mêmes.

Ce qui produit un désordre et une confusion excessive, c’est cette épouvantable médiatisation à laquelle tout le monde participe, y compris Gisèle Pelicot elle-même. Celle-ci est éminemment digne et respectable : elle n’a pas besoin de démontrer que la honte a changé de camp, celle-ci n’ayant jamais été de son côté ! Reste qu’elle parle trop, de même que tous les avocats qui devraient garder leur verbe pour l’oralité des audiences.

On peut cependant tenter d’identifier les ressorts fondamentaux du crime en évitant les banalités. Gloser sur le « caractère clivé » de Dominique Pelicot ne fournit pas la moindre clé opératoire : cette explication est peu ou prou applicable à toute tragédie criminelle, la lumière de la normalité étant assombrie chez chaque mis en cause (et peut-être chez chacun de nous, quoique dans une tout autre mesure) par la nuit momentanée de ce qui lui échappe et qu’il commet.

Les motivations de M. Pelicot

En revanche, pour Dominique Pelicot, je suis enclin à discerner un trio de motivations. La première : néantiser artificiellement la conscience d’un être. La deuxième : jouir d’une tromperie capitale consistant à être en même temps pour son épouse un homme, un époux et un père exemplaires, et dans un territoire étrange et étranger, celui qui la livre, l’abandonne et la soumet sans qu’elle le sache. La troisième : maîtriser le corps de sa femme et régir le corps de tous ceux qui ont abusé d’elle et l’ont violée.

Pour tous les autres accusés, une fois acceptée l’opportunité de pouvoir user d’une liberté anéantie et d’une nature défaite, dans une atmosphère trouble mais sans risque, il y a eu aussi cette curiosité malsaine qui les a conduits, au travers d’un corps abruti, à laisser s’exprimer le pire d’eux-mêmes. Se découvrant en même temps qu’ils commettaient l’intolérable. Ces crimes répétés appellent des sanctions exemplaires bien plus que des grands mots. Et ils n’ont pas besoin d’être détournés de leur horreur pour servir d’exemples à une société qui n’en peut mais !

Un spectre hante l’Europe, l’isolationnisme américain

Une perspective cavalière sur l’improbable isolationnisme américain.


Un spectre hante l’Europe, l’isolationnisme américain, et ce indépendamment du résultat de la prochaine élection présidentielle. Pourtant, une perspective cavalière sur l’histoire des États-Unis révèle que le concept n’est pas aussi évident qu’il y paraît.

Washington contre les « alliances empêtrantes »

Les tenants de la doctrine isolationniste se réfèrent à George Washington, général victorieux de la guerre d’Indépendance (1775-1783) et premier président des États-Unis. Dans une adresse au Congrès, le 19 septembre 1796, il recommande d’éviter toute « alliance empêtrante », justifiant la neutralité américaine dans la guerre entre la France révolutionnaire et l’Angleterre. Les États-Unis constituent alors une puissance de second rang qui ne doit pas être instrumentalisée. Cette conception n’est que conjoncturelle.

Pourtant, l’idée domine la politique étrangère américaine jusqu’à la fin du XIXe siècle, sans que cette dernière soit réductible à une forme d’isolement international : on rappellera l’engagement précoce en Méditerranée, contre la piraterie barbaresque (1804) et la déclaration Monroe (1823). Celle-ci peut être considérée comme une alliance objective avec l’Angleterre : la flotte anglaise assure la sécurité dans l’Atlantique, au bénéfice des États-Unis, ces derniers se déployant dans le Pacifique. L’ouverture du Japon par le commodore Perry (1854), l’activité missionnaire et commerciale américaine dans l’empire déclinant des Qing et la doctrine de la « porte ouverte » (1899) en témoignent.

Par ailleurs, la croyance dans la « Destinée manifeste » implique le dépassement du vaste « pré carré » nord-américain. La « conquête de l’Ouest » achevée, les États-Unis entrent dans le cercle des grandes puissances. Inauguré avec la guerre hispano-américaine (1898), ce statut international est confirmé par leur rôle dans la négociation de la paix entre Russes et Japonais (traité de Portsmouth, 1905), puis la résolution de la première crise franco-allemande à propos du Maroc (Conférence d’Algésiras, 1906). A cette époque, l’engagement militaire des États-Unis en Europe était cependant inconcevable.

En 1914, les États-Unis font le choix d’une neutralité bienveillante envers la France et le Royaume-Uni. La guerre à l’Allemagne n’est déclarée que le 6 avril 1917. Dans son discours des Quatorze Points (8 janvier 1918), le président Woodrow Wilson expose sa vision d’un nouvel ordre international au cœur duquel les États-Unis promouvraient la sécurité collective, la liberté des mers et la politique de la « porte ouverte ». Certes, le Congrès des États-Unis ne ratifie pas le traité de Versailles (1920) mais la diplomatie républicaine des années 1920 est active sur la scène mondiale, de l’Asie-Pacifique (traité de Washington, 1922) à l’Europe (plans Dawes et Young, 1924-1929 ; pacte Briand-Kellogg, 1928).

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Paradoxalement, c’est lors de la présidence démocrate de Franklin D. Roosevelt, élu en 1932, que l’isolationnisme trouve sa traduction, avec l’adoption au Congrès de « lois de neutralité » (1934, 1935 et 1936). Conscience internationaliste de Roosevelt, le secrétaire d’État Cordell Hull obtient malgré tout la fin de l’isolationnisme économique pratiqué dans le cadre du New Deal. Sur le plan diplomatico-stratégique, cet isolationnisme persiste après le début de la Seconde Guerre mondiale mais la clause « Cash and Carry » est appliquée, au bénéfice des Français et des Britanniques. Avec le raid japonais sur Pearl Harbor (7 décembre 1941), les États-Unis basculent dans la guerre.

En 1945, l’isolationnisme n’est plus de mise ; les dirigeants américains sont ralliés à l’idée du leadership mondial des États-Unis, ce que la science politique nomme le rôle de « stabilisateur hégémonique ». Au fil de la Guerre froide, la doctrine de containment guide la politique étrangère américaine non sans quelques variations, sous Richard Nixon par exemple (ce qui inquiétait Raymond Aron).

Au sortir de l’affrontement Est-Ouest, les idées d’engagement (l’extension de la démocratie de marché) et de contre-prolifération des armes de destruction massive dominent, ce qui implique une diplomatie américaine active. Ainsi le « nouvel ordre international » de George H. W. Bush, successeur de Ronald Reagan, fait-il écho au projet néo-wilsonien de Roosevelt. Prudente, l’Amérique de Bill Clinton intervient quand il le faut. Après le 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme djihadiste surdétermine la politique étrangère hyperactive de « Bush fils ».

Isolationnisme ou unilatéralisme ?

Source d’erreurs, la « patience stratégique » de Barack Obama n’est pas l’isolationnisme ; c’est avec l’élection de Donald Trump à la présidence, en 2016, que cette problématique s’impose. Il s’agit plutôt d’unilatéralisme, de redéfinition des priorités géostratégiques et de « partage du fardeau », sur fond de montée en puissance de la Chine. De fait, le concept de « jacksonisme » est utilisé pour donner sens au trumpisme, en référence au septième président américain (1829-1837). Le politiste Walter Russel Mead y voit une forte tradition diplomatique que caractérisent le souverainisme, la définition restrictive des intérêts nationaux et le primat de la force militaire.

En somme, plus qu’une doctrine diplomatique opératoire, l’isolationnisme américain apparait comme une représentation de soi et du monde. Au vrai, une superpuissance a-t-elle la possibilité de choisir d’entrer ou non dans le système international ? N’est-ce pas là une fantasmagorie ? Il reste que l’isolationnisme constitue une réalité psychologique avec laquelle il faut compter, sa prévalence pouvant avoir de dramatiques répercussions géopolitiques.

Si les États-Unis, avec ou sans Trump, resteront engagés dans le monde – d’un bout à l’autre de l’Eurasie et sur son boulevard sud (le Moyen-Orient) -, ils n’en sont pas moins menacés de surextension stratégique. Le temps est venu pour leurs alliés européens d’assumer une plus grande part du « fardeau », dans l’OTAN comme en Asie-Pacifique. Bref, il faut à l’Occident un pilier militaire européen.

Les saints et les morts

Demain nous entrerons dans les froides ténèbres / Adieu vive clarté de nos étés trop courts…


À la source, nous avons indéniablement la peur primitive et universelle de l’homme à l’entrée de la saison froide et sombre. La peur que le printemps lumineux et fertile ne succède pas à l’hiver obscur et stérile. D’innombrables rites de conjuration de ces peurs ont émergé au sein de toutes les communautés humaines connues, dont, pour la civilisation celte, le Samain, préfiguration vraisemblable du si réjouissant et si mercantile Halloween.

Samain ouvre le calendrier des manifestations rituelles inscrites sur « la roue du temps » dans l’année celtique, celle-ci se divisant en deux grandes périodes, le temps sombre et le temps clair. Ainsi, Samain est célébré chaque année autour de ce qui est pour nous le 1er novembre, le moment où l’on bascule de fait dans la saison sombre. Dans la celte Bretagne, novembre se dit Miz-Du, littéralement « le mois noir ». Ainsi, on passe de la lumière à l’obscurité, ce que Baudelaire, en héritier inspiré de ces évidences ancestrales, exprimait en deux alexandrins célèbres : « Demain nous entrerons dans les froides ténèbres / Adieu vive clarté de nos étés trop courts. »

La célébration de Samain s’étend sur sept jours, trois jours avant le 1er novembre et trois jours après. C’est l’occasion de banquets, de festivités populaires, mais aussi de rencontres utiles. Tradition au long cours, puisque jusqu’au début du XXème siècle, c’était au 1er novembre, à la Toussaint, que les tâcherons agricoles s’assemblaient à la sortie de l’office religieux pour trouver à se faire employer pour l’année à venir. Autre trace de ce lointain passé : une des étymologies possibles de Samain est « l’été de la fin », c’est-à-dire l’été à ses derniers feux. Comme ceux que nous avons de nos jours avec « l’été de la Saint-Martin », brève embellie elle aussi en novembre.

Par ailleurs, il n’est pas exclu que les banquets et les réjouissances du Samain aient été à la source du sabbat des sorcières. Conjurer l’angoisse des mauvais jours qui viennent par la licence, la liberté effrénée, la transgression, est la marque de tous les rituels de lumière et de fertilité, de ténèbres et de stérilité. La nuit de Walpurgis des civilisations septentrionales qui se déroule, elle, à la charnière d’avril et mai, peut apparaître comme une transposition de Samain, sanctifiant cette fois le retour de la lumière. Pour l’égyptologue et ethnologue britannique Margaret Murray, le sabbat des sorcières n’est autre que la survivance de ce paganisme des temps anciens, refoulé dans l’interdit et la clandestinité à l’avènement du christianisme.

Etrangement, la semaine de célébration du Samain est hors calendrier. Elle ne s’inscrit ni dans l’année qui s’en va ni dans celle qui vient. Elle est une parenthèse, un temps suspendu, comme si on avait voulu la soustraire à l’ordonnancement ordinaire de l’année et la doter d’une dimension autre, ouverte sur le merveilleux. Or, c’est bien ce qui se passe. Samain est le temps du surnaturel, du spirituel, de la communion avec les prodiges, le moment où le Cerf sacré – dont les bois tombent et repoussent, symboles de la renaissance perpétuelle – sort des Enfers pour sa « Chasse sauvage ». Communion, surtout, avec l’au-delà, le monde des morts. On les célèbre, on les honore de présents, de nourriture, d’où la tradition, entre autres, de la citrouille. Ces rites, ces mythes sont si intensément inscrits dans ce que Jung appelle « l’inconscient archaïque » que ce lien avec la mort à ces dates précises a perduré avec le christianisme – Toussaint et Jour des Morts – et perdure jusqu’en en nos temps de déchristianisation, ou, si on préfère, de déspiritualisation. Raison de plus, donc, pour, ces jours-ci et ne serait-ce qu’un instant, s’imprégner de l’esprit intemporel et magique de Samain.

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Joe Biden: une dernière gaffe pour la route?

En traitant les partisans de Donald Trump d’ « ordures », Joe Biden met Kamala Harris dans l’embarras. Il assure depuis que ses propos ne visaient que des personnalités de l’entourage immédiat du candidat républicain, notamment ceux qui rient aux blagues un peu racistes du comique Tony Hinchcliffe, lequel avait comparé Porto Rico à une « île flottante d’ordures » lors d’un meeting de Donald Trump dimanche. La polémique amuse et conforte par ailleurs toute une gauche américaine qui a rejoint Donald Trump, dont nous passons ici en revue les plus surprenants ralliements.


Lorsque vous êtes un “liberal” aux États-Unis, c’est que vous êtes plutôt de centre gauche, par opposition au camp conservateur. Depuis les années Obama, les “classical liberals” américains (c’est-à-dire les libéraux classiques) sont de plus en plus nombreux à voir d’un mauvais œil le durcissement de l’aile gauche du Parti démocrate, laquelle cède aux modes idéologiques les plus ubuesques : idéologie transgenre, promotion de la censure sur les réseaux sociaux, appel à ne plus financer la police, racialisme ségrégationniste, dépénalisation de certains types de vols, ouverture de la frontière nationale aux immigrés illégaux, interdiction d’exiger une pièce d’identité pour voter à certaines élections locales (dans un pays où il faut pourtant montrer une pièce d’identité pour pouvoir acheter de la bière…).

Garbage

Comme en France, la gauche a longtemps été perçue comme le camp des défenseurs de la liberté d’expression, de la tolérance et de la lutte pour les droits des plus précaires. La tendance s’est un peu renversée avec l’arrivée de Donald Trump au Parti républicain, mais aussi avec la profonde transformation du Parti démocrate. Les Américains les plus modestes sont de moins en moins nombreux à voir dans le Parti démocrate un allié évident, surtout dans les zones rurales. Et la liberté, principe historiquement si cher à tous les Américains, elle ne semble plus être une priorité pour le parti de Kamala Harris ou d’Hillary Clinton, qui a récemment appelé à plus de régulations de la parole sur les réseaux sociaux, afin de ne pas en « perdre le contrôle ».

Cette semaine, le président Joe Biden a traité de « détritus » (garbage, en anglais) les électeurs de Donald Trump. Il devrait pourtant se rappeler que beaucoup d’anciens électeurs de Barack Obama ou de Bill Clinton en font partie, s’estimant en désaccord avec la plupart des changements récents du Parti démocrate. En deux mots, ce qu’ils voyaient auparavant comme le parti du peuple est devenu pour eux le parti des classes urbaines supérieures.

La presse de gauche ne pardonne pas à des figures influentes comme Elon Musk, qui avaient toujours voté démocrate, de soutenir officiellement Donald Trump (qui, rappelons-le, votait lui aussi démocrate, dans sa jeunesse). Tulsi Gabbard, membre démocrate du Congrès, originaire d’Hawaï, très populaire auprès des électeurs de centre gauche, s’est récemment décidée à rejoindre l’équipe de Trump, considérant que son parti ne travaillait plus dans l’intérêt des classes populaires. La gestion gouvernementale des incendies géants de l’île de Maui, très critiquée à Hawaï, aura également motivé son engagement.

Vague populiste ? Oui, car le terme n’est plus un gros mot aux États-Unis. Le sentiment populaire d’être trahi par les bureaucrates de Washington grandit d’année en année. Par ailleurs, cette gauche est également reconnaissante envers Donald Trump d’avoir su débarrasser le Parti républicain des “faucons” néo-conservateurs ; ceux qui, sous l’administration George W. Bush, voulaient exporter la démocratie en bombardant des pays étrangers et en sacrifiant de jeunes soldats pour des causes perdues au Moyen-Orient. Ils se souviennent que leur pays ne déclencha aucune nouvelle guerre durant le premier mandat de Donald Trump. Et qu’il faut remonter à la présidence démocrate de Jimmy Carter pour se remémorer une période similaire dans l’histoire du pays.

Plus controversé encore, pour ses positions sur les vaccins et sur l’industrie pharmaceutique, le fils de Bob Kennedy, Robert Kennedy Junior, a lui aussi rejoint Trump après avoir abandonné tout espoir de contribuer à un retour aux sources du Parti démocrate, le parti de son père et de son oncle, John Fitzgerald Kennedy. Pour l’avocat et héritier de la dynastie, le Parti démocrate d’aujourd’hui trahit les idéaux autrefois défendus par JFK, quand ce dernier se battait contre les tensions raciales, contre la pauvreté et contre l’influence excessive des secteurs militaires et du renseignement.

L’auteur féministe Naomi Wolf, ancien soutien de MM. Clinton et Al Gore, a quant à lui décidé de rejoindre Trump après que les démocrates ont promu des restrictions drastiques durant l’épidémie de Covid-19. Le dramaturge David Mamet, de son côté, déçu par les politiques dites libérales de ces dernières années, est l’une des rares personnalités du monde du spectacle à voir dans la réélection de Trump une opportunité de s’affranchir d’un climat politiquement correct devenu étouffant, à Hollywood comme à Broadway. Le mouvement #WalkAway, fondé en 2018 par un ancien militant démocrate, Brandon Straka, cherche à faire porter la voix de tous ceux qui se sont éloignés du parti comme de l’extrême-gauche américaine, à cause de leurs prises de position trop radicales ou trop clivantes.

Noms d’oiseaux

Jamais le Parti républicain n’aura compté autant de démocrates, ni dans son équipe ni dans ses supporters. L’extrême gauche américaine compte bien faire payer cher ces ralliements à ceux qu’elle considère comme des traîtres. La rhétorique du discrédit n’en finit plus de s’exercer contre les soutiens de Trump : “fascistes”, “nazis”, “suprémacistes blancs” et autres noms d’oiseaux…

De son côté, Trump ne ménage pas la candidate démocrate, Kamala Harris, en la qualifiant de “vice-présidente merdique” et en la traitant d’incompétente, de “folle” ou encore de “personne stupide”. “Elle ne représente rien” a-t-il déclaré avec mépris. “Est-ce qu’elle boit ? Est-ce qu’elle est sous l’influence de substances ?” avait-t-il lancé lors d’un meeting, en référence aux qualités d’oratrice de sa rivale. Son humour grinçant et provocateur régale certains mais demeure clivant ou contre-productif pour tous les autres. En tout cas, sa personnalité outrancière et ses propos incendiaires qui contribuent grandement à la brutalité du débat démocratique américain, refroidissent toujours une large partie de l’électorat populaire, alors que ce dernier pourrait pourtant adhérer à son programme sur bien des points, en particulier sur les questions sociales. Les résultats de la semaine prochaine nous diront à qui cette rhétorique de l’insulte aura profité, si elle fonctionne toujours en Amérique.

Occupation: pour Jérôme Garcin, le talent littéraire n’excuse rien

Dans son dernier ouvrage, Jérôme Garcin ne passe rien à nos écrivains collabos, il les charge. L’amitié et la critique sont-elles compatibles ? se demande notre chroniqueur, après avoir ressenti un léger malaise à la lecture du livre de l’ancien critique du Masque et la Plume.


Jérôme Garcin vient de publier Des mots et des actes – Les Belles-Lettres sous l’Occupation. Cet auteur, qui est un ami, éprouve une passion pour la littérature, il écrit des livres qui sont remarquables et ont toujours bénéficié d’une critique enthousiaste. Son registre est infiniment varié, de l’intime à l’Histoire. À son égard, je n’ai jamais douté de la sincérité de ces louanges, précisément parce que je les approuvais et les partageais. Alors qu’en général, j’ai toujours jugé la critique française (littérature, cinéma et ou théâtre) connivente, clientéliste, excessive et donc fausse, oscillant entre l’hyperbole et la démolition et donnant trop rarement une impression de liberté et d’authenticité. Peut-être ma vision est-elle excessivement pessimiste ; ou dois-je concéder être arrêté, devant beaucoup d’analyses favorables ou non, par cette limite intolérable qu’elles ne rejoignent pas les miennes ?

Dérision malvenue ?

Avec le dernier et court ouvrage de Jérôme Garcin, que j’ai lu d’une traite tant il mêlait la littérature, la période terrifiante et, pour certains, héroïque de l’Occupation, le destin de plusieurs écrivains détestables dans leurs écrits et leur comportement, maudits, rejetés, fusillé pour Robert Brasillach, talentueux mais égarés ou admirables tel Jean Prévost. Je me suis trouvé confronté à une excellence mais aussi à un léger malaise.

Je n’ai pas à discuter le choix de ses hostilités et de ses dilections. Pour ces dernières, on sait que Jean Prévost, auquel il consacre plusieurs chapitres, est un modèle : comme écrivain, comme homme de courage, résistant et héroïque, comme personnalité capable de tout mener de front, homme de réflexion et d’action.

Quand Jérôme Garcin se penche sur les écrivains qu’il honnit parce qu’ils ont écrit des horreurs, qu’ils ont pactisé d’une manière ou d’une autre avec l’occupant et qu’ils n’ont pas correspondu à son idéal de « chevalerie », parfois noblement sacrificielle, il ne perd rien de sa qualité de style, de son art des portraits et de sa fluidité narrative.

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Pour le style, il rapporte ce qu’on reprochait à Paul Morand dans sa correspondance avec Jacques Chardonne : « faire du style dans chaque phrase ». Ce pourrait être, de manière positive, porté au crédit de Jérôme Garcin.

Ce qui m’a perturbé, et qui tranche avec la compréhension profonde dont Jérôme Garcin sait faire preuve même à l’encontre du pire, est le ton de dérision, ou condescendant, ou moralisateur, dont il use souvent. Comme s’il était impossible, en jugeant ces quelques écrivains méprisables, d’expliquer mieux pourquoi ils l’avaient été, dans quelle nasse l’Histoire les avait englués et comment ils n’avaient pas su ou pu en sortir. Un Robert Brasillach a été admirable à partir de son arrestation, durant son procès avec une justice expéditive et lors de son exécution : cela ne compense pas ses écrits indignes mais aurait appelé, de mon point de vue, moins de dogmatisme inquisiteur.

Il ne faut pas avoir été résistant pour bien écrire

J’ajoute que Jérôme Garcin a totalement raison de célébrer les écrivains résistants, mêlant à leur talent le courage d’affronter le nazisme et pour quelques-uns d’y perdre leur existence. Mais j’ai eu parfois l’impression, à le lire, qu’il fallait avoir résisté pour bien écrire, pour être qualifié de grand écrivain. Je n’irais pas jusqu’à placer Céline au-dessus de tous parce qu’il a révolutionné la langue française mais avoir ébloui avec Le Voyage ou Mort à crédit n’est pas à négliger.

Dans ce beau petit livre, je suis touché indirectement par l’autoportrait de Jérôme Garin : la littérature n’est pas tout pour lui, le courage est capital, dire non plutôt que oui, face à l’intolérable, est exemplaire, la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais une lutte où il faut savoir se tenir.

J’espère, avec ce billet, n’avoir pas trahi l’honnêteté d’une critique, pas davantage que le bonheur d’une amitié.

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Elections américaines: “Keep on trolling in the Free world”…

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Les Américains se rendent aux urnes dans cinq jours. Donald Trump, qui a transformé la vie politique de son pays en arène de catch, pourrait l’emporter face à la guère sympathique Harris, finalement assez mauvaise candidate. Nous devons nous préparer à défendre notre économie, si Trump passe, car l’Union européenne a peut-être plus à craindre encore que la Chine commercialement. Analyses.


Roland Barthes était un passionné de catch. Il a notamment traité le sujet dans ses Mythologies : « ll y a des gens qui croient que le catch est un sport ignoble. Le catch n’est pas un sport, c’est un spectacle, et il n’est pas plus ignoble d’assister à une représentation catchée de la Douleur qu’aux souffrances d’Arnolphe ou d’Andromaque. (…)  Le public se moque complètement de savoir si le combat est truqué ou non, et il a raison; il se confie à la première vertu du spectacle; qui est d’abolir tout mobile et toute conséquence: ce qui lui importe, ce n’est pas ce qu’il croit, c’est ce qu’il voit. »

Ce court extrait pourrait à lui seul résumer le match que se livrent aujourd’hui le Parti démocrate et le Parti républicain entièrement pris en main par la famille Trump. Il n’est d’ailleurs pas véritablement nécessaire d’évoquer les liens amicaux qui ont longtemps uni Donald Trump à Vince McMahon, l’ancien patron de la WWE, et qui l’unissent encore à d’immenses célébrités du ring qui le soutiennent ouvertement dans ses meetings, à commencer par les colosses Hulk Hogan et The Undertaker, pour comprendre que le personnage a tout du catcheur. 

Le heel contre babyface

Donald Trump a une carrure digne d’un bretteur d’arènes, un bagout de bateleur d’estrade et une chevelure qu’il semble avoir chipée à l’inimitable Ric Flair. Il faut l’admettre, il est extrêmement doué et charismatique en meetings. Du moins ne laisse-t-il personne indiffèrent. Il a tout du « heel », le méchant du catch, quand Obama avait tout du « babyface ». Le heel est ce personnage arrogant et narcissique que le public adore détester. Ses facéties amusent. S’il fait parfois rire à son détriment, il est aussi capable de susciter la peur et d’attirer à lui la gente féminine. De l’autre côté, le « babyface » est un héros américain pur et au cœur vaillant, parfois légèrement naïf et ennuyeux. 

Dans les années 1990, au tournant de « l’attitude era »[1], la lutte professionnelle américaine a commencé à s’apercevoir que les « heels » faisaient parfois plus recette que les « faces ». Donald Trump est arrivé en politique avec ça en tête. Il deviendrait le trublion, l’antihéros. Après les deux mandats Obama, les Etats-Unis étaient prêts à un changement de ton. On pouvait penser que ce qui avait fait recette en 2016, avec une équipe plus radicale mais par certains aspects plus traditionnelle pour le camp républicain, n’allait plus marcher en 2024. Surtout avec l’expérience assez traumatisante du 6 janvier et de l’assaut sur le Capitole des supporters désespérés d’un Trump qui les a in fine assez lâchement abandonnés. Pourtant, l’homme a su s’accrocher et ressusciter tel le phénix. 

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Il est extrêmement rare qu’un même homme soit le candidat désigné d’un parti à trois élections différentes d’affilée aux Etats-Unis. Trump a réussi cet exploit. Et il l’a fait en soumettant à sa volonté une formation historique et tous ses cadres. Tous ont plié l’échine, craignant de perdre leurs investitures ou d’être abandonnés par leurs électeurs. Donald Trump a placé tous les hommes et toutes les femmes qu’il souhaitait aux postes-clés d’un Great Old Party transformé en machine à cash et à publicités pour un homme et sa famille. Remarquable. Digne d’un César antique.

Le seul problème de ce beau spectacle mis en scène et interprété par un showman de génie est qu’il n’est qu’un spectacle. Oh ! les démocrates ne sont pas en reste en matière de pantomime. Eux aussi ont leur catcheur, The Rock, leurs rappeurs, leurs outrances et leurs milliards jetés par les fenêtres pour diffuser des messages aussi grandiloquents que bêtes, mais l’outrance affichée continuellement par certains soutiens de Donald Trump ne pourra que laisser coi l’honnête homme. Au Madison Square Garden, lors de son gigantesque meeting sur ses terres new-yorkaises, ses soutiens y sont allés de leurs insultes sur les « low IQ » ou la nature démoniaque de leur adversaire Kamala Harris. Guère sympathique et très mauvaise candidate, il est néanmoins douteux de voir en elle un « antéchrist », même en puissance.

Voilà pour la forme, passons au fond et à ce qui nous intéresse le plus : les conséquences pour la France et l’Europe. Car, que nous le voulions ou non, une poignée d’électeurs du Wisconsin tient une part de l’avenir du monde entre ses mains.

Economie : adversaires ou ennemis ?

L’Union européenne est en conflit de plus en plus ouvert avec les Etats-Unis. Il s’agit pourtant de notre plus gros client (entre 16 et 20% de nos exportations annuelles). Donald Trump a d’ailleurs fait de l’Europe l’une de ses cibles régulières lors de ses allocutions, soit pour se vanter de sa capacité à faire plier ses concurrents soit pour indiquer que l’Amérique perdait trop d’argent avec le vieux continent. Cité par Politico, un diplomate européen n’y va pas par quatre chemins : « Nous riposterons vite et nous riposterons fort ». Chat échaudé craint l’eau froide… Car, la cohabitation avec l’homme d’affaires devenu président ne fut pas de tout repos lors de la période 2016-2020.

La cible de Trump est notamment notre industrie lourde. En 2018, il avait ainsi tenté d’imposer des tarifications douanières importantes sur l’acier et l’aluminium, qui n’avaient pas entraîné de très vives réactions de la part d’une Union effrayée par une « escalade ». Visant régulièrement l’automobile allemande lors de ses discours, Donald Trump avait aussi envisagé une série de taxes assez brutales sur les importations de véhicules européens avant de se raviser. Spécialiste des mesures coercitives et du chantage, Donald Trump impose donc un rythme et un ton qui demandent une certaine préparation. Le candidat républicain a d’ailleurs annoncé qu’il imposerait une taxe « universelle » sur tous les biens importés par les Etats-Unis, allant de 10 à 20%. La mesure serait aussi colossale que contraire aux principes classiques de l’Organisation mondiale du commerce. Déjà, sous Biden, l’Europe a dû affronter l’Inflation Reduction Act dont elle tente aujourd’hui de diminuer la portée, mais cette taxation globale à l’entrée serait un véritable choc pour les marchés mondiaux si d’aventure il allait au bout – ce dont on peut légitimement douter. Elle aurait aussi des conséquences inflationnistes pour les Américains, ce qui ne serait pas neutre non plus pour le reste du monde… Afin de réindustrialiser l’Amérique et de « rendre leurs emplois aux travailleurs américains », Donald Trump a aussi déclaré vouloir purement et simplement « détruire l’industrie européenne ». Un excès de langage, un argument de campagne sûrement exagéré, mais qu’il conviendra de ne pas prendre à la légère. Car, les conséquences d’un passage à l’acte même partiel seraient dramatiques. Des usines pourraient être contraintes de fermer.

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Donald Trump nous a toutefois habitués à négocier. Il commence fort mais peut se laisser tenter par un accord favorable. Ciblera-t-il plus volontiers la Chine ou l’Union européenne ? L’observateur peu attentif sera tenté de penser que la Chine est le véritable antagoniste de l’Amérique, mais les choses sont moins simples qu’elles n’y paraissent. L’Europe agace profondément Donald Trump et son entourage. Elon Musk, particulièrement actif dans cette campagne, possède une usine Tesla à Shanghaï. Elle est celle qui lui rapporte le plus. En 2023, elle a passé la barre symbolique des 2 millions de modèles produits. Colossal.  Tesla est le seul constructeur étranger à produire en Chine sans s’appuyer sur un producteur local, ça n’est pas neutre. 

Au contact des nouvelles fortunes de la Silicon Valley, The Donald s’est aussi converti aux cryptomonnaies… Et à la défense assez acharnée des entreprises du secteur qu’il ne cessait pourtant de critiquer en 2016. Il a vertement critiqué les enquêtes de l’Union sur la concurrence, citant Tim Cook qui a été condamné par la justice irlandaise dans une affaire de redressement fiscal mais aussi par les règles antitrust de l’Union à propos du fonctionnement de l’App Store. 

N’en doutons toutefois pas : il y a continuité entre les politiques menées par les administrations démocrates et républicaines. Les différences portent sur l’intensité des mesures. Nous n’avons pour l’heure jamais été en guerre économique ouverte avec les Etats-Unis. Si une telle chose se produisait, ce serait absolument dévastateur. La difficulté principale que nous aurons avec une administration Trump sera que ce dernier privilégie des deals bilatéraux. Il cherchera donc à tenter de désunir les Européens. Surpassable ? Oui, mais les déclarations de campagne ne rassurent pas. De fait, l’Union et les Etats-Unis ont des économies plutôt complémentaires et auraient intérêt à ne pas se fermer l’une à l’autre.

Des conflits partout

Concernant la politique étrangère, c’est en réalité dès le premier mandat de Barack Obama que les Etats-Unis sont devenus frileux. Ils ont progressivement rompu avec « l’interventionnisme » voire l’agressivité qui leur fut longtemps reprochée, singulièrement sous la période de George Bush Jr. Incapables de respecter les lignes rouges qu’ils avaient eux-mêmes fixés en Syrie, les Américains sont apparus plus faibles aux yeux du monde. La pax americana a fait place à la « multipolarité » et à l’émergence des Brics. Malheureusement, ce monde est aussi soumis à la multiconflictualité et les champs de bataille ne cessent de fleurir. 

Ancienne ambassadrice à l’OTAN, Muriel Domenach s’est confiée au Grand Continent à propos de l’incertitude que les élections américaines font peser tous les quatre ans sur notre sécurité : « Donald Trump avait, au cours des sommets de 2017 et de 2018, traité avec une grande brutalité des alliés de premier plan, comme les Danois et les Allemands. Ensuite, il avait remis en question l’article 5 du traité. Il laissait entendre que les garanties de sécurité américaine étaient transactionnelles, conditionnées à des concessions commerciales ». Elle ajoute qu’il « n’est pas sérieux que l’Europe, avec sa richesse, son héritage et ses responsabilités, se résigne à faire dépendre entièrement sa sécurité des choix américains, qui eux-mêmes sont fonction du vote de certains cantons dans des États clefs, dont les électeurs suivent des logiques valables mais très éloignées des nôtres ».

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Il faut en outre comprendre que Donald Trump est aujourd’hui porteur d’un esprit revanchard et que « MAGA » est assez ouvertement pro-russe. D’aucuns diront qu’il s’agit d’une posture électoraliste, mais les déclarations de son futur vice-président JD Vance sont éloquentes à ce sujet : il ne perçoit pas la Russie comme un ennemi mais comme un « adversaire » et un « concurrent ». L’interview donnée par Poutine à Tucker Carlson ou les tweets de Donald Trump Jr. témoignent du glissement des Républicains. Ajoutons aussi que lors de la période 2016-2020, la Hongrie était le seul interlocuteur réellement amical des Etats-Unis en Europe, ce qui n’aide pas.

Si les proches de Trump affirment que les Etats-Unis ne comptent pas quitter l’OTAN, l’organisation serait rendue caduque de facto si d’aventure nous n’en respections plus les conditions. Par ailleurs, il est manifeste que ces discours limitent la portée dissuasive des traités, à commencer par l’article 5 portant sur la défense collective… y compris des Etats membres les plus modestes. Y-a-t-il eu des négociations occultes sur la fin de la guerre entre le Kremlin et la possible future administration ? L’Europe doit en tout cas prendre conscience qu’elle ne peut plus laisser sa sécurité entre les mains des électeurs américains, et ce d’autant plus que l’administration démocrate n’est guère plus fiable que celle qui pourrait lui succéder. Les Américains donnent l’impression de jouer contre leurs propres intérêts par ignorance. En feignant se désintéresser de l’Europe au profit de l’Orient ou du Pacifique, qui croient-ils berner ? Laisser Poutine arracher une victoire contre le droit et l’ordre mondial est-il de nature à freiner les ambitions chinoises ou au contraire de les renforcer ? Poser la question, c’est presque déjà y répondre. Personne n’a voulu écouter la France qui a conservé une vive tradition militaire et une appréhension fine de toutes ces questions. Il faut encore une fois ici remercier le Général de Gaulle d’avoir tout fait pour que la France se dote de l’arme atomique… face aux oppositions américaines.

Et la guerre culturelle, alors ?

L’un des arguments avancés ces derniers temps pour soutenir l’idée d’une victoire de Trump serait sa capacité à lutter contre les dérives anthropologiques majeures du néo-progressisme contemporain, ou « wokisme ».

Pourtant, à y regarder de plus près, Trump semble parfois l’envers des excès qu’il dénonce légitimement. Une campagne basée sur la viralité d’une propagande souvent mensongère est-elle vraiment le meilleur moyen de gagner une bataille culturelle visant à élever les gens ou un populisme chimiquement pur qui les enfermera dans des bulles algorithmiques et des biais de confirmation ? Heel et babyface ont besoin l’un de l’autre… Si l’un disparait, l’autre n’a plus de raison de vivre. Certains d’entre nous devraient sûrement y réfléchir.


[1] Dans l’univers du catch, l’ère Attitude est une période qui s’étend de 1997 à 2001, et qui été marquée par un bouleversement des codes de l’époque, ajoutant plus de violence et d’allusions sexuelles au spectacle.

L’Union algérienne exige que la rue Bugeaud à Lyon soit débaptisée

L’Union Algérienne, une association se revendiquant comme représentative de la diaspora algérienne en France, a décidé de porter plainte contre la mairie de Lyon, dénonçant l’apologie de crimes de guerre liée à une rue portant le nom du Maréchal Bugeaud, figure controversée de l’histoire coloniale. Le maire Grégory Doucet cédera-t-il aux pressions ?


Révélée par Lyon Mag’ dans une de ses éditions du 18 octobre 2024, cette affaire pourrait fortement sensibiliser les Lyonnais, attachés à leur patrimoine culturel. L’Union Algérienne a décidé de porter plainte contre le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, pour «apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». L’association, représentant la communauté algérienne, cible particulièrement la rue du Maréchal Bugeaud, située dans le VIe arrondissement, non loin du consulat algérien, et exige son retrait immédiat en raison de l’image coloniale que ce nom, lié à un héros de l’histoire française, véhicule.  

Marquis de la Piconnerie et Maréchal de France, Thomas Bugeaud (1784-1849) est une figure clé de la conquête de l’Algérie, devenue plus tard colonie puis départements français. Officier brillant, ayant fait ses armes à la bataille d’Austerlitz, il fut chargé par  le roi Louis-Philippe Ier de réprimer la révolte menée par l’émir Abdelkader. Pour y parvenir, Bugeaud appliqua une politique de la terre brûlée, allant jusqu’à incendier des grottes où se cachaient des civils. Traquant inlassablement l’émir, il envahit le Maroc, qui finit par cesser son soutien à Abdelkader. En 1847, après onze ans de pacification brutale, il fut rappelé en France.

Une sculpture à déboulonner

Nommé duc d’Isly, le maréchal Bugeaud tenta de sauver la monarchie de Juillet durant la révolution de 1848, sans succès. Plus tard, député sous la Seconde République, son influence parmi les conservateurs était telle qu’il fut envisagé comme candidat à la présidence. Bugeaud déclina l’offre et se désista en faveur du futur Napoléon III, peu avant son décès en juin 1849, à 64 ans. Il repose désormais aux Invalides, où de nombreux hommages lui furent rendus. Des villes, comme Lyon, où il vécut, adoptèrent son nom, des statues furent érigées, et des médailles frappées, célébrant sa gloire. Lors du centenaire de la colonisation en Algérie en 1930, civils et militaires algériens commémorèrent ensemble la mémoire de « Bouchou », un surnom donné par ses détracteurs, signifiant presque « croque-mitaine ».

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Pour l’Union Algérienne, il est désormais impensable que la France continue d’honorer celui qu’elle considère comme un criminel. Après avoir déjà menacé de déposer plainte contre l’érection de la statue du général Bigeard à Toul, et probablement encouragée par les récentes déclarations du président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a accusé la France d’avoir commis un génocide en Algérie, l’association déplore le manque de collaboration de Grégory Doucet. « Malgré des demandes répétées de plusieurs associations, des pétitions et de nombreuses sollicitations, le maire de Lyon refuse toujours de débaptiser la rue Bugeaud (…). Le maire Grégory Doucet et ses équipes ont rejeté toutes nos propositions de conciliation. En conséquence, notre association n’a d’autre choix que de porter l’affaire devant la justice », peut-on lire dans leur communiqué. « La jurisprudence est claire : présenter des criminels sous un jour favorable équivaut à faire l’apologie de leurs crimes. La communauté franco-algérienne de la région lyonnaise mérite dignité et respect, et nous sommes déterminés à faire valoir leurs droits par tous les moyens nécessaires », conclut l’association.

Ce n’est pas la première fois que le nom du Maréchal Bugeaud suscite la controverse en France. Avec la montée du mouvement woke, il est souvent ciblé par les décoloniaux. Leurs actions, soutenues par une partie de la classe politique française, principalement à gauche, visent à revisiter les chapitres de l’histoire de France liés à la période coloniale, accusant de racisme ou de fascisme ceux qui osent les contester. Périgueux a été la première à céder à cette pression en ajoutant une plaque explicative sur la statue de Bugeaud, mentionnant les « enfumades » en Algérie. Marseille s’est empressé de rebaptiser une école et Paris a été encore plus loin en 2024, retirant le nom de Bugeaud d’une avenue, à l’initiative d’une élue communiste. Ce geste a d’ailleurs été chaleureusement salué par l’Union Algérienne sur ses réseaux sociaux.

Le nom de Camille Blanc proposé

À Lyon, les initiatives pour changer le nom de la rue Maréchal Bugeaud n’ont pas manqué non plus. En 2021, la sénatrice Cécile Cukierman (PCF), petite-fille de résistant, a symboliquement rebaptisé cette rue au nom de Sainte Joséphine Bakhita, pour interpeller la mairie sur l’héritage de celui qui, selon elle, « nous renvoie à un des pires moments de notre histoire ». En octobre 2022, Malika Benarab-Attou, ancienne députée européenne d’Europe Écologie-Les Verts (2011-2014), a lancé une pétition en ligne contre ce « funeste personnage », demandant que la rue soit rebaptisée en l’honneur de personnalités ayant lutté contre la guerre d’Algérie ou ayant eu des liens avec le Front de Libération Nationale (FLN), l’organisation qui a mené la lutte armée contre la France et ses alliés Harkis. À ce jour, la pétition n’a recueilli qu’un millier de signatures. Loin de calmer un débat qui divise toujours, l’Union algérienne a proposé de son côté de renommer la rue en hommage à Camille Blanc, maire d’Évian-les-Bains, assassiné en 1961 par des membres de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), partisans du maintien de l’Algérie française.

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Faut-il interpréter cette plainte comme un signe sous-jacent de la montée du communautarisme sur le territoire et celui d’une ingérence dans les affaires de la France ? Sur son site, l’Union Algérienne affiche fièrement les couleurs vertes et rouges du drapeau national algérien. Se revendiquant « guidée par une conviction profonde, celle de préserver notre identité et renforcer notre unité en tant que peuple algérien résidant en France », l’association souligne que ses « valeurs reposent sur des fondamentaux tels que la conservation de nos traditions, la solidarité, et la préservation de notre héritage culturel ». Elle précise avoir été fondée dans le but de rassembler la diaspora algérienne en France, qu’elle estime être « cible de divers groupes » (sans les nommer). Plus intriguant encore est le portrait d’Ali la Pointe, que l’association affiche aux côtés de sa profession de foi. Ce jeune homme, petit caïd devenu célèbre, avait été recruté par le Front de Libération Nationale (FLN) pour ses « redoutables qualités de tueur », selon la journaliste Marie-Monique Robin, auteure du livre Escadrons de la mort, l’école française. Considéré comme un héros par de nombreux Algériens, il a trouvé la mort durant la bataille d’Alger en 1957.

Il est difficile de prévoir si l’initiative de l’Union Algérienne contre le Maire de Lyon aboutira, si elle bénéficie d’un quelconque soutien d’Alger en bisbille actuellement avec la France, mais elle soulève une question cruciale : celle de l’utilité de continuer à « poursuivre le travail de mémoire, de vérité et de réconciliation » initié par le président Emmanuel Macron en collaboration avec l’Algérie. Jusqu’à présent, la France a multiplié les gestes de repentance, ce qui a suscité l’agacement d’une partie de la population française, exaspérée par ces excuses répétées, perçues comme un signe de faiblesse et de soumission de la part de l’exécutif. Paris attend toujours que l’Algérie fasse également un acte de contrition et reconnaisse les crimes de guerre commis par le Front de Libération Nationale (FLN) contre les Pieds-Noirs et les Harkis pendant la guerre qui a opposé les deux pays entre 1954 et 1962. En vain ! 

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Tuerie de Southport: les masques tombent enfin

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Lors des émeutes violentes qui ont secoué l’Angleterre et l’Irlande du Nord cet été, le gouvernement britannique a proclamé haut et fort que la responsabilité pour ce désordre était à mettre entièrement sur le compte d’une « extrême-droite » coupable, selon lui, de répandre sur les réseaux sociaux de fausses informations concernant la motivation de l’auteur d’une tuerie dans un atelier de danse pour petites filles. Aujourd’hui, les autorités révèlent la vérité qu’elles nous cachaient dès le début de l’affaire.


Vous souvenez-vous de Southport ? Le passage accéléré du temps médiatique fait que même les événements les plus tragiques s’estompent trop rapidement dans la mémoire collective. C’est sans doute ce sur quoi comptaient les autorités policières et politiques, outre-Manche, quand elles ont décidé de garder pour elles certaines informations qu’elles se voient contraintes de rendre publiques aujourd’hui.

Une attaque sanglante contre des enfants

C’était le 29 juillet qu’un individu alors âgé de 17 ans, Axel Rudakubana, issu de l’immigration rwandaise au Royaume Uni, a fait irruption dans des locaux où se tenait un atelier de danse et de yoga pour enfants de six à onze ans, atelier ayant pour thème la musique et le jeu scénique de Taylor Swift. Personne à Southport, ville balnéaire tranquille à 27 kilomètres au nord de Liverpool dans le nord-ouest de l’Angleterre, ne s’attendait à une attaque d’une telle férocité. Avant d’être neutralisé et arrêté par les forces de l’ordre, le suspect a poignardé neuf enfants et deux adultes qui essayaient en vain de protéger ces dernières. Deux des petites filles ont succombé immédiatement à leurs blessures, la troisième le lendemain.

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Initialement, les autorités ont tu l’identité de l’assassin présumé sous prétexte qu’il était mineur. Mais le 1er août, un magistrat plus avisé a décidé de rendre l’information publique afin de contrer la spéculation générale alimentée jusqu’alors par le silence. Malheureusement, cette décision, saine mais tardive, n’a pas du tout suffi à convaincre le public que les autorités ne leur cachaient rien. Car entre temps, la police avait déclaré formellement que le crime n’était pas considéré comme un acte terroriste. Beaucoup de citoyens et Nigel Farage, le chef du parti Reform UK récemment élu député, y ont soupçonné une tentative hâtive d’exclure toute hypothèse prêtant un caractère religieux ou ethnique à un crime qui pouvait ressembler à un attentat planifié. Le fait que M. Rudakubana avait été diagnostiqué comme autiste a été largement cité dans les médias de manière à focaliser l’attention sur une probable motivation psychopathologique. Flairant déjà une forme de cafouillage, une partie du public a donné libre carrière à ses soupçons.

Breaking news en Angleterre

Or, nous apprenons aujourd’hui que ces soupçons étaient au moins partiellement justifiés. Le 29 octobre, à la veille de la première comparution au tribunal de l’accusé, l’autorité policière de Merseyside, la région de Liverpool, a donné une conférence de presse pour annoncer que les enquêteurs avaient découvert chez M. Rudakubana une quantité de ricine, un poison dangereux, ainsi qu’un manuel de terrorisme islamiste, sous forme de document PDF, intitulé « Military Studies In The Jihad Against The Tyrants. The Al Qaeda Training Manual » (trad. Études militaires pour le Jihad contre les tyrans. Le manuel d’entrainement d’Al-Qaïda). Soulignant le fait qu’aucune trace de ricine n’avait été trouvée sur le lieu du crime, le chef de la police, Serena Kennedy, a insisté sur le fait que les enquêteurs n’avaient toujours pas assez de preuves pour affirmer qu’il s’agit d’un attentat terroriste.

A Bristol, la police en difficulté face aux manifestants nationalistes et aux contre-manifestants, 3 août 2024 (c) Yat Him Wong/Cover Images/SIPA Numéro de photo : sipausa31640932_000051

Première conclusion : quand les autorités ont déclaré dès le 29 juillet qu’elles ne considéraient pas la tuerie comme un acte terroriste (« …not being treated as terror-related »), elles ne se sont pas montrées tout à fait honnêtes. La vérité, c’est qu’elles ne détenaient pas encore assez de preuves pour être certaines du caractère djihadiste de l’attentat, bien qu’elles pussent – et peuvent encore – soupçonner que c’était le cas. A l’époque des émeutes, tous ceux qui ont émis l’hypothèse que le crime avait quelque chose à voir avec l’islamisme étaient traités par le gouvernement et la plupart des médias de racistes islamophobes. Il s’avère maintenant que la méfiance dont ces personnes ont fait preuve à l’égard de l’explication officielle était au moins partiellement fondée.

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Deuxième conclusion : ce sont précisément les cachotteries des autorités qui ont alimenté spéculations et soupçons. Comme l’a observé avec beaucoup de prescience notre confrère Eliott Mamane, dans un article publié dès le 9 août dans Marianne : « Si le gouvernement britannique avait immédiatement donné des précisions sur les éventuelles motivations idéologiques derrière les actions du mis en cause ou sur son état mental, aucun acteur mal intentionné n’aurait pu manipuler le récit des événements ». On a du mal à croire que, une fois mise en possession des informations obtenues par la fouille de la maison familiale du suspect, la police n’en a pas informé le gouvernement.

Troisième conclusion : l’opération de communication du Premier ministre Sir Keir Starmer et de son gouvernement, qui consistait à mettre toute la responsabilité pour les émeutes sur le compte de désinformations propagées sur les réseaux par des acteurs dits d’extrême-droite se retourne aujourd’hui contre eux. La désinformation a commencé avec les autorités.

Maintenant que la mèche a été vendue, la police et le gouvernement, ainsi que leurs serviteurs médiatiques, essaient de se tirer d’affaire en nous rappelant que même aujourd’hui toute spéculation sur la motivation du tueur serait préjudiciable à un procès équitable. Pourtant, quand M. Starmer proclamait à tue-tête cet été que les personnes impliquées dans les violences étaient des « voyous d’extrême-droite » qui méritaient les peines les plus sévères, il n’était pas en train de préjuger du résultat des poursuites que l’État allait engager contre des centaines de citoyens britanniques ? Nos gouvernants ont deux problèmes apparemment : un premier avec la vérité, et un autre avec leurs citoyens. Un des tubes de Taylor Swift s’intitule « Blank Space » (espace blanc) : cela dit bien le vide créé par les atermoiements et la dissimulation des autorités. Un autre s’appelle « Bad Blood » (rancœur) : cette fois, c’est le mélange de ressentiment et de méfiance qui a résulté de l’affaire de Southport et qui durera longtemps.

L’électorat musulman américain, allié de circonstance de Trump

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Le candidat républicain devance désormais sa rivale démocrate dans l’électorat arabo-musulman. Vu comme plus crédible que son adversaire pour apporter une paix durable au Proche-Orient, l’ex-président, pourtant très critique de l’islam ces dernières années, bénéficie d’une sorte de vote de vengeance contre une gauche jugée trop proche d’Israël. Dans les États clés, et en particulier dans le Michigan, ces quelques milliers de voix pourraient faire la différence.


Le sujet a disparu de la campagne de Donald Trump. Ou plutôt, disons-le : le candidat républicain n’en parle plus. Finies les tirades sur l’Europe devenue un foyer du terrorisme – sur « Bruxelles devenu un enfer » ou sur les attentats du Bataclan qui auraient pu être réglés « si quelqu’un avait été armé dans le public ». Ou sur le travel ban, cette mesure contestée qui empêchait la délivrance de visas aux ressortissants de certains pays musulmans considérés comme dangereux. Ça, c’était en 2016, quand la frange la plus complotiste des fans de Donald Trump croyait encore dur comme fer que Barack Obama était un musulman et au plus fort des attentats qui touchaient l’Europe, et en particulier la France. Le mot « islamisme » n’intéresse plus le candidat républicain qui, habilement, a su tirer parti de la désaffection des musulmans pour les démocrates quand Biden était encore leur candidat. Désormais, Trump drague ouvertement l’électorat musulman. Une première depuis 2008.

Et ce n’est évidemment pas sans arrière-pensée : c’est dans le Michigan, et notamment autour de Détroit, capitale d’une industrie automobile sinistrée, que vit la communauté musulmane la plus importante du pays, avec 250 000 fidèles. Un État clé que Trump avait remporté en 2016, puis perdu en 2020 et où Harris et lui sont au coude-à-coude dans les sondages…

Dans les rues de Dearborn, Michigan (c) Alexandre Mendel


Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Fondamentalistes proches des Frères musulmans et Républicains évangéliques partisans du Grand Israël forment en ce moment un bien curieux attelage aux États-Unis. Les premiers veulent punir la gauche de Washington de son soutien à l’État hébreu, les seconds sont prêts à quelques concessions lexicales dans leur discours.

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Qu’on en juge par l’accueil cordial que lui a réservé, le 18 octobre dernier, Amer Ghalib, maire de Hamtramck, dans le Michigan, seule ville à majorité musulmane des États-Unis et berceau de la marque Cadillac. L’homme d’origine yéménite, et qui a immigré en 1997 en Amérique, a marqué l’histoire en battant en 2023 l’ancienne maire de Hamtramck, Karen Majewski, mettant fin à une série de plus de 100 ans de maires polonais-américains. La ville de 28 000 habitants, enclave ouvrière dans Détroit, est devenue la première du pays à avoir un leadership élu entièrement musulman, les six sièges du conseil municipal ayant été remportés par des candidats de foi islamique. Soupçonné d’être en lien avec les Frères musulmans, Ghalib a adopté des positions qui peuvent être en accord avec la frange la plus conservatrice du Parti républicain. Deux mois après son arrivée au pouvoir, le maire a fait voter une résolution interdisant les drapeaux LGBTQ+ sur les immeubles appartenant à la Ville1. Plus tard, il a refusé de condamner l’un des fonctionnaires de sa ville qui s’était demandé si « l’holocauste commis contre les Juifs n’avait pas été une punition anticipée de Dieu contre ce que les Israéliens étaient en train de faire à Gaza ». Enfin, le conseil municipal a voté une décision qui interdit tout investissement dans des entreprises israéliennes en lien « avec le génocide commis contre les Palestiniens ».

Tant pis si ce personnage, excessif, ne colle pas à l’image de pro-Israélien que Trump a… Après tout, c’est lui, comme président, qui a déplacé l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, lui encore qui a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. Le vote juif, concentré dans des grandes agglomérations telles que New York et Los Angeles, est encore (à 65%) un vote démocrate, du moins chez les juifs laïcs. Ce ne sont pas eux qui feront l’élection. Mais pouvoir basculer quelques milliers de voix en sa faveur dans des Swing States où existe une importante communauté musulmane, ça n’a pas de prix… Y compris celui d’organiser un petit rassemblement avec le maire controversé et antisémite de Hamtramck. Lors de cette réception, Trump a promis qu’il « obtiendrait la paix au Moyen-Orient » cependant que des soutiens du maire brandissaient des pancartes « la paix par la force », version trumpienne de la Pax Americana d’après-guerre. En 2020, les électeurs de Hamtramck et de Dearborn (une autre ville de la banlieue de Détroit en passe de devenir majoritairement musulmane, à en croire les statistiques ethniques et religieuses, légales aux États-Unis) avaient massivement soutenu Biden.

Après le déclenchement de la guerre contre le Hamas à Gaza, un certain nombre de responsables communautaires avaient appelé à boycotter l’élection. Harris n’a semble-t-il pas réussi à reconquérir ces déçus de l’administration américaine. Et surtout la guerre s’éternise. Or, on se souvient que Trump n’a pas engagé les États-Unis dans de nouvelles guerres et que, même s’il le fait rétroactivement, il s’est montré…

> Lire la fin du reportage sur le site de la revue Conflits <

Chez Trump: 245 jours et 28000 miles dans cette Amérique que les médias ignorent

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  1. https://www.foxnews.com/media/lgbtq-community-felt-betrayal-muslim-council-voting-remove-pride-flags-city-buildings ↩︎

Molenbeek, capitale européenne de la culture en 2030?

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Molenbeek, décembre 2015 © SIPANY/SIPA

La ville belge gangrénée par le communautarisme musulman n’a pourtant plus rien d’européen.


La commune bruxelloise de Molenbeek est en lice pour devenir… capitale européenne de la culture 2030. Avec la très jolie ville universitaire de Louvain, dans le Brabant flamand, et Namur, capitale de la Wallonie, elle fait partie des trois dernières candidates sélectionnées par un jury international pour porter durant une année le titre institué en 1985 à l’initiative de l’actrice Melina Mercouri.

Ville pionnière de l’islamo-gauchisme

Molenbeek est pourtant associée depuis le mitan des années 2010 au terrorisme. Les chaînes de télévision du monde entier se pressaient alors dans ce fief où quelques-uns des terroristes qui ont endeuillé l’Europe et le monde ont radicalisé leur pensée et fourbi leurs premières armes : les assassins du commandant Massoud – tué deux jours avant le 11 septembre -, la fratrie Abdeslam, le cerveau des attentats de Paris Abdelhamid Abaaoud…

Depuis, rien n’a vraiment changé et les politiques communautaristes menées par les responsables politiques de gauche n’ont jamais été endiguées. Le fléau remonte aux années Moureaux, du nom du bourgmestre historique de la commune qui est l’auteur de la loi réprimant, depuis 1981, les actes inspirés par le racisme et la xénophobie, mais qui fut surtout l’instigateur d’une politique clientéliste à destination de la communauté musulmane, fermant les yeux sur les dérives islamistes contre la promesse de voix. Le socialiste fut en cela un des pionniers de l’islamo-gauchisme.

A lire aussi, du même auteur: La librairie Filigranes ou l’anatomie d’une chute

C’est sa fille Catherine qui a repris le flambeau à la tête de l’entité, après un intermède libéral entre 2012 et 2018. Bien que fragilisés lors des récentes élections communales d’octobre 2024, elle et son parti sont restés en tête (23,1 %), devant les… communistes du PTB (22,2 %), avec en embuscade la « Team Fouad Ahidar » (14 %), du nom du responsable politique qui qualifiait les attentats du 7 octobre 2023 de « petite réponse donnée par une partie du Hamas à Israël »

Nouvelle identité bruxelloise

Si on peut rappeler que le nom complet de la localité est Molenbeek-Saint-Jean, il y a bien longtemps que la deuxième partie du toponyme est passée à la trappe. Alors, de quoi la culture est-elle le nom dans la commune qui brigue le titre de capitale européenne en la matière ? A voir les commerces et leurs enseignes, à entendre les conversations dans certains des quartiers de l’entité, à déambuler dans les rues où l’on ne flâne jamais vraiment, on doute que celle-ci ait quoi que ce soit d’européenne.

La culture à Molenbeek pourrait se résumer à être une diversité désormais introuvable car peu ou prou rappelle encore le caractère bruxellois de la commune, si ce n’est dans les quelques zones préservées ainsi que, le samedi soir, une fois tous les quinze jours, lorsque le club de football local y évolue au deuxième échelon national devant un public majoritairement « brusseleir » (bruxellois). Elle est aussi avant tout l’inculture. Dans un tract, qui a fait les gorges chaudes des opposants politiques depuis qu’il a été débusqué par la tweeteuse Lavissima B., la bourgmestre appelait à « venir fête c’est 4152 voix (…) Buffet et enbience sympa » (orthographe certifiée d’origine).

A lire aussi: Au Maroc, Emmanuel Macron ne veut voir que du positif dans l’immigration musulmane

La désignation de Molenbeek comme capitale européenne de la culture ferait, par ailleurs, craindre la mainmise sur les manifestations prévues dans ce cadre des Frères musulmans et d’autres officines ayant pignon sur rue à Bruxelles, mais aussi l’avancée de l’agenda wokiste. La composition des membres « chargés de projet » laisse craindre le pire ; les « jeunes » s’étant coalisé pour soutenir le projet en appellent eux à une « nouvelle identité bruxelloise » – à ce titre, permettez-moi de rappeler que le narratif diversitaire vanté jusqu’à la nausée par les responsables politiques de gauche a été imposé aux Bruxellois d’origine plus que validé par ceux-ci.

Molenbeek-Saint-Jean mérite pourtant bien mieux. Après avoir été une terre de paysans, elle fut un des fers de lance de la révolution industrielle à Bruxelles, au point d’être surnommée le « petit Manchester ».  Ce bastion réellement populaire aux côtés de communes huppées de la capitale s’est transformé avec la désindustrialisation et l’arrivée des vagues migratoires dès les années 60. Un demi-siècle plus tard, plus de la moitié de ses habitants sont étrangers ou d’origine étrangère. Et ceux-ci ont fini par imposer leurs modes de vie sous le regard complaisant des responsables politiques en place.

Procès Pelicot: l’occasion de se taire

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Gisèle Pelicot devant le palais de justice d’Avignon, 23 septembre 2024 © AP Photo/Lewis Joly

Depuis qu’elles ont débuté au tribunal d’Avignon, les audiences de l’affaire Pelicot sont noyées sous un flot inouï de commentaires qui ne favorisent ni la justice ni la qualité du débat public. Ce drame hors-norme est le procès de 51 hommes, non celui du patriarcat ou de la masculinité.


Non, il ne faut pas parler de « procès de Mazan », ni de « viols de Mazan ». Ce qui est jugé par la cour d’assises du Vaucluse, ce sont des crimes présumés graves et répétés, reprochés à Dominique Pelicot, le principal prévenu, inspirateur de tout, et à de nombreux hommes qui, à son initiative et sous sa surveillance, sont accusés d’avoir agressé et violé son épouse Gisèle, assommée par des anxiolytiques.

Même si certains des accusés ont prétendu avoir cru à une connivence libertine entre les époux, je n’imagine pas, au risque d’anticiper le verdict, que la cour criminelle du Vaucluse puisse avoir le moindre doute sur l’absence de consentement de cette femme livrée sans conscience à tant d’hommes. Les instructions données par le mari, comme de se déshabiller en un autre lieu que la chambre et de ne pas parler trop fort pendant l’acte, représentent autant d’éléments qui rendent absurdes les dénégations sur ce plan.

Du singulier au pluriel

Je comprends la médiatisation qui s’attache à cette affaire criminelle extraordinaire, tant par le nombre des accusés que par le caractère « industriel » de ces crimes perpétrés dans une sorte de huis clos où une femme rendue médicalement inerte a subi le pire à cause d’hommes sollicités par son époux et ayant accepté cette ignominie sans s’interroger plus avant.

Pour être hors du commun, ces transgressions répétées constituent pourtant une succession de moments singuliers, l’extériorisation de subjectivités autonomes, de caractères indépendants que l’entreprise criminelle appréhendée globalement ne saurait faire disparaître.

Il convient donc à mon sens de respecter, comme toujours en matière de justice, le fait que personne ne doit être jugé en gros, mais toujours au détail et qu’une politique sans discernement pour l’exemple serait préjudiciable à la vérité.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Madame Pelicot et la société

Ce procès n’est en aucun cas celui du patriarcat ou celui de la masculinité. On ne passe pas sans risque ainsi du singulier au pluriel et par ailleurs – c’est fondamental –, comment peut-on évoquer la mise en œuvre d’un assujettissement naturel qui serait consubstantiel aux rapports entre hommes et femmes alors que précisément nous avons, avec cette affaire Pelicot, la fabrication d’une soumission artificielle ?

Rien ne serait plus faux que de noyer cette multitude de crimes sous des généralités visant à donner encore plus d’importance politique et médiatique à des comportements odieux bien assez signifiants en eux-mêmes.

Ce qui produit un désordre et une confusion excessive, c’est cette épouvantable médiatisation à laquelle tout le monde participe, y compris Gisèle Pelicot elle-même. Celle-ci est éminemment digne et respectable : elle n’a pas besoin de démontrer que la honte a changé de camp, celle-ci n’ayant jamais été de son côté ! Reste qu’elle parle trop, de même que tous les avocats qui devraient garder leur verbe pour l’oralité des audiences.

On peut cependant tenter d’identifier les ressorts fondamentaux du crime en évitant les banalités. Gloser sur le « caractère clivé » de Dominique Pelicot ne fournit pas la moindre clé opératoire : cette explication est peu ou prou applicable à toute tragédie criminelle, la lumière de la normalité étant assombrie chez chaque mis en cause (et peut-être chez chacun de nous, quoique dans une tout autre mesure) par la nuit momentanée de ce qui lui échappe et qu’il commet.

Les motivations de M. Pelicot

En revanche, pour Dominique Pelicot, je suis enclin à discerner un trio de motivations. La première : néantiser artificiellement la conscience d’un être. La deuxième : jouir d’une tromperie capitale consistant à être en même temps pour son épouse un homme, un époux et un père exemplaires, et dans un territoire étrange et étranger, celui qui la livre, l’abandonne et la soumet sans qu’elle le sache. La troisième : maîtriser le corps de sa femme et régir le corps de tous ceux qui ont abusé d’elle et l’ont violée.

Pour tous les autres accusés, une fois acceptée l’opportunité de pouvoir user d’une liberté anéantie et d’une nature défaite, dans une atmosphère trouble mais sans risque, il y a eu aussi cette curiosité malsaine qui les a conduits, au travers d’un corps abruti, à laisser s’exprimer le pire d’eux-mêmes. Se découvrant en même temps qu’ils commettaient l’intolérable. Ces crimes répétés appellent des sanctions exemplaires bien plus que des grands mots. Et ils n’ont pas besoin d’être détournés de leur horreur pour servir d’exemples à une société qui n’en peut mais !

Un spectre hante l’Europe, l’isolationnisme américain

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Le président Biden à Kiev, Ukraine, 20 février 2023 © Ukrainian Presidency/SIPA

Une perspective cavalière sur l’improbable isolationnisme américain.


Un spectre hante l’Europe, l’isolationnisme américain, et ce indépendamment du résultat de la prochaine élection présidentielle. Pourtant, une perspective cavalière sur l’histoire des États-Unis révèle que le concept n’est pas aussi évident qu’il y paraît.

Washington contre les « alliances empêtrantes »

Les tenants de la doctrine isolationniste se réfèrent à George Washington, général victorieux de la guerre d’Indépendance (1775-1783) et premier président des États-Unis. Dans une adresse au Congrès, le 19 septembre 1796, il recommande d’éviter toute « alliance empêtrante », justifiant la neutralité américaine dans la guerre entre la France révolutionnaire et l’Angleterre. Les États-Unis constituent alors une puissance de second rang qui ne doit pas être instrumentalisée. Cette conception n’est que conjoncturelle.

Pourtant, l’idée domine la politique étrangère américaine jusqu’à la fin du XIXe siècle, sans que cette dernière soit réductible à une forme d’isolement international : on rappellera l’engagement précoce en Méditerranée, contre la piraterie barbaresque (1804) et la déclaration Monroe (1823). Celle-ci peut être considérée comme une alliance objective avec l’Angleterre : la flotte anglaise assure la sécurité dans l’Atlantique, au bénéfice des États-Unis, ces derniers se déployant dans le Pacifique. L’ouverture du Japon par le commodore Perry (1854), l’activité missionnaire et commerciale américaine dans l’empire déclinant des Qing et la doctrine de la « porte ouverte » (1899) en témoignent.

Par ailleurs, la croyance dans la « Destinée manifeste » implique le dépassement du vaste « pré carré » nord-américain. La « conquête de l’Ouest » achevée, les États-Unis entrent dans le cercle des grandes puissances. Inauguré avec la guerre hispano-américaine (1898), ce statut international est confirmé par leur rôle dans la négociation de la paix entre Russes et Japonais (traité de Portsmouth, 1905), puis la résolution de la première crise franco-allemande à propos du Maroc (Conférence d’Algésiras, 1906). A cette époque, l’engagement militaire des États-Unis en Europe était cependant inconcevable.

En 1914, les États-Unis font le choix d’une neutralité bienveillante envers la France et le Royaume-Uni. La guerre à l’Allemagne n’est déclarée que le 6 avril 1917. Dans son discours des Quatorze Points (8 janvier 1918), le président Woodrow Wilson expose sa vision d’un nouvel ordre international au cœur duquel les États-Unis promouvraient la sécurité collective, la liberté des mers et la politique de la « porte ouverte ». Certes, le Congrès des États-Unis ne ratifie pas le traité de Versailles (1920) mais la diplomatie républicaine des années 1920 est active sur la scène mondiale, de l’Asie-Pacifique (traité de Washington, 1922) à l’Europe (plans Dawes et Young, 1924-1929 ; pacte Briand-Kellogg, 1928).

A lire aussi: Forum World In Progress Barcelone: l’Europe au défi de la mondialisation

Paradoxalement, c’est lors de la présidence démocrate de Franklin D. Roosevelt, élu en 1932, que l’isolationnisme trouve sa traduction, avec l’adoption au Congrès de « lois de neutralité » (1934, 1935 et 1936). Conscience internationaliste de Roosevelt, le secrétaire d’État Cordell Hull obtient malgré tout la fin de l’isolationnisme économique pratiqué dans le cadre du New Deal. Sur le plan diplomatico-stratégique, cet isolationnisme persiste après le début de la Seconde Guerre mondiale mais la clause « Cash and Carry » est appliquée, au bénéfice des Français et des Britanniques. Avec le raid japonais sur Pearl Harbor (7 décembre 1941), les États-Unis basculent dans la guerre.

En 1945, l’isolationnisme n’est plus de mise ; les dirigeants américains sont ralliés à l’idée du leadership mondial des États-Unis, ce que la science politique nomme le rôle de « stabilisateur hégémonique ». Au fil de la Guerre froide, la doctrine de containment guide la politique étrangère américaine non sans quelques variations, sous Richard Nixon par exemple (ce qui inquiétait Raymond Aron).

Au sortir de l’affrontement Est-Ouest, les idées d’engagement (l’extension de la démocratie de marché) et de contre-prolifération des armes de destruction massive dominent, ce qui implique une diplomatie américaine active. Ainsi le « nouvel ordre international » de George H. W. Bush, successeur de Ronald Reagan, fait-il écho au projet néo-wilsonien de Roosevelt. Prudente, l’Amérique de Bill Clinton intervient quand il le faut. Après le 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme djihadiste surdétermine la politique étrangère hyperactive de « Bush fils ».

Isolationnisme ou unilatéralisme ?

Source d’erreurs, la « patience stratégique » de Barack Obama n’est pas l’isolationnisme ; c’est avec l’élection de Donald Trump à la présidence, en 2016, que cette problématique s’impose. Il s’agit plutôt d’unilatéralisme, de redéfinition des priorités géostratégiques et de « partage du fardeau », sur fond de montée en puissance de la Chine. De fait, le concept de « jacksonisme » est utilisé pour donner sens au trumpisme, en référence au septième président américain (1829-1837). Le politiste Walter Russel Mead y voit une forte tradition diplomatique que caractérisent le souverainisme, la définition restrictive des intérêts nationaux et le primat de la force militaire.

En somme, plus qu’une doctrine diplomatique opératoire, l’isolationnisme américain apparait comme une représentation de soi et du monde. Au vrai, une superpuissance a-t-elle la possibilité de choisir d’entrer ou non dans le système international ? N’est-ce pas là une fantasmagorie ? Il reste que l’isolationnisme constitue une réalité psychologique avec laquelle il faut compter, sa prévalence pouvant avoir de dramatiques répercussions géopolitiques.

Si les États-Unis, avec ou sans Trump, resteront engagés dans le monde – d’un bout à l’autre de l’Eurasie et sur son boulevard sud (le Moyen-Orient) -, ils n’en sont pas moins menacés de surextension stratégique. Le temps est venu pour leurs alliés européens d’assumer une plus grande part du « fardeau », dans l’OTAN comme en Asie-Pacifique. Bref, il faut à l’Occident un pilier militaire européen.

Les saints et les morts

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Image d'illustration.

Demain nous entrerons dans les froides ténèbres / Adieu vive clarté de nos étés trop courts…


À la source, nous avons indéniablement la peur primitive et universelle de l’homme à l’entrée de la saison froide et sombre. La peur que le printemps lumineux et fertile ne succède pas à l’hiver obscur et stérile. D’innombrables rites de conjuration de ces peurs ont émergé au sein de toutes les communautés humaines connues, dont, pour la civilisation celte, le Samain, préfiguration vraisemblable du si réjouissant et si mercantile Halloween.

Samain ouvre le calendrier des manifestations rituelles inscrites sur « la roue du temps » dans l’année celtique, celle-ci se divisant en deux grandes périodes, le temps sombre et le temps clair. Ainsi, Samain est célébré chaque année autour de ce qui est pour nous le 1er novembre, le moment où l’on bascule de fait dans la saison sombre. Dans la celte Bretagne, novembre se dit Miz-Du, littéralement « le mois noir ». Ainsi, on passe de la lumière à l’obscurité, ce que Baudelaire, en héritier inspiré de ces évidences ancestrales, exprimait en deux alexandrins célèbres : « Demain nous entrerons dans les froides ténèbres / Adieu vive clarté de nos étés trop courts. »

La célébration de Samain s’étend sur sept jours, trois jours avant le 1er novembre et trois jours après. C’est l’occasion de banquets, de festivités populaires, mais aussi de rencontres utiles. Tradition au long cours, puisque jusqu’au début du XXème siècle, c’était au 1er novembre, à la Toussaint, que les tâcherons agricoles s’assemblaient à la sortie de l’office religieux pour trouver à se faire employer pour l’année à venir. Autre trace de ce lointain passé : une des étymologies possibles de Samain est « l’été de la fin », c’est-à-dire l’été à ses derniers feux. Comme ceux que nous avons de nos jours avec « l’été de la Saint-Martin », brève embellie elle aussi en novembre.

Par ailleurs, il n’est pas exclu que les banquets et les réjouissances du Samain aient été à la source du sabbat des sorcières. Conjurer l’angoisse des mauvais jours qui viennent par la licence, la liberté effrénée, la transgression, est la marque de tous les rituels de lumière et de fertilité, de ténèbres et de stérilité. La nuit de Walpurgis des civilisations septentrionales qui se déroule, elle, à la charnière d’avril et mai, peut apparaître comme une transposition de Samain, sanctifiant cette fois le retour de la lumière. Pour l’égyptologue et ethnologue britannique Margaret Murray, le sabbat des sorcières n’est autre que la survivance de ce paganisme des temps anciens, refoulé dans l’interdit et la clandestinité à l’avènement du christianisme.

Etrangement, la semaine de célébration du Samain est hors calendrier. Elle ne s’inscrit ni dans l’année qui s’en va ni dans celle qui vient. Elle est une parenthèse, un temps suspendu, comme si on avait voulu la soustraire à l’ordonnancement ordinaire de l’année et la doter d’une dimension autre, ouverte sur le merveilleux. Or, c’est bien ce qui se passe. Samain est le temps du surnaturel, du spirituel, de la communion avec les prodiges, le moment où le Cerf sacré – dont les bois tombent et repoussent, symboles de la renaissance perpétuelle – sort des Enfers pour sa « Chasse sauvage ». Communion, surtout, avec l’au-delà, le monde des morts. On les célèbre, on les honore de présents, de nourriture, d’où la tradition, entre autres, de la citrouille. Ces rites, ces mythes sont si intensément inscrits dans ce que Jung appelle « l’inconscient archaïque » que ce lien avec la mort à ces dates précises a perduré avec le christianisme – Toussaint et Jour des Morts – et perdure jusqu’en en nos temps de déchristianisation, ou, si on préfère, de déspiritualisation. Raison de plus, donc, pour, ces jours-ci et ne serait-ce qu’un instant, s’imprégner de l’esprit intemporel et magique de Samain.

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Joe Biden: une dernière gaffe pour la route?

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Le président américain Joe Biden à Baltimore, 29 octobre 2024 © Pat Siebert/Maryland Governors/P/SIPA

En traitant les partisans de Donald Trump d’ « ordures », Joe Biden met Kamala Harris dans l’embarras. Il assure depuis que ses propos ne visaient que des personnalités de l’entourage immédiat du candidat républicain, notamment ceux qui rient aux blagues un peu racistes du comique Tony Hinchcliffe, lequel avait comparé Porto Rico à une « île flottante d’ordures » lors d’un meeting de Donald Trump dimanche. La polémique amuse et conforte par ailleurs toute une gauche américaine qui a rejoint Donald Trump, dont nous passons ici en revue les plus surprenants ralliements.


Lorsque vous êtes un “liberal” aux États-Unis, c’est que vous êtes plutôt de centre gauche, par opposition au camp conservateur. Depuis les années Obama, les “classical liberals” américains (c’est-à-dire les libéraux classiques) sont de plus en plus nombreux à voir d’un mauvais œil le durcissement de l’aile gauche du Parti démocrate, laquelle cède aux modes idéologiques les plus ubuesques : idéologie transgenre, promotion de la censure sur les réseaux sociaux, appel à ne plus financer la police, racialisme ségrégationniste, dépénalisation de certains types de vols, ouverture de la frontière nationale aux immigrés illégaux, interdiction d’exiger une pièce d’identité pour voter à certaines élections locales (dans un pays où il faut pourtant montrer une pièce d’identité pour pouvoir acheter de la bière…).

Garbage

Comme en France, la gauche a longtemps été perçue comme le camp des défenseurs de la liberté d’expression, de la tolérance et de la lutte pour les droits des plus précaires. La tendance s’est un peu renversée avec l’arrivée de Donald Trump au Parti républicain, mais aussi avec la profonde transformation du Parti démocrate. Les Américains les plus modestes sont de moins en moins nombreux à voir dans le Parti démocrate un allié évident, surtout dans les zones rurales. Et la liberté, principe historiquement si cher à tous les Américains, elle ne semble plus être une priorité pour le parti de Kamala Harris ou d’Hillary Clinton, qui a récemment appelé à plus de régulations de la parole sur les réseaux sociaux, afin de ne pas en « perdre le contrôle ».

Cette semaine, le président Joe Biden a traité de « détritus » (garbage, en anglais) les électeurs de Donald Trump. Il devrait pourtant se rappeler que beaucoup d’anciens électeurs de Barack Obama ou de Bill Clinton en font partie, s’estimant en désaccord avec la plupart des changements récents du Parti démocrate. En deux mots, ce qu’ils voyaient auparavant comme le parti du peuple est devenu pour eux le parti des classes urbaines supérieures.

La presse de gauche ne pardonne pas à des figures influentes comme Elon Musk, qui avaient toujours voté démocrate, de soutenir officiellement Donald Trump (qui, rappelons-le, votait lui aussi démocrate, dans sa jeunesse). Tulsi Gabbard, membre démocrate du Congrès, originaire d’Hawaï, très populaire auprès des électeurs de centre gauche, s’est récemment décidée à rejoindre l’équipe de Trump, considérant que son parti ne travaillait plus dans l’intérêt des classes populaires. La gestion gouvernementale des incendies géants de l’île de Maui, très critiquée à Hawaï, aura également motivé son engagement.

Vague populiste ? Oui, car le terme n’est plus un gros mot aux États-Unis. Le sentiment populaire d’être trahi par les bureaucrates de Washington grandit d’année en année. Par ailleurs, cette gauche est également reconnaissante envers Donald Trump d’avoir su débarrasser le Parti républicain des “faucons” néo-conservateurs ; ceux qui, sous l’administration George W. Bush, voulaient exporter la démocratie en bombardant des pays étrangers et en sacrifiant de jeunes soldats pour des causes perdues au Moyen-Orient. Ils se souviennent que leur pays ne déclencha aucune nouvelle guerre durant le premier mandat de Donald Trump. Et qu’il faut remonter à la présidence démocrate de Jimmy Carter pour se remémorer une période similaire dans l’histoire du pays.

Plus controversé encore, pour ses positions sur les vaccins et sur l’industrie pharmaceutique, le fils de Bob Kennedy, Robert Kennedy Junior, a lui aussi rejoint Trump après avoir abandonné tout espoir de contribuer à un retour aux sources du Parti démocrate, le parti de son père et de son oncle, John Fitzgerald Kennedy. Pour l’avocat et héritier de la dynastie, le Parti démocrate d’aujourd’hui trahit les idéaux autrefois défendus par JFK, quand ce dernier se battait contre les tensions raciales, contre la pauvreté et contre l’influence excessive des secteurs militaires et du renseignement.

L’auteur féministe Naomi Wolf, ancien soutien de MM. Clinton et Al Gore, a quant à lui décidé de rejoindre Trump après que les démocrates ont promu des restrictions drastiques durant l’épidémie de Covid-19. Le dramaturge David Mamet, de son côté, déçu par les politiques dites libérales de ces dernières années, est l’une des rares personnalités du monde du spectacle à voir dans la réélection de Trump une opportunité de s’affranchir d’un climat politiquement correct devenu étouffant, à Hollywood comme à Broadway. Le mouvement #WalkAway, fondé en 2018 par un ancien militant démocrate, Brandon Straka, cherche à faire porter la voix de tous ceux qui se sont éloignés du parti comme de l’extrême-gauche américaine, à cause de leurs prises de position trop radicales ou trop clivantes.

Noms d’oiseaux

Jamais le Parti républicain n’aura compté autant de démocrates, ni dans son équipe ni dans ses supporters. L’extrême gauche américaine compte bien faire payer cher ces ralliements à ceux qu’elle considère comme des traîtres. La rhétorique du discrédit n’en finit plus de s’exercer contre les soutiens de Trump : “fascistes”, “nazis”, “suprémacistes blancs” et autres noms d’oiseaux…

De son côté, Trump ne ménage pas la candidate démocrate, Kamala Harris, en la qualifiant de “vice-présidente merdique” et en la traitant d’incompétente, de “folle” ou encore de “personne stupide”. “Elle ne représente rien” a-t-il déclaré avec mépris. “Est-ce qu’elle boit ? Est-ce qu’elle est sous l’influence de substances ?” avait-t-il lancé lors d’un meeting, en référence aux qualités d’oratrice de sa rivale. Son humour grinçant et provocateur régale certains mais demeure clivant ou contre-productif pour tous les autres. En tout cas, sa personnalité outrancière et ses propos incendiaires qui contribuent grandement à la brutalité du débat démocratique américain, refroidissent toujours une large partie de l’électorat populaire, alors que ce dernier pourrait pourtant adhérer à son programme sur bien des points, en particulier sur les questions sociales. Les résultats de la semaine prochaine nous diront à qui cette rhétorique de l’insulte aura profité, si elle fonctionne toujours en Amérique.

Occupation: pour Jérôme Garcin, le talent littéraire n’excuse rien

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Le critique littéraire et écrivain Jérôme Garcin © SADAKA EDMOND/SIPA

Dans son dernier ouvrage, Jérôme Garcin ne passe rien à nos écrivains collabos, il les charge. L’amitié et la critique sont-elles compatibles ? se demande notre chroniqueur, après avoir ressenti un léger malaise à la lecture du livre de l’ancien critique du Masque et la Plume.


Jérôme Garcin vient de publier Des mots et des actes – Les Belles-Lettres sous l’Occupation. Cet auteur, qui est un ami, éprouve une passion pour la littérature, il écrit des livres qui sont remarquables et ont toujours bénéficié d’une critique enthousiaste. Son registre est infiniment varié, de l’intime à l’Histoire. À son égard, je n’ai jamais douté de la sincérité de ces louanges, précisément parce que je les approuvais et les partageais. Alors qu’en général, j’ai toujours jugé la critique française (littérature, cinéma et ou théâtre) connivente, clientéliste, excessive et donc fausse, oscillant entre l’hyperbole et la démolition et donnant trop rarement une impression de liberté et d’authenticité. Peut-être ma vision est-elle excessivement pessimiste ; ou dois-je concéder être arrêté, devant beaucoup d’analyses favorables ou non, par cette limite intolérable qu’elles ne rejoignent pas les miennes ?

Dérision malvenue ?

Avec le dernier et court ouvrage de Jérôme Garcin, que j’ai lu d’une traite tant il mêlait la littérature, la période terrifiante et, pour certains, héroïque de l’Occupation, le destin de plusieurs écrivains détestables dans leurs écrits et leur comportement, maudits, rejetés, fusillé pour Robert Brasillach, talentueux mais égarés ou admirables tel Jean Prévost. Je me suis trouvé confronté à une excellence mais aussi à un léger malaise.

Je n’ai pas à discuter le choix de ses hostilités et de ses dilections. Pour ces dernières, on sait que Jean Prévost, auquel il consacre plusieurs chapitres, est un modèle : comme écrivain, comme homme de courage, résistant et héroïque, comme personnalité capable de tout mener de front, homme de réflexion et d’action.

Quand Jérôme Garcin se penche sur les écrivains qu’il honnit parce qu’ils ont écrit des horreurs, qu’ils ont pactisé d’une manière ou d’une autre avec l’occupant et qu’ils n’ont pas correspondu à son idéal de « chevalerie », parfois noblement sacrificielle, il ne perd rien de sa qualité de style, de son art des portraits et de sa fluidité narrative.

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Pour le style, il rapporte ce qu’on reprochait à Paul Morand dans sa correspondance avec Jacques Chardonne : « faire du style dans chaque phrase ». Ce pourrait être, de manière positive, porté au crédit de Jérôme Garcin.

Ce qui m’a perturbé, et qui tranche avec la compréhension profonde dont Jérôme Garcin sait faire preuve même à l’encontre du pire, est le ton de dérision, ou condescendant, ou moralisateur, dont il use souvent. Comme s’il était impossible, en jugeant ces quelques écrivains méprisables, d’expliquer mieux pourquoi ils l’avaient été, dans quelle nasse l’Histoire les avait englués et comment ils n’avaient pas su ou pu en sortir. Un Robert Brasillach a été admirable à partir de son arrestation, durant son procès avec une justice expéditive et lors de son exécution : cela ne compense pas ses écrits indignes mais aurait appelé, de mon point de vue, moins de dogmatisme inquisiteur.

Il ne faut pas avoir été résistant pour bien écrire

J’ajoute que Jérôme Garcin a totalement raison de célébrer les écrivains résistants, mêlant à leur talent le courage d’affronter le nazisme et pour quelques-uns d’y perdre leur existence. Mais j’ai eu parfois l’impression, à le lire, qu’il fallait avoir résisté pour bien écrire, pour être qualifié de grand écrivain. Je n’irais pas jusqu’à placer Céline au-dessus de tous parce qu’il a révolutionné la langue française mais avoir ébloui avec Le Voyage ou Mort à crédit n’est pas à négliger.

Dans ce beau petit livre, je suis touché indirectement par l’autoportrait de Jérôme Garin : la littérature n’est pas tout pour lui, le courage est capital, dire non plutôt que oui, face à l’intolérable, est exemplaire, la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais une lutte où il faut savoir se tenir.

J’espère, avec ce billet, n’avoir pas trahi l’honnêteté d’une critique, pas davantage que le bonheur d’une amitié.

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Elections américaines: “Keep on trolling in the Free world”…

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Donald Trump en meeting au Madison Square Garden, New York, 27 octobre 2024 © Evan Vucci/AP/SIPA

Les Américains se rendent aux urnes dans cinq jours. Donald Trump, qui a transformé la vie politique de son pays en arène de catch, pourrait l’emporter face à la guère sympathique Harris, finalement assez mauvaise candidate. Nous devons nous préparer à défendre notre économie, si Trump passe, car l’Union européenne a peut-être plus à craindre encore que la Chine commercialement. Analyses.


Roland Barthes était un passionné de catch. Il a notamment traité le sujet dans ses Mythologies : « ll y a des gens qui croient que le catch est un sport ignoble. Le catch n’est pas un sport, c’est un spectacle, et il n’est pas plus ignoble d’assister à une représentation catchée de la Douleur qu’aux souffrances d’Arnolphe ou d’Andromaque. (…)  Le public se moque complètement de savoir si le combat est truqué ou non, et il a raison; il se confie à la première vertu du spectacle; qui est d’abolir tout mobile et toute conséquence: ce qui lui importe, ce n’est pas ce qu’il croit, c’est ce qu’il voit. »

Ce court extrait pourrait à lui seul résumer le match que se livrent aujourd’hui le Parti démocrate et le Parti républicain entièrement pris en main par la famille Trump. Il n’est d’ailleurs pas véritablement nécessaire d’évoquer les liens amicaux qui ont longtemps uni Donald Trump à Vince McMahon, l’ancien patron de la WWE, et qui l’unissent encore à d’immenses célébrités du ring qui le soutiennent ouvertement dans ses meetings, à commencer par les colosses Hulk Hogan et The Undertaker, pour comprendre que le personnage a tout du catcheur. 

Le heel contre babyface

Donald Trump a une carrure digne d’un bretteur d’arènes, un bagout de bateleur d’estrade et une chevelure qu’il semble avoir chipée à l’inimitable Ric Flair. Il faut l’admettre, il est extrêmement doué et charismatique en meetings. Du moins ne laisse-t-il personne indiffèrent. Il a tout du « heel », le méchant du catch, quand Obama avait tout du « babyface ». Le heel est ce personnage arrogant et narcissique que le public adore détester. Ses facéties amusent. S’il fait parfois rire à son détriment, il est aussi capable de susciter la peur et d’attirer à lui la gente féminine. De l’autre côté, le « babyface » est un héros américain pur et au cœur vaillant, parfois légèrement naïf et ennuyeux. 

Dans les années 1990, au tournant de « l’attitude era »[1], la lutte professionnelle américaine a commencé à s’apercevoir que les « heels » faisaient parfois plus recette que les « faces ». Donald Trump est arrivé en politique avec ça en tête. Il deviendrait le trublion, l’antihéros. Après les deux mandats Obama, les Etats-Unis étaient prêts à un changement de ton. On pouvait penser que ce qui avait fait recette en 2016, avec une équipe plus radicale mais par certains aspects plus traditionnelle pour le camp républicain, n’allait plus marcher en 2024. Surtout avec l’expérience assez traumatisante du 6 janvier et de l’assaut sur le Capitole des supporters désespérés d’un Trump qui les a in fine assez lâchement abandonnés. Pourtant, l’homme a su s’accrocher et ressusciter tel le phénix. 

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Il est extrêmement rare qu’un même homme soit le candidat désigné d’un parti à trois élections différentes d’affilée aux Etats-Unis. Trump a réussi cet exploit. Et il l’a fait en soumettant à sa volonté une formation historique et tous ses cadres. Tous ont plié l’échine, craignant de perdre leurs investitures ou d’être abandonnés par leurs électeurs. Donald Trump a placé tous les hommes et toutes les femmes qu’il souhaitait aux postes-clés d’un Great Old Party transformé en machine à cash et à publicités pour un homme et sa famille. Remarquable. Digne d’un César antique.

Le seul problème de ce beau spectacle mis en scène et interprété par un showman de génie est qu’il n’est qu’un spectacle. Oh ! les démocrates ne sont pas en reste en matière de pantomime. Eux aussi ont leur catcheur, The Rock, leurs rappeurs, leurs outrances et leurs milliards jetés par les fenêtres pour diffuser des messages aussi grandiloquents que bêtes, mais l’outrance affichée continuellement par certains soutiens de Donald Trump ne pourra que laisser coi l’honnête homme. Au Madison Square Garden, lors de son gigantesque meeting sur ses terres new-yorkaises, ses soutiens y sont allés de leurs insultes sur les « low IQ » ou la nature démoniaque de leur adversaire Kamala Harris. Guère sympathique et très mauvaise candidate, il est néanmoins douteux de voir en elle un « antéchrist », même en puissance.

Voilà pour la forme, passons au fond et à ce qui nous intéresse le plus : les conséquences pour la France et l’Europe. Car, que nous le voulions ou non, une poignée d’électeurs du Wisconsin tient une part de l’avenir du monde entre ses mains.

Economie : adversaires ou ennemis ?

L’Union européenne est en conflit de plus en plus ouvert avec les Etats-Unis. Il s’agit pourtant de notre plus gros client (entre 16 et 20% de nos exportations annuelles). Donald Trump a d’ailleurs fait de l’Europe l’une de ses cibles régulières lors de ses allocutions, soit pour se vanter de sa capacité à faire plier ses concurrents soit pour indiquer que l’Amérique perdait trop d’argent avec le vieux continent. Cité par Politico, un diplomate européen n’y va pas par quatre chemins : « Nous riposterons vite et nous riposterons fort ». Chat échaudé craint l’eau froide… Car, la cohabitation avec l’homme d’affaires devenu président ne fut pas de tout repos lors de la période 2016-2020.

La cible de Trump est notamment notre industrie lourde. En 2018, il avait ainsi tenté d’imposer des tarifications douanières importantes sur l’acier et l’aluminium, qui n’avaient pas entraîné de très vives réactions de la part d’une Union effrayée par une « escalade ». Visant régulièrement l’automobile allemande lors de ses discours, Donald Trump avait aussi envisagé une série de taxes assez brutales sur les importations de véhicules européens avant de se raviser. Spécialiste des mesures coercitives et du chantage, Donald Trump impose donc un rythme et un ton qui demandent une certaine préparation. Le candidat républicain a d’ailleurs annoncé qu’il imposerait une taxe « universelle » sur tous les biens importés par les Etats-Unis, allant de 10 à 20%. La mesure serait aussi colossale que contraire aux principes classiques de l’Organisation mondiale du commerce. Déjà, sous Biden, l’Europe a dû affronter l’Inflation Reduction Act dont elle tente aujourd’hui de diminuer la portée, mais cette taxation globale à l’entrée serait un véritable choc pour les marchés mondiaux si d’aventure il allait au bout – ce dont on peut légitimement douter. Elle aurait aussi des conséquences inflationnistes pour les Américains, ce qui ne serait pas neutre non plus pour le reste du monde… Afin de réindustrialiser l’Amérique et de « rendre leurs emplois aux travailleurs américains », Donald Trump a aussi déclaré vouloir purement et simplement « détruire l’industrie européenne ». Un excès de langage, un argument de campagne sûrement exagéré, mais qu’il conviendra de ne pas prendre à la légère. Car, les conséquences d’un passage à l’acte même partiel seraient dramatiques. Des usines pourraient être contraintes de fermer.

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Donald Trump nous a toutefois habitués à négocier. Il commence fort mais peut se laisser tenter par un accord favorable. Ciblera-t-il plus volontiers la Chine ou l’Union européenne ? L’observateur peu attentif sera tenté de penser que la Chine est le véritable antagoniste de l’Amérique, mais les choses sont moins simples qu’elles n’y paraissent. L’Europe agace profondément Donald Trump et son entourage. Elon Musk, particulièrement actif dans cette campagne, possède une usine Tesla à Shanghaï. Elle est celle qui lui rapporte le plus. En 2023, elle a passé la barre symbolique des 2 millions de modèles produits. Colossal.  Tesla est le seul constructeur étranger à produire en Chine sans s’appuyer sur un producteur local, ça n’est pas neutre. 

Au contact des nouvelles fortunes de la Silicon Valley, The Donald s’est aussi converti aux cryptomonnaies… Et à la défense assez acharnée des entreprises du secteur qu’il ne cessait pourtant de critiquer en 2016. Il a vertement critiqué les enquêtes de l’Union sur la concurrence, citant Tim Cook qui a été condamné par la justice irlandaise dans une affaire de redressement fiscal mais aussi par les règles antitrust de l’Union à propos du fonctionnement de l’App Store. 

N’en doutons toutefois pas : il y a continuité entre les politiques menées par les administrations démocrates et républicaines. Les différences portent sur l’intensité des mesures. Nous n’avons pour l’heure jamais été en guerre économique ouverte avec les Etats-Unis. Si une telle chose se produisait, ce serait absolument dévastateur. La difficulté principale que nous aurons avec une administration Trump sera que ce dernier privilégie des deals bilatéraux. Il cherchera donc à tenter de désunir les Européens. Surpassable ? Oui, mais les déclarations de campagne ne rassurent pas. De fait, l’Union et les Etats-Unis ont des économies plutôt complémentaires et auraient intérêt à ne pas se fermer l’une à l’autre.

Des conflits partout

Concernant la politique étrangère, c’est en réalité dès le premier mandat de Barack Obama que les Etats-Unis sont devenus frileux. Ils ont progressivement rompu avec « l’interventionnisme » voire l’agressivité qui leur fut longtemps reprochée, singulièrement sous la période de George Bush Jr. Incapables de respecter les lignes rouges qu’ils avaient eux-mêmes fixés en Syrie, les Américains sont apparus plus faibles aux yeux du monde. La pax americana a fait place à la « multipolarité » et à l’émergence des Brics. Malheureusement, ce monde est aussi soumis à la multiconflictualité et les champs de bataille ne cessent de fleurir. 

Ancienne ambassadrice à l’OTAN, Muriel Domenach s’est confiée au Grand Continent à propos de l’incertitude que les élections américaines font peser tous les quatre ans sur notre sécurité : « Donald Trump avait, au cours des sommets de 2017 et de 2018, traité avec une grande brutalité des alliés de premier plan, comme les Danois et les Allemands. Ensuite, il avait remis en question l’article 5 du traité. Il laissait entendre que les garanties de sécurité américaine étaient transactionnelles, conditionnées à des concessions commerciales ». Elle ajoute qu’il « n’est pas sérieux que l’Europe, avec sa richesse, son héritage et ses responsabilités, se résigne à faire dépendre entièrement sa sécurité des choix américains, qui eux-mêmes sont fonction du vote de certains cantons dans des États clefs, dont les électeurs suivent des logiques valables mais très éloignées des nôtres ».

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Il faut en outre comprendre que Donald Trump est aujourd’hui porteur d’un esprit revanchard et que « MAGA » est assez ouvertement pro-russe. D’aucuns diront qu’il s’agit d’une posture électoraliste, mais les déclarations de son futur vice-président JD Vance sont éloquentes à ce sujet : il ne perçoit pas la Russie comme un ennemi mais comme un « adversaire » et un « concurrent ». L’interview donnée par Poutine à Tucker Carlson ou les tweets de Donald Trump Jr. témoignent du glissement des Républicains. Ajoutons aussi que lors de la période 2016-2020, la Hongrie était le seul interlocuteur réellement amical des Etats-Unis en Europe, ce qui n’aide pas.

Si les proches de Trump affirment que les Etats-Unis ne comptent pas quitter l’OTAN, l’organisation serait rendue caduque de facto si d’aventure nous n’en respections plus les conditions. Par ailleurs, il est manifeste que ces discours limitent la portée dissuasive des traités, à commencer par l’article 5 portant sur la défense collective… y compris des Etats membres les plus modestes. Y-a-t-il eu des négociations occultes sur la fin de la guerre entre le Kremlin et la possible future administration ? L’Europe doit en tout cas prendre conscience qu’elle ne peut plus laisser sa sécurité entre les mains des électeurs américains, et ce d’autant plus que l’administration démocrate n’est guère plus fiable que celle qui pourrait lui succéder. Les Américains donnent l’impression de jouer contre leurs propres intérêts par ignorance. En feignant se désintéresser de l’Europe au profit de l’Orient ou du Pacifique, qui croient-ils berner ? Laisser Poutine arracher une victoire contre le droit et l’ordre mondial est-il de nature à freiner les ambitions chinoises ou au contraire de les renforcer ? Poser la question, c’est presque déjà y répondre. Personne n’a voulu écouter la France qui a conservé une vive tradition militaire et une appréhension fine de toutes ces questions. Il faut encore une fois ici remercier le Général de Gaulle d’avoir tout fait pour que la France se dote de l’arme atomique… face aux oppositions américaines.

Et la guerre culturelle, alors ?

L’un des arguments avancés ces derniers temps pour soutenir l’idée d’une victoire de Trump serait sa capacité à lutter contre les dérives anthropologiques majeures du néo-progressisme contemporain, ou « wokisme ».

Pourtant, à y regarder de plus près, Trump semble parfois l’envers des excès qu’il dénonce légitimement. Une campagne basée sur la viralité d’une propagande souvent mensongère est-elle vraiment le meilleur moyen de gagner une bataille culturelle visant à élever les gens ou un populisme chimiquement pur qui les enfermera dans des bulles algorithmiques et des biais de confirmation ? Heel et babyface ont besoin l’un de l’autre… Si l’un disparait, l’autre n’a plus de raison de vivre. Certains d’entre nous devraient sûrement y réfléchir.


[1] Dans l’univers du catch, l’ère Attitude est une période qui s’étend de 1997 à 2001, et qui été marquée par un bouleversement des codes de l’époque, ajoutant plus de violence et d’allusions sexuelles au spectacle.

L’Union algérienne exige que la rue Bugeaud à Lyon soit débaptisée

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Le maire de gauche de Lyon, Grégory Doucet © Bony/SIPA

L’Union Algérienne, une association se revendiquant comme représentative de la diaspora algérienne en France, a décidé de porter plainte contre la mairie de Lyon, dénonçant l’apologie de crimes de guerre liée à une rue portant le nom du Maréchal Bugeaud, figure controversée de l’histoire coloniale. Le maire Grégory Doucet cédera-t-il aux pressions ?


Révélée par Lyon Mag’ dans une de ses éditions du 18 octobre 2024, cette affaire pourrait fortement sensibiliser les Lyonnais, attachés à leur patrimoine culturel. L’Union Algérienne a décidé de porter plainte contre le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, pour «apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». L’association, représentant la communauté algérienne, cible particulièrement la rue du Maréchal Bugeaud, située dans le VIe arrondissement, non loin du consulat algérien, et exige son retrait immédiat en raison de l’image coloniale que ce nom, lié à un héros de l’histoire française, véhicule.  

Marquis de la Piconnerie et Maréchal de France, Thomas Bugeaud (1784-1849) est une figure clé de la conquête de l’Algérie, devenue plus tard colonie puis départements français. Officier brillant, ayant fait ses armes à la bataille d’Austerlitz, il fut chargé par  le roi Louis-Philippe Ier de réprimer la révolte menée par l’émir Abdelkader. Pour y parvenir, Bugeaud appliqua une politique de la terre brûlée, allant jusqu’à incendier des grottes où se cachaient des civils. Traquant inlassablement l’émir, il envahit le Maroc, qui finit par cesser son soutien à Abdelkader. En 1847, après onze ans de pacification brutale, il fut rappelé en France.

Une sculpture à déboulonner

Nommé duc d’Isly, le maréchal Bugeaud tenta de sauver la monarchie de Juillet durant la révolution de 1848, sans succès. Plus tard, député sous la Seconde République, son influence parmi les conservateurs était telle qu’il fut envisagé comme candidat à la présidence. Bugeaud déclina l’offre et se désista en faveur du futur Napoléon III, peu avant son décès en juin 1849, à 64 ans. Il repose désormais aux Invalides, où de nombreux hommages lui furent rendus. Des villes, comme Lyon, où il vécut, adoptèrent son nom, des statues furent érigées, et des médailles frappées, célébrant sa gloire. Lors du centenaire de la colonisation en Algérie en 1930, civils et militaires algériens commémorèrent ensemble la mémoire de « Bouchou », un surnom donné par ses détracteurs, signifiant presque « croque-mitaine ».

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Pour l’Union Algérienne, il est désormais impensable que la France continue d’honorer celui qu’elle considère comme un criminel. Après avoir déjà menacé de déposer plainte contre l’érection de la statue du général Bigeard à Toul, et probablement encouragée par les récentes déclarations du président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a accusé la France d’avoir commis un génocide en Algérie, l’association déplore le manque de collaboration de Grégory Doucet. « Malgré des demandes répétées de plusieurs associations, des pétitions et de nombreuses sollicitations, le maire de Lyon refuse toujours de débaptiser la rue Bugeaud (…). Le maire Grégory Doucet et ses équipes ont rejeté toutes nos propositions de conciliation. En conséquence, notre association n’a d’autre choix que de porter l’affaire devant la justice », peut-on lire dans leur communiqué. « La jurisprudence est claire : présenter des criminels sous un jour favorable équivaut à faire l’apologie de leurs crimes. La communauté franco-algérienne de la région lyonnaise mérite dignité et respect, et nous sommes déterminés à faire valoir leurs droits par tous les moyens nécessaires », conclut l’association.

Ce n’est pas la première fois que le nom du Maréchal Bugeaud suscite la controverse en France. Avec la montée du mouvement woke, il est souvent ciblé par les décoloniaux. Leurs actions, soutenues par une partie de la classe politique française, principalement à gauche, visent à revisiter les chapitres de l’histoire de France liés à la période coloniale, accusant de racisme ou de fascisme ceux qui osent les contester. Périgueux a été la première à céder à cette pression en ajoutant une plaque explicative sur la statue de Bugeaud, mentionnant les « enfumades » en Algérie. Marseille s’est empressé de rebaptiser une école et Paris a été encore plus loin en 2024, retirant le nom de Bugeaud d’une avenue, à l’initiative d’une élue communiste. Ce geste a d’ailleurs été chaleureusement salué par l’Union Algérienne sur ses réseaux sociaux.

Le nom de Camille Blanc proposé

À Lyon, les initiatives pour changer le nom de la rue Maréchal Bugeaud n’ont pas manqué non plus. En 2021, la sénatrice Cécile Cukierman (PCF), petite-fille de résistant, a symboliquement rebaptisé cette rue au nom de Sainte Joséphine Bakhita, pour interpeller la mairie sur l’héritage de celui qui, selon elle, « nous renvoie à un des pires moments de notre histoire ». En octobre 2022, Malika Benarab-Attou, ancienne députée européenne d’Europe Écologie-Les Verts (2011-2014), a lancé une pétition en ligne contre ce « funeste personnage », demandant que la rue soit rebaptisée en l’honneur de personnalités ayant lutté contre la guerre d’Algérie ou ayant eu des liens avec le Front de Libération Nationale (FLN), l’organisation qui a mené la lutte armée contre la France et ses alliés Harkis. À ce jour, la pétition n’a recueilli qu’un millier de signatures. Loin de calmer un débat qui divise toujours, l’Union algérienne a proposé de son côté de renommer la rue en hommage à Camille Blanc, maire d’Évian-les-Bains, assassiné en 1961 par des membres de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), partisans du maintien de l’Algérie française.

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Faut-il interpréter cette plainte comme un signe sous-jacent de la montée du communautarisme sur le territoire et celui d’une ingérence dans les affaires de la France ? Sur son site, l’Union Algérienne affiche fièrement les couleurs vertes et rouges du drapeau national algérien. Se revendiquant « guidée par une conviction profonde, celle de préserver notre identité et renforcer notre unité en tant que peuple algérien résidant en France », l’association souligne que ses « valeurs reposent sur des fondamentaux tels que la conservation de nos traditions, la solidarité, et la préservation de notre héritage culturel ». Elle précise avoir été fondée dans le but de rassembler la diaspora algérienne en France, qu’elle estime être « cible de divers groupes » (sans les nommer). Plus intriguant encore est le portrait d’Ali la Pointe, que l’association affiche aux côtés de sa profession de foi. Ce jeune homme, petit caïd devenu célèbre, avait été recruté par le Front de Libération Nationale (FLN) pour ses « redoutables qualités de tueur », selon la journaliste Marie-Monique Robin, auteure du livre Escadrons de la mort, l’école française. Considéré comme un héros par de nombreux Algériens, il a trouvé la mort durant la bataille d’Alger en 1957.

Il est difficile de prévoir si l’initiative de l’Union Algérienne contre le Maire de Lyon aboutira, si elle bénéficie d’un quelconque soutien d’Alger en bisbille actuellement avec la France, mais elle soulève une question cruciale : celle de l’utilité de continuer à « poursuivre le travail de mémoire, de vérité et de réconciliation » initié par le président Emmanuel Macron en collaboration avec l’Algérie. Jusqu’à présent, la France a multiplié les gestes de repentance, ce qui a suscité l’agacement d’une partie de la population française, exaspérée par ces excuses répétées, perçues comme un signe de faiblesse et de soumission de la part de l’exécutif. Paris attend toujours que l’Algérie fasse également un acte de contrition et reconnaisse les crimes de guerre commis par le Front de Libération Nationale (FLN) contre les Pieds-Noirs et les Harkis pendant la guerre qui a opposé les deux pays entre 1954 et 1962. En vain ! 

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Tuerie de Southport: les masques tombent enfin

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Recueillement après la tuerie, Southport, 20 août 2024 © Victoria Jones/Shutterstock/SIPA

Lors des émeutes violentes qui ont secoué l’Angleterre et l’Irlande du Nord cet été, le gouvernement britannique a proclamé haut et fort que la responsabilité pour ce désordre était à mettre entièrement sur le compte d’une « extrême-droite » coupable, selon lui, de répandre sur les réseaux sociaux de fausses informations concernant la motivation de l’auteur d’une tuerie dans un atelier de danse pour petites filles. Aujourd’hui, les autorités révèlent la vérité qu’elles nous cachaient dès le début de l’affaire.


Vous souvenez-vous de Southport ? Le passage accéléré du temps médiatique fait que même les événements les plus tragiques s’estompent trop rapidement dans la mémoire collective. C’est sans doute ce sur quoi comptaient les autorités policières et politiques, outre-Manche, quand elles ont décidé de garder pour elles certaines informations qu’elles se voient contraintes de rendre publiques aujourd’hui.

Une attaque sanglante contre des enfants

C’était le 29 juillet qu’un individu alors âgé de 17 ans, Axel Rudakubana, issu de l’immigration rwandaise au Royaume Uni, a fait irruption dans des locaux où se tenait un atelier de danse et de yoga pour enfants de six à onze ans, atelier ayant pour thème la musique et le jeu scénique de Taylor Swift. Personne à Southport, ville balnéaire tranquille à 27 kilomètres au nord de Liverpool dans le nord-ouest de l’Angleterre, ne s’attendait à une attaque d’une telle férocité. Avant d’être neutralisé et arrêté par les forces de l’ordre, le suspect a poignardé neuf enfants et deux adultes qui essayaient en vain de protéger ces dernières. Deux des petites filles ont succombé immédiatement à leurs blessures, la troisième le lendemain.

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Initialement, les autorités ont tu l’identité de l’assassin présumé sous prétexte qu’il était mineur. Mais le 1er août, un magistrat plus avisé a décidé de rendre l’information publique afin de contrer la spéculation générale alimentée jusqu’alors par le silence. Malheureusement, cette décision, saine mais tardive, n’a pas du tout suffi à convaincre le public que les autorités ne leur cachaient rien. Car entre temps, la police avait déclaré formellement que le crime n’était pas considéré comme un acte terroriste. Beaucoup de citoyens et Nigel Farage, le chef du parti Reform UK récemment élu député, y ont soupçonné une tentative hâtive d’exclure toute hypothèse prêtant un caractère religieux ou ethnique à un crime qui pouvait ressembler à un attentat planifié. Le fait que M. Rudakubana avait été diagnostiqué comme autiste a été largement cité dans les médias de manière à focaliser l’attention sur une probable motivation psychopathologique. Flairant déjà une forme de cafouillage, une partie du public a donné libre carrière à ses soupçons.

Breaking news en Angleterre

Or, nous apprenons aujourd’hui que ces soupçons étaient au moins partiellement justifiés. Le 29 octobre, à la veille de la première comparution au tribunal de l’accusé, l’autorité policière de Merseyside, la région de Liverpool, a donné une conférence de presse pour annoncer que les enquêteurs avaient découvert chez M. Rudakubana une quantité de ricine, un poison dangereux, ainsi qu’un manuel de terrorisme islamiste, sous forme de document PDF, intitulé « Military Studies In The Jihad Against The Tyrants. The Al Qaeda Training Manual » (trad. Études militaires pour le Jihad contre les tyrans. Le manuel d’entrainement d’Al-Qaïda). Soulignant le fait qu’aucune trace de ricine n’avait été trouvée sur le lieu du crime, le chef de la police, Serena Kennedy, a insisté sur le fait que les enquêteurs n’avaient toujours pas assez de preuves pour affirmer qu’il s’agit d’un attentat terroriste.

A Bristol, la police en difficulté face aux manifestants nationalistes et aux contre-manifestants, 3 août 2024 (c) Yat Him Wong/Cover Images/SIPA Numéro de photo : sipausa31640932_000051

Première conclusion : quand les autorités ont déclaré dès le 29 juillet qu’elles ne considéraient pas la tuerie comme un acte terroriste (« …not being treated as terror-related »), elles ne se sont pas montrées tout à fait honnêtes. La vérité, c’est qu’elles ne détenaient pas encore assez de preuves pour être certaines du caractère djihadiste de l’attentat, bien qu’elles pussent – et peuvent encore – soupçonner que c’était le cas. A l’époque des émeutes, tous ceux qui ont émis l’hypothèse que le crime avait quelque chose à voir avec l’islamisme étaient traités par le gouvernement et la plupart des médias de racistes islamophobes. Il s’avère maintenant que la méfiance dont ces personnes ont fait preuve à l’égard de l’explication officielle était au moins partiellement fondée.

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Deuxième conclusion : ce sont précisément les cachotteries des autorités qui ont alimenté spéculations et soupçons. Comme l’a observé avec beaucoup de prescience notre confrère Eliott Mamane, dans un article publié dès le 9 août dans Marianne : « Si le gouvernement britannique avait immédiatement donné des précisions sur les éventuelles motivations idéologiques derrière les actions du mis en cause ou sur son état mental, aucun acteur mal intentionné n’aurait pu manipuler le récit des événements ». On a du mal à croire que, une fois mise en possession des informations obtenues par la fouille de la maison familiale du suspect, la police n’en a pas informé le gouvernement.

Troisième conclusion : l’opération de communication du Premier ministre Sir Keir Starmer et de son gouvernement, qui consistait à mettre toute la responsabilité pour les émeutes sur le compte de désinformations propagées sur les réseaux par des acteurs dits d’extrême-droite se retourne aujourd’hui contre eux. La désinformation a commencé avec les autorités.

Maintenant que la mèche a été vendue, la police et le gouvernement, ainsi que leurs serviteurs médiatiques, essaient de se tirer d’affaire en nous rappelant que même aujourd’hui toute spéculation sur la motivation du tueur serait préjudiciable à un procès équitable. Pourtant, quand M. Starmer proclamait à tue-tête cet été que les personnes impliquées dans les violences étaient des « voyous d’extrême-droite » qui méritaient les peines les plus sévères, il n’était pas en train de préjuger du résultat des poursuites que l’État allait engager contre des centaines de citoyens britanniques ? Nos gouvernants ont deux problèmes apparemment : un premier avec la vérité, et un autre avec leurs citoyens. Un des tubes de Taylor Swift s’intitule « Blank Space » (espace blanc) : cela dit bien le vide créé par les atermoiements et la dissimulation des autorités. Un autre s’appelle « Bad Blood » (rancœur) : cette fois, c’est le mélange de ressentiment et de méfiance qui a résulté de l’affaire de Southport et qui durera longtemps.

L’électorat musulman américain, allié de circonstance de Trump

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Manifestation à Dearborn, Michigan, Etats-Unis © Alexandre Mendel / Conflits

Le candidat républicain devance désormais sa rivale démocrate dans l’électorat arabo-musulman. Vu comme plus crédible que son adversaire pour apporter une paix durable au Proche-Orient, l’ex-président, pourtant très critique de l’islam ces dernières années, bénéficie d’une sorte de vote de vengeance contre une gauche jugée trop proche d’Israël. Dans les États clés, et en particulier dans le Michigan, ces quelques milliers de voix pourraient faire la différence.


Le sujet a disparu de la campagne de Donald Trump. Ou plutôt, disons-le : le candidat républicain n’en parle plus. Finies les tirades sur l’Europe devenue un foyer du terrorisme – sur « Bruxelles devenu un enfer » ou sur les attentats du Bataclan qui auraient pu être réglés « si quelqu’un avait été armé dans le public ». Ou sur le travel ban, cette mesure contestée qui empêchait la délivrance de visas aux ressortissants de certains pays musulmans considérés comme dangereux. Ça, c’était en 2016, quand la frange la plus complotiste des fans de Donald Trump croyait encore dur comme fer que Barack Obama était un musulman et au plus fort des attentats qui touchaient l’Europe, et en particulier la France. Le mot « islamisme » n’intéresse plus le candidat républicain qui, habilement, a su tirer parti de la désaffection des musulmans pour les démocrates quand Biden était encore leur candidat. Désormais, Trump drague ouvertement l’électorat musulman. Une première depuis 2008.

Et ce n’est évidemment pas sans arrière-pensée : c’est dans le Michigan, et notamment autour de Détroit, capitale d’une industrie automobile sinistrée, que vit la communauté musulmane la plus importante du pays, avec 250 000 fidèles. Un État clé que Trump avait remporté en 2016, puis perdu en 2020 et où Harris et lui sont au coude-à-coude dans les sondages…

Dans les rues de Dearborn, Michigan (c) Alexandre Mendel


Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Fondamentalistes proches des Frères musulmans et Républicains évangéliques partisans du Grand Israël forment en ce moment un bien curieux attelage aux États-Unis. Les premiers veulent punir la gauche de Washington de son soutien à l’État hébreu, les seconds sont prêts à quelques concessions lexicales dans leur discours.

A lire aussi, Jean-Baptiste Roques: Un « Monde » sans pitié

Qu’on en juge par l’accueil cordial que lui a réservé, le 18 octobre dernier, Amer Ghalib, maire de Hamtramck, dans le Michigan, seule ville à majorité musulmane des États-Unis et berceau de la marque Cadillac. L’homme d’origine yéménite, et qui a immigré en 1997 en Amérique, a marqué l’histoire en battant en 2023 l’ancienne maire de Hamtramck, Karen Majewski, mettant fin à une série de plus de 100 ans de maires polonais-américains. La ville de 28 000 habitants, enclave ouvrière dans Détroit, est devenue la première du pays à avoir un leadership élu entièrement musulman, les six sièges du conseil municipal ayant été remportés par des candidats de foi islamique. Soupçonné d’être en lien avec les Frères musulmans, Ghalib a adopté des positions qui peuvent être en accord avec la frange la plus conservatrice du Parti républicain. Deux mois après son arrivée au pouvoir, le maire a fait voter une résolution interdisant les drapeaux LGBTQ+ sur les immeubles appartenant à la Ville1. Plus tard, il a refusé de condamner l’un des fonctionnaires de sa ville qui s’était demandé si « l’holocauste commis contre les Juifs n’avait pas été une punition anticipée de Dieu contre ce que les Israéliens étaient en train de faire à Gaza ». Enfin, le conseil municipal a voté une décision qui interdit tout investissement dans des entreprises israéliennes en lien « avec le génocide commis contre les Palestiniens ».

Tant pis si ce personnage, excessif, ne colle pas à l’image de pro-Israélien que Trump a… Après tout, c’est lui, comme président, qui a déplacé l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, lui encore qui a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. Le vote juif, concentré dans des grandes agglomérations telles que New York et Los Angeles, est encore (à 65%) un vote démocrate, du moins chez les juifs laïcs. Ce ne sont pas eux qui feront l’élection. Mais pouvoir basculer quelques milliers de voix en sa faveur dans des Swing States où existe une importante communauté musulmane, ça n’a pas de prix… Y compris celui d’organiser un petit rassemblement avec le maire controversé et antisémite de Hamtramck. Lors de cette réception, Trump a promis qu’il « obtiendrait la paix au Moyen-Orient » cependant que des soutiens du maire brandissaient des pancartes « la paix par la force », version trumpienne de la Pax Americana d’après-guerre. En 2020, les électeurs de Hamtramck et de Dearborn (une autre ville de la banlieue de Détroit en passe de devenir majoritairement musulmane, à en croire les statistiques ethniques et religieuses, légales aux États-Unis) avaient massivement soutenu Biden.

Après le déclenchement de la guerre contre le Hamas à Gaza, un certain nombre de responsables communautaires avaient appelé à boycotter l’élection. Harris n’a semble-t-il pas réussi à reconquérir ces déçus de l’administration américaine. Et surtout la guerre s’éternise. Or, on se souvient que Trump n’a pas engagé les États-Unis dans de nouvelles guerres et que, même s’il le fait rétroactivement, il s’est montré…

> Lire la fin du reportage sur le site de la revue Conflits <

Chez Trump: 245 jours et 28000 miles dans cette Amérique que les médias ignorent

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  1. https://www.foxnews.com/media/lgbtq-community-felt-betrayal-muslim-council-voting-remove-pride-flags-city-buildings ↩︎