La vérité sur Emanuele Brunatto, disciple de Padre Pio


La vérité sur Emanuele Brunatto, disciple de Padre Pio

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Le 16 juin 2014 a marqué le douzième anniversaire de la canonisation de Saint Pio de Pietrelcina, au lendemain de la Fête des pères, deux bonnes raisons pour rétablir certaines vérités.

« La désinformation, c’est ne dire que la moitié des choses, celles qui me conviennent, et ne pas dire l’autre moitié : de sorte que celui qui (la reçoit) ne peut bien juger les choses parce qu’il n’a pas tous les éléments, car ils ne lui ont pas été livrés… » (Pape François)

Dans un article consacré à la biographie de Padre Pio par Sergio Luzzatto, l’historien Aviad Kleinberg mentionne votre père, Emanuele Brunetto, qu’il qualifie, en citant le livre sujet de sa recension, de « collabo et trafiquant au marché noir ».  Qui est Emanuele Brunatto et quel rôle a-t-il joué dans la vie de Padre Pio ?

Emanuele Brunatto est né à Turin en 1892, il aura de multiples métiers et une vie particulièrement dissolue jusqu’en 1920 où, après la lecture d’un article, il va se rendre à San Giovanni Rotondo pour découvrir le premier prêtre stigmatisé de l’Église. De cette rencontre, qui débutera par une confession mémorable, s’ensuivra une conversion immédiate. Il sera le seul laïc à partager la vie de Padre Pio durant trois ans, logeant dans la cellule voisine du capucin. Ceux que tout séparait se trouveront en union d’âme et de cœur. Padre Pio sera persécuté et maintes fois restreint dans l’exercice de son ministère. Face à ses détracteurs, Emanuele Brunatto sera l’homme qui, dès 1923 et jusqu’à sa mort suspecte en 1965, mènera le combat de la vérité pour la défense de son père spirituel et de l’Église du Christ. Padre Pio ne prophétisera t-il pas lui-même le rôle qu’allait jouer son fidèle défenseur, en l’appelant dès les années 20, « le policier » ou « le Français » ?

– Le policier : ses enquêtes et son incroyable don pour dénouer l’écheveau des complicités qui depuis le petit village des Pouilles se prolongeait jusqu’à Rome, amèneront le Vatican à lui conférer des mandats lui donnant accès aux personnalités et aux documents les plus secrets.

– Le Français : en 1931, il quittera l’Italie pour s’installer à Paris, où, sans lâcher prise dans le combat pour « son Père », il utilisera ses fabuleux talents d’entrepreneur pour le développement d’activités industrielles dans le domaine ferroviaire. La guerre n’allait pas arrêter ce « paladin des temps modernes » (expression du journaliste G. Daix qui l’a rencontré à plusieurs reprises), dans ses actions de bienfaisance et d’entraide aux plus démunis et aux victimes de l’Occupation.

En 1958, avec la mort de Pie XII,  Padre Pio perd un puissant protecteur. C’est maintenant l’argent des donateurs du monde entier qui afflue pour soutenir l’oeuvre du Stigmatisé, qui suscite les convoitises. Le capucin demandera à Brunatto de revenir en Italie en 1962, son défenseur se remettra au travail pour un ultime combat. Le 10 février 1965, il sera retrouvé mort dans son bureau-appartement de Rome. La version officielle parle d’un arrêt cardiaque. Malgré la présence chez lui d’un verre contenant de la strychnine, il n’y aura aucune enquête.

Avec la canonisation de Jean XXIII, c’est une nouvelle facette du destin extraordinaire d’Emanuele Brunatto qui voit le jour, celle d’un homme qui aura été le proche de trois saints canonisés de l’Église Catholique (Saint Luigi Orione, Saint Pio de Pietrelcina et Saint Jean XXIII).

Je renvoie le lecteur à son autobiographie édité en 2011 (Padre Pio mon père spirituel – le destin extraordinaire du premier fils spirituel du stigmatisé – éd. de L’Orme Rond).

Pourquoi Sergio Luzzatto, l’auteur de Padre Pio. Miracles et politique à l’âge laïc, lui attribue ces faits ? Sur quels éléments cette accusation s’appuie-t-elle ? Est-elle partagée par d’autres ?

Il ne s’agit nullement de faits, mais d’une interprétation de l’histoire travestie et incomplète. Il est facile d’accuser du pire un homme d’affaires italien qui s’enrichit durant l’Occupation, en ne mentionnant que sa condamnation à mort par contumace à la Libération. Mais la rigueur historique implique d’évoquer sa mise en liberté en 1951, une fois les témoignages et les preuves de ses actions connus. Pas de trafic, pas de collaboration, mais un organisateur de génie qui réussit, de manière  légale, à prendre d’une main dans la poche de l’occupant ce qu’il redistribuera de l’autre dans des œuvres multiples. Alberindo Grimani, l’historien de référence concernant Brunatto, a écrit : « Dans le Paris occupée par les nazis entre 1940 et 1944 un homme a agi, un Italien nimbé dans le mystère d’une légende qui lui était plutôt défavorable. Certains le traitaient d’espion, d’autres d’aventurier douteux, d’autres encore de collabo, d’arnaqueur ; d’autres, enfin, le haïssaient et l’ont couvert de boue et d’insultes en tout genre pour la simple raison qu’il était le plus grand défenseur de Padre Pio de Pietrelcina ».

Les enquêtes réalisées par Emanuele Brunatto, pour démasquer les instigateurs et les responsables du torrent de diffamations et d’injures qui mêlés aux faux témoignages ont alimenté les persécutions, sont des faits connu des historiens, c’est ce qui lui vaudra le surnom de 007 de Padre Pio. Mais Luzzatto a opéré de nombreuses omissions, préférant ne conserver que les calomnies. L’historien Aviad Kleinberg a très justement évoqué le manque d’interprétation sérieuse de l’auteur quant à des preuves compromettantes entachant l’histoire de Padre Pio et de son plus ardent défenseur.

En 1951, votre père a été jugé par un tribunal militaire français. Quelles étaient les charges retenues contre lui ? Quelle fut l’issue du procès ?

Alors qu’après la Libération il fut condamné à mort par contumace, voici qu’Emanuele Brunatto est maintenant face à ses juges pour répondre en personne de l’accusation d’atteinte à la sureté extérieure de l’État en tant de guerre.

Ce procès est particulièrement instructif, grâce en autre au dossier de défense qui dresse un descriptif détaillé et chiffrés des activités de l’accusé entre 1931 et 1951, il révèle l’extraordinaire dévouement de cet homme pour aider les plus démunis ou les plus en danger.

On y trouve une liste de dons avec les bénéficiaires : plusieurs congrégations religieuses, le paiement des arriérés de pensions aux mutilés de guerre, etc. C’est aussi la création et le financement anonyme d’une œuvre caritative  » la boisson chaude », sorte de soupe populaire qui distribuera dès l’hiver 1941 plus de 18 000 rations par jours aux Parisiens.

Est-ce vraiment l’œuvre d’un collabo-trafiquant d’offrir  3.500.000 francs (de 1941) pour le lancement des travaux de la « Maison du soulagement de la souffrance » le grand hôpital voulu par Padre Pio au cœur de l’Italie du sud.

Pourquoi Luzzatto passe-t-il sous silence les témoignages que plusieurs familles juives ont rapportés au tribunal, par reconnaissance pour celui qui les a sauvées d’une mort certaine, au risque de sa  propre vie ? Elie Carasso a publié, dans son livre Les voix de la mémoire », (David Zitte, 1997), le témoignage de l’une d’elles.

Pourquoi ne pas évoquer la création et le financement de l’Institut Coopératif, dont les travaux initiés à Lourdes en 1947, avaient pour objet de définir les bases d’une nouvelle doctrine économique, profitable à tous les Hommes. En février 1964, La Tribune de Genève publiait un long article sous le titre «Un industriel italien propose une économie chrétienne du travail et du crédit ».

Nul besoin de se lancer dans un débat historique contradictoire, puisque la justice l’a déjà tranché en 1951. M. Luzzatto utilise des éléments du procès dans sa description d’un personnage digne du peloton d’exécution, il omet de citer l’essentiel, Emanuele Brunatto est sortie libre du tribunal.

À la description de mon père comme « collabo et  trafiquant du marché noir », pourquoi ne pas y voir un humanisme chrétien, sauf à vouloir discréditer le disciple pour mieux nuire à Padre Pio et à l’Eglise ?

*Photo : OLYMPIA/SIPA. 00559660_000001.



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