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Peut-on discuter le pacte de Marrakech?

Sans être taxé d’extrémisme par les médias...


Peut-on discuter le pacte de Marrakech?
Le lieu choisi par les Nations unies pour accueillir la conférence autour du pacte de Marrakech, 9 décembre 2018. ©FADEL SENNA / AFP

Le pacte de Marrakech a été adopté, lundi 10 décembre, par plus de 150 pays, dont la France. Ce texte, aujourd’hui non-contraignant, veut organiser « la coopération relative aux migrations internationales sous tous leurs aspects ». Plusieurs points font débat mais il est, semble-t-il, impossible de le critiquer sans être épinglé par les médias. 


Je ne suis pas juriste. J’ignore si le pacte de Marrakech est « contraignant » pour les États qui viennent de le signer. Du reste, même s’il ne l’était pas, il pourrait fort bien le devenir : une révision constitutionnelle pourra toujours, mettons au cœur d’un été caniculaire, l’intégrer au bloc de constitutionnalité. Surtout, qui peut croire qu’un traité adopté par tant de pays n’aura pas force de loi à la longue ?

Pourquoi ? Parce que c’est comme ça !

En attendant, ce document d’une quarantaine de pages a un auteur et un esprit qui ne rassurent guère. L’ONU, prodrome de gouvernement mondial et de meilleur des mondes, obsédée par son dessein babylonien, promeut logiquement l’immigration. Et le pacte présente celle-ci comme un impératif moral et une inévitable chance pour les États qui la subissent. D’ailleurs, avec ce texte, il s’agit de ne plus subir mais d’organiser les grandes transhumances à venir vers les pays riches. Partant du constat léger que « les migrations ont toujours fait partie de l’expérience humaine depuis les débuts de l’histoire », ses rédacteurs estiment que les futures seront forcément des « facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable ». Il est certain qu’elles sont très appréciées par le patronat européen, qui réclame sans cesse de nouveaux ilotes pour diminuer ses coûts de production ; son alliée objective, la gauche, désire l’Autre par haine de soi et irénisme. Le spectre de la récession et de la consanguinité nous condamnerait à accueillir toujours plus de migrants.

Les médias parlent plus de l’opposition au pacte que du pacte

Hélas, d’affreux identitaires persistent à contester cette vision de l’immigration. Ces derniers jours, « l’extrême droite » politique et littéraire a, avec ses petits moyens, en particulier sur les réseaux sociaux, battu le rappel des troupes contre le pacte. Sa colère vient en premier lieu de l’absence d’un débat public sur le sujet ; la reculade du président de la République, qui a préféré envoyer au Maroc un secrétaire d’État que personne ne connaît plutôt que d’y aller lui-même, ajoute aux yeux des « maurrassiens » la lâcheté au mépris.

Cette opposition a provoqué une riposte énergique des médias « vivrensemblistes » : journalistes et éditocrates, économistes, associatifs et acrobates ont accusé leurs adversaires de complotisme, de paranoïa, ont ressorti la Bête immonde et, bien sûr, psalmodié, grands principes et chiffres à l’appui, que l’immigration est de toute façon nécessaire et vertueuse. Au fond, ils ne comprennent même pas pourquoi il faut débattre de cela ; le faire, comme ils y sont parfois contraints quand on leur demande de réagir à un « dérapage » ou à une « polémique », les révolte, les blesse, leur donne la nausée. C’est donc à reculons et en disqualifiant d’emblée l’ennemi – monomaniaque à tout le moins – que les chasseurs de « fake news » ont défendu le pacte. Eux, bien entendu, cette signature en catimini ne les dérange pas. Pour le complexe médiatico-politique, certaines questions ne doivent pas être posées aux citoyens ordinaires, dont les « pulsions » mauvaises et l’ignorance risqueraient de ralentir notre implacable marche vers le progrès universel. Sinon, à quoi bon faire Sciences Po ?

Faire « la promotion des cultures, traditions et coutumes des populations »

Que les journalistes se rassurent : grâce au pacte, bientôt, ils n’auront plus à se coltiner les Zemmour, les Camus, tous ces « pseudo intellectuels » qui regardent l’immigration avec défiance. En effet, outre l’affirmation de droits « à la sécurité et aux services sociaux » qui vont enchanter les guichetières de la CAF, un autre objectif de cette charte « humaniste » demande aux États signataires de faire « la promotion des cultures, traditions et coutumes des populations » qui nourriront notre si précieuse diversité. C’est déjà le cas, me direz-vous. C’est même de plus en plus subtil, à l’instar de ces « féministes » qui cautionnent l’excision au nom de l’antiracisme. Cette promesse renforcera forcément la propagande et, inspirant notre droit, permettra de frapper encore plus durement ceux pour qui – attention, accrochez-vous bien – le charme de la France est d’abord d’être française – comme celui du Sénégal est d’être sénégalais, faut-il le préciser ? (Peu avant sa mort, Claude Lévi-Strauss, célèbre fasciste, pointait l’insurmontable paradoxe de l’éloge concomitant de la diversité et du métissage, c’est-à-dire de la différence et du même.)

Il n’est pas stupide de réfléchir à plusieurs au phénomène migratoire. L’explosion démographique de l’Afrique et le dérèglement climatique vont assurément entraîner de grands mouvements de population. Mais au lieu d’organiser ces derniers, il serait peut-être plus sain de responsabiliser – comme l’a fait Emmanuel Macron dans un moment de lucidité qui ne lui ressemble pas et qui n’a d’ailleurs débouché sur rien – le « continent noir » et de respecter la volonté des peuples européens.

La France, cette fachosphère

Les Français déclarent dans les enquêtes d’opinion les plus récentes être très majoritairement partisans d’un arrêt de l’immigration. En démocratie, le peuple est souverain ; c’est justement parce qu’ils savent que le résultat d’un référendum sur le pacte ne les satisferait pas que ses défenseurs n’ont même pas songé à le soumettre à l’isoloir. Le paraphe du lymphatique Lemoyne nous engage, pourtant ; il va changer le visage de notre pays déjà radicalement modifié par le regroupement familial ; la dépossession continue, s’amplifie, et nous n’avons pas notre mot à dire, nous les héritiers de quinze siècles d’histoire, sur cette transformation voulue par des élites pour qui le cadre national est, au mieux, ringard.

On est parfois tenté de baisser les bras. Les gilets jaunes nous rassurent. À défaut de s’être clairement emparés du pacte, on les a vus, quatre samedis durant, brandir les blasons de nos vieilles provinces ; c’est avec ces derniers, notre drapeau et en chantant La Marseillaise, qu’ils ont affronté les forces de l’ordre. Dans le cœur du pays profond, le sentiment patriotique est bien vivant. Cette vérité est notre espérance.

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Nicolas Lévine est écrivain

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