Jusqu’au 21 août, une rétrospective parisienne permet de découvrir une œuvre cinématographique trop souvent présentée comme élitiste alors que sa simplicité parle à tous : celle du réalisateur japonais Ozu.
Le cinéma Le Louxor à Paris (170 Boulevard Magenta, 10e) propose jusqu’à fin août une rétrospective en cinq films d’Ozu.
SI vous aimez le cinéma qui touche au cœur, si vous n’avez jamais vu de film du grand maître japonais, ce peut être pour vous l’occasion d’une révélation, un bonheur rare et stimulant en matière artistique.
Less films d’Ozu, proposent une expérience cinématographique d’une incroyable richesse émotionnelle et esthétique. Et pourtant il ne s’agit généralement que de simples histoires familiales, presque banales, à l’image de ce que nous vivons tous : les relations parents-enfants, les séparations, les retrouvailles, la vieillesse et la mort, le temps qui passe inexorable…Le cinéma d’Ozu est un miroir magique qui nous donne à voir notre humanité en ce qu’elle a de plus essentiel.
Une esthétique de la douceur
Mais son style tout en douceur invite à aller au-delà de l’attitude du spectateur passif. En réalité, l’envoûtement est tel que les films d’Ozu sont davantage une expérience de la contemplation, de la méditation sur le mystère, de la banalité et la grandeur du destin des hommes. Bien sûr la conception bouddhiste de la vacuité des choses, et de leur impermanence, n’est pas étrangère à son œuvre. Et pourtant, ce qui nous touche au plus profond, c’est la vibration des choses, la densité des êtres, la force expressive de chaque plan.
Chez Ozu, quand deux personnages dialoguent en champ-contre champ, chacun d’eux est face caméra, comme s’il s’adressait au spectateur. Nous sommes en quelque sorte immergés dans la situation. Puis d’autres plans ne filmeront qu’une pièce ou un couloir vide que les personnages viennent de traverser. Ou un immeuble, un train qui passe, une cheminée qui fume… Et ce vide est tout vibrant d’humanité. Exactement comme dans le jardin Zen du Ryoanji à Kyoto (quelques rochers sur une cour de graviers) on peut sentir vibrer l’univers dans toute son étendue spatiale et temporelle.
Ozu, une leçon de cinéma
Pour qui voudrait apprendre ce qu’est le cinéma, les films d’Ozu sont une leçon. On y comprend comment chaque plan éclaire celui qui le précède et celui qui le suit, on saisit toute l’importance du rythme et de la durée, on comprend le rôle des absences et des silences.
Ici le respect est total. Pas de suspens, pas de violence, pas de sexe, pas de numéro d’acteur, pas de mouvements de caméra, aucune ficelle pour tirer à soi le spectateur. Juste le partage d’un regard et une tension émotionnelle qui court tout au long de l’histoire.
Comme Ozu ne triche pas nous le suivons avec confiance et la poésie émerge, l’humanité se fait évidence et nous sommes cueillis par l’émotion, émotion parfois proche d’une illumination et que transmet si puissamment le regard d’une infinie douceur de son actrice fétiche Setsuko hara.
Le seul problème avec Ozu c’est que, s’il vous touche, vous voudrez voir tous ses films, il y aura peut-être même une période où vous ne supporterez rien d’autre, et dans tous les cas il fera de vous un spectateur plus exigeant.
Le cinéma d’Ozu nous apprend à voir le cinéma, mais aussi le monde et les êtres qui nous entourent.
La mort à soixante ans
A noter que sur les cinq films proposés il en est un qu’il est moins nécessaire de voir pour une découverte d’Ozu, qui est une pure et savoureuse comédie: Bonjour.
Les quatre autres sont tous d’indispensables chefs d’œuvre, dont sa dernière et inoubliable création, Le goût du saké, sortie en 1963 un mois avant son décès le jour de ses 60 ans.
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