La défense de Bernard Preynat avait demandé un report mais Grâce à Dieu, le dernier né de François Ozon, a été autorisé à sortir en salles, ce mercredi 20 février. Le procès du prêtre accusé d’agressions sexuelles, dont parle le film, n’a pourtant pas encore eu lieu. Le réalisateur de Huit femmes s’en est chargé…
On met au défi quiconque de reconnaître « à l’aveugle » un film de François Ozon. Les uns diront alors qu’il est protéiforme, les autres qu’il n’a pas d’univers singulier. Tout le monde s’accordera pour affirmer qu’il a « la carte », comme disait Jean-Pierre Marielle, c’est-à-dire qu’il bénéficie de fait d’une sorte d’indulgence à vie et d’une assurance tous risques. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il en use et abuse avec son nouveau film en forme de procès de monseigneur Barbarin sur grand écran.
Amen.
Or, son film, absolument et sans nuances, à charge, sera sur les écrans trois semaines avant le prononcé du jugement qui fait suite au procès bien réel qui a eu lieu en janvier. Des esprits chafouins s’étonneront que le cinéma puisse ainsi pulvériser la présomption d’innocence (tous les noms sont cités dans le film qui se pare de toutes les qualités du « réalisme », lequel en matière judiciaire a conduit au pire comme au meilleur). On s’en étonnera d’autant plus que le procès du prêtre accusé de pédophilie n’a toujours pas eu lieu. Cette chronologie est étrange et la sortie du film accentue cette étrangeté au-delà du raisonnable.
A quoi sert Grâce à Dieu ?
Que vient faire et dire ce film, alors que rien n’est définitivement jugé ? À quoi sert ce protocole compassionnel sans recul quand la justice n’a pas encore dit le droit ? Quel est donc ce cinéma procureur qui se transforme en lourde machine accusatrice ? Il semble qu’à l’origine, Ozon voulait faire un documentaire, il aurait mieux fait de s’en tenir à cette ligne. Cette vraie-fausse fiction laisse, elle, un goût amer de manipulation dans la bouche, en dépit d’une impeccable distribution.