Contre toute attente, Kathleen Stock, « transphobe » britannique notoire, a finalement pu débattre à Oxford le 30 mai. Ses adversaires assurent, le cœur sur la main, que la cancel culture n’empêche personne de parler…
Théâtre d’affrontements réguliers dans la guerre culturelle qui secoue le monde anglo-saxon, l’université d’Oxford a, le 30 mai, accueilli Kathleen Stock, une professeure jugée transphobe par les extrémistes de l’idéologie de genre. Mme Stock avait été invitée pour parler de la question du sexe et du genre, non par l’université elle-même, mais par la Oxford Union, un club de débats indépendant de l’université mais dont beaucoup d’étudiants sont membres. Le club a ses propres locaux comprenant une chambre des débats qui ressemble à celle des Communes à Westminster. En avril, l’association LGBTQ+ des étudiants s’était opposée à la venue de Mme Stock sur leur campus, en exigeant qu’elle soit « de-platformed » ou privée de l’opportunité de parler en public. En réponse, 44 universitaires ont adressé une lettre au Daily Telegraph le 16 mai, pour défendre le droit de l’universitaire à venir exposer ses opinions.
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Kathleen Stock elle-même n’est pas exactement l’idéal type de l’universitaire réactionnaire. Féministe, homosexuelle, elle se trouve bien malgré elle au cœur d’un scandale politique. Son tort ? Avoir soutenu que le sexe biologique chez l’être humain est non seulement réel mais aussi socialement et juridiquement prescripteur. Loin d’être une pure contingence dont il faudrait s’affranchir, il marque notre chair comme notre condition sociale et notre parcours de vie. Elle défend aussi le droit des femmes à disposer d’espaces réservés – en particulier dans les vestiaires, les toilettes, les prisons ou les compétitions sportives. La lettre des Universitaires rappelle que « jusque récemment, une telle conception était si ordinaire qu’elle ne valait pas la peine d’être défendue » mais qu’elle est aujourd’hui en dehors des clous de la liberté académique. Sous pression, Kathleen Stock avait déjà dû démissionner en 2021 alors qu’elle occupait un poste à l’université du Sussex. Des manifestations d’étudiants et des tags réclamaient son renvoi. Son procès rappelle celui fait à J. K. Rowling mise au banc pour sa supposée « transphobie ». Si ces polémiques ne sont pas nouvelles, la réaction des universitaires est assez inédite. Des enseignants de toutes tendances politiques – conservateurs ou progressistes – défendent désormais la liberté académique et le débat d’idées et esquissent, face au wokisme, des coalitions inédites.
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La veille de l’événement, Stock a reçu un soutien inattendu – et de taille. Le Premier ministre lui-même, Rishi Sunak, a déclaré que « les étudiants devraient avoir l’opportunité d’écouter ses opinions et d’en débattre ». Néanmoins, la conférencière a dû arriver à l’Union sous l’escorte d’une équipe de sécurité, pendant que 200 manifestants protestaient devant le bâtiment. À l’intérieur, un étudiant « non-binaire », affichant les pronoms neutres, « they / them », a collé sa main sur le plancher devant l’estrade où Mme Stock devait parler. Elle arborait un t-shirt avec le slogan « PLUS DE DÉCÈS DE GOSSES TRANS ». Des policiers sont arrivés avec un dissolvant pour l’emmener au poste. Selon le compte-rendu publié par Mme Stock elle-même, le débat a été assez ouvert et la plupart des étudiants présents semblaient, soit opposés aux doctrines des extrémistes, soit lassés d’être pris en otage par une minorité fanatisée. Si Mme Stock est l’objet de tellement de haine, c’est parce qu’elle est calme et raisonnable, et son discours fondé sur des arguments clairement et patiemment exposés. Voilà de quoi faire rager des énergumènes irrationnels.
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