Je ne sais plus très bien comment cette histoire a commencé. Personne ne le sait plus vraiment au demeurant. Tout s’est passé si vite quand Jean-Paul Huchon a convoqué la presse parisienne et ses arrière-bans pour faire le plus déroutant des coming out.
Son teint rose pâlissait sous la sueur quand il annonça tout de go : « Je suis antillais. Je suis le président d’une île. Et l’Ile de France, ça n’est pas rien : le coût de la vie y est plus cher que dans le Larzac. C’est la faute à la métropole. » Reprenant son souffle, il garda plusieurs secondes un silence qui lui convenait fort bien avant d’enchaîner : « Je suis non seulement antillais, mais je suis noir aussi. Complètement. » Mouvement imperceptible d’émotion, larmes aux yeux, souvenirs du commerce triangulaire de sinistre mémoire. La salle de presse de la Région Ile-de-France se vida avant que Jean-Paul Huchon pût montrer aux téméraires qui s’étaient avisés de rester quels étaient les attributs de sa néo-négritude.
Le lendemain, certains étaient encore bouche bée quand un fil de l’AFP tomba : Martine Aubry venait de confier au Courrier picard qu’elle s’appelait Raymond, qu’elle venait d’une tribu indienne et qu’elle avait été élevée à Lille par un couple qui avait décidé de lui donner le nom de Pocahontas. La réplique ne se fit pas attendre : Voici publia aussitôt un entretien exclusif avec Ségolène Royal disant qu’elle était de toute façon hyper participative. Et pas que là. A droite, Roselyne Bachelot déclarait au même moment : « Je suis une femme », mais personne ne prêta la moindre attention à ses élucubrations, qui furent, il faut le dire, vite occultées par la cérémonie de pacs entre Alain Juppé et Noël Mamère. Christian Vanneste pleura beaucoup : « Un si beau chauve, un si beau chauve avec un moustachu. »
A l’Elysée, Nicolas Sarkozy annonçait dans la foulée qu’Angela Merkel et Taro Aso quittaient le G8, permettant aux six membres restant de réaliser l’un des plus vieux rêves de l’humanité[1. Henri Guaino avait écrit le discours.] : reconstituer les Village People.
Jean-Luc Mélenchon eut beau avouer ses penchants pour les hommes à gros sourcils « du genre Emmanuelli », la presse préféra croire Olivier Besancenot lorsqu’il déclara reluquer les vieux et être à la colle depuis cinq ans avec Alain Krivine. Quant à Laurence Parisot, on le savait, mais elle sauta sur l’occasion pour rendre la chose publique : « Laguillier me fait chauffer le CAC40. »
Plus rien ne restait vraiment de la République. L’affaire culmina lorsque Jean-François Kahn annonça lui-même qu’il n’avait jamais été patron de presse, mais transformiste : depuis 1975, il jouait le sosie de Marie-George Buffet chez Michou.
Et puis vint l’ultime saillie, provocante et libératrice : Bertrand Delanoë avoua qu’il en pinçait pour Françoise de Panafieu, tandis que Roger Karoutchi disait de Rachida Dati : « Quelle belle femme. » Les deux furent heureusement conduits à l’hôpital Sainte-Anne dans la rue du même nom. Et comme Jean-Luc Romero traînait par là, ils y eurent une belle fin de vie. Rapide et digne. Bien entendu, Marc Cohen vint leur tenir la main, uniquement pour toucher les 49 euros prévus par la loi. Fois deux, ça ne se refuse pas. Mais le bougre les but si vite[2. En Havane Club 3 ans d’âge.] qu’on en oublia rapidement toute cette ténébreuse affaire.
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