Les problèmes actuels de la France ont pour la plupart des origines dans le domaine économique. Et pourtant, on parle très peu d’économie dans cette campagne électorale, et quand on le fait, c’est en faisant preuve d’une grande ignorance du sujet, surtout de la microéconomie… Ah si seulement ceux qui s’y connaissaient parlaient haut et fort! Si seulement on les écoutait… Une tribune de Sophie de Menthon.
Cette guerre des clans, certes compréhensible, est une stupidité, surtout en ce moment. « Il ne faut pas parler aux cons, ça les instruit » disait Audiard, et cette répartie hilarante est devenue règle d’or ! La France est à l’image du banquet d’Astérix, c’est-à-dire une guérilla permanente qui fait tache d’huile. Les meilleurs amis ne se parlent plus, et les repas de famille sont à éviter avant le deuxième tour. Tous les commentaires de la presse ne font qu’empirer les choses. Tout contact est devenu le pseudo-signe d’un ralliement honteux. Quant au mouvement Ensemble pour la République, supposé fréquentable, il est l’objet de toutes les rancœurs haineuses.
Tous les patrons, entrepreneurs et représentants patronaux devraient parler et expliquer à tous les opposants les rudiments d’une économie « normale » et viable, avec ce qui est nécessaire à la survie des entreprises et donc d’une économie de croissance. Pourtant, la plupart d’entre eux se cachent en se pinçant le nez devant les médias, se contentant de chasser d’un geste de mépris les sorcières de l’extrémisme.
Il ne faut pas s’étonner que les courageux prêcheurs de l’économie de marché se dérobent au lieu d’aller expliquer ce qui ne va pas dans un programme politique démago et hors sol. Guettés par la presse, systématiquement suspectés de pactiser avec l’ennemi et de soutenir le parti auquel ils tentent d’expliquer les conséquences de ses largesses programmatiques, ils rasent les murs pour ne pas être cloués au pilori de la bien-pensance.
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La crise que nous vivons est largement due à une ignorance économique crasse. Il faudrait instruire les politiques de tous bords. À commencer par ceux sortis de l’ENA qui ne s’est apparemment jamais penchée sur la micro-économie. Les écoles de commerce évoluent un peu plus vite mais à peine, la macroéconomie étant seule digne d’estime, ce qui nous vaut bien des leçons d’économistes de plateaux TV. Ces derniers sont certes respectables mais ils ne parlent pas aux épiciers que sont les petits patrons. Ceux qui représentent l’État croient tout savoir et prennent des décisions sans jamais consulter le terrain, estimant que le fait de convoquer les « organisations syndicales représentatives » autour d’une table à Matignon suffit amplement. Aucun retour, aucune évaluation sur ce qui a été décidé, seul le constat d’échec final servira… et encore !
Ignorance et indifférence économiques se retrouvent à tous les niveaux de notre système d’éducation : écoles (ne parlons pas des manuels scolaires qui s’intéressent plus au droit de grève qu’aux conditions du succès entrepreneurial), facs, professeurs plutôt anticapitalistes, grandes écoles… Les stages sont la seule voie de sauvetage du malheureux étudiant. Les journalistes n’ont guère plus de culture économique et le peu qu’ils ont est mélangé avec des convictions de générosité sociale. Ajoutez à tout cela la culture de la gratuité : « C’est gratuit, c’est l’État qui paie » (François Hollande), ainsi que l’adage national préféré de la gauche dans son ensemble consistant à « prendre l’argent où il est », et enfin la conviction selon laquelle « quand il n’y a plus d’argent, il y en a encore », et vous obtenez une dette abyssale qui est à combler. En prenant aux riches, bien sûr !
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Rappel : c’est l’entreprise avec ses salariés qui finance tout, absolument tout ! Il y a donc bien quelqu’un qui paie !
Il faut expliquer, expliquer encore, faire l’éducation de ceux qui prétendent avoir la science infuse et oser rencontrer les responsables politiques qui veulent bien écouter et – pourquoi pas ? – faire modifier leurs promesses… Donner des chiffres à coups de milliards ne suffit pas lorsque l’ignorance règne.
Il faut donc entrer en résistance contre cet état de fait et, comme pendant la Résistance, sortir masqués pour parler à ceux qui imposeront les règles de marché de demain… On apprendra aussi peut-être que ceux qui briguent le pouvoir ne sont pas aussi infréquentables qu’on le dit, et sont souvent demandeurs ! Courage : ne fuyons pas !
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