Ils — ou plutôt, « elles » — étaient à peine nommées que les critiques ont fusé, particulièrement dans le milieu enseignant. Florilège de choses entendues par notre chroniqueur ou ses satellites.
« C’est du mépris pour les sportifs et du mépris pour les enseignants ! On n’a pas droit à un ministre à part entière ! Sophie Vénétitay [la secrétaire générale du SNES-FSU, très critique sur la nomination d’AOC, comme on l’appelle] a raison, on aura un ministre à mi-temps ! »
« Tu as vu ? Elle a scolarisé ses gosses dans le privé catho anti-homos, avec des classes non mixtes — c’est Mediapart qui le dit, ça doit être vrai ! »
« À Mediapart, sûr qu’ils inscrivent leurs enfants dans des écoles prolétariennes et socialement mixées… À Paris, ce n’est pas ce qui manque… »
« Ouais… Remarque, les enfants de Vallaud-Belkacem aussi ils étaient dans le privé… »
« Oui, mais elle, c’était pas pareil ! »
« Mais dis-moi, les tiens… »
« Oui, mais moi, c’est pas pareil ! »
« Tout ça sous prétexte que « Stan » était juste à côté de chez elle ! »
« Sous prétexte qu’ils font travailler leurs élèves ! pauvres gosses ! Obligés d’apprendre l’accord du participe passé… »
« Et sous prétexte que dans l’école publique où ils étaient inscrits précédemment, les enseignants étaient régulièrement absents ! »
« Sûr qu’elle est contre le droit de grève ! Eh bien, tiens, je vais faire toutes les grèves que lancera le syndicat ! »
« Sous prétexte qu’ils ne leur apprenaient rien ! Ça n’existe pas, des profs absents et pédagos ! »
« L’enseignement de l’ignorance », qu’il dit, l’autre ! »
« Ouais… La fabrique des crétins ! J’ai une tête à fabriquer des crétins ? Bon allez, j’y vais, il faut que je fasse ranger les tables en îlots pour que les élèves construisent leurs savoirs tout seuls… »
« Deux ministères ! Les Sports et l’Educ-Nat ! Tu sais ce que je crois ? Attal a chargé la barque pour qu’Amélie Oudéa-Castéra se plante. Pour qu’on dise : « Tu vois, les femmes, il ne faut pas trop leur en demander… » »
« Et puis… Deux ministères ! Moi, je n’arrive pas à gérer à la fois les Sixièmes et les Quatrièmes — et mes gosses… »
« Et Rachida Dati ! Ils n’auraient pas pu trouver quelqu’un qui appuie la culture de gauche ? J’sais pas, moi, Geoffroy de Lagasnerie, par exemple… Ou Edouard Louis… »
« Sa culture, c’est Louboutin ! Si encore elle portait des Doc Martens… »
« Dis-moi comment tu te chausses, je te dirai pour qui tu votes ! »
À ceci près qu’il n’y a plus depuis lurette de « culture de gauche ». Des cultureux, oui, des comédiens d’occasion qui se drapent dans des concepts wokistes pour faire croire qu’ils pensent, faute de savoir jouer. Depuis Malraux, qui a fait des étincelles à la Culture ? Quel homme de gauche, surtout ?
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Je garantis l’exactitude des propos cités plus haut. La nouvelle titulaire de l’Educ-Nat devrait se mettre au courant : tout ce qui dérange certains profs dans leur petit train-train ordinaire — ne pas faire grand-chose, sinon grève — est d’emblée rejeté par une profession qui se sent dégradée, humiliée, méprisée — à qui la faute ?
Il y a bien peu d’établissements socialement mixtes, à Paris. Le prix du m2 et des loyers a depuis lurette dissuadé les pauvres de rester dans la capitale. Serait-ce moins scandaleux si AOC avait inscrit ses enfants à Henri-IV ou Louis-le-Grand ? Ou dans une école Montessori — c’est privé et super cher, mais ça a une réputation pédagogique de gauche…
Ou au Lycée autogérée de Paris, qui dans le dernier indicateur publié de la valeur ajoutée des établissements arrive en toute dernière position, avec un indice de -39… Oui, mais ça, c’est de gauche ! Il est sidérant qu’un ministre se fasse flinguer avant même d’avoir mis un pied dans son ministère. Très probablement parce que c’est une femme, une ex-bonne élève qui a réussi de vrais concours, qui a travaillé avec succès dans le privé (l’horreur, pour certains profs !), et qui aux Sports a réussi en quelques mois à se débarrasser de dirigeants sportifs (Noël Le Graet, par exemple) qui ne faisant guère honneur à la discipline qu’ils représentaient. On tire à vue Rachida Dati parce qu’elle est bien habillée, on canarde Amélie Oudéa-Castéra parce qu’elle a fréquenté des établissements d’élite et veut le mieux pour ses enfants. J’espère que peu lui chaut : la bave des crapauds n’atteint pas la colombe.
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