L’enfer, c’est les autres. Quelle tannée de devoir discuter avec son prochain, respecter son opinion, voire le considérer d’égal à égal. Il est tellement plus simple et jouissif de l’ostraciser, surtout lorsqu’il trébuche sur les sentiers de la morale. À Causeur, nous prenons le chemin inverse et déclarons haut et fort : « Osez le pluralisme ! ».
Hélas, notre profession de foi ne fait pas l’unanimité. Un véritable « dégoût des autres » anime la frange la plus violente de nos contradicteurs, explique Elisabeth Lévy dans son introduction, revenant sur « le torrent de venin et la pluie acide de haine, relevés d’un pénible fumet scatologique, qui se sont déversés sur les malheureux signataires » de notre manifeste contre la pénalisation des clients de prostituées. Le mariage étant désormais pour tous, l’Etat a décidé de se mêler de nos affaires de dentelle. Malheur aux vaincus de l’histoire ! Les « cris et trépignements d’Osez le féminisme et Zéro macho « donnent une idée de l’avenir radieux dont ils rêvent et des méthodes qu’ils emploieront pour le faire advenir ». Défenseur de la prostitution libre, abjure ou tais-toi !
Tout en dialectique, Jean Michel Delacomptée décrypte la mutation des « libertaires de 68 » en « puritains de 2013 ». Il démonte la mécanique du « retournement de la liberté en son contraire », qui transforme les petits-neveux de Michel Foucault en héritiers de Raymond Marcellin. Dans le paradis sur terre qui vient, la prostitution, l’immoralité et l’injustice n’auront plus droit de cité : « on sera frères et sœurs, sans ombres et sans passé. On sera tout neufs. On sera purs. On s’ennuiera à mourir. » Ça donne envie ! Chantal Delsol perçoit carrément les signes annonciateurs d’une « guerre civile » dans les imprécations de ces « nouveaux inquisiteurs » doctrinaires de la lutte des sexes.
Interviewée par Elisabeth Lévy, Elisabeth Badinter lance un cri d’alarme dans nos colonnes face aux mutations néoféministes : adieu la femme héroïque, voici venue l’éternelle victime ! Les bigotes postmodernes font du client un salaud, l’incarnation du Mâle nuisible dont l’humanité devrait se délivrer… Claude Habib, elle, nous explique que « la prostitution offre une compensation imaginaire, une échappatoire pour éviter, mitiger ou voiler la dure hiérarchie des mâles entre eux ». Le trottoir est-il le plus court chemin entre Jean-Claude Dusse et Casanova ? En tout cas, d’après l’ancienne prostituée Emmanuelle, nous avions VU juste : pour combattre la prostitution forcée, il faut déployer des policiers sur les trottoirs, au lieu de taper le client au portefeuille.
Quant à Alain Finkielkraut, il explique pourquoi il n’a pas signé notre manifeste « Touche pas à ma pute ». La tartufferie des belles âmes a beau l’ulcérer, l’auteur de L’identité malheureuse ne se résout pas à user du possessif, et à abandonner les usages de la common decency, fût-ce au second degré. Qu’importe, Causeur a le désaccord cordial.
Mais nos plumes s’élancent, et la grande marmite de l’actualité bouillonne. Nos troupes s’apprêtent à débarquer en Centrafrique, cela conforte le Général Fleury, interviewé par Gil Mihaely, dans son diagnostic. D’après l’ancien conseiller militaire de François Mitterrand, l’armée française souffre des coupes claires dans le budget de la Défense. Faute de volonté politique, l’intendance ne suit pas, malgré la bravoure de nos soldats.
À quelques mois des municipales, Antoine Menusier a visité Béziers. Robert Ménard fait campagne dans cette ville ravagée par la crise où la guerre d’Algérie ne semble toujours pas digérée.
Un peu plus au nord, à l’hôtel Matignon, l’heure est à l’amusement. Jean-Marc Ayrault examine les propositions des groupes de travail sur l’intégration qu’il a nommés l’an dernier, nous apprend Malika Sorel. Au programme, une litanie de mesures pas piquées des hannetons : non contents de déloger la laïcité de l’école publique, nos créatifs technos veulent instaurer un délit de « harcèlement racial » (sic) et « contraindre à la non-désignation » ethnique. Par la grâce du « recours collectif », il sera bientôt interdit d’appeler un chat un chat, surtout s’il est « désigné » comme siamois ou persan.
N’oubliez pas les journaux d’Alain Finkielkraut et Basile de Koch, les chroniques de Roland Jaccard et Philippe Muray. Bref, à vous d’oser lire !
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