Céline Pina a lu l’édifiante enquête qui décrit les dérives provoquées par l’industrialisation de certains établissements pour personnes âgées dépendantes. Quand on laisse des groupes privés gérer les derniers jours de nos aînés comme on gère un supermarché, on déplore bien sûr l’appât du gain des industriels de l’or gris. Mais il faut surtout pointer du doigt le manque de contrôles des Agences Régionales de Santé, la première défaillance dans ce dossier.
Vous voulez figurer dans le palmarès Challenges des 500 plus grosses fortunes françaises? Devenez patron d’EHPAD [1]. Il y a rarement eu dans l’histoire économique de notre pays un secteur ayant engendré autant de multimillionnaires en si peu de temps. C’est le triste constat que fait Victor Castanet dans son livre Les fossoyeurs (Fayard) qui décortique les méthodes d’Orpea, un leader du secteur emblématique des abus que l’industrialisation de la gestion de nos aînés génère.
Ruée vers l’or gris
Comment transformer l’exploitation de la vieillesse en or gris? Qu’est-ce qui se cache comme réalités sordides, derrière la mise en avant de cette “silver économie”, autrement dit de la vieillesse présentée comme une opportunité financière? Chez Orpea, la recette du succès est aussi cynique qu’efficace : il s’agit de siphonner les pensions des retraités français et de tirer le maximum des subventions publiques, le tout en dégageant de solides dividendes grâce aux économies faites sur le dos des pensionnaires. On ajoute le non-respect du droit du travail et un syndicat maison pour empêcher toute révolte des employés et la boucle est bouclée.
Le groupe n’a pas peur d’être condamné aux prud’hommes, d’autant que la législation Macron qui limite les indemnités de licenciement le protège de dépenses excessives et lui permet d’intégrer le licenciement abusif dans sa stratégie de gestion…
Résultat: maltraitance et abus, mais aussi une « success story » en termes de business basée sur le fait de traiter des êtres humains comme des objets ou des marchandises. Un scandale qui pose la question de la délégation par l’État de la prise en charge de la vieillesse. Les fossoyeurs décrivent un monde où tout est calculé et rationné, des couches aux biscottes, et où l’on mégote sur les soins mais pas sur le suivi au jour le jour de l’optimisation des dépenses, le nouveau nom de l’organisation d’une
