Sept partis d’opposition en Afrique du Sud sont parvenus à un accord afin de former une coalition visant à battre l’African National Congress (ANC) aux prochaines élections générales prévues en 2024. Une alliance inédite et historique qui pourrait mettre fin à trois décennies de pouvoir sans conteste du parti de Nelson Mandela.
Trente ans après la chute du gouvernement de ségrégation raciale, l’Afrique du Sud est plongée dans une crise économique, sociale et politique qui perdure. Le bilan des héritiers de Nelson Mandela a désormais un goût amer pour des millions de Sud-africains. Miné par la corruption, jusqu’au plus haut sommet de l’État, le gouvernement de l’African National Congress pourrait potentiellement perdre le pouvoir aux prochaines élections législatives de 2024 et le céder à une nouvelle coalition inédite qui vient de se former. Le 17 août, après deux jours de réunions intenses, sept partis politiques se sont réunis et ont conjointement signé une « Charte multipartite pour l’Afrique du Sud » afin de mettre fin à l’hégémonie du parti du président Cyril Ramaphosa. Le professeur William Gumede, qui a présidé cette réunion, a déclaré que les partis se sont également entendus sur un partage du pouvoir, la nomination de personnes à des postes gouvernementaux et la structure d’un éventuel cabinet multipartite, en cas de victoire aux élections.
Une clique hétéroclite
Parmi cette nouvelle formation très hétéroclite, on trouve trois partis parlementaires (la Democratic Alliance qui a initié cette rencontre comme principal parti d’opposition ; le Freedom Front + qui milite pour l’établissement d’un volkstaat blanc ; l’Inkhata Freedom Party, ethniquement composé de Zoulous) et quatre partis mineurs (l’Action SA qui s’est récemment posée en « faiseur de rois » aux dernières élections municipales dans la province phare du Gauteng, le libéral-conservateur United Independent Movement, le Spectrum National Party multiconfessionnel et multiracial et l’Independent South African National Civic Organization dont le leader controversé a alimenté les chroniques judiciaires du pays). Un poids électoral non négligeable face à l’ANC, qui n’a cessé de perdre du terrain au fur et à mesure des scrutins qui se sont succédé.
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Face à la presse rassemblée à l’Emperor Hotel, à Kempton Park, le député, John Henry Steenhuisen, s’est dit satisfait par cet accord. Le leader de la DA a rappelé que c’était l’aboutissement d’un projet dans lequel « son parti s’était profondément investi » et a expliqué que cette nouvelle formation « allait apporter des solutions concrètes pour améliorer la vie des Sud-Africains » à travers un programme ambitieux résumé en seize points et « sauver leurs vies ». « Cela concerne l’Afrique du Sud et son peuple. Ce n’est pas un club de partis anti-gouvernementaux. La raison pour laquelle nous nous sommes réunis est bien plus importante. Nous ne détestons pas l’ANC, nous détestons ce qu’ils ont fait à l’Afrique du Sud » a précisé Velenkosini Hlabisa, président de l’IFP. « Je vois cela comme un nouveau changement pour l’Afrique du Sud qui va nous permettre de construire un meilleur avenir pour les générations futures » a même déclaré en anglais et en afrikaans le député Pieter Groenwald, leader du FF+.
Julius Malema mis à l’écart
La nouvelle coalition a rappelé qu’elle excluait tout accord avec le mouvement Economic Freedom Fighters (EFF). Troisième force politique d’Afrique du Sud, le parti est dirigé par Julius Malema, et est tristement célèbre pour ses provocations et incitations à la haine raciale qui s’étalent régulièrement dans les médias locaux. Lors de la dernière convention nationale du parti, M. Malema et ses partisans ont repris en cœur la chanson « Kill the Boer, Kill the Farmer » dont les paroles appellent au meurtre des Afrikaners. Réclamant l’expropriation de ces derniers de leurs terres sans la moindre compensation, l’ancien secrétaire de la ligue de jeunesse du Congrès national africain (ANCYL) a dénoncé un complot du « capital blanc ». « Chaque développement politique dans ce pays porte l’écriture des Oppenheimer [dynastie sud-africaine d’entrepreneurs miniers et de magnats du diamant -ndlr] derrière lui. Mais il y a une chose qu’ils ne contrôlent pas, c’est l’EFF. C’est ce qui leur donne des cauchemars. Je n’arrive pas à comprendre, je veux découvrir ce que nous avons fait de mal ! On entend parler d’un « moonshot pact » (du nom de l’accord en anglais-ndlr) entre différents partis. Je ne sais pas vraiment ce que cela sous-entend, mais ils peuvent bien aller sur la lune s’ils le souhaitent, nous préférons rester sur terre » a ironisé Julius Malema qui a également fait de la défaite de l’ANC son cheval de bataille…