Pas de fantôme à l’opéra


Pas de fantôme à l’opéra

opera niqab dubai

La pauvre ! On lui dit qu’à Paris se trouve un Opéra moins kitsch que celui de Doha et plus fini que celui de Dubaï, elle vient, et voilà qu’on la vire à l’entracte. Motif : une loi de 2011 qui interdit de se masquer dans l’espace public. Masque interdit à l’Opéra ! Casanova en aurait fait, une tête. On négocie pendant la pause ; la dame au niqab et son homme découvert, entre le tombé de voile et la porte, choisissent la porte.

Dommage pour eux. S’ils étaient restés, ils auraient vu ce qui attend la dévoyée, en italien « traviata ». Elle meurt à la fin. L’Opéra Bastille est une maison honnête.

Dommage pour nous. Pas de préférence morale ou nationale ici. Qui a inventé l’opéra français ? Lulli, un pédéraste italien. Qui a mis en partitions le fol esprit de Paris ? Offenbach, un juif allemand. À l’Opéra, on chante dans toutes les langues, les artistes arrivent de loin et le public adore les déguisements.

D’ailleurs on avait de quoi se réjouir. Prenez Salzbourg. L’été, à Salzbourg, village cossu où Autrichiens et Bavarois viennent fêter dans la soie la grande musique et les grands textes, vous croisez plein de familles du Golfe, garçons en Nike devant, filles en hijab derrière. Mais le soir, au concert ou à l’Opéra, quand le joli monde exhibe ses smokings, ses culottes de peau (qu’est-ce que c’est cher, ces machins de la campagne !), ses kilts, ses saris, ses kimonos et ses faux Dior de chez Gribha, pschitt, plus un hijab à l’horizon. L’émir et Mesdames font 4 000 kilomètres pour respirer l’air moite de Salzbourg sans même tendre une oreille à Mozart. Multiculti de la rue, apartheid de l’art. Tandis que ce 3 octobre à la Bastille, non seulement nos camarades persiques voulaient goûter notre expertise, mais en couple encore. Monsieur et Madame communiaient dans le froufrou romantique avec énorme lit, ballet transsexuel et contre-mi bémol. Quand on se souvient de ce journal italien où l’ayatollah Khomeiny déclarait que « votre musique n’éveille pas l’esprit, elle l’endort, ce poison détruit notre jeunesse, qui ne se soucie plus de sa propre nation », on pourrait quand même se réjouir de pareilles victoires. Les encourager, elles sont rares !

Mais voilà. Au lieu d’aller comme toutes les huiles étendre leur linge au rang 15, ou soustraire leur péché aux yeux d’Allah dans les étages, ces deux andouilles d’esthètes se sont royalement installés au rang 1. Oui, rang 1, pile derrière le chef d’orchestre, mon niqab superstar, le spectacle dans la salle. La caméra de contrôle braquée sur le maestro ne voyait qu’eux. Le chœur en a fait une jaunisse, quelques-uns voulaient interrompre. Et voilà nos amis, avec qui nous étions si fiers de pactiser dans le stupre jovial de La Traviata, poussés par la loi au dilemme cornélien : quitter la tradition ou quitter la salle – « sans heurt », nous a dit le patron.

Si ça se trouve, ils venaient prendre la température avant de racheter la bâtisse. On a vraiment loupé une occase.

L’histoire ne dit pas s’ils sont allés voir L’Enlèvement au sérail, dont la première avait lieu quinze jours plus tard. Peu probable, hélas !

*Image : Soleil.



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