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De la littérature à l’opéra: tout doit disparaître

Les dernières exactions commises au nom de la diversité dans le secteur de la culture


De la littérature à l’opéra: tout doit disparaître
Roselyne Bachelot entourée de l'Allemand Alexander Neef (à gauche avec des lunettes), nouveau directeur de l'Opéra de Paris, et de son prédécesseur Stéphane Lissner, 1 septembre 2020 © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22488724_000005

À Paris, à Londres, à Berlin, à Buffalo ou à New-York, le parti « effaciste » revisite les œuvres classiques pour les mettre au diapason de l’idéologie diversitaire. Un public « éveillé » semble s’en satisfaire.


Dans un récent rapport sur La diversité à l’Opéra national de Paris, on pouvait lire, entre autres bêtises, que la « danse chinoise et la danse arabe de Casse-Noisette » relevaient d’une « racialisation ». Alexander Neef, le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, annonçait alors que « certaines œuvres [dont Le Lac des cygnes et Casse-Noisette] vont sans doute disparaître du répertoire » [1]. En Écosse, les responsables du Scottish Ballet ont décidé, dans un bel élan wokiste, de « supprimer des éléments de caricatures qui véhiculent des stéréotypes racistes » dans les danses chinoise, arabe et espagnole de l’opéra de Tchaïkovski. Le même Scottish Ballet avait déjà battu sa coulpe en octobre 2020 dans une tribune hallucinante (“Black Lives Matter, comment le Scottish Ballet s’attaque à l’antiracisme dans le ballet[2]) dont l’extrait qui suit reflète la quintessence du wokisme actuel :

Un certain public se satisfait de cet état de fait : moutonnier et finalement tout fier de frotter sa mauvaise conscience élitiste à la rebellitude soi-disant dérangeante des minorités diversitaires…

« Le ballet classique et l’accès à la formation d’élite ont inclus le racisme : en reproduisant des stéréotypes raciaux (Casse-Noisette et Petrouchka ne sont que quelques exemples), en mettant l’accent sur et en promouvant l’esthétique des danseurs blancs à travers des chaussures roses, des costumes et des coiffures, tout en exotisant et en exploitant les danseurs noirs et asiatiques pour “cocher la case” de la diversité. En scrutant notre propre histoire, en comprenant et en acceptant les manières dont le Scottish Ballet a participé et bénéficié du racisme institutionnel et systémique, nous espérons encourager les autres à faire de même. »

Entrez dans la danse…

Et malheureusement, les autres font effectivement de même : tandis que le Royal Ballet a remplacé les trois ballerines de la danse arabe par un duo homme/femme afin de « créer un environnement inclusif pour les artistes et le public », le Staatballet de Berlin a décidé de retirer purement et simplement Casse-Noisette de sa programmation hivernale. Quant au ballet Don Quichotte, les représentants de l’Opéra de Berlin discutent encore avec les communautés Roms pour savoir si les Danses des Gitans de l’acte 2 doivent être ou non amendées.

A lire aussi, Emmanuel Dupuy: “A l’opéra, c’est la couleur de la voix qui compte, pas celle de la peau”

Si vous appréciez les opéras les plus prestigieux, dépêchez-vous de faire l’acquisition des excellents DVD qui les montrent encore dans leur originelle beauté avant qu’ils ne soient brutalement retirés de la circulation. Comme le proclament les hérauts de la cancel culture devant les rayons de plus en plus vides de l’art musical ou littéraire : Tout doit disparaître ! L’Opéra londonien a supprimé l’utilisation du maquillage noir, considéré comme un blackface, dans Othello. Le compositeur sino-américain Bright Sheng a eu le malheur de montrer à ses étudiants de l’université du Michigan un extrait d’Othello incarné en 1965 par un Laurence Olivier maquillé : plainte des étudiants noirs, excuses du compositeur contraint de démissionner. Les personnages de Turandot Ping, Pang et Pong s’appellent maintenant… Jim, Bob et Bill, grâce au « comité pour l’équité, la diversité et l’inclusion » de l’opéra de Toronto dont se sont sûrement inspirés Pap NDiaye et consorts pour rédiger le fameux rapport sur l’Opéra de Paris dans lequel ils préconisent entre autres de « repenser l’unité chromatique » en favorisant « la diversité mélanique ». Qu’en termes galants ce racisme-là est dit.

L’historien Pap Ndiaye, spécialiste des « minorités », est un des principaux relais de la folie racialiste dans le monde de la culture française © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00592566_000021.

Voyez comme on danse…

Dans le dernier numéro de la revue Diapason (n° 706), Ivan A. Alexandre rappelle dans un article intitulé “Le parti effaciste” les dernières exactions commises au nom de la diversité. Nombre d’institutions anglo-saxonnes se flagellent et s’agenouillent devant les troupes racialistes. Le sommet est atteint par Anthony Tommasini, critique musical du New York Times, demandant que les candidats-musiciens ne soient plus auditionnés derrière un paravent (ce qui évitait les éventuelles discriminations sexuelles ou raciales) afin d’accélérer « l’inclusion de musiciens racisés » (ce qui engendrera une discrimination en fonction de la couleur de peau – le blanc devenant rhédibitoire). L’orchestre de Buffalo n’a pas hésité il y a deux mois à décrire les candidats idéaux au poste de chef-assistant qui doivent être « membres de groupes historiquement sous-représentés dans les orchestres américains, […] les Afro-américains, les Hispaniques, les Amérindiens ». Out les Blancs mais aussi les musiciens américains d’origine asiatique. Quant aux dirigeants de l’English Touring Opera, ils ont déclaré il y a peu vouloir « donné la priorité à l’accroissement de la diversité » au sein de leur orchestre et ont conséquemment refusé de renouveler le contrat de quatorze de leurs musiciens au seul motif qu’ils sont… blancs.

A lire aussi, Philippe Bilger: English Touring Opera: l’injonction à la diversité

Comment en sommes-nous arrivés là ? questionne Ivan A. Alexandre. Par lâcheté, par absence de confiance en nous, par acceptation des condamnations “colonialistes” et racistes ridicules mais répétées avec suffisamment de vigueur pour que cela nous gêne aux entournures, répond-il en substance. Les cours d’éducation musicale à l’école se bornant maintenant à faire écouter aux élèves les mêmes “musiques” que celles qu’ils écoutent toute la journée sur des sites rappeux, la musique classique connaît finalement le même sort que la littérature classique, et pour les mêmes raisons wokistes : représentant un monde soi-disant raciste, sexiste, suprémaciste, colonialiste, élitiste, il a été décidé qu’elle devait être soit ignorée, soit “déconstruite” à l’aune des idéologies les plus délirantes.

Qui parle perd sa place

Quelques voix s’élèvent, en particulier celle de la violoniste Zhang Zhang, dont la famille a eu maille à partir avec les prédécesseurs historiques des wokistes, les Gardes Rouges de la précédente révolution culturelle. Malheureusement, regrette Ivan A. Alexandre, les plus grands de nos chefs d’orchestre restent désespérément muets. Quant aux musiciens, administrateurs, chanteurs, etc., c’est le « silence complet. Qui parle perd sa place. »

A lire aussi, Zhang Zhang: Les petits « gardes rouges » version Playmobil des réseaux sociaux ne m’impressionnent pas!

Ajoutons qu’un certain public se satisfait de cet état de fait : moutonnier et finalement tout fier de frotter sa mauvaise conscience élitiste à la rebellitude soi-disant dérangeante des minorités diversitaires, il suit le mouvement et y trouve son compte, heureux de “dépoussiérer” des œuvres qu’il trouve un peu vieillottes, un peu datées, et des mises en scène qu’ils jugent trop conformistes. Un certain public a décidé qu’il était moderne, rebelle, jeune d’esprit et de cœur, antiraciste et féministe. Ce public-là avait déjà hautement apprécié quelques mises en scène grand-guignolesques et vulgaires qu’il avait trouvé stupéfiantes, révolutionnaires ou subversives. Des spectacles revisités et rajeunis comme il l’est lui-même par la chirurgie esthético-progressiste le ravissent. Si ce public-là n’existait pas les opéras seraient vides certains soirs de représentations transformées en libelles identitaires et diversitaires. « Le mensonge s’installe, la laideur se répand, l’art est en train de perdre la bataille », écrit Alain Finkielkraut dans son dernier livre [3].

Et, pour le moment, on voit mal ce qui pourrait contredire ce funeste constat.


[1] Dans Le Magazine du Monde, décembre 2021: « Certaines œuvres vont sans doute disparaître du répertoire, confirme Alexander Neef. Mais ça ne suffira pas. Supprimer ne sert à rien si on ne tire pas les leçons de l’histoire. Pour réussir une rénovation profonde, pour que dans dix ans, les minorités soient mieux représentées à l’Opéra, il fallait une vraie réflexion. Je l’ai confiée à des personnalités extérieures dans un souci d’objectivité accrue, d’une plus grande liberté de parole. » L’Opéra de Paris rétropédalera 48 heures plus tard, regrettant une juxtaposition malencontreuse dans le texte.

[2] https://www.scottishballet.co.uk/articles/how-scottish-ballet-is-addressing-anti-racism-in-ballet

[3] L’après littérature (lire ici la critique de Bérénice Levet)

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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