Présent en compétition au Festival de Cannes, le nouveau film de Nicolas Winding Refn, réalisateur de la trilogie Pusher, du Guerrier silencieux et de Drive, succès critique et branché de l’année 2011, n’a reçu aucun prix. L’accueil du film par la presse enthousiaste a été suivi d’un différent sur son interdiction aux moins de 12 ou de 16 ans entre Ségolène Royal et Aurélie Filippetti. Le film avait d’abord reçu une interdiction aux moins de 16 ans, qui, sur demande du distributeur, a été revue à la baisse par l’assemblée plénière de la Commission de classification des œuvres cinématographiques. Ségolène Royal s’est élevée à juste titre contre cette décision : « Si les producteurs veulent des films toutes familles, qu’ils fassent des films visibles par toutes les familles. On ne peut pas à la fois faire les bénéfices liés à des films familiaux et en même temps polluer les jeunes avec des scènes d’extrême violence » a argumenté Ségolène Royal[1. Ségolène Royal n’a jamais affirmé qu’il ne fallait absolument produire que des films familiaux pour tous, elle rappelle juste que la violence n’est pas bonne à tout âge. Personnellement, je serais pour une interdiction du film aux moins de 18 ans !]. La ministre de la culture a donné raison aux membres de la commission de classification dont elle fait partie.
Autant le dire tout de suite, Only God Forgives n’est pas un chef d’œuvre, ni même un grand film. Il appartient à cette dérive contemporaine du cinéma d’auteur où le metteur en scène pense que l’on peut faire une œuvre d’art en additionnant un acteur beau gosse et barbu (Ryan Gosling) et un acteur asiatique énigmatique (Vithaya Pansringarm) qui jouent à minima, une actrice célèbre, Kristin Scott Thomas dans un rôle de mère en contre emploi d’un ridicule pathétique et outrancier. Ajoutez une photographie où les lumières bleues, rouges ou verdâtres tirent le film vers une esthétique publicitaire ; une bande son entre rock et électro dont le volume aboutit à l’anéantissement sensoriel du spectateur. Le cinéma de Nicolas Winding Refn est un maniériste, pompeux, boursouflé teinté ici et là de référence à Lynch, Cronenberg, dont il n’a pas le centième du talent et à Tarantino dont il partage le goût pour la violence gratuite.
Le film se déroule en Thaïlande et nous conte l’histoire de deux frères, Julian et Billy, qui, sous couvert de l’exploitation d’un club de boxe thaï se livrent au trafic de stupéfiants. Billy pervers violent est tué par le père de l’adolescente qu’il a violée et sauvagement assassinée.
La mère des deux garçons, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré. Écumante de rage et ivre de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Il doit alors affronter le mystérieux Chang.
Le film est un déchaînement de violences inouïes en tous genres : coups de poings et de pieds; jets d’huile chaude projetée au visage ; couteaux, pics, lames de calibres divers enfoncés dans les bras, cuisses, yeux, oreilles ; sabre coupant mains et bras ou éventrant de bas en haut des gangsters et la mère des deux frères, manié d’une main de maître par un policier impassible et vengeur – sans doute le dieu censé pardonner du titre – d’une cruauté sans limite. Le cinéaste danois filme ces scènes avec une complaisance jouissive et un voyeurisme malsain, et ne s’embarrasse jamais de morale. Son film est un concentré de violences gratuites d’essence fascisante, une enfilade de clichés sur la Thaïlande, bref, un thriller mode d’une intense vacuité.
Only Gods Forgive. Un film de Nicolas Winding Refn
Etats-Unis – 2013 –– 1h30 – V.O.S.T.F.
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