Onfray, encore un effort pour être islamophobe!


Onfray, encore un effort pour être islamophobe!
Michel Onfray. Sipa. Numéro de reportage : 00722141_000088
Michel Onfray. Sipa. Numéro de reportage : 00722141_000088

>>> Lire ici le premier volet de l’article de Kostas Mavrakis

Onfray en a particulièrement après le christianisme, ce qui l’incite à le mettre sur le même plan que les autres monothéismes. Pour cela, il lui faut accuser les Evangiles de prôner la violence autant que l’islam. Notre philosophe ne recule pas devant cette gageure mais il manque d’arguments à moins de considérer comme tels deux ou trois citations interprétées à tort et à travers.

Pauvres marchands du Temple

Il évoque  d’abord celle où Jésus chasse les marchands du Temple à coups de fouet sans comprendre que ce passage ne saurait être pris au pied de la lettre. Imagine-t-on un homme seul vidant une immense esplanade où se presse une foule de vendeurs et d’acheteurs ? Dans l’Evangile selon Saint Matthieu, il n’est d’ailleurs pas question de fouet ni d’aucune violence précise contre des personnes. Jésus renverse les tables de quelques changeurs en leur reprochant de ne pas respecter le Temple de son père,  lieu de prière.

L’anecdote met en exergue l’hostilité de Jésus aux activités chrématistiques et à la domination de l’argent. Onfray ne les exècre pas moins (cf. p. 56). S’il avait été un contemporain de Jésus, il aurait applaudi son geste comme il l’a fait sûrement pour le mouvement Occupy Wall Street. Une autre citation à laquelle Onfray n’a rien compris est celle qui fait dire à Jésus « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ». Il suffit de lire la suite du texte  pour comprendre que « glaive » est une métaphore. Jésus annonce que son message divisera les familles et y suscitera des querelles. Qu’on pense à la fameuse caricature de Caran d’Ache. Ceux qui proclament la vérité sont toujours source de dissensions. Onfray commet aussi une étrange méprise dans sa lecture de Saint Paul, déclarant : « Il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu » (Romains 13, 1). Dans le contexte de l’époque, cela signifiait qu’il ne fallait pas se rebeller contre l’Empire. Cependant cette parole, qui prône la non-violence face à la violence de l’Etat, n’empêche pas Dieu de décerner aux martyrs les lauriers de la victoire. Onfray comprend le contraire. Pour lui, Saint Paul veut imposer un système théocratique dans lequel le pouvoir est exercé par le représentant de Dieu. Or notre philosophe sait très bien qu’en deux occasions Jésus-Christ innova par rapport au judaïsme en rejetant la théocratie. N’a-t-il pas dit  : 1) « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu » ? 2) « Mon royaume n’est pas de ce monde » ?

Nous sommes en guerre

En matière de déprédations aux dépens du patrimoine de l’humanité et de violences de toutes sortes, Onfray renvoie dos-à-dos les djihadistes et les Américains (p. 75). Que dis-je, sa condamnation de ces derniers est plus sévère car ils n’étalent pas sur Internet les effets de leurs bombardements. On peut voir les choses autrement. Les islamistes de l’EI diffusent les images de leurs atrocités et actes de vandalisme parce qu’ils en sont fiers. C’est en cela que consiste leur barbarie. Les Occidentaux sont plus discrets. L’hypocrisie des uns et le cynisme des autres sont significatifs. Pour qu’il y ait hommage du vice à la vertu, il faut qu’on puisse les distinguer. Les djihadistes, abomination à l’état pur, ne s’en soucient pas.

Onfray s’étonne que la classe politique et les médias portent sur l’islam un jugement positif alors même qu’ils justifient les bombardements par lesquels ses adeptes seraient massacrés (p. 16). Cela s’explique pourtant si l’on songe qu’en France, les populations musulmanes sont présumées de facto non violentes, alors qu’en Afghanistan, en Irak, au Mali nous combattons des djihadistes armés. L’expérience montrant  que les individus passent instantanément de la catégorie pacifique à la catégorie belliqueuse, la prudence exige que, dans les pays où les djihadistes opèrent ouvertement, on prenne le risque de tuer des personnes dont la culpabilité n’a pas été démontrée devant un tribunal et dans les formes juridiques. En cas de guerre, l’usage veut qu’on se dispense de ces précautions envers les ennemis. Or nous sommes en guerre, selon le président de la République.

Onfray s’inquiète pour la civilisation européenne qu’il voit sur le déclin non pas pour les raisons véritables, telles que les méfaits du nihilisme et du matérialisme ou encore de  l’ostracisme qui pèse sur l’art remplacé par le non-art  mais pour de fausses raisons, à savoir la montée du djihadisme. Il s’imagine que se délecter à couper des têtes, à commettre toutes sortes de cruautés, et s’en vanter sans vergogne est une preuve de force. Il répète avec insistance que « l’Europe montre les signes de la décadence » (p. 56) qu’elle est « en phase d’effondrement […] face à la guerre qui lui a été déclarée au nom de valeurs qui ne sont pas les siennes » (p. 55). Or les valeurs qui sont les nôtres, Onfray et ses pareils refusent de les défendre. Ils laissant le terrain libre à l’islam et ne lui opposent que le néant.

La vengeance du djihad masqué

« Si en territoire français le danger du terrorisme islamique existe, nous dit Onfray, […] c’est parce que ceux que nous avons agressés hier ripostent aujourd’hui à notre agression » (p. 17) ce qui est, en un certain sens, légitime (p 18). Cette thèse, Onfray la répète encore sans la moindre nuance. « L’agresseur ce fut l’Occident » (p. 110). Il y a cependant une logique dans cette aberration. Elle tient à un mot emprunté aux islamistes intégristes, partisans du califat. C’est le mot « Oumma » qui désigne la communauté des croyants. Pour ces fanatiques, on n’est pas égyptien, syrien, marocain, etc. On est musulman, point. En faisant sienne cette idéologie, Onfray peut identifier les nomades du Sahel aux habitants des banlieues parisiennes ou bruxelloises. Riposter aux terroristes qui opèrent aux abords du Sahara, chercher à neutraliser l’assassin Belmokhtar, ce serait attaquer nos voisins de palier, toucher « à nos potes ». La question de savoir qui a commencé porte sur l’origine et n’a pas beaucoup de sens. Mais si Onfray veut absolument la poser, la réponse qui s’impose désigne  l’islam. Il faut être deux pour qu’il y ait conflit et ce monothéisme est le dernier venu. A propos de la même question, on parle beaucoup des croisades. Elles furent une riposte aux conquêtes musulmanes et leur but était de protéger les pèlerins chrétiens rançonnés ou même tués par les tribus bédouines. On oublie aussi que le Khalife Hakim a détruit deux fois l’église du Saint-Sépulcre.

Si on veut distribuer les responsabilités sans remonter au déluge, il suffit de noter la chronologie des événements. Prenons la vague d’attentats de 1994-1996. Khaled Kelkal et ses amis qui ont tué 8 innocents ripostaient-ils à une agression française ? Les sept moines de Tibérine avaient-ils participé à une agression contre l’Algérie ? Les soixante touristes abattus à Louxor en Egypte étaient-ils des agresseurs ? Les centaines de morts à Naîrobi et Dar-es-Salam étaient-ils coupables de quoi que ce soit ? Ces crimes et tant d’autres, montrent que la faute pèse entièrement sur les djihadistes et non sur la « politique néocoloniale et islamophobe » de la France « alignée sur les positions des Etats-Unis » (p. 114). L’agresseur fut l’Occident, insiste Onfray (p. 110) et la date de cette agression est 1990 quand Bush invente la possession par l’Irak d’armes de destruction massive. Du coup, voilà l’occupation du Koweït passée à la trappe ! Onfray oublie en outre que les armes de destruction massive ont été invoquées  pour justifier l’invasion américaine de 2003, nullement de 1990.

Signer une trêve avec l’EI ?

Mais Onfray n’est pas seulement antioccidental, il est en plus d’une naïveté abyssale. Il préconise de « signer une trêve avec l’Etat islamique afin que les cellules dormantes sur notre territoire déposent les armes » (p. 115). Il voudrait qu’on trouve une « solution diplomatique » au conflit (p. 125). « Tôt ou tard, dit-il, nous devrons faire la paix avec ceux que nous combattons maintenant » (p. 126). « La carte de la paix vaut la peine d’être jouée » (p. 131). En réalité, l’Etat islamique a retiré cette carte du jeu en même temps que toute notion de trêve. La guerre que nous font ces criminels, ils l’ont voulue inexpiable et n’ayant pour terme que l’Armageddon. Les Russes l’ont compris et maintenant peut-être aussi les Américains. Face à un ennemi implacable, se soustraire à l’épreuve de force c’est capituler, se soumettre, renoncer lâchement à ce que nous sommes. Or c’est ce que voudrait  Onfray car telle est la conséquence de ses principes pacifistes.

On nous serine que seule une petite minorité des musulmans bascule dans le terrorisme. Mais qui a dit qu’il faut être une majorité pour commettre un massacre et ne savez-vous pas que les bourreaux du 13 novembre étaient à ce point pacifiques avant de tirer dans le tas que la police belge avait renoncé à les surveiller ? Ces criminels évoluent comme des poissons dans l’eau parmi les millions de musulmans qu’on a laissé s’installer en Europe.

Ceux qui observent avec inquiétude « la grande substitution » voudraient renvoyer les immigrés chez eux alors que, selon Onfray,  ils seraient déjà chez eux en étant chez nous ; et de préciser : « Nous parlons en fait de personnes nées en France de même que leurs parents » (p. 53). A le suivre ceux qui ne sont pas nés en France seraient expulsables. Ils sont arrivés hier, ils peuvent repartir demain comme des millions de visiteurs. Cela réduirait la base sociale du terrorisme qui recrute parmi les musulmans ainsi que le nombre de personnes à surveiller par les services dont les moyens ne sont pas illimités. Cette préoccupation sécuritaire est légitime, quoi qu’en pense l’interlocutrice d’Onfray, Asma Kouar, aux propos  parfois douteux. Elle trouve mauvais qu’« à la suite des attentats de Paris certains aient soufflé sur les braises d’une islamophobie latente » (p. 46). Belle confirmation d’une réflexion d’Alain Finkielkraut : « Derrière la violence de l’islam ce sixième sens [idéologique] perçoit la violence première de l’islamophobie » (Causeur, mars 2016).



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