L’Iran vient de mettre sur orbite un nouveau satellite: le Liban. On savait déjà que le pays du Cèdre constituait une base arrière de Téhéran, par Hezbollah interposé. En faisant le déplacement jusqu’à Beyrouth puis à Kana et à Bint Jebel, à moins de 4 km de la frontière avec Israël, Mahmoud Ahmadinejad remet en œuvre la stratégie de l’ayatollah Khomeiny : utiliser les populations chiites de la région comme le fer de lance de la révolution islamique. La volonté d’hégémonie régionale du président iranien n’est plus à démontrer ; l’axe Téhéran-Damas-Beyrouth change déjà la donne dans la région. Sans parler du rapprochement entre l’Iran et la Turquie qui a pris au dépourvu tant les Israéliens et les Américains qui ne l’avaient pas vu venir.
Le moment choisi par Ahmadinejad pour marquer son emprise sur le Liban, au grand dam de plusieurs membres de la classe dirigeante locale, n’est pas fortuit. Les Iraniens cherchent par tous les moyens à détourner l’attention de la communauté internationale du dossier nucléaire en créant de nouvelles zones de tensions.
Ahmadinejad est donc venu passer les troupes chiites en revue, leur remonter le moral en rabâchant que la fin de l’Etat juif était proche et s’assurer de la parfaite servilité du chef de la milice chiite Hassan Nasrallah. En 2006, celui-ci s’était fait tirer les oreilles par ses mentors: en sous-estimant la réplique israélienne à la pluie de roquettes lancées sur le nord du pays, celui-ci avait obligé l’Iran à reconstituer le stock d’armement du Hezbollah.
Depuis, Nasrallah vit dans un bunker souterrain à l’abri des satellites et des canons israéliens et ne s’exprime plus que sur grand écran panoramique. Ahmadinejad lui a signifié qu’il se devait d’obéir au doigt et à l’oeil à son parrain iranien. Le Hezbollah ne pourra donc déclencher une attaque contre l’ennemi sioniste qu’au moment voulu par l’Iran qui coïncidera probablement avec le paroxysme des pressions économiques internationales.
Autant dire que ce n’est plus qu’une question de temps. À en croire Les Echos, qui font état d’un rapport confidentiel adressé fin septembre à l’ayatollah Ali Khamenei, l’Iran pourrait s’effondrer économiquement dans un an, asphyxié par le blocus sur les denrées de première nécessité, secoué par des manifestations d’opposants, et paralysé par le rationnement de l’essence dont il importe un tiers de sa consommation.
Le 23 octobre, le régime cessera de subventionner l’essence et des denrées alimentaires, ce qui aura pour effet immédiat de faire bondir les prix, déjà inabordables pour un nombre grandissant d’Iraniens. Les Gardiens de la Révolution ont déjà fait savoir qu’ils ne tolèreraient aucune manifestation en réaction à ces mesures de crise.
Un autre dossier influence Téhéran, celui des pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens. La visite-éclair d’Ahmadinejad au Sud-Liban et l’agressivité de son discours anti-israélien traduisent aussi sa volonté d’apparaître comme un défenseur des musulmans, face aux Palestiniens modérés, à l’Arabie saoudite, à l’Egypte, alliés des Etats-Unis. Mais il s’agit surtout de détourner l’attention des Iraniens de ce qui les préoccupe au premier chef : la pauvreté grandissante, le chômage en hausse et la répression de toute expression démocratique.
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