On ne chôme pas chez François Rebsamen!


On ne chôme pas chez François Rebsamen!

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« Puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles – je suis désolé de le dire mais je le pense – plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d’allocations et qui refuseraient des offres d’emploi disponibles ». Ça, vous voyez, c’est Nicolas Sarkozy en avril 2011. C’était un siècle obscur où un président de la République avait pris comme conseiller un maurrassien à magnétophone qui lui expliquait la différence entre pays légal et pays réel et où désigner une fraction de la population à la majorité des Français (rom, jeune des banlieues, immigré clandestin, fonctionnaire ou chômeur, justement) était devenu une méthode de gouvernement.

Heureusement, le 6 mai 2012, nous sommes passés de l’ombre à la lumière comme avait dit Jack Lang trente ans avant. François Hollande, c’était le retour de la gauche, autant dire du bonheur et la promesse de jours avec du pain et des fleurs. Et puis, le 2 septembre 2014, on lit ça : « Je demande à @pole_emploi de renforcer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi » C’est un tweet de François Rebsamen.  François Rebsamen est ministre du Travail de Manuel Valls. François Rebsamen a, paraît-il, une carte du Parti socialiste. Si ça se trouve, mais comme je n’ai pas envie de le connaître et encore moins aujourd’hui, François Rebsamen a un portrait de Jaurès dans son bureau. Si ça se trouve, François Rebsamen lui-même est persuadé qu’il y a une différence fondamentale entre sa démagogie et celle de Nicolas Sarkozy, trois ans plus tôt. J’en vois effectivement une. En 2011, on twittait moins systématiquement.

Quand Hollande est arrivé au pouvoir, et qu’il a fait le plein des voix de gauche, une bonne partie de ses électeurs a voté pour lui, et c’est le moins qu’on puisse dire, sans le moindre enthousiasme. Il s’agissait surtout de tourner la page Sarkozy. Il ferait bien d’y réfléchir, d’ailleurs,  Sarkozy qui veut si fortement revenir : les électeurs n’ont pas tant voté pour François Hollande que contre lui. Ils auraient élu à peu près n’importe qui, les gens, en 2012, pour ne plus le voir. Mais les électeurs sont tellement habitués à la bipolarisation induite par la Cinquième République qu’ils votent à gauche quand ils trouvent que la droite n’est pas assez à droite et à droite quand ils trouvent que la gauche n’est pas assez à gauche. C’est la mécanique de l’absurdité qui verrouille absolument toute espoir de voir non pas une alternance –qui n’existe plus- mais une alternative.

Bref, dans les faits, le vote Hollande, c’était sans illusions. Pour se forcer à aller au second tour en 2012, l’électeur de gauche pensa à Sarkozy en se disant « Au moins, je n’aurai plus à entendre des déclarations de ce genre sur les chômeurs. Au moins, il y aura un style différent et dans un pays comme la France, on sait depuis Buffon que le style, c’est l’homme. » Hollande n’allait rien révolutionner du tout, il allait continuer la politique d’adaptation de la France aux exigences du marché mondialisé mais au moins, ce serait un peu plus doux aux pauvres, aux sans-grades, aux humiliés et aux offensés.

Eh bien même sur ce plan-là, il se trompait, l’électeur de gauche. On l’a bien enfumé avec quelques amusettes sociétales comme le mariage pour tous mais l’avènement du gouvernement Valls II lui a enfin dessillé les yeux et ce n’est pas la nomination de Najat Valaud-Belkacem à l’Education Nationale, mise là comme un chiffon rouge pour énerver la droite dure, qui va ressouder la gauche devant le social-libéralisme assumé. On peut même, avec la sortie de Rebsamen sur les chômeurs, se dire que l’on a franchi une étape. Faire une déclaration d’amour à l’entreprise comme Valls au Medef en oubliant qu’une entreprise c’est aussi les salariés, est une chose. Déclarer la guerre au monde du travail comme l’a fait Rebsamen en est une autre. Qu’est-ce qu’il veut nous faire croire Rebsamen ? Que la fraude sociale est d’un montant supérieur aux aides accordées sans contrepartie au patronat ? Vraiment ? Que le chômage n’est pas pour l’immense majorité des chômeurs un drame dévastateur, la fin d’une existence normale ? Que nous ne sommes pas dans un monde, un pays, une époque où des chômeurs s’immolent par le feu devant des bureaux de Pôle Emploi

Imaginons un instant un tweet d’un ministre socialiste qui demanderait « une contrepartie » aux patrons en échange des aides généreusement accordées, qui demande même un « renforcement des contrôles », voire « des sanctions ».  Oui, ce sont les mots de Rebsamen. Ce ministre-là, au rythme où vont les purges dans les palais gouvernementaux,  ne le resterait plus très longtemps.

On dit que François Rebsamen se rêvait à l’Intérieur. C’est sans doute pour cela qu’il a lancé cet appel au flicage. Mais ce qui est intéressant, c’est ce qu’il révèle de sa psychologie qui est aussi celle de tout ce gouvernement. Il ne se vit pas, de fait, comme ministre du Travail mais comme ministre du Chômage.

Et accessoirement, il fait émerger au sein du noyau dur  et riquiqui des petits soldats du vallsisme une nouvelle tendance encore plus dure et espérons-le encore plus riquiqui. Après le social-libéralisme, voici le social-poujadisme. Il faut juste rappeler à Rebsamen, que le Poujade en question, qui en voulait tellement aux parasites, n’est pas son illustre prédécesseur à la mairie de Dijon  qui se prénommait Robert, mais Pierre, le papetier de Saint-Céré.

*Photo :  WITT/SIPA. 00687491_000027. 



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