De la Funk française, sirupeuse et débonnaire ou du slow subversif dont l’objectif estival est de (re)coller les corps.
C’est l’amoureux des belles lettres qui vous parle. L’esthète du cabriolet et des discothèques. Il y a dans ces quelques mots lâchés au creux de la piste, messages balnéaires ou dragues foireuses, plus de littérature que dans les derniers goncourables. Plus d’esprit aussi et de dérision. Une hauteur de vue sur les relations d’un soir ; une mélancolie salutaire en ces temps de glaciation idéologique.
De l’âpreté du vocabulaire choisi, cet uppercut direct qui touche le bas ventre et qui ne s’encombre pas d’un progressisme fielleux, les paroliers d’avant s’inscrivaient dans le registre de l’émotion parlée, chère à un vieil atrabilaire meudonnais. Comme chez Chardonne, la simplicité et une certaine rudesse dans le tempo n’étaient pas exemptes d’une profondeur désespérée.
La Funk française ou l’école de la liberté
La Funk française des années 70-80 mériterait une analyse plus fine afin de déceler dans son style, sorte de libertinage assumé, toutefois assombri par les crises en gestation, les ferments d’une société aujourd’hui disparue. L’aigreur n’avait pas encore emporté les cœurs. Les passions tristes n’étaient pas une rente de situation pour des éditorialistes désœuvrés. L’amour sur la plage et le topless, la crème solaire et les nuits chaudes, les corps déliés et les clubs privés étaient le meilleur moyen pour la jeunesse de ce pays d’échapper à la technostructure et au spectre du CDI.
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Il faut entendre cet appel à danser comme le dernier témoignage d’une communauté en voie de désagrégation. La Funk française est une école de pensée et de liberté. Des nouveaux (véritables) philosophes dont nous avons été incapables de reconnaître la mission émancipatrice. À cette mini-sélection, j’ai ajouté deux grands classiques, plus récents, le swing désenchanté de Guy Marchand et l’hyperbole mammaire de Valérie Lemercier. Écoutez et réparez enfin les vivants !
Maya – Lait de coco – Marina Media
Elle était allongée sur la plage
Nue sur le sable chaud
Et le vent, le vent tournait les pages
De son San-Antonio
J’arrivais dans ma décapotable
Beau minet, belle bagnole
Gomina, Ray-Bans, look impeccable
De quoi la rendre folle
L’ombre des oiseaux caressait sa peau
Elle bronzait au lait de coco
L’ombre des oiseaux caressait sa peau
Elle bronzait au lait de coco
Laurie Destal – Frivole de nuit – RCA
Y’a plus de bébé, frivole de nuit
Le vague à l’âme, c’est pas pour aujourd’hui
Plus de discours ni de sanglots
Je te quitte c’est déjà trois mots de trop
Les gens nous blessent bien plus souvent
On va pas faire du sentiment
Et je claque, slam ! la porte en sortant
Comme ça bébé, oh, tu m’en voudras vraiment
Bébé est-ce que t’es folle ?
Tu dérailles, tu décolles
Trop belle
Trop jeune et trop frivole
Bébé, suspens ton vol
Laisse les vieux rock’n roll
Et aime
Serge Delisle – Germaine – RCA
Germaine,
T’as la nouvelle chaîne couleur et tu frimes dans ton auto,
Comme la reine des mégalos
Tu me prends comme gigolo, rêveur
Germaine,
Tu habites à la Madeleine
Tu ne connais pas ta veine
Tout ce que tu désires facile
T’as qu’à lever le petit doigt pour que j’accoure
Tranquille
Germaine,
T’es jeune belle et riche
Et tous les hommes vantards
Rêvent à tes grands yeux de biche
Tu les blouses comme des homards
Et tu te marres
Ringard
Pino d’Angio – Ma Quale idea – Mais quelle idée (version française) -Flarenasch /WEA
Dans une super discothèque
Avec mes beaux yeux de reptile
J’ai accroché une minette
Au regard profond débile
J’ai commencé à lui faire
Mon fameux roulis des hanches
Fred Astaire en pleine forme
Devant ce truc a l’air d’un manche
Et par un baiser farouche
Je lui ai fermé la bouche
Déchaînée par la musique,
Excitée par mon physique,
Elle m’a donné la réplique
Dans son numéro sadique
Sans me passer la pommade
Un ou deux rocks et trois ballades
Je l’avais rendue malade
J’en ai fait de la marmelade
Guy Marchand – Ouvrier de l’amour – EMI
Ouvrier de l’amour
O.S. en caresses
Ouvrier de l’amour
Spécialiste en femmes tristes
Je suis ton équipe de nuit
J’pointe à minuit
Expert pervers, je fais
Des heures supplémentaires
Valérie Lemercier chante – 95 C – Tricatel
95 C…
Plus la peine de s’effacer
Ma croissance est terminée
Pour moi tout peut commencer
95 C…
Mais c’est mon année,
Madame Soleil l’avait prédit
Elle a influencé ma destinée
95 c’est mon tour de
Faire des étincelles
C’est mon numéro sacré
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