Antonin Peretjatko est un drôle de zigoto. Un cinéaste burlesque, loufoque, profond et balnéaire. Un Benny Hill intello, un Pécas poétique, un Godard primesautier, un Rozier cabot, etc… On pourrait continuer comme ça les comparaisons, les jeux de mots bidons, les références cinéphylis, ce serait trahir l’intention et l’originalité de ce garçon qui frôle la quarantaine. Peretjatko a une patte bien à lui, une légèreté douloureuse, un sens inné du gag visuel, du découpage foutraque et du road-movie à reculons. Un type qui ose dire : « Dans la plupart des premiers films français, on a le sentiment que le réalisateur veut montrer qu’il peut bien faire. Moi, je veux montrer que je peux faire mal » a toutes les chances de séduire un public harassé par cette maudite « qualité française » qui se résume à un assemblage d’images sans fond et de marketing télévisuel.
Le cinéma d’aujourd’hui a la fraîcheur d’un plat surgelé et la virtuosité d’un technocrate. Il déborde de bienséance crasse. Peretjatko incarne une nouvelle vague qui vient balayer toutes ces fadaises romantiques…purulentes. Quand il décrit son premier long métrage La fille du 14 juillet de « film de départementales », on applaudit, on sent que ça va nous plaire d’instinct. Dans ses courts-métrages précédents (Changement de trottoir, French Kiss, Paris monopole ou Les Secrets de l’invisible), il avait déjà tracé cette voie buissonnière, cette comédie sur le fil, bancale, ça tangue sévère, mais, en bon équilibriste, ce faux dilettante redresse toujours la barre. Ça sent l’improvisation, ça flirte avec les limites du foutage de gueule, et, miracle, l’ensemble est parfaitement maîtrisé. Contrairement au cinéma inodore, les embruns de Peretjatko sont tenaces, ils vous poursuivent longtemps. Rassurez-vous : La fille du 14 juillet sortie sur les écrans en juin 2013 dans un relatif anonymat et disponible en DVD depuis quelques jours, n’est pas l’histoire d’une Première Dame exfiltrée des Ors de la République vers les léproseries indiennes. La fille du 14 juillet est une apparition au cœur de l’été, une muse en maillot de bain suivie d’une bande d’irrésistibles clampins. Portrait touchant et criant de vérité du désarroi français. On se marre devant cette mise en scène picaresque et saccadée. Quant au jeu des acteurs, il est désopilant de dinguerie. Mention spéciale à Serge Trinquecoste qui interprète le Docteur Placenta. Les amateurs de franche poilade risquent cependant d’être déçus. Nous ne sommes ni au Camping, ni chez Les Branchés à St Tropez. Peretjatko insuffle une liberté de mouvement et de narration qui détonne vraiment.
Sous des allures potaches, l’intrigue se résumant à « la rentrée est avancée d’un mois », le jeune réalisateur sélectionné dans la Quinzaine à Cannes exécute une comédie politique sans la grosse artillerie idéologique. Il réussit à nous parler de la Crise, des diplômes, du logement, de la petite délinquance, de la Génération intérim sans lourdeur sociologique. Même si l’effet comique de son cinéma ne repose pas sur le dialogue, il lâche tout de même quelques saillies comme ce dragueur de pacotille déclarant un péremptoire et superbe : « Je travaille dans la com ‘ » ou quand l’un de ses personnages dit : « On va se faire virer de l’Europe ». Le fétichiste de bizarreries automobiles que je suis, aura remarqué la présence de modèles sortis de nulle part : Celica Cabriolet, Opel GT, DeLorean, Coupé BMW Série 6, Merco blanche, etc. En dehors de ce garage improbable, le cinéma de Peretjatko raconte une identité française joyeusement fracassée et une course-poursuite amoureusement décalée. Il filme comme personne les auto-tamponneuses, les filles en short court, la plage déserte, le chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens, le défilé et les fanfares !
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