L’écrivain Omar Youssef Souleimane a retrouvé en France ce qu’il pensait ne plus voir en fuyant la Syrie : l’islam politique. Son amour de la poésie et de la langue française l’a sauvé de l’obscurantisme. Mais il s’alarme d’observer qu’en France, toute une jeunesse endoctrinée considère que l’islam est sa nationalité.
Causeur. Vous racontez comment vous êtes devenu français par la langue. Y a-t-il une autre manière de le devenir ?
Omar Youssef Souleimane. Être français est basé sur trois piliers. Il y a l’attachement : je suis amoureux de la France. Il y a l’appartenance qui se traduit par l’engagement à défendre ce pays devenu le mien de toutes les manières possibles. Il fait partie de moi et je fais partie de lui. Mais le plus important, la clef pour devenir français, c’est la langue. On ne peut pas découvrir les traditions de ce pays, son histoire, son quotidien, si on ne connaît pas sa langue. Ce n’est pas seulement une manière de communiquer, c’est aussi une partie de notre personnalité. Aujourd’hui, je ne parle quasiment plus l’arabe, mais quand il m’arrive de le parler, ma voix change. En français, ma voix est plus libre et plus puissante.
Vous racontez une scène survenue à l’aéroport de Beyrouth. Voyant que vous êtes né à Damas, le policier vous demande des documents improbables dans l’espoir de vous extorquer un billet. Le Syrien en vous commence à avoir peur et à trembler, mais le Français se rebiffe.
Le Français en moi me protège. C’est toute la valeur d’être français. Ce pays m’a donné la dignité, la citoyenneté. En Syrie, nous naissons comme des exilés ; nous n’avons ni droits ni devoirs. Le paradoxe, c’est qu’à Beyrouth, une fois sorti de l’aéroport, parler arabe a éveillé en moi une nostalgie pour cette terre. Elle fait partie de moi. Je ne veux pas l’enfouir, mais plutôt l’intégrer à ce que je suis aujourd’hui.
Vous rêvez en français ou en arabe ?
En français. Je ne crois pas que l’on puisse rêver dans une langue et écrire dans une autre. Mais l’arabe est ma langue intime, celle de l’enfance. Alors, je pleure en arabe.
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L’acculturation se joue sur des détails. Par exemple, dans le monde arabe, il faut arriver à un dîner les mains vides alors qu’en France, c’est un manque de savoir-vivre. La sociabilité orientale vous manque-t-elle ?
L’individualisme européen a de très bons côtés : on est libre, on vit comme on veut. J’écris, je lis, je dis ce que je pense. Là-bas, on n’est jamais seul. Mais si on a l’ombre d’un problème, on peut compter sur les voisins, la famille, les amis. Cette solidarité peut me manquer en effet. Mais je préfère l’individualisme occidental. J’ai eu la chance d’arriver jeune en France et j’ai pu recommencer à zéro, accéder aux codes sociaux français. Par exemple, je ne savais pas comment
