Le nouveau film d’Omar Sy est un film de guerre. Tirailleurs fait la guerre aux Français et à leur histoire, à tous ces méchants Blancs colonisateurs que nous sommes. Comme tant d’artistes – subventionnés – et d’universitaires, il relaie un diktat culpabilisateur, woke et indigéniste.
Nous remercions notre contributeur Gabriel Robin pour l’invention du néologisme « promolémique ». À l’occasion d’un entretien promotionnel dans Le Parisien, l’acteur Omar Sy a reproché aux Français d’être plus touchés par la guerre en Ukraine que par celles du continent africain.
Depuis deux siècles qu’elle a pris le pouvoir en Occident, la gauche a toujours marché sur deux jambes : la pensée et la violence. Le libéralisme avait ses carbonari ; les socialistes avaient leurs assassins ; les anarchistes avaient leurs brigands et leurs terroristes ; les communistes avaient leurs traîtres à la patrie. Les violents de la gauche ne sont pas sa face obscure mais son avant-garde. Le progressisme, phase actuelle de la pensée de gauche, a ses antifas et ses wokes.
La pensée de gauche s’appuie depuis les Lumières au moins sur les milieux culturels, au premier rang desquels s’est longtemps trouvée l’Université. L’étoile de cette dernière a pâli, certes, concurrencée – et comment ! – par les médias, l’industrie du divertissement, le showbiz. Mais c’est, encore aujourd’hui, à l’Université que se forge et se transforme la pensée de gauche – et pour la gauche, il n’est d’autre pensée que la sienne.
Tirailleurs ou le réalisme-vivrensembliste
Chez nous, deux affaires ont bruyamment manifesté la victoire du progressisme à l’Université ; elles ont été, dans le domaine de l’histoire, les matrices des délires dans lesquels la gauche se vautre désormais avec le contentement d’un porc à qui l’on tend une pomme pourrie. Ce sont les affaires dites Pétré-Grenouilleau et Sylvain Gouguenheim. Elles datent respectivement de 2006 et 2008. Comme vous les connaissez sûrement, qu’elles sont au fond de la même nature, je passe la première et je fais vite sur la seconde. Dans Aristote au Mont-Saint-Michel, Gouguenheim, professeur à l’ENS, racontait ce que tous ceux qui ont suivi une heure d’histoire byzantine savaient : que la philosophie grecque, savamment entretenue à Constantinople, était passée en Occident par le truchement des hommes d’Église. Il battait ainsi en brèche l’idée – alors déjà très à la mode dans les milieux culturels et emphatiquement propagée par les médias – selon laquelle ladite philosophie avait été « sauvée » par les « savants musulmans » – seuls capables de la comprendre puisque, selon les partisans de cette thèse, les Occidentaux vivaient alors à poil, dans des grottes, ne savaient ni lire ni écrire, buvaient leur urine et mangeaient leurs excréments. Tout se discute. Il était possible et même potentiellement fructueux de contredire Gouguenheim. Mais certains collègues de ce dernier et certains élèves de l’ENS ne cherchèrent aucunement à débattre avec lui : ils firent une pétition pour réclamer son renvoi de la grande école. Ce qui était reproché à Gouguenheim, ce n’était pas tant d’avoir peut-être tort, mais… de nuire au vivre-ensemble. Pour les signataires de la pétition, la vérité comptait peu ; six ans après l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, ce livre, écrivaient-ils, minimisait le génie du monde musulman et, ce faisant, bridait la fierté de jeunes-Français-d’origine-immigrée, les condamnant donc, par conséquent, à siffler les filles dans la rue, brûler des voitures, dealer du shit, haïr cette France qui refusait de les accueillir comme ils le mériteraient, c’est-à-dire comme les agents de notre indispensable métissage-expiation. L’histoire, disaient donc ces gestapistes, ne doit pas être une recherche de la vérité, mais un instrument de la concorde… La noblesse du but justifie le mensonge ou, ce qui revient au même, de taire la vérité. La fin, les moyens… La gauche n’est pas l’enfant de Saint-Just pour rien.
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C’étaient des professeurs – et pas n’importe lesquels, des de l’ENS – qui disaient cela il y a déjà près de quinze ans. Depuis, bien sûr, le progressisme est devenu hégémonique – et même dictatorial – à l’Université. De nos jours, du moins au rayon sciences humaines, la majorité des thèses est consacrée aux « minorités » : les trans dans la France de Charles V, les lesbiennes sous Philippe II, les ouvriers homosexuels au temps du Front populaire et surtout, bien sûr, les femmes, partout, tout le temps, de Périclès jusqu’à nous, les femmes qui ont tout fait, tout découvert, à qui nous devons tout, mais qui étaient invisibilisées.
Le cinéma – qui s’est rétracté durant cette période sur sa base bourgeoise, avec les idées propres à la bourgeoisie contemporaine – ne pouvait ignorer qu’il avait, lui aussi, pour mission de flatter les immigrés – en vomissant, bien entendu, au passage, sur la France.
Depuis quelques années, ça s’emballe : pas un mois sans un film sur une Française qui tombe amoureuse d’un clandestin soudanais, une Française qui tombe amoureuse d’une lesbienne tunisienne, sur une Afghane traquée – sans blague, c’est en ce moment dans les salles – par des identitaires dans les Alpes – et je ne parle pas des comédies communautaristes centrées sur les séfarades, les « mamans solos », les gays, les jeunes, les Maliens. Bourgeois donc progressiste, le cinéma français est aussi formidablement subventionné par l’État, les collectivités, les institutions. Il est de gauche et, s’il veut trouver des financements pour produire ces nanars qui n’attirent personne hormis des dizaines de milliers de collégiens traînés dans les salles par des institutrices socialo-écologistes, il a intérêt de le prouver. On pourra nommer ce courant le « réalisme-vivre-ensembliste ».
La plupart les films de guerre français depuis deux décennies ont pour unique objet de montrer la contribution décisive des troupes coloniales à la victoire dans les guerres mondiales et l’insigne cruauté de nos pères durant les guerres dites de décolonisation. Indigènes (2006) et L’Ennemi intime (2007) ont lancé le mouvement. Les films de guerre des décennies précédentes maudissaient bêtement la guerre, « absurde » par définition, sorte de complot des États contre les hommes. Appliqué à la guerre, le réalisme-vivre-ensembliste entend, lui, montrer la lâcheté, le racisme, la méchanceté des Blancs et la bravoure, la magnanimité des colonisés. La guerre n’est plus « injuste » par essence ; entre les mains des colonisés, elle est au contraire le plus bel instrument de la justice. Tirailleurs, qui vient de sortir, s’inscrit parfaitement dans cette veine. Son premier rôle et coproducteur, Omar Sy, acteur nullissime dont le succès doit tout – comme hélas celui de beaucoup d’autres « racisés » qui emplissent désormais nos écrans en vertu de quotas tacites – à la discrimination positive et, ironiquement, au rire « bananiesque » qu’il affichait lorsqu’il commettait, bien sûr sur Canal+, des pastilles d’une médiocrité confondante avec un autre raté, Fred – seul un autre duo, lui aussi lancé par la « chaîne cryptée », les épouvantables Éric et Quentin, peut contester à ces deux gus le titre de pires humoristes français – Omar Sy, donc, a d’ailleurs profité de la promo de Tirailleurs pour redire tout le mal qu’il pensait de ces Français ethnocentrés qui ont pourtant fait de lui une star et même – on se pince pour le croire – un acteur hollywoodien, avec les millions et la villa à Los Angeles qui vont avec.
Un film éminemment politique
Répondant, par ricochet, à la « polémique » provoquée par les propos de Sy sur l’Ukraine et l’Afrique, Guillaume Perrault, dans Le Figaro du 4 janvier, a remarquablement expliqué comment Tirailleurs navigue entre l’exagération, l’à-peu-près et le mensonge. Mais que pèse la vérité des faits – et ici, ils sont bien documentés, ils sont incontestables – face à l’idéologie à l’origine de cette œuvre et qui lui vaut les éloges des médias systémiques ? Il me semble que c’est Dumas qui dit qu’on peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Pour le système, et pour les historiens de gauche, c’est-à-dire 90 % des historiens, on peut allégrement violer l’histoire si c’est pour contribuer à la déconstruction du « roman national ». Le but de Tirailleurs – comme le confesse son réalisateur, comme l’avouent tous les réalisateurs de films de ce genre – est d’abord politique : faire honte aux Français. Ce faisant, ces « artistes » nourrissent plus ou moins consciemment le sentiment de culpabilité qui empêche moralement notre peuple de se défendre face à une immigration inédite par son ampleur et sa nature. Si la France a repoussé les Allemands en 1914-1918 et les a battus en 1939-1945 uniquement grâce aux Africains, et que ces derniers ont été, en plus, sacrifiés, méprisés et oubliés par la France ; et si, par ailleurs, ces mêmes Africains ont « reconstruit la France », nous avons une dette envers eux, et l’« immigration », c’est-à-dire, concrètement, le changement de peuple, en est – en tout cas aux yeux des antiracistes, hégémoniques dans les milieux culturels – le minimal remboursement.
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Tirailleurs est un film de propagande. Il plaît aux médias pour une seule raison : il leur permet de faire ce qu’ils aiment le plus, à savoir le procès de la France. Il fera assurément, comme les récents Ils sont vivants et Les Survivants – éloquente ressemblance des titres qui manifeste tout à la fois l’individualisme de leurs auteurs, dans une logique de développement personnel, et le vitalisme propre aux immigrés selon la gauche –, un four. La plupart des films de ce genre font perdre de l’argent à leurs producteurs. Mais cela n’a pas d’importance : c’est le CNC – donc nos impôts – qui régale. Non seulement nous la subissons, mais en plus nous finançons l’immigration. Nous finançons également le discours qui légitime cette dernière. Nous déposséder de la terre de nos ancêtres ne suffit pas aux progressistes ; ils veulent nous faire payer – au propre comme au figuré – notre dépossession. Les glorieuses troupes coloniales ne sont, entre leurs mains, qu’un prétexte ; le mythe qu’elles fabriquent avec elles contribue à la disparition des Français en tant que peuple.