L’écriture exclusive entend porter l’estocade aux partisans de l’écriture dite inclusive. Olivier Rachet ferraille, en vérité, contre les tenants de l’idéologie de l’empire du Bien. C’est savoureux et surtout salutaire.
Lecteur, voici un livre de combat ! Un pamphlet brillant, ironique, drôle et savant. Il s’attaque aux affidés du point médian, aux contempteurs du « neutre » qui, sous prétexte d’une langue plus juste, plus égalitaire, visent à forger sous cape une idéologie transhumaniste. Sous couvert d’en finir précisément avec les dominations et nonobstant les apories d’une orthographe suffocante, paralysante, ces nouveaux acolytes du Bien, idiots utiles de la moraline, fabriquent rien moins qu’un discours de pouvoir : un comble. Leur obscurantisme est patent, leur post-vérité est ressentimentale. Olivier Rachet dévoile l’enfer du décor, il épingle ces « ignorantins », démasque leurs intentions, leur mobile : en finir avec la différenciation sexuelle. Écoutons : « L’angoisse suprême, c’est que l’autre ne ressemblât plus à soi. Dans son refus des différences ou dans l’affirmation tyrannique de sa différence ou de ce qu’il serait plus juste de nommer sa dérive identitaire. » La belle affaire ! Et, partant : « Une secrète alliance rapproche les partisans de l’indifférenciation généralisée et les adeptes du culte poussé à l’extrême de tous les plus petits dénominateurs communs du même. » Le fantasme régressif est ici connexe d’un délire scientiste.
Êtes-vous déjà parvenu à lire, à haute voix, un texte écrit en écriture inclusive ? C’est impossible. Radicalement. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas fait pour ! Comment ? Le point médian nuit au plaisir de la lecture. CQFD. « Point médian : point de jouissance textuelle. » Il s’agit de rendre la littérature illisible donc inopérante. Dans quel but ? Georges Bataille nous donne la réponse en posant une autre question, centrale celle-ci : y-a-t-il une Littérature possible sans pensée du Mal ?
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Rachet nous explique que pour Spinoza (Éthique), le mal est « ce que nous savons certainement empêcher que nous ne jouissions d’un certain bien ». Et notre pamphlétaire de provoquer (philosophiquement) : « L’écriture dite « inclusive » entravant la jouissance de la lecture d’un texte écrit en français, elle est donc nécessairement un mal. » C’est dit.
Mais revenons au neutre (sans quitter tout à fait « le mal »), qui est un point de fixation définitif pour nos « transhumanistes » : « Il s’agit d’en finir avec, d’un côté, la reproduction sexuée ; de l’autre, avec la passion différentielle. » Comme le relève sournoisement Rachet, se passer de l’opposition « frontale » entre le masculin et le féminin revient à renier l’existence du diable. Diable ! Comment alors, demande notre auteur, « s’offrir le luxe inouï d’accueillir en soi les promesses de l’amour, physique aussi bien que théologique » ?
L’écriture exclusive, outre qu’il se présente comme une Nouvelle défense et illustration de la langue française est aussi, et peut-être surtout, un précis de décomposition de l’idéologie de l’empire du Bien, donc d’un discours « qui engendre la faute ».
Olivier Rachet, L’écriture exclusive, Éditions Tinbad, 2024.