Le grand navigateur est un écrivain profond. Avant que la mémoire s’efface est le récit du voyage intérieur d’un loup de mer qui porte sur le monde un regard grave et désabusé. Parce qu’il déteste l’effet de meute et refuse de frayer avec la médiocrité, Kersauson a choisi de fuir la société.
Comme c’est curieux : certains marins font des phrases ! Olivier de Kersauson est de ceux-là. Selon son humeur, elles sont profondes ou légères – la légèreté, la vraie, supposant une certaine profondeur. Le dernier ouvrage de ce grand skipper est d’abord le récit d’un voyage intérieur, celui d’une navigation intime. Sur le livre de bord d’une vie singulière, Kersauson note des impressions, des sensations, des heures de lumières. Il y souligne des sentiments, des passions, un art de vivre. Lisez plutôt : « Le devoir, c’est presque une notion morale. Ça rejoint la vertu, c’est ce que j’ai choisi. » Et aussi : « Il n’y a pas de vents favorables pour les gens qui ne savent pas où ils vont. » D’une certaine façon, Avant que la mémoire s’efface est un bréviaire. Celui d’un homme qui ne désempare jamais sa capacité d’émerveillement. Mais lucide, il se montre parfois grave. C’est qu’il est d’abord critique sur la société, sur le groupe qui suppose l’effet de meute, sur l’humain. Il n’accorde pas d’emblée sa confiance, loin de là. Pour lui, la solitude est un viatique. Elle protège des fâcheux – ceux qui racontent leurs malheurs sans pudeur –, en les mettant à distance. Il y a bien du péril à frayer à l’envi, nous dit-il en substance. Le mot qu’il déteste : convivialité. Il le suppose vide. La foule l’effraie, on s’y cache et l’on se laisse emporter comme lorsque l’on se baigne dans les vagues. Kersauson n’accepte pas d’être le complice de ses pulsions médiocres, il résiste. Il faut, c’est son conseil, toujours viser ce qui est plus haut, plus grand, plus brillant. Ne jamais se laisser guider par ses bas instincts. Courage et bon temps à bord !
Causeur. Depuis la Polynésie où vous vivez, comment
