Les chiffres comptent, comme le dit clairement Olivier Véran. Et ceux concernant le surpoids et l’obésité des Français sont alarmants. Qu’on ait le courage de les regarder en face et d’en tirer les conséquences au lieu d’accuser autrui de «grossophobie». Car quand la grossophobie devient un obstacle à la lutte contre l’obésité, la pride des bourrelets pèse plus que cholestérol, hypertension et diabète réunis !
N’en déplaisent aux thuriféraires de la sobriété, l’époque est aux excès.
Une étude de l’Inserm et du CHU de Montpellier révèle qu’aujourd’hui près d’un Français sur 2 est en excès de poids et que le nombre d’adultes souffrant d’obésité a doublé en deux décennies, passant de 8,5 % en 1997 à 17% en 2020. Et ce sont les 18-24 ans et les femmes les plus touchés par l’obésité… On entend déjà les clones de Sandrine Rousseau hurler à la misogynie comme si les données objectives étaient douées d’une volonté de puissance patriarcale ultra machiste.
Depuis la publication des résultats, ce qui suscite l’émoi, ce n’est pas tant ces données alarmantes qui nous rapprochent du pays où l’obésité est la norme, les Etats-Unis, que la chasse à la grossophobie.
Confusion des registres
Au nom de la lutte contre la stigmatisation des gens en surpoids et obèses, on confond aisément les moqueries à leur encontre, qui sont bien entendu regrettables mais qui relèvent plutôt d’un manque d’éducation et de la bêtise, avec les recommandations médicales pour perdre du poids. Ainsi par exemple, pendant la crise sanitaire, les personnes en surpoids et obèses étaient celles qui engorgeaient, avec les personnes très âgées, les services d’urgence dans nos hôpitaux tiersmondisés. Pourtant, le gouvernement a préféré désigner comme responsables de la saturation des hôpitaux les réfractaires à la vaccination, devenus des parias à exclure de l’espace public, plutôt que de lancer une campagne de vaccination massive pour ces personnes à haut risque et ce, de peur d’être accusé de grossophobie.
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Tout se passe comme si l’enjeu n’était pas de lutter contre « l’épidémie d’obésité » comme l’incite l’OMS mais de vaincre l’épidémie de grossophobie qui serait « systémique ». Si les sièges dans les avions ne sont pas assez larges pour accueillir un popotin plus large qu’un pouf XXL Fatboy, c’est la faute à la société occidentale grossophobe… Idem pour le matériel médical comme l’IRM qui a des dimensions trop étroites pour faire rentrer un corps aussi volumineux qu’une statue de Niki de Saint-Phalle !
Distinguer ce qui doit l’être
Mais alors comment lutter contre l’obésité quand conseiller à une personne en surpoids ou obèse de changer ses comportements alimentaires, de se mettre au sport, d’éviter la junk food est perçu comme une « micro agression » qui stigmatise et discrimine ? Comment expliquer aux jeunes générations qu’il y a une différence majeure entre se sentir bien dans sa peau et se mettre en danger en étant en surpoids lorsque l’industrie de la mode valorise les fat bodies et le body positivisme ?
Le vrai problème vient du sens mis sous le terme grossophobe. Comme le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, la grossophobie ne serait donc pas liée à un comportement individuel répréhensible mais elle serait structurelle, inhérente à la société occidentale et donc diffusée partout et à tous sans que l’on en ait véritablement conscience… Et la vraie question, c’est qu’en passant notre temps à dénoncer la grossophobie, on oublie que l’obésité est une maladie à soigner et qu’elle est un facteur de risque de maladies graves voire mortelles (cancers, diabète, maladies cardiaques, arthrose avancée, sans parler du Covid que j’ai déjà évoqué…).
C’est quand la réalité?
« On peut débattre de tout sauf des chiffres » pérorait Olivier Véran pendant la crise sanitaire. On aimerait que les pouvoirs publics regardent la réalité en face : les Français grossissent, s’empâtent, s’engraissent… Sachant que cette réalité pesante n’est pas sans conséquence sur l’augmentation des dépenses de santé et aggrave donc le déficit de l’Assurance maladie, on ne peut que d’étonner du silence sidérant du nouveau ministre de la Santé François Braun. Silence que l’affaire Palmade n’a pas entamé alors que le sujet de la drogue est brûlant et irrésolu.
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C’est à se demander si l’accusation de grossophobie ne sert pas une cause : celle de ceux qui ne veulent jamais régler les problèmes et qui préfèrent désigner des coupables. Ainsi, ce ne sont plus les autres qui risquent leur santé en cas de surpoids et d’obésité et qu’on n’aide pas à se soigner, c’est moi qui stigmatise de pauvres offensés qui ne demandaient qu’à garder leurs kilos.
En tout cas au train où se développent l’obésité et le wokisme, on peut facilement imaginer qu’un jour un collectif surnommé Fat Bodies Matter organisera, devant le ministère de la Santé, un happening où des militants obèses écraseront de tout leur poids les balances et montres fitness connectées, le jour de la Journée mondiale sans régime. Ce jour-là, tous les minces seront montrés du doigt pour grossophobie inconsciente. Et les bourrelets seront la nouvelle pride !
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