Nyssen, Kohler, Benalla, le macronisme a connu un été perturbé. Sous la canicule, le pare-feu a brûlé. Et la présidence « exemplaire » du patron n’a même plus les apparences pour se sauver.
Été meurtrier pour le macronisme ! Né d’une prétention au renouvellement, renforcé par une campagne électorale subitement renversée par un haut-le-cœur moral, scellé par une entrée congédiant des ministres centristes percutés par l’ombre d’un soupçon, inauguré par une loi de moralisation, l’ère nouvelle prétendait recommencer la République. Un an plus tard, en effet, elle la recommence mais sous cette forme étrangement poisseuse qui année après année, décennie après décennie, décolle toujours plus un nombre croissant de citoyens de la chose publique.
Aux noms du père
Benalla, Kohler, Nyssen : trois noms, trois moments, trois questions qui installent selon des prismes différents un climat d’autant plus corrosif qu’il prend place dans un contexte de montée des doutes quant aux choix économiques de la majorité. La faiblesse de la croissance démultiplie en effet le coefficient de défiance suscité par les pathologies et irruptions scandaleuses.
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La Macronie exhale subitement un parfum de Mitterrandie : même goût du secret, même sentiment de toute-puissance, même indulgence pour les comportements négligents de proches… À y regarder de près, chacun des cas – Benalla, Kohler , Nyssen – contribue à altérer un pan spécifique de l’image présidentielle ou à en souligner certaines des aspérités. Avec le premier, le prestige de la fonction, objet de toutes les attentions depuis le début du mandat, est collisionné plein face par un instantané où le ridicule, manière « pied-nickelés », côtoie l’eau trouble des « barbouzeries » ; le second, lui, réactive ce sentiment latent d’un macronisme, fruit de l’entresoi des oligarchies et de leurs potentiels arrangements souterrains, à l’opposé des besoins du peuple ; avec la dernière, le hiatus entre la parole et les actes, la loi pour le commun et l’exception pour les puissants mine la promesse d’exemplarité. Benalla altère la notion d’ordre public, Kohler celle de l’intérêt général et Nyssen le principe de l’égalité devant la norme. Métaphoriquement, la répétition de ces événements au cœur de l’été perturbe, effet de série aidant, l’ergonomie moralisante du pouvoir. Elle réveille aussi un sismographe médiatique qui retrouve, après un laps de bienveillance, sa double fonction d’alerte et de critique.
Les apparences sont révélatrices
Ce plan-séquence opère ainsi comme un inquiétant révélateur de la nature du macronisme ; il confirme ce que le régime doit à sa com’ d’abord, ingrédient constitutif d’une aventure devenue pouvoir par le biais de circonstances atypiques. Tout exécutif compte sur la gestion des apparences pour légitimer son assise ; mais celui-ci, plus qu’un autre peut-être ces dernières années, tend à faire de la production d’une impression générale le mode opératoire de sa gouvernance au prix d’une représentation toujours plus en décalage avec sa pratique réelle des institutions. C’est ce « gap » désormais qu’illustrent les cas Benalla, Kohler, Nyssen, érodant la scène parfaite que le macronisme, animal attentivement, voire obsessionnellement, communicant entendait ériger à l’instar d’un écran protecteur. Les ultra-violets du retour à la réalité allergisent désormais la peau de l’exécutif. Ce tournant n’est pas qu’estival ; il est avant tout quinquennal, basculant et précipitant le mandat dans cette zone d’inconfort retrouvé qui rappelle que la politique, une fois qu’on la dissocie de la com’, est in fine l’art douloureux de la controverse permanente ! Rattrapé par ce qu’elle avait prétendu dénoncer, combattre et dépasser, la majorité est désormais confrontée à ses contradictions existentielles. Parions que la « com’ pol’ » risque de constituer un onguent bien incertain pour légitimer jusqu’au bout du mandat une pratique du pouvoir aussi éloignée de ses promesses initiales…
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