Sommés de choisir entre Mélenchon qui promet à ses électeurs l’harmonie universelle et le flou entretenu par Elisabeth Borne et sa majorité sur les sujets identitaires, les citoyens français pourraient bien préférer aller à la pêche qu’aux urnes au second tour.
Les résultats du premier tour des Législatives tombent et tous les commentateurs expliquent que l’on assiste à un retour de la gauche, alors même qu’en nombre de voix, celle-ci ne fait pas mieux qu’en 2017 si on additionne les résultats de ses composantes. Mais comme cela fait bien longtemps que la réalité des faits est niée et qu’un bon communicant peut durablement installer dans les médias une représentation mensongère pour peu qu’elle soit bien emballée, les leaders des deux alliances arrivées en tête, Nupes et Ensemble, déroulent leurs éléments de langage sans s’attarder trop sur ce qui fait le seul intérêt de ses élections : la claque démocratique d’une abstention devenue majoritaire et qui est le seul parti à constater l’existence d’une dynamique, celle du rejet.
Mélenchon le gourou
Alors que ces législatives ont été marquées par une indifférence que traduit la participation, les rentiers de l’échec démocratique, côté gauche de l’échiquier, ont l’air vraiment de croire que le génie de l’histoire s’exprime à travers eux. Je viens d’entendre le discours de Jean-Luc Mélenchon qui ne se sent plus de joie et parait perdre toute décence commune tant son messianisme outrancier parait décalé par rapport à ce que nous vivons collectivement. Comme dans une secte New Age, enfermé dans sa vision prophétique, il promet l’harmonie universelle entre les hommes dans un mélange d’exaltation délirante, d’autosatisfaction et de délire gauchisant. Ce n’est pas le frisson de l’histoire que l’on ressent en l’écoutant, mais l’infatuation d’un ego libéré de tout surmoi.
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Je viens aussi d’écouter celui d’Elisabeth Borne. Au moins nous épargne-t-elle l’exaltation, mais c’est pour sombrer dans la dramatisation ridicule. Une dramatisation qu’elle peine à incarner faute de charisme et de fond. Pour autant, nous avons à nouveau droit à un numéro de claquettes sur les extrêmes pendant qu’elle essaie de faire passer Ensemble pour une alliance garante de la laïcité et de la République. Le moins que l’on puisse dire est que la posture est tout sauf crédible !
Arrivistes à tous les étages
Certes LFI et la Nupes sont clairement anti-laïques, mais les amis du président n’ont pas grand-chose à lui envier quand ils vont chasser sur les mêmes terres du clientélisme communautariste. LFI, le moteur de la Nupes, comme EELV et une partie du PS, sont proches des islamistes dont ils reprennent les éléments de langage et les codes (défense du voile par exemple), ils accusent la France de racisme systémique tout en ne réfléchissant qu’en fonction des couleurs de peau ; ils font de la police, une cible et en appellent à la violence politique dès qu’un résultat les contrarie. De là à essayer de faire passer pour la quintessence de l’esprit français, les amis d’un président qui est allé racoler dans les banlieues en tenant un discours complaisant, a expliqué que le voile était quasiment un insigne féministe et a fini par nommer un woke, qui lui aussi accuse l’état de racisme systémique, à l’Education nationale ; il fallait oser. Bref, une fois de plus on assiste aux noces de la médiocrité et de l’absence de représentativité. On aimerait s’en moquer mais c’est hélas la France et les Français qui vont faire les frais de cette sinistre comédie.
Tout cela ne promet que des lendemains qui déchantent. Entre la Nupes qui réunit tous les arrivistes se réclamant de la gauche woke et Ensemble qui réunit les arrivistes du centre, on voit mal comment ces coalitions sans âmes ni projets pourront tenir, qu’Ensemble ait une majorité réelle ou relative.
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C’est un désaveu pour Emmanuel Macron, mais cela s’explique parfaitement. Quand on force la main d’une population en l’obligeant à voter par la diabolisation de ses adversaires, on court le risque que pour se venger, les électeurs règlent leur compte au moment des législatives. Le problème, c’est quand le seul bulletin efficace pour contrer le président nouvellement élu est le bulletin d’un mouvement islamogauchiste, qui a remplacé la lutte des classes par la guerre des races. En effet, le vernis social que la Nupes met en avant n’est qu’un attrape-gogo. Ce qui fait la force de cette alliance sont les revendications identitaires, et non sociales. Sur ce dernier plan, rien n’a été travaillé ni construit. Tout et n’importe quoi est promis car il s’agit de rallier les derniers naïfs et idéalistes pour les mettre au service de la haine identitaire en leur faisant croire qu’ils contribuent à renforcer la demande de justice sociale. Nombre d’électeurs de gauche ne sont pas dupes et ont déserté les urnes.
L’abstention majoritaire
Mais la réalité c’est que ni Ensemble, ni la Nupes n’ont convaincu la majorité des Français. Ceux-ci ont considéré que ces deux propositions ne correspondaient pas à leurs attentes. Ils se sont donc abstenus.
Une fois encore, des gens qui ne représentent pas grand-chose vont pouvoir jouir de l’intégralité du pouvoir que leur conférera leur titre de député alors qu’ils n’incarnent qu’une impasse pour une majorité d’électeurs. Paris et la région parisienne ont été un viatique pour des zozos radicaux (Sandrine Rousseau, Danièle Obono, Aymeric Caron…) qui laissent sans voix une majorité des Français pour qui la capitale devient un lieu à part d’où le bon sens est exclu dans un entre-soi de plus en plus décalé. Quels que soient les résultats du second tour, cette chambre des députés sera élue tout à fait légalement, mais elle manquera de légitimité faute de représentativité. Et cela n’est pas près de changer. Il y aurait bien une solution : annuler le scrutin quand une majorité d’électeurs refuse de se déplacer, le tout en interdisant aux candidats qui n’ont su intéresser personne de se représenter à cette élection.
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Cela obligerait les partis à cesser d’investir sur le clientélisme pour renouer avec l’intérêt général.
Aujourd’hui, bien cibler sa clientèle et ne pas se soucier du bien commun est un avantage compétitif, voilà pourquoi faute de ce courage-là on continuera à alimenter la crise démocratique et à faire la carrière de trop d’inutiles…
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