La mairie de Paris communique sur tout ce qu’elle fait, même sur les sujets les plus insignifiants. Il y a quelques semaines, l’inauguration du poulailler de l’Hôtel de Ville avait donné lieu à une avalanche de tweets. Alors lundi matin, on pouvait s’étonner que l’organisation de la 14e nuit du Ramadan n’ait donné lieu à aucune communication officielle. Pas un mot sur le site de la mairie, pas un tweet d’Anne Hidalgo – pourtant très prolifique en général sur le réseau social –, pas un article plus long que celui du Parisien. Pour s’assurer que cette nuit aurait bien lieu, il fallait aller sur les sites de « défense de la laïcité » qui, eux, s’en donnaient à cœur joie. Sans Valeurs Actuelles, le Figaro et le Front National, lanceurs d’alertes d’un nouveau genre, on aurait pu passer à côté de l’événement.
Histoire de me faire une idée plus précise de cette fête de l’islam, que j’imaginais a priori sympathique et dont je souhaitais rendre compte à mes lecteurs, j’ai décidé de m’y rendre. Respectant le protocole habituel, j’ai appelé le service presse de la mairie de Paris qui m’a prié de faire une demande par mail. Quelques heures plus tard, sans réponse à ce courrier, j’ai décroché à nouveau mon téléphone. On m’a alors confirmé que ma demande était acceptée et que les organisateurs en étaient informés. Bien que le site de la mairie de Paris ne propose pas d’accréditation (alors qu’elle en propose aujourd’hui pour l’inauguration du « Cargo », nouveau fleuron des incubateurs, ou encore le lancement de l’appli Soundcity), on m’a fait comprendre que les journalistes étaient les bienvenus, et même autorisés à prendre des photos.
Le soir venu, arrivé devant l’Hôtel de Ville, je me suis donc présenté comme journaliste. L’attachée de presse, une jeune femme sympathique, est venue à ma rencontre et m’a demandé pour qui je travaillais. En entendant le nom Causeur, elle a fait une imperceptible grimace et m’a assuré qu’elle était « navrée » mais qu’aucune accréditation n’était disponible. Tentant d’obtenir des explications, je n’ai eu droit qu’à des réponses évasives avant d’être renvoyé sans méchanceté, mais sans la moindre justification non plus.
Hier matin, j’ai rappelé le service de presse pour avoir plus d’informations. On m’a expliqué que l’attachée détenait le dernier mot. On n’était pas en mesure de m’expliquer ce qu’était devenue ma demande, de me dire s’il y avait eu des accréditations, ni ce que faisait une attachée de presse devant l’Hôtel de Ville si les journalistes avaient interdiction d’y entrer. Le secrétariat n’était visiblement au courant de rien.
Quelques heures plus tard, mon chef a tenté à son tour d’obtenir des informations de la part du service de presse. L’homme qui lui a répondu a alors bafouillé qu’il n’était « qu’un simple secrétaire », qui ne faisait « que répondre au téléphone » et ne pouvait nous renseigner. Il nous a alors proposé de parler à l’attachée de presse mais, après deux minutes de musique d’attente, on nous a informés qu’elle n’était pas disponible. Le secrétaire a pris notre numéro de téléphone et promis de le transmettre à sa patronne qui rappellerait « d’ici ce soir ». Nous n’avons toujours pas eu de réponse.
Première explication à cette opacité : mon mail s’est perdu entre deux ordinateurs, comme ça arrive fréquemment. Deuxième explication (très saugrenue je vous l’accorde) : l’attachée de presse aurait été chargée d’organiser le silence autour de la Nuit du Ramadan.
Dans cette dernière hypothèse, on pourrait mettre au crédit de la mairie de Paris le fait que ce genre d’évènement devient immanquablement le défouloir de toute une frange de l’opinion. Des laïcards de circonstance à laquelle elle préfère prudemment fermer les portes, plutôt que de suivre la règle de la transparence qui est pourtant « au cœur du pacte républicain » selon Mme Anne Hidalgo.
L’ennui c’est que quelque chose dans ce plan a dû foirer. En voulant couper tout accès à un évènement qui devrait être public (quoi de plus convivial et fédérateur qu’une fête ?), on ne fait qu’encourager les fantasmagories de ses pires détracteurs. Et décourager, chez ses rares défenseurs, toute velléité de dédramatiser une soirée qui se résumait à un concert et un petit dîner. Les plus fermés ne sont pas toujours ceux que l’on s’imagine.
Quant à moi, qui espérais me régaler de pâtisseries orientales, je m’en suis retourné ce soir-là à la Chapelle où quelques restaurants vendent des baklavas pour un euro cinquante. A tous, même aux journalistes.
*Photo : Wikimedia Commons
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