Ils sont venus, ils sont tous là, les ersatz de Mai 68, les zadistes professionnels, les écolos sans logis, les enfants perdus de la République. Tous privilégiés d’un système dont ils mâchouillent l’enseignement sur les bancs d’universités vidées de leur sens par un gouvernement – dixit notre inénarrable ministre de la sous-éducation – qui n’a de cesse de traquer le curé sous les costumes noirs des hussards de la République. C’est le sens qu’elle donne au mot « laïcité ». Avec toute la violence dont est capable un égaré incapable de lire son chemin sur une boussole. C’est le sens que je donne à « déboussolés qui nous gouvernent ».
Ils sont venus, ils sont tous là, leur manuel du parfait révolutionnaire à la main, exhibant l’apparente bonhomie peace and love d’un autre temps et le vide placardé sur leur avenir. Rien n’est construit pour demain dans leurs esprits, mais ils chantent, débattent, « commissionnent » sur tout et surtout rien, se rencontrent, se reconnaissent, se félicitent. Il suffit de quelques slogans creux et puérils pour s’imaginer édifier un futur.
Autour d’eux, pourtant, c’est tout autre chose : comme des fauves tapis dans l’ombre des nuits de boue, rôdent les casseurs sans frontières. Qui n’ont d’autre but que détruire, car pour eux tout ce qui est bâti n’est que le sas d’une prison pour l’humanité tout entière. Hordes d’une autre mondialisation, génération spontanée du massacre et des ruines, métastases mortelles d’un cancer installé dans la démocratie : celui de la liberté individuelle à tout prix.
Mais peut-on être démocrate avec qui ne l’est pas ? Alors, tous les jours et depuis tant de jours, c’est à Paris l’occupation improbable et exponentielle d’une place comme par hasard de la République, et des centaines de riverains bloqués chez eux dans cette néo-réalité républicaine qu’est le laxisme, l’abandon de toute responsabilité, le petit calcul politicien. La soumission idéologique. Et les maladies virales étant toujours contagieuses, voici Nantes, Rennes et tout ce que l’on tait, la main sur le cœur, pour ne point effrayer le bailleur de fonds qui dort en tout citoyen. Lequel, au bout du compte, a peur, creuse les tranchées de sa colère dans des pulsions de mort de moins en moins refrénées et paye avec ses impôts la note de l’inconséquence que l’on a portée au pouvoir. Car l’urne du vote est trop souvent l’urne de ses propres cendres.
Réfléchissons quelques instants au grand cirque du n’importe quoi que les gros bras gouvernementaux laissent s’installer dans nos rues et imaginons ce qui peut bien se passer dans la tête des terroristes qui nous observent. Voici un pays frappé par la foudre de la terreur islamique qui décide à grand fracas médiatique de verrouiller sciemment ses libertés fondamentales pour se prémunir de la mort annoncée. On décrète l’état d’urgence, on étale sa police, sa gendarmerie et son armée sur tout le territoire, on interdit les manifestations ludiques les plus susceptibles d’attirer les tueurs. Pourtant, alliances politiciennes exigeant, la moindre petite loi contestée peut toujours déclencher des copies-collées de notre inénarrable « Révolution de Mai 68 », avec blocage de rues, défilés agressifs, affrontements avec nos forces de l’ordre, provocations en tous genres se souciant comme d’une guigne de la loi comme du danger. Et bien sûr, les deux déclinaisons habituelles : systématiques dégradations publiques et privées d’une part, volonté de blesser physiquement, et plus encore si manque d’affinité, nos policiers et gendarmes qui hier encore étaient Charlie, d’autre part ! Tout ceci échappant, on ne sait par quelle argutie, au concept d’état d’urgence.
On croit rêver ! C’est, juste avant le jour de cendres, le petit matin des poltrons et des minets. Ceux-là même qui roulent des mécaniques devant leur miroir idéologique mais s’écrasent platement devant les réalités. Envoyant sans état d’âme au casse-pipe des fonctionnaires de la défense nationale, censés ne pas contester les ordres reçus et ne pas exprimer leur propre opinion. Ce que font pourtant allègrement ceux qui les affrontent, contester l’ordre de la démocratie et faire vibrer une opinion qui n’en admet pas d’autres. Mais que voulez-vous, réélection oblige quelques petites entorses à la logique, exige de passer sous le joug des alliances politiciennes. Réélection est mère du pouvoir.
Mais la désolation va au-delà. Voilà des voix qui s’élèvent dans le Parti socialiste et chez ses élus pour contester la faiblesse et l’irrésolution du gouvernement et de son mentor élyséen. Un gouvernement dont l’hypothermie est inquiétante : 49.3 le matin ! Les voix brandissent lors devant lui l’épée de Don Quichotte, mais c’est l’âne de Sancho Pança qui lancera le dernier braiement et les voix rentreront sagement dans leurs moulins. Fin de l’incident. On peut retourner aux apéros dominicaux. La faiblesse replie ses ailes. L’agonie se donne quelques jours de plus. Le micron présidentiel peut reprendre le chemin des micros avec sa bonne parole et les sans-dents respirer l’irrespirable. Autant qu’il est possible dans une atmosphère de cendres. Mais jusqu’à quand le mensonge ? Mais jusqu’à quand l’inconséquence ? Mais jusqu’à quand l’affaiblissement du pays, l’appauvrissement des citoyens et le supplice de nos valeurs ? Mais jusqu’à quand vendre ses souverainetés, nationale et individuelle, aux minorités donneuses de leçons démocratiques ?
Pascal disait : « Il faut que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste. » J’ai peur que, désormais, ce qui est juste ne le soit même pas alors que ce qui est fort ne le sera que trop. Nous entrerions définitivement, tête première et col découpé, dans la République des victimes et des bourreaux.
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