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NPA, ça le fait pas


NPA, ça le fait pas
Olivier Besancenot (photo looking4poetry, flickr.com).
Olivier Besancenot (photo looking4poetry, flickr.com).

Certes, les sondages ne valent jamais que ce qu’ils valent, mais là ils concordent tous et semblent refléter une tendance réelle : selon toute vraisemblance, dimanche soir, le Front de Gauche (PCF et PG de Mélenchon) aura gagné, un an après les européennes, une nouvelle manche du bras de fer qui l’oppose au NPA. Or, a priori, c’était pas du tout cuit.

Souvenez-vous, c’était il y a peine deux ans et demi, au sortir du premier tour de la présidentielle. Le petit facteur issu de ce qui était encore la LCR venait d’humilier ce qui fut autrefois le grand parti des travailleurs, en mettant deux points dans la vue de son inconsistante candidate. Fort de quoi Olivier avait annoncé illico son intention de capitaliser son score – et son fort potentiel d’attendrissement médiatique – en fondant un grand parti unitaire à gauche de la gauche. À l’époque, aucun analyste ne donnait trop cher de la peau du parti communiste qui, outre ses tares bien réelles, sentait trop son monde d’avant pour ne pas être automatiquement condamné à disparaître en moins de temps qu’il n’en faut pour boucler (mais non, j’ai pas dit bâcler) un édito de Libé.

Exit donc la LCR, place au NPA. On allait voir ce qu’on allait voir. Eh bien, on a vu. Et on y verra encore plus clair dimanche à 20 heures. Mais d’ores et déjà le pari est perdu. Que le NPA fasse 2 %, 3 %, voire 3,5 % des voix n’y changera rien : le soufflé est retombé, le ressort est cassé. Qu’est-ce qui donc foiré dans le plan de bataille de feue la Section Française de la Quatrième Internationale ? Plusieurs choses, qu’on livrera à peu près dans l’ordre, pour une fois.

Il y a tout d’abord les errements, voire les reniements qui ont accompagné le rebootage du logiciel trotskyste, et qui l’ont grillé auprès de nombre de ses électeurs et militants putatifs. Chacun aura bien sûr immédiatement à l’esprit la pitoyable affaire de la candidate voilée dans le Vaucluse, et ce qu’elle peut laisser présager de pire : un flirt poussé, comme c’est déjà le cas en Grande Bretagne avec les islamistes, au nom bien sûr de l’anti-impérialisme et de la lutte contre la stigmatisation. Témoin de cette pente savonneuse, mardi dernier, en meeting à Lille, Besancenot en a remis une couche dans le registre barbu-compatible en déclarant que le Quick halal de Roubaix était la dernière de ses préoccupations. Les tiennes, peut-être Olivier, mais celles du bon vieux prolo en colère, laïque et républicain, toujours. Faut croire qu’on s’en fiche un peu de celui-là. Tout comme on se fout des féministes pas vraiment portées sur le hidjab. Tout ça pour aller courir après un fantasmatique électorat « des quartiers ».

On trouve le même mépris dans le traitement des valeurs historiques de la gauche – et de l’extrême-gauche, au passage – dans l’attitude du NPA vis-à-vis des syndicats, et plus spécialement de la CGT, systématiquement dénigrée lors des conflits sociaux de cette dernière année. Peu importe, en l’instance que les critiques de mollesse faites à Bernard Thibaut soient fondées ou pas. Ce qu’on est obligé de constater c’est que ces procès en sorcellerie ont déclenché un réflexe défensif chez les syndicalistes les plus combatifs, ce qui est fichtrement contreproductif quand on veut construire un parti anticapitaliste. Oui mais c’est un nouveau parti. Et le syndicalisme, comme la laïcité ou même le féminisme, c’est rien que des trucs de vieux.

Corollaire logique de ces divagations, le sectarisme rabique dont a fait preuve le NPA dans la préparation des régionales, celui pour lequel ce 14 mars, il va payer cher. Là encore, la question n’est pas de savoir si le Front de Gauche est coupable ou non des velléités de satellisation par le PS que lui reproche sans cesse le NPA. Le vrai problème c’est que le NPA est aveugle, il fait comme si la dynamique crée par l’alliance PC-PG n’existait pas. Et donc comme si le vote « radical mais utile » devait éternellement jouer en faveur de Besancenot, comme à la présidentielle (où non seulement Buffet, mais aussi Bové et Arlette furent étrillés). Le NPA fait comme si depuis 2007, il était seul sur le marché, comme si il n’y avait plus qu’a se baisser pour ramasser les militants de base du PC, comme si l’irruption de Mélenchon dans sa zone de chalandise n’avait jamais existé. Mauvaise pioche.

Tout cela est d’autant plus étonnant que ce sectarisme et cette cécité sont une donnée nouvelle dans ce courant politique. Globalement, à la Ligue, on se la racontait pas, on ne prenait pas ses désirs pour des impératifs catégoriques. Quiconque a pu discuter avec Krivine, Piquet ou Bensaïd du temps où ils tenaient la boutique pourra le confirmer: on n’avait vraiment pas affaire à des lourdauds. La Ligue était aux antipodes du style incantatoire en vigueur au NPA, on y était, rusé, patient, porté sur l’autocritique, conscient des difficultés et toujours à l’affût de ce qui pouvait rassembler, quitte à être unitaire pour deux.

Il faut croire que ces fondamentaux-là, eux aussi, faisaient vieux jeu, puisqu’on les a oubliés. Aujourd’hui la seule ligne de Besancenot, c’est de jouer les Monsieur Plus vis-à-vis de ceux qui auraient pu être ses partenaires. Et c’est ainsi, de surenchère en surenchère, qu’on en arrive à des Tchernobyl façon Vaucluse : tous les autres ont des candidats « issus de la diversité » ? Et bien nous, on présente une femme musulmane et voilée ! Toujours plus, donc, sauf qu’à l’arrivée il y aura toujours moins d’électeurs.

À force de vouloir nier la complexité, on finit par se manger le réel en boomerang. Le pari de l’Opération Besancenot, c’était de simplifier sa ligne politique à l’extrême pour attirer des électeurs nouveaux dans ce parti nouveau. La déroute du NPA, c’est aussi la défaite du marketing.



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